Théâtre classique des Français. 1831.
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Théâtre classique des Français. 1831.
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Ah! mon dieu! fi! oblige, 4 LES FEMMES SAVANTES. HENRIETTE. Comment? ARMANDE. Ah! fi! vous dis-je. Ne concevez vous point ce que, dès qu'on l'entend, Un tel mot à l'esprit offre de dégoûtant, De quelle étrange image on est par lui blessée, Sur quelle sale vue il traîne la pensée?. ma soeur, N'en frissonnez-vous point ? et pouvez-vous, Aux suites de ce mot résoudre votre coeur ? HENRIETTE. Les suites de ce mot, quand je les envisage, Me font voir un mari, des enfants, un ménage; Et je ne vois rien là, si j'en puis raisonner, Qui blesse la pensée, et fasse frissonner. ARMANDE. ô ciel ! sont pour vous plaire ! De tels attachements, HENRIETTE. Et, qu'est-ce qu'à mon âge on a de mieux à faire, à soi, par le titre d'époux, Que d'attacher Un homme qui vous aime, et soit aimé de vous; Et, de cette union de tendresse suivie, Se faire les douceurs d'une innocente vie ? Ce noeud bien assorti n'a-t-il pas des appas? ARMANDE. Mon dieu! que votre esprit est d'un étage bas! Que vous jouez au monde un petit personnage, aux choses du ménage, De vous claquemurer Et de n'entrevoir point de plaisirs plus touchants Qu'une idole d'époux, et des marmots d'enfants! ACTE I, SCÈNE I. Laissez aux gens grossiers, aux personnes vulgaires, Les bas amusements de ces sortes d'affaires. A de plus hauts objets élevez vos désirs; un goût des plus nobles plaisirs, Songez à prendre de mépris le sens et la matière, Et, traitant comme nous, donnez-vous toute entière. A l'esprit, à vos yeux, Vous avez notre mère eu exemple en tous lieux ; on honore Que du nom de savante ainsi que moi, de vous montrer sa fille ; Tâchez, aux clartés qui sont dans la famille, Aspirez aux charmantes douceurs Et vous rendez sensible dans les coeurs. de l'étude Que l'amour épanche en esclave asservie, Loin d'être aux lois d'un homme ma soeur, à la philosophie, Mariez-vous, de tout le genre humain, Qui nous monte au-dessus à la raison l'empire Et donne souverain, à ses lois la partie animale, Soumettant aux bêtes nous ravale. Dont l'appétit grossier Ce sont là les beaux feux, les doux attachements les moments de la vie occuper ; Qui doivent sensibles Et les soins où je vois tant de femmes aux yeux des pauvretés Me paroissent horribles. HENRIETTE. Le Ciel, dont nous voyons que l'ordre est tout-puissant, en naissant nous fabrique Pour différents ; emplois d'une étoffe Et tout esprit n'est pas composé Qui se trouve taillée à faire un philosophe. aux élévations Si le vôtre est né propre les spéculations, Où montent des savants Le mien est fait, ma soeur, pour aller terre à terre; 5 LES FEMMES 6 SAVANTES. Et dans les petits soins son foible se resserre. ; Ne troublons point du Ciel les justes réglements Et de nos deux instincts suivons les mouvements. Habitez, par l'essor d'un grand et beau génie, Les hautes régions de la philosophie ; Tandis que mon esprit, se tenant ici-bas; Goûtera de l'hymen les terrestres appas. Ainsi, dans nos desseins, l'une à l'autre contraire, Nous saurons toutes deux imiter notre mère : Vous, du côté de l'âme et des nobles désirs ; Moi, du côté des sens et des grossiers plaisirs ; Vous, aux productions d'esprit et de lumière; Moi, dans celles, ma soeur, qui sont de la matière. ARMANDE. se régler, on prétend Quand sur une personne C'est par les beaux côtés qu'il faut lui ressembler; Et ce n'est point du tout la prendre pour modèle, Ma soeur, que de tousser et de cracher comme elle. HENRIETTE. Mais vous ne seriez pas ce dont vous vous vantez, Si ma mère n'eût eu que de ces beaux côtés; Et bien vous prend, ma soeur, que son noble génie N'ait pas vaqué toujours à la philosophie. De grâce, souffrez-moi, par un peu de bonté, Des bassesses à qui vous devez la clarté ; Et ne supprimez point, voulant qu'on vous seconde, Quelque petit savant qui veut venir au monde. ARMANDE. Je vois que votre esprit ne peut être guéri Du fol entêtement de vous faire un mari : ACTE I, SCÈNE I. 7 Mais sachons, s'il vous plaît, qui vous songez à prendre : Votre visée au moins n'est pas mise à Clitandre? HENRIETTE. Et par quelle raison n'y seroit-elle pas ? de mérite? Est-ce un choix qui soit bas! Manque-t-il ARMANDE. Non : mais c'est un dessein qui seroit malhonnête autre enlever la conquête Que de vouloir d'une ; Et ce n'est pas un fait dans le monde ignoré ait pour moi hautement Que Clitandre soupiré. HENRIETTE. Oui : mais tous ces soupirs chez vous sont choses vaines, Et vous ne tombez humaines ; point aux bassesses renonce Votre esprit à l'hymen pour toujours, a toutes vos amours. Et la philosophie au coeur nul dessein pour Clitandre, Ainsi, n'ayant ? Que vous importe-t-il qu'on y puisse prétendre ARMANDE. Cet empire que tient la raison sur les sens, aux douceurs des encens ; Ne fait pas renoncer refuser un mérite Et l'on peut, pour époux, on veut bien à sa suite. Que, pour adorateur, HENRIETTE. Je n'ai pas empêché qu'à vos perfections Il n'ait continué ses adorations ; au refus de votre âme, Et je n'ai fait que prendre, de sa flamme. Ce qu'est venu m'offrir l'hommage ARMANDE. Mais, à l'offre des voeux d'un amant dépité, Trouvez-vous, je vous prie, entière sûreté? SAVANTES. FEMMES pour vos yeux sa passion bien forte, Croyez-vous Et qu'en son coeur pour moi toute flamme soit morte? HENRIETTE. Il me le dit, ma soeur; et, pour moi, je le croi. ARMANDE. Ne soyez pas, ma soeur, d'une si bonne foi; Et croyez, quand il dit qu'il me quitte et vous aime, Qu'il n'y songe pas bien, et se trompe lui-même. HENRIETTE. Je ne sais; mais enfin, si c'est votre plaisir, Il nous est bien aisé de nous en éclaircir : Je l'aperçois qui vient; et, sur cette matière, Il pourra nous donner une pleine lumière. 8 LES SCÈNE II. HENRIETTE. ARMANDE, HENRIETTE. Pour me; tirer d'un doute où me jette ma soeur, Entre elle et moi, Clitandre, votre coeur; expliquez le fond, et nous daignez apprendre Découvrez-en Qui de nous à vos voeux est en droit de prétendre. ARMANDE. Non, non, je ne veux point à votre passion ; Imposer la rigueur d'une explication Je ménage les gens, et sais comme embarrasse Le contraignant effort de ces aveux en face. CLITANDRE. mon coeur, qui dissimule peu, Non, madame, Ne sent nulle contrainte à faire un libre aveu. Dans aucun embarras un tel pas ne me jette; CLITANDRE,