Doc 4 pages.indd
Transcription
Doc 4 pages.indd
Supplément au N° 70 de Perspectives France Vietnam, juillet 2009 Lectures pour l’été La légèreté absolue de la vie À la pagode de Gia Lam, Tué Sy est à son piano. Dans le silence du monastère, dans les silences de la partition, surgissent ces Refrains pour piano, courts poèmes qui disent la quête, l’angoisse, l’amour ancien, le calme, le vide. Mille images fugitives, évoquées d’un mot, font voir le monde et son émouvante beauté. Le frangipanier embaume lorsque tombe la nuit. « Ces poèmes écrits par Tué Sy en vietnamien, nous les avons traduits en six mains. Philippe Langlet a défriché le terrain mot à mot, Tué Sy est directement intervenu sur cette traduction et j’ai essayé et tenté d’en saisir le fond grâce aux images et à l’espace où vit Tué Sy. » dit Dominique de Miscault dans sa brève introduction. Ainsi devient accessible au lecteur français cette méditation d’un moine bouddhiste. La méthode avait fait ses preuves lors de la publication, par les soins des mêmes interprètes, du Livre des Moines, mais cette fois-ci, l’auteur luimême est partie prenante. Le résultat est une vraie réussite : un mince volume très joliment imprimé, où les pages de gauche donnent les textes en vietnamien et en français et les pages de droite leur symétrique en images des longues mains de Tué Sy qui caressent le clavier. Un petit bijou à rapporter d’un voyage au Vietnam car malheureusement il n’est pas disponible en France. MHL Tuệ Sy, Refrains pour piano. Texte français et expressions graphiques de Dominique de Miscault, Editions Phương Đông,- Fahasa – 774 Trường Chinh, Quận Tân Binh Ho Chi Minh-Ville, 2009, 54 pages, 55 000 VND. Un bagage abandonné… Il vient d’être découvert et le métro reste bloqué dans une petite station. La narratrice pourrait descendre et prendre le bus mais elle ne bouge pas. Son fils de douze ans endormi sur son épaule, elle se souvient. Un long monologue intérieur qui va et vient d’un événement à un autre au hasard, semble-t-il, des réminiscences, entraîne le lecteur dans les méandres de la mémoire. D’abord, on s’y perd un peu. Puis on est sous le charme de cette vie revécue intensément et on se laisse entraîner par le courant des souvenirs, des émotions, des regrets et des douleurs passées. La composition rhapsodique entrecoupée de retours en arrière et de coups d’œil sur les voyageurs du métro toujours immobile promène le lecteur de Hanoi à Léningrad et de Léningrad à Paris, au gré d’une vie emplie d’une unique passion, son amour pour Thuy, le mari chinois dont elle est séparée et qu’elle ne peut oublier. Il vit à Cholon, le Chinatown de Saigon. Vinh, leur fils, si grand déjà, incarne ce lien. Deux heures durant la narratrice reste prisonnière de ses pensées, portant le fardeau de ses souvenirs. « On attend toujours la police qui examinera le bagage abandonné. Je me demande encore s’il vaut mieux attendre d’en savoir plus. » Ici s’arrête le roman. Incisif, plein d’humour, sensible et lucide, le style de l’auteur est parfaitement servi par l’excellente traduction de Doan Cam Thi, la sœur de l’auteur, Doan Anh Thuan dite Thuan, dont c’est le deuxième roman. Ecrivain d’expression vietnamienne vivant à Paris, Thuan a reçu en 2008 le prix de l’Union des écrivains, la plus haute distinction de la littérature vietnamienne. MHL Thuan, Chinatown, Le Seuil, Paris, 2009. 192 pages, 19 € … Ecoute, souviens-toi La parution d’un nouveau livre de Janine Toroni est une nouvelle agréable pour tous ceux qui ont aimé ses précédents ouvrages, son vigoureux talent littéraire et ses subtiles évocations du charme de la campagne du delta du Mékong. Le livre confirme tout cela. Comme une pressante invitation : souviens-toi ! Toi, ami du Vietnam, souviens-toi des images. Ne laisse pas oublier l’horreur de la guerre imposée à ce peuple ami. Souviens-toi de notre enthousiasme en janvier 1973 quand furent signés à Paris les accords qui mettaient fin à cette guerre. Souviens-toi des raisons profondes de mobilisation pour la lutte du peuple vietnamien. Tant de sang a coulé. Tant de mensonges ont été dits pour obscurcir la réalité du présent. Nous avons toi et moi salué la libération de Saigon. De même, nous explique Janine Toroni, à propos des très nombreux morts de la guerre il est d’usage de larmoyer en parlant de « martyrs ». Les Vietnamiens ne parlent pas ainsi. Ils parlent de héros, comme le fait Nguyen Trai au XVe siècle dans « La pacification des Ngo », ce magnifique texte que les lettrés de chez nous ignorent. Janine Toroni qui participa activement au travail du CIDVietnam* s’est constitué au jour le jour une documentation personnelle, coupures de presse, textes divers, mêlés aux pages qu’elle a écrites pour exprimer sous le coup de l’émotion son enthousiasme ou sa colère. En essayant de mettre de l’ordre dans tous ces vieux papiers, Janine Toroni revit pour nous toute une époque brûlante. Elle y rencontre ceux que nous avons bien connus, d’où cette évocation des amis Nguyen Khac Vien, Roger Pic, la sculptrice Diem Vu Thi et tant d’autres. Ainsi son livre est un précieux mémento des dates et des textes dont il nous fait nous souvenir. D’où ma confusion en voyant citer un livre de Roger Pic qui n’est pas dans ma bibliothèque pourtant bien fournie. Quoi ! Roger Pic que j’ai aimé pour son courage et sa bonhomie souriante a pu publier un livre que je ne me suis pas procuré ? Souviens-toi : tant de mensonges contre le Vietnam troublent notre vue ! Tel ce nuage toxique qui se dissimule sous le mot « totalitarisme » et rend impossible toute compréhension historique. Le livre de Janine Toroni contient de fort belles pages, telles celles qui sont consacrées à l’évocation de Dien Bien Phu. Merci encore une fois à Janine Toroni pour ce nouveau livre et pour l’ensemble de son œuvre. Charles Fourniau Janine Toroni, …Écoute, souviens-toi, essai. Paris, 2009, Les Presses du réel. 142 pages, front., 10 € *Centre d’Information et de Documentation sur le Vietnam contemporain, www.cidvietnam.org Après les Khmers Rouges De 1978 à 1980, Alain Ruscio a été le correspondant permanent de L’Humanité en Asie du Sud-Est. C’est à ce titre qu’il s’est rendu au Cambodge en janvier 1979, deux semaines seulement après la chute de Pol Pot. Il était le premier occidental à pénétrer dans Phnom Penh. Jusqu’en avril 1980, il envoie – non sans mal - ses articles à son journal. Curieusement, ces articles demeurent encore aujourd’hui ignorés des historiens de cette période. Alain Ruscio les republie et les verse au dossier du procès du génocide Kherms Rouge. Cette seule initiative mériterait déjà d’attirer l’attention du lecteur soucieux de connaître la vérité. Mais il y a plus : Alain Ruscio joint à ses articles les notes intégrales, ni expurgées ni corrigées, qu’il a prises tout au long de ces seize mois et qui les complètent. Une telle démarche est rare : même les historiens les plus scrupuleux réécrivent avant de publier et donc on perd la précieuse spontanéité du témoin oculaire. Merci à Alain Ruscio d’avoir eu le « cran » de livrer ce document intact. Ce retour en arrière lui inspire parfois des commentaires : on les trouve, bien distincts, en italiques. Ce travail remarquable est encore enrichi par la préface de Raoul Marc Jennar, qui retrace la manière dont la communauté internationale, ONU en tête, a traité le peuple Khmer après la libération : mise à l’index, embargo de dix ans. Alain Ruscio, Cambodge an I, journal d’un témoin, 1978-1980, Les Inde savantes, Paris, 2008, 204 pages, 31 €. Un témoignage éloquent sur la période la plus sombre de l’histoire du Cambodge. Denise Affonço, La digue des veuves, rescapée de l’enfer des Khmers Rouges, préface de David Chandler. Éditions France Loisirs Presses de la Renaissance, Paris 2005, 338 pages. Les enjeux du Pacifique L’aire pacifique pourrait bien prétendre à devenir le centre de gravité du monde. Logés aux antipodes de ce nouvel espace, les Européens de l’aire atlantique gagneraient à être mieux informés des évolutions en cours, car celles-ci ne manqueront pas d’avoir des effets sur leur relative prospérité et leur niveau de vie. Cet ouvrage est le fruit d’une étroite collaboration entre des géographes, économistes ou historiens qui oeuvrent à des titres divers sur tout ou partie de l’aire pacifique. Leur travail a été coordonné par Patrice Cosaert, professeur émérite de géographie à l’université de La Rochelle, spécialiste de l’Asie orientale qui a parcouru toute l’aire pacifique au cours des quarante dernières années et a longtemps séjourné dans plusieurs états de la région. Néanmoins il manque à ce livre deux cartes : une situant précisément la région et une autre de la région elle-même avec les sites indiqués. DdM Dông Phong (Vent d’Est) est naturalisé Breton ; biologiste né à Hanoi, il a grandi à Saigon et est parti en France à l’aube de l’âge adulte. C’est un passionné d’histoire et de culture vietnamienne. En 1991, il retourne dans le cadre de son travail dans la province de Khanh Hoa dont la capitale est Nha Trang… Nguyên Tân Hung n’a eu de cesse depuis de faciliter les échanges et a créé une coopération décentralisée entre le Morbihan et la Province de Khanh Hoa. http://terrelointaine.over-blog.fr/ Dang Phong Nguyên Tân Hung, Monts et merveilles au pays du Bois d’Aigle, Publibook, 287 pages, 31 € qui seront donnés aux victimes de l’Agent Orange Sous la direction de Patrice Cosaert, Édition Ellipses, Collection Carrefours, 352 pages, 29,50 € Immigrés de force « Khánh Hòa est le Pays du Bois d’Aigle. Les monts y sont hauts et la mer immense, et ceux qui l’aiment y reviennent toujours ». Située sur le littoral du sud du Centre Vietnam, cette province envoûtante doit autant son charme à ses décors de rêve qu’à la richesse de sa culture multiethnique. À travers un périple au cœur du pays du Bois d’Aigle, cet ouvrage nous propose de découvrir quelques facettes de la si complexe culture vietnamienne. Pour le voyageur qui connaît déjà un peu le Vietnam, s’arrêter à Nha Trang avec « Monts et merveilles au pays du Bois d’Aigle » devient un plaisir certain. Nha Trang transformée depuis dix ans, retrouve un intérêt particulier, suscite la curiosité sous la protection de « Madame », cette divinité vénérée dans son sanctuaire d’argile, si étonnement frais de conception malgré les siècles imposant à tous l’identité Cham. Chaque chapitre du livre peut être utilisé indépendamment et présente un trait typique voire remarquable de la province : le Culte de la Baleine, La moustique et sa légende déclinée, Les tigres sans doute domestiqués par les Chams, Les montagnes et leurs pierres mythiques qui culminent à plus de 2000 mètres, etc. Quant à la recherche du Bois d’Aigle, si rare et si odoriférant, elle rappelle les folies des chercheurs d’or. La préface de Philippe Papin est aussi une splendide synthèse et il n’y a sans doute pas grand-chose à y rajouter. Lors de la Seconde guerre mondiale, la France a fait appel, pour remplacer les soldats partis au front, à des travailleurs indochinois, comme cela avait déjà été le cas lors de la Première guerre mondiale. Réquisitionnés dans leurs pays, Laotiens, Cambodgiens et surtout Vietnamiens ont été maltraités et exploités sans scrupule : ils formaient la « MOI », le main d’œuvre indigène. Ils ont été après la défaite de 1940 mis à la disposition de diverses entreprises. Venus pour contribuer à l’effort de guerre, une partie d’entre eux s’est trouvée fabriquer des munitions ou de fortifications pour l’Allemagne nazie. C’est de cette époque que date l’introduction, par eux, du riz en Camargue. Les conditions de vie de ces hommes font horreur : le bagne peut leur être comparé. Après la guerre, ils ont été abandonnés et leur rapatriement, au compte-goutte, dura jusqu’en 1952. Un millier d’entre eux ont choisi de demeurer en France. Au prix d’un travail d’archives considérable, Pierre Daum, grand reporter au Monde Diplomatique, raconte avec minutie et précision l’histoire oubliée de cette immigration forcée. Son travail est complété par une enquête têtue, au terme de laquelle il a retrouvé, en France et au Vietnam, vingt-cinq survivants forts âgés de ce drame, qui ont accepté de donner leur témoignage. La préface de Gilles Manceron, historien bien connu et spécialiste du colonialisme français, trace le cadre dans lequel s’est déroulé ce scandaleux épisode de notre histoire. MHL Daum P., Immigrés de force. Les travailleurs indochinois en France (1939-1952), Editions Solin-Actes Sud, Paris, 2009. 280 pages, illust. , 23 € Deux ouvrages, reçus récemment, traitent de la même question à travers des cas personnels. Le Huu Tho, Itinéraire d’un Thiêu Vân Muu, petit mandarin, l’Harmatan, Un enfant loin de son pays (chez l’auteur), 22 rue Saint 192 pages, 18 € Exupéry - 69200 Vénissieux, 04.72.50.14.18 [email protected] prix : 15 € + port. De la rizière à la montagne est un roman qui retrace l’existence d’une famille de paysans pauvres du nord du Vietnam. (…) Un voyage des plaines du fleuve Rouge aux confins de l’immense Chine dont le Sud est habité par différentes minorités entraîne le lecteur dans un Vietnam rural authentique que l’on retrouve presqu’intact aujourd’hui. L’auteur, Jean Marquet, arrivé au Tonkin en 1902, entra dans l’administration des Douanes et Régies. La grande originalité de son œuvre vient de ce que le romancier se situe, non point à la place de l’Européen étranger, mais à celle du paysan indochinois. La nature elle aussi est représentée telle quelle est subie par l’agriculteur démuni. Jean Marquet, De la rizière à la montagne, réédition Harmonia Mundi- Kailash, 12 € L’ouvrage d’Henri Oger « Techniques du peuple Annamite » est une rareté, c’est le résultat d’une étude inédite consacrée à la civilisation matérielle du Vietnam au début du 20e siècle. Avec cette œuvre gigantesque (…) « Henri Oger a réussi à réaliser et à laisser au peuple vietnamien un trésor inestimable », a souligné Olivier Tessier. Accompagné d’un dessinateur vietnamien, Oger a parcouru les rues de Hanoi en notant tous les aspects de la vie privée et publique, du commerce, de l’industrie et des techniques du peuple nord-viêtnamien. Plus de 4.000 documents ont été ainsi recueillis, comportant descriptions d’instruments, d’outils et de gestes artisanaux avec les croquis et les termes techniques correspondants. Afin de donner une seconde vie à ce corpus documentaire original, le centre de l’École française d’Extrême-Orient de Hanoi, avec Olivier Tessier et Philippe Le Failler, professeurs à l’École, en collaboration avec la Bibliothèque des sciences générales de Hô Chi Minh-Ville, a proposé une réédition trilingue en version papier et électronique de l’intégralité de l’ouvrage, enrichie d’une traduction en langue vietnamienne romanisée (quôc ngu) de l’ensemble des légendes et annotations rédigées en caractères chinois (Han) et démotiques (Nôm). Henri-Joseph Oger (1885-1936 ?) est né à Montrevault (Maine-et-Loire). Il fait, sur sa demande, ses deux ans de service militaire à Hanoi (1908- 1909), puis suit les cours de l’École Coloniale (1909). C’était essentiellement, un savant qui s’est servi du truchement de l’armée et de l’administration pour assouvir une curiosité sans borne dans tous les domaines. 1e édition 1909, réédition Hanoi 2009, The Gioï, 46 Trang Hung Dao, Hanoi www.thegioipublishers.com.vn et Cong Ty Van Hoa & Truyen Thong Nha Nam, www.nhanam.vn - 3 vol in folio, 850 pages, 5 kg. Vous pouvez consulter nos Notes de Lecture sur http://www.aafv.org/-Livres-