Mixité des équipes soignantes et ségrégation horizontale : le

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Mixité des équipes soignantes et ségrégation horizontale : le
Mixité des équipes soignantes et ségrégation horizontale :
le partage de la pratique quotidienne comme révélateur du système de
genre1
Séverine REY2
Christine PIRINOLi3
Mélanie BATTISTINi4
A l’origine de notre recherche, nous voulions interroger les présupposés qui guident
les plans d’action « Egalité des chances », notamment celui de la HES-SO (Haute école
spécialisée de Suisse occidentale : Université de métiers sur le plan Européen) dont un des
objectifs est de promouvoir une représentation plus élevée d’étudiant·e·s dans les filières
« connotées genre ». En effet, dans le cadre des HES en Suisse, les formations dans le
domaine de la santé sont majoritairement suivies par des femmes : celles-ci représentaient
86,2% des étudiant·e·s en 2002/03 et elles sont 85,8% en 2008/095. Quand on examine le
détail des filières au sein des professions de la santé, la répartition entre hommes et femmes
est variable. En 2008, parmi les étudiant·e·s de différentes filières « Santé » de la HES-SO, les
femmes représentent 86,6% des infirmiers·ères et 60% des technicien·ne·s en radiologie
médicale (TRM)6 (manipulateurs·trices en radiologie pour la France).
Nous avons donc voulu nous intéresser au présupposé qui guide ces plans d’action
« Egalité des chances », en l’occurrence celui qui veut que plus de mixité amène plus
d’égalité. Le sujet de l’ouverture des professions aux deux sexes a retenu l’attention de
nombreux·ses chercheur·se·s. Certaines traitent de manière comparative d’hommes et de
femmes aux parcours et vécus professionnels « atypiques » (Couppié et Epiphane, 2001;
Guichard-Claudic, Kergoat et Vilbrod, 2008; Heintz et al., 1997), mais la plupart examinent
l’accès des femmes à des métiers considérés comme masculins, et analysent la féminisation
de certaines professions (voir par exemple pour les médecins : Le Feuvre, 2001 ; Rosende,
2008 ; les ingénieurs : Marry, 2004 ; etc.). Moins nombreuses sont les recherches menées sur
les cas d’hommes s’insérant dans des professions « féminines » (Williams, 1993), ce qui
semble faire écho aux politiques d’égalité, généralement dirigées vers les femmes (il n’y a que
peu d’encouragement à investir des métiers dits féminins, souvent dévalorisés et mal
rémunérés). Les recherches sur les parcours atypiques des hommes concernent en particulier
le champ de la santé (hommes sages-femmes : Charrier, 2004 ; infirmiers : Bulliard, 2008) ou
celui de l’éducation à l’enfance (Murcier, 2005). Or dans la plupart des cas où les professions
typiquement « masculines » ou « féminines » ont connu une certaine mixité, la division
sexuelle du travail, au lieu de disparaître, s’est déplacée (Fortino, 2002). On assiste alors à des
1
Ce texte est une version modifiée d’un article intitulé « La mixité produit-elle des effets ? Organisation du
travail et partage de la pratique quotidienne dans des équipes de professionnel·le·s de la santé », actuellement en
cours de parution aux éditions IES (http://www.ies-geneve.ch/Editions/default.php?to=1.7) : Actes du colloque
La mixité femmes hommes dans les formations et les métiers socio-sanitaires, mardi 8 février 2011, HETS,
Genève.
2
Docteure ès sciences sociales, Professeure, Haute école cantonale vaudoise de la santé, Lausanne.
3
Docteure ès sciences sociales, Professeure, Haute école cantonale vaudoise de la santé, Lausanne.
4
Master en Etudes genre, collaboratirce de recherche, Haute école cantonale vaudoise de la santé, Lausanne..
5
Office fédéral de la statistique, « Etudiants en études diplôme, bachelor et master selon la filière et le sexe,
évolution depuis 1999/00 » (T7), Etudiants des hautes écoles spécialisées (y.c. HEP): tableaux de base.
1997/98-2008/09 (su-b-15.02.01-FH).
6
Document HES-SO, « Etudiant·e·s en formation de base par domaine/pôle d’études, filière d’études et genre »,
http://www.hes-so.ch/CMS/default.asp?ID=690&Language=FR (page consultée le 21 juillet 2009).
1
phénomènes de ségrégation verticale, de création de « niches » ou de recréation des
oppositions entre sexes au niveau de certaines spécialisations :
•
ségrégation verticale : mobilité professionnelle ascendante plus fréquente pour
les hommes en général, et en particulier pour ceux qui ont choisi une profession « féminine ».
Ces derniers rencontrent en effet là un « escalator de verre » (Williams, 1992), contrairement
aux femmes dans des métiers « masculins » qui se heurtent au « plafond de verre » (Laufer,
2004) ;
•
création de « niches » jugées plus adéquates : p.ex. femmes ingénieures dans
bureaux plutôt que chantiers, ou informaticiennes au support-client ;
•
recréation des oppositions entre sexes au niveau de certaines spécialisations :
soins aigus pour les infirmiers, soins généraux pour les infirmières.
Dans le cadre de notre recherche, nous avons souhaité approfondir la question de la
ségrégation horizontale en nous intéressant à la répartition des tâches entre collègues hommes
et femmes au sein d’un même service7. Nous avons choisi de nous concentrer sur deux
professions, contrastées dans leurs représentations et dans leur réalité « genrée » :
technicien·ne·s en radiologie médicale (TRM) et infirmiers·ères. L’objectif de notre recherche
est de questionner les professions dans leur composition même et dans leur pratique, pour
comprendre les mécanismes sociaux et symboliques qui les structurent. La recherche est
actuellement en cours. Notre démarche est de type anthropologique : nous enquêtons d’une
part par immersion dans les groupes professionnels en pratiquant l’observation (nonparticipante) sur une durée de un à deux mois par service étudié et d’autre part en menant,
dans un deuxième temps, des entretiens (individuels et de groupes). Le travail de terrain se
déroule au centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) à Lausanne, dans trois services :
radiodiagnostic et radiologie interventionnelle pour les TRM, et pour les soins infirmiers,
urgences et clinique d’alcoologie (ici : radiodiag et urgences seulement8).
Au CHUV, les services sont passablement organisés/planifiés et nous avons pu
constater qu’il y avait assez peu de place pour des arrangements informels entre collègues :
les plannings sont établis par les chefs de service et réglementent de manière relativement
précise les affectations de secteurs ou les examens à prendre en charge. Dans la phase
d’observation que nous avons menée, nous n’avons pas, contrairement à notre attente, pu
constater de différences frappantes dans l’attribution des tâches et leurs réalisations. Les
arrangements entre collègues existent, mais sont limités par l’organisation et sont peut-être
cachés à nos yeux car nous n’avons pas pu observer le quotidien des services sur une assez
longue durée. Cependant, comme nous allons le montrer, certains faits peuvent être relevés,
autour de deux domaines fortement marqués dans l’imaginaire collectif social en termes de
genre : la force physique et l’intimité.
En quoi la mixité dans les équipes soignantes et le partage de la pratique quotidienne
sont-ils des révélateurs du système de genre ? Au-delà d’un premier point qui est celui des
professions plus ou moins mixtes (révélateur de la division sexuelle du travail), on voit
comment se reconstruit une division du travail entre les sexes au sein même d’une profession,
et sur quelle ligne de partage. Cette dernière reprend des schémas tout à fait classiques : force
physique pour les hommes et soins intimes au corps pour les femmes. Pour faire un pas de
plus, il faut prendre en compte les conséquences de ces partages, mais aussi du redéploiement
7
La recherche est intitulée Genre et ségrégation horizontale dans les professions de la santé: le partage de la
pratique quotidienne. Elle est financée par l’Office fédéral de la formation professionnelle et de la technologie
(OFFT). Equipe : Séverine Rey, Christine Pirinoli, Mélanie Battistini.
8
Radiodiag : 96 TRM dans le service, 46% d’hommes et 54% de femmes mais effectifs en équivalent plein
temps : 52% d’hommes et 48% de femmes. Urgences : une centaine d’infirmières et d’infirmiers, 80 femmes et
35 hommes, soit environ deux tiers d’infirmières et un tiers d’infirmiers (contre une proportion d’environ 90%
d’infirmières et 10% d’infirmiers sur l’ensemble de la profession).
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de la division sexuelle du travail dans les professions notamment par les spécialisations :
l’avancement dans une carrière, les possibilités d’accession à certains postes ne sont pas les
mêmes si on travaille à temps partiel et que l’on est cantonnée à certains types d’activité. Du
côté des TRM, travailler à temps partiel (en dessous de 80%, soit essentiellement des femmes)
implique être cantonné·e aux examens classiques du radiodiagnostic (dont la mammographie,
par ailleurs réservée dans cet établissement aux TRM femmes), décrit par la plupart comme
moins intéressants et très répétitifs, à l’exclusion des domaines plus spécialisés et
technologiques comme le scanner ou l’IRM (imagerie par résonance magnétique). Dans les
soins infirmiers, le choix de spécialisations connotées techniques permet aux hommes de se
distancer de la connotation féminine des soins et de se diriger dans des carrières ascendantes.
Par exemple, au service des urgences du CHUV, la formation certifiante en soins d’urgences
permet l’accession aux postes de cadre et n’est pas faisable à moins de 80%.
Quels effets de la mixité au travail ?
Notre analyse est actuellement en cours, mais nous pouvons déjà constater certains
effets de la mixité au travail, comme le maintien du système de genre, d’une répartition non
problématisée et non interrogée de certaines activités (prétextes : confort du/de la patient·e,
préférences ou choix individuels, etc.). Un premier constat est que les discours évacuent toute
forme de tension ou de problème que pourrait créer la mixité : il y a là une forme de
mystification qui ressort des entretiens et des échanges informels avec les professionnel·le·s.
Au contraire même, la mixité est présentée comme étant très positive, la plupart des personnes
rencontrées mettant l’accent sur l’équilibre créé par celle-ci. Le contraste entre les deux
professions est ici peu significatif, alors même qu’elles « vivent » une réalité de mixité fort
différente : dans les soins infirmiers, grâce aux hommes, même minoritaires, les « crêpages de
chignon » seraient évités, les relations seraient plus sympas, plus détendues, les conflits
éventuels ne dégénèreraient pas. Or ce sont des discours similaires que l’on peut entendre
chez les TRM, alors même qu’ils et elles vivent la mixité voire la parité au quotidien depuis
longtemps. Il faut bien entendu aller au-delà de ces discours et analyser ce qu’ils signifient,
tout en les prenant en compte en tant que tels.
« Je trouve qu’il y a une meilleure ambiance dans les équipes où il y a plus de mecs.
[…] tout d’un coup l’ambiance elle est plus marrante quand même parce que … les
filles des fois, elles sont un peu trop … prise de tête ; y en a beaucoup qui sont assez
ragots » (Infirmière, urgences).
Comme l’a relevé Fortino (1999) dans un autre cadre, les femmes ont tendance à se
percevoir de manière négative dans le collectif de travail et à voir dans leurs collègues
masculins des ressources qu’elles n’auraient pas en tant que femmes. Elles ont des discours
très flatteurs sur les hommes et les bienfaits de leur présence dans l’espace de travail (d’autant
plus qu’ils sont rares).
Attribution des patient-e-s : intimité et force physique
Un premier élément est celui de la réalisation pratique des activités : attribution
« spontanée » mais obligatoire de certains actes ou patient·e·s (p.ex. cette infirmière qui se
plaint qu’on lui « refile toujours » les enfants, ou la question de la mammographie pour les
techniciennes en radiologie).
«Par exemple moi on m’a déjà mis un enfant, tu vois en me disant: ouais t’es une
nana, t’as une voix douce voilà… du coup on me colle les gamins quoi. J’ai pas
d’enfant moi, je ne sais pas comment ça marche ces trucs. [Rires] En général, j’ai un
3
bon rapport avec eux; pis à force qu’on me les colle, je commence à savoir comment
communiquer avec» (Infirmière, urgences).
Ces professionnel·le·s sont censé·e·s tout faire, tout pouvoir faire, mais dans la réalité,
certains (en l’occurrence les hommes) sont « dispensés » de certaines tâches. Il y a des formes
de tabous, en particulier en lien avec l’intimité, pour laquelle on peut constater que les
hommes sont plus facilement dispensés des soins/examens auprès de patientes que les femmes
ne le sont pour des patients (p.ex. une TRM qui dit « Les femmes font les mammos et les
hystéros en plus du reste, les hommes font tout sauf ça »).
Ainsi, nos entretiens montrent qu’aux urgences, certains soins liés à l’intimité des
patientes sont plutôt effectués par des infirmières que par leurs collègues infirmiers. Dans ce
service, cette division sexuelle du travail résulte d’un arrangement entre collègues et non pas
d’une organisation formelle du service. Les cas concernent plutôt des situations de proximité
d’âge entre l’infirmier et la patiente, ainsi que des critères religieux (patiente musulmane).
Généralement, c’est le confort de la patiente qui est évoqué comme raison, ou encore la gêne
mutuelle occasionnée par ce qui est décrit comme une intrusion dans l’intimité des patientes.
Du côté de la radiologie diagnostique, on trouve également une telle division du travail
pour les examens relatifs à l’appareil uro-génital ou pour les mammographies : cette division
est informelle dans le sens où il ne s’agit pas d’une directive institutionnelle, mais en ce qui
concerne la mammographie (prise en charge par les femmes TRM uniquement), c’est un
principe qui a foi de loi, assumé par les responsables d’unité qui préparent la planification des
horaires et activités des TRM9. Le principe fait parfois débat entre TRM, et les positions sont
assez contrastées : certain·e·s le soutiennent en estimant que le nombre de TRM engagé·e·s
dans le service permet d’offrir cette souplesse pour le confort des patient·e·s, d’autres le
critiquent en disant que cela contraint certain·e·s d’entre elles et eux (en l’occurrence surtout
des femmes) à faire certains examens au détriment d’une plus grande variété d’activités.
La question de la force physique est également intéressante : nous avons observé
qu’aux urgences les hommes, qu’ils soient infirmiers ou aides-soignants, sont plus présents
dans les situations considérées « à risque » (risque d’agression par les patient·e·s violent·e·s).
Bien souvent, ils vont au-devant de ces situations, par exemple quand un détenu est amené par
des policiers ou quand un patient est susceptible d’être agressif. La figure de l’homme (fort et
viril) est utilisée par l’équipe infirmière pour son effet dissuasif face à la personne agitée. Si
l’équipe infirmière fait plus souvent appel aux hommes lors de cas « dangereux » ou
nécessitant de la force physique, lorsque aucun d’entre eux n’est présent dans le service les
infirmières s’arrangent alors entre elles. Cette répartition des tâches pourrait dès lors être
interprétée comme une manière d’offrir aux hommes des cas spécifiques où ils sont
nécessaires, où leur force est nécessaire ou présentée comme telle (valoriser leur virilité,
surtout dans un service « héroïque » comme celui des urgences).
« A certaines reprises, quand je me suis retrouvé seul comme homme au coucher et pis
qu’avec moi j’avais trois collègues [femmes], et qu’on nous annonce un patient qui est
… vraiment surexcité et pis ... potentiellement agressif […] Je leur ai proposé: est-ce
que tu veux que je prenne en charge, et pis elles ont accepté parce qu’elles ne se
sentaient pas forcément de le prendre en charge» (Infirmier, urgences).
« Si c’est par exemple pour une femme, typiquement d’origine maghrébine voilée, si
j’ai besoin d’aide pour la remonter, même si elle est obèse, je vais demander plutôt à
une femme. Mais après si c’est pour des choses physiques, je vais plutôt demander à
9
A noter que c’est le cas au CHUV (et peut-être dans tout grand hôpital), mais pas dans des hôpitaux de zone qui
fonctionnent avec une équipe nettement plus restreinte de TRM et où chacun·e est censé faire de tout… Et où au
final, on peut constater des stratégies d’évitement, d’échanges et d’arrangements entre collègues.
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un homme de venir m’aider. […] Et pis ça prend les forces d’un homme. Et je
demanderais plutôt à une femme pour mettre quelqu’un sur le vase et d’ailleurs ils
font aussi appel à nous dans ces moments là » (Infirmière, urgences).
Carrières : freins ou accélérateurs ?
Un second élément est la question des carrières : alors que les femmes restent dans les
positions subalternes, on voit les hommes monter dans la hiérarchie, ce qui est ressenti
comme quelque chose de tout à fait normal (les hommes « ont plus d’ambition »), voire
comme une sorte de fatalité. Par ailleurs, la maternité est perçue comme une donnée naturelle
dont les conséquences ne concernent que les femmes, qui vont devoir interrompre leur
carrière ou leur trajectoire professionnelle10.
«Je pense que c’est plus justement parce qu’il y a ce congé mat’, enfin les grossesses
chez les femmes, en fait ça stoppe un peu la carrière quoi. Ou alors on fait carrière
avant […] comme [X] […] qui s’est lancée dans le poste d’ICUS avant de projeter
d’avoir des enfants, mais c’est vrai qu’après ça ralentit quoi. Et les hommes ils ont
pas ça, ils ont pas le congé maternité» (Infirmière, urgences).
L’idée est partagée/intériorisée par tou·te·s que le temps partiel sera la solution des
femmes. Or le temps partiel est dans les faits contraire à la poursuite d’une carrière (p.ex.
cette infirmière qui demande de passer à 50% pour concilier son emploi avec sa vie familiale,
ce qui lui est refusé : elle a l’impression qu’on lui impose des priorités, qu’elle devrait choisir
entre carrière et enfants).
«J’ai décidé de faire des enfants, j’ai pas le droit d’être dans un service actif, de rester
dans un service actif. […] Mais j’ai l’impression que je peux pas avoir les deux
[enfants et travail] quoi. C’était pas très plaisant» (Infirmière, urgences).
Au niveau institutionnel, la direction du service part du principe qu’on ne prend pas en
compte une spécificité : toutes et tous sont traité·e·s de la même manière. Cependant quand il
s’agit de chercher un cadre, on se tourne plus facilement vers les hommes (p.ex. échange
informel à la cafétéria sur intérêt éventuel, proposition de faire une petite formation « pour
voir »… et finalement quand un poste se libère, c’est vers cette personne, un homme, qu’on se
tourne « naturellement »). Les entretiens avec les infirmiers montrent que dans l’ensemble, ils
cherchent à sortir des soins le plus vite possible (10 ans ou moins) et vont se former pour
obtenir une spécialisation (p.ex. soins d’urgence, qui permet ensuite de devenir cadre, ou
praticien-formateur), alors que les femmes ont plutôt la stratégie à long terme de passer à
temps partiel. Certaines pensent aussi qu’elles vont réussir à tout « concilier », mais
généralement ce sont celles qui n’ont pas encore d’enfants.
«Ben dans un premier temps, [mon projet] ce serait faire cette formation; faire deux
ans de formation, deux ans de redevance, et pis après ça, si j’ai la possibilité de
pouvoir postuler pour un poste de cadre, je pense que je le ferai, aux urgences, ou
peut-être ailleurs dans les étages, je n’en sais rien. Soit un poste de cadre, soit peutêtre un jour sortir des soins et faire plus de la gestion, […] mais toujours dans le
cadre d’un hôpital» (Infirmier, urgences).
10
En Suisse, il est fréquent que les femmes diminuent leur taux d’activité avec l’arrivée des enfants. En 2009,
elles étaient 57.8% à travailler à temps partiel, contre seulement 13% des hommes (OFS, Enquête suisse sur la
population active, http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/themen/03/02/blank/data/03.html, page consultée
le 21 mars 2011). De plus, la prise en charge des enfants pèsent encore principalement sur leurs épaules. Les
systèmes des gardes d’enfants et de crèches étant peu développés en Suisse.
5
Conclusion
L’introduction de la mixité entre les sexes dans les métiers de soins diffère largement
selon les professions. Si elle est présente depuis de nombreuses années chez les
technicien·ne·s en radiologie médicale, elle est encore balbutiante dans les soins infirmiers et
dépend fortement des services hospitaliers, les services dits aigus attirant plus d’hommes
(environ un tiers d’infirmiers aux urgences). On voit que tant au niveau de la répartition des
patient·e·s et des activités au quotidien que dans la manière d’envisager les carrières et leur
déroulement, les hommes et les femmes tout en pratiquant le même métier, ne font pas
forcément le même travail. La mixité (même relative) ne permet donc pas la réalisation
évidente de l’égalité au travail et on constate au contraire un déplacement et une recréation de
la division sexuelle du travail, ainsi que de nouveaux espaces ségrégués.
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