brochure d`explications
Transcription
brochure d`explications
n°04 « Il faut chanter jusqu’à l’aurore en y croyant » Juillet 2015 Lettre d’information de l’association « Saint-Clément, ses Fayences et son Passé » Site Internet :http://assocfaience54.free.fr Faïences et verreries pour les gourmandises En matière de gourmandise, tous les sens doivent être en éveil. La qualité de la présentation magnifie la plus simple des recettes. Une simple crème ou des petits-fours présentés dans de belles coupes paraissent encore plus savoureux. Sucres d’orge, dragées, bergamotes, fruits confits, marmelades, glaces, gaufres, macarons, biscuits, brioches, etc., le nombre de friandises et desserts n’a d’égal que le nombre d’objets créés pour les fabriquer et les servir : compotiers, mendiants, bonbonnières, drageoirs, sucriers, mielliers, boîtes et coffrets, paniers, coupes et plats de toutes formes et de toutes tailles. Chaque époque a servi les gourmandises dans des objets renouvelés au gré des changements de style de formes et de décoration soignées : Louis XV, Louis XVI, Japonisant, Art nouveau ou Art déco. Ces pièces très décoratives sont aujourd’hui prisées par les collectionneurs. La Lorraine est riche en spécialités gourmandes : les dragées de Verdun, les bergamotes et les macarons de Nancy, les madeleines de Commercy sont les plus connues. L’exposition 2015 vous propose de découvrir faïences, verreries et opalines lorraines nécessaires à la préparation et la présentation de recettes gourmandes. Plats «coquille» Saint-Clément, vers 1880 Leur appellation actuelle de «Mendiants» dérive de leur utilisation favorite pour le service des «Quatre mendiants» (fruits secs : figues, noisettes, amandes et raisins secs) Bonbonnière Marque E Gallé à Nancy, vers 1880 1 Le miel, la première gourmandise La gourmandise, le goût pour le sucre, est aussi vieille que l’humanité. C’est sans doute en voyant les ours récolter le miel que les premiers hommes ont appris à consommer cette ressource de la nature. De nombreuses peintures pariétales représentent cette cueillette à travers le monde. La plus connue est celle de la grotte de l’Araignée, près de Valence en Espagne, datée d’environ 10 000 ans ! Les premiers gâteaux ont été offerts aux dieux, comme en témoignent des scènes peintes sur les édifices égyptiens ou les textes romains anciens. La récolte du miel Grotte de l’Araignée, Espagne Miellier en opaline blanche, Portieux Corbeille ajourée tripode Vers 1840 Le marchand d’oublies, Antoine Watteau (1684-1721) De l’oublie à la gaufre : les premiers gâteaux ? Selon Jean-Anthelme Brillat-Savarin (1755-1826), auteur de Physiologie du Goût, ou Méditations de Gastronomie Transcendante, la gourmandise est un des principaux liens de la société,qui favorise l’esprit de convivialité en animant la conversation. La qualité de la pâtisserie et des douceurs qui terminent un bon repas témoignent de l’intérêt porté à ses hôtes. La première occurence littéraire témoignant de cette pratique se trouverait dans un passage de la Genèse. Abraham reçoit avec hospitalité trois hommes lui annonçant que Sarah, sa femme, va enfanter. Il fait préparer du lait, tuer un veau et dit à Sarah : « Prends vite trois boisseaux de farine, pétris et fais des galettes.» (Gen., xviii, 6) Moules à oublies. Remarquer le monogramme IHS sur la plaque forgée à droite 2 Compotier bas Saint-Clément, vers 1875 On peut sans doute comparer ces galettes aux oublies, type de pâtisserie qui existe depuis l’Antiquité. On en attribuait l’invention à Bacchus et lui en faisait offrande lors des fêtes. Cette offrande (oblata) a été reprise par l’Eglise catholique, qui au ixe siècle a choisi l’oublie (hostie) pour la célébration de l’Eucharistie. Faites à base de farine et d’eau, parfois améliorée avec des œufs, du lait et du miel, cuite entre deux plaques métalliques rondes ou rectangulaires, les oublies sont devenues nos gaufres. La corporation des oublieurs ou obloyers a été fondée en mai 1270. Les oublieurs vendaient alors leur pâtisserie dans les rues en les jouant aux dés. Cette tradition, s’est maintenue jusqu’à l’aube du xxe siècle. La dragée : du médicament au bonbon C’est après les Croisades que le commerce du sucre de canne s’intensifie. Jusqu’au xviie siècle, le sucre amené des Indes par les caravanes jusqu’aux ports de la Méditerranée est considéré comme une épice, encore plus rare et plus chère que les autres. Les épiciers-apothicaires ont le monopole de sa vente. Ils confectionnent des « syrops », réalisent confitures et fruits confits, enrobent leurs remèdes de sucre pour les rendre moins amers (premières pillules ou dragées). Au xiiie siècle, les amandes étaient prescrites comme revitalisant aux femmes accouchées. Un apothicaire de Verdun a l’idée d’enrober les amandes avec du sucre pour en améliorer la conservation. Ces premières dragées, proches des pralines, seront plus tard confites de sucre lisse et présentées dans des drageoirs sur toutes les bonnes tables. Les épices confites dans le sucre (girofle, gingembre, grains d’anis ou de coriandre) sont servies après le repas pour leurs vertus digestives. Les convives prennent vite l’habitude d’emporter ces sucreries jusque dans leur chambre, cachées dans leurs drageoirs personnels. Elles seront alors nommées « épices de chambre ». La découverte du Nouveau Monde va bouleverser le commerce du sucre. Cette denrée rare, importée à grand frais d’Orient devient plus abordable grâce aux plantations de canne à sucre dans les nouvelles colonies (Antilles et La Réunion) dès 1640. Les épiciers-apothicaires perdent le monopole de la vente du sucre en 1777 et créent une corporation indépendante : « le Collège de pharmacie» ; les épiciers s’occupent dorénavant du commerce du sucre et des épices. Au xviiie siècle, pâtissiers et confiseurs passent maîtres dans la cuisson du sucre et la réalisation de confiseries pour les décors de table. Le bonbon voit le jour au début du xviie siècle. Sucres d’orge et angéliques confites préparés par les religieuses sont les fleurons du xviiie siècle. Le xixe siècle est marqué par la création de nombreuses spécialités : bonbons fourrés à la liqueur en 1815, pastille de Vichy en 1824, premiers bonbons fondants en 1830, bergamote de Nancy en 1850, bêtises de Cambrai en 1880... Toutes ces recettes régionales seront jalousement gardées par leurs confiseurs-créateurs. L’usage d’offrir des bonbons à ses hôtes, et pas seulement aux enfants, se développe et le nombre de modèles de bonbonnières crées au xixe siècle par les faienceries et les verreries n’a d’égal que le nombre de spécialités de bonbons en France, qui serait égal au nombre fromages... Drageoir Bonbonnières Saint-Clément, fin xixe siècle Récipient couvert pour le service des dragées, confitures sèches et sucreries appelées aussi «épices de chambre». De forme circulaire, porté sur un haut pied, il est présenté sur un plateau. Apparu dès le xive siècle, il disparaît au xviie siècle et réapparaît au xixe s. sous diverses formes (petites boîtes ou corbeilles). Le terme de bonbonnière apparaît vers 1770. 3 L’essor de la pâtisserie Un des plus importants ouvrages de cuisine du xviiie siècle est Le cannaméliste français, publié à Nancy en 1751 par Joseph Gilliers. L’auteur exerce la fonction de Chef d’office et distillateur auprès du roi Stanislas à Lunéville. Le chef d’office est responsable de tout ce qui sert à dresser la table (objets d’or, d’argent, de verre, le linge de table) et du matériel de l’office. Il est maître-confiseur et doit savoir réaliser des fruits confits, des confitures, des biscuits, des petits fours et des salades pour le dernier service du repas, celui des desserts. La Lorraine a donc contribué au développement de cette partie de la gastronomie ! Si les desserts de Gilliers étaient essentiellement à base de fruits, l’art de la pâtisserie va se développer au xixe siècle avec le perfectionnement des fours et le talent d’Antonin Carême. Ce cuisinier devient célèbre à Paris pour ses pièces montées utilisées comme centre de table. Considérant l’art culinaire comme une branche de l’architecture, il donne à ses friandises réalisées entièrement en sucre, pâte d’amande et pâtisserie des formes inspirées des temples, des pyramides et des ruines antiques. Très sensible à l’art de la présentation, Carême disserte longuement sur l’intérêt de créer de belles coupes et présentoirs en orfèvrerie ou en cristal et propose des modèles aux orfèvres. Ses nombreuses publications : le Pâtissier royal parisien en 1810, le Pâtissier pittoresque en1815, le Maître d’hôtel français en 1822 et le Cuisinier parisien en1828 diffuseront largement ces nouvelles pratiques et dans la deuxième moitié du siècle, faïenceries et verreries répondront à cet engouement en créant de nombreux objets pour le service des desserts et des friandises. Planche extraite du Cannaméliste Français J. Gilliers propose un modèle de décoration de table pour le service des desserts Planche extraite du Cuisinier parisien, 2e édition en 1828 Modèles de coupes pour la présentation d’entremets proposées par A. Carême Outre l’importance du service de table (voir encadré), de nombreux objets était crées pour le service de plats particuliers : pour les entrées services à oeufs ou à artichauts et pour les desserts melonnières, fraisiers et paniers variés pour les fruits ou les petits fours. La présence de nombreux compotiers dans la composition des services de table est caractéristique de la fin du xixe siècle. Compotier ovale Décor Hannong Saint-Clément vers 1880 4 Compotiers haut et bas Service des oiseaux aquatiques Décor rehaussé d’émaux et d’or Lunéville, vers 1880 Corbeilles et plateau ajourés, Lunéville Melonnière, décor Japon, Saint-Clément Service à fraises, Saint-Clément Drageoirs, Saint-Clément Composition d’un service de table pour 24 convives (Faïencerie de Saint-Clément, 1876) 2 douzaines assiettes festons soupe 9 douzaines assiettes festons plates 5 douzaines assiettes dessert à jour 12 soupières ovales avec plateau 2 casseroles à légumes 24 pots à jus couverts 2 plateaux de 12 pots à jus 12 coquetiers à jours 2 planches à pâté 50x22cm 1 plat ovale 52 cm 1 plat ovale 46 cm 2 plats ovale 42 cm 2 plats ovale 39 cm 1 plat ovale 46 cm 1 plat poisson 80 cm 1 plat poisson 60 cm 1 plat poisson 42 cm 1 plat rond 40 cm 1 plat rond 37 cm 1 plat rond 35 cm 1 plat rond 32 cm Objets complémentaires 2 moutardiers 12 raviers 2 saladiers carrés 12 personnes 12 salières 2 saucières à plateau 24 porte-couteaux 8 compotiers bas à jour 4 compotiers élevés à jour 1 sucrier à plateau à jour 2 plats à gâteaux à jour 1 jatte à crème à jour Pour orner le milieu de table , on propose d’ajouter au service une jardinière à jour à la corne et deux lions flambeaux pour candélabres (à compléter par une monture bronze ou laiton à 3, 5 ou 7 lumières) 5 Faïences, gourmandises et publicité Bonbons et pâtisseries sont fréquemment offerts et les pâtissiers ont utilisé faiences et verreries pour mettre en valeur leurs produits. Ainsi, on peut trouver des faïences marquées du nom de pâtisseries artisanales ou industrielles lorraines ou plus lointaines. La biscuiterie-confiserie Lefèvre-Denise à Nancy faisait appel à la faïencerie de Lunéville et sa marque était imprimée sous l’objet. Plat publicitaire de la biscuiterie Vendroux de Calais Décor à l’aérographe, Lunéville, vers1910 6 La maison Lalonde à Nancy commercialisait ses confiseries ou chocolats dans les petites brouettes disponibles en plusieurs tailles. Saint-Clément, vers 1880 Plat portant l’étiquette de la confiserie Chambre de Chambéry. Lunéville, vers 1880 Pots à confitures, Lunéville, vers 1910 La maison Robardelle de Nancy a été primée à l’exposition internationale de Nancy en 1909 Les opalines A partir des années 1865 et jusqu’au début des années 1930, les verreries françaises ont créé de très nombreux modèles d’opalines déclinés par millions d’exemplaires sur les quatre continents. La verrerie de Portieux, reprise par celle de Vallérysthal après l’annexion de 1870, n’échappe pas au mouvement. Le verre opaque existe depuis plusieurs siècles, mais c’est la mise au point de la fabrication d’objets en verre pressé dans un moule qui, en abaissant les coûts de fabrication, va permettre d’en augmenter la diffusion. Les ménages qui ne pouvaient pas s’offrir de la porcelaine pouvaient alors trouver un matériau ressemblant à bien meilleur marché. Le terme « opaline de foire » donné à cet objet largement diffusé dans les foires et marchés des bourgades rurales atteste de cette destination vers une clientèle populaire d’objets utilitaires et néanmoins décoratifs. Les verreries ont édité de nombreux modèles, tant en verre translucide ou sablé qu’en opaline blanche ou colorée, parfois peintes à froid et se sont toutes largement plagiées. Sucriers, compotiers, beurriers, boîtes à bonbons ou gâteaux copient les formes traditionnelles de l’argenterie ancienne ou plus souvent prennent la forme d’animaux, de personnages, de fruits ou légumes... 7 29 juillet 2009 : montage de l’exposition Cyffflé ; 19 août 2009 : nouvelles prises de photographies de statuettes IN MEMORIAM 8 Alain Wéber nous a quittés le 27 avril 2015 au terme d’une longue maladie qu’il a combattue avec un courage à toute épreuve. Alain était un passionné, venu rejoindre avec son épouse Marie-Hélène les rangs des bénévoles actifs au sein de notre association depuis sa création en 2006. Alain, vous l’avez tous rencontré lors des expositions, visites d’usines ou assemblées générales, au cours desquelles il intervenait avec la passion et le souci de l’exactitude qui le caractérisait. Passionné d’archives, il était d’un grand soutien dans nos recherches pour la préparation des expositions. Alain contribuait avec rigueur à l’écriture, la relecture et les multiples corrections des textes, tant pour les catalogues que pour la publication de cette lettre. Passionné de photographie, il prenait avec soin les faïences, recherchant le bon éclairage, le bon angle, et les détails à accentuer. Il suffit de regarder de près les photos de nos catalogues, particulièrement celles de l’ouvrage consacré aux statuettes de Cyfflé pour s’en convaincre. Il laisse un grand vide, tant pour nous que pour son épouse et sa famille, à qui nous renouvelons notre amitié. Ces modestes lignes sont là pour lui rendre hommage et vous le présenter, lui qui voulait toujours rester discret, simple, et savait prendre les choses avec beaucoup d’humour. Alain est né 12 janvier 1948 à Montigny-Lès-Metz. Après une formation en dessin industriel et une année à l’école des Arts appliqués de Metz, il entre au service du laboratoire de l’Equipement, où il fait toute sa carrière, contrôlant les travaux routiers et les terrains à risques. Il acquiert ainsi de solides connaissances en géologie (qu’il mettra plus tard à notre service lors de la publication du livre Gestes et Traditions). En 1977, Il épouse Marie-Hélène, rencontrée au Club alpin, où ils partagent tous deux le même goût pour les sports de montagne. De leur union est né Étienne, qui participera lui aussi aux activités sportives de ses parents. Sa passion pour les sols et la minéralogie ne s’arrête pas au laboratoire. Il est par ailleurs adepte de spéléologie, discipline pour laquelle il exerce ses talents d’initiateur durant de longues années au sein de l’USAN (Union spéléologique de l’agglomération nancéienne). Bien entendu son épouse est partie prenante dans toutes ses activités. Les sorties spéléo lui font découvrir les galeries des anciennes mines du Thillot et l’amènent à s’intéresser à l’archéologie minière. En 1986, il fait partie des membres fondateurs de la SESAM (Société d’étude et de sauvegarde des anciennes mines), dont il devient le secrétaire. Au sein de cette association, il travaille sur l’histoire, les techniques, la mise en valeur des anciennes mines de la haute vallée de la Moselle. C’est une figure majeure de cette équipe qui disparaît. Sa contribution et son action sont primordiales dans les recherches et découvertes, tant sur le terrain (relevés et cartographie très précis en surface et sous-sol) que dans l’exploitation des archives, notamment dans la lecture et la transcription des textes anciens (16e, 17e, 18e siècles). Il participe à la création de la Maison des Hautes-Mynes du Thillot en 1997. Pour pouvoir décrypter les nombreuses archives des anciennes mines de Lorraine, Alain se forme à la paléographie et là aussi, sa passion pour cette discipline le porte à un niveau d’excellence. Alain déchiffre les textes manuscrits du seizième siècle comme tout un chacun lit son journal ! Il devient membre de la Société Thierry Alix (Association de soutien des Archives publiques de Lorraine) et s’y investit. De par ses compétences, il devient enseignant en paléographie auprès des Archives départementales. Ses nombreux élèves gardent tous le souvenir de sa rigueur et de son niveau d’exigence. Sa connaissance des archives et les contacts qu’il noue avec de nombreux chercheurs l’amènent à travailler sur des projets variés au sein de diverses associations. Ainsi, outre de nombreux articles rédigés pour les revues d’archéologie minière ou d’histoire lorraine (Annales de l’Est, Actes de colloques), il participe en 1994 avec les Foyers ruraux du Sânon à la publication de La mémoire du sel au Pays du Sânon. En 2003, Il contribue à l’écriture du Dictionnaire biographique lorrain avec la société Thierry Alix. Pour cet ouvrage, outre les recherches sur les personnages, Alain assure toute la saisie informatique et les corrections avec Madame Simone Collin-Roset. En 2005, les Foyers ruraux préparent le livre Mémoire des châteaux d’Einville au Pays du Sânon. Là encore Alain enrichit cette publication des résultats de ses recherches avec son art de la transcription fidèle en citant et vérifiant toujours toutes ses sources documentaires. Alain rédige dans un style clair, et sait donner vie à de simples livres comptables. Tout cela ne l’empêche pas de consacrer du temps à ses petits enfants Élian, Camille et Matthéo, de participer à de nombreuses marches en compagnie des randonneurs du Sânon ou de s’investir au sein du photo-club du Pays Lunévillois où partout sa convivialité, sa gentillesse et son humour étaient unanimement appréciés. Alain, encore un grand Merci pour tout ce que tu nous as apporté, nous continuerons ce travail de recherche sur la voie que tu as tracée. Catherine Calame et toute l’équipe de l’association Saint Clément, ses Fayences et son Passé