Télécharger

Transcription

Télécharger
L’immatériel
CENTRE DE RECHERCHE
INSTITUT FRANÇAIS DE LA MODE
La recherche
face aux défis
d’une esthétique
contemporaine
5
Olivier Assouly
Entretien/
Alain Findeli
Les perspectives
de recherche en design
7
Dossier/
L’économie
de l’immatériel
11
L’immatériel ou
le capitalisme comme
consommation
de soi
12
L’invention
de la culture
de consommation
14
Remarques sur
Le nouvel esprit du capitalisme
15
Mode
de recherche,
n°1.
Publication semestrielle - janvier 2004
Ségolène Ferrand
Comment
embrasser
l’immatériel ?
16
Editorial
Pascal Morand
Etats de
la recherche
19
Calendrier
25
Publications
29
Abonnement gratuit
31
Au regard des ambitions de l’Institut
Français de la Mode, la recherche représente désormais un enjeu essentiel. D’une part,
parce qu’il s’agit de diffuser des compétences et des savoirs mais aussi de les
produire. D’autre part, parce qu’à l’échelle
mondiale et en matière académique, la
recherche et les publications, qui en sont
les corollaires, constituent désormais des
facteurs-clés d’excellence et de notoriété.
C’est la raison pour laquelle il serait in fine
plus difficile de justifier le défaut d’engagement envers la recherche que son
développement croissant.
Si la recherche n’a pas vocation à répondre
directement à des demandes d’entreprises,
à la différence de la formation continue,
des études et du conseil, elle permettra de
nourrir des attentes plus profondes et souvent inédites, dans un futur immédiat ou
proche, se dessinant ainsi comme une véritable puissance de prospective.
Sylvie Ebel, directeur du pôle Formation et
Recherche de l’IFM
Mode d’emploi
En accélérant la diffusion et les échanges
des savoirs - passant outre les frontières et
réduisant les délais de transmission -, les
technologies de l’information ont déplacé
la question des savoirs plus en amont, sur
le plan de la production. L’ambition de
cette publication est en ce sens de traiter
sous un angle académique, non seulement
de mode, mais plus généralement des
industries de la création.
En effet, la mode et le design rassemblent
les enjeux majeurs de notre économie de
marché : prévalence du marketing sur le
produit, du désir sur le besoin, de la subjectivité sur la rationalité mécanique ;
rapprochement de l’art et de l’industrie, de
la production et de la consommation ;
dépendance accrue de la création vis-à-vis
de l’économie ; et réciproquement, recours
croissant des entreprises à la création
comme moyen de discrimination dans des
secteurs à forte concurrence et où l’exigence de différenciation est impérative.
Cette publication a vocation à offrir aux
acteurs en entreprises, chercheurs, enseignants et étudiants, une vision fidèle et
synthétique de l’état de la recherche, essentiellement en économie, gestion et sciences
humaines. Ce premier numéro s’intéressera
d’abord à la proximité des industries de la
mode et de la création du fait de la globalisation du design. Ensuite, le dossier
consacré à l’économie de l’immatériel mettra l’accent sur la dématérialisation de la
consommation : soumise à l’internationalisation des marchés et confrontée au
renouvellement de l’offre par la création,
l’économie de la mode repose moins sur
une production matérielle de biens que sur
des données immatérielles. Il n’est que de
voir des produits régis par des flux invisibles de marques et d’imaginaires, de
symboles et d’images. Enfin, il s’agira de
proposer un éclairage sur les travaux universitaires, les séminaires, colloques et
publications, tant actuels qu’à venir, qui traduisent et préfigurent les nouveaux
paysages des industries de la mode et de la
création.
Olivier Assouly, professeur, en charge de la
Recherche à l’IFM.
Le Centre de Recherche de l’IFM bénéficie du soutien
du Cercle Jean Goujon qui regroupe les entreprises
mécènes de l’Institut Français de la Mode :
CHANEL
DISNEYLAND PARIS
FRANCE PRINTEMPS
GROUPE ETAM
KENZO
L’ORÉAL PRODUITS DE LUXE
VIVARTE
YVES SAINT LAURENT
L’immatériel
La recherche
face aux défis
d’une esthétique
contemporaine
5
Olivier Assouly
Entretien/
Alain Findeli
Les perspectives
de recherche en design
7
Dossier/
L’économie
de l’immatériel
11
L’immatériel ou
le capitalisme comme
consommation
de soi
12
L’invention
de la culture
de consommation
14
Remarques sur
Le nouvel esprit du capitalisme
15
Ségolène Ferrand
Comment
embrasser
l’immatériel ?
16
Pascal Morand
Etats de
la recherche
19
Calendrier
25
Publications
29
Abonnement gratuit
31
l’importance de programmes de recherche
nécessaires à l’intelligence et aux enjeux de
l’époque, à la compréhension des transformations culturelles et à la rationalité
économique.
L’extension des domaines de la culture
Refonder une esthétique contemporaine
En ce début de XXIe siècle, pour des institutions de recherche, l’enjeu fondamental
d’une nouvelle esthétique tient à sa capacité à traiter la question de la sensibilité –
esthétique – au-delà du domaine académique de l’art. Au XVIIIe siècle, l’esthétique
comme « science » s’était échafaudée en
s’affranchissant de la beauté naturelle au
profit des beaux-arts. L’extension du
domaine esthétique est en partie guidée
par les motivations économiques et culturelles de notre époque. Si l’esthétique est
une « science » de la beauté artificielle, il lui
faut prendre en compte la totalité des avatars esthétiques – essentiellement la
communication – déployés par l’économie
de marché.
Toute éducation esthétique repose sur une
critique mais également sur une organisation académique des savoirs. Les questions
mobilisées par les industries de la création
engagent notre futur à travers des pratiques
qui touchent à travers la consommation, au
jugement de goût, à la liberté d’appréciation, à la diffusion disparate d’informations,
de même qu’à la destitution du privilège de
l’école en matière de transmission des
savoirs. L’avenir de la création repose sur
un tissu éducatif et des politiques capables
de sensibiliser – au sens fort – le goût. D’où
Depuis quelques décennies, la sensibilité
culturelle est devenue protéiforme, s’étendant à des catégories d’objets autrefois
disqualifiées ou simplement inédites :
mode, urbanisme, cosmétiques, design,
multimédia, gastronomie, spectacles de
rue, chansons, B.D, graffitis, publicité et a
fortiori marketing. Les industries culturelles
ont provoqué puis amplifié l’inflation
esthétique en multipliant les technologies
de production, de diffusion (photographie,
numérique, cinéma, Internet) et, par conséquent, de réception des œuvres. Cet
élargissement esthétique fut d’autant plus
efficace que l’appellation d’œuvre d’art
s’est effacée au profit du spectre plus flou
de « produits culturels ». Dans les faits, le
terme de culture tend à se substituer à celui
d’art dans les expressions les plus courantes de la vie quotidienne. L’art apparaît
lui-même comme une forme, parmi tant
d’autres, de la culture. Ses prétentions
hégémoniques se sont réduites à mesure
que les arts « mineurs » sortaient de l’ombre, que les patrimoines se constituaient en
rendant justice à des catégories dédaignées
comme la mode ou les traditions populaires, et que des artistes et des courants, dont
Duchamp puis le Pop art, puisaient des
motifs artistiques au travers des objets techniques, industriels et la communication de
masse.
Le nouvelle donne technologique et économique
De surcroît, les nouvelles technologies
numériques, en générant des corrélations
entre son, image et texte, déploient désormais un media commun à de nombreux
arts et expressions culturelles. Ce système
de correspondances entre art, culture et
quotidien continue d’alimenter l’imaginaire
d’un « art total ». Il est entendu que le multimédia n’est pas un art mais le substrat,
numérique, qui édulcore certaines distinctions
formelles
au
profit
d’une
conformation unique de production et de
communication. La sphère de la « communication culturelle » dispose ainsi de
moyens technologiques au service de la
diffusion comme de la promotion de ses
produits.
On doit aux philosophes Horkheimer et
Adorno d’avoir forgé l’expression, depuis
courante, d’« industrie culturelle » : expression alors péjorative, marque d’une culture
standardisée, conditionnée, et commercialisée sur le mode des biens de
consommation. Diagnostiquant la perte de
l’aura de l’œuvre, Walter Benjamin, le premier, souligna le retentissement d’une
« reproductibilité technique » due à l’industrialisation de la musique et a fortiori à la
naissance du cinéma et de la photographie.
La production en série inaugurait l’ère de la
production de masse. Or, les cultures de
masse sont rattachées à des paramètres
économiques qui en déterminent dans un
même geste la forme, le contenu et a fortiori les conditions de lisibilité.
Les figures exemplaires de la mode et du
design
Mode et design catalysent la quasi-totalité
des enjeux du capitalisme culturel : prévalence du marketing sur le produit, du désir
sur le besoin, de la subjectivité sur la rationalité mécanique ; rapprochement de l’art
et de l’industrie, de la production et de la
consommation ; réponse au formalisme de
la division du travail et à l’éclatement des
tâches dans l’entreprise ; solidarité des prérogatives esthétiques et du marché ;
dépendance accrue de la création vis-à-vis
de l’économie ; et réciproquement, recours
croissant des entreprises à la création
comme moyen de discrimination dans des
La recherche
face aux défis
d’une esthétique
contemporaine
Olivier Assouly
secteurs où la concurrence est forte et l’exigence de différenciation impérative. En
outre, dédiées au quotidien et marquées
par une concentration accrue des fonctions
dans un nombre restreint d'objets, les nombreuses applications du design, de plus en
plus liées les unes aux autres, préfigurent
l’émergence de nouveaux « cadres de vie ».
Les évolutions affectent au moins autant la
fonctionnalité qu’une solidarité croissante
entre fonction et forme esthétique ou décorative.
L’injection généralisée du « beau » traduit le
degré de saturation de la production de
biens utiles et la nécessité de déplacer les
ressorts de la consommation vers une
sphère plus subjective ou affective. Loin
d’être statufié, le design est en devenir
constant, au gré des contraintes économiques de production, de coût, de
distribution, de marketing, d’ergonomie, de
sécurité, de choix des matériaux, des technologies, des problèmes de maintenance
ou de développement durable. C’est la raison pour laquelle le design engage –
emblématiquement et réellement – le devenir même de nos sociétés. Il découle d’une
cristallisation des exigences esthétiques et
corrélativement marchandes alors étendues
à l’ensemble de la sphère artificielle. Le
design appelle un procès de production
contemporain exemplaire et – à l’avenir –
vraisemblablement canonique.
5
La nécessité d’une réinscription historique
La perte d’autonomie du styliste ou du
designer, en comparaison de l’œuvre personnelle sinon marginale de l’artiste,
repose la question de la fonction sociale et
symbolique des biens de consommation. Il
n’est pas question de souscrire sans examen à une fin de l’art, à l’instar d’une fin de
l’histoire, pas davantage de laisser libre
cours à un sentiment de nostalgie où dominerait la figure achevée de l’artiste
émancipée des contraintes économiques
ou sociales. C’est un moment historique
dont on aurait vite fait de montrer qu’il
n’est qu’une époque de l’art, de facture
récente, dont Manet a su donner le coup
d’envoi, au même titre que les beaux-arts
ne sont qu’une période de l’art ou plus
généralement de la technique.
Il faut se rappeler que l’autonomie de l’esthétique, conquise au XVIIIe siècle,
réclamait, d’après Lessing, l’exclusion de la
peinture, essentiellement religieuse, de l’art
comme trop pratiquement en charge d’enseignement et d’édification. Cette étape
rend également compte de l’éviction des
arts appliqués en raison de leur caractère
manifestement utilitaire. Cependant, l’inscription sociale et économique des
industries de la création ne peut être arbitrairement considérée comme une
déchéance de l’art.
La marge de manœuvre académique sur
ces questions est pour le moins restreinte.
Il faut éviter les écueils des extrêmes : tant
celui d’une critique nostalgique des industries de la création que celui d’une
confiance aveugle dans une postmodernité
cédant allègrement au chaos et à la disparition des formes séculaires de création.
Quoi qu’il en soit, la question d’une fin de
l’art relève plus fondamentalement d’une
esthétique contemporaine, parce qu’elle
puise en partie sa source dans un capitalisme dont l’émoi – esthétique – constitue
dorénavant la pierre angulaire. Il n’est que
de voir l’importance de stratagèmes de
communication dont l’offre repose sur des
flux d’informations, des données immaté-
rielles, dont la jouissance sensible constitue
le premier moteur. C’est le cas des industries de la mode, des cosmétiques ou des
biens considérés comme de première
nécessité.
Produire des formes discriminantes
Un des défis majeurs à relever sera de
considérer ensemble des pratiques – mode,
art, design, multimédia – de plus en plus
adossées les unes aux autres sans céder,
tant sur le plan pratique que théorique, à la
tentation de l’amalgame et de la confusion
des genres. C’est à ce problème que
devraient s’attacher les projets de recherche
sur les industries de la création, précisément à définir une esthétique, c’est-à-dire
poser des catégories – pratiques et théoriques – discriminantes sans lesquelles les
productions et les discours, artistiques ou
industriels, se banaliseraient jusqu’à s’effacer. Il s’agit de définir des discours
capables d’identifier et d’analyser les corrélations entre rationalité économique et
production esthétique. La recherche doit se
saisir de l’originalité esthétique des rapports entre production, création et
industrie. Elle doit traiter tant de la variété
que de la versatilité des manifestations
esthétiques tout en les rattachant à la rationalité économique qui les génère.
Paradoxalement, le constat d’affaissement
des différences, encore appelé « standardisation » ou « uniformisation » de l’offre,
constitue un péril mais aussi une opportunité en donnant sens et ambition à des
genres inédits de production et de création.
Olivier Assouly
Le design, qui tire son origine de l’industrialisation des biens de consommation,
pose la question du rapport entre fonction
et forme, valeur utilitaire et esthétique, et
renferme la quasi-totalité de nos enjeux
économiques et culturels : prévalence du
marketing sur le produit, du désir sur le
besoin, de la subjectivité sur la rationalité
mécanique ; rapprochement de l’art et de
l’industrie, de la production et de la
consommation ; réponse au formalisme de
la division du travail et à l’éclatement des
tâches dans l’entreprise ; solidarité des prérogatives esthétiques et du marché ;
dépendance accrue de la création vis-à-vis
de l’économie ; et réciproquement, recours
croissant des entreprises à la création
comme moyen de discrimination dans des
secteurs où la concurrence est forte et l’exigence de démarcation impérative.
L’étude du design soulève des difficultés
épistémologiques originales : doit-on promouvoir la recherche en design sur la base
des autres disciplines ? Quelle science traitera du design ? La mode se rattache-t-elle
au design ? Loin d’être accessoires, les
questions méthodologiques sont à la mesure des enjeux propres à un champ
confronté à la métamorphose tant de ses
objets que de ses problématiques. Pour
mettre en lumière à la fois les difficultés et
les solutions envisageables, nous avons fait
appel à Alain Findeli, ingénieur en génie
physique, titulaire d’un doctorat en esthétique (Du Bauhaus à Chicago : les années
d’enseignement de Laszlo Moholy-Nagy
(1937-46)). Il est actuellement professeur
titulaire à l’Ecole de design industriel de la
faculté de l’aménagement de l’université de
Montréal et directeur scientifique et pédagogique de la maîtrise de recherche en
« Design et complexité » depuis 2000.
Entretien/
Alain Findeli
Université de Montréal
Les perspectives
de recherche en design
Olivier Assouly : Ici et là, on parle de
« design alimentaire » ou encore de « design
management », comment expliquez-vous
que ce terme soit soumis à des définitions et
des acceptions si fluctuantes et métaphoriques ? Quelle définition donneriez-vous
du design ?
Alain Findeli : L’exercice consistant à définir le design est devenu un passage obligé
en français, mais qui n’a plus de sens
aujourd’hui, du moins s’il doit conduire à
une définition générale. Pirouettes étymologiques et savantes nonobstant, l’extrême
étalement du bassin sémantique de ce
terme nous conduit à n’opter que pour des
définitions en situation si la précision terminologique nous importe quelque peu.
Autrement dit, c’est le projet qui nous
anime et le contexte où nous nous situons
qui en fixera le sens.
Le projet théorique que nous conduisons à
Montréal nous a menés à adopter une définition de travail qui porte davantage sur le
processus de design que sur les objets qui
en résultent. Ainsi, dans le design graphique, le design alimentaire, le design de
mode, le design urbain, le design de produit, le design artisanal, etc., ce qui nous
importe (encore une fois, du point de vue
théorique) c’est plus le design graphique,
*
7
que le design graphique, le design de
mode, que le design de mode, et ainsi de
suite. Par contre, si notre regard était celui
de l’économiste, de l’historienne, du ministre de la Culture, de la directrice de musée,
du dirigeant d’entreprise, de l’ingénieur,
notre définition ne serait plus la même.
En 1990, les directeurs de rédaction de la
revue Design Issues ont invité une vingtaine de spécialistes à un atelier de réflexion
prenant pour thème la « découverte du
design » et la définition de travail suivante
avait été proposée aux participants :
« conception et planification de l’artificiel ».
Nous reprenons volontiers à notre compte
cette définition largement empruntée à
Herbert Simon et à ses « sciences de l’artificiel ». Selon lui, est design tout processus
finalisé se proposant de modifier l’ordre
des choses du monde en un ordre jugé
plus satisfaisant. C’est une définition analogue qu’ont empruntées «les sciences de la
conception» qui viennent de faire leur
apparition en France dans le domaine de la
recherche et de l’enseignement en sciences
de l’ingénieur, une reconnaissance que le
design, baptisé pour l’occasion « engineering design », a dû payer d’un appauvrissement sémantique et pragmatique qui ne
sera pas sans conséquence pour les autres
professions du projet (design industriel,
architecture, etc.)
À Montréal, nous avons restreint l’extrême
généralité de la définition de Simon (qui
s’applique à toutes les professions) tout en
nous écartant également de la posture épistémologique qui la caractérise, pour
considérer en priorité les actes de design
prenant pour objet les produits et services
de notre environnement construit, de notre
cadre de vie privé et public quotidien, de
notre culture matérielle. « Maintenir ou
améliorer l’habitabilité du monde », voilà le
projet que nous assignerions volontiers au
design ainsi compris. Ces actes nous intéressent dans la mesure où ils constituent
des projets, c’est-à-dire des actions intentionnelles, organisées, méthodiques et
rationnelles, et ceci, quelles que soient les
rationalités et les finalités qui y sont à l’œuvre, pourvu qu’elles soient susceptibles
d’une description et d’une justification,
donc d’un discours. On peut retrouver
dans cette définition l’une des catégories
repérées par Jean-Pierre Boutinet dans sa
taxonomie générale des projets humains, le
« projet d’aménagement ».
Je conviens qu’il s’agit là d’une définition
plus que laborieuse, mais j’avais prévenu :
si l’on veut être précis, il faut situer.
Espérons que j’aurai réussi, de surcroît, à
être clair, faute d’avoir été concis !
OA : Est-il légitime de rattacher, par exemple, l’activité du designer de mode (l’anglais
dit le fashion designer) à votre définition
du design ? L’esthétique est-elle essentielle et
suffisante à la conjonction des pratiques ?
AF : Bien évidemment ! Pour nous, à la
limite, peu importe le produit, pourvu qu’il
y ait design, projet, processus finalisé,
intentionnel, structuré, méthodique, capable de rendre compte de lui-même de
façon réflexive.
Les critères qui encadrent un projet dépendent, encore une fois, du contexte de mise
en œuvre, et à cet égard, il est peu probable que les critères esthétiques soient les
seuls considérés. Ils sont nécessaires, mais
pas suffisants : l’expression « ne…que » est
étrangère au design, processus complexe
par excellence. Par contre, si la dimension
esthétique, mais plus généralement encore
la dimension anthropologique (au sens
philosophique du terme), était absente, il
ne saurait, dans notre esprit, s’agir d’un
projet de design.
OA : Pour quelles raisons les institutions
universitaires, en particulier en France,
ont-elles tant de réticences ou de difficultés
à laisser entrer le design en leur sein et a
fortiori à lui dédier des écoles doctorales ?
N’est-ce pas un trait commun à toutes les
« disciplines » appliquées comme la mode ou
encore la gastronomie que l’université
française continue globalement d’ignorer ?
AF : Les réticences de l’institution universitaire sont compréhensibles et légitimes : le
design n’a, selon elle, pas de corpus théorique à proposer. La dimension réflexive
rigoureuse est absente des pratiques (ce
n’est pas habituellement leur objet, tout
simplement). En témoignent la plupart des
« mémoires » rédigés dans les écoles (en
design, en architecture), souvent invoqués
pour réclamer l’équivalence universitaire
du niveau master. Ces travaux présentent
souvent d’indéniables qualités littéraires,
mais ils ne sont en général encadrés par
aucun des critères méthodologiques relevant de la culture scientifique propre à
l’institution universitaire.
Par contre, là où l’institution universitaire
française ne peut plus être suivie, c’est
dans sa conviction que les choses en sont
demeurées là, car il existe désormais un
important et très original corpus théorique
encadrant les pratiques du design, qui justifie que des programmes de recherche s’y
intéressent. Nous sommes bien là au cœur
de la mission de l’université, et non des
écoles professionnelles où la recherche est
totalement absente. Depuis une bonne
dizaine d’années, on assiste dans le monde
à la mise en place d’une véritable communauté scientifique du design, avec ses
colloques, ses revues et ses sociétés savantes,
ses
écoles
doctorales,
ses
problématiques et ses programmes de
recherche, dont la France est très notablement absente.
OA : Peut-on poser le design comme la mise
en œuvre ou l’application d’une science,
issue des sciences exactes ou humaines,
voire de l’esthétique ? Ici, l’opposition entre
théorie et pratique n’est-elle pas limitée et
restrictive ?
AF : J’ai souvent indiqué dans mes publications que le modèle des « sciences
appliquées » n’était pas valide pour rendre
compte du design ; pas plus, au demeurant, que celui des « arts appliqués ». Nous
disposons désormais d’un bon corpus d’ar-
guments théoriques et empiriques pour
l’invalider. Donald Schön, entre autres, a
été plus que convaincant à cet égard, de
même que les tenants d’une approche
complexe du design. Le rapport
théorie/pratique doit en effet être pensé sur
de nouvelles bases, de même que la relation du design aux sciences de l’ingénieur
et aux sciences anthropo-sociales. Quant à
l’esthétique, nous sommes en train de nous
apercevoir que le cadre philosophique traditionnel dont nous disposons (en gros, de
Kant à aujourd’hui) n’est absolument pas
approprié pour penser le design, ses pratiques, ses objets et l’usage qu’on en fait.
L’esthétique du design est à (re)penser de
fond en comble.
OA : Quelles sont les alternatives au schéma
du design comme simple activité d’application ? Qu’est-ce que la « recherche-projet » ?
Quelle place y tient l’interdisciplinarité ?
AF : La réponse à cette question nécessite
un développement qu’il ne m’est pas possible de présenter ici. Je suis obligé de
renvoyer à la littérature scientifique
publiée, facilement accessible à qui s’en
donne la peine.
La recherche-projet est une méthode d’investigation scientifique qui a été mise au
point pour tenir compte, précisément, du
statut épistémologique particulier du
design et des problématiques de recherche
qui lui sont propres. Elle s’inspire, parmi
les méthodes de recherche dites qualitatives, de la recherche-action et de la
théorisation ancrée et prend pour « terrain »,
pour « labo », le projet de design. Comme
on peut s’en douter, l’interdisciplinarité y
est très présente, tout projet de design
étant, par principe et par nature, interdisciplinaire.
OA : Quelles sont les formations universitaires que vous avez mises en œuvre à cet
effet ?
AF : À l’université de Montréal, nous avons
mis en place un programme de maîtrise
(Master) de recherche en design de deux
ans, débouchant sur la rédaction d’un
mémoire de recherche et prenant appui sur
le projet de design. Intitulé « Design &
Complexité », il se conforme aux exigences
méthodologiques et épistémologiques de la
recherche scientifique rigoureuse et n’est
donc pas un programme de « recherche &
développement » en design tel qu’il en
existe plusieurs ailleurs (programmes dits
« professionnels »). Pour reprendre une terminologie commode, ce n’est ni de la
recherche pour le design (R&D), ni de la
recherche à propos du design (design studies) qu’il s’agit, mais de la recherche par
le design. Le produit de la recherche est
intellectuel avant d’être matériel.
OA : Dans quelle mesure le renouvellement
de l’approche du design oblige-t-il à reconsidérer la place du destinataire du projet ?
En quoi le consommateur devient-il actif
dans l’élaboration du projet ?
AF : Le modèle du design que nous privilégions, qui s’inscrit dans le cadre théorique
de la philosophie pratique (éthique), s’intéresse en priorité aux acteurs du projet,
plutôt qu’aux produits (perspective esthétique) ou aux processus (perspectives
épistémo- et méthodo-logiques). Parmi ces
acteurs figurent bien entendu les destinataires (« usagers », « consommateurs »,
« récepteurs ») du projet. Les méthodes de
recherche « actives » telles que la rechercheprojet et la recherche participative, ainsi
que les méthodes de conception regroupées sous le terme générique de co-design
réservent une place importante aux usagers
et aux bénéficiaires du projet. Ce modèle
théorique ouvre des perspectives radicalement nouvelles au design.
OA : Doit-on dès lors réétudier la place du
marketing qui, sous sa forme actuelle, à
vous suivre, limite les possibles des objets et
tient le consommateur pour un être passif,
uniquement réceptif ?
AF : Le cadre théorique du marketing est la
psychologie behavioriste.
Les modèles
récents développés dans le champ des «
consumer studies », auxquels font écho les
notions d’« experience design », d’« emotional design » et de « métrologie sensorielle »,
ne font que confirmer le fait. Or nous
croyons que ce cadre théorique n’est pas
adéquat, qu’il ne respecte pas la complexité humaine, ni sa dignité. Une
anthropologie philosophique moins réductrice est plus appropriée.
Nous nous
intéressons actuellement à la question de
l’anthropologie implicite des professions,
un projet de recherche très prometteur.
OA : Comment concevez-vous l’articulation
de vos travaux de recherche et les « bénéfices » que pourraient en tirer les acteurs de
l’économie de marché ?
AF : Notre projet scientifique relève de la
recherche fondamentale. Nous ne travaillons pas dans l’urgence, quelle qu’elle
soit. Par contre, la recherche-projet ne saurait, en raison de ses principes
méthodologiques, s’effectuer dans une tour
d’ivoire : elle est, par définition, engagée.
C’est une recherche de terrain qui exige
que tous les protagonistes du design soient
considérés dans les modèles que nous
développons. Les acteurs de l’économie en
font partie, au même titre que les autres. Le
cadre socio-économique que nous avons
décidé de privilégier est celui du développement durable (éco-conception), ce qui
nous amène à travailler en étroite collaboration surtout avec les acteurs économiques
qui ont compris que résidait là une voie
d’avenir désormais incontournable. Par
ailleurs, nous nous intéressons davantage
au design dans le domaine public et moins
à l’art décoratif ou aux arts appliqués avec
lesquels le design est encore trop souvent
assimilé.
Dossier/
L’économie
de l’immatériel
Les industries de la création (mode,
luxe, design, cosmétiques, musique,
vidéo, cinéma...), et plus généralement l’économie moderne, sont
moins régies par un flux visible
d’objets matériels et de produits
que par un flux invisible de données, d’images et de symboles.
Si les producteurs privilégient
désormais les avoirs immatériels
– marques, capital humain, savoirs
et imagination –, cela se traduit par
l’hégémonie de la culture du produit sur le produit lui-même, de
l’expérience et de la sphère de la
subjectivité sur l’utilitarisme des
biens, du marketing sur le produit,
de l’immatériel sur le matériel.
11
12
L’immatériel ou
le capitalisme comme
consommation
de soi
Jeremy Rifkin
L’âge de l’accès, La révolution de la nouvelle économie
(La Découverte, Paris, 2000)
Depuis la fin des années 80, Jeremy Rifkin
en fait la démonstration dans L’Age de l’accès (The age of access), le capitalisme, en se
détachant progressivement de son origine
industrielle et foncière, s’attelle à la production
de services et d’expériences immatérielles.
Cette transition tient en grande partie à la
pléthore de biens qui oblige à explorer de
nouvelles formes marchandes.
L’auteur met l’accent sur la marchandisation croissante des expériences humaines
et culturelles. Le patrimoine matériel tangible est de moins en moins compatible avec
la brièveté de cycles de mode qui accroissent la versatilité de consommateurs,
eux-mêmes façonnés par l’obsolescence
des gammes de produits. Ce consommateur, dont on calcule la « Life time value » et
dont des études américaines estiment que
la « fidélité » équivaut à 3 800 $/an de
dépenses en supermarché, est au centre de
la nouvelle économie. Evaluer l’attention
du consommateur aux produits est devenue un enjeu majeur, au point de conduire
le management à inverser les rapports classiques entre attributs de l’objet et du
consommateur. Ainsi « tous vos produits sont
éphémères, seuls vos clients sont réels ». Les
consommateurs sont rangés en catégories,
autant de « cibles » qu’il faut identifier en
extrayant des données privées d’ordre
immatériel susceptibles de rationaliser les
comportements d’achat.
Ce nouveau capitalisme vise moins à produire des objets que des désirs, en
rattachant une marque à une histoire, à
une culture et des souvenirs, avec l’inten-
tion d’« expérientialiser » les produits. Les
sensations et les passions ont désormais
une valeur d’échange : « A l’âge de l’accès,
chacun achète l’accès à sa propre expérience vécue ». La place des industries
culturelles (tourisme, mode, beauté, loisirs,
multimédia) est ici interprétée par un futurologue, James Ogilvey, que cite Rifkin :
« La croissance des industries de l’expérience exprime la saturation du marché des
biens matériels suscité par la révolution
industrielle (…). Le consommateur aujourd’hui n’est plus aussi souvent dans la
position de se demander s’il souhaiterait
posséder tel ou tel objet qui lui fait défaut
; il en vient plutôt à se poser la question
suivante : « Quelle nouvelle expérience
souhaiterais-je vivre ? ».
Ce n’est plus l’image qui représente le produit, mais le produit l’image. On ne porte
pas une chemise mais on fait d’abord l’expérience d’un « style de vie » construit par
le marketing et dont les contenus proviennent du réservoir de la culture populaire ou
élitiste, avec l’aide de techniques artistiques. Le consommateur est doublement
produit, à la fois comme sujet et objet de
consommation : « Nous sommes en train de
devenir les consommateurs de notre propre vie ».
Si la mode tient une place essentielle dans
ce schéma économique, c’est qu’elle se
résume, à son tour, moins à la consommation de produits (des baskets) ou de ses
matériaux (du plastique) qu’à la possibilité
d’accéder à des expériences, à des états
d’excitation et de « conscience altérés »,
comme ceux de l’imaginaire sportif, de la
victoire et de la performance. C’est en ce
sens qu’il s’agit bien d’un processus de
dématérialisation de l’économie. En son
sein, les données classiquement non marchandes, que ce soit le symbolique, le
spirituel, les valeurs affectives ou émotives,
sont transformées en capital, sources
humaines de plus-value.
Rifkin pose un regard critique sur une évolution conduisant à effacer les frontières
entre vie privée et vie professionnelle, et à
produire une subjectivité exclusivement
appropriée à l’extension de la consommation. Dès lors, les interminables discussions
entre marketing de l’offre et de la demande s’avèrent illusoires. Dans un cas, l’offre
sans désir est vaine, et dans l’autre, le désir
n’a aucune raison d’exister ex nihilo dans
des sociétés où la consommation est, quasiment en permanence, à son comble. La
différence revient au même : il faut se saisir de la sphère subjective (désirs, passions,
imaginaires, souvenirs, émotions), la stimuler et la faire naître à elle-même, en sorte
que le consommateur se consomme luimême par le biais des stimulations
marchandes.
A l’instar de No Logo de Naomi Klein ou du
Nouvel esprit du capitalisme de Luc
Boltanski et d’Eve Chiapello, l’ouvrage de
Rifkin ouvre au sein du capitalisme un
espace critique aussitôt détourné au profit
d’une économie où tout signe distinctif par
rapport aux concurrents peut être commercialement décisif. Ainsi, les critiques sont
considérées et estimées, puis réaménagées
et intégrées au cœur d’une « nouvelle »
nouvelle économie. En témoignent les
attentes éthiques et écologiques : « Quand
les clients de Body Shop achètent des parfums et des savons dans leur boutique
favorite, ils achètent en fait une expérience
de défenseur des animaux ».
O.A.
André Gorz
L’immatériel
(Galilée, Paris, 2003)
André Gorz établit le constat d’une mutation du capitalisme matériel vers un
capitalisme immatériel, celui que les AngloSaxons appellent knowledge economy et
les français « capitalisme cognitif ». Ce
« capital humain » concerne moins la science ou la connaissance, déjà largement mis
en relief dans le capitalisme industriel à travers les sciences et les technologies, que
l’intelligence, l’imagination et le savoir des
acteurs en entreprises. En ce sens, il y est
moins question de connaissances ou de
qualifications professionnelles que de compétences, au sens large, capables de
mobiliser l’ensemble des aptitudes, de la
culture et des expériences individuelles.
Sans précédent, ce processus, outre qu’il
présente l’originalité d’intégrer tout ce qui
auparavant était retranché de la sphère professionnelle, prend à contre-pied le
fordisme où les individus « ne devenaient
opérationnels qu’après avoir été dépouillés
des savoirs, des habiletés et des habitudes
développés par la culture du quotidien ».
Dorénavant, les travailleurs postfordistes
« doivent entrer dans le procès de production avec tout le bagage culturel qu’il ont
acquis par les jeux, les sports d’équipe, les
luttes, les disputes, les activités musicales,
théâtrales, etc. ».
Si l’économie de la connaissance est à l’origine de bouleversements fondamentaux,
c’est que la valeur d’échange des marchandises, contrairement aux analyses de Marx
dans le Capital, n’est plus déterminée par la
quantité de travail social qu’elles contiennent, mais par leur contenu de
connaissances. Jugement, intuition, sens
esthétique, niveau de formation et d’information, faculté d’apprendre et de s’adapter
à des situations imprévues, sont autant de
qualités requises mais difficile à quantifier.
Et le trait est encore plus marqué dans les
métiers de la création : « La production de
ces actes implique nécessairement une part
de production de soi et de don de soi. La
chose est parfaitement évidente dans les
services relationnels (éducation, soin, assistance) mais aussi dans les métiers
artistiques, la mode, le design, la publicité ».
D’où l’obligation d’un management par
objectifs qui, à la différence des moyens de
production humains, présentent l’avantage
d’être évaluables.
Comment peut-on identifier la dominante
immatérielle d’un produit ? Il s’agit de
« toute marchandise dont la matérialité,
d’un coût unitaire très bas, n’est que le vecteur ou l’emballage de son contenu
immatériel, cognitif, artistique ou symbolique ». La valeur d’échange d’un produit
n’ayant rien d’intrinsèque, elle découle de
facto de la capacité pratique des entreprises à limiter sa diffusion : d’où l’exigence,
pour la nouvelle économie et en particulier
les marques, de réglementer la propriété
intellectuelle et a fortiori de contenir les
contrefaçons, de contrôler les accès aux
connaissances. A l’encontre de Gorz, pour
l’économiste Yann Moulier Boutang, le processus de privatisation des valeurs
culturelles par le contrôle des accès aux
connaissances « ne doit pas dissimuler la
démarchandisation formidable qu’opère le
réseau numérique qui met en crise la possibilité d’exécuter les droits de propriété
dans un nombre d’autant plus croissant de
domaines que la part de la production
matérielle décroît vertigineusement ».
O.A.
14
L’invention
de la culture
de consommation
Dans L’Immatériel, André Gorz montre que
le capital fixe immatériel est aussi mis en
œuvre comme un moyen de produire les
consommateurs. Il vise à « produire des
désirs, des envies, des images de soi et des
styles de vie qui, adoptés et intériorisés par
les individus, les transformeront en cette
nouvelle espèce d'acheteurs qui "n'ont pas
besoin de ce qu'ils désirent et ne désirent
pas ce dont ils ont besoin" ». Définition du
consommateur qui est conforme à celle
inventée par Edward Bernays au début des
années 1920. Né à Vienne en 1891,
Bernays, qui était le neveu de Freud, doit
être considéré comme l’architecte moderne
des techniques de persuasion appliquées à
la sphère politique et à la consommation
de masse. Deux ouvrages américains permettent aujourd’hui de mesurer son
influence sur le développement de la culture consumériste ; l’un de Larry Tye, The
father of Spin : Edwards L. Bernays and the
birth of public relations, (Owl Books, 2002)
et l’autre, de Stuart Ewen, A social history
of spin, (Basic books, 1996).
Bernays s'était installé aux États-Unis
lorsque nombre d’industriels se demandaient par quels moyens ils pourraient
trouver des débouchés civils pour les énormes capacités de production dont
l'industrie s'était dotée pendant la première
guerre mondiale. Il avait mis au point une
nouvelle discipline, celle les « relations avec
le public » (public relations). Dans ses écrits
– Crystalling Public opinion (1923),
Propaganda (1928), The Engineering of
Consent (1947) – il explique que si les
besoins des gens sont limités par nature,
leurs désirs sont par essence illimités. Ce
sont les ressorts inconscients, les motivations irrationnelles, les fantasmes et les
désirs des individus qu'il faut alors s’efforcer de mobiliser et de mettre en branle au
profit des producteurs. En ce sens, au lieu
de s'adresser, comme elle l'avait fait jusquelà, au sens pratique des acheteurs, la
publicité devait contenir un message qui
transforme les produits, même les plus triviaux, en vecteurs d'un sens symbolique. Il
fallait en appeler aux « émotions irrationnelles », créer une culture de la
consommation, produire le consommateur
type qui cherche, et trouve, dans la
consommation, un moyen d'exprimer son
« moi le plus intime » ou, comme l'affirmait
une publicité des années 1920, « ce que
vous avez d'unique et de plus précieux
mais qui reste caché ».
Sa vision, avec des marchés inscrits au
cœur de l’intériorité des consommateurs,
fut mise en oeuvre quand l'industrie du
tabac lui demanda s'il voyait un moyen
pour amener les femmes à fumer. La rhétorique de Bernays fut la suivante : la
cigarette se rattachant à un symbole phallique, les femmes se mettraient à fumer à
condition de trouver dans la cigarette un
moyen de s'émanciper symboliquement de
la domination masculine. La presse fut prévenue qu'à l'occasion du grand défilé, à
New York, de la fête nationale, un événement sensationnel allait se produire.
Effectivement, au signal convenu, de jeu-
nes élégantes, au nombre d'une vingtaine,
tirèrent cigarettes et briquets de leur sac à
main et allumèrent leurs symboliques freedom torches (« torches de la liberté »). Au
grand bonheur de l’industrie du tabac, la
cigarette était devenue le symbole de l'émancipation féminine. Le président Hoover
s’adressa à Barnays, en 1928, dans les termes suivants : «Vous avez transformé les
gens en infatigables machines à bonheur
(constantly moving happiness machines) ».
Parmi les questions que soulève Gorz, certaines ont trait aux confusions entre espace
marchand et espace public, consommateur
et citoyen, espace privé et public, ou encore au détournement marchand des champs
de la culture. « La création artistique, souligne Gorz, doit déranger pour renouveler la
manière de percevoir et la capacité d'imaginer. L'art publicitaire et la mode doivent
plaire et imposer leurs normes. En tant que
véhicule privilégié de ces normes, l'image
de marque exerce une fonction de prise de
pouvoir du capital fixe immatériel sur
l'espace public, la culture du quotidien et
l'imaginaire social. Instrument par lequel la
marchandise doit pouvoir produire ses
consommateurs, le capital symbolique de
la firme se fera mettre en valeur par ces
consommateurs eux-mêmes. Ce sont eux
qui accompliront le travail invisible de la
production de soi qui « fournit un sujet à
l'objet », c'est-à-dire qui produit en chacun
d'eux les désirs, les envies, les images de
soi-même dont la marchandise est censée
être l'expression adéquate. La publicité de
marque, en un mot, induit chez le consommateur une production de soi qui valorise
les marchandises de marque comme
emblèmes de sa valorisation propre. C'est
par le pouvoir qu'il prend sur ce travail
invisible de production de soi, par la violence déguisée qu'exerce sur l'individu
l'envahissement publicitaire de tous les
espaces et de tous les moments de la vie
quotidienne, que le capital symbolique
fonctionne réellement comme un capital
fixe ».
O.A.
Remarques sur
Le nouvel esprit du capitalisme
Luc Boltanski et Eve Chiapello,
(Gallimard, Paris, 1999)
Le nouvel esprit du capitalisme des sociologues Luc Boltanski et Eve Chiapello, à
l’occasion de la description d’un monde
que les auteurs qualifient de « connexionniste », soulève également cette question de
l’accès aux biens et plus largement à soi.
Ce dernier est notamment caractérisé par
un accès aux objets non plus fondé sur la
propriété mais sur la « location », qui est « la
disponibilité, pleine mais temporaire ». Les
auteurs se demandent si ce schéma
connexionniste marque la fin du modèle
classique de « possession » pour conclure,
au contraire, qu’il porte « à son point ultime un élément qui a été à l’origine de la
conception libérale de la propriété : l’homme connexionniste est possesseur de
lui-même (…) en tant qu’il est lui-même le
produit de son propre travail sur soi ». Ce
trait rend compte de l’émergence du sentiment de possession de son propre corps
par chaque individu – cette perception se
traduisant par une forme nouvelle de
responsabilité par rapport à soi-même et
donc par rapport aux attributs visibles et
invisibles de ce nouveau moi. En témoigne
« la croissance très importante des industries qui ont pour objet le déploiement
d’une image de soi, depuis la mode, la
santé, la diététique ou la cosmétique, jusqu’à l’industrie (en pleine expansion) du
développement personnel, dont nous
avons vu qu’elle accompagnait la réorganisation des entreprises avec l’apparition de
nouvelles professions, comme celle de
coach ».
D’où une transformation de la notion de
responsabilité désormais définie comme
« responsabilité par rapport à soi : chacun
en tant qu’il est le producteur de lui-même,
est responsable de son corps, de son
image, de son succès, de son destin ». Ce
souci de soi, notamment sur le terrain
esthétique, est l’héritage critique d’un désir
15
de libération et de créativité né dans les
années 60, ensuite intégré sous la forme de
marchandises et de modèles de management moins autoritaires, plus permissifs,
appropriés à ces nouvelles formes de possession de soi.
Dans la même logique, les auteurs démontrent qu’une des conséquences de
l’avènement de la production standardisée
a été le développement du concept
d’authenticité (autre avatar de ces nouvelles formes de possession de soi), mettant
en évidence au passage la dimension
mythologique du capitalisme. En effet,
pour lutter contre les grandes critiques faites à la standardisation, à savoir d’être
« source de désenchantement et d’inauthenticité des objets, des personnes, des
sentiments et, plus généralement, du genre
de vie qui lui est associé », le capitalisme
moderne s’est trouvé, dès l’apparition des
premières marques, confronté à la nécessité de créer du sens et de remobiliser des
vieux mythes en associant ses produits à
des « gisements d’authenticité » de façon à
contrebalancer l’anonymat nouveau et
troublant de la production industrielle.
L’histoire du capitalisme peut ici être vue
sous un jour inhabituel : celle d’un système
qui a survécu et s’est redéployé grâce au
ressort romanesque et mythologique.
Ségolène Ferrand, professeur, directeur de
la communication à l’IFM
16
Comment
embrasser
l’immatériel ?
Parce qu’il met en lumière la signification
de l’économie et de la société de l’immatériel qui, jour après jour, devient notre
référence quotidienne, l’ouvrage d’André
Gorz, L’immatériel, est particulièrement
intéressant. Je vais ici me livrer à des com-
mentaires qui portent sur la signification
même de l’immatériel, puis sur l’évolution
de la société et du village mondial.
Le terme « immatériel » est en lui-même très
général. Concrètement, l’immatériel est ce
qui n’est pas matériellement tangible. Mais
pour peu qu’on soit convaincu que le tangible est une fiction commode et
rassurante, le raisonnement peut se révéler
rapidement sans issue. D’autant que
l’ « immatériel » peut désigner des phénomènes qui n’ont rien à voir avec la
modernité. Ainsi, le retour du religieux procède d’un développement de l’immatériel,
ce n’est pourtant pas ce qui nous intéresse
ici.
Ce qui n’apparaît peut-être pas de manière
suffisamment claire dans le livre d’André
Gorz est que l’immatériel, y compris dans
les aspects véhiculés par la modernité,
désigne des choses par nature très différentes, qui peuvent être codées ou aléatoires,
se rapporter à l’imaginaire des personnes
ou bien à des aspects technoscientifiques.
Si tout se mélange, encore faut-il savoir à
partir de quoi.
En simplifiant, on peut distinguer à mon
sens, au sein de l’ « immatériel contemporain », deux familles distinctes : l’ « immatériel de la cognition » et l’ « immatériel
de l’imaginaire ». Le premier immatériel est
abondamment discuté dans la littérature
économique et managériale. Depuis plusieurs années, sont publiés régulièrement
des articles et ouvrages qui portent sur l’économie cognitive ou le management des
connaissances (knowledge management).
Le plus souvent, l’accent est alors mis sur le
capital de connaissances dans l’entreprise
ou dans la société, et les connaissances
sont comprises comme objectives, cumulables, gérables. Le second immatériel est lié
à l’imaginaire des individus et des cultures,
sans être pour autant un territoire ou règne
le subjectif au mépris de toute règle.
L’immatériel de l’imaginaire a ses propres
codes, éventuellement cumulables avec
l’histoire et la culture, en tout cas susceptible de se prêter à une analyse de plus en
plus fine et approfondie. Jeremy Rifkin,
dans L’âge de l’accès, évoque à cet égard
l’avènement d’un « capitalisme culturel » où
se situent la mode, le design, la création,
sans oublier la communication.
Notons au passage que la question de l’interaction entre les deux imaginaires est
difficile, que l’immatériel de l’imaginaire a
été beaucoup moins étudié que l’immatériel de la cognition, et que l’IFM est plutôt
bien placé pour contribuer avec d’autres à
remédier à ce déséquilibre.
Comment le village mondial s’accoutume-til à cette évolution ? Le débat est bien sûr
très contradictoire. Nombreux sont ceux
qui, à l’image de Bill Gates, considèrent par
exemple que les systèmes d’information et
l’Internet représentent une formidable
avancée démocratique dans le monde,
parce qu’ils facilitent l’accès à la connaissance. Ici intervient le débat sur la gratuité,
et vient à l’esprit, en particulier, la bataille
conduite par les promoteurs de Linux. A
l’inverse, on peut aussi se montrer inquiet
face à l’accroissement des inégalités, non
seulement en matière financière, mais aussi
en matière d’accès à l’information. Quant
aux « aspects imaginaires », ils donnent lieu
à la controverse bien connue gravitant
autour du credo de No Logo.
Où ceci nous mène-t-il ? S’inscrivant dans
une certaine tradition conceptuelle marxiste (valeur travail, valeur d’échange, baisse
du taux de profit, etc.), André Gorz reprend dans ces domaines les thèmes
classiques de l’individu manipulé et programmé à ses dépens. Cela renvoie à la
vieille définition de l’idéologie en tant que
conscience faussée. Il s’inquiète des forces
en mouvement et appelle à une forme d’écologie politique, en accord avec ses écrits
antérieurs. D’un autre point de vue, on
peut se référer au texte précurseur, « The
use of knowledge in society », datant de
1945, que Hayek a consacré au système de
prix et à la société de la connaissance, et
raisonner alors dans un paradigme s’avérant d’autant plus optimiste que se
généralise l’économie de marché. Il pourrait alors s’ensuivre un débat idéologique
sans fin, qui serait juste une version actua-
lisée du débat traditionnel sur le capitalisme.
Réfléchissons ici différemment en rappelant
quelques points. Tout d’abord, il est un fait
que le capitalisme jouit d’une formidable
force d’absorption des cultures, des résistances, des antagonismes.
Ensuite, la
réalité est que le village mondial est totalement
contrasté
et
fragmenté.
Troisièmement, la révolution informationnelle (cognitive) et le bouleversement
post-moderne représentent une chance
exceptionnelle pour des « bourgeois éduqués » et ouverts sur le monde ; mais son
impact est beaucoup plus ambigu pour des
personnes se situant à l’écart, non des
modes de production matériels, mais des
schémas intellectuels et conceptuels inhérents à l’aptitude à se mouvoir dans les
différentes sphères de l’immatériel. Enfin,
au niveau des cultures régionales et nationales, il est clair que la capacité à saisir
cette nouvelle donne est extrêmement
inégale, en particulier selon la représentation du temps (linéaire, cyclique,
fragmenté, intériorisé…) de la culture
concernée, à l’heure de l’éphémère et de la
quête permanente de l’optimisation logistique.
Il en est de l’immatériel comme du fordisme. Celui-ci a représenté une libération
sous un certain angle, un enfermement
sous un autre. Plutôt que de se livrer à des
anathèmes et à des critiques rudimentaires,
il importe aujourd’hui, d’abord, de mieux
comprendre la structuration des immatériels. Libre à chacun, ensuite, d’imaginer et
partager de nouveaux jardins imaginaires
dans la tradition épicurienne, ou de se
consacrer à la politique sur un mode rénové, avec toujours en toile de fond la
question du sens dans un univers aux
modes de socialisation bouleversés, régi
par des codes sujets à la précarité, en proie
à une virtualité envahissante, grisante, par
essence vertigineuse.
Pascal Morand, directeur général de
l’Institut Français de la Mode (IFM).
Jeremy Rifkin, L’âge de l’accès, La révolution de la nouvelle économie, La
Découverte, Paris, 2000.
Repères bibliographiques
François Terré (directeur de la publication),
Le droit et l’immatériel, Paris, Sirey, coll. «
Les archives de philosophie du droit »,
1999.
Jean-Pierre Archambault, « Economie de
l’immatériel : vers quels modèles ? »,
Médialog n° 45, Janvier 2003.
Larry Tye, The father of Spin : Edwards L.
Bernays and the birth of public relations,
Owl Books, 2002.
Luc Boltanski et Eve Chiapello, Le nouvel
esprit du capitalisme, Gallimard, Paris,
1999.
Monique Vervaeke, Le design et les immatérialités de l’entreprise, Paris, Editions de
l’Harmattan, 2003.
Antonella Corsani, Maurizio Lazzarato,
Antonio Negri, avec la collaboration de
Yann Moulier Boutang, Le bassin de travail
immatériel, BTI, dans la métropole parisienne, Paris, Editions de l’Harmattan, coll.
« Logiques sociales », 1996.
Daniel Vitry, Chantal Ochs, Patrick Ochs,
Gérard Laizé, Bâtisseurs d’immatériel,
Paris, Edition Grise, 2000.
Jacques De Bandt, Geneviève Gourdet,
Immatériel : nouveaux concepts, Paris,
Economica, ouvrage publié avec le
concours de l’Université de Nice-Sophia
Antipolis, 2001.
Patrick Epingard, Investissement immatériel, cœur d’une économie fondée sur le
savoir,
Paris, CNRS Editions, Coll. « Recherche et
entreprises », 1999.
André Gorz, L’immatériel, Galilée, Paris,
2003.
Bernard Marois, Le capital immatériel :
application au secteur français, Jouy-enJosas, Groupe HEC, Coll. « Les cahiers de
recherche du Groupe HEC », 2003.
Stuart Ewen, A social history of spin, Basic
books, 1996.
Christian Pierra, Bernard Martory, La gestion de l’immatériel, Paris, Nathan, coll. «
Les livres de l’entreprise », 1996.
médiaires culturels » traduisent et promeuvent activement des idées et des produits
culturels.
Pour d’autres informations :
www.regard.ac.uk
Des patrimoines industriels
Novembre 2003 - Besançon
ÉVÉNEMENTS
Entre production et consommation : les acheteurs
de mode, intermédiaires culturels
Février 2003 - Grande-Bretagne
Soutenue par J. Enwistle, primée à l’université de l’Essex, cette étude vise à souligner
la place d’un groupe d’opérateurs culturels
souvent invisible, pourtant crucial pour l’industrie de la mode au Royaume-Uni, les
acheteurs de mode. Intermédiaires clés,
leurs décisions ont une importance économique et culturelle aussi bien pour les
tisseurs, les confectionneurs et les consommateurs, que pour leur propre activité de
distributeur dont la survie dépend d’une
mesure exacte du marché de la mode.
Une observation des achats de mode sur
une période de six mois a permis d’apprécier le rôle capital de ces acteurs de la
mode. Les industries culturelles, par exemple la mode et la musique, ont acquis, ces
dernières années un poids économique
national et mondial. Au Royaume-Uni, dans
les années 90, la réussite de l’opération
« Cool Britannia » initiée par le nouveau
parti travailliste reposait largement sur la
promotion des industries culturelles présentées comme la clé de la croissance
économique et de la vitalité culturelle.
Parallèlement, jouant un rôle de plus en
plus essentiel dans l’économie, ces « inter-
Un colloque sur le thème « La mémoire de
l’industrie : de l’usine au patrimoine » s’est
tenu en Novembre dernier à la Maison des
sciences de l’homme de Franche-Comté à
Besançon. Au cours de la journée, qui rassemblait des universitaires français et
européens, plusieurs grandes questions ont
été mises en relief : les acteurs et les politiques de la patrimonialisation de
l’industrie, les formes et les enjeux de la
mise en valeur du patrimoine industriel, ou
encore, la valeur historique de ce patrimoine industriel.
Pour des informations plus détaillées :
www.univ-fcomte.fr
La production de l’immatériel
Mai 2003 - Lyon
Ce colloque mérite qu’on en rappelle les
grandes lignes. Au XIXe siècle, les contemporains se réveillent de la révolution
Etats de
la recherche
19
politique française et industrielle anglaise
avec le sentiment que les travaux de l'esprit
deviennent des productions à part entière :
productions paradoxales, certes, puisque
immatérielles, à la différence de celles qui
résultent des métiers de l’artisanat et de
l'industrie ; mais productions bien réelles,
dans la mesure où elles prennent désormais la forme de biens évaluables,
susceptibles d'aliénation et d'appropriation,
d'exploitation commerciale et de consommation.
Cette évolution, qui s'accentue tout au long
du siècle, installe au bout du compte la
situation actuelle, où la « culture » a pris
rang de besoin essentiel et fonctionne
comme une économie tout en refusant le
principe marchand.
En rendre compte passe par un examen
attentif du contexte et des effets des grandes mutations survenues à l'échelle de
l'Europe moderne dans son ensemble :
émergence des classes moyennes et développement des professions intellectuelles ;
autonomisation de la littérature et des arts ;
naissance de nouveaux modes de production, de reproduction et de diffusion des
biens culturels, jusqu'au seuil de leur massification ; constitution de puissants
systèmes de médiation (et de médiatisation) à l'origine des champs d'activité
symbolique.
Les interventions se sont centrées sur trois
objets.
Le premier objet, d'ordre théorique,
concerne les modèles juridiques, politiques
et économiques que présuppose la notion
de « production immatérielle ». Le deuxième
objet, plus historique, est le système de
production des biens immatériels luimême, examiné sur le plan des réalités
socio-économiques et culturelles. Il englobe les mutations de l'édition et de la presse,
les innovations technologiques, industrielles et commerciales, l'organisation des
champs culturels - en un mot, tout ce
qu'implique l'économie de la culture. Le
troisième objet, spécifiquement esthétique,
porte sur les attitudes que les créateurs
d'immatériel sont amenés à adopter face à
cette logique de production, qu'ils l'épousent ou qu'ils décident de faire sécession,
en manifestant par leur propres choix artistiques leur volonté de dématérialiser la
culture.
Pour des informations supplémentaires :
[email protected]
1ère journée de recherche sur le marketing & le
design
29 et 30 janvier 2004 - Nantes
A l’initiative conjointe de l’Ecole de management Audencia Nantes, de l’Ecole de
design de Nantes, de l’Association française de marketing et du Collège d’études et
de recherches en design et conception de
produits, cette journée s’est attachée à présenter les travaux de recherches sur le
marketing-design, en favorisant une approche pluridisciplinaire du marketing, à
travers notamment, l’utilisation des apports
de la psychologie, de la sociologie ou de la
sémiologie et de toutes les autres sciences
pouvant contribuer à enrichir les recherches sur le marketing-design.
Pour d’autres informations :
www.audencia.com
HISTOIRE
L’influence d’un système de pensée sur un système
de mode : l’exemple du néoplatonicisme ficinien,
1470-1500
Anne Kraatz, Paris, Thèse de doctorat en
histoire de l’art médiéval, EHESS, 2002
A partir du changement manifeste de la
représentation de la mode au cours des
trois dernières décennies du XVe siècle,
cette thèse pose la question du lien existant
entre la mode vestimentaire et la pensée
des cercles humanistes néoplatoniciens de
cette époque. La réponse qu’elle apporte
vise un triple objectif. D’abord proposer de
nouvelles pistes de recherches dans un
domaine jusqu’ici peu exploré, celui de la
phénoménologie du vêtement porté, par
opposition à l’étude traditionnelle du costume « vide » de corps. Ensuite, déterminer si
un courant de pensée peut être rendu
manifeste par une forme concrète, en l’occurrence le vêtement, dès lors qu’il touche
à l’un ou l’autre des problèmes fondamentaux d’une société. Enfin, d’établir si la
mode vestimentaire, concrète par définition, répond bien à des critères abstraits, ici
mathématiques et philosophiques, pour
déterminer la silhouette qui correspond le
mieux au courant de pensée auquel souscrit à un moment donné la société qui
l’adopte.
Après avoir résumé les idées essentielles du
néoplatonisme de Marsile Ficin, tendance
philosophique majeure des années 14701500, l’auteur analyse l’impact de ces
sources sur les comportements de l’époque
susceptibles d’influencer les pratiques vestimentaires, notamment les conduites
sexuelles. Une définition précise des éléments constitutifs de la mode lui permet de
démontrer que la mode vestimentaire de
l’époque est bien le reflet de la pensée
néoplatonicienne. Ce travail s’achève sur la
figure géométrique qui symbolise la silhouette vêtue de cette période.
ÉCONOMIE ET GESTION
Cette présentation de quelques thèses en
économie et gestion, soutenues ou en cours
d’achèvement, souligne l’engagement de la
recherche sur des questions fondamentales
telles que la perception et l’imagination des
produits et des marques, ou encore
la consommation ostentatoire, ressort
indispensable à l’intelligibilité des mécanismes d’achat.
Biais d'âge subjectif et utilisation symbolique des
produits
Denis Guiot
Université Paris IX Dauphine
Centre de Recherche DMSP
Thèse soutenue en 1999
Connaissances des marques stockées en mémoire
par les consommateurs : modèle théorique et test
empirique
Mickael Korchia
ESSEC - Thèse soutenue en 2001
Corps du consommateur et design de produit :
recherche d'une similarité ou d'une complémentarité ?
Leïla Damak
Université Paris IX Dauphine
Centre de Recherche DMSP
Thèse soutenue en 1996
Images corporelles et gestion de l'apparence : une
application au maquillage
Sophie Pasini
Université Pierre Mendès-France
ED de Sciences de Gestion
Thèse soutenue en 1998
Le consommateur adolescent : influence de l'implication sur le comportement de consommation et
sur l'attitude face aux marques - application au
domaine vestimentaire
Thierry Poiron
IAE de Paris - Thèse soutenue en 1997
Les attitudes et connaissances vis-à-vis du luxe des
personnes nouvellement enrichies en Pologne
Tomascz Sikora
Groupe HEC
Doctorat HEC - Thèse soutenue en 2000
Valeurs des consommateurs et consommation
ostentatoire
Marie-Hélène Moawad
Paris XII Créteil
IRG - Pôle marketing et Logistique
Thèse en cours
Les travaux engagés se rangent sous deux
rubriques. L’une concerne le thème majeur
du Centre de Recherche pour l’année 2004,
le luxe, qui fera l’objet d’un colloque en
juin prochain, suivi des actes et de la publication d’un ouvrage collectif, mêlant des
contributions de chercheurs européens et
privilégiant une approche conjointement
sociologique et historique. L’autre met en
lumière les travaux universitaires, conduit
par les acteurs de l’IFM, dont nous proposons à la suite une présentation.
Chine. L’étude vérifie, notamment, la pertinence de la théorie de la protection
endogène pour étudier les échanges intérieurs en Chine. Trois aspects des
implications du protectionnisme local en
matière de performance économique sont
ensuite explorés. L’un des chapitres porte
sur l'influence du protectionnisme local sur
la formation de la structure de production
sectorielle des provinces. Un autre étudie
l'impact du protectionnisme sur le processus de croissance économique. Et un
dernier s'intéresse à son influence dans la
dynamique de migration inter-provinciale
des travailleurs ruraux vers les villes.
Intégration ou fragmentation interne de l'économie
chinoise
Création et innovation dans les industries du textile et de la mode
Dans cette thèse, soutenue à la Faculté des
sciences économiques et de gestion de l’université d'Auvergne Clermont-Ferrand I,
Sandra Poncet, économiste à l’IFM, procède à une analyse de l'intégration
économique des provinces chinoises. Il s'agit de déterminer si, au cours de la dernière
décennie, la Chine s'est développée en un
marché national unifié, équitable et concurrentiel ou si, au contraire, elle s'est
transformée en une juxtaposition de marchés locaux fragmentés à l'abri de fortes
protections. L'étude du niveau et de l'évolution du protectionnisme interne des
provinces a été effectuée à l'aide de trois
méthodes complémentaires permettant non
seulement de s'assurer de la fiabilité des
résultats obtenus, mais surtout d'acquérir
une vision globale en prenant en compte le
protectionnisme local à travers ses différents aspects. L'intégration du marché
intérieur chinois est appréhendée successivement à partir des effets frontière
commerciaux, des déviations par rapport à
la loi du prix unique et des entraves à la
mobilité des travailleurs en Chine. Au-delà
de l'étude du degré d'intégration et de son
évolution au cours des années 1990, cette
thèse fournit une analyse des mécanismes
et des enjeux du protectionnisme local en
David Zajtmann, coordinateur pédagogique
à l’IFM, se propose, dans le cadre du DEA
« Economie Industrielle » de l’université
Paris IX Dauphine, de cerner, dans le cadre
de l’économie industrielle, la notion de «
création » dans les industries du textile et
de l’habillement et d’étudier en quoi les
théories existantes de l’innovation peuvent
rendre compte de ce phénomène. Il apparaît en effet, que les termes de « création »
et d’ « innovation » sont souvent employés
indistinctement pour définir ce qui constitue « l’avantage concurrentiel » des
entreprises de mode.
Ce travail se propose de partir de la classification opérée par Schumpeter des
différents types d’innovation (produit, procédé, nouvelle organisation, nouveau
débouché et nouvelle source de matière
première). Les aspects « classiques » de l’innovation seront abordés à travers le cas des
entreprises textiles (filateurs et tisseurs).
L’intégration de notions issues des sciences
sociales telles que celles de « combinatoire »
et de « signification » apparaissent nécessaires pour rendre compte de la spécificité
des industries développant un processus
de collection plus proche du consommateur, c’est-à-dire en particulier les industries
de l’habillement. Il s’agira de mettre en rap-
LA RECHERCHE À L’IFM
port la place des firmes dans leur environnement concurrentiel, et leur comportement
au regard de l’innovation et de la création.
Le modèle expérientiel appliqué à la distribution
des produits de luxe
Dans ce mémoire de DEA de gestion à
l’université de Paris XII, Françoise
Sackrider, professeur à l’IFM, s’interrogera
sur la nature des expériences que les lieux
de vente des marques de luxe proposent à
leurs consommateurs. Le développement
par Hirschan et Holbrook, au début des
années 80, du modèle expérientiel de la
consommation a largement contribué à
l’enrichissement des théories du comportement du consommateur. L’approche
expérientielle renforce la thèse selon
laquelle les individus les plus aisés de la
société accordent une place croissante aux
aspects immatériels de la consommation,
cela au détriment des composantes matérialistes traditionnelles, fondées sur la
possession et la valorisation pure des attributs physiques des produits. Par son
contenu immatériel fort, la consommation
de produits de luxe – au même titre que la
consommation d’art et de culture – a servi
de référence pour le développement de
l’approche expérientielle.
Pour les théoriciens de l’expérientiel, la
valeur de l’acte d’achat et de consommation résulte de l’interaction qui se crée
entre le client et le produit, entre le « magasineur » et le lieu de vente. La valeur du
bien possédé est alors le produit d’une
expérience d’achat et de consommation
vécue par le consommateur. Celui-ci développe une relation holiste vis-à-vis de
l’offre, au sens où cette relation va au-delà
du seul produit et de sa mise en scène, touchant en effet les aspects immatériels liés à
cette offre. L’approche expérientielle
reconnaît l’importance des variables suivantes : le rôle des émotions et des
sensations dans le comportement, la signification
du
symbolisme
dans
la
consommation, le besoin de plaisir et le
ludisme des consommateurs, le rôle que
jouent les consommateurs – leur part de
subjectivité – dans et au-delà de l’acte d’achat.
La consommation de produits de luxe et
plus généralement tous les éléments qui
contribuent à créer un univers autour de
cette consommation, comme le point de
vente par exemple, constituent véritablement une expérience qui fait naître chez le
client des réactions subjectives et émotionnelles fortes. L’expérience proposée par la
marque aux visiteurs – clients ou non – à
travers ses lieux de vente, occupe à présent
une place essentielle qui contribue largement à accroître la valeur immatérielle du
produit.
La maîtrise de la distribution offre désormais aux marques de luxe la possibilité
d’accroître leur contrôle sur un niveau supplémentaire et essentiel de la chaîne de
valeur. En effet cette intégration verticale
de leurs activités, d’amont en aval, permet
aux marques de luxe d’avoir une maîtrise
totale de leur image sur le lieu de vente,
jusque dans la relation qu’elles établissent
directement avec leur clientèle.
Ainsi le développement des réseaux de distribution de ces marques, mais aussi
l’attention portée à la conception, la mise
en scène et l’animation de ces points de
vente, contribuent véritablement à la création d’une interaction entre le visiteur et le
lieu de vente.
L’objectif de ce travail de recherche sera de
mettre au jour et d’analyser le « surplus »
d’expérience – au-delà du seul produit –
que les marques de luxe proposent aux
visiteurs au travers des lieux de vente.
La constitution réciproque du goût et des systèmes
de diffusion des marchandises
Professeur à l’IFM, auteur de plusieurs
ouvrages, Olivier Assouly rédige une thèse
de doctorat en sociologie à l’EHESS sur la
formation du goût. Ce travail vise à mettre
l’accent sur les interactions entre les systèmes de diffusion des produits et les goûts
des individus. Les procédures de diffusion,
notamment la distribution et la communication, dépendent non seulement des modes
de production, mais d’une anticipation des
modalités de réception, c’est-à-dire d’une
prévision des goûts du consommateur. Il
faudra en ce sens s’intéresser à l’ensemble
des techniques capables de modeler la perception et le jugement : systèmes de
reproduction des œuvres, différentes formes de communication, marketing,
campagnes publicitaires, actes de prescription
des
médias,
procédures
administratives, opinions des experts, associations de consommateurs. Par exemple,
les actes de reconnaissance des produits dit
traditionnels, à travers la constitution de
patrimoines et l’octroi de labels, transforment le mode d’évaluation de ces mêmes
produits alors jugés sous des normes de
qualité, à l’instar des produits de mode
jugés sous l’aura des marques.
Il sera largement question de souligner les
effets des consommations de masse et l’influence croissante du marketing dans la
formation du goût. Si le capitalisme s’observe en tant que production de
marchandises ou de services, il transforme
aussi la place et la représentation des objets
quotidiens, utilitaires ou superflus, et la
subjectivité des individus. Face à la pléthore de biens disponibles sur le marché, les
entreprises n’ont d’autre solution que de se
concentrer sur la forme « esthétique » des
marchandises en sorte de motiver les goûts
et générer des actes de consommation.
D’où l’essor d’un « capitalisme du goût »
dont les conséquences sont majeures :
transformation du rapport classique aux
objets, à la nature, à la rareté, au sacré, à la
qualité, à l’œuvre d’art ; accès à des catégories esthétiques communes à plusieurs
secteurs comme la mode, le design, la
publicité ; extension des frontières de la
culture ; perte des références symboliques
majeures ; banalisation de la perception ;
nostalgie des goûts purs liés aux procédures artisanales de production et de
distribution confidentielle.
Les deux secteurs étudiés seront l’alimenta-
tion, dont l’industrialisation a laissé apparaître par contraste un goût des terroirs et
de la gastronomie, et l’habillement dont la
confection ou le prêt-à-porter laisse
transparaître la haute couture et le goût de
l’exception, voire un marché compensatoire du luxe. En ce sens, il ne peut y avoir de
goût pour le terroir (label, authenticité, origine, créativité) indépendamment du
prisme de l’industrialisation qui en définit
rétroactivement les conditions et a fortiori
l’exigence de qualité. En outre, l’alimentaire et l’habillement présentent l’intérêt d’être
antérieurs à l’avènement de l’industrialisation, de disposer d’une histoire étroitement
liée à la culture française.
La question porte moins sur l’essence du
goût que sa mise en œuvre. Que signifie
encore « goûter » sans les dispositifs de mise
en œuvre du goût ? La constitution du goût
soulève la question de la possibilité d’une
expérience du goût primitive et intime. En
effet, on ne peut pas soutenir que les
instruments de diffusion modifient la perception sans supposer, à tort ou à raison,
une forme de perception originaire qui précèderait en quelque sorte les interférences
techniques.
Le regard des économistes sur la publicité
22 avril 2004 - Gergy-Pontoise
Dans le cadre de l’université de CergyPontoise, Régis Renault, professeur
d’économie et de gestion, questionnera les
bénéfices que procure la publicité à notre
société. Cette intervention a principalement
pour but de présenter les outils dont disposent les économistes pour comprendre les
stratégies des entreprises en matière de
publicité et pour évaluer leur impact sur le
bien-être collectif. Les principaux résultats
obtenus à ce jour seront aussi présentés en
tentant de dégager ceux qui sont les plus
significatifs et en soulignant leurs implications pour les politiques publiques. La
présentation inclura une discussion des difficultés pour l’analyse économique de
prendre en compte certains aspects de la
publicité, notamment son rôle persuasif qui
vise à affecter directement les goûts des
acheteurs.
Renseignements : service action culturelle
et scientifique, 01 34 25 63 79,
[email protected]
Colloque et publication autour de Thorstein Veblen
14 mai 2004 - Montréal
Le 3 août 1929 s’éteignait un penseur peu
connu du public francophone et négligé en
Amérique du Nord. Il alliait dans son travail
de recherche les disciplines sociologiques,
historiques et économiques. A Montréal,
Calendrier
25
l’Association francophone pour le savoir
(ACFAS) organisera en mai 2004 un colloque visant à souligner les articulations
économiques et sociales d’une œuvre
majeure. Théorie de la classe de loisir,
ouvrage d’une actualité surprenante, traite
notamment des questions du loisir et de la
consommation ostentatoire, ou encore de
l’habillement comme expression de la culture pécuniaire.
Au colloque s’ajoute la publication d’un
ouvrage visant non seulement à mettre en
lumière un auteur iconoclaste, mais également destiné à promouvoir un certain
nombre de textes encore inédits.
Département de sociologie
Université du Québec à Montréal
Contact : [email protected]
Au nom du consommateur
La consommation entre mobilisation sociale et politique publique dans les pays occidentaux au XXe
siècle
10-12 juin 2004 - Paris
La consommation soulève un grand nombre de questions d'ordre social, économique
et politique. Or les relations entre consommation et politique sont encore mal
connues. Que l'on pense aux boycotts
organisés et au refus des produits américains, ou que l'on regarde les politiques de
régulation des marchés ou les différents
modes d'intervention de l’Etat, le « consommateur » ou la « consommatrice »
apparaissent comme des entités politiques
au nom de qui les gouvernements et autres
institutions étatiques, les entrepreneurs ou
les publicitaires, les mouvements sociaux
ou les individus eux-mêmes, s'expriment.
L'histoire peut sans doute nous aider à
comprendre quand et comment a évolué la
place de la consommation dans le débat
politique des pays occidentaux à l'époque
contemporaine.
Les États ont-ils tenté de modifier les pratiques de consommation et si oui, avec
quels moyens et avec quels résultats (cam-
pagnes nationalistes, réglementation des
marchés, rôle des administrations, ministérielles ou consultatives) ? Quelles ont été
les organisations les plus actives en matière de consommation (associations de
consommateurs, partis et syndicats, réformateurs sociaux, mouvement coopératif) ?
Quels « outils » et modes d'action collectifs
ou individuels se sont développés et comment ? Y a-t-il des spécificités nationales,
culturelles ou religieuses en la matière et
lesquelles ? Dans quelle mesure peut-on
étudier les consommateurs non seulement
comme des agents du marché mais aussi
comme des acteurs sociaux et politiques,
directs ou « représentés » par des organisations qui parlent en leur nom ?
Ce colloque rassemblera des chercheurs en
histoire et sciences sociales. Y seront discutés des travaux récents portant sur le rôle
de l'État, des associations et des individus
dans les mobilisations sociales et les politiques publiques liées à consommation à
l'époque contemporaine (XIXe-XXe siècles).
Centre de recherches historiques, EHESS,
54, Bd Raspail – 75270 Paris Cedex 06.
Contact : [email protected]
Paraître et apparences dans l’histoire
(Europe du Nord-Ouest entre 1400 et 1970)
2004-2006 - Lille
Le paraître et les apparences sont désormais des objets d'histoire à part entière.
L'apparence d'un individu définit à la fois
son identité sexuelle, son appartenance à
un groupe social, sa place dans la hiérarchie des fortunes et des rangs, ou encore sa
fonction. Cette apparence est à la fois corporelle et matérielle. Elle se manifeste par
la tenue du corps, par ses gestes ou son
hygiène, comme par les parures de celui-ci
: vêture et accessoires, coiffure, parure cosmétique, odeurs et parfums ou bijoux. Mais
le paraître ne se réduit pas à l'apparence
corporelle d'un individu. Il se met aussi en
scène dans un cadre matériel allant du type
d'habitat en passant par le mobilier ou
encore la consommation alimentaire.
Il s’agit là d’un programme de recherche,
au rythme d’une à deux journées d’étude
par an, qui devrait s’échelonner jusqu’en
2006. En 2004, il sera question des sources
du paraître et des apparences, puis en
2005, d’une analyse des transgressions des
signes et des codes vestimentaires, et enfin,
en 2006, les questions des morales et de
l’éducation du paraître viendront clôturer
ce programme de recherche.
Université de Lille, Centre de Recherche sur
l’histoire de l’Europe du Nord-Ouest
(C.R.H.E.N.-O)
Contact : Martine Aubry
[email protected]
Histoire de la mode des années soixante
Mode, environnement et styles de vie
Programme du séminaire 2003-2004 - Paris
A partir des années 60, la consommation de
la mode se développe à travers la diffusion
du prêt-à-porter et le phénomène des boutiques. La mode se renouvelle sur un
rythme plus rapide que Roland Barthes a
qualifié de « temps des micro-modes ». De
nouveaux rapports de l’individu au corps,
aux modes de vie et à l’environnement se
dessinent.
Poursuivant les travaux de l’an dernier, plusieurs séances seront consacrées aux
nouveaux modes de distribution, aux styles
de vie et à la médiatisation de la mode.
Chaque séance prévoit également des
comptes rendus d’ouvrages ou de courts
exposés sur des points précis. La séance du
6 février 2004 portera sur Environnements
et styles de vie ; le 12 mars sur Le corps, la
mode et le design ; le 2 avril, il sera question de L’évolution des formes et, enfin, le
14 mai, de La médiatisation de la mode. A
terme, est envisagé, pour le début 2005 un
colloque où alterneraient des ateliers de
travail et des tables rondes.
Renseignements : CNRS, www.ihtp.cnrs.fr
Mise en marché
Programme du séminaire 2003-2004 - Paris
Ce groupe de travail a pour objectif de faire
un état des lieux de la littérature et des travaux récents sur le thème de la mise en
marché des produits. Il s'intéressera tout
particulièrement à l'analyse des dispositifs
de médiation entre l'offre et la demande :
comment sont constitués les objets et les
discours, professionnels, qui contribuent à
leur définition ? Ce séminaire s'intéressera
aux intermédiaires ou professionnels du
marché et au riche travail qu'ils accomplissent pour mettre en forme la relation entre
le consommateur et le produit. Cette question se trouve à la croisée de différentes
disciplines : marketing, économie, « consumers studies », sociologie économique,
anthropologie des marchés ; chacune privilégiant une entrée du sujet (par le
consommateur, le marché, le prix…).
L’objectif est de faire une lecture croisée de
ces différentes approches, lesquelles ont
récemment renouvelé leurs découpages
analytiques. Seront privilégiés les travaux
empiriques qui analysent de manière fine
et détaillée la mise en place et le fonctionnement de ces dispositifs intermédiaires.
Ecole des mines, Centre de sociologie de
l’innovation
Les séances se tiendront le lundi de 16h à
18h, une fois par mois, alternativement
dans les locaux de l'INRA (16 rue Claude
Bernard) et du CSI (60 boulevard SaintMichel).
Contact : [email protected]
Antimanuel de marketing
Collectif sous la direction de Gilles Marion,
Editions d’Organisation, 2003
Le titre un peu provocateur de cet ouvrage
vise deux objectifs : proposer un manuel
théorique et pratique permettant de comprendre ce que le fait le marketer, d’une part,
et mettre en évidence les limites et les ambiguïtés de ses modèles et outils d’autre part.
La mise en cause de certaines vaches sacrées
du marketing : la notion de besoin, l’orientation production, le marketing mix, stimulera
la créativité de ceux qui préfèrent innover
plutôt que de reproduire des modèles.
Management interculturel
Susan Schneider et Jean-Louis Barsoux,
Pearson education France, 2003
Parce que les responsabilités et les contacts à
l’échelle internationale deviennent monnaie
courante, que l’entreprise accueille de plus
en plus de collaborateurs de nationalités différentes, le management des différentes
cultures est devenu incontournable. Ce livre
traite du management interculturel, des
menaces et des opportunités, des problèmes
et des possibilités qui en résultent. En faisant
le lien entre travaux universitaires et pratiques en entreprise, cet ouvrage fait non
seulement le point sur les études actuelles,
mais montre comment analyser sa propre
culture.
Economie de la propriété intellectuelle
François Lévêque et Yann Menière, La
Découverte, « Repères », 2003
Dans cet ouvrage, deux chercheurs de
l’Ecole des mines de Paris, François
Lévêque et Yann Menière reviennent sur
les enjeux cruciaux de l’exploitation des
idées à l’ère de la société de l’information
et de la connaissance, offrant un précieux
éclairage sur les aspects économiques et
juridiques des brevets et des droits d’auteurs. Ce débat, pour les uns, se traduit par
une hostilité à la propriété intellectuelle,
alors considérée comme une appropriation
abusive de données collectives ou bien,
d’un autre point de vue, comme une entrave au marché. Pour les autres, il devient
urgent de protéger la propriété intellectuelle si l’on veut encourager l’innovation.
Economie de la distribution
Marie-Laure Allain et Claire Chambolle, La
Découverte, « Repères », 2003
Les entreprises de distribution – Carrefour
en France, et Wall Mart aux Etats-Unis, premier employeur privé – ont connu un essor
gigantesque au cours au XXe siècle. Les
auteurs s’emploient à analyser les spécificités de cette activité économique, à qualifier
les principaux acteurs, à explorer le passage du commerce de détail à la distribution
de masse et du libre-service aux grandes
surfaces. Ils mettent aussi l’accent sur les
relations souvent conflictuelles entre les
producteurs et les distributeurs.
Entreprise et sémiologie
Béatrice Fraenkel et Christine LegrisDesportes, Editions Dunod, 1999
A travers le témoignage d’experts, cet
ouvrage fait le point sur la pratique de la
sémiologie en entreprise et la diversité de
ses applications. En offrant aux hommes de
marketing, de communication et aux
responsables d’entreprises, un formidable
pouvoir de discernement, la sémiologie
permet d’élaborer des stratégies pertinentes
et efficaces. Ce livre présente les principaux outils et méthodes.
Repères Mode 2003, Visages d’un secteur
Collectif
Editions IFM, 2003
En 1996 paraissait Repères Mode & Textile,
premier ouvrage collectif publié par l’Institut
Français de la Mode qui traitait, au travers
d’une série d'articles, de l’activité économique et managériale de la mode et du
textile. Sept ans plus tard, les mouvements
du secteur, tant en termes de consommation
que de structure, nécessitaient de refaire un
point. Organisés de manière thématique, ces
articles explorent l’actualité d’une activité
industrielle et de création en constante évolution, permettant une mise en perspective
des questions fondamentales de ce secteur
de l’économie et, ainsi, une meilleure anticipation des évolutions à venir.
Lèche-vitrines
Le merchandising visuel dans la mode
Gwenola Guidé, Dominique Hervé,
Françoise Sackrider, Editions IFM, 2003
Cet ouvrage est le premier du genre en
France spécifiquement consacré aux principes fondamentaux du merchandising visuel
dans la mode. Technique relativement
récente, et pour l’essentiel issue de la grande distribution, le merchandising visuel est
devenu ces dernières années, particulièrement sous l’impulsion de la distribution
organisée (grands magasins, chaînes et
réseaux), une question centrale dans la
stratégie des entreprises de mode. Cet
ouvrage déroule les techniques et outils du
merchandising visuel, évoquant au passage
l’évolution de la distribution comme les différentes tendances en termes d’architecture
et de concept magasin.
Notre-Dame accompagnés d’un cortège de
28 carrosses. Arrivée rue Saint-Honoré, la
Reine salue de la main une femme qui se
tient au balcon de sa boutique, celle-ci exécute une révérence, le Roi se lève,
l’applaudit, et toute la cour à sa suite imite
le Roi. Cette femme devant laquelle toute
l’aristocratie s’incline n’est pourtant qu’une
simple modiste, mais c’est celle de la Reine,
réputée dans toute l’Europe, mademoiselle
Bertin. Comment, à l’aube de la révolution
industrielle, l’évolution de la sphère des
modes permet-elle une telle redistribution
des cartes du prestige social ? S’appuyant
sur des documents inédits, cette remarquable étude analyse comment, à la fin du
XVIIIe siècle, se tissent les liens entre le
marché des modes et le pouvoir au travers
du rôle déterminant de Marie-Antoinette.
S’y dessinent les structures modernes du
« commerce des apparences » ainsi que, de
par la personnalité de Rose Bertin, l’apparition de la figure du couturier parisien.
Extraits de parfums
Une anthologie de Platon à Colette
Frédéric Walter, Editions IFM, 2003
Cet ouvrage est la première anthologie thématique abordant la place du parfum dans
la littérature, de Platon à Colette en passant
par Montaigne, Proust et Huysmans. Y sont
évoqués le statut de l’odeur et sa relation à
l’humain, entre souvenir, émotion et expression de la personnalité, aussi bien que les
usages sociaux et culturels du parfum, qu’ils
soient religieux, sociaux ou érotiques.
Rose Bertin
Ministre des modes de Marie-Antoinette
Michelle Sapori, Editions IFM, 2004
Le 5 mars 1779, Louis XVI et MarieAntoinette se rendent à la cathédrale
Publications
29
CENTRE DE RECHERCHE
INSTITUT FRANÇAIS DE LA MODE
Programme 2004
Publication semestrielle en versions française et anglaise : Mode de recherche (IFM Research Report)
Offrir un instrument d’information sur la recherche dans les domaines de la mode et des industries de la création.
Conférer à cet instrument de veille une dimension internationale.
Mode de recherche, n°1.
Mode de recherche, n°2.
Février 2004 (L’immatériel)
Juin 2004 (Lectures du Luxe)
Outre les rubriques habituelles, le second
numéro proposera un dossier complet sur
le luxe (états et perspectives de la recherche en France et à l’étranger, dernières
publications, notes de lectures, bibliographie et entretien).
Séminaire de recherche sur le thème de la construction du goût
Septembre 2004, IFM
Décrypter avec le concours de chercheurs internationaux en sciences sociales les modalités
d’élaboration des goûts. Publication des actes.
Publication d’une anthologie sur le goût (de la Renaissance à nos jours)
Novembre 2004
Disposer d’un corpus littéraire et scientifique afin de situer les enjeux et les mutations du goût
à travers l’histoire.
Publication d’un ouvrage collectif sur le luxe (Éditions de l’IFM)
Décembre 2004
Proposer une vision à la fois historique, culturelle et contemporaine des enjeux et des thématiques du luxe. Ouvrage dirigé par Olivier Assouly.
Mode
de recherche,
Prochain numéro : juin 2004
Nom
Cette publication est disponible sous forme
imprimée ou en version électronique.
Nous vous proposons de recevoir gratuitement Mode de recherche en
remplissant ce bulletin à renvoyer au
Centre de Recherche de l’IFM ou en vous
abonnant en ligne sous la rubrique
Enseignement Supérieur / Recherche de
notre site Internet :
www.ifm-paris.org
Prénom
Adresse
Code postal
Ville
Fonction
Société
Tél.
E.mail
Mode de recherche, en version imprimée :
O Français
O Anglais
Mode de recherche, en version électronique :
O Français
O Anglais
Abonnement gratuit
31
Mode
de recherche,
n°1.
Janvier 2004, publication semestrielle
CENTRE DE RECHERCHE
INSTITUT FRANÇAIS DE LA MODE
33 rue Jean Goujon
75008 Paris
France
T. +33(0)1 56 59 22 22
F. +33(0)1 56 59 22 00
www.ifm-paris.org
Directeur de la publication :
Olivier Assouly
[email protected]
Ont collaboré à ce numéro :
Sylvie Ebel, Ségolène Ferrand, Alain
Findeli, Pascal Morand, Sandra Poncet,
Bruno Remaury, Françoise Sackrider, Marie
Weigel, David Zajtmann
Réalisation graphique :
Pascal Gautrand
INSTITUT FRANÇAIS DE LA MODE
33, rue Jean Goujon 75008 Paris T. +33 (0)1 56 59 22 22 F. +33 (0)1 56 59 22 00
www.ifm-paris.org