Les anamorphoses

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Les anamorphoses
Les anamorphoses
Atelier scientifique
Collège Antony Duvivier
3 rue des Canes
58170 LUZY
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I.
Introduction : qu'est-ce qu'une anamorphose ?
Une anamorphose est un mot d'origine grecque qui signifie transformer.
C'est une illusion d'optique qui permet de faire en sorte que des images complètement déformées
redeviennent normales quand elles sont vues d'un point précis ou grâce à un « décodeur » tel qu'un
miroir.
Il existe plusieurs types d'anamorphoses, plus ou moins utilisées. Nous allons détailler certaines
d'entre-elles au cours de ce projet.
II.
Les anamorphoses obliques
1) Définition de la perspective en général
Pendant l'antiquité Egyptienne, (entre 4000 et 500 ans avant JC), les artistes ne représentaient pas la
perspective. La grandeur des sujets représentés étaient directement liée à leur importance dans la
société.
Ce sont les Mathématiciens et philosophes Grecs (entre 500 et 100 avant JC) qui ont posé les bases
de la perspective. Les profondeurs de champs sont alors respectées, des jeux d'ombres apparaissent.
C'est pendant la renaissance que des artistes comme De Vinci ont cherché à établir des règles sûres
pour représenter fidèlement une scène. Le principe de point de fuite a été découvert, ce qui a permis
au dessin réaliste de se développer.
Ainsi, une perspective est une technique qui permet de construire l'illusion d'un espace en 3
dimensions. Elle permet de donner une illusion de profondeur sur une surface plane.
La difficulté du dessin en perspective est de représenter dans un plan une construction qui est
définie dans l'espace.
2) Définition de la perspective par point de fuite
La perspective par point de fuite, appelée aussi perspective centrale, consiste à projeter les
différents points du dessin vers un seul et même point : le point de fuite.
Dans le cadre de la perspective avec point de fuite, Albrecht Dürer (1471-1528) a créé un outil: le
perspectographe, composé d'un cadre en bois et d'un quadrillage. Le peintre se place face à ce cadre
tout en fermant un œil. La vision du peintre est alors monoculaire et ne perçoit plus les
profondeurs. En observant où les lignes du modèle coupent celles du quadrillage, le peintre reporte
ce qu'il voit sur sa feuille quadrillée.
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Cette perspective présente de nombreuses différences avec la perspective cavalière étudiée en cours
de mathématiques. En particulier, les parallèles sont conservées dans la perspective cavalière mais
ne le sont pas dans la perspective centrale. De plus, deux segments parallèles de même longueur
resteront de même longueur dans la perspective cavalière, alors que ce n'est pas le cas dans l'autre.
3) L'historique de l'anamorphose
La plus ancienne anamorphose connue serait due à Léonard de Vinci et daterait de 1485, elle
représente une tête d'enfant.
Une des plus célèbres reste « Les Ambassadeurs » de Hans Holbein (1497-1543), dans laquelle est
cachée un crâne que l'on peut reconnaître en se plaçant sur le côté du tableau d'une vue rasante.
Ci-dessous, le crâne non déformé, lorsqu’on regarde
le tableau en vue rasante.
Entre 1630 et 1644, Jean-Louis Vaulezard publie plusieurs traités portant sur la perspective, la
théorie des anamorphoses cylindrique et conique. En particulier, en 1630, il publie « Perspective
cylindrique et conique, concave et convexe ou traité des apparences vues par le moyen des
miroirs ».
Jean François Niceron (1613 – 1646) a quant à lui édité en 1638 « La Perspective Curieuse ». C’est
l’un des premiers traités consacré systématiquement aux anamorphoses. Il y parle entre autres des
anamorphoses obliques mais également des anamorphoses à miroir telles que les coniques que nous
étudierons par la suite.
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4) Des exemples concrets d'utilisation aujourd'hui :
De nos jours, les anamorphoses obliques se retrouvent un peu partout.
L’un des exemples les plus concrets est le dessin sur les routes des pistes cyclables ou des passages
piétons. Ces textes ou dessins sont donc déformés, principalement en hauteur afin que
l'automobiliste puisse lire le texte d'assez loin.
De même, on retrouve des anamorphoses au cinéma, mais aussi dans les publicités, comme au bord
des stades de foot ou de rugby ou encore dans certaines publicités à la télévision.
Ci-contre, on peut voir un logo publicitaire bien formé sur
la photo principale, vue de la caméra, puis une photo prise
de l'autre côté du logo tel qu’il est en réalité tracé sur le sol.
Sur la photo à gauche, on peut voir une
voiture qui fonce dans des plots qui sont en
réalité des dessins au sol représentés à l’aide
d’une anamorphose oblique.
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Julian Beever est l’un des artistes actuel le plus connus pour ses anamorphoses de rue.
5) Nos constructions
 Méthode de construction de la grille
On construit un quadrillage non déformé de forme carrée ABCD et on repère les différentes lignes
et différentes colonnes à l'aide de chiffres et de lettres.
On trace une diagonale du carré (ci-dessous, la diagonale [BD]).
Pour construire la grille déformée, on reprend la même longueur que le côté du carré et l'on place un
point de fuite X et un point de vision Y (plus ces 2 points sont proches plus la déformation sera
importante).
On relie le point de fuite X à chaque graduation du segment [AD], le point de vision Y au point D.
Enfin, on trace les parallèles passant par chaque point d'intersection obtenu.
On obtient un nouveau quadrillage dans lequel il ne reste plus à qu'à reporter la figure de départ.
En général, la distance XY correspond à la hauteur des yeux de l'observateur lorsque celui-ci est
placé en X.
Voici ce que donne la grille que nous avons construite :
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 sur papier
Nous nous sommes entraînés à construire différentes anamorphoses sur papier à l'aide d'un
quadrillage. Voici, par exemple, l’une de nos réalisations :
A gauche, le dessin d’une chaise dans le quadrillage classique et à droite le dessin de la même
chaise dans le quadrillage transformé par anamorphose.
 dans la cour
Parmi tous les dessins que nous avons réalisés, nous avons sélectionné celui de l'escalier car celui-ci
est facile à mettre en scène et la réalisation en grandeur réelle nous a semblé assez simple.
Nous avons cherché une échelle qui nous permettrait d'avoir une longueur XY de 1,50 m environ :
en choisissant une échelle de 1/12, nous avons pu calculer où placer notre point de fuite, notre point
de vision et nos dimensions réelles. Au final, notre escalier mesurait environ 3,60m sur 8m !
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III.
L'anamorphose conique
1) Définition
Dans le cadre de l'anamorphose conique, nous avons besoin d'un « décodeur » qui sera un miroir en
forme de cône. Il faut placer celui-ci au centre d'une figure et placer son œil sur l'axe du cône pour
voir l'image non déformée se refléter dans le cône.
Dans « La perspective curieuse » (vu précédemment),
Jean-François Niceron a démontré le principe de la construction
d'une grille d'anamorphose conique grâce aux lois de l'optique et
a ensuite dessiné l'anamorphose d'une jeune fille.
Au XVIIe et XVIIe siècles cette technique d'anamorphose
sert à favoriser la diffusion de caricatures.
2) Découverte d'une nouvelle transformation : la symétrie par rapport à un
cercle
Nous avons construit différents cônes à l'aide de papier Mylar puis nous avons essayé de construire
à main levée une figure donnant un carré dans le cône.
Nous en avons déduit que la figure la plus proche ressemblait à une « fleur » à 4 pétales.
Nous remarquons que dans cette transformation, les segments devenaient des arcs de cercle.
Les propriétés que nous avons apprises sur les symétries ne sont pas vraies ici : les points alignés ne
le sont plus, les angles et les distances ne sont pas conservés.
Pour la suite de nos expériences, nous avons travaillé avec un cône dont l’angle au sommet mesure
60° et dont le rayon de la base mesure 3cm afin de faciliter les calculs qui nécessitent l’intervention
de la trigonométrie.
3) Construction avec la grille de report
Pour construire une anamorphose conique, nous avons essayé d’utiliser une grille de report (comme
pour l’anamorphose oblique). Il a donc fallu comprendre comment la construire ce qui a impliqué
que nous travaillons sur quelques lois de l’optique.
Lorsque l'on se place au bord d'un lac on peut observer le reflet
d'un oiseau sur l'eau. Le rayon reliant le reflet à notre œil est appelé
le rayon réfléchi on dit que le rayon reliant l'oiseau à son reflet est
le rayon incident. La surface du lac est comparable à un miroir.
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Nous avons réalisé une maquette pour reproduire
cet effet avec une boîte et un rapporteur dans le
fond, un miroir et un laser (à utiliser avec
précaution).
Le rayon incident est symétriquement réfléchi par
rapport à la droite perpendiculaire à la surface (la
normale) où de chaque côté de la normale on
trouve le même angle.
Pour trouver le rayon réfléchi, nous pouvons également tracer le symétrique du rayon réfléchi par
rapport à la surface miroir, celui-ci est dans le prolongement du rayon incident.
Notre objectif est de déterminer où un point situé sur le cône va se projeter. Pour cela, nous avons
placé une feuille derrière notre cône avec des repères tous les 5 mm sur le cône.
Après, nous avons tracé les rayons réfléchis et tous leurs symétriques par rapport au miroir. Nous
avons pu en déduire les rayons incidents.
Rayon réfléchi
Rayon symétrique
Rayon incident
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Avec le laser, nous avons constaté que cette grille
fonctionnait très bien.
Nous sommes ensuite passés à la théorie en utilisant un modèle géométrique représentant la
situation ci-dessus.
On suppose que le triangle ATB représentant notre cône est un triangle équilatéral et que
avec le pied de la hauteur issue de T.
 Je sais que ATB est un triangle équilatéral
Or dans un triangle équilatéral, les trois angles ont la même mesure 60°.
Donc
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 Je sais que (TG) est la hauteur de ABT
Or dans un triangle équilatéral, hauteurs, médianes, médiatrices et bissectrices sont
confondues.
Donc (TG) est la bissectrice de
et
 Je sais que
est un angle plat et
Donc
 Je sais que
et
Or dans un triangle la somme des angles est égale à 180°
Donc
c’est-à-dire
 Je sais que les angles
et
sont symétriques par rapport à la droite
Or si deux angles sont symétriques par rapport à une droite alors ils ont la même mesure
Donc
(O=O)
 Je sais que les angles
et
sont opposés par le sommet S
Or si deux angles sont opposés par le sommet alors ils ont la même mesure
Donc
(O = O )
 De même
(O = O )
 Donc
En se plaçant à présent dans le triangle SMM’
 Je sais que
et
Or dans un triangle la somme des angles
vaut 180°
Donc

est un angle plat donc
 Dans le triangle M’AS, la somme des angles vaut 180°
Donc
Pour continuer, notre professeur de mathématiques nous a expliqué la loi des sinus :
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Dans un triangle ABC quelconque :
 Dans le triangle ASM, d’après la loi des sinus :
Soit
D’après le produit en croix :
 Dans le triangle ASM’, d’après la loi des sinus :
Soit
D’après le produit en croix :
 D’où, d’après les deux produits en croix
Et
Notre professeur de mathématiques nous a également donné quelques formules de
trigonométrie.
 Donc
Or
Donc
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notons
et
donc
 Cherchons
Dans le triangle OMG rectangle en G,
Or MG = AG – AM
MG = 3 – d
Et OG = 3 TG =
que TG =
facilement)
(Avec le théorème de Pythagore dans ATG, on démontre
Donc
 Revenons à
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Nous avons donc trouvé comment calculer les longueurs de la figure anamorphosée d’ lorsqu’on
connaît les longueurs d de la figure de départ.
Nous avons alors pu utiliser une grille de report comme le modèle ci-dessous :
4) Construction d'une règle de report
Pour être plus précis, nous avons ensuite reporté les longueurs d et d’ sur une règle appelée règle de
report.
Pour la construire nous avons pris un morceau de papier cartonné d'environ 10 centimètres. Nous
avons gradué de 0,2 en 0,2 un des côtés de la règle en plaçant 3 cm sur le bord et en revenant ainsi
vers le centre de la règle. Ensuite, sur le tableur, on a programmé dans la colonne A les mesures
réelles d, et dans la colonne B ce sont les mesures correspondantes que l'on retrouvera dans la figure
déformée d’. Il reste à reporter de l’autre côté de la règle les mesures de la colonne B.
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Pour utiliser la règle, c’est très simple
il faut placer le 0 sur le cercle qui représente
la base du cône, placer le 3cm au centre du
cercle et on fait tourner la règle.
On peut ainsi reporter point par point
la figure de départ.
5) Application avec Géogébra
Pour créer une anamorphose conique sur le logiciel de mathématiques « Géogébra », il faut en
premier lieu créer un cercle de rayon 3 cm et construire, à l’intérieur du cercle, la figure que l’on
souhaite déformer (étape 1).
Anamorphose conique étape 1
Ensuite, il faut placer un point sur la figure à déformer (ici le point N), construire une demi-droite
passant par ce point et par le centre du cercle et créer le point d’intersection entre le cercle et la
demi-droite (ici le point O) (étape 2).
Anamorphose conique étape 2
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Après cela, il faut ouvrir le tableur de Géogebra et le programmer comme pour la règle de report
mais en insérant dans la colonne A la longueur ON (étape 3).
Anamorphose conique étape 3
Suite à ça, il faut tracer un cercle de centre O et de rayon égal à la cellule dans laquelle vous avez
rentré la formule (étape 4).
Anamorphose conique étape 4
Une fois cette étape achevée, il faut créer un point d'intersection entre le nouveau cercle et la demidroite (étape 5).
Anamorphose conique étape 5
Suite à ça, vous pouvez « cacher » le cercle et de la demi-droite précédemment créés (étape 6).
Anamorphose conique étape 6
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Pour déformer la figure vous avez maintenant deux options :
 Soit on utilise la trace (clic droit : trace activée). Cette option vous permet, en déplaçant le
point que vous avez créé sur la figure à déformer, de former votre figure déformée qui
permettra de voir l'originale lorsque le cône sera placé au bon endroit (étape 7).
Anamorphose conique étape 7
 Soit on utilise le lieu géométrique. Cette option, beaucoup plus pratique que la trace vous
permet de créer votre figure déformée en moins de temps que la trace, et avec beaucoup plus
de précision. Il vous suffit de cliquer sur le point situé sur la demi-droite et de cliquer sur le
point situé sur votre figure pour obtenir votre figure déformée par anamorphose (étape 7
bis).
Anamorphose conique étape 7 bis
6) Construction approximative avec le pantographe
Le pantographe de SCHEINER (1605) permet de tracer mécaniquement des homothéties c’est-àdire des transformations d’un objet en le déplaçant et en l’agrandissant ou le réduisant avec un
certain coefficient.
Il a été utilisé par Michel PARRE (1973) pour réaliser un appareil permettant de tracer
mécaniquement les anamorphoses coniques observées de l’infini.
Le principe est le suivant : le point C est fixe, il correspond au centre de la base du cône. Le point R
se trouve à 3cm de C. Les points P et P’ sont mobiles : lorsqu’on déplace P le long de la figure de
départ, le point P’ réalise le dessin anamorphosé.
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Nous avons réalisé une simulation de pantographe à l’aide du logiciel géogébra :
Nous avons également essayé de réaliser nous même un pantographe :
Grâce au théorème de Thalès, nous avons pu aussi justifier que la construction à l’aide du
RK d'
pantographe n’est qu’une approximation de l’anamorphose réelle car le coefficient
= est fixe
RE d
18d
d'
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alors que nous avons vu dans la formule que d’ =
c’est-à-dire que normalement =
12 − d
d 12 − d
et dépend donc de d.
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IV.
D'autres types d'anamorphoses
Notre étude s'est limitée à ces 2 types d'anamorphoses mais il en existe en réalité bien d'autres.
On pourrait par exemple évoquer des anamorphoses sphériques, cylindriques ou pyramidales. Le
principe est alors le même celui de l'anamorphose conique, mais au lieu de regarder dans un cône,
on regarde dans une sphère, un cylindre ou une pyramide.
On trouve par exemple les anamorphoses cylindriques dans les cuisines, avec les casseroles, ou
dans le principe des miroirs déformants mais également dans les emballages, comme les cannettes,
de façon à ce que le texte soit bien lisible.
Jonty Hurwitz a repris le principe de l'anamorphose cylindrique, sauf
qu'au lieu de dessiner ou peindre, il a sculpté, comme ici sur cette
sculpture d'une grenouille.
Il existe d'autres anamorphoses comme l'anamorphose 3D, l'anamorphose architecturale et
l'anamorphose ludique. Ainsi, Felice Varini est un artiste peintre contemporain. Son travail prend
souvent des formes spectaculaires : il utilise comme support, les lieux et les architectures des
espaces sur lesquels il intervient en utilisant la technique de l'anamorphose, à l’aide d’un projecteur.
Voici par exemple une de ses œuvres réalisée au Grand Palais à Paris :
A gauche, le dessin réalisé lorsqu’on le regarde du « bon endroit » et à droite le même dessin mais
vu d’un autre endroit.
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Pour terminer, nous pouvons parler d’une autre
application qui consiste à représenter des cartes
non pas en fonction des distances réelles mais en
fonctions de l’éloignement temporel des différentes
villes. Par exemple la SNCF a représenté la
France de façon anamorphosée, l'échelle n'est
donc pas le km, mais l'heure.
Cette représentation permet de se rendre compte
de la proximité relative des villes les unes par
rapport aux autres.
Le phénomène est d'ailleurs flagrant autour
de la capitale.
V.
Conclusion
Dans ce projet, nous avons réussi à mettre en évidence que les mathématiques peuvent être là où on
les attend le moins. Ainsi on croise des anamorphoses presque tous les jours : dans la rue, dans les
stades, à la télévision...
Nous avons pu également découvrir des transformations que nous ne connaissions pas et qui ne
fonctionnent pas du tout comme les symétries que l'on étudie au collège : c'est en effet surprenant
de voir un segment qui devient un arc de cercle !
Ce projet nous a également permis de découvrir certaines lois simples de l'optique ainsi que des
formules de trigonométrie.
Malheureusement, nous n'avons pu étudier en détail que deux types d'anamorphoses mais nous
comptons poursuivre ce projet d'ici la fin de l'année et approfondir le travail réalisé par Varini afin
d'essayer de construire nous même un dessin de ce type dans notre collège.
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