Mais si on a un appel
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Mais si on a un appel
Le billet d’humeur de Jonathan Boutemy* Mais si on a un appel ? Octobre 2016 14h45 en 4eD. Septembre 2016. « M’sieur, quand on ira au théâtre, on aura l’droit au téléphone ? - Sur le trajet, dans le métro, si vous voulez. - Pas pendant la pièce ?!? - Evidemment, non ! - Mais si on a un appel ? On fait comment ? » Et les enseignants, ils font comment eux ? Bien déroutant ce questionnement d’un élève qui révèle combien les codes sont ignorés et que le travail est grand pour préparer ceux qui, même s’ils habitent parfois à moins d’un kilomètre d’un théâtre, en sont en fait à des centaines de milliers. Sans parler de ceux qui habitent à des dizaines de kilomètres d’un lieu de culture. Comme c’est essentiel, qu’un maximum d’élèves franchissent le seuil d’un théâtre, qu’ils décrochent de leur quotidien, qu’ils éteignent leur téléphone, deux heures dans leur vie, voire même trois fois dans l’année, avec un peu d‘audace, et avec un peu d’aide peut-être. Oui, en tant qu’enseignants, c’est dur, d’y aller seuls, sans adjuvant et avec l’impression qu’il n’y a que des éléments perturbateurs. Des dispositifs comme Transvers’Arts accompagnent justement les accompagnants, leur fournissent des outils et des formations à l’école du spectateur. Comme c’est indispensable de ne pas y aller sans avoir nourri ces ignorants ces curieux qui posent des questions sur les téléphones (et tiens d’ailleurs le pop-corn on pourra en manger ?), de quelques connaissances sur le théâtre, sur la pièce, d’au moins quelques pistes que ce qu’ils vont découvrir, et même d’un peu de lectures. Plus de 2000 élèves, de l’école primaire au lycée, ont profité de Transvers’Arts l’année dernière, se rendant dans trois salles de spectacle différentes, profitant de spectacles variés mais toujours avec un fil conducteur : le pouvoir de l’argent, la maladie du pouvoir, l’identité, les contes, le corps, la famille, l’enfance, la résistance, la Russie, la danse, le cirque... : tout ce que nous offrent les arts vivants. Ça parle de tout ça, le théâtre ? Et puis après la pièce? On y revient, on décrit ce qu’on a vu pendant que le téléphone était éteint. Les lumières ? La comédienne ? Et les costumes ? Ah oui c’est vrai, cette musique. Tiens personne n’a appelé. Et c’est vrai que ce tableau de Bruegel, ça raconte la même histoire. C’est qui ce Patrick Bruegel déjà? Précieux sont les dispositifs qui permettent à des dizaines d’enseignants d’être moins seuls face à l’ignorance la curiosité de milliers de jeunes spectateurs. Du courage, pour les emmener, les sortir, le soir, parfois loin. Ils ont toujours faim (du pop-corn ?), puisqu’ils sont, curieux, non ? Et si on avait un appel ? Ce serait celui des enseignants, avides de réponses à toutes les questions qu’ils ont, qu’ils se posent, qu’on leur pose. C’est à cet appel à la curiosité qu’il faut répondre. Il n’est plus temps de raccrocher, maintenant qu’on a franchi le seuil. On y va, on y est. Tiens les comédiens sont déjà sur scène. C’est normal m’sieur ? Pourvu qu’il n’y ait pas de Pokémon dans la salle. Jonathan Boutemy est enseignant et membre du conseil d’administration de l’ANRAT.