Hans-Gert POETTERING
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Hans-Gert POETTERING
Adresse: Tel: Internet: 60, rue Wiertz, 1047 Brüssel - Belgien + 32 2 284 2226 http://www.epp-ed.eu Przyszłość Europy Nasze Wartości i Wyzwania The Future of Europe Our Values and Challenges Il futuro dell’Europa I nostri valori e le nostre sfide Le futur de l’Europe Nos Valeurs et nos Défis El futuro de Europa Nuestros Valores y nuestros Desafíos EVP-ED-Fraktion im Europäischen Parlament Dienststelle Dokumentation-Veröffentlichungen-Forschung Die Zukunft Europas Unsere Werte und Herausforderungen Le futur de l’Europe Nos Valeurs et nos Défis Il futuro dell’Europa I nostri valori e le nostre sfide The Future of Europe Our Values and Challenges El futuro de Europa Nuestros Valores y nuestros Desafíos Die Zukunft Europas Unsere Werte und Herausforderungen Hans-Gert POETTERING Veröffentlicht: Hans-Gert POETTERING Przyszłość Europy Nasze Wartości i Wyzwania Fraktion der Europäischen Volkspartei (Christdemokraten) und europäischer Demokraten im Europäischen Parlament Group of the European People’s Party (Christian Democrats) and European Democrats in the European Parliament Groupe du Parti Populaire Européen (Démocrates-Chrétiens) et Démocrates Européens au Parlement Européen Gruppo del Partito Popolare Europeo (Democratici-cristiani) e Democratici Europei al Parlamento Europeo Grupo del Partido Popular Europeo (Demócrata-Cristianos) y de los Demócratas Europeos en el Parlamento Europeo Frakcja Europejskiej Partii Ludowej (Chrześcijańscy Demokraci) i Europejskich Demokratów w Parlamencie Europejskim Sommaire 1) Le futur de l’Europe soixante ans après la Deuxième Guerre mondiale Discours en séance plénière du Parlement européen, Strasbourg, le 11 mai 2005 179 2) Le Réseau Européen d’Idées comme laboratoire d’idées politiques du Groupe du PPE-DE Allocution d’ouverture de la 4e Université d’été de l’EIN, Lisbonne, le 22 septembre 2005 185 Tirer parti de la crise: problèmes, défis, limites et opportunités pour l’Union européenne Adenauer Lecture 2006, St Antony’s College, Oxford, le 25 janvier 2006 191 La liberté d’expression et le respect des convictions religieuses Discours en séance plénière du Parlement européen, Strasbourg, le 15 février 2006 209 Présentation du Groupe du PPE-DE à Sa Sainteté le Pape Benoît XVI Allocution lors de l’audience au Vatican, Rome, le 30 mars 2006 213 L’Union européenne: Valeurs - Politiques - Economie Discours au Centre Universitaire Royal Maria Cristina, El Escorial, le 4 mai 2006 217 Influence des visions de Robert Schuman sur l’Europe d’aujourd’hui Discours à l’université Andrássy, Budapest, le 30 mai 2006 229 La réunification de l’histoire européenne Allocution lors de la journée d’études du Groupe du PPE-DE, Bruxelles, le 8 juin 2006 239 La Roumanie et la Bulgarie sur la voie de l’Union européenne Discours de remerciement à l’occasion de la remise des insignes de Docteur honoris causa à l’université Babes-Bolyai, Cluj-Napoca, le 5 octobre 2006 245 Le rôle de l’Union européenne dans le monde – notre responsabilité transatlantique commune Discours à l’université Harvard, Cambridge (États-Unis), le 10 octobre 2006 253 3) 4) 5) 6) 7) 8) 9) 10) Sélection de discours 175 Curriculum Vitae Hans-Gert Poettering, Député Européen Né le 15 septembre 1945 à Bersenbrück (Basse-Saxe, Allemagne) Juriste Président du Groupe du Parti Populaire Européen (Démocrates-Chrétiens) et des Démocrates Européens (PPE-DE) au Parlement européen Formation Curriculum Vitae > Après le baccalauréat (1966), deux années de service militaire (officier de réserve) > Études de droit, de sciences politiques et d’histoire aux universités de Bonn et de Genève et à l’Institut universitaire de hautes études internationales de Genève (1968-1973) > Séjour d’études à l’université Columbia de New York (1971) > Premier examen d’État en droit (1973) > Doctorat (1974) > Deuxième examen d’État en droit (1976) Activités professionnelles > Assistant universitaire (1976-1979) > Chargé de cours à l’université d’Osnabrück (1989) > Professeur honoraire (1995) Activités politiques > Député au Parlement européen depuis les premières élections directes de 1979 > Président du Groupe du PPE-DE au Parlement européen (depuis 1999) > Vice-président du Parti populaire européen (PPE) > Membre du comité directeur et du bureau fédéral de la CDU > Président de la CDU pour l’arrondissement d’Osnabrück (depuis septembre 1990) > Président de la «Europa-Union Deutschland» (1997-1999) > Vice-président du Groupe du Parti Populaire Européen (Démocrates-Chrétiens) au Parlement européen (1994-1999) > Président de la sous-commission «Sécurité et désarmement» du Parlement européen (1984-1994) > Président du groupe de travail «Conférence intergouvernementale de 1996» du PPE et du groupe parlementaire du PPE (1994-1996) > Président du groupe de travail «Élargissement de l’Union européenne» du PPE et du groupe parlementaire du PPE (1996-1999) Distinctions > Lauréat du Consul Penseler, Artland-Gymnasium, Quakenbrück > Médaille Robert Schuman du groupe du PPE > Croix de commandeur de l’Ordre du Mérite de la République fédérale d’Allemagne > Croix de commandeur de l’Ordre du Mérite de la République d’Autriche > Sénateur européen d’honneur > Médaille d’or du «Mérite européen», Luxembourg > Élu député européen de l’année 2004 par le journal «European Voice» > Doctorat h.c., Université de Babeş-Bolyai, Cluj-Napoca, Roumanie Publications > Adenauers Sicherheitspolitik 1955-1963. Ein Beitrag zum deutsch-amerikanischen Verhältnis, Düsseldorf, 1975; > Die vergessenen Regionen: Plädoyer für eine solidarische Regionalpolitik in der Europäischen Gemeinschaft (Hans-Gert Pöttering et Frank Wiehler), 1983; > Europas vereinigte Staaten - Annäherungen an Werte und Ziele, 1993 (Ludger Kühnhardt et Hans-Gert Pöttering); > Kontinent Europa: Kern, Übergänge, Grenzen, Osnabrück, 1998 (Ludger Kühnhardt et Hans-Gert Pöttering); > Weltpartner Europäische Union, 2001 (Ludger Kühnhardt, Hans-Gert Pöttering); > Von der Vision zur Wirklichkeit. Auf dem Weg zur Einigung Europas, Bonn, 2004. Sélection de discours 177 Le Futur de l’Europe soixante ans après la Deuxième Guerre Mondiale Discours en séance plénière du Parlement européen, Strasbourg, le 11 mai 2005 Monsieur le Président, Monsieur le Président en exercice du Conseil européen, Monsieur le Président de la Commission, Mesdames et Messieurs, Le Futur de l’Europe soixante ans après la Deuxième Guerre Mondiale Discours en séance plénière du Parlement européen, Strasbourg, le 11 mai 2005 En 1945 - il y a soixante ans - l’Europe était un champ de ruines. Une guerre barbare avait fait plus de 55 millions de morts, des millions et des millions de déracinés, de réfugiés ou de déplacés. Des parents ont perdu des enfants, des femmes ont perdu leur mari, des enfants ont perdu des pères. A la fin mars 1945, mon propre père, soldat de deuxième classe dans l’armée de terre, était porté disparu. Ce n’est que bien plus tard que nous avons appris qu’il figurait parmi les morts. Je ne l’ai jamais vu. En 1945, de nombreuses villes européennes étaient dévastées; l’économie européenne était ruinée. Dans le monde, le nom de l’Europe suscitait la crainte et l’effroi. La responsabilité du déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale ne fait pas de doute: le régime national-socialiste illicite en Allemagne a attisé ses illusions raciales et ses revendications de pouvoir dans un enfer d’agression contre tous les autres peuples d’Europe. La tentative d’extermination des Juifs devait être le pire de ses crimes. Le totalitarisme national-socialiste a conduit l’Europe toute entière à la ruine. Lorsque la fin est arrivée, en 1945, le peuple allemand figurait lui-même parmi les victimes, au moment où les vainqueurs étaient peu nombreux sur le terrain. Au lieu de vainqueurs, il y avait des survivants, certains chanceux et d’autres malheureux; les premiers à l’Ouest et les autres en Europe centrale et orientale. L’aide prévoyante des Américains a permis à la vie de renaître à l’ouest du continent, avec la liberté, le respect pour la dignité humaine, la démocratie et une économie de marché fondée sur le droit. Comme on vient de nous le rappeler, c’est Winston Churchill qui a esquissé la vision des Etats-Unis d’Europe - et permettez-moi d’ajouter que l’Europe ne serait pas complète sans la Grande-Bretagne. Après 1945, l’Europe est ressuscitée à partir de la côte atlantique. Ses peuples, épuisés mais heureux de pouvoir recommencer dans la liberté, se sont rassemblés. Robert Schuman est passé à la postérité et sera toujours honoré pour avoir tendu la main aux Allemands et les avoir invités à se joindre à ce nouveau commencement. Sans la magnanimité des Français, l’Europe ne serait restée qu’une idée creuse - permettez-moi de dire que, maintenant que l’Union européenne connaît un autre nouveau commencement avec une constitution unique, l’Europe aura besoin que la France soit plus que jamais impliquée de manière constructive à l’avenir. (Applaudissements) Sélection de discours 179 Le Futur de l’Europe soixante ans après la Deuxième Guerre Mondiale Discours en séance plénière du Parlement européen, Strasbourg, le 11 mai 2005 En 1945, les peuples d’Europe centrale, orientale et du sud-est espéraient, eux aussi, un nouveau commencement. Ils espéraient avoir la chance de vivre en liberté et en paix, comme les peuples qui appartenaient à la même culture européenne. Ils ont fait l’amère expérience que la paix sans la liberté n’apporte qu’une libération partielle du joug de l’injustice totalitaire. Leurs espoirs ont été réduits à néant par la prise de pouvoir des soviétiques. Bien que le totalitarisme du national-socialisme ait été vaincu en 1945, le totalitarisme stalinien a divisé l’Europe et imposé sa loi injuste aux populations d’Europe centrale, orientale et du sud-est. Toutefois, les survivants moins heureux de la Deuxième Guerre mondiale n’ont pas perdu espoir - l’espoir d’une Europe partagée, intellectuellement, moralement et politiquement renouvelée, avec la perspective de la prospérité pour tous ses citoyens. Ils ont finalement donné forme à cet espoir par une révolution pacifique, dont le mot d’ordre a été Solidarność. Il aura fallu des décennies pour abattre le mur. (Applaudissements) Elu à cette Assemblée depuis les premières élections européennes directes en 1979, je vois le débat d’aujourd’hui - que nous tenons en même temps dans la dignité et avec la gravité qui lui sied - comme une occasion de se réjouir de l’unité de l’Europe, une occasion de se réjouir aussi en présence de représentants de huit pays d’Europe centrale, qui jouissent des mêmes droits que nous. (Applaudissements) C’est en 1989 que le double fardeau du totalitarisme a disparu d’Europe. 1989 nous a appris le pouvoir des valeurs de l’Europe pour nous tous et combien nous devons compter sur l’exemple d’hommes et de femmes courageux pour conserver notre liberté. Après 1989, l’Europe a pu respirer à nouveau avec ses deux poumons, pour reprendre l’expression de ce grand pape dont nous nous souviendrons toujours, Jean-Paul II. (Applaudissements) Les peuples d’Europe occidentale ont accompli un travail précieux, indispensable pour préparer ce jour. Ce qu’ils ont fait durera. La création de l’Union européenne, aux valeurs communes, centrée sur la dignité humaine, l’union supranationale dans une communauté libre avec ses propres lois contraignantes a été la réponse résultant de l’occasion offerte par la fin de la guerre. L’unification européenne est un projet de paix et de liberté. 180 Sélection de discours Tous les Européens ont à présent la chance et le devoir de parcourir le chemin que leur offre une Europe réunifiée. Ensemble, nous sommes aujourd’hui engagés dans la construction d’une Europe qui défend ses valeurs pour le bien de tous ses citoyens. L’Europe peut apporter à présent une seule réponse à la guerre et au totalitarisme, en accélérant le pas vers l’Union européenne des peuples et des Etats, avec persévérance, conviction intérieure et acceptation de la diversité, qui fait la force et la splendeur de l’Europe. Le débat actuel sur la Constitution européenne est une grande occasion pour nous de nous rappeler ces aspects fondamentaux, car, pour la première fois dans l’histoire de l’Europe, nos valeurs et nos idéaux sont inscrits dans une constitution. L’Europe n’est pas une simple construction politique, mais un espace de vie intellectuel. C’est pour cette raison que la réponse à la terrible guerre, dont nous commémorons la fin aujourd’hui avec gratitude, se devait d’être une réponse morale, un «plus jamais ça» contre l’absence de liberté qui conduit à la guerre, un «plus jamais ça» contre la guerre qui prive les hommes de leur liberté. Voilà qui résume la motivation de la construction d’une nouvelle Europe, une Europe qui rejette le totalitarisme, l’arrogance nationaliste et l’inhumanité égalitaire, une Europe qui refuse qu’un de ses Etats domine les autres, une Europe qui affirme la dignité caractéristique de chaque personne, l’équilibre des intérêts des groupes sociaux et des peuples, une Europe du respect et de la diversité, qui tire sa force de cette diversité, une Europe de la démocratie et du droit. La réconciliation intérieure a fortement progressé: réconciliation des peuples et des Etats d’Europe. Nous voulons - et nous devons - achever ce travail de réconciliation interne, comme nous voulons aussi nous réconcilier avec le peuple de Russie et les peuples de la Fédération de Russie. Dans cette période de notre histoire qui commence, l’Europe devra néanmoins chercher la réconciliation dans le monde et avec le monde qui nous entoure plus que par le passé. Les guerres de l’Europe se sont transformées en guerres mondiales. L’unification de l’Europe doit profiter au monde. Nous devons être reconnaissants aux députés de cette Assemblée - et je souhaite remercier mon collègue M. Brok en particulier - qui ont rédigé une résolution qui exprimera, demain, nos valeurs. Nous nous souvenons en ce moment de toutes les victimes de la Deuxième Guerre mondiale, de toutes les souffrances et destructions. Nous rappelons combien la paix et la liberté vont ensemble et que notre travail doit servir à l’humanité, en commençant par la promotion du dialogue interculturel. Sélection de discours 181 Le Futur de l’Europe soixante ans après la Deuxième Guerre Mondiale Discours en séance plénière du Parlement européen, Strasbourg, le 11 mai 2005 Là où ce dialogue avec le monde donne ses fruits, nous défendrons les valeurs qui nous soutiennent dans notre marche vers l’avenir. C’est en cela que cette journée du souvenir peut nous donner une nouvelle mission, nous faire travailler ensemble pour construire un monde meilleur - un monde plus pacifique et un monde plus libre. (Vifs applaudissements) 182 Sélection de discours Sélection de discours 183 Le Réseau Européen d’Idées comme laboratoire d’idées politiques du Groupe du PPE-DE Allocution d’ouverture de la 4e Université d’été de l’EIN, Lisbonne, le 22 septembre 2005 Merci beaucoup Luís (Marques Mendes) et Wilfried (Martens) d’être parmi nous aujourd’hui et pour vos propos flatteurs à l’égard de notre Groupe politique et du Réseau européen des idées. Le Réseau Européen d’Idées comme laboratoire d’idées politiques du Groupe du PPE-DE Allocution d’ouverture de la 4e Université d’été de l’EIN, Lisbonne, le 22 septembre 2005 En tant que Président du Groupe du PPE-DE – le plus grand groupe politique du Parlement européen – j’ai le grand plaisir de vous souhaiter la bienvenue à la session d’ouverture de la quatrième Université d’été 2005 du Réseau européen des Idées. Je me réjouis de vous voir, ce matin, si nombreux parmi nous. Il s’agit de notre quatrième Université d’été – après Oxford, El Escorial et Berlin. Certains d’entre vous se rappellent sans doute de notre première rencontre à Oxford il y a trois ans de cela; 150 personnes venues d’une douzaine de pays se retrouvaient au début d’une journée des plus intéressantes et passionnantes. Ce week-end, ici à Lisbonne, nous serons plus de 300 personnes venues de 30 pays, toutes rassemblées par notre désir commun de débattre de politique et d’idées entre amis politiques. Le Réseau européen des Idées est une initiative politique importante de notre Groupe. Nous avons tenté de lancer – j’ose croire jusqu’ici avec succès – une initiative unique en son genre: un réseau de réflexion («think tank») à l’échelle de notre continent. Ce réseau se veut promoteur d’un débat d’idées stimulant et de nouveaux concepts sur les problèmes clés auxquels sont confrontés les pays de l’Union européenne. L’élargissement et l’approfondissement du Réseau européen des Idées traduisent la volonté des leaders d’opinion et des décideurs politiques en Europe – qu’ils soient issus des milieux politique, d’affaires, académique, de groupes de réflexion ou des médias – de débattre ensemble des grandes questions de politique économique, sociale ou étrangère de notre temps. Nous sommes particulièrement heureux de voir se joindre à nous des représentants appartenant à plus de 40 groupes de réflexion – qui collaborent désormais avec l’EIN au niveau paneuropéen. L’année dernière, à Berlin, nous avions réuni ces amis pour la première fois. Maintenant, ils contribuent à créer une communauté de penseurs sûrs d’eux, capables d’exercer une influence directe sur le processus politique. Pour la politique européenne de centre-droite, l’EIN est déjà devenu un générateur d’idées politiques important. Notre propre Groupe considère sa contribution comme très utile. Sélection de discours 185 Le Réseau Européen d’Idées comme laboratoire d’idées politiques du Groupe du PPE-DE Allocution d’ouverture de la 4e Université d’été de l’EIN, Lisbonne, le 22 septembre 2005 De plus en plus, comme l’a évoqué Wilfried Martens, les partis du PPE au niveau national partagent eux aussi ce sentiment. Au Parlement européen, le centre-droite est devenu la force dominante dans l’élaboration des politiques. Ce pouvoir dont nous disposons en l’occurrence, nous souhaitons - et nous tentons - de l’utiliser à bon escient. L’EIN constitue un instrument de réflexion qui peut nous aider à effectuer les bons choix pour l’Europe. Dans les Etats membres, la situation est toutefois moins évidente. Les résultats décevants des élections qui se sont déroulées dimanche dernier dans mon propre pays soulignent la résilience de la gauche qui refuse les changements et exploite les peurs. Peur du changement, peur du futur. En mai, lors des referendums français et néerlandais sur la Constitution européenne, nous avons été témoins du même phénomène, et ce, à maints égards. La peur des forces du marché inhérentes à la modernisation de nos économies, a incité de nombreux citoyens à dire «non» à une constitution qui a réitéré des règles de base en matière de concurrence et de libre circulation établies il y a presque déjà cinquante ans de cela. A mon avis, le Réseau européen des Idées se trouve maintenant à la pointe de la bataille des idées en Europe. Il peut et il doit jouer un rôle prépondérant pour libérer les citoyens de leurs peurs de l’avenir - de la mondialisation et d’un monde interdépendant - et nous aider tous à identifier des solutions potentielles pour répondre à nombre de défis futurs. La stratégie de la gauche européenne consiste à exploiter les peurs des citoyens – et à les amplifier. Quant à nous, nous représentons les forces politiques qui s’engagent à offrir un avenir meilleur, en intégrant le potentiel que représentent les changements économiques et en en diffusant largement les avantages, afin d’offrir à tous les citoyens un meilleur niveau de vie et d’améliorer les performances de notre continent. Voilà le genre de questions auxquelles s’est consacré l’EIN. Comprendre la mondialisation et en tirer le meilleur parti. Faire en sorte que le développement économique de la Chine et de l’Inde devienne une opportunité plutôt qu’une menace. Remédier aux problèmes résultant du changement climatique, ce qui aura non seulement un impact sur la formulation de la politique environnementale, mais aussi sur celle de la politique énergétique, et potentiellement sur notre mode de vie dans son ensemble. Dès lors, il sera nécessaire de réexaminer la question de l’énergie nucléaire - car la crise de l’énergie nous y oblige, et parce que le nucléaire peut avoir un impact positif sur l’environnement. Faire de l’Europe une force pour la liberté et la prospérité dans le monde – en s’engageant en faveur des droits de l’Homme, en faisant progresser le libre-échange et en proposant un partenariat aux pays qui aspirent à devenir des démocraties modernes. La priorité absolue est de «remettre l’Europe au travail», afin d’en finir avec l’ineptie des 20 millions de chômeurs grâce à la libéralisation de nos économies pour créer des emplois et accroître la prospérité. L’évolution démocratique et la crise des retraites nous y contraignent. La gauche ne s’en préoccupe pas. Notre objectif est de mettre au point une feuille de route réaliste pour réussir la réforme économique. Nous voulons mettre l’Europe au travail - mais nous voulons aussi un fonctionnement plus efficace de l’Europe elle-même. Nous étions si sûrs d’avoir trouvé un système d’organisation constitutionnelle propre à renforcer la démocratie et la responsabilité dans l’Union européenne. Désormais, nous devons veiller à ce que le meilleur de la Constitution soit conservé. Il est également indispensable de s’assurer que l’Europe fasse «moins mais mieux»; nous préconisons moins de propositions législatives traitant des problèmes clés avec plus de professionnalisme. Nous devons considérer des solutions qui rendent plus légitimes et plus efficaces l’action des institutions – par exemple, en laissant le Conseil légiférer en public, en l’absence de modification des traités. Les limites de l’élargissement de l’Union - et de sa capacité à intégrer de nouveaux membres - sont aussi des questions à aborder. Une politique efficace de l’UE à l’égard de nos voisins à la frontière s’impose, que la Turquie ou l’Ukraine adhèrent ou pas à l’UE. Heureusement, le Réseau européen des Idées se penche sur ces questions, et bien d’autres encore. C’est pourquoi, comme je l’ai déjà dit, il s’agit là véritablement d’«une idée qui vient à propos». Accepter le défi de l’économie numérique. Tirer parti du marché pour générer une meilleure éducation et de meilleurs soins de santé. 186 Sélection de discours Sélection de discours 187 Le Réseau Européen d’Idées comme laboratoire d’idées politiques du Groupe du PPE-DE Allocution d’ouverture de la 4e Université d’été de l’EIN, Lisbonne, le 22 septembre 2005 Alors maintenant, pour nous tous, le temps est venu de nous mettre au travail - et de commencer à penser autrement. Les thèmes prévus pour aujourd’hui seront débattus dans dix différents groupes de travail. Comme vous le constaterez, nous avons réuni d’éminents présidents, rapporteurs et participants pour mener les discussions au sein de ces groupes de travail. Près de soixante d’entre vous ont aimablement accepté d’animer les débats d’une manière ou d’une autre. Nous vous en sommes tous très reconnaissants. La liste des intervenants dans le cadre de cette manifestation est également des plus impressionnantes. Après le déjeuner d’aujourd’hui, il est prévu une discussion générale sur l’avenir de la politique de centre-droite avec Chris Patten, l’un des penseurs les plus stimulants en Europe. Ce soir, José Manuel Barroso nous fera l’honneur de nous rejoindre pour le dîner; il s’exprimera sur certaines questions de la mondialisation si déterminantes pour notre avenir. Demain matin, José María Aznar mènera une discussion sur les relations transatlantiques, une question cruciale au succès de l’Occident. Et ce n’est pas fini. Vendredi soir, au début de la «Foire aux Idées européennes» (European Ideas Fair), nous aurons le grand privilège d’accueillir, dans le cadre de notre dîner à Sintra, Anibal Cavaco Silva, l’homme qui a conduit le Portugal à l’adhésion européenne et qui est le candidat potentiel de centre-droite aux prochaines élections présidentielles de janvier. Nous aurons encore d’éminents intervenants pour notre foire aux Idées à proprement parler, entre autres Carl Bildt et Bernard-Henri Lévy. Ces journées promettent d’être exaltantes. Tout l’objectif du Réseau européen des Idées est de laisser libre cours aux idées dans un cadre informel, sans préjuger des réponses. J’ai toujours pensé que «les idéalistes sont les plus réalistes». Laissez-nous dégager ensemble de nouvelles idées - et peaufiner les anciennes -, dans le cadre de ce forum international unique auquel j’ai le grand plaisir de participer et que mon Groupe a le privilège de parrainer. Merci beaucoup. 188 Sélection de discours Sélection de discours 189 Tirer parti de la crise: problèmes, défis, limites et opportunités pour l’Union européenne Adenauer Lecture 2006, St Antony’s College, Oxford, le 25 janvier 2006 Introduction Tirer parti de la crise: problèmes, défis, limites et opportunités pour l’Union européenne Adenauer Lecture 2006, St Antony’s College, Oxford, le 25 janvier 2006 Aucune invitation du monde universitaire britannique ne saurait me ravir davantage que l’occasion qui m’est donnée ici de m’exprimer dans le cadre de la Adenauer Lecture du European Studies Centre, au St Antony’s College d’Oxford. Ce n’est pas seulement le grand honneur qui m’est fait de m’exprimer après tant d’éminents intervenants qui se sont succédé depuis de nombreuses années. Il se fait que - pour moi personnellement -, il est particulièrement inspirant de prononcer un discours en hommage à Konrad Adenauer l’un des pères fondateurs de l’Europe d’aujourd’hui, à qui mon pays doit tant - et surtout, ici au European Studies Centre, dans l’une des plus grandes universités au monde. Un jour, on a demandé à l’ancien recteur de l’Université d’Oxford, Roy Jenkins: «Quelle est la différence entre un discours et une conférence? Il répondit: «La conférence est un peu plus longue qu’une allocution, mais pas nécessairement plus intéressante!» En tant que professionnel de la politique, à l’instar de Lord Jenkins, je comprends les dangers de cette distinction, et je m’efforcerai donc d’être aussi succinct et intéressant que possible, tout en gardant à l’esprit qu’il s’agit d’une conférence. Adenauer et Oxford Lors de sa première venue en Grande-Bretagne, à l’invitation de Winston Churchill, en tant que chancelier allemand, en décembre 1951, Konrad Adenauer fit étape à Oxford. Aucun chancelier n’avait plus foulé le sol anglais depuis la visite d’Heinrich Brüning, vingt ans plus tôt. Adenauer ne savait que trop bien ce qui s’était produit au cours de ces deux décennies. Il était disposé à contribuer au renouveau des relations entre l’Allemagne et la Grande-Bretagne, et à s’engager résolument dans le développement de ce que notre hôte de ce soir, Timothy Garton Ash, décrira plus tard comme «un ordre non hégémonique pour toute l’Europe». Adenauer préconisait une Europe dans laquelle jamais plus une nation n’aspirerait à dominer. Il a fait preuve d’imagination et de courage en soutenant la mise en commun supranationale des industries du charbon et de l’acier, avec la création, en avril de cette année là, de la CECA. Il était prêt, lui aussi, à accepter l’idée d’une armée européenne, comme a pu l’être Churchill à un moment donné. Sélection de discours 191 Tirer parti de la crise: problèmes, défis, limites et opportunités pour l’Union européenne Adenauer Lecture 2006, St Antony’s College, Oxford, le 25 janvier 2006 Relatant sa visite de 1951 dans ses mémoires, Adenauer explique que les deux pays avaient été sollicités pour assumer la responsabilité commune de façonner un nouvel ordre en Occident. Il sentit et comprit une certaine réserve du côté de la Grande-Bretagne, à l’idée de bâtir une destinée commune avec l’Europe continentale - une réaction instinctive qu’il a dû trouver décevante, compte tenu de l’attitude de Churchill, qui s’était fait le grand défenseur de l’unité européenne dans l’opposition (de 1945 à 1951). Dans les conversations qu’il a eues avec Churchill et le ministre des affaires étrangères, Anthony Eden, Adenauer avait reconnu qu’une pointe de retenue britannique et de réalisme politique serait toujours utile. Pour sa part, l’Allemagne continuerait dans la voie de l’intégration européenne, avec mesure, «d’une manière réfléchie et sans précipitation, mais avec persévérance et efficacité», avait il précisé. Son passage à Oxford l’a fortement marqué. Il se rendit au Balliol College, où il eut l’occasion de consulter les listes des étudiants qui avaient succombé durant la Première et la Seconde guerre mondiale. Parmi eux, son propre neveu, Hans Adenauer, qui avait poursuivi ses études là-bas à la fin des années 1920. Confronté aux horreurs de l’histoire et au défi de bâtir une nouvelle Europe, Adenauer avait le sentiment qu’«une communauté de culture et de tradition occidentale et chrétienne» unissait nos pays. A Londres, Churchill a demandé à Adenauer s’il pensait que des relations satisfaisantes entre l’Allemagne et la Pologne étaient envisageables un jour. Il est remarquable, même émouvant, de noter que cinq décennies après la visite d’Adenauer, l’Allemagne, la GrandeBretagne et la Pologne sont toutes trois membres de l’Union européenne, et font partie de l’Europe libre, démocratique et unifiée d’aujourd’hui. Réalisations, défis et crises La réalisation politique de l’unité et de l’intérêt commun que nous avons forgée ensemble en Europe depuis les années 1950 est vraiment extraordinaire. En Europe occidentale, nous avons défini une nouvelle culture de partage de la souveraineté qui s’est révélée des plus efficaces, en ce qu’elle permet «l’unité dans la diversité». Ensuite, l’effondrement du communisme a permis la réunification de l’Europe, finalement concrétisée en 2004. Comme l’a observé Milan Kundera, l’histoire de l’Europe de l’Est a été pour la plus grande partie du XXe siècle «un jour et deux nuits», un régime totalitaire venant remplacer l’autre. Maintenant, le cauchemar est derrière nous. 192 Sélection de discours La construction d’une Europe pacifique, coopérative et unie constitue peut-être la réalisation politique la plus sous-estimée de ces dernières années, partout dans le monde. On ne le réalise pas suffisamment, notamment (si je puis me permettre) dans ce pays. Rien n’était moins certain, comme le prouve l’expérience contrastée de l’Asie de l’Est depuis 1945. Il convient dès lors de ne jamais rien tenir pour acquis. Outre cette réussite politique - et évidemment en partie grâce à celle-ci - l’Europe d’aujourd’hui a également progressé aux plans économique et social - en termes de prospérité et de liberté individuelles - comme jamais Adenauer et Churchill n’auraient pu s’y attendre ou ne l’auraient espéré lors de leur rencontre de 1951. Cependant, il est bizarre de constater que, malgré les progrès considérables accomplis dans de nombreux domaines, un grand nombre de nos concitoyens en Europe sont de plus en plus rongés par le pessimisme et la peur, et nombre de décideurs politiques semblent submergés par l’inertie face aux problèmes croissants. L’avenir pèse apparemment lourdement sur nos épaules. Les symptômes de ce malaise sont visibles sur de nombreux fronts. D’abord, la peur de la mondialisation. Ensuite, le refus des réformes économiques. On constate une réticence à considérer de manière résolue les problèmes posés par notre démographie décroissante - qu’il s’agisse des retraites, des soins de santé, des dépenses publiques, de l’immigration et de l’apprentissage tout au long de la vie. Nous traversons une période d’angoisse profonde concernant le changement climatique, et pour toute réponse nous constatons cet étrange refus de prendre des décisions pour remédier au réchauffement de la planète. Il y a un sentiment pernicieux d’insécurité tant au niveau national qu’à l’étranger, alors que nous sommes confrontés à une croissance de la criminalité domestique et à l’apparition du terrorisme international dans sa forme la plus brutale. Tous ces problèmes nous sont présentés au quotidien dans la presse et à la télévision. Je me demande souvent comment les grands dirigeants du milieu du siècle dernier, tels que Churchill ou Adenauer, Truman ou de Gaulle, auraient abordé ces problèmes. Mon instinct me dit qu’ils auraient trouvé les attitudes actuelles trop timorées, voire défaitistes. Ils auraient trouvé les débats d’aujourd’hui trop restreints, manquant d’ambition. Je pense qu’ils n’auraient été marqués par cette culture politique qui, à chaque crise, favorise un raisonnement en termes de limites plutôt qu’en termes d’opportunités. Je pense qu’ils auraient également perçu l’Europe comme une partie de la solution aux problèmes de notre continent et non comme un aspect du problème même. Sélection de discours 193 Tirer parti de la crise: problèmes, défis, limites et opportunités pour l’Union européenne Adenauer Lecture 2006, St Antony’s College, Oxford, le 25 janvier 2006 Beaucoup voient l’Union européenne comme un système en crise, ni plus ni moins. Pour ma part, je reconnais qu’il y a effectivement une crise, mais je vois aussi des perspectives importantes. Le professeur Ludger Kuehnhardt, un ami, qui est d’ailleurs dans l’assistance aujourd’hui, organise - ici même au cours du trimestre - une série de séminaires intitulée «Crises européennes: 1945-2005» Comme le suggère ce titre, on ne peut nier que l’Union européenne s’est construite en réponse aux crises qui ont souvent ponctué son histoire. Comme l’a écrit Timothy Garton Ash, «le projet européen a souvent traversé des crises pour mieux en sortir». Député du Parlement européen depuis 1979, j’ai été un témoin privilégié des hauts et des bas qu’a connus le processus d’intégration. Il n’était pas rare que les avancées majeures - que se soit au plan institutionnel ou politique - soient précédées d’une période d’impasse ou de pessimisme profond, ou qu’un besoin manifeste d’agir tarde à se concrétiser. Il semblerait que souvent la perception même de la crise soit une condition nécessaire, bien qu’insuffisante, pour stimuler la volonté de changement et nous permettre d’avancer. Afin de rompre avec la crise actuelle, il est important de bien percevoir ce que recouvre l’Europe et son potentiel; ce dont elle est capable et ce qu’elle doit faire. Je souhaiterais partager avec vous, ce soir, certaines de mes réflexions. Bien que j’ai été universitaire, mes réflexions sont celles d’un homme de terrain, de quelqu’un qui s’est consacré, pendant la plus grande partie de sa vie d’adulte, à la politique européenne, ayant travaillé au plus près de l’intégration pratique jour après jour. Le défi institutionnel Je commencerai par traiter le défi institutionnel à relever par l’Europe. Je suis tout à fait convaincu qu’aucun d’entre vous ne mènerait une vie meilleure si l’Union européenne n’existait pas. De la même manière, il est clair que tout le monde serait dans une meilleure situation si l’Union européenne était plus efficace, plus démocratique et plus transparente. Et devait rendre des comptes. Un meilleur fonctionnement institutionnel permettrait à l’Europe d’appréhender plus directement les problèmes et les préoccupations des citoyens, et par la même occasion, d’asseoir la popularité et la légitimité de l’Union européenne même. 194 Sélection de discours Au plan institutionnel, on ne peut nier que l’Union européenne connaît aujourd’hui des difficultés, car son action manque de cohérence et qu’elle ne remporte pas l’adhésion. Les dispositions constitutionnelles fixées dans les traités existants ne permettent pas à l’Europe de répondre à ses obligations ni à ses ambitions. Il s’avère cependant que, bizarrement, la population de certains pays est réticente à une réforme de ces institutions, et ce, pour diverses raisons, dont seules certaines ont un rapport avec l’Europe. Le Professeur Vernon Bogdanor de l’Université a évoqué une «déconnexion» entre les citoyens et les institutions européennes. Nombreux sont ceux pour qui ces institutions apparaissent comme (ce qu’il appelle) une «superstructure étrangère» qui n’a pas leur confiance. Le paradoxe est toutefois qu’une réforme institutionnelle permettrait de faire face beaucoup plus facilement aux problèmes rencontrés par les citoyens, et que si elle n’a pas lieu, ces problèmes seront d’autant plus difficiles à résoudre. C’est à juste titre que les citoyens revendiquent une meilleure gestion des affaires européennes à une époque où tant de problèmes revêtent un caractère international - et où une action européenne commune pourrait justement faire la différence; pourtant, beaucoup semblent réticents à l’idée d’employer les moyens justement prévus à cet effet. Aucun projet de réforme des institutions et des procédures de l’UE n’a été mené de manière aussi transparente et consensuelle que celui ayant débouché sur le texte du traité constitutionnel. Bizarrement, l’une des nombreuses raisons à l’origine du rejet de ce texte en France et aux Pays-Bas, était que les citoyens lui reprochaient de ne pas être suffisamment démocratique. Quant aux questions constitutionnelles, je ne peux parler qu’au nom du PPE, qui fait partie du Groupe du PPE-DE. Toutefois, je pense que les éléments clés de la Constitution sont capables de rendre l’Europe soit plus efficace, soit plus légitime, voire les deux à la fois. Ces caractéristiques se manifestent dans le rôle renforcé qu’elle prévoit pour les parlements nationaux, le recours plus systématique à la procédure de codécision entre le Parlement européen et le Conseil des ministres, et l’obligation pour le Conseil de légiférer en public. L’approche est bonne car la Constitution apporterait une simplification dans l’ordre législatif européen, une délimitation plus claire des compétences respectives de l’UE et des Etats membres, une rationalisation de la présidence du Conseil des ministres, la création d’un poste de président du Conseil européen plus permanent, ainsi que d’un poste de ministre des affaires étrangères de l’UE, et l’introduction, pour la première fois, d’une forme d’initiative Sélection de discours 195 Tirer parti de la crise: problèmes, défis, limites et opportunités pour l’Union européenne Adenauer Lecture 2006, St Antony’s College, Oxford, le 25 janvier 2006 populaire paneuropéenne. Il n’y a rien de révolutionnaire dans ces changements apportés au système institutionnel européen, bien qu’ils aillent tous dans la bonne direction. Ensemble, ils confèrent à l’Union européenne un meilleur système de gouvernance. Il est évident qu’aucune amélioration institutionnelle ne saurait à elle seule résoudre du jour au lendemain aucune des grandes questions politiques auxquelles se trouve confrontée l’Union européenne. Mais ensemble, elles peuvent permettre de mettre en place un processus décisionnel à la hauteur des défis à relever. Si vous avez des doutes à ce propos, il suffit de considérer les illogismes et les contradictions contenus dans le traité de Nice avec lequel nous sommes actuellement condamnés à travailler. Quelle suite pour la Constitution? Le texte a évidemment été ratifié par une majorité d’Etats membres de l’UE, qui représentent la majorité des citoyens de l’UE, conformément à leurs dispositions constitutionnelles respectives. D’autres ont décidé de différer leur prise de décision définitive. En ce sens, si le document flotte actuellement dans les limbes, il n’est pas mort pour autant. Le Parlement européen a proposé de réexaminer la Constitution entre 2007 et 2009, au terme de la «période de réflexion» en cours. Le gouvernement allemand projette d’organiser une discussion de fond entre gouvernements sur la Constitution durant sa présidence l’année prochaine. Quant à savoir exactement ce qui mérite d’être conservé ou pas dans le texte existant, les points de vue divergent au sein des gouvernements et du Parlement européen. Pour ma part, j’espère que, quelle que soit la forme précise adoptée, les innovations essentielles qu’il prévoit puissent finalement être ratifiées par tous les Etats membres, et que l’UE dispose de fondations plus rationnelles et crédibles pour mener son action aux plans intérieur et extérieur. Le défi de l’Elargissement Permettez-moi maintenant d’examiner la question de l’Elargissement. Nous avons, à juste titre, entrepris le processus historique d’élargissement afin de réunifier l’Europe telle que nous la concevons. L’entreprise est immense, elle l’a toujours été et elle continue de l’être. Le statut dont jouit l’UE comme modèle de démocratie, de stabilité politique et de relative prospérité fait qu’un nombre croissant de pays situés à l’est aspirent à y adhérer. Chris Patten a toujours défendu l’idée selon laquelle l’élargissement constitue la plus grande réussite de la 196 Sélection de discours politique étrangère européenne. Il a permis d’exporter la démocratie, la stabilité politique et les réformes visant à établir une économie de marché dans les pays candidats. L’Elargissement a toutefois un coût. L’Union européenne n’est pas une organisation internationale comme les Nations unies ou l’OCDE. L’appartenance à l’UE implique un partage formel de la souveraineté dans un large éventail de domaines politiques. Plus il y a d’Etats membres, plus il est difficile de concilier la diversité des intérêts et de trouver des compromis. Voilà en partie ce qui explique la nécessité de réformer nos institutions. La gouvernance commune est surtout fonction du sentiment d’appartenance à une même communauté politique de participants à ce processus. Maintenant, nous allons bientôt nous trouver - pour la première fois - dans une situation où les frontières de l’Union européenne pourraient ne plus correspondre à celles que nombre d’Européens considèrent comme étant celle de l’«Europe». Nous sommes dans une période cruciale. Le futur élargissement à la Turquie, qui a en partie pesé dans le «non» à la Constitution européenne en juin dernier, a mis en relief cette question, tant au niveau national qu’au niveau européen. La question de l’adhésion de l’Ukraine a eu les mêmes effets. Si on dit oui à l’Ukraine, pourquoi pas à la Russie? Un débat passionné s’est engagé sur ce que recouvre la notion d’«Européen». Quelles sont nos valeurs, notre identité? Les pays candidats les partagent-ils? Jusqu’où doivent aller les critères d’adhésion? Je crois que nous devons aborder ce débat honnêtement au lieu d’essayer de nous voiler la face ou de prétendre qu’il n’existe pas. Il ne s’agit pas d’une scène statique. La perspective de l’Elargissement change les pays mêmes qui y aspirent. Nous avons entamé de bonne foi des négociations d’élargissement avec la Turquie, ce qui changera en soi le pays même avec lequel nous négocions. Personne ne peut encore dire si une Turquie en voie de modernisation aura, à plus ou moins dix ans d’ici, progressé suffisamment et assez vite pour prétendre à une place dans la famille européenne. Dans le cas de la Turquie, la situation est d’autant plus complexe que d’ici son entrée - ou juste après - elle serait le plus grand Etat membre de l’UE, mais aussi l’un des plus pauvres, voire le plus pauvre. Elle disposerait ainsi du plus grand nombre de voix au Conseil des ministres, tout en aspirant à être le plus grand bénéficiaire net du budget de l’UE. Cela serait exactement le contraire de la situation que connaît l’Allemagne actuellement. Sélection de discours 197 Tirer parti de la crise: problèmes, défis, limites et opportunités pour l’Union européenne Adenauer Lecture 2006, St Antony’s College, Oxford, le 25 janvier 2006 Ces problèmes soulèvent la question de ce que l’on appelle dans le jargon européen la «capacité d’absorption» de l’Union - le critère le plus négligé des fameux critères d’élargissement fixés à Copenhague. La capacité d’absorber de nouveaux Etats membres a été mise à rude épreuve avec l’admission de dix nouveaux pays en 2004. A mon avis, d’autres élargissements - audelà de ceux qui sont imminents - vont finir par devenir de plus en plus problématiques si la réforme institutionnelle n’a pas lieu. Et même si réforme il y a, ces élargissements poseront encore des difficultés. Compte tenu de tous ces facteurs, ma conclusion est qu’il nous faut considérer avec tout le dynamisme qui se doit la mise au point d’une nouvelle option intermédiaire offrant de facto certains des avantages liés à l’adhésion sans disposer toutefois du statut officiel de membre à part entière en tant que tel. Il s’agit du concept de «partenariat privilégié». Dans un passage mémorable de son dernier livre, «Not Quite the Diplomat», Chris Patten affirme que tout comme la «réconciliation de la France et de l’Allemagne a été la réalisation européenne la plus indispensable et admirable du XXe siècle», «réconcilier l’Occident et le monde arabe, avec une Europe jouant un rôle de pivot, est la principale mission du XXIe siècle» Il poursuit en prônant avec insistance l’adhésion de la Turquie à l’UE. Sur le fond, j’adhère à l’analyse de Chris Patten, mais je trouve la conclusion qu’il tire trop hâtive. Le «pivot» de l’adhésion à part entière à l’UE risque tout simplement de ne pas être suffisant pour supporter le poids de ce rôle immense. Seul le temps le dira. En attendant, il convient de se doter de nouvelles structures et de nouveaux instruments si l’Europe entend assumer la responsabilité majeure de réconcilier l’Occident avec nos différents voisins, à l’est ou au sud. L’agenda politique de l’Europe Les décisions sur les institutions de l’UE et en matière d’élargissement auront un impact décisif sur les contours et la capacité de l’Union européenne dans les années à venir. A condition d’effectuer les bons choix sur ces questions, nous serons en position de force pour répondre aux défis à relever par l’Europe d’aujourd’hui. Cependant, en l’absence à ce jour de décisions claires, l’agenda politique concret à traiter ne diminue pas; au contraire, l’urgence croît de jour en jour. 198 Sélection de discours Il importe que nous continuions à démontrer que malgré les lacunes et les ambiguïtés, l’Europe tient ses promesses aux citoyens. Comme l’a affirmé Tony Blair dans son impressionnant discours devant le Parlement européen, l’été dernier, l’Europe peut, par exemple, à travers son action gagner le soutien populaire nécessaire à la réalisation d’une réforme institutionnelle. L’un des aspects les plus critiques de la crise que traverse l’Union européenne porte sur l’adaptation de notre continent aux nouveaux défis posés à l’ère de la mondialisation. La naissance difficile d’une nouvelle ère impose des changements à travers toute l’Europe. Ces changements sont essentiels tant au niveau de l’UE qu’au niveau des Etats membres. A ces deux niveaux, les dirigeants sont invités à trouver le courage politique de conduire le débat et aux citoyens de reconnaître que toute opportunité implique des risques et qu’on ne peut appuyer le progrès sur des certitudes. Les référendums tenus en France et aux Pays-Bas portaient autant sur ces défis que sur la structure institutionnelle de l’UE. L’Europe est, je crois, un instrument potentiel puissant pour faire face aux défis de la mondialisation. La mondialisation respecte de moins en moins les frontières nationales. Dans le contexte de la mondialisation, nous sommes confrontés à de nouveaux grands problèmes internationaux tels que les réseaux terroristes, les flux migratoires et le changement climatique. Le monde est devenu un marché mondial, ouvert et perméable de biens, d’idées, de communication et même de personnes. Sur ce marché international, la diminution de la population en âge de travailler en Europe contrastera fortement avec la démographie croissante du tiers monde, voire même avec celle des Etats-Unis. La compétitivité de l’Europe dépendra plus que jamais des compétences et de l’aptitude de ses citoyens. L’interdépendance va marquer de manière croissante la politique au niveau européen et au niveau international. La chance de l’Union européenne réside en ce qu’elle peut offrir un cadre adéquat pour élaborer des réponses communes à ces questions. Il faut une Union capable de donner une réponse commune de plus grande envergure aux appréhensions et aux problèmes aux niveaux local, régional et national, grâce à une collaboration à l’échelle continentale. Cette perspective touchera tous les domaines politiques, allant de la politique extérieure à l’environnement, en passant par la sécurité sociale, les soins de santé et les retraites. Sélection de discours 199 Tirer parti de la crise: problèmes, défis, limites et opportunités pour l’Union européenne Adenauer Lecture 2006, St Antony’s College, Oxford, le 25 janvier 2006 Vous serez soulagés d’entendre que je n’aborderai pas toutes ces dimensions ici ce soir, mais je me contenterai d’aborder, si vous le permettez, trois d’entre elles brièvement: la politique étrangère, l’évolution démographique et les réformes économiques. Ces trois domaines politiques ont longtemps relevé de la compétence exclusive des gouvernements nationaux, mais entre-temps, les réalités du monde interdépendant dans lequel nous vivons imposent de plus en plus une action commune. Politique étrangère européenne Prenons d’abord la politique étrangère. En l’occurrence, malgré les défaillances dues à la faiblesse des structures institutionnelles et aux fréquentes divergences de perspective des Etats membres constatées à ce jour, il est important de noter que la politique étrangère européenne émergente n’est pas, en général, aussi inconsistante et inadéquate que d’aucuns détracteurs aiment à le prétendre. L’Union européenne est déjà, et de loin, le plus grand donateur d’aide au développement dans le monde. Elle est très engagée dans la coopération bi régionale avec des forums tels que l’ANASE, Mercosur et de plus en plus l’Union africaine. Ce «pouvoir d’attraction» de l’UE est sans cesse plus déployé dans les régions sensibles du monde. Prenons par exemple le processus de Kimberley qui vise à empêcher le commerce des «diamants sources de conflits», une initiative multilatérale impliquant diverses organisations qui sera présidée en 2007 par l’Union européenne. Prenons aussi le travail réalisé en Europe du Sud-Est, où l’UE a largement contribué à la stabilité et à l’intégration de la région. Et le plus important: le Proche-Orient. Israël et l’Autorité palestinienne ont sollicité une mission de police de l’Union européenne pour surveiller le poste frontière de Rafah entre le bande de Gaza et l’Egypte. C’est la première fois que l’UE a été reconnue dans les deux camps comme un facteur politique fiable dans le cadre de la feuille de route du Quartette. Il s’agit là pour moi d’une percée majeure. Dans le domaine du «pouvoir coercitif» aussi, les résultats sont plus en plus positifs. La stratégie européenne de sécurité de 2003 avait au moins identifié les questions pertinentes, travaillant en parallèle avec les Etats-Unis, et non contre eux. L’accent est mis sur un renforcement systématique de l’interface OTAN-UE. Des efforts notables sont déployés afin de trouver des solutions pour réduire les doubles emplois entre défenses nationales dans 200 Sélection de discours l’UE et de répartir plus efficacement la charge des missions à effectuer. La nouvelle Agence européenne de défense a la capacité d’ouvrir les marchés publics de défense en Europe et d’améliorer les capacités en matière de défense. Cette évolution nous laisse espérer que l’Europe peut jouer et jouera un rôle plus important, plus cohérent et plus responsable dans les affaires du monde, dans le contexte d’un partenariat transatlantique dynamique. L’évolution démographique en Europe Permettez-moi maintenant d’aborder le problème de l’évolution démographique. L’augmentation de l’espérance de vie et la baisse de la natalité ont pour effet que la population en âge de travailler a déjà commencé à baisser dans toute l’Europe, à la fois en termes absolus et par rapport à l’ensemble de la population. Dans l’UE, la population âgée entre 15 et 64 ans va diminuer de 48 millions de personnes entre aujourd’hui et 2050, soit quelque 20 pour cent, alors que la population âgée de plus de 65 ans va, elle, augmenter de 58 millions. Le ratio qui était jusqu’à présent de quatre personnes en âge de travailler pour chaque personne âgée va passer à deux pour un. Il conviendra d’examiner l’impact sur les politiques de ce vieillissement et de cette diminution de la population en Europe, dont le caractère est multidimensionnel et alarmant. Cette diminution de la population active entraînera une croissance économique ralentie, voire une déflation. Les producteurs seront moins nombreux et il est probable qu’une société vieillissante épargne plus qu’elle ne consomme. Les difficultés économiques qu’a connues le Japon au cours de ces dernières années laissent déjà présager d’éventuelles récessions dues au vieillissement. La Commission européenne a récemment annoncé que ces facteurs seraient à eux seuls responsables d’une diminution de la croissance potentielle de l’UE, qui passera de plus de 2 % par an à l’heure actuelle à 1,25 % d’ici 2040. De toute évidence, cette situation apporte déjà son lot d’effets négatifs. D’après Daniel Gros du CEPS, au cours de ces dix dernières années, le taux de croissance potentiel du PIB de l’Allemagne a déjà été inférieur d’un pour cent à ce qu’il aurait du être normalement, et ce, en raison de l’évolution démographique. Sélection de discours 201 Tirer parti de la crise: problèmes, défis, limites et opportunités pour l’Union européenne Adenauer Lecture 2006, St Antony’s College, Oxford, le 25 janvier 2006 De plus, une diminution de la croissance se produira à mesure que les coûts engendrés par la population vieillissante augmenteront. On peut s’attendre à une augmentation sensible des dépenses liées à la vieillesse, à savoir les retraites, les soins de santé et des services de soins de longue durée. L’augmentation probable de la charge de ces postes devrait osciller entre quatre et huit pour cent du PIB, certains Etats membres seraient même confrontés à des augmentations plus importantes. En conséquence, il est impératif que les décideurs politiques se concentrent au plus vite sur ces nombreuses questions épineuses. Premièrement: faut-il stimuler ou non les taux de natalité et par quels moyens - grâce à des incitations financières, des mesures permettant aux femmes de mieux concilier vie professionnelle et vie familiale, proposer davantage de services de crèche et des approches qui renforcent le cadre légal et le statut social des familles. Deuxièmement: relever le taux de participation de la population active, en augmentant ainsi le pourcentage de la population adulte qui exerce un emploi, notamment les femmes et les jeunes travailleurs. Troisièmement: rallonger la durée de la vie active en repoussant l’âge de la retraite, dissuader les départs à la retraite anticipée et combattre la «discrimination sur la base de l’âge» sur le lieu de travail. Quatrièmement: accroître la contribution financière des actifs à leurs retraites à travers un recours accru aux systèmes de retraite par capitalisation et/ou de l’épargne personnelle. 202 L’Union européenne peut fournir un cadre de soutien et d’encouragement mutuels - et un forum en vue de définir des engagements communs - puisque nous sommes tous confrontés à ces mêmes défis. Le Groupe politique dont je suis le président - le Groupe du PPE-DE au Parlement européen - a lancé un débat approfondi sur les options et stratégies qu’il nous faut considérer pour remédier aux effets de l’évolution démographique. Notre groupe de réflexion de centre-droite, le Réseau européen des Idées, réalise un excellent travail préparatoire au sein du groupe de travail présidé par David Willetts, député conservateur, ici en Grande-Bretagne. L’évolution démographique soulève un nœud crucial et étonnant de problèmes qui touchent quasiment tous les domaines de la politique publique. Il est donc capital d’y remédier pour garantir la santé économique de notre continent à l’avenir. Réformes économiques Ceci m’amène à la question parallèle des réformes économiques. A l’heure actuelle, l’Union européenne est économiquement sous performante, et cela déjà depuis un certain temps. Elle ne parvient pas, en particulier, à créer des emplois pour ses citoyens. Le chômage qui sévit dans les pays industrialisés est, depuis vingt ans, dans une large mesure un problème spécifiquement européen. Le nombre des chômeurs dans l’Union européenne a dépassé la barre des 20 millions. Au cours de la dernière décennie, l’UE n’a enregistré que la moitié du taux de croissance économique des Etats-Unis et seulement un quart des taux de croissance de la Chine et de l’Inde. Cinquièmement: promouvoir ou non l’immigration, et comment garantir que les immigrants admis possèdent les compétences qui apportent un plus au potentiel de production des pays d’accueil. La meilleure solution pour créer des emplois en Europe est de libérer les marchés des biens, services, capitaux et travailleurs - dans les économies nationales et à travers l’UE prise globalement. Elle offre un potentiel de renouveau, afin de préserver et soutenir notre prospérité, et de revitaliser nos sociétés pour qu’elles soient intégratrices, ouvertes et adaptables dans une ère en perpétuelle évolution. L’Union européenne commence à s’attaquer à ces problèmes épineux. Elle tente, à travers le processus de Lisbonne, d’augmenter le taux d’emploi des femmes et des travailleurs jeunes et moins jeunes. Si la progression est jusqu’à présent positive, elle reste cependant modeste. La réforme des régimes de retraite et de sécurité sociale est encouragée. Un débat approfondi a été lancé sur une politique européenne d’immigration, les pays se rendant compte que la démographie abhorre le vide, et que dès lors, l’immigration est vouée à croître. Cette évolution démographique rend la réforme économique, déjà indispensable, d’autant plus cruciale. Il nous faudra stimuler la productivité des travailleurs, l’accroissement de production devant compenser les effets déflationnistes dus à la baisse démographique. Il sera essentiel d’encourager une plus grande flexibilité des travailleurs, de manière à ce qu’ils possèdent les compétences leur permettant de passer plus facilement d’un emploi à Sélection de discours Sélection de discours 203 Tirer parti de la crise: problèmes, défis, limites et opportunités pour l’Union européenne Adenauer Lecture 2006, St Antony’s College, Oxford, le 25 janvier 2006 l’autre, ou d’une profession à l’autre, au cours de leur vie active. L’éducation, la formation et le recyclage deviendront d’autant plus importants et ces domaines devront évidemment obtenir un financement approprié. glorieux le spectacle qu’ont donné d’eux-mêmes les chefs de gouvernement européens se chamaillant sur le financement futur de l’Union européenne au cours de ces six derniers mois - que ce soit en juin ou en décembre 2005. Je leur donne raison. Des choix difficiles sont à faire en matière de libéralisation des marchés. La prochaine directive «services» qui doit être votée par le Parlement européen en est la preuve patente. C’est là l’occasion idéale de libéraliser une composante clé de l’économie européenne, en complément des progrès réalisés dans le cadre du processus d’ouverture du marché unique des biens, et dans une moindre mesure, de celui des capitaux. Il est important d’envoyer un signal fort en dépit des craintes que suscite la mondialisation chez beaucoup, en faisant savoir que l’Europe est capable d’appréhender le changement et d’en tirer parti pour notre prospérité collective. Cependant, trois observations me viennent à l’esprit à propos de cette querelle budgétaire et plus généralement à propos de la politique européenne - fondées sur ma propre expérience au Parlement européen et sur mon point de vue. Nombre de pays se sont concentrés sur des politiques qui vont dans le bon sens depuis un certain temps. Ici, en Grande-Bretagne, des décisions difficiles prises dans les années 1980 se sont révélées payantes les décennies suivantes. Mon propre pays commence à être confronté au même genre de défis. Dans la course à l’adhésion à l’Union européenne, nombre de pays d’Europe centrale et orientale se sont engagés sur la bonne voie. La situation en Europe est loin d’être aussi alarmante que certains le laissent entendre. La Heritage Foundation à Washington, toute conservatrice qu’elle est, a même confirmé dans son Indice de libéralisme économique mondial (World Economic Freedom Index) de ce mois-ci, que parmi les 25 économies les plus dynamiques au monde, plus de la moitié se trouvaient dans l’Union européenne. Cependant, il est essentiel que nous nous comparions aux meilleurs. Réflexions finales 204 Premièrement, les protagonistes de la querelle budgétaire ont finalement compris qu’ils avaient un intérêt commun à trouver un accord, quand bien même cet accord serait moins optimal pour eux individuellement - ou pour l’Europe prise globalement. Le prix de l’échec aurait été trop élevé pour l’Union européenne dans laquelle tous les Etats membres ont considérablement investi. Je dois dire que Tony Blair, quelles que soient les critiques que l’on puisse porter à la présidence britannique, a fait preuve d’une courtoisie et d’une attention admirables à l’égard du Parlement européen tout au long des six mois à la présidence européenne. J’ai entendu dire qu’il serait bientôt à Oxford et qu’il s’exprimera sur la querelle budgétaire et d’autres aspects de sa présidence. Je donnerais cher pour être une petite souris… Deuxièmement, étant donné que les «perspectives financières» ne tombent pas sous le coup de la procédure budgétaire ordinaire, l’accord sur le financement futur ne saurait être mis en œuvre sans l’accord préalable du Parlement européen. Nous allons négocier maintenant un accord interinstitutionnel avec le Conseil et la Commission, et notre intention est de ne l’accepter que s’il prévoit certains changements notables concernant l’efficacité et l’obligation de rendre compte de l’utilisation des fonds de l’Union européenne. En conclusion, permettez-moi d’ajouter un mot sur les politiques européenne et allemande, compte tenu de l’évolution qu’elles ont connue au cours de ces derniers mois. Troisièmement, à ses débuts sur la scène politique européenne en sa qualité de nouvelle chancelière allemande, Angela Merkel a fait forte impression, ce qui est encourageant. Elle a joué un rôle crucial dans le rapprochement des positions française et britannique, une performance qui est de bon augure pour l’avenir. Charles Péguy a écrit un jour que «tout commence en mystique et finit en politique…». Cette tendance n’est pas étrangère à l’Union européenne. Les débats généraux sur l’avenir de l’Europe ont cette fâcheuse tendance, tôt ou tard, à s’achopper à quelque débat houleux à propos de ressources financières ou de la politique distributive. Beaucoup ont jugé peu Nous espérons que grâce à Madame Merkel, les incertitudes que nous avons connues récemment appartiennent désormais au passé. Sa première démarche, après son entrée en fonction au poste de chancelière allemande, aura été de se rendre successivement à Paris, Bruxelles, Londres et Varsovie. Elle a rendu visite au président Bush il y a à peine quelques Sélection de discours Sélection de discours 205 Tirer parti de la crise: problèmes, défis, limites et opportunités pour l’Union européenne Adenauer Lecture 2006, St Antony’s College, Oxford, le 25 janvier 2006 jours de cela, le 11 janvier. Ces visites étaient l’expression de son désir profond de redonner confiance dans les politiques européenne et internationale de l’Allemagne, là où, ces dernières années, des doutes ont pu peser. Elle a démontré qu’elle a l’intention de mener une action énergique dans les relations européennes et transatlantiques. En adoptant une telle approche, l’Allemagne défend bien entendu ses propres intérêts légitimes, mais elle entend bien veiller à ce que les intérêts de tous ses autres partenaires, et notamment des plus petits, soient également respectés. Telle était d’ailleurs la philosophie adoptée avec succès par le chancelier Helmut Kohl pendant de nombreuses années et je ne vois pas pourquoi la chancelière Merkel ne réussirait pas aussi bien que lui. Ses premières semaines au pouvoir ont souligné le bien-fondé et le succès de l’attitude traditionnelle de l’Allemagne à l’égard de l’Europe. Je suis persuadé que nous aurons l’occasion d’apprécier d’autres facettes de ce nouveau style, et surtout, l’essence d’une Allemagne médiatrice, mais résolue, dans les années à venir. Je suis également sûr, aussi importantes soient les relations franco-allemandes, que le succès de l’Union européenne ne sera au rendez-vous qu’à condition que l’Allemagne, la France et la Grande-Bretagne collaborent entre elles et avec tous les autres partenaires de l’UE. Seul cet esprit constructif est capable de générer des intérêts européens durables et le succès des politiques européennes. C’est mon vœu le plus sincère, dans cet esprit de recentrage des priorités, que nous puissions travailler tous ensemble dans les années et les décennies à venir. L’agenda est plus chargé que jamais. Il nous faut faire preuve d’engagement et de réalisme, de fermeté et d’assiduité. Dans le cadre de ce processus, une coopération entre l’Allemagne et la Grande-Bretagne au niveau européen est cruciale. Il n’en va pas seulement des intérêts de nos deux pays; il s’agit aussi de reconnaître le devoir commun - et le potentiel commun que nous pouvons tirer – d’améliorer le fonctionnement de l’Europe. L’Union européenne est encore en cours de réalisation. L’entreprise est immense et son potentiel inestimable. Si l’on s’y prend bien, elle peut apporter des avantages considérables aux citoyens de l’UE. Les défis à relever dans le contexte de la mondialisation rendront l’Europe plus importante, et non le contraire. C’est pourquoi il me semble crucial, tous autant que nous sommes - universitaires, le monde des affaires, la société civile, et même, bien sûr, les politiques -, que nous œuvrions ensemble au succès de l’Europe, pour notre avenir commun. 206 Sélection de discours Sélection de discours 207 La liberté d’expression et le respect des convictions religieuses Discours en séance plénière du Parlement européen, Strasbourg, le 15 février 2006 Monsieur le Président, Monsieur le Président de la Commission, Monsieur le Président en exercice du Conseil, Mesdames et Messieurs, La liberté d’expression et le respect des convictions religieuses Discours en séance plénière du Parlement européen, Strasbourg, le 15 février 2006 Le Groupe du Parti Populaire Européen (Démocrates-Chrétiens) et des Démocrates Européens observe avec une vive inquiétude la controverse entourant les caricatures. Un élément est toutefois limpide à nos yeux, et il constitue notre principe directeur. Nous entendons défendre la liberté de la presse et nous entendons protéger les sentiments des croyants, quelle que soit leur religion, ainsi que les symboles qui sont importants dans leur esprit. Nous entendons défendre les droits de l’Homme et les acquis du siècle des Lumières et nous entendons préserver le droit d’exercer sa foi, d’être différent et d’être respecté. Un tel résultat peut uniquement être atteint dans son intégralité si toutes les parties conservent pour commencer leur calme et leur pondération. C’est pourquoi notre requête s’adresse aujourd’hui en particulier aux représentants des médias en Europe, en Iran et dans les autres pays musulmans, elle s’adresse à ceux qui tentent de gonfler l’affaire des caricatures pour en faire une question de principe politique. Répondre à la polémique par la polémique, à l’agression par l’agression et à l’insensibilité par l’insensibilité ne constitue pas le chemin d’un futur brillant. Nous souhaitons un ordre qui défende la liberté d’expression parmi les droits humains suprêmes, tout en ayant également conscience de ses limitations, qui résident dans la liberté et la dignité d’autrui. Cet ordre doit témoigner de respect pour les croyances et les sensibilités religieuses d’autrui, tout en permettant simultanément un dialogue pacifique et constructif sur les aspects qui nous divisent, tant en surface qu’au plus profond de notre être, de nos valeurs, de nos expériences et de nos sentiments. Il en résulte que la violence en tant qu’instrument d’agitation ou d’incitation à l’indignation à l’égard d’opinions différentes ne peut en aucun cas être tolérée. Nous condamnons tous les instigateurs des réactions violentes dans différents pays à travers le monde dès lors qu’il ne s’agissait pas d’une réaction spontanée - elle s’est seulement produite plusieurs mois après la publication - mais elle a été orchestrée en partie par des régimes qui n’apprécient pas la liberté d’expression et oppriment au contraire le peuple. Il faut également que cela soit dit sans ambiguïté. (Applaudissements) Nous nous opposons à toutes les formes de violence, non seulement contre les personnes, mais également contre les objets - drapeaux ou bâtiments - et nous les condamnons dans les termes les plus forts. Il importe à présent d’adjoindre à cette prise de position une approche Sélection de discours 209 La liberté d’expression et le respect des convictions religieuses Discours en séance plénière du Parlement européen, Strasbourg, le 15 février 2006 plus spécifique, dès lors qu’il n’est pas suffisant de nous engager simplement en faveur d’un dialogue entre les cultures. Je souhaiterais formuler deux propositions extrêmement précises, des propositions peut-être imparfaites, mais qui peuvent néanmoins alimenter les réflexions. Premièrement, étant donné que nous devons débuter avec les jeunes, nous devrions constituer une commission d’experts chargés d’examiner les manuels scolaires en Europe et dans le monde musulman afin de déterminer le type de propos et de valeurs qui sont attribués réciproquement et diffusés par ce biais. Cette commission devrait fonctionner sous les auspices conjoints de l’UE et de l’Organisation de la Conférence islamique et, afin de rehausser autant que faire se peut son efficacité, le Secrétaire général des Nations unies devrait participer à la sélection des experts. La tolérance est fondamentale, mais elle doit aller dans les deux sens. La tolérance, la réconciliation et la compréhension doivent reposer sur la vérité, et c’est pour cela que nous plaidons. Je me réjouis expressément que le président de la Commission ait déclaré qu’une attaque contre un Etat membre est une attaque contre nous tous. En ce sens, nous sommes naturellement solidaires du Danemark et notre débat doit adresser un signal de tolérance et de compréhension, quoique fondé sur la réciprocité et la reconnaissance de la vérité. Dans ces conditions seulement, nous serons sur le chemin d’un bel avenir fondé sur le dialogue entre les cultures. (Applaudissements à droite et au centre) Nous avons, ou plutôt, le monde musulman a été tourmenté par un certain nombre de caricatures dans un journal européen - danois - et d’autres journaux, mais il ne s’agit que d’un exemple parmi des centaines - pour ne pas dire des milliers - de caricatures, en ce compris les caricatures du monde musulman raillant nos valeurs et nos convictions - chrétiennes. Il faut que cela cesse aussi bien ici que dans les pays du monde musulman. (Applaudissements) Deuxièmement, je faisais partie des députés qui ont participé à la Conférence euroméditerranéenne de Barcelone. Nous devrions mettre à profit l’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne pour réunir des politiques élus et des représentants de la société civile dans les pays européens et dans nos pays partenaires aux fins d’un dialogue régulier et de discussions ciblées dans le cadre du processus de Barcelone. L’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne pourrait ainsi constituer une plate-forme pour le dialogue entre les cultures. Je me permets d’émettre une remarque personnelle. Entre 1999 et cette année, 2006, je me suis rendu dans 16 pays arabes et musulmans. Je me rappelle une conversation avec un haut dignitaire religieux crédible, extrêmement engagé, en Arabie saoudite, qui était dans l’ensemble une formidable conversation. Il m’a demandé à un moment comment les musulmans étaient traités en Europe. Je lui ai répondu que nous souhaiterions fréquemment observer une meilleure intégration, mais que les musulmans pouvaient pratiquer leur foi librement. Je lui ai ensuite posé une autre question: est-il exact que la loi, en Arabie saoudite, exige que tout musulman souhaitant se convertir au christianisme soit puni par la mort? Je n’ai pas obtenu de réponse. 210 Sélection de discours Sélection de discours 211 Présentation du Groupe du PPE-DE à Sa Sainteté le Pape Benoît XVI Allocution lors de l’audience au Vatican, Rome, le 30 mars 2006 Heiliger Vater, Très Saint-Père, Es ist für mich eine große Ehre, Ihnen heute meine Kolleginnen und Kollegen der Fraktion der Europäischen Volkspartei (Christdemokraten) und Europäischer Demokraten im Europäischen Parlament, deren Gäste und die Mitarbeiter des Fraktionssekretariates vorstellen zu dürfen. Présentation du Groupe du PPE-DE à Sa Sainteté le Pape Benoît XVI Allocution lors de l’audience au Vatican, Rome, le 30 mars 2006 C’est pour moi un grand honneur de présenter à Votre Sainteté mes collègues du Groupe parlementaire du Parti Populaire Européen (Démocrates-Chrétiens) et Démocrates Européens au Parlement européen, leurs invités et les membres du secrétariat du Groupe. Au nom du Groupe du PPE-DE, j’adresse à Votre Sainteté nos salutations les plus affectueuses. Dans son programme, notre Groupe s’efforce de défendre ses valeurs fondamentales, la dignité de l’être humain, la personne humaine, la dimension transcendantale jouant un rôle essentiel dans son travail. Le Groupe s’est battu pour intégrer une référence à Dieu dans la Constitution. Même si nous n’y sommes pas parvenus, nous sommes fiers d’avoir essayé. Le texte final véhicule les principales valeurs chrétiennes. Quelle qu’en soit l’issue, le Groupe du PPE-DE, en tant que fervent défenseur des valeurs judéo-chrétiennes, est déterminé à insuffler une dimension spirituelle et morale au projet européen. Les encouragements apportés par Votre Sainteté dans la réalisation de cet objectif revêtent une importance capitale pour notre Groupe. L’Europe fait face à des défis, voire des crises, sur lesquels Votre Sainteté s’est exprimée l’année dernière à Subiaco. Toutefois, en tant que chrétiens, l’espoir et l’optimisme président à notre travail et à nos activités. Notre Groupe réunit catholiques, protestants, anglicans, presbytériens, méthodistes, orthodoxes, musulmans et juifs. Le Groupe du Parti Populaire Européen (DémocratesChrétiens) et Démocrates Européens est profondément œcuménique. Le Groupe est déterminé à œuvrer à la dimension religieuse de l’Europe en s’attaquant à la crise culturelle qui affecte l’ensemble de nos concitoyens. Sélection de discours 213 Présentation du Groupe du PPE-DE à Sa Sainteté le Pape Benoît XVI Allocution lors de l’audience au Vatican, Rome, le 30 mars 2006 Cette détermination s’est manifestée dans l’initiative fructueuse du Groupe visant à obtenir le soutien de l’Union européenne pour les Journées mondiales de la Jeunesse à Cologne en 2005. En outre, grâce au dialogue annuel entretenu avec l’Eglise orthodoxe, le Groupe s’efforce de résorber la division chrétienne de l’Europe. Par le biais d’initiatives menées auprès des Etats de l’Organisation de la conférence islamique, le Groupe vise à établir de nouvelles relations dans lesquelles chrétiens et musulmans peuvent s’inscrire en partenaires privilégiés en tant que croyants. Un invité d’Arabie s’est joint à nous, ce qui témoigne du travail de pionnier effectué par les musulmans et les démocrates chrétiens pour un ordre mondial centré sur Dieu, plus éthique. Nous ne croyons pas au «choc des civilisations», nous croyons à la coopération, à la compréhension et au partenariat, et aspirons à l’amitié entre les cultures et religions. Voilà plus de vingt cinq ans que le Groupe coordonne le Groupe de prière œcuménique au sein du Parlement européen, ouvert aux chrétiens de toutes les familles politiques. Aujourd’hui, au terme des Journées d’étude sur l’Europe à Rome, j’ai l’honneur de vous demander, en leur nom, votre bénédiction pour leur vie et leur travail en faveur de la paix et de la prospérité en Europe, pour leurs efforts afin de toucher les gens dans le monde entier et résoudre les problèmes qui sont le lot de tous. Heiliger Vater, wir danken Ihnen für die Gemeinschaft, die uns verbindet und bitten Gott um seinen Segen für Sie und uns alle für ein friedliches, demokratisches und ebenso starkes wie menschliches Europa. Très Saint Père, nous vous remercions pour la communauté spirituelle qui nous unit, et nous demandons au Tout Puissant sa bénédiction pour Sa Sainteté et chacun d’entre nous, pour une Europe pacifique et démocratique à la fois forte et humaine. 214 Sélection de discours Sélection de discours 215 L’Union européenne: Valeurs - Politiques - Economie Discours au Centre Universitaire Royal Maria Cristina, El Escorial, le 4 mai 2006 Père Mateos, Mesdames et Messieurs, C’est un grand honneur et plaisir de m’exprimer ici devant des jeunes et de discuter avec vous aujourd’hui, en ce lieu chargé d’histoire, le Centre universitaire royal Escorial Maria Cristina. Je remercie très sincèrement le directeur, Père Mateos, de m’avoir invité. L’Union européenne: Valeurs - Politiques - Economie Discours au Centre Universitaire Royal Maria Cristina, El Escorial, le 4 mai 2006 Aujourd’hui, à l’entame du XXIe siècle, le processus d’unification européenne a atteint un stade que peu auraient pu prévoir il y a vingt ans, en 1986, l’année où l’Espagne est devenue membre de ce que l’on appelait encore à l’époque la Communauté européenne. Nous vivons maintenant dans une Union sans frontières, dotée d’un marché intérieur commun et d’une monnaie européenne commune. Le plus grand élargissement réalisé jusqu’à présent a eu lieu il y a près de deux ans, à quelques jours près. En effet, depuis le 1er mai 2004, l’Union européenne compte 25 membres et plus de 450 millions d’habitants - plus que les EtatsUnis et la Russie réunis – et son économie représente désormais un quart du PIB mondial. En cela, l’Union européenne est une association unique en son genre dans l’histoire, basée sur des valeurs communes et offrant à tous ses Etats membres des avantages incalculables impliquant des obligations en retour. La richesse de l’Europe réside dans sa singularité et sa diversité culturelles. Cet héritage culturel, il faut certes le protéger, mais il faut aussi pouvoir en tirer profit et le promouvoir. Nous aspirons à une Union européenne forte qui ne pratique pas l’ingérence, dans laquelle les Etats nations, mais aussi les régions, les villes et les communes, accomplissent leurs tâches en toute indépendance. Ces quatre niveaux s’expriment et agissent comme espace de notre culture européenne. Nous ne devons pas considérer ces différents niveaux comme concurrents, mais comme jouant un rôle égal dans la construction de notre identité européenne. En juin 2004, lors des élections européennes, le Groupe du PPE-DE est à nouveau devenu la première force politique du Parlement européen. A l’heure actuelle, notre Groupe compte 264 députés européens (représentant 36%) sur 732. Ces 264 députés européens sont issus de 45 partis nationaux. Notre Groupe est le seul dans lequel tous les Etats membres de l’Union européenne sont représentés. L’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie ne changera pas la donne, 14 parlementaires de ces deux pays sont déjà actifs dans notre Groupe en qualité d’observateurs. Sélection de discours 217 L’Union européenne: Valeurs - Politiques - Economie Discours au Centre Universitaire Royal Maria Cristina, El Escorial, le 4 mai 2006 L’image chrétienne de l’Homme est un leitmotiv important de notre Groupe. Nous adhérons aux valeurs chrétiennes, qui sont une composante fondamentale de notre culture occidentale. Dans le même temps, dans le cadre de nos activités, nous mettons l’accent sur le dialogue avec d’autres religions et cultures. De cette manière le Groupe du PPE-DE - qui compte, entre autres, des catholiques, des protestants, des anglicans, des presbytériens, des méthodistes, des chrétiens orthodoxes, des juifs et des musulmans - contribue à un esprit d’entente, tant au sein de l’Europe qu’avec ses voisins au sud de la Méditerranée et du monde arabe. L’objectif est d’améliorer la compréhension mutuelle et d’élaborer ensemble des approches communes pour résoudre certains problèmes. Parmi ces problèmes figure le terrorisme international, qui a touché l’Europe avec les attentats de Madrid du 11 mars 2004. Ces attentats étaient dirigés contre l’Espagne, certes, mais aussi contre nous tous - contre les droits de l’Homme, la dignité humaine et la liberté individuelle. Ils étaient dirigés contre nos idéaux de démocratie et de paix. Il est impératif de trouver un moyen de neutraliser le terrorisme international et le fondamentalisme religieux à leur source grâce à une politique qui promeut la compréhension mutuelle entre les cultures. Nous devons tout mettre en œuvre pour désamorcer les conflits entre religions ou les «chocs des civilisations». A cet égard, les pays méditerranéens et leurs voisins ont un rôle très important à jouer. Cette région, qui a joué un rôle quasiment unique dans l’histoire comme carrefour de cultures et de religions, et donc de conflits entre elles, est amenée à devenir un lieu d’implantation de la paix dans un esprit de tolérance et de compréhension mutuelles entre ses peuples. Une compréhension mutuelle s’impose si nous voulons gagner le respect de l’autre, tout comme s’impose le respect mutuel si vous voulons gagner sa confiance. Des mesures concrètes s’imposent, par exemple, dans le contexte du processus de Barcelone initié par l’Union européenne. Au cours de mon mandat de Président de Groupe, depuis juillet 1999, je me suis efforcé de contribuer à ce dialogue, et au cours de ces dernières années, je me suis rendu dans plus de 16 pays arabes islamiques et l’an dernier en Iran, où j’ai tenu de nombreuses discussions politiques informelles. 218 Sélection de discours Valeurs Au cours de l’histoire, l’Europe a évolué pour devenir une communauté de valeurs qui est le fruit d’une grande variété d’influences. L’Europe occidentale a été façonnée par la philosophie grecque ancienne, le droit romain et la foi chrétienne. L’humanisme, la Renaissance et la Réforme ont contribué à cette image du monde occidental chrétien, au même titre que la philosophie des Lumières et la science moderne y ont contribué par la suite. L’attachement à la chrétienté est une composante centrale de l’identité européenne et de la communauté de valeurs européenne. Les hommes et femmes politiques qui adhèrent à ces valeurs chrétiennes ont, par conséquent, une image particulière de l’Homme - l’image chrétienne de l’Homme. Le visage de l’Europe est également profondément marqué par le christianisme. On retrouve des symboles du christianisme un peu partout: des cathédrales et des monastères - San Lorenzo étant l’un des plus beaux exemples -, aux écoles et aux hôpitaux, en passant par les calvaires et les chapelles. La façon dont notre temps est divisé, reflète également la chrétienté, la semaine de sept jours, les jours fériés annuels déterminés par les dates du calendrier liturgique. Nous considérons l’Homme comme la création de Dieu. Nous sommes ainsi convaincus que tout être humain est doté d’une dignité inviolable. L’Homme est une valeur en soi, sans qu’il faille apporter d’autre justification et sans considération de ses capacités physiques, intellectuelles et économiques. Ce principe est particulièrement important dans le cadre du débat sur la bioéthique. Si chaque personne est unique, il ne devrait pas être permis de la reproduire. Si la vie humaine est une valeur en soi, il ne devrait pas être permis de créer la vie humaine pour la poursuivre ensuite et l’éliminer. Un modèle de valeurs estampillé «made in Europe» est un fondement indispensable à une Europe stable. L’incorporation de la Charte des droits fondamentaux dans la Constitution européenne ferait de l’image chrétienne de l’Homme un fondement important et contraignant de notre communauté. La Charte des droits fondamentaux consacre la dignité humaine et le droit à l’intégrité de la personne. Et par «personne», il faut entendre la responsabilité pour l’individu - lui-même ou elle-même - et en même temps la responsabilité pour la société. Nous considérons qu’il est indispensable d’interdire le clonage reproductif d’êtres humains. La Charte comprend des dispositions spécifiques sur la protection de la famille, des enfants et des personnes âgées, de même que concernant le droit de se marier et de fonder une famille. Sélection de discours 219 L’Union européenne: Valeurs - Politiques - Economie Discours au Centre Universitaire Royal Maria Cristina, El Escorial, le 4 mai 2006 Notre Groupe a toujours préconisé l’inclusion d’une référence à Dieu dans la Constitution européenne associée à une référence explicite à l’héritage judéo-chrétien en raison de son influence déterminante sur l’histoire de l’Europe. Malheureusement, tous les membres de la Convention n’ont pas soutenu cette proposition - ni une majorité de députés européens. La Constitution fait toutefois indirectement référence à l’héritage chrétien de l’Europe puisque l’héritage religieux de l’Europe est explicitement mentionné dans le préambule. De plus, la Partie I de la Constitution reconnaît le statut des églises et des organisations philosophiques et non confessionnelles. L’incorporation dans la Constitution d’une clause de solidarité reflète également la vision de la doctrine sociale chrétienne. La tournure des événements en Russie et dans quelques anciennes républiques soviétiques nous préoccupe au plus haut point. Nous devons faire en sorte que les régimes dictatoriaux tels que celui d’Alexandre Loukachenko au Belarus ne bénéficient plus d’appuis extérieurs. Les Etats-Unis sont à la fois un partenaire et un ami de l’UE. Toutefois, certaines différences subsistent - notamment à propos du traitement des prisonniers de la CIA ou de Guantanamo - que nous abordons ouvertement avec eux. Les principes de la démocratie et du christianisme ont un impact notable sur les politiques européennes, en particulier en matière de droits de l’Homme. Dans le traité sur l’Union européenne et le projet de Constitution, il est stipulé que les droits de l’Homme constituent l’un des principes communs à tous les Etats membres de l’UE sur lequel se fonde l’UE. Cela signifie que toute politique étrangère européenne cohérente doit défendre les droits humains des chrétiens opprimés au Soudan et la population civile musulmane en Tchétchénie, de la même manière qu’elle défend la société occidentale menacée par le terrorisme, tant aux Etats-Unis qu’en Europe. Des Démocrates-Chrétiens courageux et visionnaires ont posé les fondations de la «maison européenne». Depuis les débuts de l’intégration européenne, ils ont constitué la force politique formatrice en Europe. Des personnalités telles que Konrad Adenauer, Robert Schuman et Alcide De Gasperi sont allées là où personne n’avait jamais été, dans un continent ravagé par la guerre et divisé par la guerre froide. Inspirés par leur vision d’une paix durable et d’un développement commun, de la stabilité et du bien-être de toute la population de notre continent, ils se sont mis à définir et à mettre en œuvre conjointement des politiques supranationales. Nous soutenons les droits de l’Homme dans le monde entier – c’est-à-dire aussi en Chine et en Europe de l’Est. Palestiniens et Israéliens sont égaux en dignité. Pour souligner cet engagement, depuis 1988, le Parlement européen décerne le Prix Sakharov de la liberté de pensée, qui a récompensé entre autres un avocat nigérian, une organisation de femmes au Belarus et l’organisation internationale «Reporters Sans Frontières». L’organisation de défense des droits civiques «Las Damas de Blanco» s’est également vue décerner ce prix pour son engagement contre le régime du dictateur cubain Fidel Castro. La vision des pères fondateurs est devenue réalité. J’irai même plus loin, elle a prouvé sa force et son succès dans l’opposition entre un système de liberté et de démocratie d’une part et la dictature communiste d’autre part. Alors que cette vision devenait réalité, elle a pu mettre fin à la division artificielle de l’Europe, consacrée par l’adhésion à l’Union européenne de la Pologne, de la Hongrie, de la République tchèque, de la Slovénie, de la Slovaquie et des trois Etats baltes, à savoir l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie. L’Allemagne n’aurait pas non plus été réunifiée le 3 octobre 1990 si les peuples de ces pays n’avaient pas choisi résolument la liberté. Permettez-moi de rappeler que cet événement n’aurait très certainement pas été possible sans l’immense pouvoir spirituel du pape polonais Jean-Paul II qui avait lancé un appel à ses compatriotes dans les années 1980: «N’ayez pas peur!» Nous exhortons l’Europe à formuler une politique étrangère commune coordonnée sous la responsabilité d’un ministre européen des Affaires étrangères. Il est important de s’assurer que l’Europe parvienne enfin à parler d’une seule et même voix, de manière à éviter ces divergences d’opinions qui ternissent son image, comme par exemple sur la question de l’Irak, et à coopérer dans un climat de consensus. La seule solution pour nous, Européens, d’être forts, est d’adopter une approche commune, ce qui nous permettrait de négocier avec assurance, sur un pied d’égalité, en tant qu’acteur mondial, dans le cadre de nos relations transatlantiques avec nos amis américains aussi, et non pas à nouveau divisés entre vieille et nouvelle Europe suite à une nouvelle stratégie du «diviser pour mieux régner». 220 Ausgewählte Reden Les politiques européennes L’intégration de ces Etats, qui a toujours été soutenue par le Parlement européen, a été perçue comme un devoir historique et moral. Ils sont parvenus à venir à bout du communisme grâce à une admirable révolution pacifique et ont lutté avec succès pour la démocratie et l’autodétermination. Les nouveaux Etats membres sont toujours restés pro-occidentaux, après avoir été victimes pendant 50 ans des idéologies les plus brutales et les plus inhumaines Ausgewählte Reden 221 L’Union européenne: Valeurs - Politiques - Economie Discours au Centre Universitaire Royal Maria Cristina, El Escorial, le 4 mai 2006 du XXe siècle: le national-socialisme et le communisme. Les pays d’Europe centrale ont demandé, à juste titre, à devenir membres de la famille des démocraties européennes, une bonne fois pour toutes. Cependant, il convient de préciser que cet élargissement ne se résumait pas au seul devoir historique et moral; notre propre intérêt politique et stratégique consistait également à stabiliser à long terme toute la région, de la Baltique à la mer Noire. L’effondrement du régime sous influence soviétique en Europe centrale a laissé un vide politique, avec le risque d’une nouvelle instabilité. La stabilité de cette région devait donc devenir une des priorités absolues de toute l’action européenne, car il est clair que tout mécontentement dans une partie de l’Europe affecte nécessairement l’Europe dans sa globalité. Le fait que depuis 2004, les Européens élisent un Parlement européen tous les cinq ans, est peut-être l’un des signes de réconciliation les plus frappants que pouvaient offrir des pays qui se sont livré des guerres sans merci au cours du siècle dernier. Cette réussite est également le fruit de nos efforts et du soutien du Parlement européen; nous avons prouvé qu’il était possible de surmonter la division artificielle du continent et d’unir l’Europe. L’Europe a réagi avec calme et clairvoyance au défi de ce processus historique de changement radical en Europe. Pour emprunter une métaphore à Mikhaïl Gorbatchev, qui a laissé libre cours à sa politique de «perestroïka» et de «glasnost» au milieu des années 1980, et à qui l’on doit en partie l’ouverture du rideau de fer, aujourd’hui on peut dire que la maison européenne est presque entièrement habitée. La Bulgarie et la Roumanie frappent à la porte et les négociations ont débuté avec la Croatie. La Turquie voudrait également rejoindre l’Union européenne. Ces dernières années, elle a déployé des efforts considérables pour réformer le pays. Toutefois, la volonté d’adhérer n’est pas une condition suffisante pour adhérer à l’UE. La principale question qui se pose est: l’adhésion de la Turquie implique-t-elle un risque de désagrégation pour notre Union, faute d’homogénéité interne et en raison d’une trop grande expansion géographique. Pour ma part, je considère que l’adhésion de la Turquie constituerait une charge trop importante pour l’UE aux plans culturel, politique, financier et géographique. Les membres de l’Union européenne doivent avoir un minimum en commun. Nous ne devons pas nous limiter à contrôler notre capacité d’accepter des pays candidats; en effet, il convient d’examiner avec le plus grand soin si l’Union européenne est elle-même capable d’élargissement. Les fondations de la maison européenne sont-elles suffisamment solides? 222 Ausgewählte Reden Nous devons discuter de la question de l’«adhésion» en toute ouverture et honnêteté avec la Turquie et trouver entre-temps un autre type nouveau de coopération, un «partenariat privilégié», qui n’est pas tout à fait comparable à l’adhésion, mais offre un niveau de coopération très avancé dans les domaines politiques, économiques et de la société civile. Notre maison européenne doit être entourée de voisins - d’un cercle d’amis bien disposés à notre égard. A la suite de l’Elargissement de l’Union européenne, il est urgent de réformer les bases des traités, en particulier le cadre institutionnel. La Constitution européenne offre une base solide pour équilibrer les intérêts dans l’UE et régler les conflits. Seule la Constitution peut permettre à l’Union européenne de répondre avec succès aux défis de la mondialisation croissante. Je trouve dommage que l’on discute de la création éventuelle d’un «noyau dur» européen comme alternative à la Constitution. A mon avis, il n’est pas souhaitable de retenir ce type de solution. Notre objectif n’est pas une Europe à plusieurs vitesses; nous voulons avancer ensemble vers un approfondissement de l’Europe politique. Il est essentiel que l’Union européenne assume la défense des droits fondamentaux. Par conséquent, il convient de s’assurer que la Charte des droits fondamentaux deviendra une composante intégrale et contraignante des fondations contractuelles de l’UE, comme le stipule la Constitution européenne. L’accent serait dès lors mis sur l’Union européenne en tant que communauté de valeurs, laquelle attache une importance cruciale au respect des droits de l’Homme, à la tolérance, au principe de subsidiarité et à la solidarité. Comme le stipule la Constitution, en vertu du principe de subsidiarité, l’Union n’est responsable et n’intervient que lorsque les objectifs en question ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante au niveau national. Il est souhaitable que les domaines politiques qui font partie des traditions établies de la civilisation et de la diversité culturelle de l’Europe restent de la compétence des différents Etats membres. C’est pourquoi la Constitution confère aux parlements nationaux le droit d’introduire un recours pour violation présumée du principe de subsidiarité. L’objectif est de renforcer les institutions communautaires et d’établir une répartition claire de leurs compétences. Le Parlement européen doit devenir un corps législatif sur un pied d’égalité avec le Conseil. En clair, il importe de lui conférer un droit de codécision sur toutes les questions législatives européennes, de même qu’un droit de codétermination à part entière sur toutes les matières budgétaires. A l’heure actuelle, le Parlement codécide sur près de 75 % de la législation européenne. Ausgewählte Reden 223 L’Union européenne: Valeurs - Politiques - Economie Discours au Centre Universitaire Royal Maria Cristina, El Escorial, le 4 mai 2006 Il est essentiel de remettre de l’ordre dans la confusion entre pouvoirs législatif et exécutif et de créer une Union plus transparente respectueuse des principes démocratiques fondamentaux. Chacun doit être en mesure de comprendre plus facilement quel est le niveau responsable pour telle ou telle décision, d’où la nécessité de fixer aussi clairement que possible les responsabilités de chacun dans le cadre de la répartition des compétences. Nous attachons une importance particulière à la méthode communautaire, à savoir que les institutions communautaires - le Parlement européen, le Conseil des ministres et la Commission européenne - agissent sur la base de décisions adoptées à la majorité. Seule une action commune peut permettre à l’Europe d’être suffisamment forte pour faire face aux défis à relever dans un contexte de mondialisation, les Etats nations ne pouvant les surmonter seuls, étant donné le caractère transfrontalier des problèmes. Nombreux sont ceux à connaître l’aliénation et le déracinement qui résultent de la mondialisation et de ses effets économiques et sociaux, générant ainsi un terreau fertile qui favorise les tendances au repli nationaliste et à la xénophobie. Ensemble, nous devons combattre ces tendances sombres. Le «non» à la Constitution européenne des référendums français et néerlandais - deux membres fondateurs de la Communauté européenne - a déjà éclipsé les «oui» d’autres Etats membres. Parmi ces autres pays figure notamment l’Espagne, qui avait organisé bien avant son référendum, au cours duquel le «oui» l’a emporté massivement. Depuis lors, nombreux sont ceux à avoir déclaré la mort du traité constitutionnel. Ce faisant, ils ignorent la volonté et la décision de la majorité des Etats membres qui ont déjà ratifié la Constitution selon des procédures démocratiques. Cela n’est pas la première fois dans l’histoire de l’intégration européenne qu’un traité européen est rejeté par référendum. En 1992, les Danois avaient dit «non» au traité de Maastricht qui a ouvert la voie au projet de monnaie commune. En 2001, les Irlandais ont dit «non» au traité de Nice sur la réforme des institutions de l’UE en vue du futur élargissement. Les deux pays étaient opposés à certaines dispositions de ces traités. Après certaines modifications fixées dans des protocoles additionnels, le «oui» l’a emporté dans les deux cas après la tenue d’un nouveau référendum. Depuis les référendums en France et aux Pays-Bas, le Conseil européen a aménagé un «temps de réflexion». Les chefs d’Etat et de gouvernement entendent valoriser les résultats de cette période de réflexion dans le cadre du processus de ratification. 224 Ausgewählte Reden Nous devrions en profiter pour familiariser davantage les citoyens avec la Constitution. Nous devons les informer, mais aussi les écouter et prendre en compte leurs points de vue. Nous devons expliquer l’impact des décisions politiques de l’UE sur leur vie de tous les jours. Outre notre communication avec les médias, nous devons multiplier nos contacts personnels avec les citoyens au niveau local et leur expliquer la Constitution en termes compréhensibles. Economie Comme je l’ai déjà clairement fait entendre, il est important de ne pas confiner le processus d’intégration européenne aux seuls aspects économiques. L’Union européenne n’est pas seulement une association qui s’est expressément fixé pour objectif d’améliorer la prospérité de ses membres. L’identité européenne ne saurait se définir uniquement en termes d’intérêts économiques ou d’institutions politiques. Par essence, l’Union européenne est avant tout une communauté de valeurs dont les membres - dans toute sa diversité, qui mérite d’être préservée - sont unis par une vision commune de l’ordre politique et économique régissant leur vie collective. Dans le contexte des défis de la mondialisation, l’Europe doit néanmoins prouver à ses citoyens qu’à l’avenir aussi, elle continuera de soutenir les progrès économiques et la protection sociale. Il est crucial que les Etats membres reconnaissent et continuent d’étendre encore le rôle déterminant joué par l’UE dans le cadre de cette évolution. La compétitivité joue un rôle décisif dans la productivité économique. Si l’Europe entend résister à la concurrence internationale et atteindre ses objectifs sociaux, économiques et environnementaux, elle devra disposer d’une économie tournée vers l’avenir et d’un marché intérieur basé sur la connaissance et la recherche. Pour l’heure, les ressources budgétaires consacrées à la recherche et au développement en Europe sont trop faibles à l’échelle mondiale pour permettre de traduire les résultats de nos travaux de recherche en résultats économiques optimaux. L’Europe pourra surmonter cette faiblesse grâce à davantage d’innovation et à une plus grande mobilité des personnes et des idées, afin de sauvegarder le potentiel d’emplois et l’avenir de notre jeune génération. En même temps, la jeune génération ne doit pas crouler sous le poids de la structure démographique. Le vieillissement de notre population pose de graves problèmes à cette Ausgewählte Reden 225 L’Union européenne: Valeurs - Politiques - Economie Discours au Centre Universitaire Royal Maria Cristina, El Escorial, le 4 mai 2006 génération et aux générations futures. Les dépenses liées aux régimes de retraite et de santé augmentent, alors que, parallèlement, la population active ne cesse de diminuer. D’ici le milieu du XXIe siècle, le nombre d’Européens âgés entre 15 et 65 ans aura diminué d’environ 50 millions, tandis que le nombre de retraités aura lui augmenté de quelque 60 millions. Il pourrait en découler une baisse notable de la croissance économique dans l’UE (passant de 2 % aujourd’hui à 1,3 % d’ici 2050). A l’avenir, la politique européenne devra se concentrer sur ces problèmes. Il s’agira en particulier de réformer les régimes de pension et de protection sociale, d’augmenter la production et le taux d’emploi et de mener une politique d’immigration adéquate. L’intégration européenne associée à un marché intérieur ouvert permettra de donner à la mondialisation une forme socialement acceptable pour nos citoyens tout en apportant des avantages économiques réels. Il est déterminant pour la compétitivité et la croissance que nous considérions la mondialisation comme un défi - et que nous le percevions comme une opportunité pour l’Europe d’accéder à la stabilité dans le contexte de la mondialisation de l’économie. Ce dont nous avons besoin, ce sont des réformes bien ciblées, plus de flexibilité, une plus grande responsabilisation personnelle et moins de bureaucratie. En même temps, nous devons créer un environnement macroéconomique axé sur la croissance afin de garantir la stabilité de la monnaie, le dynamisme de l’économie et la vigueur du marché du travail. Il convient de réduire la dette publique de manière soutenue. C’est pourquoi, je ne peux qu’encourager tous les politiques chargés des questions budgétaires et financières à prendre avec tout le sérieux qui s’impose le pacte de stabilité européen. Au cours de ces dernières décennies, le Parlement européen - grâce à la contribution déterminante de notre Groupe - s’est engagé sans relâche à donner à l’Union européenne un visage démocratique. Nombre de jalons posés sur cette voie porte la marque des démocrates chrétiens: l’union économique et monétaire, le marché unique, la formulation de la Charte des droits fondamentaux, et ensuite le projet de Constitution et l’unification de l’Europe fondée sur la paix et la liberté. C’est également dans une large mesure grâce à nous, au fil du temps, que l’Europe est passée d’une intégration économique à une intégration politique. La méthode communautaire nous rapproche de cette vision de Robert Schuman, qu’il a décrite en termes si saisissants: «Il ne s’agit pas de créer une coalition d’Etats, mais d’unir des individus». Aujourd’hui, cette Europe est une institution de paix, car notre Union européenne applique la loi de la justice et non pas la loi de la jungle. Parallèlement, nous devons tirer parti des opportunités offertes par le marché unique et les développer encore. Un excellent moyen d’achever le marché intérieur consiste à améliorer la liberté réciproque de fournir des services en adoptant la directive «services» approuvée dans son principe par le Parlement et le Conseil des ministres ce printemps. Une fois qu’elle aura été transposée avec succès, cette directive devrait contribuer à améliorer encore la compétitivité du secteur des services, le plus important en Europe, qui représente deux tiers des emplois. Une économie européenne compétitive ne constitue néanmoins pas une fin en soi; une économie forte est toujours une condition sine qua non à une politique sociale de qualité. Pour nous, compétitivité rime avec création d’emplois en Europe, la croissance doit être stimulée et l’environnement économique européen amélioré. C’est ce que nous entendons par politique sociale, au vrai sens du terme. Nous ne devons pas opposer protection de l’environnement et écologie avec développement économique; il nous faut trouver un juste équilibre entre ces deux impératifs. Il est dès lors important de soutenir la Commission européenne et les Etats membres pour qu’ils mènent leur action dans le sens de la stratégie de Lisbonne, l’UE devant devenir l’un des acteurs clés sur la scène politique internationale. 226 Ausgewählte Reden Conclusion Mesdames et Messieurs, votre génération tient la paix en Europe pour acquise et ne saurait plus justifier à elle seule l’intégration européenne. Il est donc primordial de mettre davantage l’accent sur l’importance de nos valeurs, mais aussi sur les principaux piliers de notre politique - courage, adhésion aux principes, solidarité et esprit de compromis - sur lesquels nous nous appuierons pour débattre de la Constitution. J’ai confiance dans la volonté de compromis traditionnelle et caractéristique de l’Europe, peut-être la pierre angulaire essentielle de notre maison européenne. En dernière analyse, la réussite exceptionnelle de l’Europe s’est construite sur les fondations de la maison européenne qui nous ont permis de surmonter des obstacles qui nous paraissaient infranchissables. Nous poursuivrons notre tâche avec ferveur et patience pour que le Parlement européen contribue à la construction d’une Europe démocratique et solidaire avec ses citoyens. Je compte sur vous pour nous accompagner dans ce périple - dans l’intérêt de l’Espagne et de l’Europe dans sa globalité. Ausgewählte Reden 227 Influence des visions de Robert Schuman sur l’Europe d’aujourd’hui Discours à l’université Andrássy, Budapest, le 30 mai 2006 Cher Wim van Velzen, Chers Amis, Influence des visions de Robert Schuman sur l’Europe d’aujourd’hui Discours à l’université Andrássy, Budapest, le 30 mai 2006 Robert Schuman, homme d’Etat d’exception et visionnaire de l’Europe, est aujourd’hui, encore et toujours, une figure de proue de l’intégration européenne. Il est tout à fait logique et particulièrement symbolique de se trouver réunis ici, à Budapest, pour rendre un hommage au père fondateur de l’Europe, Robert Schuman, à l’occasion de la commémoration du 120ème anniversaire de sa naissance. Nous fêtons parallèlement les 15 ans de l’Institut Robert Schuman, qui, depuis sa création en 1991, a servi l’idée européenne par un engagement exceptionnel et de multiples activités. C’est en 1991 que l’institut Robert Schuman Institut a vu le jour, après la chute du mur et l’effondrement de l’Union soviétique. Son action se concentre sur la coopération avec les partis démocratiques d’Europe centrale et orientale, et il contribue ainsi notablement à la transposition des idées de Robert Schuman. Mes chaleureux remerciements vont au Groupe du PPE-DE, mais aussi personnellement à Wim van Velzen, l’ancien Vice-président du Groupe du PPE-DE et détenteur de la médaille Robert Schuman, pour son travail engagé et décisif de président de l’Institut Robert Schuman. Je remercie également le directeur de l’Institut, Erhard von der Bank, son prédécesseur Martha Szalay et tous les collaborateurs et collaboratrices. Toutes mes félicitations à Camiel Eurlings, le nouveau président de l’Institut Robert Schuman. Les personnalités à la présidence symbolisent l’histoire du PPE et de son Groupe au Parlement européen: Egon Klepsch, qui a présidé le Groupe plus longtemps que personne et qui a encore connu Robert Schuman personnellement, Wilfried Martens, Président du PPE et ancien Vice-président du Groupe, Jacques Santer, ancien Président de la Commission européenne et ancien Ministre-président du Luxembourg et ancien Président du PPE, ainsi que Wim van Velzen. Mesdames et Messieurs, il n’y a pas si longtemps - la Journée de l’Europe - nous avons commémoré la déclaration historique de Robert Schuman du 9 mai 1950 sur le nouvel ordre européen. Il s’agissait là du premier pas décisif dans la voie de la construction européenne. Ce n’est que grâce à son engagement personnel que Robert Schuman et ses compagnons de route Jean Monnet, Konrad Adenauer et Alcide De Gasperi ont pu faire de l’Europe une communauté pacifique. Nous ne leur serons jamais assez reconnaissants de ce qu’ils ont réalisé. En 2000, à l’occasion Ausgewählte Reden 229 Influence des visions de Robert Schuman sur l’Europe d’aujourd’hui Discours à l’université Andrássy, Budapest, le 30 mai 2006 de la commémoration des cinquante ans de la déclaration de Robert Schuman, le Groupe du PPE-DE ne s’est pas contenté, dans le cadre d’une manifestation impressionnante dans la salle de notre Groupe à Bruxelles, d’évoquer les principes défendus par Robert Schuman, mais il s’est engagé à se laisser guider par ces principes, également à l’avenir. Robert Schuman symbolise les racines chrétiennes de l’Europe. Aujourd’hui encore, la politique que nous défendons au sein du Groupe du Parti Populaire Européen (DémocratesChrétiens) et des Démocrates Européens au Parlement européen reste marquée par les valeurs, les visions et les idées de ce grand homme. Schuman et l’Europe Avant la fin de la Seconde guerre mondiale déjà, Robert Schuman était bien conscient que l’avenir ne se construirait qu’ensemble et non pas les uns contre les autres, comme le laisse entendre cette citation: «Après que les armes se seront tues, nous tendrons la main à nos ennemis d’hier pour nous réconcilier et bâtir ensemble la nouvelle Europe. La paix comme base d’un futur digne d’être vécu ne peut se développer que si nos peuples se pardonnent, apprennent à se comprendre et se réconcilient». En sa qualité de ministre des Affaires étrangères, il a jeté les bases de la Communauté européenne du charbon et de l’acier. Il a proposé de soumettre le charbon et l’acier, matières premières de l’industrie de l’armement, à la supervision d’une structure commune. Ainsi, il posait la première pierre de la communauté européenne d’Etats et d’une réussite sans pareille dans le monde. La Communauté européenne du charbon et de l’acier a donné naissance à la Communauté économique européenne de 1957. Les décennies suivantes verront l’instauration du marché intérieur et de la monnaie unique. L’Union européenne compte aujourd’hui 25 Etats membres, qui seront bientôt 27. «Paix est toutefois le maîtremot», déclarait déjà Robert Schuman en 1950. Même si aujourd’hui l’idée de la paix ne saurait constituer la seule justification à l’union de l’Europe, elle reste déterminante. Aujourd’hui, force est de constater que Robert Schuman avait raison: les Etats nations seuls ne sont plus toujours à même de garantir la prospérité, la sécurité intérieure et la paix. En tant que communauté de droit et de valeurs, l’Union européenne assure la paix, renforce la cohésion entre les Etats et crée les conditions de l’intérêt général et de la prospérité. 230 Ausgewählte Reden Dans ce contexte, je tiens à souligner l’unification de l’Europe à la suite du grand élargissement qu’a connu l’Union européenne le 1er mai 2004. Dès le début des années 1960, Robert Schuman avait indiqué, lors d’un entretien qu’il avait accordé à de jeunes députés, comme l’a rapporté l’ancien Président du PPE, Hans-August Lücker, qu’un jour les amis d’Europe centrale et orientale retrouveraient eux aussi la liberté et contribueraient à œuvrer à l’unité de notre continent. L’adhésion de la Hongrie, de la Pologne, de la République tchèque, de la Slovénie, de la Slovaquie et des trois Etats membres, à savoir l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie est une nouvelle étape historique réussie de l’UE. Ces pays ont surmonté le communisme et ont réussi à imposer la démocratie et l’autodétermination. Le Parlement européen, et en tête le Groupe du PPE-DE, a prôné avec conviction l’intégration des Etats d’Europe centrale et orientale dans l’Union européenne. C’est notre Groupe qui a proposé de mener des négociations d’adhésion avec les huit Etats d’Europe centrale et orientale et non pas uniquement avec certains d’entre eux. Je me souviens très bien de quelle manière le Vice-président du Groupe, Staffan Burenstam Linder, a développé les notions de «négociations intensives» avec les pays plus avancés et de «négociations» avec les pays moins avancés, et m’en a fait part au parlement suédois, alors que j’étais Vice-président du Groupe chargé des questions relatives à l’Elargissement. Wilfried Martens était Président du Groupe entre1994 et 1999. J’y adhérais totalement et j’ai formulé ces réflexions dans une petite chambre de l’hôtel Nelson à Stockholm dans une proposition de notre groupe parlementaire. Lors de la session de notre groupe le 1er octobre 1998, qui a déjà débuté exceptionnellement à 8 heures au lieu de 9 heures, le Groupe a approuvé à l’unanimité ces réflexions. Le Parlement européen, la Commission et les Etats membres se sont ralliés à cette position, de sorte que tous les pays mentionnés ont pu adhérer à l’UE le 1er mai 2004. Je me réjouis tout particulièrement qu’à l’occasion de cet hommage rendu à Robert Schuman, nous nous trouvions à Budapest, capitale de la Hongrie, ce pays qui s’est opposé avec tant de bravoure aux chars soviétiques en 1956, il y a tout juste 50 ans. L’Europe unifiée est un enrichissement et un défi. Nous devons tous nous efforcer d’écouter l’autre, de stimuler les échanges, d’apprendre de l’autre et de faire preuve d’une capacité de compromis. Dans le cadre de son travail, notre Groupe pratique cela au quotidien - avec ses 263 députés (depuis 1999), le plus grand Groupe au Parlement européen et le seul Groupe regroupant des députés issus des 25 Etats membres de l’UE, de même que des «observateurs» des pays candidats, à savoir la Roumanie et la Bulgarie. Ausgewählte Reden 231 Influence des visions de Robert Schuman sur l’Europe d’aujourd’hui Discours à l’université Andrássy, Budapest, le 30 mai 2006 L’Europe: une communauté de valeurs Mesdames et Messieurs, chers Amis, l’Union européenne n’est ni une alliance de circonstance ni une alliance d’intérêts à caractère économique. Il s’agit, selon Robert Schuman, d’une communauté de valeurs fondée sur l’image chrétienne de l’Homme qui repose sur la démocratie, l’Etat de droit, la solidarité et la tolérance. L’être humain est un «individu», responsable pour lui-même et vis-à-vis de la communauté. L’image culturelle que l’UE a d’elle-même est fondée sur la tradition chrétienne. C’est dans ce sens que le Groupe du PPE-DE s’investit avec énergie et élan. S’il n’y avait pas de valeurs européennes fondamentales et la volonté commune de bâtir un avenir pour le bien de tous, nous n’en serions pas là aujourd’hui. Je me risque même à dire qu’autrement, l’intégration politique de notre Communauté européenne n’aurait même jamais été envisageable. Nous sommes loin d’être au bout de nos peines en Europe: le projet européen ne cesse de soulever de nouvelles interrogations. Robert Schuman savait lui aussi pertinemment que l’Europe «ne se fera pas en un jour». La dynamique qui caractérise notre temps modifie constamment les réalités politiques concrètes. Ces changements impliquent de nouveaux défis. Ces défis, à condition de les accepter, sont aussi synonymes de nouvelles possibilités et de nouveaux horizons. En revanche, la communauté de valeurs reste inchangée et forme un cadre de négociations clair: pour décider de ce qui doit être maintenu, amélioré, évité ou combattu. Dès lors, il importe que l’Union européenne adapte avec souplesse sa vision de l’ordre politique aux défis de demain, mais les valeurs fondamentales européennes demeurent les fondations. Cependant, la stabilité et le dialogue avec nos voisins méritent toute notre attention dans le sens des convictions de Robert Schuman, qui sont axées sur l’entente. Le monde islamique et arabe, du Maroc à l’Iran, est notre voisin le plus proche et le plus important. Sa richesse culturelle, son potentiel politique et économique, de même que les conflits internes qu’il connaît, impliquent pour cette région - c’est d’ailleurs aussi ce que considère l’Europe une mission d’organisation de longue haleine et complexe. L’Europe acquiert une nouvelle dimension avec la présence croissante de l’islam dans les sociétés européennes. Le dialogue culturel avec l’islam revêt par conséquent une grande importance pour la paix et la tolérance au sein de nos populations, et aussi pour garantir un bon partenariat de voisinage entre elles et les populations musulmanes. Ce dialogue doit s’appuyer sur la vérité. 232 Ausgewählte Reden Depuis 1989, je me suis rendu dans 16 pays arabes ou musulmans. Lors de ma visite à Riyad, la capitale de l’Arabie saoudite, le président du Conseil de la choura, un religieux musulman de haut rang cultivé et charmant, m’a demandé comment les musulmans étaient traités en Allemagne et en Europe. Je lui ai répondu qu’ils pouvaient prier dans leurs mosquées et qu’ils jouissaient de toute la liberté de culte en lui précisant que les musulmans d’Europe n’étaient pas toujours suffisamment intégrés dans la société. A mon tour, je lui ai demandé s’il était vrai que lorsqu’une musulmane ou un musulman désireux de se convertir au christianisme encouraient, en vertu de la loi, la peine de mort. Je n’ai pas reçu de réponse et j’ai interprété ce silence comme une confirmation. L’ambassadeur allemand qui m’accompagnait m’a révélé plus tard que jusqu’ici personne n’avait jamais osé poser une telle question. Je ne voyais pas en quoi cette question était particulièrement courageuse, mais je suis convaincu que le dialogue nécessaire avec l’islam ne pourra être couronné de succès que s’il est fondé sur la vérité et la tolérance mutuelle. Un meilleur accès au marché européen et un soutien accru, notamment dans la mise en place de structures démocratiques et d’économie de marché, sont autant d’autres éléments essentiels pour atteindre cet objectif. L’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne, qui se compose de députés européens, de députés des Etats membres de l’UE et d’Etats tiers méditerranéens, peut jouer un rôle important dans ce processus de dialogue et de coopération. L’Europe d’aujourd’hui et de demain Ce que nous avons accompli en Europe depuis la vision de Robert Schuman est exceptionnel: plus de 450 millions de personnes sont, malgré les frontières nationales et grâce à des valeurs communes européennes, liées entre eux par l’Union européenne. Le marché intérieur européen est l’espace économique européen le plus important au monde. Notre famille politique a notablement contribué à ces réalisations. Cette paix, cette liberté et cette prospérité croissante, nous la devons à l’intégration européenne. L’UE symbolise la plus longue période de paix de l’histoire de l’Europe occidentale et centrale. L’année prochaine, nous commémorerons les cinquante ans des traités de Rome signés le 25 mars 1957. Rien n’est acquis pour autant et il appartient aux acteurs politiques de garantir durablement l’avenir de l’Union européenne. Ausgewählte Reden 233 Influence des visions de Robert Schuman sur l’Europe d’aujourd’hui Discours à l’université Andrássy, Budapest, le 30 mai 2006 La diversité nationale et culturelle est à cet égard une caractéristique essentielle de l’Union européenne, et ce, depuis ses débuts. Il est important de percevoir cet aspect comme un avantage et de favoriser son renforcement en tant que tel. Dans ce contexte, il convient de veiller au respect conséquent du principe de subsidiarité. La formulation des objectifs communautaires et la définition des compétences prioritaires devraient être guidées en permanence par la formule «l’unité dans la diversité». La Constitution européenne Le Parlement européen, et en tête le Groupe du PPE-DE, s’engage en faveur de la Constitution européenne. C’est notre Groupe politique qui, en janvier 2001, lors du congrès du PPE à Berlin a lancé une proposition dont l’objectif était de convoquer une conférence chargée d’élaborer une constitution, car nous estimions, et notre opinion n’a pas changé à cet égard, que le traité de Nice ne permettait pas à l’Union européenne de répondre aux défis de demain. Avec un traité constitutionnel, l’Union européenne gagnerait en démocratie, en légitimité et en transparence. Ces réformes sont indispensables, impératives si l’Union européenne entend être capable d’agir et prête à affronter l’avenir. Il convient d’assurer une efficacité maximale des processus décisionnels entre les institutions européennes et une répartition plus claire des compétences. Les citoyens doivent savoir qui est responsable pour quoi en Europe. Un rôle accru du Parlement européen à travers l’extension de la procédure de codécision s’impose: les institutions communautaires – Parlement européen, Conseil des ministres et Commission européenne – agissent sur un pied d’égalité. Le Groupe du PPE-DE affirme clairement son attachement à la méthode communautaire, à l’action communautaire, qui découlent des propositions réellement révolutionnaires présentées le 9 mai 1950 par Robert Schuman. Le Parlement européen légifère sur un pied d’égalité avec le Conseil des ministres sur plus de 70% de la législation européenne. La Constitution prévoit un poste de ministre des Affaires étrangères de l’Union. Cette initiative contribuerait notablement à renforcer la représentation extérieure de l’UE. Ce n’est qu’en s’unissant que les Etats nations européens parviendront à se faire entendre sur la scène politique internationale. En dehors de la Chine et de l’Inde se développent d’autres nouveaux champs de force économiques et politiques auxquels l’Europe doit se préparer. La meilleure coordination et la meilleure représentation de la politique extérieure commune est donc déterminante si l’on entend renforcer l’avenir de l’UE en tant qu’«acteur international». 234 Ausgewählte Reden Au cœur de l’influence de la politique extérieure figure la lutte contre le terrorisme international, la garantie de la sécurité extérieure et intérieure ainsi que l’armement et le soutien à la non-prolifération des armes de destruction massive. A cet égard, il est essentiel de pouvoir s’appuyer également, comme auparavant, sur l’alliance transatlantique avec nos amis américains, ce qui n’exclut pas les critiques à l’égard des Etats-Unis relatives au camp de prisonniers de Guantanamo à Cuba et à la peine de mort. Les démocrates chrétiens européens ont toujours œuvré en faveur de l’incorporation de la Charte des droits fondamentaux dans les principes de base du traité, afin de garantir aux citoyens un caractère contraignant aux libertés et droits fondamentaux. Ainsi, l’accent serait mis sur le fait que l’Union européenne est une communauté de valeurs qui élève au rang de priorités le respect des droits de l’Homme, la tolérance, le principe de subsidiarité et la solidarité. En ce sens, nous nous plaçons dans la tradition des valeurs défendues par Robert Schuman et les autres pères fondateurs de l’union de l’Europe. Il ne fait aucun doute que Robert Schuman aurait préconisé la référence à Dieu et à l’héritage judéo-chrétien, là où nous avons malheureusement échoué, notamment à cause de l’attitude affichée par son pays d’origine. Un objectif prioritaire de la Convention sur l’avenir constitutionnel de l’Europe était de rapprocher les citoyens de l’UE. Paradoxalement, le rejet de la Constitution par la France et les Pays-Bas - il y a tout juste un an - témoigne très clairement de cette nécessité. Ensuite, le Conseil européen a imposé une «période de réflexion». Les chefs d’Etat et de gouvernement veulent soumettre les résultats de cette «phase de réflexion» à un bilan du processus de ratification. Aujourd’hui, nous supposons que cette période de réflexion sera prolongée lors du sommet de juin Nous devons en profiter pour familiariser les citoyens avec cette constitution. Nous devons faire passer le message suivant: l’Europe est la condition pour résoudre les problèmes fondamentaux auxquels doivent faire face nos nations. Seule l’Europe peut nous permettre de façonner la mondialisation selon nos conceptions. Il importe que nous fassions clairement comprendre que l’Europe symbolise le lien entre dynamisme économique et responsabilité sociale. Ce serait une erreur que de «sonner le glas» de la Constitution à l’heure d’aujourd’hui. L’UE a besoin du contenu réformateur du traité constitutionnel. Entre-temps, une majorité d’Etats membres, soit 15 en tout, ont ratifié le traité de constitution, le dernier en date étant l’Estonie. La Finlande devrait suivre. Ces pays représentent plus de la moitié des 450 millions de citoyens de l’UE. Même ceux qui font montre de scepticisme à l’égard de la Ausgewählte Reden 235 Influence des visions de Robert Schuman sur l’Europe d’aujourd’hui Discours à l’université Andrássy, Budapest, le 30 mai 2006 Constitution ne peuvent ignorer cette réalité. Le processus de ratification doit se poursuivre. Plus il y a de pays à la ratifier, plus il y a de chances que les principes et l’essentiel du processus constitutionnel soient conservés. Ce n’est pas la première fois dans l’histoire de la construction européenne qu’un traité est rejeté par référendum. Depuis les débuts de l’histoire de l’intégration de la Communauté, l’Europe a essuyé des revers qu’il a fallu surmonter et qui ont finalement contribué à la réussite européenne. Si l’Union européenne traverse actuellement des difficultés, cela ne signifie pas qu’elle ne peut pas sortir grandie de cette épreuve. En 1992, les Danois avaient rejeté le traité de Maastricht, qui devait constituer la pierre angulaire du projet de monnaie commune. En 2001, les Irlandais ont rejeté le traité de Nice. Pourtant, dans ces deux cas, le «oui» l’a finalement emporté après la tenue d’un second référendum. J’en tire la conclusion que là où il existe une volonté politique, une solution n’est jamais loin. Il y a deux semaines, la Commission européenne a présenté un «projet citoyen», sa contribution au débat sur la Constitution. Ce projet prévoit une déclaration d’engagement politique aux objectifs de l’Europe des chefs d’Etat et de gouvernement, du Parlement européen et de la Commission dans l’optique du 50ème anniversaire des traités de Rome en 2007. J’ai expressément salué cette proposition. Il convient de mieux tirer parti des possibilités offertes par les traités existants. Cependant, je veux aussi clairement dire que dans ce document de stratégie, il manque la reconnaissance claire du bien-fondé de la Constitution européenne et la volonté de lutter en faveur de cet objectif. Il va de soi que les réformes institutionnelles décisives ne verront pas le jour sans les contenus de fond du traité de Constitution. Elargissement et approfondissement Le sentiment d’identité européenne et l’intégration exigent des limites, des objectifs concrets et des succès tangibles. Il est dès lors indispensable d’accorder à la question du futur élargissement de l’UE l’importance qu’elle mérite. D’autres adhésions ne sont envisageables que s’il existe une base commune suffisante aux plans culturel, politique et financier. Mi-mai, la Commission a présenté le rapport de progrès concernant les préparatifs d’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie à l’UE. La capacité de la Roumanie et de la Bulgarie, après 45 ans d’une économie communiste désastreuse, à instaurer un véritable Etat et une société démocratique mérite d’être reconnue. Le processus de réforme de ces deux pays doit se 236 Ausgewählte Reden poursuivre de manière intensive. Par conséquent, la proposition de la Commission en ce qui concerne les progrès de la Roumanie et de la Bulgarie va dans le bon sens. Ensemble, nous voulons faire de l’adhésion de ces deux pays à l’Union européenne un succès. Le propos n’est donc pas ici de remettre en cause des dates d’adhésion, mais d’entamer les réformes indispensables avant de prendre la décision d’adhésion à l’automne. S’agissant des prochains élargissements - et à cet égard, je souhaiterais exclure expressément la Croatie -, nous pensons qu’une certaine modération doit être de mise. La capacité d’intégration de l’UE devra être davantage prise en considération dans le cadre des futures négociations d’adhésion. Lors de l’ouverture des négociations d’adhésion, il serait judicieux de ne pas fixer d’entrée de jeu l’adhésion à part entière comme objectif ultime. Nous devons ouvrir aux pays des Balkans des perspectives européennes claires tout en leur faisant clairement comprendre que la route qui mène vers l’Union européenne suppose un processus de longue haleine. Il faut se demander si les fondements de notre maison européenne sont suffisamment solides. Le Parlement européen a récemment préconisé, dans un rapport sur la stratégie d’élargissement, de mettre le pied sur le frein en matière d’élargissement: à l’heure actuelle, les capacités d’intégration de l’UE sont saturées. Le Parlement européen recommande donc avec insistance la transposition des réformes de la Constitution européenne - afin d’assurer aussi à l’avenir la capacité d’action et de fonctionnement de l’UE grâce à la réforme de ses organes, de ses procédures et de ses domaines d’activité. Conclusion La société d’aujourd’hui doit offrir toutes leurs chances aux générations futures. Pour ce faire, une Europe unie s’impose. Le Groupe du PPE-DE s’investit dans le sens des idées politiques et des valeurs défendues par les pères fondateurs - surtout celles de Robert Schuman - pour l’Europe de demain. Nous contribuons, avec un engagement total et la force de nos convictions politiques, à ce qui nous tient tous à cœur: une Europe unie pour tous et comme modèle pour le monde. Une Union européenne qui se caractérise par la liberté et la responsabilité, la solidarité et la subsidiarité, la coexistence pacifique des peuples de notre continent. C’est ainsi que nous pourrons, sur la base de nos valeurs, qui furent aussi celles de Robert Schuman, honorer son héritage. Nous honorons Robert Schuman en restant fidèles à ses idéaux et en les transmettant à l’avenir. C’est le plus grand service que nous puissions nous rendre, ainsi qu’aux générations actuelles et à celles d’après. Ausgewählte Reden 237 La réunification de l’histoire européenne Allocution lors de la journée d’études du Groupe du PPE-DE, Bruxelles, le 8 juin 2006 Merci, Christopher Beazley, pour cette allocution introductive. J’aimerais vous remercier, j’aimerais remercier les autres organisateurs, Tunne Kelam, Vytautas Landsbergis, Aldis Kušķis pour avoir préparé cette réunion d’aujourd’hui. Je pense que vous avez très bien travaillé. Je pense qu’il est nécessaire d’honorer notre histoire européenne commune. La réunification de l’histoire européenne Allocution lors de la journée d’études du Groupe du PPE-DE, Bruxelles, le 8 juin 2006 Chers amis, je voudrais une fois encore vous remercier d’avoir organisé aujourd’hui cette journée d’étude. Nous vivons dans une époque où le changement est très rapide. Les événements nous assaillent jour après jour, et on pourrait quelque peu perdre le fil si l’on ne s’arrêtait pas pour réfléchir de temps à autre et pour se demander d’où nous venons. Le chemin qui nous mènera à l’avenir, nous ne pourrons le parcourir qu’en sachant d’où nous venons. Voilà pourquoi la prise en compte de l’Histoire et tirer les enseignements de l’Histoire sont des processus spirituels tout à fait nécessaires car on ne peut s’acheminer de façon correcte vers l’avenir qu’en connaissant son passé. Les bons aspects du passé ainsi que les mauvais. Cette journée d’étude d’aujourd’hui est une journée de réflexion. C’est une journée importante au plan spirituel et moral parce que cette journée d’étude doit nous rappeler tout ce qui s’est passé de terrible en Europe et dans le monde. Elle doit nous permettre d’en tirer des conséquences pour notre vieux continent en renouvellement constant. Permettez-moi de commencer tout d’abord par ce que j’ai vu à la télévision allemande hier soir. En Allemagne, le Conseil central des Juifs a élu hier une nouvelle Présidente, Paul Spiegel, l’ex-Président, étant décédé, il y a quelques semaines. Charlotte Knobloch a été élu à 73 ans. Certains diront sans doute que c’est déjà un âge bien avancé. J’ai prié mon collaborateur d’envoyer nos félicitations à Mme Knobloch en disant qu’elle a désormais l’âge du Premier Chancelier fédéral allemand, Konrad Adenauer, qui avait 73 ans lorsqu’il est devenu Chancelier. 73 ans, c’est encore jeune. Alors pourquoi est-ce que je mentionne Charlotte Knobloch ? C’est une femme tout à fait intéressante. Alors qu’elle était encore une enfant, à l’époque où on amenait les Juifs allemands dans les camps de la mort, cette petite fille avait Sélection de discours 239 La réunification de l’histoire européenne Allocution lors de la journée d’études du Groupe du PPE-DE, Bruxelles, le 8 juin 2006 été cachée par des paysans catholiques. On l’a fait passée pour un enfant adultérin et elle a donc pu rester toute la période de la deuxième guerre mondiale dans cette ferme où elle a survécu alors que de nombreux membres de sa famille ont été exterminés. Alors, permettez-moi de vous dire - et je suis Allemand - que je crois que les Allemands ont assez largement réussi à réélaborer leur passé et à assumer les méfaits du Nationalsocialisme ainsi que la culpabilité que cela comporte. C’était une culpabilité dont nous sommes très largement exempt mais c’est une culpabilité qui nous est imposée du fait que les Nationaux socialistes avaient une idéologie fondée sur la race. Mais, comme l’Allemagne a dû réélaborer et réétudier son passé, c’est un processus spirituel et moral, et ce n’est qu’en faisant cela que l’on peut aborder l’avenir. Tout comme l’Allemagne l’a fait, il faut le faire également pour revoir l’histoire du Communisme totalitaire et ses méfaits. Il faut dire très clairement que le National-socialisme et le Communisme ont eu les mêmes conséquences diaboliques et que Hannah Arendt, la grande politologue juive, a évoqué cinq critères que l’on peut appliquer au régime diabolique du Communisme totalitaire et au régime diabolique du National-socialisme. Les deux étaient des idéologies et l’idéologie cela signifie que l’on prend en compte l’Homme tout entier et qu’on ne lui laisse aucune marge de responsabilité personnelle. L’Homme, l’être humain est utilisé pour un objectif prétendument plus élevé. La race chez les Nationalsocialiste, la classe chez les Communistes et tout cela est répréhensible. La grande possibilité qui s’offre à notre époque, le miracle de notre époque c’est que nous ayons eu des parents qui ont vu l’écroulement du National-socialisme et que plus tard nous ayons pu assister, en 1989, à l’écroulement du Communisme. Alors, je fais partie du PE depuis 1979, je suis l’un des six députés restants de cette époque. Si on m’avait dit, en 1979, que trois nations, qui avaient été occupées par l’Union soviétique - l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie - fassent partie de la communauté de valeurs de l’Union européenne, que les Etats anciennement du Pacte de Varsovie - la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie, la Hongrie, la Slovénie - fassent partie aujourd’hui de la communauté de valeurs de l’Union européenne, c’est le miracle de notre époque et nous ne devrions jamais oublier la gratitude que nous devons au fait que ces nations aient adhéré à l’Union européenne au premier mai 2004. Nous avons toutes les raisons de nous en réjouir de tout cœur. 240 Sélection de discours Chers amis, Je pense que cela mérite des applaudissements. J’apprécie votre retenue mais je pense que la joie que nous ressentons nous est commune. De quoi est-il question aujourd’hui ? Il y a quelques années, il a été souhaité que le Président russe intervienne au Parlement européen. Le Groupe du PPE-DE pensait, à l’époque, qu’il fallait d’abord inviter le Président américain parce que nous devons beaucoup à l’Amérique s’agissant de la liberté, de l’Europe et du monde. Et bien évidemment, les Américains ne sont pas sans défaut non plus. Il y a eu la guerre en Irak et la conséquence en a été que le Président Bush n’a pas été invité au Parlement européen, ni d’ailleurs le Président Poutine. Ce que je voudrais vous dire, concerne la Russie. La Russie n’a pas encore réfléchi à son passé communiste, à son passé totalitaire. La dépouille mortelle de Lenine, le prédécesseur de Staline, est toujours exposée sur la place Rouge et est toujours un lieu de pèlerinage pour les Russes. Voilà pourquoi nous devons revendiquer que la Russie, comme l’Allemagne, réélabore son passé. Que la Russie fasse aussi ce travail spirituel et moral car une société ne peut avoir d’avenir valable que si elle connait son passé et que si elle reconnait ses erreurs et ses crimes passés. Ce n’est qu’une fois que la page est tournée et que l’on en a tiré les conséquences positives que l’on peut avancer. Et cela vaut également, et à l’identique, pour la République populaire de Chine. Mao Tse-Tung, comme Hitler et Staline, était un criminel de masse. Le passé de la Chine communiste n’a pas encore été traité. On ne peut pas dire qu’il y a eu des phases de dévoiement dans l’évolution. Le Communisme totalitaire doit également être vu pour ce qu’il était en République populaire de Chine et en Russie comme on l’a fait en Allemagne pour le National-socialisme. Chaque jour, nous sommes inondés par une pléthore d’informations. Beaucoup d’informations sur l’Union européenne, sur les manquements de l’Union européenne, sur l’excès de bureaucratie. Il y a une bureaucratie pléthorique mais pas qu’à Bruxelles, également dans les capitales nationales, et même dans les régions et les municipalités. En dépit de toutes les critiques justifiées que l’on peut avoir à l’endroit de l’Union européenne, puisque nous sommes tous des êtres humains, nous commettons tous des erreurs, en dépit de toutes les critiques, n’oublions pas les grandes réalisations de l’Union européenne qui est Sélection de discours 241 La réunification de l’histoire européenne Allocution lors de la journée d’études du Groupe du PPE-DE, Bruxelles, le 8 juin 2006 aujourd’hui une communauté fondée sur la dignité humaine, sur la démocratie, sur le droit et en particulier sur la coexistence pacifique des peuples. Si, depuis le 1er mai 2004, dix nouveaux peuples sont membres de l’UE, en plus des peuples d’Europe centrale, Malte et Chypre, nous avons maintenant 25 nations qui font partie de l’Union européenne. Cela représente 455 millions d’habitants c’est-à-dire plus qu’aux Etats-Unis et en Russie. Cela montre à quel point l’Europe est complexe, l’Europe est un continent extrêmement complexe. Puisque tel est le cas, puisque nous sommes un ensemble en raison des valeurs qui nous sont communes, il faut faire preuve de patience les uns avec les autres, il faut que nous nous écoutions, que nous apprenions et que nous nous comprenions et ce n’est qu’en se comprenant que l’on parvient à des solutions communes à ce continent. Je vous souhaite une excellente réunion. Je vous transmets les salutations du Groupe du PPE-DE. Je vous souhaite moi-même une cordiale bienvenue. Je vous souhaite à tous tout le bien possible pour vos pays européens et américains également car nous avons des hôtes américains parmi nous. Puisque nous avons deux Estoniens parmi nous, je voudrais dire que je les remercie parce qu’ils ont adopté le Traité Constitutionnel. Vous savez qu’après le non français et néerlandais, nous n’aurons pas la Constitution telle qu’elle se présentait au départ. Nous ne l’aurons pas à 100% mais plus on aura de pays qui ratifieront, plus il sera probable que nous pourrons en faire passer les principes et le fond de cette Constitution et cela me permettra donc d’avoir un instrument pour régler de façon pacifique les conflits qui nous opposeront. Nous aurons toujours des conflits, c’est un phénomène social mais ce qui est important c’est que nous puissions les régler en recourant à des moyens démocratiques et parlementaires. C’est ça la base même de la paix et l’Union européenne n’aura d’avenir valable et durable que si elle se fonde sur des valeurs et ces valeurs vous les trouver dans le Traité Constitutionnel. Voilà pourquoi, il faudrait que nous cherchions ensemble des voix et moyens nous permettant de réaliser le fonds et les valeurs de cette Constitution européenne pour que l’Union européenne ait un avenir réel basé sur la dignité de l’Homme et du droit. Dernière observation. Que vous vous penchiez aujourd’hui sur l’Histoire, que vous vous penchiez sur le terrible National-socialisme et sur le Communisme totalitaire tout aussi terrible, tout cela est tout à fait méritoire. C’est une réflexion basée sur l’Histoire que vous aurez aujourd’hui et cela me permettra de construire l’avenir de notre continent sur la base de la démocratie, de l’Etat de droit et de la paix. 242 Sélection de discours Sélection de discours 243 La Roumanie et la Bulgarie sur la voie de l’Union européenne Discours de remerciement à l’occasion de la remise des insignes de Docteur honoris causa à l’université Babes-Bolyai, Cluj-Napoca, le 5 octobre 2006 Très cher Prof. Dr Andrei Marga, Très cher Prof. Dr Nicolae Bocsan, Très cher Prof. Dr Ladislau Gyemant, La Roumanie et la Bulgarie sur la voie de l’Union européenne Discours de remerciement à l’occasion de la remise des insignes de Docteur honoris causa à l’université Babes-Bolyai, Cluj-Napoca, le 5 octobre 2006 Lorsque, il y a quelques mois de cela, il était question de me conférer la dignité de docteur honoris causa, il était on ne peut plus clair pour moi que l’on ne pouvait recevoir d’honneur académique plus prestigieux en Roumanie que le titre de docteur honoris causa de l’université de Babeş-Bolyai de Cluj-Napoca. Il ne s’agit pas seulement du plus important foyer intellectuel du pays. Elle figure également parmi les grandes universités européennes. Mais votre université constitue surtout un exemple et un modèle de coexistence et de coopération incomparables, à la fois pacifiques et d’une grande richesse d’échange intellectuel, dans cette région européenne. Aucune autre université, depuis le tournant européen du début des années 90, ne s’est autant distinguée en proposant des programmes d’études roumains, hongrois et allemands. Je suis bien conscient de ce que cela signifie dans le contexte de l’histoire de l’Ardeal. Je me contenterai de dire qu’il s’agit là d’une grande prouesse d’une identité européenne renouvelée et tournée vers l’avenir, pour laquelle j’ai le plus grand respect. Peut-être serez-vous intéressés – en particulier vous, chers étudiants – par l’association d’idées qui me vient à l’esprit, ici et maintenant, en pensant à Cluj et à l’université de ma région d’origine. J’ai été chargé de cours à l’université d’Osnabrück, et malgré mes responsabilités politiques variées, j’ai été coopté comme professeur honoraire. L’université d’Osnabrück a été fondée en 1631, c’est-à-dire plus tard que l’université de Cluj qui était à l’origine, en 1581, un collège jésuite. Cependant, à peine deux ans après sa fondation, l’université d’Osnabrück a été fermée par les troupes suédoises. I l a fallu attendre jusqu’en 1974 avant qu’elle ne rouvre ses portes. La ville d’Osnabrück est fière d’être avec Münster la ville de la paix de Westphalie. Jusqu’à la laïcisation en 1803, un système très original basé sur le principe de la paix des religions entre catholiques et protestants – cuius regio, eius religio – prévalait à Osnabrück, c’est-à-dire que lorsque le prince-évêque d’Osnabrück décédait, il était remplacé par un membre de l’autre confession; si le prince-évêque décédé était catholique, c’est un protestant qui était nommé à sa succession, et ainsi de suite. Sélection de discours 245 La Roumanie et la Bulgarie sur la voie de l’Union européenne Discours de remerciement à l’occasion de la remise des insignes de Docteur honoris causa à l’université Babes-Bolyai, Cluj-Napoca, le 5 octobre 2006 Loin de moi l’idée de suggérer qu’il faille s’inspirer de cet exemple pour alterner les personnes à la fonction de président de votre université. Je veux exprimer toute autre chose avec ces références à ma patrie: nous tous en Europe sommes liés par une histoire de tensions et de conflits qui est le résultat de nos différences identitaires, religieuses, linguistiques et culturels. Et nous sommes liés par la certitude que la lutte aux fins d’équilibre et de coexistence s’avère finalement la réponse là la diversité de notre continent la plus adéquate, la plus sensée et la plus efficace. Le droit prime sur le pouvoir. Il protège les plus faibles et il garantit la fiabilité dans les relations sociales et politiques. Dans l’Europe d’aujourd’hui, celle des peuples libres, nous sommes convaincus de ce principe, lequel nous renvoie à l’ère romaine qui a vu naître la pensée juridique, un des éléments constitutifs de l’Europe. Là aussi, un parallèle me vient à l’esprit: Marc Aurel a érigé Cluj comme colonie romaine. Dans la région d’Osnabrück, l’extension romaine vers le nord-est a été stoppée par la victoire des Germains sur les légions de Varus en l’an 9 après J.C. Ainsi, Cluj et Osnabrück ont autrefois fait partie de la périphérie de l’empire romain. Aujourd’hui, nos deux villes sont au coeur d’une Europe toujours plus imbriquée à laquelle appartiennent des peuples germains, slaves et romains, des Roumains, des Hongrois et des Allemands. D’ici quelques semaines, la Roumanie et la Bulgarie rejoindront l’Union européenne. Cette adhésion à l’Union européenne, votre peuple et les Bulgares l’attendent fiévreusement depuis des années. Un processus intense de renouveau aura précédé l’adhésion. Celui-ci ne sera pas terminé le jour de l’adhésion à l’Union européenne et ne saurait l’être. Mon groupe au Parlement européen a toujours été favorable à l’adhésion à l’UE de la Roumanie et de la Bulgarie et a soutenu sa réalisation au 1er janvier 2007. Nous avons toujours dit que la Roumanie et la Bulgarie font partie de la culture commune européenne. De même nous avons toujours dit que l’adhésion à l’Union européenne n’est pas un processus à sens unique. Elle répond aux intérêts de votre pays et de la Bulgarie. Mais elle répond aussi aux intérêts et de l’UE et de ses États membres. 246 Sélection de discours La reconnaissance dans cet accommodement des intérêts réciproques n’a des chances d’aboutir qu’à condition de se rassembler dans l’UE, en reconnaissant pleinement les normes élaborées communautairement. Ces normes constituent ce que l’on appelle l’acquis communautaire. L’acquis communautaire constitue le droit communautaire consacré dans l’UE. L’Union européenne est en tout premier lieu une communauté qui s’est dotée d’un droit commun s’appliquant à tous. Il importe que tous les États membres de l’UE s’y conforment. Il n’existe pas d’États membres de première et de deuxième catégories. L’adhésion de pays et de peuples, qui se perçoivent comme égaux en droits et qui, dans leurs relations entre eux, sont soumis à la législation qu’ils ont adoptée ensemble. C’est pourquoi – avant l’adhésion et après l’entrée d’un nouveau membre – il faut scrupuleusement veiller au respect de toutes les règles que nous nous sommes fixées. Et ce n’est qu’à cette condition que l’intégration européenne a un sens et qu’elle nous conduit à des objectifs vertueux. Par conséquent, après l’adhésion de la Roumanie et la Bulgarie, l’Union européenne devra suivre de près la voie prise par les structures et l’évaluation des réalités dans les deux pays. L’UE agit de même vis-à-vis des anciens États membres. En effet, si je prends ma propre patrie par exemple: une procédure de manquement au droit communautaire a été lancée en l’encontre de l’Allemagne à différents titres pour non-respect des critères du pacte européen de stabilité et de croissance au cours de ces dernières années. Comme le droit protège les plus faibles, le respect et la stricte application du droit de l’UE protègent l’intérêt de l’adhésion à l’UE pour tous. La Roumanie et la Bulgarie n’en seront dès lors pas moins bien accueillies dans l’UE. Ces deux pays doivent cependant savoir que le jour de leur entrée dans l’UE ne signifie pas la fin de la grande mutation entamée avec l’effondrement du système communiste totalitaire. L’intégration européenne elle-même est un processus en mutation perpétuelle qui modifie les structures et les contenus de l’intégration européenne et des institutions qui la représentent. Il modifie aussi les structures des États membres et influe sur la vie des citoyens de l’Union. Telle était l’ambition depuis les tous débuts et c’est ainsi que le perçoive beaucoup depuis longtemps de l’UE. Sélection de discours 247 La Roumanie et la Bulgarie sur la voie de l’Union européenne Discours de remerciement à l’occasion de la remise des insignes de Docteur honoris causa à l’université Babes-Bolyai, Cluj-Napoca, le 5 octobre 2006 L’intégration européenne va de pair avec un rapprochement d’éléments essentiels relatifs à la souveraineté nationale des différents États membres. Car seuls nous sommes trop faibles pour défendre nos intérêts dans le monde. Car nous avons plus à gagner dans des relations fondées sur la capacité de compromis et la recherche de l’équilibre que dans des conflits perpétuels. Car dans une communauté de droit, de démocratie et de liberté, nous avons les meilleures chances de contribuer à la paix dans le monde. Le rapprochement de nos souverainetés nationales, ce n’est pas une parole en l’air. Une formule non, un processus oui. Ce processus est déjà bien avancé. Aujourd’hui, la souveraineté monétaire, pour tous les États membres de l’UE, est exercée par la Banque centrale européenne, même pour les États membres qui ne font pas encore partie de la zone euro. Dans le domaine de la sécurité intérieure et dans le domaine de la politique extérieure et de défense, un nombre croissant d’éléments relatifs à la souveraineté relève du niveau européen, alors qu’ils relevaient jusqu’à présent de la compétence exclusive des différents États membres. L’Europe en sort renforcée, mais parallèlement cela implique des changements pour les États membres et leurs sociétés. Ils s’adapteront rapidement à ces nouvelles réalités européennes. Ensemble, nous allons ouvrir la voie à une nouvelle Europe. En particulier pour vous, chers étudiants de l’université Babeş-Bolyai, il s’agit là d’une grande chance, d’une chance unique. Lorsque j’avais votre âge, le processus d’intégration européenne n’en était qu’à ses balbutiements. Pratiquement personne à l’époque n’aurait cru que nous puissions réaliser ce qui se présente à nos yeux aujourd’hui: notamment que le communisme disparaîtrait sans violence, que l’Europe serait réunifiée pacifiquement, que nous posséderions une monnaie commune et, qu’entre-temps, nous aurions déployé des missions de paix européennes dans plus de douze endroits aux quatre coins du monde. Vous, la nouvelle génération roumaine, vous allez marquer de votre empreinte la nouvelle Europe dans les décennies à venir. Cette Europe deviendra de plus en plus la vôtre. Quelle perspective à la fois merveilleuse et risquée, dans laquelle vous pouvez vous lancer avec courage, sens des responsabilités et passion! L’adhésion de la Roumanie à l’Union européenne est un jour historique pour votre peuple et pour le peuple bulgare. C’est un grand jour pour nous tous dans l’Union européenne. En effet, la réunification de l’Europe est un atout pour tous les Européens. Elle est un atout pour la sécurité, un atout pour la liberté et un atout sur le marché commun, sans parler d’un atout intellectuel, un gain d’identité européenne. 248 Sélection de discours Votre éminent président du Conseil académique de l’université Babeş-Bolyai, le Prof. Andrei Marga, a contribué, il y a quelques années de cela, à une publication importante du Zentrum für Europäische Integrationsforschung à Bonn, dans laquelle il expliquait l’«expérience de la mutation», à savoir le développement de la culture politique des pays candidats à l’adhésion de l’UE: «On appartient à la culture européenne, dès lors que la culture juridique reconnaît l’individu comme objet des règles de droit et soutient la souveraineté et la portée générale de la loi.» Il est, au demeurant, remarquable que ce livre auquel a contribué le Prof. Marga, ait été publié par une historien hongrois, Gabor Erdödy. J’adhère à la thèse du Prof. Marga qui estime que pour la modernisation de la Roumanie et de toutes les autres sociétés en mutation, le système de valeur joue un rôle encore plus important que le renouveau économique. La dignité de l’homme est au cœur du système de valeurs qui nous lie dans l’Europe d’aujourd’hui. Le caractère unique et l’égalité de tous les hommes, tout comme le respect et la garantie de leur dignité – telle est la mission suprême dans l’Union européenne! Il ne suffit pas de disposer d’une économie compétitive, aussi importante soit-elle. Nous avons tout autant besoin, et encore plus, de la contribution des universités, de la contribution de la vie intellectuelle en Europe. Janos Bolyai, le grand mathématicien hongrois, un de ceux qui a donné son nom à votre université et qui vécut sous l’Empire austro-hongroise, a un jour adressé un courrier à l’Empereur François-Joseph lui soumettant des propositions pour un nouvel ordre financier juste. Il a quitté la tour d’ivoire de sa géométrie non euclidienne et vous donne ainsi, à vous étudiants actuels de l’université, un bon exemple. Dans un proche avenir, une réforme des finances publiques de l’Union européenne s’impose aussi. Ce débat est probablement encore plus compliqué que celui de la Constitution européenne. Il sera facilité, si tant est que les organes politiques responsable puissent s’appuyer sur des analyses de qualité et des propositions viables présentées par des spécialistes des secteurs concernés. Nous serions évidemment plus qu’heureux d’avoir un Janos Bolyai contemporain parmi nous, pour remédier aux problèmes ardus posés par les finances publiques européennes. Nous pourrions aussi avoir besoin de plus d’universitaires et de politiques visionnaires, qui voient plus loin que leur domaine de compétence immédiat, comme ce fut le cas de Victor Babeç, qui a lui aussi donné son nom à votre université. Je trouve extraordinaire et encourageant dans le contexte d’un renouveau nécessaire de l’université dans toute l’Europe, qu’un professeur spécialisé en pathologie et en bactériologie se soit consacré dans Sélection de discours 249 La Roumanie et la Bulgarie sur la voie de l’Union européenne Discours de remerciement à l’occasion de la remise des insignes de Docteur honoris causa à l’université Babes-Bolyai, Cluj-Napoca, le 5 octobre 2006 un livre au thème de la foi et des sciences. Au surplus, nous devons essayer d’aborder à nouveau ensemble des pathologies particulières. J’entends par «pathologie» pas seulement le domaine de travail de Victor Babeş. Comme vous le savez peut-être, je suis de confession catholique. J’ai donc particulièrement à l’esprit les propos du Pape Bénédicte XVI. Lors de sa brève visite en Bavière, il a parlé des pathologies de la religion. Il entendait par là les formes de religion qui recourent à la violence et à la radicalité dans l’exercice de la foi. Nous tous, nous abhorrons la violence, en particulier lorsqu’elle est soi-disant justifiée au nom de la religion. Nous savons tous que la paix n’est possible qu’en s’appuyant sur le droit. Dès lors, plus que jamais, nous devons promouvoir le dialogue des cultures et des religions. Nous devons faire en sorte que ce dialogue ait comme objectif le principe de réciprocité de la primauté du droit: la protection réciproque de la pratique religieuse de tous dans le respect l’un de l’autre. Ce dialogue est fondamental pour l’avenir spirituel de notre continent et pour la paix dans le monde. Il l’est entre les différentes confessions chrétiennes, de même qu’entre les chrétiens, les juifs et les musulmans. Nous sommes très attentifs à la manière dont on pense, on pratique l’enseignement et la recherche à l’université Babeş-Bolyai. Cette université est un lieu qui, grâce à son travail, s’achemine vers la vérité. La recherche de la vérité est son moteur. Telle est la position éthique que défend l’université depuis ses débuts. Sa mission est la même dans l’Europe du XXIe siècle. Il s’agit là de votre contribution toute personnelle à une Europe renouvelée, telle qu’elle est apprise, enseignée et étudiée à l’université Babeş-Bolyai. Ce passage est en roumain: Universitatea este obligata adevarului. Aceasta este ethosul universitatii de la infiintarii ei. Aceasta este missiunea ei si in secolul douazecisiunu. Aceasta este contributia personalá pentru o Europa reinnoita, cum ea invata, preda si cerceteaza la universitatea Babes Bolyai. Ce passage est en hongrois: Au surplus, il convient de veiller à ce que ce dialogue soit toujours honnête et riche. Qui d’autres que les spécialistes dans un milieu si marqué par les différentes cultures de l’université de Babeş-Bolyai pourraient mieux contribuer à ce thème si important de l’identité européenne? L’essentiel est que, dans le respect de la foi de l’autre et des différences culturelles qui existent, ne le nions pas, entre les hommes et les peuples, nous cherchions ce que nous avons en commun, que nous identifions honnêtement ce qui nous différencie et que nous empêchions toute forme de radicalité et d’indignité dans la relation aux autres. Il s’agit vraiment d’une question existentielle en Europe, qui dépasse notre continent. Je me réjouirais tant de voir les grands érudits et les étudiants engagés de l’université Babeş-Bolyai jouer eux aussi un rôle dans le dialogue des cultures. Az edjetem kötelesschége az igaschág képvischelete. Es as edjetem ethosa kesdettől fogwa. Es a hivatáscha a husonedjedik sásad Európájában.Es as ö seméjesch hossájáruláscha edj megújitott Európához, ason kerestül, amit Önök itt a Babes-Bolyai Edjetemen tanulnak, tanítanak ésch kutatnak. Merci de m’accueillir parmi vous en me décernant cette haute distinction avec laquelle vous m’honorez aujourd’hui. Elles incarnent dans votre université la force de la coexistence d’hommes et de femmes de langues, de cultures et de religions différentes. Dans sa Charte de 2005, l’accent est mis sur le fait que les études à l’université Babeş-Bolyai se déroulent «dans les mêmes conditions» en roumain, en hongrois et en allemand. L’Europe peut tirer les leçons de votre expérience. 250 Sélection de discours Sélection de discours 251 Le rôle de l’Union européenne dans le monde - notre responsabilité transatlantique commune Discours à l’université Harvard, Cambridge (États-Unis), le 10 octobre 2006 Le rôle de l’Union européenne dans le monde - notre responsabilité transatlantique commune Discours à l’université Harvard, Cambridge (États-Unis), le 10 octobre 2006 C’est avec grand plaisir que j’ai accepté cette aimable invitation à la John F. Kennedy School of Government, qui est le cœur des interactions de Harvard avec la politique et l’étude du gouvernement. J’envie tous ceux d’entre vous qui ont la chance d’étudier ici, à la frontière de l’université et en interaction très régulière avec la politique et le service public en pratique. Bien sûr, par ailleurs, le monde pourrait un jour attendre davantage de vous que de beaucoup d’autres personnes au monde, parce que vous avez reçu tellement plus que les autres. Je félicite tous ceux d’entre vous qui enseignent ici et partagent leur expérience professionnelle. Oscar Wilde a écrit: «Je n’aime pas les principes. Je préfère les préjugés». Il est évident que la John F. Kennedy School of Government est l’endroit par excellence pour prouver que les préjugés ont l’esprit étroit, et où les principes sont appliqués à la pratique. Laissez-moi vous faire part de quelques-unes de mes idées concernant nos principes transatlantiques communs et les préjudices contre lesquels nous devons lutter ensemble. Je le fais en tant qu’Européen allemand. J’ai conscience que, pour certains Américains, écouter un Allemand peut faire une différence. Les conflits politiques à propos de l’Irak ont disparu grâce à notre très capable et transatlantique chancelière Angela Merkel. Mais notre langue demeure. Mark Twain a écrit: «Lorsqu’un Allemand cultivé plonge dans une phrase, vous ne le revoyez plus jusqu’à ce qu’il réapparaisse de l’autre côté de l’Atlantique, le verbe à la bouche». Je parlerai donc anglais, parce que je suis aussi européen. J’ai parfois l’impression que l’Union européenne est toujours perçue, aux États-Unis, comme l’animal le plus étrange d’Europe. Je sais que ce préjugé n’est pas partagé à Harvard. J’en suis d’autant plus heureux de vous parler du rôle de l’Union européenne dans le monde et de notre responsabilité transatlantique commune. Je ne nierai pas les déficits et lacunes dont nous souffrons. Nous sommes occupés à rétablir le lien entre l’idée unique et réussie d’une union politique entre les nations et États européens démocratiques et la reconnaissance de cette union par ses citoyens. Il s’agit d’un défi perpétuel pour toute démocratie dans le monde. C’est d’autant plus un défi pour l’Union européenne, qui est une démocratie émergente. Des politologues ont décrit à raison l’Union européenne comme une expression de la «gouvernance à plusieurs niveaux», avec les niveaux local, régional, national et européen. Je suis membre du Parlement européen depuis sa première élection directe, en 1979 (nous ne sommes que six dans ce cas). Nous avons parcouru un long chemin. Depuis cette époque, le Parlement européen a obtenu pratiquement la codécision avec le Conseil de ministres, qui est la représentation des gouvernements des États membres, sur toute la législation importante de l’Union européenne. Nous avons accompli beaucoup pour instaurer un degré acceptable de séparation des pouvoirs au niveau Sélection de discours 253 Le rôle de l’Union européenne dans le monde - notre responsabilité transatlantique commune Discours à l’université Harvard, Cambridge (États-Unis), le 10 octobre 2006 de l’UE. Cependant, cela n’est pas encore suffisant pour qu’elle soit démocratique, efficace et transparente autant que nous le voudrions. Le Parlement européen soutient donc la Constitution européenne. Nous voudrions mettre en œuvre ses principes essentiels dès que possible. Nous ne voulons pas cela simplement pour surmonter la crise actuelle liée à la ratification, à la suite des référendums négatifs en France et aux Pays-Bas en 2005. Nous voulons que la substance de la Constitution devienne une réalité européenne parce que nous sommes convaincus qu’elle comporte des changements substantiels de nos procédures et politiques qui sont essentiels pour faire face aux principaux défis de notre époque. Selon nous, la mise en œuvre des éléments clés de la Constitution européenne est un élément vital pour que l’UE gagne ou regagne la confiance de ses citoyens. Nous nous battons pour trouver un équilibre entre anciens et nouveaux États membres de l’UE. Nous nous battons en raison d’expériences, d’approches et de principes différents. Beaucoup des anciens États membres sont, en principe, prudents lorsqu’il s’agit de réformer leurs mécanismes de sécurité sociale. Ils sont inquiets de la concurrence de l’Europe centrale et orientale, tandis que beaucoup de leurs citoyens sont préoccupés par les effets de la mondialisation. Il serait trop simpliste de dire que la mondialisation est une opportunité aux États-Unis et un défi en Europe. Mais il existe une différence de ce genre, une différence de culture politique. Beaucoup des nouveaux États membres de l’Union européenne veulent être aussi dynamiques que possible, sachant qu’ils ne peuvent rattraper le niveau de richesse que s’ils sont deux fois plus rapides que les autres et en font plus. L’Union européenne dans son ensemble est consciente de la nécessité de renforcer les systèmes d’éducation, la base de notre compétitivité, et de faire face à la combinaison d’une population vieillissante et du fait que la plupart des pays de l’UE hébergent désormais, plus que jamais, des migrants légaux et illégaux venant des régions périphériques. Il ne s’agit pas seulement d’une question de rajeunissement économique, mais aussi de concurrence. Et, particulièrement en ce qui concerne les migrants musulmans venant du Sud, c’est-à-dire du monde arabe et d’Afrique sub-saharienne, c’est aussi un sujet qui touche profondément aux questions d’intégration et suscite un besoin de dialogue sincère des cultures. Dans tous ces domaines, l’Union européenne n’est pas parfaite. En fait, elle est pleine de défauts, comme tout ordre démocratique. L’intégration européenne a près d’un demi-siècle. Le 25 mars 2007, nous célébrerons le cinquantième anniversaire des traités fondateurs de Rome. Ce sera le moment de faire le bilan, de célébrer ce qui a été accompli et d’être honnête pour analyser ce qui a manqué jusqu’ici. Vous conviendrez que voici les principaux succès de l’intégration européenne: 254 Sélection de discours > L’intégration européenne a permis de transformer des conflits vieux de plusieurs siècles entre États européens en une communauté de droit, de démocratie et d’intérêts communs. > L’intégration européenne a contribué à surmonter la division de l’Europe et à la réunification de celle-ci, sur la base de la démocratie, de l’État de droit, du respect des minorités et de l’économie de marché. > L’intégration européenne est devenue la base d’une rencontre fondamentalement nouvelle de l’Europe avec de nombreuses régions du monde, notamment parmi les anciennes colonies européennes. Nous avons surmonté l’héritage du colonialisme et nous sommes lancés dans une nouvelle ère de partenariat, parce que nous nous présentons au monde comme une nouvelle Europe, unie, prête à faire des compromis et avec un esprit de partenariat. > L’intégration européenne a été reconnue dans plusieurs peuples et régions du monde comme un modèle de transformation pacifique des conflits et de nouvelle organisation de l’ordre et de la «régionalité». Dans le monde entier, on trouve des groupements régionaux qui considèrent l’UE comme un exemple pour leur propre aspiration à l’intégration régionale. L’Union européenne soutient de manière proactive la diffusion mondiale de cette intégration. L’Union européenne est aujourd’hui le pourvoyeur d’aide au développement le plus important au monde. Les missions de police et de maintien de la paix européennes dans plus d’une dizaine d’endroits dans le monde témoignent de sa volonté de participer à la gestion mondiale des conflits régionaux. Nous connaissons nos limites et nos lacunes. Mais, ce qui est plus important, nous sommes conscients que nous ne pouvons réussir dans la gestion mondiale des principaux conflits et défis de notre temps qu’aux côtés des États-Unis. Le partenariat stratégique entre l’Union européenne et les États-Unis est irremplaçable pour nous. Et je suppose que la conscience de l’importance des relations transatlantiques s’est aussi accrue aux États-Unis ces derniers temps. Permettez-moi de profiter de cette conférence pour partager avec vous certains des principes qui, j’en suis convaincu, sont communs aux deux côtés de l’océan. Ces principes sont, selon moi, essentiels si nous voulons réussir face aux préjugés sur le monde occidental. Et, aussi, face à la notion qu’avait Oscar Wilde des principes et des préjugés. Sélection de discours 255 Le rôle de l’Union européenne dans le monde notre responsabilité transatlantique commune Discours à l’université Harvard, Cambridge (États-Unis), le 10 octobre 2006 1. Notre vie publique est basée sur notre engagement envers la dignité humaine. Il s’agit de la base de notre civilisation atlantique, de la base de notre démocratie. Et de la base de notre conception de l’État de droit. Tous les êtres humains partagent la même dignité et sont égaux devant la loi. Utiliser quoi que ce soit d’autre comme principe directeur des démocraties occidentales serait réellement une erreur. L’État de droit protège les faibles et ne peut jamais être abandonné au profit du pouvoir. C’est notre principe commun, et il l’est depuis que les vagues du règne démocratique relient les deux rivages de l’océan Atlantique. Il est donc inacceptable pour beaucoup et, j’ose l’affirmer, pour la plupart des Européens, de délaisser l’État de droit au nom de la lutte contre le terrorisme islamiste. Nous partageons les convictions de principe de la lutte contre le terrorisme. Nous combattons le terrorisme islamiste qui trouve son origine dans une idéologie totalitaire. Nous devons garder à l’esprit que l’islam, en tant que noble religion mondiale, est structurellement différent des idéologies islamistes qui acceptent ou même prêchent la violence dans le cadre de leur combat. Nous condamnons toute forme de violence politique et sommes du côté de toutes les victimes d’actes de terrorisme barbares. Le 11 septembre, nous étions tous américains, comme l’a écrit alors le journal Le Monde. Mais, avec la même détermination, nous devons dire: il ne faut jamais abandonner des éléments de nos propres principes et de notre État de droit dans la lutte contre la terreur. C’est pourquoi la plupart d’entre nous considèrent les détentions sans jugement à Guantanamo inacceptables selon toutes les normes de la démocratie occidentale. Tout comme les prisons secrètes de la CIA. Quelque forme qu’elle prenne, la torture n’est pas acceptable, et elle ne saurait être approuvée par quiconque. Nous ne devrions pas jouer le jeu de ceux dont la haine contre nous prospère sur la base de préjugés contre l’Occident. Nous sommes tous américains à nouveau lorsque nous respectons pleinement les mécanismes de l’État de droit à l’égard de n’importe qui, notamment de nos ennemis. 2. J’ai fait allusion aux problèmes pour reconnecter les attentes des citoyens européens et les performances des institutions de l’Union européenne. J’ai dit que cette situation était un défi typique pour toute démocratie. C’est un défi de légitimité. Ce n’est qu’en faisant preuve d’autocritique que nous pouvons trouver les bonnes façons de renforcer la légitimité de nos institutions démocratiques et des processus démocratiques en tant que tels. Avant l’éclatement de la guerre en Irak, je faisais partie des nombreuses personnes qui croyaient ce qu’on nous disait. La menace constituée par la détention, par l’Irak, d’armes de destruction massive semblait réelle et imminente. Aujourd’hui, nous devons admettre douloureusement que nous avons été trompés. Mais ce n’est pas quelque chose dont ceux qui sont opposés 256 Sélection de discours à l’administration américaine actuelle devraient être heureux. Ce n’est pas une question de «j’ai dit ça». C’est une question qui alimente les préjugés à l’encontre de la démocratie occidentale en tant que telle, et pas seulement dans le monde arabe. Nous devons donc tous recadrer nos principes. Premièrement, et avant tout, nous sommes forts lorsque nos paroles sont crédibles et que nous n’utilisons pas d’arguments opportunistes qui peuvent par après être qualifiés de «mensonges». C’est une question de principe fondamentale dans la vie publique. L’honnêteté et la sincérité sont l’essence de la crédibilité de la civilisation atlantique. Nous savons que, parmi les pensées machiavéliques, figurait l’idée de tricher à des fins supérieures. Certains critiques affirment que l’islam radical n’est pas exempt de cette même tendance, afin d’atteindre ses objectifs ultimes. Je ne suis pas ici pour débattre de tout cela. Je peux seulement dire: nous, représentants élus des démocraties occidentales, devrions toujours et en toutes circonstances considérer comme une question de respect de soi-même et un devoir envers notre propre dignité, et la dignité de tous ceux dont nous sommes responsables, de ne jamais tomber dans le piège de la tromperie, ce qui ne ferait que jouer le jeu de ceux qui sont heureux de trouver un appui à leurs préjugés contre nous. 3. La dignité humaine se trouve au cœur de nos valeurs occidentales. Sur cette base, nous devons nous engager dans le défi intellectuel le plus important de notre époque: le dialogue des cultures et des civilisations. Il n’aboutira que si nous sommes honnêtes avec nous-mêmes, ouverts les uns aux autres sans nous retrancher derrière des tabous de tourtes sortes, et si nous sommes unis dans la volonté de travailler ensemble au bien commun de l’humanité. Nous pourrions paraphraser John F. Kennedy en disant: ne demandez pas ce que votre culture peut faire pour vous, demandez ce que vous pouvez faire ensemble avec les cultures des autres. La liste des sujets à aborder pour un dialogue honnête entre cultures est longue. Chacun d’entre vous aura de véritables priorités. Nous pourrions ne pas être d’accord avec beaucoup d’interprétations et, plus encore, de perceptions les uns des autres. Mais nous devons nous engager dans le dialogue entre cultures si nous voulons remplir nos obligations de citoyens du monde. La relation entre le monde judéo-chrétien et le monde de l’islam est l’élément le plus important à l’ordre du jour du dialogue des cultures. Nous ne réussirons pas en invoquant simplement le principe de tolérance, aussi important soit-il. Nous réussirons du point de vue de la tolérance seulement si nous respectons ce qui est cher à chacun de nous, si nous Sélection de discours 257 comprenons mieux ce qui est au centre de chacune de nos cultures et si nous sommes prêts à nous engager dans une conversation rationnelle sur les principes et les préjugés qui nous guident. Il s’agit d’un vaste projet, mais nous ne pouvons pas perdre un instant pour le commencer. J’estime que le temps est venu de rapprocher l’Union européenne et les États-Unis dans un nouveau partenariat atlantique. Nous ne sommes plus le centre de nos préoccupations ou inquiétudes mutuelles. Nous avons relevé le défi pour la sécurité du 20e siècle et nous avons réussi en tant que démocraties fortes. Nous sommes les piliers du monde libre et du monde nanti. En tant que tels, nous ne pouvons pas choisir de vivre sur deux îles de bonheur entourées de malheur, de pauvreté et de radicalisme. Il nous faut renforcer les mécanismes de notre communauté transatlantique afin de mieux contribuer aux défis de gestion au niveau mondial. C’est là notre destinée au 21e siècle. Le programme de la gouvernance mondiale est long. Vous connaissez mieux que moi la plupart des points qui le composent. Il n’y a guère de meilleur endroit pour les étudier et trouver des réponses théoriques pour leur résolution que la John F. Kennedy School of Government. Mais, pour devenir réalité, vos idées devraient être reliées au monde de l’action politique. La communauté transatlantique a besoin d’idées neuves et d’une volonté forte pour un nouveau départ. Plus nous sommes d’accord sur nos principes et les mettons en pratique, moins nous laissons d’espace aux préjugés à notre encontre. Et plus nous sommes d’accord sur des principes, plus nous prenons conscience qu’il serait à notre propre détriment de croire que la valeur des relations transatlantiques n’est qu’une présomption. En effet, il s’agit de la condition préalable la plus importante pour que chacun de nous réussisse. Rien au monde ne peut vraiment se dérouler avec un succès durable sans accord entre les ÉtatsUnis et l’UE. Avec des actions plus cohérentes de la communauté atlantique, l’amélioration de la condition humaine et de la gouvernance mondiale peut progresser durablement et avec succès de façon significative, et beaucoup plus qu’elle ne l’a fait jusqu’ici. Nous devons prendre un nouveau départ, et nous devons commencer par assainir nos principes et la façon dont nous les mettons en pratique. 258 Sélection de discours Sélection de discours 259 Ansprache anlässlich der Audienz im Vatikan, Rom, 30.03.2006 Address at the audience in the Vatican,Rome, 30.03.2006 Discours lors de l’audience au Vatican, Rome, 30.03.2006 Discorso in occasione dell’udienza in Vaticano, Roma, 30.03.2006 Alocución con ocasión de la audiencia en el Vaticano, Roma, 30.03.2006 Przemówienie z okazji audiencji w Watykanie, Rzym, 30.03.2006 Sélection de discours 261 262 Seine Heiligkeit Papst Benedikt XVI. und Hans-Gert Pöttering MdEP, Vorsitzender der EVP-ED-Fraktion im Europäischen Parlament. Vatikan, Rom, 30.03.2006 Hans-Gert Pöttering MdEP, Vorsitzender der EVP-ED-Fraktion im Europäischen Parlament, erhält die Ehrendoktorwürde der Babeş-Bolyai-Universität, Cluj-Napoca, Rumänien, 05.10.2006 His Holiness Pope Benedict XVI and Hans Gert Poettering MEP, Chairman of the EPP-ED Group in the European Parliament. Vatican, Rome, 30.03.2006 Hans-Gert Poettering MEP, Chairman of the EPP-ED Group in the European Parliament, receives an honorary doctorate at Babes-Bolyai University, Cluj-Napoca, Romania, 05.10.2006 Sa Sainteté le Pape Benoît XVI et Hans-Gert Poettering, député européen et Président du Groupe du PPE-DE au Parlement européen, Vatican, Rome, 30.03.2006 Hans-Gert Poettering, député européen et Président du Groupe du PPE-DE au Parlement européen, est reçu docteur honoris causa de l’université Babeş-Bolyai de Cluj-Napoca, Roumanie, 05.10.2006 Sua Santità Papa Benedetto XVI e l’on. Hans-Gert Poettering, Presidente del Gruppo PPE-DE al Parlamento europeo. Vaticano, Roma, 30.03.2006 Hans-Gert Poettering, Presidente del Gruppo PPE-DE al Parlamento europeo, riceve la laurea honoris causa all’università Babeş-Bolyai, Cluj-Napoca, Romania, 05.10.2006 Su Santidad el Papa Benedicto XVI y Hans-Gert Poettering, diputado al Parlamento Europeo, Presidente del Grupo del PPE-DE del Parlamento Europeo. Vaticano, Roma, 30.03.2006 Hans-Gert Poettering, diputado al Parlamento Europeo, Presidente del Grupo del PPE-DE del Parlamento Europeo, recibe el doctorado honoris causa de la Universidad Babeş-Bolyai de Cluj-Napoca, Rumanía, 05.10.2006 Jego świątobliwość papież Benedykt XVI i Hans-Gert Poettering, poseł do PE, przewodniczący grupy politycznej ELP-ED w Parlamencie Europejskim. Watykan, Rzym, 30.03.2006 Hans-Gert Poettering, poseł do PE, przewodniczący grupy politycznej ELP-ED w Parlamencie Europejskim, otrzymuje tytuł doktora honoris causa Uniwersytetu Babeş-Bolyai w Klużu-Napoce, Rumunia, 05.10.2006 Sélection de discours Sélection de discours 263 Wilfried Martens, Präsident der EVP und Hans-Gert Pöttering MdEP, Vorsitzender der EVP-ED-Fraktion im Europäischen Parlament, sind durch enge und freundschaftliche Zusammenarbeit verbunden. Hier beim 70. Geburtstag von Wilfried Martens. 06.06.2006 Wilfried Martens, EPP President and Hans-Gert Poettering MEP, Chairman of the EPP-ED Group in the European Parliament. A close and friendly cooperation between the EPP and the EPP-ED Group. Celebration of the 70th birthday of Wilfried Martens. 06.06.2006 Wilfried Martens, Président du PPE et Hans-Gert Poettering, MdPE, Président du Groupe du PPE-DE au Parlement européen. Une coopération étroite et amicale entre le PPE et le Groupe du PPE-DE. Celebration du 70ème anniversaire de Wilfried Martens. 06.06.2006 Wilfried Martens, Presidente del PPE e Hans-Gert Poettering, MdPE, Presidente del Gruppo PPE-DE al Parlamento europeo. Una cordiale e stretta collaborazione tra il PPE ed il Gruppo PPE-DE. Celebrazione del 70° compleanno di Wilfried Martens. 06.06.2006 Wilfried Martens, Presidente del PPE y Hans-Gert Poettering, Presidente del Grupo PPE-DE del Parlamento Europeo. Una estrecha y amistosa cooperación entre el PPE y el Grupo PPE-DE. Celebración del 70° cumpleaños de Wilfried Martens. 06.06.2006 Hans-Gert Pöttering im Gespräch mit Studenten an der Harvard University, Cambridge (USA), 10. 10.2006 Hans-Gert Poettering in conversation with students at Harvard University, Cambridge (USA) 10.10.2006 Hans-Gert Poettering en conversation avec les étudiants de l’université Harvard, Cambridge (USA) 10.10.2006 Hans-Gert Poettering in conversazione con gli studenti dell’università di Harvard, Cambridge (USA), 10.10.2006 Hans-Gert Poettering conversa con estudiantes en la Universidad de Harvard, Cambridge (USA), 10.10.2006 Hans-Gert Poettering rozmawia ze studentami uniwersytetu Harvarda w Cambridge (USA), 10.10.2006 Wilfried Martens, przewodniczący EPL oraz Hans-Gert Poettering, poseł do PE, przewodniczący Grupy EPL-ED w Parlamencie Europejskim. Wirydarz i przyjacielskie współdziałanie między EPL i EPL-ED Ugrupowują. Celebrowanie 70 urodzin Wilfried Martens. 06.06.2006 264 Sélection de discours Sélection de discours 265 266 Hans-Gert Pöttering MdEP, Vorsitzender der EVP-ED-Fraktion im Europäischen Parlament, und José Manuel Durão Barroso, Präsident der EU-Kommission, 15.11.2005 Hans-Gert Pöttering, Vorsitzender der EVP-ED-Fraktion im Europäischen Parlament, und Seine Heiligkeit Bartholomäus I., Ökumumenischer Patriarch, 20.10.2005 Hans-Gert Poettering MEP, Chairman of the EPP-ED Group in the European Parliament, and José Manuel Durão Barroso, President of the European Commission, 15.11.2005 Hans-Gert Poettering, Chairman of the EPP-ED Group in the European Parliament, and His All Holiness Ecumenical Patriarch Bartholomew I, 20.10.2005 Hans-Gert Poettering MdPE, Président du Groupe du PPE-DE au Parlement européen, et José Manuel Durão Barroso, Président de la Commission européenne, 15.11.2005 Hans-Gert Poettering, Président du Groupe du PPE-DE au Parlement européen, et Sa Sainteté, le Patriarche œcuménique Bartholoméos I, 20.10.2005 Hans-Gert Poettering, Presidente del Gruppo PPE-DE e José Manuel Durão Barroso, Presidente della Commissione europea, 15.11.2005 Hans-Gert Poettering, Presidente del Gruppo PPE-DE al Parlamento europeo e Sua Santità il Patriarca Ecumenico Bartolomeo I, 20.10.2005 Hans-Gert Poettering, MPE, Presidente del Grupo PPE-DE en el Parlamento Europeo, y José Manuel Durâo Barroso, Presidente de la Comisión Europea, 15.11.2005 Hans-Gert Poettering, Presidente del Grupo PPE-DE del Parlamento Europeo y Su Santidad Bartolomeo I, Patriarca Ecuménico, 20.10.2005 Hans-Gert Poettering MEP, Przewodniczący EPL-ED Grupy w europejskim Parlamencie i José Manuel Durão Barroso, Prezydent europejskiej Komisji, 15.11.2005 Hans-Gert Poettering, przewodniczący Grupy EPL-ED w Parlamencie Europejskim z Jego Świątobliwością patriarchą ekumenicznym Bartłomiejem I, 20.10.2005 Sélection de discours Sélection de discours 267 268 Hans-Gert Pöttering MdEP, Vorsitzender der EVP-ED-Fraktion im Europäischen Parlament, und Amre Moussa, Generalsekretär der Arabischen Liga, 22.02.2006 Hans-Gert Pöttering MdEP, Vorsitzender der EVP-ED-Fraktion im Europäischen Parlament und Mahmoud Abbas, Präsident der Palästinensischen Autonomiebehörde, 16.05.2006 Hans-Gert Poettering MEP, Chairman of the EPP-ED Group in the European Parliament, and Amre Moussa, Secretary-General of the Arab League, 22.02.2006 Hans-Gert Poettering MEP, Chairman of the EPP-ED Group in the European Parliament and Mahmoud Abbas, President of the Palestinian Authority, 16.05.2006 Hans-Gert Poettering, MdPE, Président du Groupe du PPE-DE au Parlement européen, et Amre Moussa, Secrétaire général de la Ligue Arabe, 22.02.2006 Hans-Gert Poettering, MdPE, Président du Groupe du PPE-DE au Parlement européen et Mahmoud Abbas, Président de l’Autorité palestinienne, 16.05.2006 Hans-Gert Poettering, MdPE, Presidente del Gruppo PPE-DE al Parlamento europeo ed Amre Moussa, Segretario Generale della Lega Araba, 22.02.2006 Hans-Gert Poettering, MdPE, Presidente del Gruppo PPE-DE al Parlamento europeo e Mahmoud Abbas, Presidente dell’Autorità palestinese, 16.05.2006 Hans-Gert Poettering, MPE, Presidente del Grupo PPE-DE del Parlamento Europeo y el Amre Moussa, Secretario General de la Liga Árabe, 22.02.2006 Hans-Gert Poettering, MPE, Presidente del Grupo PPE-DE del Parlamento Europeo con Mahmoud Abbas, Presidente de la Autoridad Palestina, 16.05.2006 Hans-Gert Poettering, przewodniczący Grupy EPL-ED w Parlamencie Europejskim z Amre Moussą, sekretarzem generalnym Ligi Arabskiej, 22.02.2006 Hans-Gert Poettering, przewodniczący Grupy EPL-ED w Parlamencie Europejskim z Mahmoudem Abbasem, prezydentem Autonomii Palestyńskiej, 16.05.2006 Sélection de discours Sélection de discours 269 Seine Heiligkeit der XIV. Dalai Lama (Mitte), Hans-Gert Pöttering MdEP, Vorsitzender der EVP-ED-Fraktion im Europäischen Parlament (2.v.r.), Graham Watson MdEP, Vorsitzender der ALDE-Fraktion (links), Martin Schulz MdEP, Vorsitzender der Sozialistischen Fraktion, und Monica Frassoni MdEP, Vorsitzende der Fraktion der Grünen, 31.05.2006 20.06.2006. Hans-Gert Pöttering, Vorsitzender der EVP-ED-Fraktion im Europäischen Parlament und Alexander Milinkewitsch, Vorsitzender der stärksten weißrussischen Oppositionspartei, Gewinner des Sacharow-Preises 2006 His Holiness the XIVth Dalai Lama (centre), Hans-Gert Poettering MEP, Chairman of the EPP-ED Group in the European Parliament (2nd from right), Graham Watson MEP, Chairman of the ALDE Group (on the left), Martin Schulz MEP, Chairman of the Socialist Group, and Monica Frassoni MEP, Chairwoman of the Green Group, 31.05.2006 20.06.2006. Hans-Gert Poettering, Chairman of the EPP-ED Group in the European Parliament and Alyaksandar Milinkevich, leader of the Belarussian opposition,Sakharov Prize Winner 2006 Sa Sainteté le XIVème Dalaï-Lama (centre), Hans-Gert Poettering, MdPE, Président du Groupe du PPE-DE au Parlement européen (2ème de droite), Graham Watson, MdPE, Président du Groupe ALDE (à gauche), Martin Schulz, MdPE, Président du Groupe socialiste, et Monica Frassoni, MdPE, Présidente du Groupe des Verts, 31.05.2006 Sua Santità il XIV Dalai Lama (centro), Hans-Gert Poettering, MdPE, Presidente del Gruppo PPE-DE al Parlamento europeo (secondo da destra), Graham Watson, MdPE, Presidente del Gruppo ALDE (a sinistra), Martin Schulz, MdPE, Presidente del Gruppo PSE e Monica Frassoni, MdPE, Presidente del Gruppo dei Verdi, 31.05.2006 Su Santidad el Dalai Lama XIV (centro), Hans-Gert Poettering, MPE, Presidente del Grupo PPE-DE del Parlamento Europeo (segundo desde la derecha), Graham Watson MPE, Presidente del Grupo ALDE (en la izquierda), Martin Schulz MPE, Presidente del Grupo Socialista y Monica Frassoni MPE, Presidenta de los Verdes, 31.05.2006 20.06.2006. Hans-Gert Poettering, Président du Groupe du PPE-DE au Parlement européen et Alyaksandar Milinkevich, Chef de l’opposition biélorusse, Prix Zakharov 2006 20.06.2006. Hans-Gert Poettering, Presidente del Gruppo PPE-DE al Parlamento europeo e Aljaksandar Milinkevich, leader del maggior partito di opposizione in Bielorussia e vincitore del Premio Sakharov 2006 20.06.2006. Hans-Gert Poettering, MPE, Presidente del Grupo PPE-DE del Parlamento Europeo, con Alyaksandar Milinkevich, líder del principal partido de oposición en Belarus, Ganador de Zacharov 2006 20.06.2006. Hans-Gert Poettering, przewodniczący Grupy EPL-ED w Parlamencie Europejskim z Aleksandrem Milinkiewiczem, liderem opozycji na Białorusi, laureatem nagrody Sacharowa w 2006 r. Jego Świątobliwość XIV Dalajlama (w środku), Hans-Gert Poettering, poseł do PE, przewodniczący Grupy EPL-ED w Parlamencie Europejskim (drugi z prawej), Graham Watson, poseł do PE, przewodniczący Grupy Porozumienia Liberałów i Demokratów na rzecz Europy (z lewej), Martin Schulz, poseł do PE, przewodniczący Grupy Socjalistycznej i Monica Frassoni, poseł do PE, współprzewodnicząca Grupy Zielonych, 31.05.2006 270 Sélection de discours Sélection de discours 271