guerre des gangs a saint-louis

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guerre des gangs a saint-louis
EDITION
SPÉCIALE
N°2
Editor :
John A.
Colson
25 cents
28e année
LES MEXICAINS
PAIENT LEUR DETTE
C’est avec succès que
les Etats-Unis ont mobilisé,
en janvier 1927,
400.000 Marines pour
contraindre le Mexique
à payer sa dette à l’égard
des compagnies
pétrolières américaines.
« La vérité, toute la vérité, rien que la vérité, mais la nôtre ! »
EDITORIAL
AL CAPONE
S’INTÉRESSE-T-IL
À SAINT-LOUIS ?
D
e très inquiétantes nouvelles
nous parviennent de Chicago.
Plus rien ne semble pouvoir freiner,
dans cette ville, la progression de
Alphonsus « Al » Capone, qui règne
impunément sur un empire du
crime. Bars clandestins, distilleries
et brasseries tout aussi illégales en
ces temps de prohibition, maisons de
passe, casinos douteux, courses de
chevaux truquées : Al Capone
contrôle un vaste réseau criminel.
Chacun le sait, et pourtant le maire
de Chicago, William Hale Thomson,
laisse faire. Il donne ainsi crédit à
ceux qui l’accusent d’être corrompu
par M. Capone. La police, aux
ordres du maire, ne bouge pas.
Al Capone est donc libre d’organiser
ses affaires comme il l’entend. Il dispose d’un réseau d’espions parmi les
crieurs de journaux et au sein même
de la police. Ses hommes de main
transportent en pleine ville des
mitraillettes dans des étuis à violon.
M. Benny Gordon
compromis ?
Mais l’information la plus extraordinaire reste à venir : The
Independent est en mesure d’affirmer que M. Benny Gordon a passé
deux jours à Chicago la semaine dernière. Il n’y aurait rien d’extraordinaire à cela si M. Gordon n’était pas
descendu au Metropole Hotel, situé
au 2300 South sur Michigan
Avenue. Car cet hôtel sert de quartier général à Al Capone. Celui-ci y
loue à l’année une suite de cinq
pièces, ainsi que plusieurs chambres
qu’il prête aux visiteurs avec qui il
traite « affaires ».
Pourquoi M. Gordon est-il allé à
Chicago ? Pourquoi a-t-il passé la nuit
dans l’hôtel qui abrite également
Al Capone ? Les deux hommes se sontils rencontrés ? Pour se dire quoi ?
D’où vient la fortune de M. Gordon :
de la saucisse à hot-dog ou de trafics
illégaux ? Voilà les questions que
The Independent pose aujourd’hui
publiquement. Des questions auxquelles l’attaque du bar clandestin de
M. Gordon donne une actualité particulière (lire par ailleurs notre article).
Des questions auxquelles M. Gordon
n’a pas voulu répondre. Des questions
que la justice, si elle se réveille
un jour, devra poser à M. Gordon.
The Independent attend.
■
GUERRE DES GANGS
A SAINT-LOUIS
Rebondissement dans le milieu de la pègre : le gang des Irlandais s’en prend
violemment à Benny Gordon.
a petite fête organisée par M. Gordon dans sa boite de jazz a
L
tourné court. Pour célébrer le départ en avion de son protégé, le jeune Charles Lindbergh (voir notre précédente édition
spéciale), Benny Gordon avait réuni plusieurs amis dans le cabaret qui tient lieu de quartier général à l’empereur industriel de la
saucisse à hot-dog.
Un bar illégal ?
Un de nos reporteurs, déguisé en mangeur
de hot-dog, avait réussi à s’introduire dans
les lieux. Il a pu constater que les amis de
M. Gordon ne boivent pas que du laitfraise. Des fûts suspects vont et viennent,
qui ne contiennent assurément pas de
cette boisson pétillante au cola dont on
nous parle tant actuellement. C’est bien
de l’alcool qui coule à flot chez
M. Gordon, si on en juge au degré
d’ébriété des individus présents.
Fusillade
Cette ambiance restait bon enfant jusqu’à
ce qu’une fusillade éclate. Des malfrats
armés de mitraillettes ont fait irruption
dans la rue puis ont investi les locaux de
M. Gordon. Il n’y a heureusement aucun
blessé à déplorer parmi la foule qui se
pressait dans la rue à cette heure de la
journée.
D’après les premiers résultats de notre
enquête, il semble qu’une bande de gangsters irlandais ait décidé de s’en prendre à
M. Gordon. Ces graves évènements ne
peuvent qu’évoquer la guerre des gangs
qui ensanglante depuis plusieurs années
les grandes villes américaines (lire, par
ailleurs, notre éditorial). M. Gordon
serait-il effectivement lié au milieu de la
pègre, comme le prétend une rumeur
insistante et comme l’assurent, sous le
couvert de l’anonymat, plusieurs personnalités importantes de Saint-Louis ? En
tout cas, la police n’a pas cru utile de se
rendre sur les lieux.
Attroupement de passants après la fusillade.
« Invulnérable »
Interrogé par The Independent sur les raisons de cette attaque, M. Gordon a éclaté
de rire en déclarant : « De toute façon, je
suis invulnérable ». Nous reproduisons par
ailleurs l’essentiel de ses déclarations.
Il n’en reste pas moins que M. Gordon a
dû fermer son établissement pour une
durée indéterminée.
■
« L’INVULNÉRABLE »
REVERRONS-NOUS
CHARLES LINDBERGH ? «
Nous reproduisons les principales déclarations de M. Gordon après l’attaque
de son établissement.
Quelques heures après le décollage, l’inquiétude domine.
e notre envoyé spécial sur le terrain
d’aviation Roosevelt Field, à New
D
York – Le décollage du Spirit of SaintLouis fut un moment spectaculaire. A
7 h 50, ce matin, sur l’ordre de Charles
Lindbergh, un technicien ôte les cales
qui retiennent les roues de l’avion. Son
moteur tourne alors à plein régime et
pourtant, durant quelques secondes qui
nous semblent infiniment longues, le
Spirit of Saint-Louis tarde à s’ébranler.
Surchargé de carburant, l’avion doit
même être poussé sur plusieurs dizaines
de mètres par les mécaniciens présents.
Ses roues creusent des ornières sur la
piste boueuse. Au bout d’une centaine
de mètres, le Spirit atteint une vitesse
suffisamment grande pour que nous ne
puissions plus le pousser. Mais bien
insuffisante encore pour décoller.
Rien n’invitait à l’optimisme
Tous ceux qui assistent à la scène se
figent. Que le Spirit of Saint-Louis
semble lent ! Si quelqu’un avait pu
détacher son regard de l’avion pour
observer nos visages, il y aurait lu la
plus grande angoisse, la peur de voir un
homme courageux s’écraser en pure
perte au bout d’une piste. Car rien ne
nous invite à l’optimisme. L’avion est
surchargé. La piste est humide. Des
flaques d’eau la parsèment. Un vent
Suite en page 2
On m’envie, on me
jalouse, on veut me
piquer tout mon flouse et
on m’envoie de ces barbouzes. Mais c’est pas ça
qui va me filer le blues…
On raconte dans le journal,
sur mon compte, bien des
scandales. Mais j’m’en
fiche, c’est pas banal, j’sais
pas lire, il se fatiguent pour
que dalle !
Mais quand je les vois s’en
prendre, obstinément, à
mon bar à mes gars, je rie,
et j’défouraille. Benny
aime la castagne !!
Faudrait pas me prendre,
bêtement, pour un enfant
de chœur. J’suis un brigand ! Benny, l’invulnérable !!!
On m’ennuie, on m’enquiquine, pour des filles, mes
orphelines. On prétend que
ces gamines, se défendent,
en d’autres mots qu’elles
tapinent ! La police m’fait
des ennuis, tantôt complice, tantôt ennemie. J’les
arrose, et j’les fournis.
Mais ces rosses, en voudraient plus que Benny !
Mais quand je les vois s’en
prendre, obstinément, à
mon bar à mes gars, je rie,
Suite en page 2
EDITION
SPÉCIALE
N°2
PA G E
2
« La vérité, toute la vérité, rien que la vérité, mais la nôtre ! »
Suite des articles de la page 1
REVERRONS-NOUS CHARLES LINDBERGH ?
.. . arrière s’est levé, qui plaque l’avion au sol.
Et, au bout de la piste, des lignes électriques
barrent l’horizon. L’angoisse est à son comble
lorsque Lindbergh dépasse, sur la piste, cette
ligne invisible au-delà de laquelle la distance
est trop brève pour freiner et s’arrêter. C’est
désormais le décollage ou le crash assuré.
Soudain les roues quittent le sol. Avant d’y
retomber lourdement. De précieux mètres de
piste défilent. Puis les roues s’envolent à nouveau, frôlent une dernière fois la piste avant de
s’élever. Mais le Spirit trace droit vers les lignes
électriques. L’avion se redresse peu à peu et parvient à passer six mètres au-dessus des pylônes.
Il suffirait d’une seule
pièce défectueuse
Lindbergh a donc réussi sa première épreuve.
Mais pouvons-nous vraiment souffler ?
Chacun songe désormais à l’incroyable trajet
qui attend Lindbergh. Est-il vraiment possible qu’aucune des mille et une pièces qui
composent le moteur et le fuselage de
l’avion tiennent une si longue distance ?
Toutes ont été vérifiées par une équipe de
techniciens, de mécaniciens et d’ingénieurs
qui ont donné le meilleur d’eux-mêmes.
Mais il suffirait d’une seule erreur, par
exemple d’un seul joint sur le circuit d’alimentation, pour que le Spirit of Saint-Louis
s’embrase en plein ciel.
Il y aussi l’homme
et ses propres faiblesses
Quand bien même la technique serait sans faille,
comment un seul homme pourrait-il tenir aussi
longtemps aux commandes d’un avion ? Certes,
Lindbergh a déjà à son actif un premier record
impressionnant : pour amener le Spirit of SaintLouis de son lieu de construction (San Diego sur
la côte est des Etats-Unis), à son lieu de départ
(New York sur la côte ouest), Lindbergh a volé
durant 20 heures et 21 minutes. Mais encore at-il fait une brève étape, à mi-parcours, à SaintLouis. Le vol transatlantique devrait durer, lui,
au moins 35 heures.
Près du double ! Le défi
n’est-il pas trop ambitieux ?
Reverrons-nous Charles
Lindbergh ? Nul ne
sait ce qui traverse l’esprit de Charles Lindbergh.
Il ne peut d’ailleurs nous le dire, puisqu’il n’a pas
emporté de radio. Mais The Independent a trouvé
la solution. Un avion Curtiss Oriole escorte
actuellement le Spirit
of Saint-Louis jusqu’à
ce que celui-ci quitte
le territoire américain. A son bord se
trouve un de nos
reporters. Nous espérons qu’il pourra entrer en
contact avec Charles Lindbergh et que nous
pourrons publier son interview dans une prochaine édition.
■
« L’INVULNÉRABLE »
... et j’défouraille.
RARES SONT CEUX
¸ SOUTENIR
UNE TELLE AVENTURE.
¸ SAN DIEGO, LA PETITE USINE DE RYAN INC.
RELØVE LE D FIT ET ACCEPTE DE CONSTRUIRE UN AVION
CAPABLE DE R ALISER CET EXPLOIT.
3 JOURS APRØS LA SIGNATURE
DU CONTRAT, L’ LABORATION
DES PLANS COMMENCE D J¸.
¸ SUIVRE...
SÉRIE : LES GRANDS AVENTURIERS
Benny aime la castagne !! Faudrait
pas me prendre,
bêtement, pour un
enfant de chœur.
J’suis un brigand !
Benny, l’invulnérable !!!
Tous les soirs, on
m’fait la guerre.
Mon comptoir part
en poussière. Mais
je rie, car le
cim’tière se remplit
quand on m’attaque
par derrière ! »
■
• L’EUROPE TENTEE
PAR LE POPULISME
Election après élection,
• QUELLES EMISSIONS mois après mois, le Vieux
POUR LA FUTURE
Continent se tourne de
TELEVISION ?
plus en plus vers les partis
Nos lecteurs se souvienpopulistes d’extrême-droite.
nent des premiers essais
En Italie, depuis janvier
réussis de la « télévision »
1926, Mussolini gouverne
(voir nos éditions de
de façon autoritaire par
1924). Vladimir Kosma
décrets-loi. Il cumule les
Zworykin, le père de cette
ministères des Affaires
invention remarquable
étrangères, de la Marine et
qui permet de voir sur un
de la Navigation aérienne.
écran de verre des images
Il confond allègrement ses
filmées à distance, a pourintérêts privés et ceux de
suivi ses travaux sur le
l’Etat. Le maître de l’Italie
« kinescope ». En prévision s’est assuré le contrôle de
de l’exploitation à grande tous les médias et la docilité
échelle de cette invention, de la justice. Il a imposé le
la Westinghouse Electric
système du parti unique le
and Manufacturing
7 octobre 1926. Le 21 avril
Company a demandé à des 1927 a été proclamée la
créateurs de présenter des Charte du travail fasciste,
projets d’émissions destiqui réduit à néant plusieurs
nées au vaste public que le décennies de combat pour
kinescope ne manquera pas le progrès social.
d’attirer. Le résultat est
En Pologne, le maréchal
affligeant. Les projets,
d’une bêtise peu commune, Joszef Pilsudski a réussi un
coup d’Etat militaire en mai
ont heureusement été
1926, après avoir longtemps
tous refusés. Nous avons
critiqué la prétendue « instaen particulier évité
bilité » de la jeune démocra« Le Prix Exact », émission
tie parlementaire. Toujours
dont le principe consiste
à l’Est, en Roumanie,
à faire deviner le prix
Codreanu s’apprête à créer
d’objets de la vie courante,
la Ligue de l’Archange
comme un moulin à café,
Saint-Michel, une milice
un poêle à charbon ou une
fasciste.
lessiveuse. Un autre projet
envisageait même d’enfer- En mai 1926, un putsch
militaire a eu lieu au
mer une douzaine de
Portugal. Même la France
jeunes gens désœuvrés
ne semble pas à l’abri.
dans un appartement et
Différentes ligues d’extrêmede les y filmer sans interdroite s’affichent désormais
ruption. C’est le producteur qu’il faudrait interner au grand jour, défilant dans
la rue en hurlant des slogans
sans attendre.
antisémites et racistes.
RETROUVEZ DANS CHAQUE ÉDITION UN ÉPISODE DE
LA VÉRITABLE VIE DE CHARLES LINDBERGH
1932 :
le bébé des LINDBERGH
est kidnappé.
1936 :
Charles LINDBERGH est invité
par l’Allemagne nazie.
E
E
n mai 1929, Charles Lindbergh épousa Ann
Spencer Morrow, qu’il avait rencontrée lors d’une
visite au Mexique. Ils eurent un premier garçon,
Charles Jr. Mais le 1er mars 1932, le bébé alors âgé de
21 mois fut kidnappé. La presse s’empara aussitôt du
drame et en fit ses choux gras. Le couple Lindbergh
accepta de verser une rançon de 50.000 dollars au
ravisseur, qui fut finalement arrêté en 1934. Mais l’enfant fut retrouvé mort le 12 mai 1932. Brisés par la
douleur, harcelés par la presse, les époux Lindbergh
quittèrent momentanément les Etats-Unis en 1935.
Ils eurent cinq autres enfants, trois garçons et deux
filles.
●
BRÈVES
n août 1936, Lindbergh se rendit en Allemagne à
l’invitation de Hermann Goering, le chef de l’aviation nazie, pour assister aux Jeux Olympiques de Berlin.
Il fut tellement impressionné par l’efficacité de l’industrie et de la recherche allemandes qu’il envisagea même
de déménager à Berlin avec son épouse. Rien, semblet-il, ne le dérangea dans le régime totalitaire nazi. En
1938, Lindbergh accepta des mains de Goering une
décoration pour sa contribution aux progrès de l’aviation. Malgré les protestations de ses compatriotes américains, Lindbergh refusa de rendre cette médaille. Face
au nazisme, Lindbergh fit montre au mieux d’aveuglement, au pire de complaisance.
●
The Independent of Saint-Louis est distribué gratuitement par La Française de Comptages (c/o Animaville lieu-dit La Forêt 77940 Voulx - Siret 338 641 350 00024 - licence n°14292)
à l’occasion du spectacle “33 heures, 30 minutes”. Le spectacle est librement inspiré de faits réels. Les conditions du vol de Lindbergh sont relatées avec la plus grande précision
possible. En revanche, les personnages de Benny Gordon et de Scott Murray sont fictifs. Certes, l’un et l’autre sont représentatifs de l’Amérique des années 1920, époque où la
prohibition et la corruption avaient généré de lucratifs trafics criminels. Mais Charles Lindbergh n’a jamais connu de “Benny Gordon” ni eu aucune relation avec le milieu de la pègre.
Merci de ne pas jeter The Independent of Saint-Louis (ni d’ailleurs aucun autre papier) sur la voie publique.
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