ACTES 2011 Document

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ACTES 2011 Document
XXIIIème Colloque ASCOMED
Santé des élèves, santé des personnels
Quels liens ? Pour quelle prévention ?
Domaine des Portes de Sologne
200 Allée des 4 vents
45 160 ARDON
ASCOMED
Colloque 2011
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REMERCIEMENTS
Région CENTRE
Conseil Général du Loiret
Ville d’Orléans
Académie d’Orléans Tours
Inspection académique du Loiret
ASCOMED
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Remerciements à nos partenaires et sponsors
CNIEL
ELECTRONICA Technologies
HEPHAÏSTOS
JLM Médical
La LYONNAISE des EAUX
SCR
WEBOAK
WIDEX
Remerciement particulier au CRIPS Ile de France
pour son accueil dans ses locaux parisiens tout au long de l’année.
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Colloque 2011
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Table des matières
pages
1 – Carte des participants
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2 - Programme
6-7
3 – Ouverture du colloque
8- 15
4 – Présentation de la problématique : Dr Jeanne KOCHANOWSKI,
16 - 20
MCTR rectorat de Strasbourg
5- Le climat scolaire : un déterminant de la santé des élèves
21 - 34
et des adultes de l’Ecole – Christine FERRON : IREPS de Bretagne
6 – Regards croisés sur le climat scolaire : modérateur Dr KOCHNOWSKI
Christophe STUDENY : proviseur vie scolaire, académie de Dijon
35 - 37
Geneviève PINIAU, proviseur de lycée (Essonne)
38 - 40
Patricia GAROUSTE : psychologue scolaire (Bouches du Rhône)
41 - 45
7 – Les adolescents difficiles : renforcement des compétences des enseignants
Sylvie DIEUMEGARD, professeur de philosophie et Dr Marie-Thérèse ROUX,
MCTR – académie de Poitiers.
46 - 52
8 – « Apprendre à mieux vivre ensemble » : un programme en milieu scolaire
Corinne MERINI, enseignant chercheur, université de Clermont Ferrand
53 - 66
9 – Santé des élèves, santé des adultes : quelles interactions ?
Interview du Dr Nicole CATHELINE, pédopsychiatre, université de Poitiers.
67 - 72
10- Rapports enfants/adultes : violence et autorité en question
Eric DEBARBIEUX, professeur en sciences de l ‘éducation, université de
73 - 80
Bordeaux.
11 – Ateliers : synthèse rapide
81 - 82
12 - Bibliographie
83 - 84
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Carte des participants
76 inscrits
74 présents dont
18 MCTR
46 MCTD
2 Médecins CTR des DOM TOM
4 Honoraires
2 Médecins du ministère EN
1 Médecin de l’EHESP
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Programme du colloque
Santé des élèves, santé des personnels :
Quels liens ? Pour quelle prévention ?
Mercredi 18 mai
12H 45 Accueil des participants et visite des stands
13H 45 Ouverture du Colloque :
14H 35
- Mme la présidente de l’ASCOMED
- M. le Vice-Président du Conseil Général du Loiret
- M. le président du Conseil Régional
- Mme le Recteur de l’académie Orléans –Tours
- Mr le directeur de la DGESCO
Informations pratiques : Dr Françoise BREGEAT et Cécile GRUEL.
14H 45 Contexte de la problématique : Dr Jeanne KOCHANOWSKI (MCTR Strasbourg)
15H
Le climat scolaire: un déterminant pour la santé des élèves et des adultes de
l’Ecole. Christine FERRON, directrice de l’IREPS Bretagne.
16H
Pause et visite des stands
16H 30
Regards croisés sur le climat scolaire :
- M. Christophe STUDENY, PVS au rectorat de Dijon
- Mme Geneviève PINIAU, proviseur lycée de Corbeil (91)
- Mme Patricia GAROUSTE, psychologue scolaire à La CIOTAT (13)
Animation : Dr Jeanne KOCHANOWSKI (MCTR Strasbourg)
18H
Assemblée générale de l’association.
Jeudi 19 mai
8H 30
Visite des stands
9H
Ateliers 1 :
Critères d’évaluation à retenir pour apprécier un climat scolaire
10H 30 Pause et temps des partenaires
11H
Ateliers 2 :
Quelles propositions les MCT peuvent- ils faire ? et Quels dispositifs ou quels
partenaires peuvent-ils mobiliser ?
12H 30 Pause déjeuner sur place et visite des stands
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14H
« Les adolescents difficiles : renforcement des compétences des enseignants » :
Dr Marie-Thérèse ROUX (MCTR Poitiers) et Sylvie DIEUMEGARD professeur de
philosophie (académie de Poitiers).
15H 15
Pause et visite des stands
15H 45
« Apprendre à mieux vivre ensemble »: un programme en milieu scolaire.
Corinne MERINI, enseignant chercheur, université de Clermont Ferrand..
17H
Réception à la mairie d’Orléans
17H 45
Visite guidée de la ville
20 H 30
Soirée de Gala
Vendredi 20 mai
8H 30
Visite des stands
9H
Synthèse des ateliers : présentation des animateurs rapporteurs.
9H 30 Santé des élèves/santé des enseignants : les interactions.
Interview enregistré du Dr Nicole CATHELINE, pédopsychiatre, université de
Poitiers.
10H 30 Pause, visite des stands
11H
Les rapports enfants/adultes en milieu scolaire : violence et autorité en question ?
Eric DEBARBIEUX, sciences de l’éducation, Université de Bordeaux II.
12H 30 Clôture du colloque par le Dr Marie-Thérèse ROUX, présidente de l’ASCOMED.
Lieu du colloque
Domaines des Portes de Sologne, 200 allée des Quatre Vents, 45160 ARDON-OLIVET
Organisation : Dr Françoise BREGEAT et Dr Cécile GRUEL.
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Ouverture du colloque
Madame le Recteur,
Monsieur le Président du Conseil Régional,
Monsieur le vice-président du Conseil Général,
Au nom de mes collègues, je vous remercie de nous faire l’honneur d’ouvrir ce XXIIIème
colloque de l’Association des Médecins Conseillers Techniques de l’Education Nationale.
Permettez-moi de vous transmettre les excuses de Mme Nora BERRA, Secrétaire d’Etat en
charge de la Santé, de Mr Etienne APAIRE, Président de la MILDT, ainsi que des professeurs
PETITCLERC et BRIANÇON, membres de notre Conseil Scientifique.
Professionnels de santé publique, les médecins conseillers techniques de l’éducation nationale
assurent l’animation et l’encadrement du réseau des médecins scolaires. L’ASCOMED, qui
regroupe 85% d’entre eux, a pour objectif de contribuer au renforcement de leurs compétences
par des échanges de pratiques, un partage d’outils et un temps annuel d’échanges sur un thème
souvent novateur. C’est encore le cas cette année puisque nos travaux vont porter sur
l’articulation « Santé des élèves- Santé des personnels », vaste programme encore expérimental
quant à sa mise en œuvre, même si tout un chacun est convaincu de la pertinence de cette
démarche.
Après avoir analysé le contexte de la problématique avec notre collègue du rectorat de
Strasbourg, nous interrogerons le concept de « climat scolaire » comme déterminant de santé à
partir d’un exposé liminaire et de regards croisés pluri-professionnels. Un travail en ateliers
nous permettra ensuite d’échanger et d’élaborer des axes prioritaires. Deux expériences nous
seront ensuite présentées, celle de l’Académie de Poitiers, ainsi qu’un programme de recherche
de l’Université de Clermont-Ferrand : « Apprendre à mieux vivre ensemble ». Nous terminerons
le colloque par l’apport d’un pédopsychiatre et de Mr DEBARBIEUX qui vient d’animer
récemment les «Assises Nationales du Harcèlement ».
Madame le Recteur, Monsieur le Président du Conseil Régional, Monsieur le vice-président du
Conseil Général, votre présence à mes côtés est un symbole fort de votre soutien à notre
réflexion et nous vous en remercions.
Merci à vous chers collègues pour votre présence et votre soutien sans faille. Un grand merci
aussi à nos parraineurs qui nous permettent de pouvoir solliciter des intervenants de renom pour
notre regroupement annuel.
Bon colloque à toutes et à tous. Dr Marie-Thérèse ROUX, Présidente de l’ASCOMED.
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Discours d’ouverture de M. GANAY,
vice-président du conseil général du Loiret
C’est avec plaisir Madame la Présidente que je souhaite vous accueillir dans le Loiret au nom de
l’ensemble des personnalités de ce département.
Notre présence parmi vous est toute simple, en dehors de ces quelques mots d’accueil, et je veux
souligner que nous sommes tous concernés par votre association et le thème de ce colloque en
tant que politiques en charges des collèges.
Nous avons 67 collèges dans ce département, 36000 élèves, et nous avons le souci de leur offrir
un cadre de qualité. Qui dit qualité dit possibilité d’enseigner dans les meilleures conditions
possibles. Il faut donc créer les conditions favorables en toute sécurité, dans le respect de la loi,
pour un enseignement de qualité se déroulant dans la sérénité. Ce ne sont pas seulement les
politiques, les parents ou les enseignants qui sont concernés par les problématiques que vous
avez choisies d’aborder au cours de ce colloque. Tout le monde doit l’être mais en tant que
politiques nous nous devons de nous impliquer.
Je veux rappeler que nous avons aussi des responsabilités dans le transport scolaire, 26000
élèves transportés, et nous essayons d’associer à nos réflexions tous les personnels mais aussi
les chauffeurs de cars pour améliorer les conditions de transport et ainsi contribuer davantage
encore à cette sérénité. C’est donc toute la chaîne des personnels qui contribue à l’amélioration
du confort des élèves.
Je terminerai rapidement car j’ai vu l’ordre du jour très chargé de ces journées qui s’adresse à
des personnels de l’enseignement habitués à travailler. Nous autres politiques nous aurions déjà
pris quelque pause…….
Je vous souhaite tout simplement de fructueux travaux et une très bonne journée et je passe la
parole à Monsieur le Président du Conseil Régional du Centre.
Monsieur Claude De GANAY
Vice-président du Conseil Général du Loiret.
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Discours d’ouverture de M. BONNEAU,
Président du conseil régional du Centre
C’est un grand plaisir de vous accueillir pour ce colloque en région Centre. Nous sommes
Madame le Recteur dans une région dont les territoires coïncident avec l’académie, ce qui n’est
pas partout le cas.
J’ai le plaisir de vous accueillir et de vous dire l’importance que la collectivité régionale porte à
vos missions, et en tant que vice-président de l’association des régions de France je crois
pouvoir le dire de manière générale. Ce sont des missions qui sont celles de l’état que vous
servez avec passion en direction des lycéens des lycées généraux et des lycées professionnels.
Ce sont des missions qui, me semble-t-il, ont une importance centrale. Je ne crois pas être
déformé par la distance en matière d’âge en disant que les adolescents d’aujourd’hui sont
confrontés à des interrogations très vives au moment de la construction de leur personnalité.
Les chiffres que nous avons en région sur le décrochage, sur l’abandon, qui ne sont que la partie
visible des malaises de nos jeunes, attestent de la grande difficulté qu’ils ont aujourd’hui à se
construire. Ils doivent trouver l’harmonie entre leurs aspirations professionnelles,
l’épanouissement de leur personnalité, leurs traits de caractère, la stabilisation de leurs relations
aux autres et la découverte ou l’avancée dans leur vie amoureuse.
Tout cela est aujourd’hui un problème considérable pour nos jeunes dans une société aux
fondamentaux pas toujours bien lisibles. Ils doivent se construire dans une instabilité que les
générations précédentes ne connaissaient pas.
Les jeunes ont davantage besoin d’être soutenus par un certain nombre d’acteurs de
l’éducation : pas seulement les enseignants mais aussi des spécialistes que sont les infirmières,
les assistantes sociales, les CPE…..
Vous avez choisi une thématique courageuse pour ce colloque. C’est une thématique
courageuse, madame la Présidente, parce qu’il y a une certaine facilité institutionnelle à
considérer que si les jeunes ne vont pas bien c’est la société qui est en cause, ou un milieu
familial instable.
Plus globalement, les jeunes dans cette société-là demandent au sein de l’institution un dialogue
direct ou indirect, différent de celui qui était recherché par le passé. Ils recherchent des
enseignants capables d’aller de plus en plus dans l’individualisation du regard et du dialogue,
mais pas des enseignants copains. Ils veulent des enseignants capables d’anticiper sur une
difficulté pas encore exprimée mais déjà vécue par un dialogue formel, une attention et une
démarche orientée vers une écoute organisée.
Mais lorsque cette relation, qui a une vraie intensité, est déséquilibrée du côté de l’enseignant ou
insatisfaisante car le positionnement de l’enseignant ne correspond pas à ce que les jeunes
attendent en fonction de ce qu’ils vivent par ailleurs en fonction de la société, alors ils acceptent
mal ou moins bien cette relation et peuvent le vivre très difficilement. Ils entrent alors dans une
opposition ou une réaction parfois très dure qui engendrent des tensions de part et d’autre. Ce
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n’est pas évident d’entendre cette nouvelle interrelation entre l’enseignant et le jeune tel qu’il
est, et ce n’est pas une critique vis à vis des enseignants ou de l’éducation nationale.
Je crois qu’avoir pris ce thème pour le creuser, pas forcément pour y répondre car ce n’est pas
quelque chose qui s’épuise en un colloque même s’il est très documenté et convoque beaucoup
d’intelligences et de savoirs autour de cela, c’est très bien.
C’est très bien de poser ce problème-là, de s’armer progressivement dans les rectorats et les
inspections académiques avec vos collègues pour prendre quelques distances et pouvoir jouer un
rôle qui permettra d’éclaircir la relation entre enseignants et jeunes. C’est de l’interaction.
Je terminerai en parlant des enseignants. Le métier d’enseigner n’est pas simple, l’équilibre est
sans doute plus précaire que par le passé. Je ne dis pas qu’ils sont moins solides mais je pense
qu’il y a des phases de découragement face à des évènements durs, des phénomènes de groupe
qui se nouent dans les établissements, des ambiances de classes qui déstabilisent. Le tout dans
un contexte où la société ou les familles critiquent systématiquement les enseignants.
Ça mérite d’être dit, sans blesser, mais il faut le dire avec des mots et si votre colloque y
participe c’est une excellente chose.
Merci de cette initiative.
Monsieur François BONNEAU,
Président de la Région Centre
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Discours d’ouverture de Mme REYNIER,
Recteur de l’académie d’Orléans Tours
C’est un plaisir pour moi et un honneur d’ouvrir aujourd’hui vos travaux et comme l’ont dit
précédemment nos élus, c’est une préoccupation des régions et de tous les départements de faire
en sorte que les jeunes s’épanouissent davantage avec une envie de gagner plutôt qu’avec la
peur de perdre.
Je note moi en tant que recteur, et tous les recteurs vous le diront, une évolution qui n’est pas
satisfaisante des climats scolaires, et du climat en général. J’étais hier dans un collège où j’ai vu
des enseignants au bord des larmes devant des problématiques quotidiennes. Je me suis dit qu’il
y avait un problème à résoudre du côté de la santé car je crois qu’aujourd’hui les problèmes sont
beaucoup trop abordés sur un mode personnel. Je me demandais d’ailleurs si c’était dû à la
féminisation, mais je n’en dirai pas plus….
Nous sommes là pour poser des questions et j’utiliserai ce que j’ai appris à l’université c’est à
dire « ne m’interdire aucune question ». Jean Michel BLANQUER nous l’a rappelé : « le rôle
maternant est un rôle de protection alors que l’on recherche un rôle de lancement, un rôle
d’impulsion ».
Je voudrais défendre ici la nouvelle façon de recruter les enseignants, on ne doit pas être
nombreux à le faire. On lance dans le bain les jeunes enseignants, ce sont des « bébés nageurs ».
Ce n’est tout de même pas l’école des « Marine’s » loin de là mais néanmoins il est important
de mettre rapidement les jeunes enseignants devant la réalité de ce qu’est devenue la classe, la
réalité de ce que sont devenus nos enfants aujourd’hui, la réalité des sujets qu’ils auront à
résoudre en classe en plus de la mission d’apprendre et de cultiver. Car on leur demande
d’assurer une mission éducative.
L’exigence est énorme et je crois que les préparer tout en douceur comme on le faisait avant
faisait que nous avions en début de carrière des aménagements sans fin pour des jeunes qui
n’étaient pas faits pour ce métier. Or quand on n’est pas fait pour ce métier il vaut mieux le
savoir très vite car ce métier ne pardonne pas.
Donc je crois qu’il faut être très lucide au sujet des exigences et des contraintes de ce métier, il
faut être accompagnant et non pas enseignant seulement. C’est valable d’ailleurs pour tous les
personnels, pas seulement les enseignants : je pense aux personnels administratifs, aux CPE. Ils
sont des « contrats aidés » pour les jeunes. Ils essaient de comprendre les situations. C’est aussi
la volonté des élus, de la PJJ, de la gendarmerie, de la police…. Nous n’avons qu’un cinquième
du temps éveillé d’un élève pour faire cela. Pendant les quatre autres cinquièmes que se passe-til ?
Les enseignants et les personnels ont droit à la fatigue mais il faut qu’ils comprennent qu’ils
sont les instruments, au sens noble du terme, d’une ambition pour la France, d’une ambition
d’élever le niveau des qualifications de nos jeunes, de les placer en position de produire des
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richesses pour notre pays et pour qu’ils continuent à élever leurs enfants dans un système
d’améliorations successives du niveau de vie et de civilisation.
Je porte volontairement le propos à ce niveau parce que je sens que toutes les équipes sont
engluées dans des pathos qui sont entretenus. On ne peut pas continuer à travailler dans le
pathos et dans une victimisation systématique. Il y a tant de choses à faire ! C’est pourquoi je
disais qu’il faut donner l’envie de gagner plus que la peur de perdre. Les enseignants doivent
comprendre qu’on est à un tournant de structuration. Il est vrai qu’ils ne sont pas nés 30 ans
avant où ils auraient connu les « 30 glorieuses » mais on ne peut pas faire un procès à ses
parents parce qu’ils nous ont fait naître trop tôt ou trop tard. Donc je crois qu’il faut accepter la
civilisation, la période et le contexte international dans lesquels nous vivons.
La qualité de la relation adolescent/adulte est au cœur de la réussite, du transfert des
connaissances, du transfert de confiance et de la fertilisation de la confiance. Confiance en soi
c’est ce qu’il faut donner aux jeunes.
Ici on ne prend pas de risque, je parle de l’académie d’Orléans Tours, quand je regarde ce qui se
passe. Les jeunes ici ne sont pas plus bêtes qu’ailleurs or ils redoublent plus et ce n’est pas
normal. Il n’y a pas d’ambition au sens où il n’y a pas de prise de risque. « Non on ne va pas le
laisser passer en lycée parce qu’il ne va pas suivre, il sera malheureux ». Ce n’est pas comme
cela qu’il faut parler aux jeunes, il leur faut « un coup de pied au derrière », virtuel bien sûr pour
qu’ils aillent plus loin. Il faut arriver à changer cette ambiance là pour modifier la santé
psychosociale de nos établissements. Il faut donner des conditions de travail qui soient porteuses
quelles que soient les conditions matérielles. Il y a des pays pauvres où les gens ont de l’espoir,
l’envie de faire, et ils se débrouillent et ça marche.
Je note qu’il y a le potentiel mais la souffrance de quelques-uns vient tout perturber. Ces
quelques-uns qui n’ont pas choisi ce métier. C’est un métier très féminisé considéré comme un
métier second. Il a été choisi pour le confort, pour la rationalité. Confort car il permet d’élever
ses enfants etc…. je connais cela. Ces femmes ont choisi le métier de façon rationnelle, pas avec
« leurs tripes ».
On vient souvent me dire « j’ai 10 ans de métier, je suis fatiguée ». 10 ans c’est une période en
effet qu’il faudrait étudier et surveiller. J’ai d’ailleurs une commande à vous faire : organiser un
repérage après 10 ans de métier pour mettre en place une reconversion, une dynamique qui
prendrait en compte la fatigue du métier que l’on n’a pas choisi. J’aimerais que vous collectiez
des données, des informations pour repérer les grandes lignes de fragilité. Chez les hommes
c’est davantage l’atteinte à l’autorité qui n’est pas supportée. Vous avez là un certain nombre de
clefs qu’il faut collecter, repérer, modéliser pour agir. Collecter, repérer les formes de détresse
pour comprendre comment cette génération se place. Quels idéaux n’arrivent pas à se
concrétiser sur les projections que fait l’Ecole ? Que peut-on faire dans ce sens ? Fournir les
grandes lignes de fragilité pour agir et proposer au ministère des actions précises et concrètes
pour améliorer ce climat c’est ce que j’aimerais vous demander.
Je sais que dans toutes les académies beaucoup de choses se font. Il faudrait les rassembler pour
en faire un outil d’évaluation, de veille et de formation. Une seule personne ne peut pas donner
à elle seule la réponse. C’est un travail collaboratif de mise en commun qu’il faut mettre en
œuvre.
Je vais m’arrêter ici car le cahier des charges est lourd et vos journées chargées.
Je vous souhaite de très bons travaux.
Marie REYNIER
ASCOMED
Recteur de l’académie Orléans Tours
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Enregistrement du mot d’accueil de M. BLANQUER,
Directeur général de l’enseignement scolaire, ministère de l’Education nationale.
Bonjour à toutes et à tous,
Je suis particulièrement heureux d’intervenir au début de ce congrès et je tiens ce-faisant à
saluer d’abord le travail de votre association.
Je pense que pour tous les métiers de l’EN il est important d’avoir un recul sur les pratiques
professionnelles, une réflexion collective et un travail d’équipe. C’est tout particulièrement vrai
pour les professionnels de santé que vous êtes, pour les médecins que vous êtes. Vous avez
besoin de ce recul, de cette réflexion et de l’interaction avec l’ensemble des autres professions
de l’EN. Un congrès comme celui-ci contribue à des réflexions de ce type.
Le thème que vous avez choisi m’intéresse tout particulièrement. Nous avons besoin sur ce
sujet, comme sur d’autres, d’avoir une vision globale de l’établissement. Il est évident que le
bien-être des acteurs de l’établissement, les élèves comme les adultes, et le climat scolaire font
un seul et même sujet.
Bien sûr il ne faut pas avoir une vision trop large de ce qu’est la santé car on peut arriver à ce
que tous les sujets soient des sujets de santé. Mais en même temps nous devons être conscients
du fait que la santé de tous, santé physique et santé psychologique, est le socle de l’activité
générale qui se déroule dans un établissement. Il n’y a pas une bonne santé des enfants s’ils
perçoivent qu’il n’y a pas une bonne santé générale de l’établissement qui passe par la bonne
santé des adultes. Il est donc évident que nous devons avoir une préoccupation globale sur ces
sujets sans pour autant rattacher tous les problèmes à des problèmes de santé.
A partir de là il faut avoir plusieurs pistes de réflexion. A la fin de ce colloque vous écouterez
Eric BEBARBIEUX, qui avec son conseil scientifique, a eu un impact important ces derniers
temps sur les réflexions de l’EN en matière de climat scolaire.
Tout au long de ces journées vous allez vous pencher sur l’impact du climat scolaire sur la santé
de tous. Je crois qu’il est bon et intéressant d’examiner les interactions entre santé des adultes et
santé des élèves. Je serai donc très attentif à ce que vous direz et penserez sur ces questions
complexes.
Il est très important aussi de définir le périmètre de ces enjeux et notamment d’arriver à voir les
interactions entre enjeux directs de santé et les enjeux de bien-être et de climat scolaire, étant
entendu que la notion de bien-être est une notion qui surgit de plus en plus dans le système
scolaire français.
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Nous sommes de plus en plus attentifs non pas à la vision maternante de ce que doit être l’école
ou l’établissement scolaire mais à une vision qui n’est pas aveugle sur cette question du bienêtre. D’autant que ce n’est pas le point fort de la France aujourd’hui. Nous avons d’autres points
forts mais pas sur ce plan.
Nous avons besoin de réfléchir à ce que pourrait être une éducation qui se réalise au mieux
parce que le bien-être aura été atteint au sein des établissements.
Donc je vous souhaite un excellent congrès, des réflexions riches. Je veux vous dire enfin toute
mon attention et tout le respect pour le travail que vous exercerez.
Merci.
Jean-Michel BLANQUER
Directeur Général de l’Enseignement Scolaire
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Contexte de la problématique
Dr Jeanne KOCHANOWSKI
Médecin conseiller technique, rectorat de Strasbourg
« Un des déterminants essentiel de la santé des enfants et des adolescents à l’école est la qualité
des conditions de vie et de travail qu’offre ladite Ecole. Ce déterminant vaut aussi pour la santé
des adultes de la communauté éducative, et les deux s’interpénètrent ».
C’est ainsi que l’équipe de préparation de ce colloque a cerné la problématique.
A cela j’ajoute que :
- la qualité des conditions de vie et de travail à l’école est également déterminée par la société
dans laquelle nous vivons. Il nous faut donc dire quelques mots sur cette société de 2011, sur
l’école de 2011 et son climat scolaire.
- l’enseignement étant un acte relationnel, la qualité des relations entre les enseignants et les
élèves a un impact considérable sur les difficultés et les réalisations des uns et des autres, et du
coup, sur la santé des uns et des autres. Il paraît donc important d’aborder également ce qui peut
faire acte de prévention dans cette relation adulte-enfant
Mon intervention déclinera ainsi les 4 points suivants :
- le contexte sociétal
- le climat scolaire
- la santé perçue par les acteurs de la vie scolaire
- le rôle du médecin conseiller technique dans la prévention
I – LE CONTEXTE SOCIETAL
Notre société est marquée par un état de crise quasi permanent depuis quelques décennies. Cette
crise a de multiples visages. Nous assistons à l’effondrement généralisé de l’espoir mis dans le
progrès, laissant la place à une extraordinaire incertitude pour le futur :
La crise économique et financière entraîne son lot de précarité, d’exclusion.
La crise politique se manifeste par l’incapacité des dirigeants à penser et à affronter la
nouveauté, l’ampleur et la complexité des problèmes.
La crise démographique se révèle par les flux migratoires de populations déracinées
La crise du religieux met à mal les progrès de la laïcité
La crise des valeurs fait éclater les repères qui nous contenaient.
Mais s’il y a une crise qui touche tout particulièrement notre société c’est LA CRISE DE LA
RELATION A L’AUTRE :
Sans vouloir rappeler les fondamentaux, je voudrais cependant insister sur quelques notions du
développement de l’enfant afin d’asseoir mes propos ultérieurs.
« L’enfant nait au monde et nait du monde ». (Pierre Karli)
Il nait dans une famille, elle-même ancrée dans une culture, à un moment donné.
L’enfant se construit par et avec la relation à l’autre. Et là j’insisterai sur deux éléments de cette
relation dont l’impact se ressent à l’école tout particulièrement : la parole et la reconnaissance
par l’autre.
-L’enfant nait de la parole et se construit par la parole.
Son identité psychosociale se met en place au fur et à mesure de son développement en
interaction avec son environnement où le rôle des parents est essentiel : les échanges, les
encouragements, les confrontations, les censures participent à forger une personnalité capable
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de relations interpersonnelles et de vie sociale. Lorsque cette parole existe peu, est fruste,
lorsqu’elle est remplacée très tôt par le discours désincarné d’une télé, sans échanges et
interactions, lorsque cette parole se poursuit plus tard, à l’adolescence, par la communication
virtuelle, nous savons ô combien que les relations aux autres sont alors difficiles. Nous
connaissons tous ces communications non verbales passant par les MAUX quand il n’y a pas de
MOTS pour dire.
Le besoin de l’autre se manifeste par le besoin vital d’être reconnu par l’autre
- Ainsi, l’absence de relation à l’autre ou le peu de relation à l’autre et les échanges qu’elle
permet apparaît clairement dans le développement des troubles socio-affectifs chez l’enfant qui
a souffert de négligence, de carence affective. (cf les troubles des comportements et…)
La non-reconnaissance par l’autre génère l’insécurité, l’absence d’estime de soi, voire la
violence envers soi ou envers les autres
- Lorsque des défaillances parentales font des enfants sans repères, des enfants incapables de se
maîtriser, qui ne vivent que dans l’instant présent, qui ne savent pas ce qu’ils veulent, si ce n’est
la satisfaction immédiate de leur désir du moment, c’est à l’école que ces comportements se
manifestent dès leur scolarisation.
- L’éclatement de la cellule familiale parfois, mais aussi l’envahissement de la TV, des jeux
électroniques ou virtuels, de l’internet parasitent les échanges personnalisés.
« Les nouvelles technologies et les gadgets créent un monde des images et des messages
numérisés qui poussent dans l’ombre ce partage de la parole et des sentiments sans lequel la
relation à l’autre et notre commune humanité s’étiolent » (Pierre Karli)
Nous vivons dans une société insécure, offrant aux enfants peu de contenant, une société
individualiste, peu communicante malgré une débauche de sur-communication notamment par
la voie des nouveaux média tels l’Internet, de l’immédiateté, (tout se sait tout de suite et du bout
du monde), sans qu’il y ait possibilité de prendre du recul pour lire et comprendre l’évènement.
Un monde où l’autorité est mise à mal, contestée, où l’école n’est plus le sanctuaire du savoir
puisque ce savoir existe autre part.
En bref : la dégradation des relations humaines, avec la montée des incivilités et des violences
se manifeste dans l’évolution des mentalités collectives et individuelles dans la société et à
l’école. La revendication de l’autonomie et des libertés individuelles, le rejet de toute obligation
et de toute contrainte conduit à la délégitimation de toute autorité. Or l’école représente
l’autorité mais n’a plus de légitimité pour certains enfants « déracinés socialement ». C’est donc
en conséquence le climat scolaire qui se détériore.
II LE CLIMAT SCOLAIRE
Pour appréhender le monde tel qu’il change, l’école devrait jouer un rôle intégrateur de tous
les éléments précités (les crises et la perte des repères, les enfants déracinés au sens large) afin
de donner du sens à ces évolutions.
CE QUI SE JOUE AUJOUR’HUI C’EST LA QUESTION DU SENS :
- sens pour les enseignants dans leur rôle de pédagogue, d’éducateur, d’adulte référent
- sens pour les élèves-enfants-adolescents en devenir d’adulte à leur tour.
Or dans cette société en proie à ses crises, l’école vacille quelque peu.
Les enseignants sont ébranlés dans leur légitimité, tiraillés entre une formation qui les a rendus
peu aptes à être des éducateurs et non plus seulement des transmetteurs de savoirs, capables
d’accompagner individuellement chaque enfant dans son cursus singulier alors qu’ils doivent
aussi mener un groupe classe à des « réussites »…Des enseignants qui travaillent encore bien
seuls, de façon isolée, parfois même en compétition…alors qu’un nouveau management leur
impose une collégialité, que certains vivent comme une contrainte… dans un contexte où les
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réformes succèdent aux réformes, sans que les enseignants justement n’y soient associés, et sans
qu’ils en comprennent toujours le sens…
Et puis il y a tous ces élèves si différents, d’horizons si hétéroclites, qui devraient tous accéder
au SAVOIR, à un savoir capable de les intégrer dans la vie active, « aucun élève ne doit quitter
l’école sans compétence » est-il écrit.
Alors se pose la question du « comment faire face » : comment faire face à ces élèves différents
dont certains ne sont pas prêts aux apprentissages, ni même au vivre-ensemble ? Comment faire
face pour les enseignants aux multiples réformes qui se succèdent, l’une poussant l’autre sans
parfois la remplacer ? Comment faire face pour les chefs d’établissement au management des
équipes en crise, des situations d’incivilité et de violence ?
Mais qu’est-ce donc que ce climat scolaire que l’on perçoit bienveillant ou malveillant ?
« C’est la perception qu’a le personnel de son environnement de travail » dit HORENSTEIN.
Si la culture fait référence à des valeurs et des croyances partagées, le climat reflète la façon
dont les choses sont faites : la façon dont l’établissement est géré, le processus de prise de
décision, la relation entre collègues, la reconnaissance, les rôles, les objectifs.
Le climat fait davantage référence à l’effet que l’école a sur les élèves : les élèves sont sensibles
à l’ambiance scolaire qui peut être sécurisante ou angoissante, confiante ou répressive ; et ils y
répondent par les comportements studieux, dérangeants, voire violents …qui eux-mêmes
participent au climat de la classe, de l’établissement.
Lorsqu’on parle de détérioration du climat scolaire, on parle du ressenti des différents acteurs
face à une ambiance délétère causée par les incivilités et les violences, la perte de l’autorité pour
les uns, la perte des repères pour les uns et les autres.
Et c’est ce climat scolaire qui a un impact sur la santé des uns et des autres.
III- PARLER DE LA SANTE DES ELEVES ET DE LA SANTE DES PERSONNELS
C’EST ABORDER LA QUESTION DE LA PERCEPTION DE LA SANTE A L’ECOLE ;
1) Pour les élèves
De nombreuses études et publications abordent le thème de la santé des enfants et adolescents à
l’école. Certains rapports du Haut Comité de Santé Publique ont fait état du mal être, voire de
souffrance psychique des adolescents. Ces mêmes textes légitiment les missions des personnels
de santé à l’école, le rôle des CESC entre autre, de la politique de santé à l’école. Ainsi nous
avons pu lire que les conduites violentes se retrouvent chez 10 à 40% des jeunes, qu’elles sont
fréquemment associées à des violences subies, à des conduites à risque ou à des consommations
de produits…que la souffrance psychique s’exprime par des comportements suicidaires, des
conduites addictives, des absentéismes… On nous cite les facteurs de vulnérabilité, les facteurs
de protection…
C’est tout particulièrement l’enquête HBSC qui depuis plusieurs années nous permet de suivre
l’évolution de ce que les élèves nous disent de leur santé. Les 3 classes d’âge enquêtées
s’expriment sur les domaines suivants : les relations dans la famille, les relations entre amis, le
mal-être ou bien-être à l’école, les consommations…
L’analyse de ces enquêtes nous a permis de déceler différents profils d’élèves, selon les critères
retenus : ceux qui ont des indicateurs de santé peu favorables, ceux où tout va bien, ceux dont
l’état de santé est préoccupant, ceux au comportement à risque plus fréquent…
Nous en parlerons au cours de ce colloque. Mais ce que je peux en dire c’est ceci (en rapport
avec ce que j’ai énoncé plus haut sur l’importance de la parole et du regard de l’autre) :
Le bien-être de l’adolescent est lié à la nature des relations établies avec l’enseignant. Lorsque
l’enseignant va au-delà de son rôle de simple pédagogue pour devenir éducateur, il devient
facteur de protection pour l’élève. Mais pour cela faut-il qu’il acquiert les connaissances
nécessaires relatives à l’adolescence. La façon d’enseigner participe à la prévention plus que
toutes les actions de prévention. Reconnaître l’élève au-delà de ses compétences scolaires
participe à la construction de sa personnalité, à l’estime qu’il a de lui.
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2) Pour les enseignants
Ce sont les enquêtes de Georges FOTINOS auprès du personnel de direction et la synthèse du
Docteur Jean-Marie HORENSTEIN sur « la qualité de vie au travail des enseignants » qui nous
donnent les éléments du ressenti de ces acteurs.
Que peut-on en dire très brièvement ?
Un certain nombre d’enseignants sont en souffrance aujourd’hui car leur légitimité est mise à
mal dans l’exercice de leur autorité et dans celui de transmetteur de savoirs puisque ces savoirs
ne se trouvent plus seulement à l’école. Leur métier est en profonde mutation et génère
l’insécurité ; ce que certains vivent mal, d’où du mal-être.
Les enseignants qui perçoivent leur santé dégradée sont ceux qui déplorent le mauvais climat de
l’école, qu’il soit d’ordre organisationnel ou émotionnel. Ces enseignants sont moins engagés et
peu satisfaits de leur travail, travaillent peu en équipe, sont très dépendants de leur discipline et
du programme, très didactiques et peu pédagogues, souvent moralisateurs, ne connaissant pas
bien leur public, ils ont des difficultés à poser le cadre.
Ces enseignants parlent de stress au travail, de solitude, de mal-être, de perte de l’image. De
quelle image ?
Ce mal-être au travail est bien connu de nos services de médecine de prévention dont le rapport
annuel révèle la montée en puissance des demandes de visite médicale pour motif de stress,
dépression, anxiété.
Si des enseignants vont mal, que dire des chefs d’établissement ? Ils sont confrontés à ces
mutations et doivent manager des équipes pas nécessairement participantes.
Et c’est la raison pour laquelle la majorité des académies ont entamé une réflexion, voir des
actions, sur les risques psycho-sociaux.
C’est dans ce climat scolaire que tous ces acteurs, élèves, adultes, jouent leur partition, à savoir :
la relation à l’autre.
Comme je l’ai dit plus haut, c’est la relation à l’autre qui est en jeu. Et c’est la relation à
l’autre qui donne sens.
Les liens d’attachement donnent sécurité et confiance à l’enfant et lui permettent de se détacher
pour naître aux autres. Ces liens se forgent tout au long de la vie, et incontestablement les
acteurs de l’école jouent leur partition. Mais aussi rappelons-nous que les ruptures du lien
entraînent les dysfonctionnements que nous connaissons, voire les pathologies.
L’élève a besoin d’être reconnu au-delà de ses compétences scolaires pour « être et devenir ».
Ainsi donc l’enseignant est le premier préventeur. Il devient éducateur lorsqu’il établit un lien
de confiance avec l’élève-enfant, basé sur l’estime de sa personne et non seulement sur sa
fonction d’élève.
IV – QUEL EST LE ROLE DU MEDECIN CONSEILLER TECHNIQUE ?
« Médecin de l’élève, il participe à la construction d’une politique de prévention en faveur des
élèves » (Poitiers 2010)
La santé de l’élève est étroitement liée à la santé des enseignants. Alors faisons du lien, faisons
le lien. Comment ?
Aujourd’hui nous nous interrogeons sur nos missions au sein de cette école, dans cette société
en crise-en devenir.
Médecin d’abord, nous avons été formés au « corps morcelé » par organes et fonctions. Alors
qu’une approche globale était notre souci. La vision donnée par la formation en santé publique
nous apporte précisément ce regard plus global, voir sociétal de la santé, mais sans nous
satisfaire totalement.
Médecin de l’éducation nationale, nous sommes les seuls spécialistes en ce domaine, et nos
compétences ne sont plus mises en doute.
Cependant, dans le contexte actuel, il est urgent de nous interroger sur notre action, la
pertinence de celle-ci au sein de l’école d’aujourd’hui. C’est l’un des enjeux de ce colloque.
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Au regard de ce balayage que je viens de faire, à l’écoute des différents spécialistes qui
interviendront durant ces 3 jours, chacun de vous, professionnel en son domaine, aurez des
éléments qui nourriront notre réflexion.
Si je peux me permettre, j’aimerais lancer quelques pistes de réflexion :
- Nous avons un rôle d’observateur par rapport à la santé des élèves et des personnels : quels
liens tissons-nous ?
- Nous pouvons croiser les regards, les ressentis.
- Nous pouvons analyser, essayer d’interpréter les facteurs de vulnérabilité, de protection,
- Nous pouvons susciter des réflexions, partager des connaissances, des savoirs, des savoirfaire, parce que nous avons un savoir-être.
- Nous pouvons, nous devons être une force de proposition afin que la santé des uns et des
autres soit prise en compte. Pour le bien-être de tous et de chacun.
A quel niveau se situera notre action : rectorat, inspection académique, établissement scolaire ?
Auprès de quels acteurs : chefs d’établissement, acteurs de la vie scolaire, enseignants ?
Quels leviers utiliser pour partager notre souci de la santé ?
Et pour clore mon propos je veux partager avec vous ce proverbe ouolof que j’avais inscrit en
exergue de ma thèse de doctorat en médecine :
« LE REMEDE DE L’HOMME EST L’HOMME »
Ainsi j’ai refait le LIEN et j’espère avoir partagé mon souci de l’autre, ce qui donne SENS.
Dr Jeanne KOCHANOWSKI
Rectorat de Strasbourg
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Le climat scolaire
Un déterminant pour la santé des élèves et des adultes de l’Ecole
Christine FERRON
Directrice de l’IREPS Bretagne
Introduction
Merci aux organisateurs pour cette invitation.
Une démarche qui s’inscrit à plus d’un titre dans la promotion de la santé.
D’abord, l’approche par milieu de vie ou par population est préconisée par toutes les
recommandations de bonnes pratiques en promotion de la santé. Il y a donc une grande
pertinence à s’interroger, comme vous le faites aujourd’hui, sur les meilleures façons d’aborder
la santé à l’Ecole, comme un milieu particulier accueillant une population spécifique. En cette
matière, l’approche par les notions de qualité de vie et de bien-être en milieu scolaire, et plus
précisément, de « climat scolaire » s’avère particulièrement pertinente.
Ensuite, l’attention apportée au climat scolaire comme un déterminant de la santé inscrit
complètement votre réflexion dans la promotion de la santé qui juge plus efficace de s’intéresser
aux racines des comportements de santé, qu’à leur expression directe.
CE QUI FAIT CONSENSUS SUR LA NOTION D’ECOLE PROMOTRICE DE SANTE
Pourquoi promouvoir la santé à l’école ?
D’abord, pour agir en faveur de la santé
Pour réduire les inégalités sociales en matière de santé en assurant à tous les mêmes ressources
pour atteindre le meilleur état de santé possible. Pour développer les connaissances et les
compétences psychosociales permettant à chacun de faire des choix favorables à sa santé. Pour
améliorer la capacité de chacun à agir sur les déterminants de sa santé.
Mais aussi, pour améliorer les résultats scolaires
Des élèves en bonne santé apprennent mieux. La préoccupation centrale de l’École est de
permettre la réussite de ses élèves en termes d’apprentissage. Une École promotrice de Santé
(EPS) efficace contribue de façon majeure à ce que les objectifs pédagogiques et sociaux soient
atteints. L’école est un milieu dans lequel les questions relatives à la santé sont utilisées pour
soutenir les priorités pédagogiques. Les écoles promotrices de santé contribuent donc aux
apprentissages en développant des compétences en termes de compréhension, d’analyse et de
synthèse des informations, ainsi que des compétences sociales et des comportements promoteurs
de santé.
Les cinq axes essentiels de la promotion de la santé en milieu scolaire
Une École promotrice de Santé (EPS) met en œuvre les stratégies définies dans la Charte
d’Ottawa pour la Promotion de la Santé rédigée en 1986. Elle comporte donc cinq domaines
essentiels d’intervention :
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• Des politiques pour des écoles en santé
De nombreuses politiques sont susceptibles de promouvoir la santé et le bien-être, par exemple,
celles qui favorisent les pratiques alimentaires favorables à la santé dans le cadre de l’école ou
celles qui sont destinées à décourager les brutalités ou le harcèlement à l’école.
• L’environnement physique et social de l’école
La notion d’environnement physique fait référence aux bâtiments, aux terrains et à l’équipement
à l’intérieur et autour de l’établissement scolaire. Sont concernées par exemple la conception et
la situation des bâtiments ; l’utilisation de la lumière naturelle et de l’ombre de façon adéquate;
l’existence d’espaces sécurisés où pratiquer l’activité physique. L’environnement physique fait
également référence à l’entretien des installations et à la possibilité d’adopter des pratiques
d’hygiène permettant de prévenir la transmission des maladies.
L’environnement social de l’école est une combinaison de la qualité des relations au sein du
personnel scolaire ainsi qu’entre le personnel et les élèves. Il est également influencé par les
relations avec les parents et l’environnement de l’école au sens large, incluant les groupes et
personnes clés au niveau local.
• Des approches de santé communautaire
Dans une école promotrice de santé sont privilégiées les méthodes favorisant la participation et
la prise en charge par les individus et les groupes des questions de santé qui les concernent au
sein de l’école.
• Les compétences individuelles en matière de santé et la capacité à agir
Une école promotrice de santé met en place des activités par lesquelles les élèves acquièrent, en
fonction de leur âge, des connaissances, des compétences et des expériences qui leur
permettront de développer des savoir-faire et d’entreprendre des actions dans le but d’améliorer,
pour eux-mêmes comme pour les autres membres de leur communauté, leur santé et leur bienêtre, et qui amélioreront aussi leurs résultats scolaires.
• Des services de santé
Il s’agit des services basés à l’école ou en lien avec elle, responsables des soins de santé et de la
promotion de la santé auprès des enfants et des adolescents. Ils comprennent :
• Des dépistages et des évaluations ;
• Des services de santé mentale pour promouvoir le développement social et émotionnel des
élèves ; pour prévenir ou réduire les obstacles au développement intellectuel et à
l’apprentissage ; pour réduire ou prévenir les troubles psychologiques, et améliorer les
interactions sociales pour tous les élèves.
Pour être promotrice de santé, une école
- Promeut le bien-être de ses élèves ;
- Vise à améliorer les résultats scolaires de ses élèves ;
- Soutient les concepts de justice sociale et d’équité ;
- Fournit un environnement sans danger et encadrant ;
- Implique la participation et vise l’autonomie des élèves ;
- Articule entre eux les systèmes propres à la santé et à l’éducation ;
- Aborde les questions relatives à la santé et au bien-être de l’ensemble du personnel scolaire ;
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- Collabore avec les parents et la communauté locale ;
- Intègre la santé dans les activités courantes de l’école, dans le cursus scolaire et dans les
critères d’évaluation des programmes ;
- Se fixe des objectifs réalistes basés sur des données précises et des preuves scientifiques
fiables ;
- Cherche constamment à s’améliorer grâce à un contrôle et une évaluation continus.
Dans une école promotrice de santé, la durée est une donnée centrale. Comment maintenir
durablement les réalisations des premières années et leurs effets ?
• Garantir qu’il y ait un engagement actif et un soutien manifeste de la part de l’administration
et des autorités compétentes en vue de la mise en œuvre, de l’actualisation, du contrôle et de
l’évaluation de la stratégie de promotion de la santé.
• Intégrer toutes les actions de la stratégie de promotion de la santé comme des composantes
clés du travail de l’école.
• Susciter et maintenir un intérêt pour les actions de promotion de la santé à la fois à l’intérieur
et à l’extérieur de l’école.
• Garantir le temps et les ressources nécessaires au développement approprié des capacités du
personnel et des partenaires clés.
• Fournir des opportunités de promouvoir la santé et le bien-être du personnel.
• Examiner et actualiser l’initiative tous les 3 ou 4 ans.
• Continuer à garantir des ressources financières adéquates.
• Maintenir en place un groupe de pilotage dans lequel un leader aura été désigné pour
superviser et diriger la stratégie en continuité avec des membres du personnel y compris de
nouveaux arrivants.
• Faire en sorte que la plupart des initiatives impliquent une importante majorité des membres
du personnel et des élèves, de la consultation initiale à la mise en œuvre.
• Faire en sorte que les services d’inspection considèrent bien
o
La promotion de la santé comme faisant partie intégrante de la vie à l’école,
o
Les apprentissages et la réussite scolaire des élèves comme faisant partie intégrante de
la promotion de la santé
Et que tout cela se reflète dans leurs indicateurs d’évaluation.
Les facteurs de réussite d’une action de promotion de la santé en milieu scolaire ont été
clairement identifiés.
Les interventions efficaces présentent des caractéristiques communes :
- Elles privilégient les méthodes interactives et expérientielles (jeux de rôle, mises en situation,
travail pratique sur les ressentis et les émotions, etc.) ;
- Elles sont sélectionnées en fonction d’une connaissance approfondie des étapes du
développement physique, cognitif et psychosocial des enfants et des adolescents concernés ;
- Elles visent à développer les compétences psychologiques et sociales des enfants et des
adolescents en fonction de leur maturité et, le cas échéant, des groupes à risque dont ils font
partie ;
- Elles s’inscrivent dans la durée et sont aussi précoces que possible.
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Ces interventions sont d’autant plus efficaces qu’elles s’intègrent dans une approche écologique
et s’organisent dans un ensemble cohérent de stratégies visant à promouvoir la santé, le bienêtre et la réussite éducative des enfants et des adolescents dans plusieurs sphères : individuelle,
familiale, communautaire. Ces stratégies englobent :
- Des politiques d’établissement favorables à la santé qui prennent en compte les principales
parties prenantes ;
- Une prise en compte des ressources disponibles dans l’environnement physique et
psychosocial de l’établissement ;
- Le développement de compétences individuelles de négociation, de résolution de problèmes,
de prise de décision visant l’engagement actif des jeunes afin de leur conférer un pouvoir
d’action ;
- Le renforcement des partenariats entre l’école, les parents, les familles, le secteur de la santé et
la communauté ;
- Une offre et une organisation de services adaptés aux enfants et aux adolescents : soutien
social, services de promotion de la santé, services d’aides aux élèves ;
- Et enfin, l’accompagnement des professionnels dans la réalisation de ces interventions.
Les "écoles accueillantes pour les enfants"
Il s’agit d’une initiative de l'OMS mise en œuvre spécifiquement pour la promotion de la santé
mentale en milieu scolaire. Cette initiative vise à promouvoir un environnement psychosocial
favorable dans les écoles en complément du programme de connaissances de base. Une école
accueillante pour les enfants promeut la tolérance et l'égalité entre les garçons et les filles, ainsi
qu'entre les différents groupes ethniques, religieux et sociaux. Elle encourage la participation
active et la coopération, évite le recours aux châtiments corporels et ne tolère pas les brimades.
Elle offre un environnement encourageant et enrichissant, dispense une éducation qui
correspond à la réalité de la vie des enfants, aide à établir des liens entre l'école et la vie
familiale, soutient et apprécie la créativité autant que les aptitudes scolaires et encourage les
enfants à avoir confiance en eux-mêmes.
On peut imaginer que ce genre d’initiative contribue à créer un climat scolaire favorable… et
c’est ce nous allons vérifier à présent.
LE CLIMAT SCOLAIRE
Du climat social au climat scolaire
La qualité de l’environnement scolaire a un effet sur la qualité de l’expérience scolaire des
élèves, et en premier lieu, sur la qualité de leur apprentissage : « Il existe un lien direct entre la
réussite scolaire et l’environnement à l’école dans lequel l’élève apprend. Les élèves sont
davantage capables et désireux d’apprendre et d’atteindre leur plein potentiel lorsqu’ils
fréquentent des écoles où le climat est positif, sûr et chaleureux. »
Il est donc important de « considérer l’organisation scolaire et la qualité de l’environnement
éducatif comme objets spécifiques » des interventions en milieu scolaire. Mais l’intervention sur
le système scolaire « ne fait pas l‘économie de contacts directs avec les différents acteurs du
milieu, bien au contraire ». L’intervention repose sur le principe simple suivant : « intervenir
dans le milieu pour être en mesure d’intervenir sur le milieu ».
Comment passe-t-on de la notion d’environnement social ou de climat social à celle de climat
scolaire ? Partisan d’une approche écologique sociale, MOOS explique que l’individu éprouve
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des besoins spécifiques (d’affiliation, de sécurité, d’accomplissement, de reconnaissance)
auxquels l’environnement répond, ou pas. Il définit le climat social comme la composante de
l’environnement répondant aux besoins sociaux des individus. La perception qu’a l’individu de
l’environnement et l’effort qu’il réalise pour s’y adapter sont également très importants. En
effet, contrairement à d’autres aspects de l’environnement, comme l’aspect matériel ou
organisationnel, qui se prêtent à des mesures objectives, un climat social se définit surtout à
travers la perception qu’en ont les individus. Par exemple, une étude a montré que les
évaluations des enseignants du climat scolaire étaient globalement assez différentes de celles
des élèves. Les enseignants ont un jugement plus indulgent que les élèves sur l’ordre qui règne
dans leurs classes, et sur la clarté des règlements en vigueur. Les enseignants ont aussi une
vision plus favorable de la motivation des élèves et du soutien qu’ils leur apportent. Selon les
auteurs de cette étude, la différence pourrait tenir à une différence de pouvoir sur
l’environnement et sur le travail des uns et des autres. Avoir un rôle plus passif sur
l’environnement scolaire conduit à une perception moins favorable du climat scolaire.
Le climat social se mesure donc à partir de l’agrégation des perceptions individuelles. De cellesci ressort un profil qui transcende les caractéristiques des personnes. Ce profil inclut :
- L’investissement de chacun dans les relations et le soutien relationnel existant ;
- Les opportunités qu’offre le milieu pour développer les compétences nécessaires au contexte ;
- La qualité de l’ordre qui règne, la clarté des attentes, le contrôle exercé, la réponse du milieu
au changement.
Le modèle de bien-être à l’école développé en Finlande par KONU et ses collaborateurs reprend
exactement ces trois dimensions, ce qui montre la proximité existant entre les deux conceptsi.
Les composantes du climat scolaire
Comme le climat social, le climat scolaire renvoie principalement aux valeurs, aux attitudes et
aux sentiments dominants dans le milieu, tels qu’ils peuvent être décrits par les habitants du
milieu eux-mêmes. Il donne « une indication générale du ton et de l’atmosphère qui règnent
dans les rapports entre les gens, de la valeur accordée aux personnes, à la mission éducative de
l’école et à l’institution comme lieu de vie ».
Il existe plusieurs typologies du climat scolaire, dont on peut trouver une intéressante synthèse
dans un mémoire rédigé en 2004 pour l’université de Montréal par Marie-Christine Brault. Cette
dernière précise : « Bien que chacune de ces typologies fasse ressortir diverses dimensions du
climat, il est possible de leur trouver des points communs. En effet, trois dimensions sont
partagées par toutes les typologies ; il s’agit 1) du leadership du directeur 2) de la relation entre
les membres de l’école et 3) de l’accent qui est mis sur la réussite scolaire. » Nous aurons
l’occasion de détailler ces différents aspects.
Parmi les différentes typologies du climat scolaire, celle de Michel JANOSZ (lui aussi
Canadien) me paraît particulièrement intéressante, en ce qu’elle propose de considérer le climat
scolaire sous cinq angles inter-reliés permettant chacun d’éclairer un aspect spécifique du
climat :
- Le climat relationnel,
- Le climat éducatif,
- Le climat de sécurité,
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- Le climat de justice,
- Le climat d’appartenance.
Ces cinq angles seront donc présentés l’un après l’autre, en enrichissant cette présentation
d’autres contributions, notamment de Georges FOTINOS ou de Jean-Pierre LEPAGE.
Le climat relationnel
Il fait référence à l’ambiance générale qui caractérise les rapports entre les individus, à la
dimension affective des relations humaines. Cette dimension concerne aussi bien les relations
entre les élèves ou entre les enseignants, que les relations entre les élèves et les enseignants ou
entre les enseignants et la direction.
La qualité du climat relationnel est tributaire de trois facteurs :
- La chaleur des contacts interpersonnels,
- Le respect entre les individus,
- L’assurance, que peut avoir chacun, du soutien d’autrui.
Une étude écossaiseii comparant deux établissements, l’un centré sur la réussite scolaire des
élèves, et l’autre sur leur équilibre et leur bien-être, et sur la prévention du décrochage, a montré
que le second accueillait une proportion bien inférieure de jeunes fumeurs. Plusieurs facteurs
entrent en ligne de compte, mais on constate que la satisfaction vis-à-vis de l‘école, la
perception qu’ont les élèves d’une équipe soutenante, de bonnes relations avec les enseignants
et d’une école juste, est inversement liée au tabagisme des élèves, non seulement au niveau
individuel mais aussi au niveau collectif, ce qui laisse entendre qu’il y a bel et bien un effet
« climat scolaire », et en particulier, « climat relationnel », sur les comportements de santé.
Le climat éducatif
Il traduit la valeur accordée à l’éducation au sens large. Un climat éducatif positif implique que
l’école soit perçue comme un véritable lieu d’éducation, c’est-à-dire
- Dévouée autant à la réussite des élèves qu’à leur bien-être,
- Dispensant une éducation de qualité,
- Accordant de la valeur à la scolarisation,
- Donnant un sens aux apprentissages.
Le climat de sécurité
Il renvoie à l’ordre et à la tranquillité du milieu, conditions essentielles à la concentration. On le
retrace à travers
- Les sentiments de sécurité et de confiance des personnes,
- Leur perception des risques de victimisation,
- Un environnement prévisible et constant.
La mobilité des élèves et le turnover de l’équipe pédagogique sont inversement corrélés au
climat scolaire, tandis que le turnover au niveau de l’administration est lié à des perceptions
négatives des parents et des élèves de l’ordre et de la discipline qui règnent dans l’établissement.
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Georges FOTINOS évoque le ressenti, la perception, la valeur donnée par les acteurs aux
perturbations de l’ordre qui règne dans l’établissement. C’est un domaine éminemment
subjectif. Selon Georges FOTINOS, ce qui nuit le plus au climat de sécurité est le fait de
relativiser les faits graves jusqu’à les banaliser ou pis encore, les intégrer comme normaux.
Le climat de justice
Les adolescents y sont particulièrement sensibles. Il indique aux élèves que l’attitude,
l’évaluation ou la réaction disciplinaire des adultes à leur égard seront marquées par une juste
appréciation, dans la reconnaissance et le respect des droits et du mérite de chacun. La
perception d‘adultes justes et équitables légitime leur autorité tant sur un plan éducatif que
disciplinaire, ce qui, en retour, facilite l’encadrement des jeunes. Le climat de justice se cerne à
travers
- Une reconnaissance de la légitimité et de l’équité des règles, et leur application judicieuse,
- Des évaluations scolaires équitables,
- Le sentiment que le mérite ou la punition reviennent au comportement plutôt qu’à la personne
elle-même.
Il est intéressant de noter que cette dernière modalité constitue l’un des leviers de l’estime de soi
chez les jeunes : la réprobation vis-à-vis d’un comportement inadéquat ne doit pas amener
l’enfant ou l’adolescent à sentir remise en cause sa valeur personnelle. Comme le rappelle
Bernard GOUDET, la source de l’estime de soi est extrinsèque : elle est développée par la
capacité d’autrui à nommer les actes positifs et les succès et, lorsqu’il est répréhensible, à
toujours dissocier l’acte de la personne qui l’a commis.
Le climat de justice me semble renvoyer à deux autres notions importantes, que sont le rapport à
la loi et la distinction entre sanction et punition.
Georges FOTINOS parle du rapport à la loi comme une composante du climat scolaire, en lien
avec la réglementation qui détermine les valeurs et le sens véhiculés par l’école et qui renvoie à
son organisation et son fonctionnement. Dans ce registre, le climat scolaire se trouve construit et
étalonné aussi par les interdictions, les punitions et les sanctions.
De son côté, Jean-Pierre LEPAGE développe la notion de sanction éducative en distinguant
sanction et punition. Se référant à Jean Salomé, il rappelle que « sanctionner, c’est faire preuve
d’autorité en confrontant le jeune à la réalité qui l’entoure », tandis que « punir, c’est faire
preuve de pouvoir et de puissance, en plaçant le jeune dans l’impuissance et la
soumission ».Une sanction aura une valeur éducative si elle correspond à une réponse de type
privatif à une transgression, si elle fait référence à des normes connues, si elle part du constat
d’une transgression volontaire de ces normes, et si elle permet la réparation. Pour prendre une
sanction à valeur éducative, il est nécessaire de se donner le temps de sortir de la réaction
strictement émotionnelle, et le temps de la réflexion : « quand la sanction est amplifiée par la
subjectivité et l’émotion, elle risque d’être perçue comme une punition qui sera vécue comme
injuste, installera un conflit non résolu, et entraînera des transgressions répétitives ». D’où la
nécessité, selon Lepage, de connaître et reconnaître la difficulté du travail psychique de l’enfant
ou de l’adolescent (qui les conduit parfois à la transgression), d’établir un lien empathique avec
les élèves tout en posant la légitimité d’une éventuelle confrontation avec eux, et en faisant
vivre un juste rapport à la loi.
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Le climat d’appartenance
Il transcende les autres facettes du climat scolaire en ce qu’il se développe à partir des autres
types de climat. Lorsque le milieu est porteur de sens, qu’il favorise le contact humain, qu’il
assure la protection de tous, qu’il favorise la reconnaissance du droit et des efforts de chacun au
même titre qu’il sanctionne de façon juste et équitable leurs transgressions, il permet l’éclosion
du sentiment d’appartenance. « Ce sentiment garantit le respect de l’institution et des gens qui y
vivent, et facilite l’adhésion aux normes qui y sont établies. Ce concept s’apparente à celui de
lien entre les gens, et comprend à la fois l’attachement, caractérisé par des relations affectives
proches avec les autres en milieu scolaire, et l’engagement, caractérisé par un investissement
dans la vie de l‘école.
Le climat d’appartenance se discerne par
- Un sentiment de fierté à fréquenter l’institution,
- L’importance qu’on accorde à l’école comme un lieu de vie,
- L’adhésion aux valeurs véhiculées.
Cette idée d’adhésion à des valeurs partagées est reprise dans plusieurs documents, notamment
ceux de l’OMS ou de l’Union internationale de promotion de la santé. De même, les outils
pédagogiques de la collection « Les Chemins de la Santé » de l’INPES comportent tous une
étape intitulée « on s’engage » : « Pour garder la trace du travail réalisé et pour favoriser
l’implication de chacun, il est proposé de rédiger une charte : « Nous nous engageons, adultes et
enfants, à respecter les règles suivantes.» Une Charte vient donc symboliser l’engagement de
l’école toute entière et insère un certain nombre de principes ou d’objectifs communs dans les
politiques de l’école. De nombreuses écoles exposent leur Charte dans un endroit visible pour
renforcer son appropriation par tous.
Une fois que les liens avec l’école sont fortement établis, ils inhibent les comportements
incohérents avec les normes et valeurs de l’école. Si une école est bien organisée, si les
professeurs tiennent les étudiants en estime et croient en leurs capacités, si la culture des pairs
soutient la réussite scolaire, les liens avec l’école sont susceptibles de produire des résultats
positifs pour les élèves et de réduire les comportements à problème.
LES INTERVENTIONS SUR LE CLIMAT SCOLAIRE
Après cette présentation se pose immédiatement la question de la possibilité d’intervenir sur le
climat scolaire : peut-on le changer, l’améliorer ? Quels sont les déterminants du climat scolaire
et surtout, quels sont ceux sur lesquels on peut agir ?
Les déterminants du climat scolaire
Michel JANOSZ précise que la qualité générale du climat scolaire est tributaire de trois
principales influences :
- Les caractéristiques des élèves et des adultes de l’école,
- Les aspects physiques et organisationnels de l’environnement,
- Les conditions socioéconomiques et sociopolitiques, qui impactent fortement les pratiques
éducatives et le climat scolaire.
Les caractéristiques des élèves et des adultes de l’école
Une école comportant « une forte proportion d’élèves de faible niveau scolaire, ou présentant
d’importants troubles du comportement, encadrés d’enseignants peu expérimentés ou
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Colloque 2011
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démotivés »6 présente évidemment un risque élevé d’avatars sur le plan du climat. Les
caractéristiques individuelles les plus importantes pour les élèves sont « les caractéristiques
sociodémographiques, le vécu familial, les habiletés et vulnérabilités cognitives ou
comportementales, la motivation et le vécu scolaire antérieur ». Les caractéristiques
sociodémographiques et le degré de motivation des enseignants sont également très importants,
tout comme « leur niveau de formation, leurs années d’expérience et leurs habiletés
relationnelles ».
Il existe entre le climat scolaire et les problèmes de comportement des élèves un lien récursif :
« le climat d’une école peut à la fois servir de baromètre que de thermomètre du niveau de
problèmes dans une école ». Un bon climat favorise la réussite des élèves, leur adaptation
sociale et collective, tandis que les problèmes de comportement, de motivation ou d'échec
scolaire viennent à leur tour miner le climat. En effet, il existe des relations étroites entre les
climats de justice, de sécurité et d’appartenance, et les problèmes de comportements des élèves.
Les aspects physiques et organisationnels de l’environnement
Il s’agit de l’architecture, de l’arrangement spatial, de la quantité et de la qualité des
infrastructures et des ressources matérielles ; il s’agit aussi du ratio élèves-enseignant, des
conditions de travail de l’équipe pédagogique, etc.
Les conditions socioéconomiques et sociopolitiques
Elles impactent fortement le climat scolaire, notamment le climat éducatif. En effet, le contexte
social et politique exerce une très forte influence sur les différentes composantes de ce climat
éducatif, qui sont, rappelons-les :
- L’importance accordée au bien-être des élèves, autant qu’à leur réussite scolaire,
- La valeur accordée à la qualité de l’éducation dispensée, et à la scolarisation de tous,
- Le sens qui pourra être attribué aux apprentissages.
L’une des thèses développées par Michel JANOSZ est que les caractéristiques des enseignants,
l’organisation de l’établissement et le contexte social, économique ou politique, influencent très
fortement le climat scolaire en agissant sur les pratiques éducatives permises, encouragées, ou
au contraire, contrecarrées, par ces déterminants.
Il existe en effet des liens très forts entre climat scolaire et pratiques éducatives. D’une part, la
nature et la qualité des pratiques éducatives affectent la qualité du climat, d’autre part,
l’atmosphère qui s’installe dans une école prend racine dans la nature et la qualité des
interactions entre les élèves et le personnel de l’école. Le climat facilite ou non l’implantation,
la modification ou l’innovation des pratiques. JANOSZ cite un exemple très parlant, qui est
celui d’un système d’encadrement peu efficace favorisant l’émergence d’un climat d’injustice et
d‘insécurité. Une fois un tel climat établi, il devient difficile de modifier les pratiques reliées à
l’encadrement, soit parce que les enseignants ont peur de surveiller certains lieux, parce que
l’absence de constance dans l’application des règles profite à certains, ou que le sentiment
d’injustice enlève la crédibilité et la légitimité nécessaires à ceux qui pourraient rétablir la
situation.
Les pratiques éducatives
Selon Michel JANOSZ, il existe huit dimensions des pratiques éducatives auxquelles la
recherche reconnaît une influence sur le climat scolaire.
ASCOMED
Colloque 2011
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Le système d’encadrement
Qui impacte particulièrement le climat de sécurité et le climat de justice.
Il renvoie aux règles et aux procédures régissant la discipline et l’ordre nécessaires au bon
déroulement des activités. Ces règles et procédures doivent répondre à plusieurs exigences
fondamentales :
- Les règles et les conséquences de leur transgression sont claires et transparentes,
- Elles sont formulées par écrit et le texte reste accessible à tous,
- Leur application est rigoureuse et cohérente quelle que soit la figure d’autorité qui les met en
œuvre,
- La participation des adolescents à leur élaboration favorise l’adhésion de ceux-ci de même que
leur respect des normes conventionnelles.
Le système de reconnaissance
Qui impacte particulièrement le climat relationnel et le climat éducatif.
Il est basé sur l’utilisation de renforçateurs positifs, d‘encouragements et de récompenses plutôt
que de punitions. Plus les élèves reçoivent des rétroactions positives suite à leurs bonnes
conduites et leurs performances, plus ils perçoivent que le milieu valorise l’expérience scolaire.
L’importance accordée à la réussite éducative
Qui impacte particulièrement le climat éducatif et le climat relationnel.
Les éducateurs indiquent clairement aux élèves qu’ils s’attendent à leur réussite au vu de leurs
capacités et qu’ils exigent du travail en conséquence. Ils motivent et encouragent les élèves,
prennent le temps de les aider lorsqu’ils rencontrent des difficultés et affichent des attentes
élevées mais réalistes à leur égard.
La qualité de l’enseignement
Qui impacte particulièrement le climat éducatif.
Pour que s’améliore la qualité de l’enseignement, il convient, comme le disent DEBARBIEUX
et FOTINOS, d’accorder le « même niveau de dignité », à la formation des enseignants aux
savoirs disciplinaires et à leur transmission, qu’à leur formation à la pédagogie. Par le terme de
« pédagogie », ils entendent les techniques d’amélioration du climat scolaire telles que
l’apprentissage coopératif ou les techniques d’animation de groupe, les connaissances
psychopédagogiques ou une formation axée sur les facteurs de risque, les troubles du
comportement, etc. Il s’agirait « non de former à l’application extraordinaire de programmes de
prévention, mais à l’intégration de pratiques préventives dans la pratique ordinaire ». Par
ailleurs, le travail enseignant reste largement conçu « comme un travail solitaire et l’idée de
l’école comme une communauté, si elle progresse dans les textes, ne progresse guère dans la
formation des enseignants ».
Le temps consacré à l’enseignement
Qui impacte particulièrement le climat éducatif.
Une bonne planification des cours, et l’utilisation de bonnes stratégies de gestion de classe,
permettent d’éviter les pertes de temps, les temps morts, la perte de concentration, la perte
d’énergie dans des interactions inappropriées.
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Les opportunités d’investissement
Qui impactent particulièrement le climat relationnel, le climat éducatif et le climat
d’appartenance.
Il s'agit d’offrir aux adolescents des occasions de découvrir leurs intérêts et leurs habiletés dans
des domaines parascolaires, de se développer sur le plan personnel (notamment en termes
d’autonomie) et sur le plan social (amitiés, compétences sociales). Ces occasions de découverte
et de développement dans le cadre d’activités parascolaires doivent être intéressantes,
valorisées, et accessibles. Elles présentent également l’avantage de favoriser des contacts
différents entre les jeunes et les adultes tout en assurant une meilleure supervision des jeunes.
L’OMS précise que l’équipe pédagogique d’une école promotrice de santé doit accorder autant
d’importance aux activités en dehors du cadre de la classe qu’aux activités menées à l’intérieur
de la classe. Cela suppose que l’équipe éducative soit capable de monter des projets avec des
professionnels extérieurs à l’école.
La participation des parents
Elle impacte particulièrement le climat éducatif et le climat relationnel.
Il s’agit de leur faire une place, de susciter leur participation dans des activités, de bien
communiquer avec eux, de leur signaler les meilleures façons d’aider leurs enfants. Plus les
parents s‘impliquent dans l’école, plus les élèves perçoivent l’importance sociale qu’elle revêt.
Toute école promotrice de santé comporte un petit groupe activement engagé dans la conduite et
la coordination des actions, incluant non seulement des enseignants, des membres du personnel
non-enseignant, et des élèves, mais aussi des parents. Il est essentiel que les parents participent
effectivement et que leurs idées soient respectées (OMS).
Le leadership éducatif de la direction et le style de gestion
Qui impactent particulièrement le climat relationnel, le climat éducatif et le climat
d’appartenance.
Cette dimension diffère des autres en ce qu’elle échappe à l’évaluation par les élèves et parce
qu’elle affecte toutes les autres pratiques.
L’Union internationale de promotion de la santé et l’OMS s’accordent pour affirmer que
l’approche globale de l’école promotrice de santé doit bénéficier du soutien et de l’engagement
constants des chefs d’établissement, qui se traduisent par trois qualités essentielles :
Une direction soutenante
La motivation des enseignants s’accroît dans l’entourage d’une direction plus soutenante que
contrôlante, qui accorde de la valeur à l’opinion du personnel, qui présente clairement ses
attentes et distribue judicieusement les tâches et les responsabilités. La direction doit connaître
et reconnaître les forces et les vulnérabilités des enseignants afin d’ajuster sa supervision aux
besoins de chacun.
Une direction ouverte à la participation
La direction doit associer son personnel aux processus décisionnels importants, afin d’accentuer
son sentiment d’appartenance à l’établissement. Il s’agit de susciter la coopération de tous afin
de développer une vraie collaboration au sein de l’établissement. Cette participation de tous les
personnels au climat scolaire peut s’appuyer sur la perception qu’a chacun d’eux de pouvoir y
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contribuer. Comme le montre une étude menée par Jourdan, ces personnels identifient trois
aspects dans lesquels ils peuvent s’impliquer :
- Un rôle éducatif au quotidien,
- Un support et une écoute individuels,
- Un soutien et une participation aux projets collectifs.
Même si ces personnels définissent majoritairement leur rôle en référence à des thèmes de santé
comme la consommation d’alcool ou de tabac, une forte proportion d‘entre eux évoque
également des problématiques transversales où l’on retrouve le climat scolaire, aux côtés des
compétences psychosociales ou du partenariat. Il y a donc là une vraie piste à creuser en termes
d’accès de tous à la formation et au conseil méthodologique.
Une direction respectueuse et soucieuse du développement de la reconnaissance
Si le respect de l’autre ne peut être que mutuel, il reste donc à poser ou à construire un cadre qui
le facilite. DEBARBIEUX pense qu’une stratégie de développement de la reconnaissance
menée par une direction d’établissement est un levier pertinent pour la construction d’un tel
cadre. Il existe une interaction forte entre les modes de communication direction – personnel et
personnel – élèves, la première ayant tendance à modéliser la seconde. « Le pari du
développement des compétences et des savoirs est donc à tenir à tous les étages des institutions
scolaires. Tenir ce pari suppose qu’on accepte qu’il ne soit pas déjà réalisé et qu’il faille un peu
ou beaucoup de temps pour y parvenir ». Comment y parvenir ? DEBARBIEUX propose de
travailler sur le cadre de communication hiérarchique et sur la gestion des « incidents » :
- D’une part, la communication hiérarchique doit devenir un instrument de développement du
sentiment de reconnaissance,
- D’autre part, il s’agit de prendre en compte les difficultés rencontrées et d’inviter à les
dépasser, de poser des exigences et de mettre en place des appuis pour que les objectifs fixés
deviennent atteignables.
Tout cela suppose que la direction et l’équipe acceptent de prendre le temps d’analyser les
différentes situations à prendre en compte et acceptent de développer les compétences
nécessaires. Les incidents qui affectent le plus le climat scolaire sont ceux qui comportent une
dimension violente. Mais en réalité, « les problèmes relevant de tensions entre les adultes au
sein des établissements scolaires sont plus présents que les difficultés relationnelles avec les
parents qui sont, elles, largement médiatisées et étudiées ». Ces tensions au sein des équipes
« sont peu évoquées, voire niées, ce qui est une erreur profonde quand on sait qu’elles sont
celles qui gênent le plus l’implantation de programmes efficaces d’amélioration du climat
scolaire ». La question de l’amélioration de la qualité de vie du personnel se pose donc de façon
de plus en plus cruciale.
Intervenir sur le climat scolaire exige une pluralité de stratégies.
Ces stratégies supposent un travail sur la durée avec l’ensemble des acteurs et partenaires de
l’école. Une étude de la littérature internationale sur le sujet a montré l’impact extrêmement
positif, sur le climat scolaire et les troubles du comportement des élèves, des programmes
combinant :
- Des actions envers les élèves :
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L’acquisition de compétences sociales ;
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L’accroissement de la participation aux activités dans et en dehors de la
classe ;
L’exercice de responsabilités dans la vie de l’école, en particulier,
l’établissement des règles en vigueur ;
Le changement des normes sociales concernant la réussite scolaire, la
conduite et les troubles du comportement ;
L’accroissement de l’attachement à l’école.
L’accent est mis sur la résolution de problèmes, l’autogestion, le contrôle de soi,
l’investissement à l’école, la communication, la résistance à la pression des pairs et la résolution
de conflits.
- Une formation des enseignants centrée sur :
Les techniques de gestion de classe ;
L’établissement d’attentes élevées en termes de réussite et de conduite
scolaires ;
La capacité à apporter empathie, attention, soutien, et encouragements aux
élèves en difficulté
L’adoption de méthodes d’apprentissage interactives et coopératives
La transmission d’un abondant feedback
- Une implication du personnel administratif
- Des rencontres avec les parents et les familles :
Apprendre aux parents comment mieux superviser et contrôler le
comportement de leurs enfants ;
Les aider à mettre en place des attentes plus élevées
Les aider à mieux impliquer leurs enfants dans la prise des décisions qui
affectent leurs vies.
- Une valorisation de l’école dans son environnement
Donner une image plus positive de l’école
Faire évoluer les normes sociales autour de l’école
Organiser des événements : présentation de courts-métrages et d’expositions
réalisés par les élèves, remises de prix et de récompenses, fête et voyage de
fin d’année
La combinaison de toutes ces actions a pour conséquence une amélioration globale de la
perception par tous du climat scolaire, un plus fort attachement de tous à l’école, et une
meilleure adaptation de tous les élèves à l’école.
CONCLUSION - CLIMAT
SOCIALES DE SANTE
SCOLAIRE
ET
REDUCTION
DES
INEGALITES
C’est en interagissant avec les caractéristiques individuelles des élèves, que le climat scolaire
devient un déterminant de la santé, de la qualité de vie, du bien-être et de la réussite scolaire des
élèves. Autrement dit, le climat scolaire exerce une influence modératrice sur les
caractéristiques individuelles. Cet effet modérateur, cet effet – tampon, sera inversement
proportionnel aux ressources personnelles et familiales des élèves. En d’autres mots, comme le
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souligne Michel Janosz, les élèves en provenance de familles équilibrées, au fonctionnement
harmonieux, « qui valorisent et soutiennent la scolarisation de l’enfant ou de l’adolescent, et qui
présentent de bonnes habiletés intellectuelles et sociales », seront moins affectés par un climat
scolaire déficitaire. À l’inverse, les élèves plus vulnérables, ceux qui présentent des déficits à
cet égard, ceux qui ne bénéficient pas, pour diverses raisons, de ce soutien familial, seront
beaucoup plus affectés par la qualité du climat scolaire et des pratiques éducatives en vigueur
dans leur école. Pour le dire très clairement, les caractéristiques structurelles des écoles et leur
climat affectent surtout les élèves de milieux défavorisés.
Mais cet impact différencié du climat scolaire se manifeste dans les deux sens : en considérant
plutôt le verre à moitié plein, nous pouvons donc estimer qu’en améliorant le climat qui règne
dans nos écoles, et notamment en développant des pratiques éducatives appropriées, ou en
réfléchissant en termes de promotion de la santé, nous contribuons, à notre niveau, à l’égalité
des chances et à la réduction des inégalités sociales de santé.
Christine FERRON
Directrice de l’IIREPS Bretagne,
Fédération nationale de l’éducation et de la promotion de la santé
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Regards croisés sur le climat scolaire
Christophe STUDENY
Proviseur Vie Scolaire, académie de Dijon
Proviseur Vie Scolaire dans l’académie de Dijon je suis à ce titre responsable de la formation
des personnels d’encadrement de l’académie, je copilote avec le médecin conseiller technique
du recteur le dispositif des CESC, je coordonne la cellule « violences aux personnels » et
j’anime la vie lycéenne.
Mon intervention portera sur Climat scolaire et règles de la vie collective. (Voir aussi
diaporama dans les annexes des actes)
Pour démarrer sur le climat scolaire je ferai référence à des notions de climatologie :
Le climat scolaire
Atmosphère: Température, Pression
Climat tempéré
Secousses,
instabilité
Sismographie
Magnitude
Turbulences
Mouvements,
Echelle de Beaufort
Le climat
• L’atmosphère : c’est ce que l’on ressent en premier lieu en entrant dans un
établissement : l’accueil agréable, l’ordre, les élèves et personnels qui disent bonjour, le
bruit ou le silence…. Les équipes d’établissement doivent être avant tout éducatrices et
selon une enquête menée dans l’académie ce que les élèves réclament avant tout ce sont
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des encouragements de la part des enseignants, du soutien, de l’accompagnement.
• Les secousses et turbulences: « qui sème la violence récolte la tempête ». Ces secousses
font l’objet de la formation des chefs d’établissement stagiaires. La session est
consacrée à la gestion des situations d’urgence (suicide d’un élève, méningite,
événement traumatisant…) Pour les chefs d’établissement titulaires nous travaillons
avec la CUMP pour leur apprendre à gérer sereinement la crise, selon le degré de
gravité et d’intensité, en ayant anticipé les gestes professionnels nécessaires et pour
qu’ils puissent ainsi rassurer les membres de la communauté scolaire.
• Climat scolaire
C’est un ensemble de valeurs, d’attitudes, de comportements qui constituent l’éthos d’un
établissement
Qui comprend
Le climat social (respect, soutien)
Le climat d’appartenance
Le climat éducatif (sens des apprentissages)
Climat de sécurité
Climat de justice
La notion de bien-être :
Les résultats d’une enquête auprès des lycéens de l’académie menée en novembre 2010 nous
révèlent ce qu’est pour eux la notion de bien-être à l’Ecole :
Leur conception: « Se sentir content d’être dans l’établissement, plaisir d’aller en
cours. Avoir moins de stress, plus de temps libre, activités, équilibre/pause, une
bonne ambiance. De bonnes relations avec les personnels, plus d’écoute
(professeurs) »
Leurs propositions: locaux accueillants, journées moins chargées, activités
diversifiées, écoute, échanges.
Pour aider les élèves en difficultés les professeurs doivent les encourager, les soutenir. Il
s’agit aussi de tenir compte de leur avis. Mais il faut leur apprendre à donner leur avis et
cela prend du temps. Il faut prendre ce temps.
Instituer des règles de vie collective est essentiel
Après les états généraux sur la sécurité à l’école le ministre a conclu que l’essentiel est de
réinstaurer les règles du vivre ensemble et de les faire respecter.
Le processus d’apprentissage est une construction. Instaurer des règles de vie nécessite de la
pédagogie. Elles doivent être :
Explicites et claires : d’où la nécessité de les élaborer en associant les intéressés
Compréhensibles dans leur forme et leur contenu
Communiquées à tous et par tous les moyens possibles
Connues et comprises
Appliquées et régulées : observer le fonctionnement, réfléchir collectivement
Modifiables et adaptables : s’adapter aux évolutions.
Mais il faut toujours se dire que respecter une règle demande un effort. Et faire un effort n’a de
sens que s’il s’accompagne de curiosité et de motivation. Pourquoi avoir une tenue correcte ?
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Qu’a-t-on à y gagner ?....
Il faut se poser aussi les questions : quel est le périmètre de la règle ? Quelles en sont les
limites ? Comment les réguler ?
Je donnerai l’exemple du chewing-gum : il est interdit en classe. Bon ! mais tous les professeurs
font-ils respecter cette règle ? Certains en mâchent-ils eux-mêmes en classe ? ……
Et il ne faut pas oublier que l’élève a le droit de désobéir. Dans la transgression de la règle il se
met lui-même à l’épreuve. Et il met la collectivité à l’épreuve :
Il teste la cohérence des règles
La cohérence des adultes
L’efficacité des dispositifs
Le respect des règles par les personnels
La solidité du cadre et l’élasticité des limites
La consistance éducative
L’esprit de justice
Les nerfs des professeurs
La patience des surveillants
La stabilité des décisions (chef d’établissement)
Alors comment réagir par rapport à la transgression ? Quelle sanction appliquer ? C’est la
sanction qui institue la règle il faut donc qu’elle soit adaptée.
Punitions et sanctions :
Il existe un registre des punitions et des sanctions en fonction des transgressions commises. Je
vous invite à aller consulter un certain nombre d’outils à ce propos que nous utilisons dans les
formations, sur le site de l’académie dans l’espace cadre :
http://crdp.ac-dijon.fr/Vie-lyceenne.html
Vous en trouverez des exemples dans le diaporama que je vous laisse. (Voir annexes des actes)
Pour conclure je dirai un mot sur les humiliations qui persistent encore dans nos établissements
et qui ne sont pas toujours perçues comme telles par les adultes qui les profèrent. Je vous
donnerai juste un exemple récent d’une annotation sur un bulletin scolaire : « l’huître doit
s’ouvrir pour respirer ». Pour l’enseignant ce n’était pas grave tout juste de l’ironie…
Il y a donc encore beaucoup de travail à faire avec les équipes en s’appuyant sur
La formation des personnels de direction
Les CESC
La vie lycéenne
La prévention
Je vous remercie de votre attention.
Christophe STUDENY, proviseur Vie Scolaire à Dijon
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Du vivre ensemble au bien vivre ensemble à Doisneau…
Geneviève PINIAU
Proviseur lycée de CORBEIL ESSONNES (91)
Nous avons tous en commun… d’être différents ! (Yves Duteil)
Le lycée Robert Doisneau accueille de la seconde à bac + 3 plus de 2500 élèves de
nationalités, de quartiers très divers de zones très pavillonnaires ou de tours qui limitent
l’horizon par leurs angles… et dans cette diversité, curieusement, le signe distinctif devient la
similitude qui
met en communauté de pensée, puis d’apparence pour se noyer dans
l’anonymat. C’est un peu l’âge de l’adolescence qui veut cela… et c’est ce qui explique que nos
élèves portent tous, ou presque, un uniforme : jeans, sweat-shirt et baskets !
Notre ambition est de faire vivre ensemble tous ces élèves qui représentent la société actuelle et
de faire en sorte que le lycée soit leur référence commune. Nous instituons tout au long de leur
scolarité des « rites » qui balisent l’année scolaire… et leur apprennent ce qui ne figure pas dans
les programmes, mais les sous-tendent, le « vivre ensemble » ! Ces jeunes nous dirigeront dans
25 ans, il ne faut donc pas les « rater » !
Notre année scolaire commence par l’accueil des secondes : parents et futurs élèves sont reçus
dès février de l’année de troisième pour découvrir le lycée : lieu, programmes, droits et devoirs
pour réussir le passage du lycée de la seconde à la terminale…
Les mêmes parents et les mêmes élèves sont à nouveau reçus pour l’inscription, passage obligé,
en juillet. Et rendez-vous est donné en septembre, le jour de la rentrée : les élèves sont pris en
charge par leur professeur principal, les parents sont reçus à la salle à manger autour d’un café
et d’un petit croissant… L’accueil est la « marque de fabrique » du lycée Doisneau. Les parents
entendent à nouveau les recommandations du proviseur et rencontrent le CPE en charge de leur
enfant, les infirmières, l’assistante sociale, la responsable de la scolarité : il est plus facile
d’entrer en contact avec une personne qu’on connaît !
Pendant ce temps donc, les élèves sont en classe et découvrent leur emploi du temps, le carnet
de correspondance, le règlement intérieur, la charte informatique… tout ce qui va nous
permettre de bien vivre ensemble ! Une visite de l’établissement termine cette première matinée.
Après les positionnements de début septembre, sont mis en place, les stages d’intégration.
Comme je le disais, nos élèves viennent d’horizons très différents et notre ambition est de les
faire non seulement cohabiter dans les meilleures conditions possibles, mais de créer un esprit
de classe qui fera que l’entraide, la réussite sera l’affaire de tous.
Dès le premier mois de scolarité toutes les classes de seconde bénéficient d’un stage
d’intégration en forêt de Fontainebleau accompagné de l’équipe pédagogique : découverte des
uns et des autres autour d’une course d’orientation, élection des délégués de classe permettent
de gagner beaucoup de temps dans la « création » de la classe. Etre élève de la seconde 2 du
lycée Doisneau est plus important que venir du quartier Montconseil ou des Pyramides….
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A noter que les élèves des sections professionnelles passent une nuit dans une base de loisirs, les
classes étant encore plus hétérogènes !
Nous retrouvons les parents pour la remise du bulletin de mi- trimestre juste avant les congés de
Toussaint : les professeurs analysent les résultats et la bonne ou plus difficile entrée en seconde.
Pour les élèves rencontrant quelques difficultés, il est proposé un contrat de réussite :
engagement du lycée de mettre à disposition de l’élève tous les moyens pour réussir,
engagement de l’élève à obtenir des résultats chiffrés, décidés par lui-même… et vérifiés au
moment du conseil de classe du premier trimestre, conseil auquel l’élève assiste.
Les parents sont donc nos premiers partenaires : ils nous confient ce qu’ils ont de plus précieux,
leur enfant, notre élève… Et les parents sont partie prenante du contrat de réussite et signent au
bas du document en s’engageant eux aussi… à veiller aux heures de sommeil, de lever, en
coupant la télé au moment des devoirs, en vérifiant le cahier de textes où les notes obtenues…
Pour favoriser la réussite des élèves, le lycée est ouvert 4 soirs par semaine jusqu’à 19 heures,
CDI compris. Les études sont encadrées par des assistants pédagogiques et des enseignants
volontaires. Plus de 6000 élèves fréquentent chaque année scolaire les études du soir. Et
pourquoi des études du soir au lycée ? Tout simplement parce que c’est une nécessité : pour
faire ses devoirs, il faut une table, une chaise et un lieu tranquille… tous nos élèves ne disposent
pas de ce minimum… et la réussite passe par l’obligation de faire ses devoirs !
Le lycée est également ouvert aux vacances de Toussaint, d’hiver, de printemps et fin août pour
permettre à ceux qui en ont besoin de rattraper telle lacune ou de conforter telle compétence…
Des stages d’anglais sont offerts également à ceux qui veulent bien en profiter et ils sont
nombreux à fréquenter le lycée pendant les vacances !
Le premier trimestre se termine par le bal Doisneau… Moment privilégié de partage d’un
moment de plaisir, de musique (avec un vrai orchestre), de danse… pour se donner la main ! Pas
si simple pour certaines de nos jeunes filles, surtout si un frère ou un ami d’un frère peut les
voir… Les professeurs d’éducation physique et sportive bénéficient d’une heure d’EPS en plus
en seconde pour préparer, entre autres, l’apprentissage de ces danses : menuets, rondes,
polkas… et voir, pendant 4 demi-journées 400 élèves danser ensemble, former et défaire les
rondes, c’est magique ! Et en plus nos élèves choisissent leurs plus beaux vêtements pour cette
occasion… et ils sont beaux !
Noël passe puis le deuxième trimestre qui est ponctué par la semaine de l’orientation fin
janvier, le week-end des cordées de la réussite, la journée portes ouvertes et le bac blanc en
février et la course du cœur le premier jeudi d’avril : apprendre à donner, sinon de l’argent,
mais du temps et des efforts pour aider ceux qui possèdent moins que nous…
Depuis quelques années, le lycée aide l’association « école du monde » qui construit des écoles
et des puits à Madagascar. Pour cela il faut courir 9875 km (distance qui sépare CorbeilEssonnes de Madagascar). 9875 boucles d’un km… et si le pari est gagné ce sont quelques
milliers d’€euros qui seront versés à Ecole du Monde. Et tous les ans, quel que soit le temps, le
défi est relevé ! Nos élèves sont très généreux, les personnels aussi ! Et les courses sont animées
par les professeurs d’EPS qui ont préparé physiquement les élèves la quinzaine qui précède cet
événement.
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Puis arrive le troisième trimestre, avec les examens, les conseils de classe qui statuent sur les
passages en classe supérieure… mais avant cela, a lieu le Solibal, le premier vendredi de juin.
Solibal : bal de la solidarité !
Nous ne souhaitons pas que nos élèves se cachent « derrière leur petit doigt », autrement dit ce
n’est pas parce qu’on est « des Tarterêts » qu’on ne doit pas réussir. Tous nos élèves ont une
bonne tête, deux bons bras, deux bonnes jambes et s’ils travaillent, ils doivent réussir. Pour les
en convaincre, ils rencontrent et travaillent tout au long de l’année, en EPS, avec des jeunes
souffrant de handicap mental ou physique. Faire monter sur le mur d’escalade un jeune
handicapé donne une réelle responsabilité à notre élève qui l’assure ! Aller en forêt faire une
ballade et guider un fauteuil roulant permet de réfléchir au bonheur de pouvoir marcher et courir
seul !
Et pour finir l’année en beauté et remercier nos élèves de leur engagement, nous invitons les
jeunes handicapés, leurs accompagnateurs, leurs parents, et nous passons une soirée, avec
orchestre, pour danser et partager un repas… Moment également magique pour les uns et les
autres !
Je n’ai pas parlé des cours d’Education Civique Juridique et Sociale que chaque lycée est censé
enseigner à ses élèves. Je n’ai pas parlé non plus de notre ambition de réduire le déficit
culturel qui caractérise les enfants des quartiers populaires : il n’est pas de classe qui ne
découvre le théâtre, le cinéma, les musées… Partager le « beau » est essentiel !
Dans le même ordre d’idée, lors des « Mardis de Doisneau » nos élèves peuvent rencontrer, le
premier mardi de chaque mois, une personnalité reconnue dans des domaines aussi divers que la
laïcité, les caricatures, les OGM, le climat, la philosophie, l’Etat et la Nation… et nous avons
donc reçu Mme Jacqueline LALOUETTE, historienne, Mme DELMOTTE-MASSON,
climatologue, Monsieur ZABULON, préfet à l’égalité des chances, Monsieur Manuel VALLS,
député, Monsieur Luc FERRY, philosophe… entre autres… Si ces personnalités n’avaient pas
accepté de venir à Corbeil, jamais nos élèves n’auraient eu la chance de les rencontrer…
Grâce à l’engagement des enseignants, le lycée Doisneau, a pris le parti de rendre les élèves
acteurs de leur apprentissage du « vivre ensemble ».
Tous nos élèves n’intègreront pas Polytechnique ou Sciences-Pô ! L’essentiel est qu’ils aient un
projet en rapport avec leurs possibilités et qu’ils aient trouvé leur voie grâce au travail
d’orientation construit depuis l’entrée en seconde et accompagnés par leurs parents, leurs
professeurs principaux et les conseillers d’orientation psychologue.
Mais favoriser leur réussite, les accompagner tout au long de leur scolarité, accepter leurs
échecs et les aider à rebondir vers une réussite, ouvrir des « possibles », donner de l’ambition,
permet à chaque élève « d’exister » et contribue au mieux vivre ensemble au point que le lycée a
éradiqué la violence dans ses murs !
Et pourtant elle n’est pas loin… juste de l’autre côté de la RN7 !
Geneviève PINIAU, proviseur du lycée Doisneau à Corbeil Essonnes (91).
ASCOMED
Colloque 2011
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Un changement de paradigme dans l’éducation
Patricia GAROUSTE
Psychologue scolaire à La CIOTAT
Tout d’abord je voudrais remercier l’équipe du bureau de l’ASCOMED pour cette invitation à
venir partager vos travaux et partager mes réflexions.
J’ai intitulé mon intervention « un changement de paradigme » parce que je veux mettre en
perspective ce qui est en train de se jouer au niveau sociétal et ce qui se joue sur le terrain.
Visiblement il nous manque des éléments de compréhension.
Je suis très impliquée dans un programme européen à destination de tous les personnels
éducatifs, le programme PESTALOZZI, dont je vous parlerai en fin d’intervention.
Mon propos comportera trois grandes parties :
1) L’éducation du 21ème siècle
2) Le modèle interstitiel et le référentiel caché
3) Le programme PESTALOZZI
I - L’Education du 21ème siècle :
Les questions qui se posent : Que signifie éduquer ? Est-ce simplement enseigner la grammaire
et l’orthographe ? Ce qui est certain c’est que les évolutions sont rapides et les risques
importants d’où la nécessité d’un changement de paradigme.
L’éducation est une construction de l’Homme. Pour moi c’est la construction de l’objet et du
sujet et pas seulement celle de l’objet. C’est aussi s’ouvrir à l’autre comme cela a été dit
précédemment.
Les apprentissages fondamentaux sont ceux que doivent apprendre les élèves aujourd’hui où
qu’ils soient, d’où qu’ils viennent, quel que soit le contexte dans lequel ils vivent.
ASCOMED
Colloque 2011
41
Où en est la pédagogie ? MEYRIEU repère différentes pratiques pédagogiques :
o
Pédagogie par le geste, c’est le modèle du maître « compagnon », il s’agit là des
nouvelles pédagogies
o
Pédagogie par le livre, c’est celle du bibliothécaire, elle indique les voies de la
formation
o
Pédagogie par la parole : c’est la pédagogie frontale traditionnelle.
Chacune de ces pédagogies correspond à une organisation de société particulière avec soit des
sociétés très hiérarchisées soit très judiciarisées.
Existe-t-il une éthique à l’école ?
Quelle est la place de la personne et quelle est celle de sa production ? Le sujet a-t-il droit à
l’erreur ? Oui on a le droit de se tromper mais l’élève ne le vit pas toujours comme cela et
l’enseignant ne le transmet pas toujours à sa classe.
L’Ecole doit avoir pour but d’accompagner la construction de la personne en apprenant à vivre
ensemble, en apprenant à suspendre l’impulsion et dépasser la violence, en faisant émerger le
sujet libre et en le faisant devenir citoyen du monde. Elle doit faire émerger les connaissances
du sujet mais aussi ses compétences de savoir-faire et de savoir-être.
Devenir un citoyen qui prend des décisions éclairées voilà aujourd’hui la grande question du
Conseil de l’Europe car se cache derrière la peur de voir les démocraties être mises en difficulté.
Il faut donc repenser les modèles en fonction des évolutions de la société, des crises et des
conflits institutionnels, de l’évolution rapide des savoirs et des techniques, de la transformation
des systèmes scolaires, avec des risques psychosociaux importants.
Pourquoi vivre heureux à l’Ecole ?
Parce que lorsqu’on est serein dans sa relation on a beaucoup plus d’espace mental pour traiter
les apprentissages. Etre heureux devrait être un projet d’école mais actuellement il n’y a pas de
place pour ce projet-là.
Pourtant la psychologie cognitive a démontré que se sentir bien engendre divers bienfaits :
o
Ça élargit le champ de vision
o
Ça augmente la créativité
o
Ça augmente la rapidité cognitive
o
Ça facilite la relation aux autres et la recherche de consensus
o
Ça facilite l’autonomie
o
Ça facilite le contrôle et l’efficacité personnelle sur son environnement
o
Ça a un rôle réparateur face au stress
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Colloque 2011
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Nous voilà revenus à la question du sens qui traverse les interventions depuis le début d’aprèsmidi.
II - Le modèle interstitiel et le référentiel caché
On entend aujourd’hui beaucoup parler d’empathie et de civilisation empathique décrite par
Jérémy RIFKIN. On ne pourra pas sortir des pièges de la civilisation dans laquelle on est en
train de s’enfoncer si on ne développe pas une compétence très importante : l’empathie au
niveau de l’espèce c’est à dire nous et au niveau de la biosphère c’est à dire les autres.
Notre pensée rationnelle nous conduit à séparer l’objet observé de l’observateur. Mais il va
falloir changer de paradigme et s’inclure dans ce que l’on regarde.
o
On change d’ère : de l’âge de la foi à l’âge de raison, vers l’âge de l’empathie
o
« une découverte de l’ordre » plutôt qu’une « mise en ordre »
o
Une science holistique qui inclut l’observateur dans la chose observée
o
La pensée complexe plutôt que la pensée cartésienne (Edgar Morin)
C’est le modèle interstitiel et quand on le met en place il fonctionne !
o
Pluridisciplinarité ; inclusion ; collaboration
o
Le sujet est partenaire de sa construction.
Qu’est-ce qu’un bon enseignant ?
Les élèves le décrivent ainsi : « il enseigne bien, il nous respecte ». Les enfants savent très bien
quand vous n’êtes pas juste, quand vous n’êtes pas vrai, quand vous trichez avec vous même ou
avec eux ou quand vous êtes en difficulté. C’est déjà vrai à l’école maternelle mais encore plus à
l’école primaire. C’est pourquoi les enfants qui ont des troubles de la personnalité ou du
comportement font réagir les adultes dans leur inconscient et c’est parfois difficile à vivre pour
l’enseignant.
La fonction contenante : c’est sur l’enseignant que viennent s’appuyer les élèves dans leur
construction
o
L’enseignant doit être le lien et la loi,
o
fonctionner à l’empathie et à l’authenticité,
o
être un tuteur de résilience,
o
un compagnon de parcours et d’autonomie,
ASCOMED
Colloque 2011
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être sécurisant et authentique dans son accompagnement.
o
Penser l’enseignement comme un nouveau métier
On s’arrête bien souvent aux compétences du savoir mais il faut penser l’enseignement comme
un nouveau métier en s’appuyant sur les textes nationaux et internationaux comme les droits de
l’Homme ou les droits de l’enfant. Il existe un certain nombre de chartes européennes pour y
aider.
Si on pense l’enseignement comme un nouveau métier alors la formation prend toute son
importance aussi bien la formation initiale que la formation continue tout au long de la vie.
Cette formation devra porter sur
o apprendre le doute
o accepter l’impuissance
o travailler l’humilité
o travailler dans l’ici et maintenant
o mettre en œuvre la capacité de tâtonnement et de recherche qui augmente
l’attention
o récuser la relation mécanique en se méfiant de la fusion source de confusion
o affronter la difficulté de l’autre en admettant sa propre fragilité
o sans se perdre !
o construire une frontière explicite entre identité personnelle et identité
professionnelle.
Pour terminer sur le changement de paradigme
Je citerai deux phrases qui sont pour moi essentielles :
« Il en va de vous pour moi et de moi pour vous » HEIDEGGER
« On doit être le changement de ce qu’on veut voir advenir » GANDHI.
De plus en plus à tous les niveaux et dans tous les pays il y a un besoin de la reconnaissance du
métier d’enseignant. Sur le terrain les gens vont mal car il y a une pression des changements,
des actions à mettre en œuvre et du sens à donner. Les enseignants perdent le sens de ce qui est
en train de se passer et il n’y a personne pour expliquer ce qui se passe….
III – Le programme PISTALOZZI :
C’est un programme du Conseil de l’Europe, « par la tête et par les mains » afin de faire
entendre sa voix au niveau des pratiques éducatives (objectifs, politiques, bonnes pratiques).
Je vous invite très vivement à aller sur le site et à faire redescendre l’information car personne
ne le connaît dans l’éducation nationale et les francophones sont très peu présents. C’est
pourtant un programme génial dans lequel je me suis investie où l’on y traite de :
o Education à la citoyenneté démocratique
o Droits des enfants et prévention des violences
o Diversité socioculturelle, éducation interculturelle
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Colloque 2011
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o Enseignement de l’histoire et multiperspectivité
o Prévention des crimes contre l’humanité
o Roms et populations nomades
o Enseignement supérieur et recherche
o Formation continue, enseignement formel et informel
o Apprentissage en collaboration
o Coopération et assistance ciblées
o Des modules, des séminaires, des ateliers…..
Site : http://www.coe/pestalozzi
Patricia GAROUSTE, Psychologue scolaire,
Circonscription de LA CIOTAT (13).
Dr Jeanne KOCHANOWSKI (modérateur)
Les échanges furent très riches et pour être rapide voici ce que j’ai retenu
1) - Consultation des élèves pour leur apprendre à dire.
- Consistance du cadre
- Cohérence
- Curiosité
- Compréhension des règles
2) - « Avoir de l’ambition avant qu’ils puissent l’avoir » quel pari et quelle
confiance !
- « Les connaître pour les reconnaître »
- Les rites qui donnent du sens et le cadre de l’établissement
- Besoin des uns et des autres
- Les enseignants jamais oubliés
3) – Changer de paradigme et penser un nouveau métier
- L’enseignant accompagnant et contenant
- Aller vers une civilisation empathique
- Construire une frontière entre entité personnelle et professionnelle
- Se mettre en position de recherche tout au long de la vie
- le droit de se tromper
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Colloque 2011
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« Adolescents difficiles »
Renforcement des compétences des enseignants ou
Comment devenir gentil et juste ?.....
Sylvie DIEUMEGARD, professeur de philosophie
Dr Marie-Thérèse ROUX, MCTR
Académie de Poitiers
Le travail que nous menons depuis plusieurs années sur l’académie de Poitiers, est un travail
sur les adolescents difficiles avec l’axe fort du renforcement des compétences des
enseignants, ou « comment devenir gentil et juste ?»
Le postulat, qui n’est pas un postulat révolutionnaire : le bien être de l’adolescent allié à la
nature et à la qualité des relations établies avec les enseignants, fil rouge de notre colloque,
mais c’est aussi ce qui est ressorti d’un travail de recherche sur les comportements de santé
des adolescents de 11, 13, 15 ans dans l’enquête HBSC qu’on a pu mener avec un
échantillon régional dans notre académie en 2007.
Voilà le plan que l’on souhaite vous présenter :
-
Nos constats par rapport à ce thème,
Les 3 dispositifs que l’on a mis en place pour renforcer les compétences des enseignants
L’évaluation et l’impact que ces dispositifs peuvent avoir sur la pratique des enseignants.
1 – Nos constats :
Dans un 1ier temps, on s’est aperçu qu’il y avait une connaissance insuffisante de la
population adolescente de la part des enseignants. Cette perception s’est affinée au terme de
formation continue, demandes qui étaient faites par les enseignants sur ces thématiques-là.
2ème point important, on a mené une enquête auprès des enseignants en 2006-2007
sur la perception qu’ils avaient. Le contexte était un DU sur l’adolescent réalisé en inter
académique Limoges Poitiers- et on avait essayé de travailler sur la représentation que
l’enseignant avait de l’ado-élève difficile ou en difficulté et par rapport à cette enquête.
Nous avions posé 3 questions : questions posées à deux groupes d’enseignants : 1groupe
« lambda » pris en collège, lycée, LEP et puis un groupe déjà identifié comme étant en
difficulté professionnelle voire en souffrance professionnelle.
Combien d’adolescents/élèves difficiles considérez-vous avoir dans votre classe ?
Comment identifiez-vous ces adolescents difficiles ? Quels sont les indicateurs ?
Quelles actions avez-vous mises en place par rapports à ces adolescents difficiles ?
Les réponses aux 2 dernières questions, entre la population lambda et la population en
difficulté, variaient peu. Sur la 2ème question, on avait le comportement en 1 et le rapport au
travail en 2. Par contre on a constaté que l’enseignant en difficulté pointait surtout la gêne
qui était occasionnée en classe par le manque de travail.
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Colloque 2011
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La 3ème question, sur les actions mises en place, était à peu près similaire, sauf que pour
l’enseignant lambda, il y avait une forte propension à aller vers des propos moralisateurs.
Concernant les réponses à la première question les résultats étaient très différents et
significatifs :
-
Population lambda, nb d’ado difficiles : 0 à 33%
Population fragilisée : de 3 à 90%
La répartition était la suivante : 2/3 dans la population lambda estimaient avoir des ados
difficiles entre 0 et 15% des classes ; pour la population fragilisée, c’était plus de la moitié
qui se situait entre 3 et 15%.
Ce qui pose problème, c’est la suite, c'est-à-dire que dans la population lambda, on avait 1/3
des enseignants qui estimaient que des ados difficiles, il y en avait entre 16 et 33% dans les
classes alors que pour la population fragilisée, on passe de 31 à 90% d’ados difficiles.
2 – Les dispositifs :
Forts de cette enquête, on a proposé un certain nombre de choses autour d’une meilleure
connaissance de l’ado puisque autant pour la population lambda que pour la population
fragilisée, ils reconnaissaient qu’il y a une méconnaissance de l’ado par manque de
formation initiale. Sauf pour des enseignants qui étaient parents et qui s’étaient intéressés au
problème, mais d’une façon générale, ils ne connaissaient pas grand-chose de l’adolescent.
D’où l’idée de faire des stages à destination du public enseignant, dans un 1er temps dans les
établissements.
Depuis 2008, nous travaillons en binôme dans les formations proposées. Nous co-animons
les stages avec un enseignant formateur et un médecin, en partant du postulat que c’est
important qu’un pair puisse faire la déclinaison de ces apports pratiques même si les stages
d’apport théorique, en l’occurrence sur la psychologie de l’adolescent, les enseignants en
sont extrêmement friands et demandeurs.
Mais ce que l’on souhaitait, c’était être au plus près d’une évolution ou d’une intégration de
ces acquis dans leur propre pratique d’enseignant.
Actuellement, 751 enseignants ont demandé ce stage, ce qui correspond à 10% des
établissements pour des stages d’établissements. Ces stages sont un embryon de réponses
aux besoins identifiés par les établissements. Nous n’avons pas la prétention de penser que
c’est la panacée.
L’ado difficile, est au centre de la politique académique depuis 2006. C’est vrai que nous
bénéficions du professeur MARCELLI. Celui-ci souhaitait que l’académie s’implique
fortement en intégrant des personnels de l’EN pour que le DU puisse voir le jour.
Il a pu voir le jour, grâce à un engagement fort au niveau de l’académie. 12 personnes la 1ère
année pour l’académie de Poitiers et 6 personnes pour l’académie de Limoges ; ce qui a
permis de lancer le diplôme et d’impulser une dynamique.
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Par rapport à l’expérimentation en binôme, on a essayé de démultiplier et solliciter les
médecins scolaires de terrain qui avaient une formation initiale sur ce sujet ou qui avaient un
désir de s’impliquer davantage dans la formation. Difficile au début d’avoir plusieurs
équipes, mais les équipes sont maintenant fonctionnelles et aiment travailler ensemble.
On s’est aussi impliqué auprès des équipes mobiles de sécurité ; toujours en partant du
principe que c’est difficile de partager la culture, et on s’est rendu compte que c’est un public
que l’on ne connait pas et qui est demandeur. On a aussi commencé la formation des
référents CESC dans les établissements avec un plan sur 3 ans.
Les résultats de l’enquête HBSC nous ont beaucoup aidés. On a essayé sur l’académie de
Poitiers de voir le lien avec le scolaire, comment on pouvait travailler davantage dans le sens
du renforcement des facteurs de protection plutôt qu’en identifiant les facteurs de risques
dont on sait qu’ils sont toujours les mêmes.
L’observatoire régional de santé qui a analysé cette étude, a établi un indicateur un peu
composite sur la satisfaction scolaire. Dans cet indicateur, il y a un certain nombre d’items,
dont le soutien entre élèves et le soutien entre enseignants. Mme PINIAU, qui est intervenue
précédemment, nous a beaucoup parlé hier de ce soutien entre enseignants. Donc les
indicateurs sont : exigence et autonomie de l’élève. Ce que l’on peut voir, c’est vraiment que
les plaintes somatiques par exemple sont le lot des infirmières dans les établissements.
Lorsqu’on n’aime pas l’école on est beaucoup plus enclin à aller se plaindre de tel ou tel
symptôme auprès de l’infirmière.
C’est encore plus vrai pour l’expérimentation de l’ivresse, les chiffres parlent d’eux-mêmes.
Si on aime beaucoup l’école, on est à 9% à expérimenter l’ivresse et 44% si on n’aime pas
du tout l’école.
Quand on présente cela à des chefs d’établissements, ils comprennent…..
Ce que l’on décline sur tous les modes et à tous les temps dans l’académie auprès de
l’ensemble des publics, c’est l’importance de la relation avec les enseignants et qu’il y a lieu
de travailler sur ce renforcement des facteurs de protection et notamment les seuls facteurs
qui ont pu être identifiés au niveau statistiques, sont ceux qui sont inférieurs à 1. Si les élèves
disent que les enseignants sont justes et gentils, c’est un facteur de protection.
Par contre, les facteurs de risques on les connait, c’est ce que nous disent les jeunes :
- travail scolaire fatigant,
- résultats moyens ou en dessous de la moyenne,
- ne pas être accepté par ses pairs,
- expérimentation de l’alcool,
- rencontre d’amis après l’école, c'est-à-dire pas d’amis ou trop d’amis.
C’est toujours le trop ni trop peu, la santé perçue mauvaise, capacité à trouver de l’aide
auprès des adultes, temps passé sur l’écran, dès 11ans on est à 5 h/j sur l’écran.
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L’insatisfaction scolaire est un facteur de risque. La même chose par rapport aux professeurs
gentils. Dans HBSC, peu de questions par rapport aux parents.
Dans l’enquête ESPAD, il y a un module sur la parentalité, on est donc en train de faire
passer l’enquête ESPAD sur un échantillon. Peut-être pourra-t-on communiquer les résultats
plus tard.
Les 3 principaux dispositifs qui ont été mis en place sur l’académie pour renforcer les
compétences des enseignants sont :
- le groupe de soutien professionnel en 1997. Ce GSP pour les enseignants qui se
reconnaissaient en difficulté professionnelle, jusqu’en 2007 de façon expérimentale
- et depuis 2008 étendu à l’académie.
- Ces stages en binôme avec médecin-enseignant sur l’ado-élève et puis plus récemment
sur la problématique de l’estime de soi.
On travaille l’accompagnement sur 2 années voire 3, sachant qu’il y a tout un pan qui est
consacré à l’analyse de situation, l’analyse des pratiques par rapport à ces enseignants.
Nous sommes toujours sur le professionnel. On travaille avec un psychologue clinicien sur le
moi personnel et le moi professionnel. Le séminaire dure 2 j. L’intérêt, c’est qu’en seconde
année, on travaille sur la psychologie de l’ado. C’est le médecin de prévention qui anime ces
journées sur la psychologie de l’adolescent. Les enseignants en difficulté professionnelle
sont ainsi vus sous un autre jour.
Ils ne viennent pas discuter avec une prise de RV mais l’enseignant peut, en aparté, aborder
un certain nombre de choses.
Sur le nombre d’enseignants en difficulté professionnelle, 1/3 sont suivis par l’équipe
médicale et sont recommandés pour entrer dans le dispositif par cette même équipe, mais les
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Colloque 2011
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2 autres tiers ont la possibilité si nécessaire de rencontrer le médecin de prévention. Ceci
uniquement pour les enseignants qui sont dans le GSP.
Depuis un certain nombre d’années, la 3ème année qui est proposée en facultatif, est
consacrée au moins pour 2 j à une meilleure connaissance du public ado, sachant que depuis
1 an on a mis en facultatif un stage sur l’estime de soi, car les enseignants qui travaillaient
avec nous, nous disaient : « on travaille sur la construction identitaire de l’ado mais on
souhaiterait travailler sur l’estime de nous-même car pour étayer l’ado, nous devons nous
même être étayés».
Autre point fort des analyses des situations qui sont proposées par les stagiaires eux-mêmes,
et notre protocole tourne autour, décrire la situation, pouvoir verbaliser leur ressenti, les
actions qu’ils mettent en place, voir avec l’ensemble du groupe en résonnance, quels leviers
il pourrait y avoir, avec l’expertise du médecin sur la connaissance de l’ado. L’apport
théorique est fait par le médecin, par contre la gestion de la classe et l’outillage pédagogique
est fait par l’enseignant pédagogique.
Dernier point, on ne peut mesurer notre efficacité que par rapport aux transformations des
pratiques des enseignants. Nous travaillons toujours par mini projets. Qu’ont-ils envie de
modifier dans leurs pratiques, même à minima ?
Ces mises en pratiques doivent être travaillées durant l’intersession. Les modalités sont les
suivantes : on a 2 j consécutifs, une intersession, et c’est là qu’intervient leur mini-projet, et
retour sur ce qu’ils ont essayé la 3ème journée qui a lieu 2 mois à 2 mois ½ après. S’il y a des
difficultés à mettre 3 j de stage, on fait 2 j mais on garde toujours l’intersession.
L’encadrement de ces stages est effectué par un médecin scolaire qui a une spécialisation
autour de l’adolescent et un enseignant formateur qui a pu faire le DU sur la psychologie de
l’ado. L’enseignant est là pour l’outillage pédagogique. Chacun doit rester à sa place.
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Nous avons choisi de vous présenter ces 2 dispositifs mais nous avons aussi un dispositif qui
favorise le renforcement des compétences de l’enseignant, celui de la relation enseignantparent et un stage sur l’estime de soi.
Nous avons aussi des groupes de parole et échanges de pratique avec un psychologue
clinicien, car beaucoup d’enseignants étaient demandeurs de groupe de parole, mais que faiton de cette parole ? Or un psychologue clinicien extérieur, qui ne connait pas l’institution, se
retrouve avec cette parole et ne sait pas l’analyser. Donc avec ces binômes, on entend ce que
vous avez à dire mais comment avoir des leviers par rapport à ce qui est dit ?
Nous travaillons également sur le stress car en décryptant les demandes d’établissement sur
le stress, on se rend compte que ce n’est pas le problème du stress mais le problème de
gestion de classe. Par exemple, on leur a donné un test qui est commun à tous les corps
professionnels : ils ont estimés qu’il n’était pas adapté car ils étaient en sous-score. On se
rend compte qu’ils sont démunis et ont besoin d’outils. Nous intervenons aussi mais de façon
ponctuelle sur des aides pédagogiques pour des gens qui n’arrivent plus à s’en sortir à un
moment donné.
3 - Evaluation de ces différents dispositifs :
Depuis 1997, nous avons travaillé avec 250 enseignants et on s’aperçoit que pour 5%, il y a
des problèmes importants qui persistent parce qu’en fait, le problème est loin d’être
uniquement professionnel. Ce qui est important, c’est que sur ces 5%, si on arrive à les
conduire à la case du médecin, on a fait avancer les choses.
Pour 5%, ils vont envisager une reconversion mais ils seront armés pour la reconversion.
Entre 20 et 30% vont mieux mais on sait qu’il suffit d’avoir 2 ans après, une classe un peu
difficile, d’avoir des choses difficiles à vivre pour retrouver une fragilité.
Entre 60 et 70% ont trouvé un équilibre professionnel ou un mieux-être. Pour 10%, parce
que les chefs d’établissement, les IA-IPR leur font confiance, ils vont devenir moteur de
l’établissement.
Ceci pour le groupe professionnel GSP.
Les indicateurs qui ont pu être identifiés sont :
- la réduction du nombre de remplacements,
- du nombre de plaintes des fédérations de parents d’élèves,
- de l’absentéisme perlé et des arrêts de maladie,
- de l’amélioration de la qualité relationnelle des adultes-élèves en général,
- de la meilleure capacité à s’impliquer au plan éducatif,
- moins d’interpellation des services médicaux de prévention.
L’évaluation des autres dispositifs, renvoyée par les enseignants, est une meilleure
adaptation à leur public, ils ressentent moins d’agressivité de la part des élèves, un meilleur
repérage de l’ado-élève en difficulté, car on interpelle souvent les médecins de secteur quand
tout a été tenté et le repérage de ceux qui sont dans l’inhibition, le repli sur soi se fait très en
retard et est préjudiciable. Par exemple, les troubles du comportement alimentaire, l’anorexie
et autres.
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Des demandes de suivi de stages, sont aussi un indicateur et une détection plus précoce de la
souffrance professionnelle des enseignants, parce que cela nous permet l’identifier dans les
formations des enseignants qui pourraient relever du GSP.
En fait, sur ces 3 dispositifs, on s’aperçoit que ce que nous disent les enseignants sur le
mieux-être, c’est qu’ils excluent moins les élèves de cours, ce qui est un véritable problème
dans certains cas ; ils sollicitent moins la vie scolaire et les collègues. Les relations sont plus
sereines avec les ados, ils ont une plus grande variété d’outils pédagogiques à disposition,
donc ils gèrent mieux la classe. On retrouve des demandes de suivi de stages, ils veulent
continuer avec cet enjeu, ils savent que cela modifie leur pratique.
Pour le groupe de soutien, ils disent qu’il y a un mieux-être professionnel mais aussi
personnel. Ils parlent de second souffle car lorsqu’ils sont dans l’usure professionnelle, ils ne
savent rien faire d’autre qu’enseigner.
Nous avons des projets pour 2011-2012 ; nous voulons travailler avec les chefs
d’établissements, les corps d’inspection car nous nous sommes aperçus qu’ils ne
connaissaient pas beaucoup plus l’adolescent que les enseignants.
Dans les formations, notamment le DU « l’ado difficile », il y avait un certain nombre
d’infirmières qui avaient pu bénéficier de ces formations et elles ont pu suivre les stages que
nous proposions sur l’adolescent que nous animions en binôme.
Nous allons essayer de travailler avec un groupe d’infirmières, à l’instar de ce que l’on avait
fait avec les médecins, pour les faire réfléchir sur comment elles pourraient être des relais
dans les établissements, là où il y avait eu des demandes de formation. Essayer d’être moteur
par rapport à la pratique des collègues infirmières, sur le travail de relation avec les
enseignants dans un cadre autre que l’accompagnement individuel des jeunes qu’elles
peuvent recevoir, souvent de façon itérative et avec peu d’impact sur la façon dont cela se
passe dans la classe, avec certains professeurs.
Ce projet va s’étendre sur l’académie Orléans - Tours
Merci de votre attention.
Sylvie DIEUMEGARD, professeur formateur, académie de Poitiers.
Dr Marie-Thérèse ROUX, MCTR Poitiers.
ASCOMED
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« Apprendre à mieux vivre ensemble »
Une approche de l’éducation à la santé en milieu scolaire
Corinne MERINI
Enseignant chercheur IUFM d’Auvergne et au laboratoire PAEDI
Des travaux antérieurs (BERGER et LESELBAUM, 2002 ; MERINI et al, 2004 ; BORGES &
LESSARD, 2005) ont montré, en effet, que l’existence ou l’absence de travail collectif des
enseignants pouvait jouer un rôle majeur dans le climat scolaire et sur le développement de
compétences susceptibles de permettre la prévention des conduites à risque (Saint Léger, 2007).
Quand les enseignants travaillent collectivement, ils déclarent, par exemple, percevoir des
bénéfices comme le sentiment de sécurité, celui de confort et le plaisir à agir auprès des élèves.
Développer le “ vivre ensemble ” à l’échelle de l’école renvoie donc à une approche large de
l’éducation à la santé et à la citoyenneté qui prend en compte à la fois les activités de classe, le
climat d’école et la relation école-famille dans l’intention générale de promouvoir la santé à
l’école. Pour autant, la façon dont les équipes éducatives sont susceptibles de se mobiliser, de
construire des compétences collectives, de construire des partenariats durables reste encore peu
explorée. De l’ensemble de ces réflexions, a émergé le programme « Apprendre à Mieux Vivre
Ensemble à l’Ecole » (AMVEE) développé, de 2003 à 2007, dans 22 écoles du département du
Puy de Dôme, région Auvergne, en France.
Si l’on veut mobiliser les enseignants à mettre en œuvre l’éducation à la santé en milieu
scolaire, il faut que d’une part ils y trouvent un intérêt pour le développement de l’élève et de
ses apprentissages, et d’autre part, que les activités ayant trait à l’éducation à la santé renvoient
à ce qu’ils savent le mieux faire : enseigner. Pourtant cette implication des enseignants (mais
c’est vrai aussi de leurs partenaires) se fait parfois dans une confusion entre enseigner des
disciplines scolaires et éduquer à la santé, la citoyenneté etc.
1 - Enseignement de… et éducation à… : Des activités scolaires de nature différente.
Le travail enseignant a longtemps été perçu au travers de son alignement sur l’activité
d’enseignement (Tardif et Lessard, 1999). La création des ZEP dans les années 80, puis la loi
d’orientation de 1989 ont largement contribué à diversifier les tâches de l’enseignant, par
l’introduction du travail sous forme de projet qu’il soit de classe, de cycle ou d’école. Une
succession de réformes a ainsi amené l’enseignant à inscrire les débats didactiques de la classe
dans un contexte social scolaire de plus en plus complexe. Cette complexité tient au fait que
l’enseignant développe son activité au creux d’interactions de type collaboratif. Ces interactions
le relient à la fois à des stratégies politiques qui relèvent de différents niveaux (politiques
d’école, de circonscription, mais aussi politiques publiques qui prennent en compte la demande
sociale…), à des stratégies techniques d’ordre didactique, mais aussi stratégies sociales lui
permettant de faire coïncider des intérêts individuels et collectifs (Crozier et Friedberg, 1977).
L’enseignement des disciplines (Chervel, 1998) et la transmission de savoirs restent la structure
cellulaire du travail à l’école, ce que Vincent (1994) identifie derrière la notion de forme
scolaire. Cette dernière ne recouvre pourtant pas l’ensemble des activités scolaires qui se
diversifient à la fois en réponse aux réformes, en interaction avec l’évolution des techniques et
avec le fait que le savoir n’est plus seulement présent à l’école. La diversification de ces
activités fait aussi écho à la demande sociale qui attend de l’école qu’elle socialise l’individu et
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Colloque 2011
53
qu’elle contribue au développement d’un individu autonormé (Troger, 1999). Contrairement aux
enseignements disciplinaires qui sont conçus à partir des programmes, les « éducations à… »
sont, elles, pensées du point de vue de l’apprenant et de leur curriculum. La tension entre
enseignement des disciplines et « éducations à… » existe dès la fondation de l’école
républicaine (Denis & Kahn, 2003), et cette tension est irréductible.
Ainsi, comme ont pu le montrer Simonneaux & al. (2006) à propos du développement durable,
l’éducation à la santé ne peut se réduire à des enseignements disciplinaires en raison, en
particulier, de son fondement épistémologique multiréférentiel (Ardoino, 1993). Reste alors à
interroger la référentialisation de ces activités. En effet, s’il peut être légitime, dans un premier
geste, de chercher appui sur le Socle commun de connaissances et de compétences (MEN, 2005,
2007) notamment ses piliers 6 et 7, on peut dire que l’approche « AMVEE » est enracinée dans
le courant de la promotion de la santé. Celui-ci définit, en effet, le « vivre ensemble » comme le
bien-être social, c'est-à-dire : la « mesure dans laquelle un groupe ou un individu peut d'une
part, réaliser ses ambitions et satisfaire ses besoins et, d'autre part, évoluer avec le milieu ou
s'adapter à celui-ci » (OMS, 1986). Pour autant, l’école française d’ergonomie cognitive a
largement montré que les professionnels ne se contentent pas de mettre en application les
prescriptions, ils inventent, réinventent sans cesse leur métier (Leplat, 1997) qui, en ce sens
n’est pas que la simple mise en application des prescriptions. Dans cette perspective la réponse
des acteurs engagés dans une situation est rarement univoque, ce qu’ils font n’est qu’une
possibilité parmi bien d’autres qui ont été écartées « L’homme est plein à chaque minute de
possibilités non réalisées » (Vygotski, 1925/1994). La référentialisation de cette ethnographie
des pratiques enseignantes est celle des activités relevant des éducations à… qui intègrent certes
les recommandations officielles mais dans le même temps les croisent et les débordent.
Caractérisons à présent ces « éducations à…. »
1.1 Les « éducations à… », une relation particulière à l’action
Le champ des « éducations à… » est un domaine d’action, il est donc situé au plus près des
pratiques (dans cette étude, celles de santé et de citoyenneté). En ce sens, si les savoirs prennent
appui sur des référents académiques, et sont donc partagés avec les communautés scientifiques,
le champ des pratiques est lui fondé sur des savoirs inscrits dans des théories d’usage ou des
croyances, et est partagé avec la société civile (dont les parents sont les principaux
interlocuteurs). De fait, le domaine des pratiques suppose des interactions fortes et nombreuses
avec le champ social et donc une certaine porosité de l’école aux problématiques sociales,
contrairement à ce que l’on peut observer pour l’enseignement des disciplines, pour lequel
l’école doit être sanctuarisée afin de protéger la transmission de savoirs de ce qui peut faire
« bruit » pour l’élève.
Les « éducations à… » se nourrissent d’une diversité de champs scientifiques, juridiques
économiques, elles « sont issues de compromis politiques » qui font d’elles des objets
« polémiques, mouvants, objets de controverses » (Lange & Victor, 2006), contrairement aux
disciplines dont les savoirs évoluent, certes, mais dans une temporalité telle que l’on peut les
considérer comme stables au niveau scolaire. Les « éducations à… » ont, par ailleurs, pour
particularité d’être inscrites autant dans l’univers scientifique que dans l’univers domestique
dont le quotidien se déploie dans, et hors l’école.
L’aspect changeant, évolutif et polémique, mais aussi la proximité de la vie sociale des
« éducations à… » mettent souvent les enseignants mal à l’aise et leur posent des problèmes
éthiques, ceux-ci ayant été formés à enseigner des disciplines (Loizon, 2009). Si dans le
quotidien de la classe, la maîtrise des savoirs académiques rassure les enseignants et leur
confère une autorité, les pratiques sociales, parce qu’elles sont discutables, sont sans doute
moins confortables pour eux car ils s’exposent à l’incertitude et aux déplacements de l’objet.
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Colloque 2011
54
1.2 La double finalité des « éducations à… »
Les « éducations à… » se référent à une double finalité. L’une est centrée sur les apprentissages
en vue du développement de la capacité au jugement libre et responsable, la construction d’une
opinion raisonnée (Lange & Victor, 2006). L’autre s’insère dans une dynamique de changement
social visant, pour ce qui est de l’éducation à la santé, l’amélioration de la santé publique. Il
s’agit, au travers de l’élève, de contribuer au changement des pratiques sociales en sensibilisant
le milieu où évolue celui-ci. L’enjeu est de rendre l’élève capable d’agir sur ses comportements
et/ou sur son contexte dans une perspective de changement et d’évolution des comportements en
matière de santé, de citoyenneté ou de développement durable. Pour cela, l’école doit être
« perméable » à ces grands enjeux, mais l’ouverture doit rester pour les élèves un exercice
polyphonique et non cacophonique. Si l’enjeu majeur des enseignements disciplinaires reste
bien l’amélioration des connaissances, ceux des « éducations à… » sont à situer du côté du
développement d’opinions raisonnées afin de prendre des décisions éclairées (op.cit). En ce
sens, on retrouve la tension originelle entre la volonté d’améliorer les connaissances par
l’enseignement des disciplines, et celle de rendre l’élève autonome et responsable, entre l’idée
d’un élève instruit et savant, et celle d’un élève épanoui capable d’initiatives, se responsabilisant
face aux défis sociaux, l’individu auto normé évoqué plus haut (Troger, 1999).
1.3 Les éducations à nécessitent une diversification des pratiques scolaires
La diversification des pratiques scolaires s’articule autour de la prise en compte de plusieurs
caractéristiques : tout d’abord la forme de l’activité. Pour l’enseignement des disciplines, il
s’agit d’une structure fermée (la classe en tant que groupe associant élèves, enseignant et
savoirs) et où la relation maître/élèves y est magistrale et discursive. Dans les « éducations
à… », l’activité prend place dans des structures ouvertes et réticulées situées à la fois dans et
hors la classe, voire hors l’école. L’activité y est protéiforme et l’expérience des individus est
centrale, ce qui suppose des mises en situations particulières permettant à l’élève d’être acteur,
voire même auteur (Lange et al., 2008).
L’ouverture nécessaire aux « éducations à… » n’est pas sans poser problème aux enseignants
qui ont tendance à inscrire l’éducation à la santé dans les débats disciplinaires (éducation
physique et sciences de la vie et de la Terre le plus souvent) et n’ont pas forcément intégré la
question de l’ouverture dans la conception de leur mission comme a pu le montrer une série de
travaux (Cogérino, 1998 ; Jourdan, 2004 ; Turcotte, 2006).
Une autre caractéristique des pratiques scolaires à prendre en compte est la temporalité, celle
des enseignements des disciplines est organisée autour des programmes, des compétences à
acquérir à la fin d’un cycle, ou des savoirs à posséder à la fin d’une unité d’apprentissage. En ce
qui concerne les « éducations à… », celle-ci intervient comme une des balises curriculaires
(Lange & Victor, 2006) dans le parcours de l’élève selon ses besoins et les ressources en
présence. S’il est assez simple pour un enseignant de suivre un programme, faire une analyse de
besoins en matière de santé et exploiter les ressources disponibles pour construire les porosités
nécessaires avec le champ social sont sans doute moins naturels.
De même, la spatialité, autrement dit le lieu où se déroule l’activité qui reste la classe pour
l’enseignement des disciplines est d’une autre nature pour les « éducations à… » qui peuvent,
elles, se dérouler dans et hors l’école (Marcel, 2004). L’enseignant va devoir installer une
vigilance particulière pour que les activités scolaires d’éducation à… s’ancrent dans la question
des apprentissages et ne basculent pas dans l’animation ou la muséologie.
Rendre l’élève acteur dans la situation d’« éducations à… » inverse la relation pédagogique
habituellement surplombante et descendante dans les « enseignements de… ». L’implication de
l’élève aux côtés de l’enseignant ou de l’intervenant dans un dispositif d’action, le rapprochant
des pratiques sociales, va « horizontaliser » la relation à l’adulte dans les « éducations à… ».
Cette reconstruction de positionnement par rapport à celui habituellement investi dans une
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Colloque 2011
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situation classique d’enseignement peut déstabiliser un enseignant. Par ailleurs, la thématique
des « éducations à… » (santé, citoyenneté, environnement, etc.) qui est partagée par tous les
acteurs sociaux questionne le positionnement du maître qui, tout à la fois, pilote une action
éducative et se fait interpeller dans ses propres comportements.
On peut considérer que les caractéristiques particulières de l’éducation à la santé vont amener
les enseignants à devoir construire la porosité des activités scolaires aux grands enjeux de la
santé par le biais de trois grands axes d’activité : l’ouverture de la classe et de l’école, la mise en
relation de situations éducatives diversifiées et ancrées dans différents champs disciplinaires et
a-disciplinaires, et une prise en compte collective et partagée de ces enjeux par les enseignants,
les familles et les acteurs de la santé.
Au regard des spécificités qui viennent d’être décrites, deux hypothèses fortes ont sous-tendu
l’organisation du travail de recherche : d’une part, la formation est nécessaire à la mise en
œuvre d’une démarche d’éducation à la santé et à la citoyenneté et, d’autre part, c’est dans les
dynamiques collectives de travail et la formation que les enseignants s’emparent des enjeux de
l’éducation à la santé et à la citoyenneté.
2 - AMVE1 : UNE APPROCHE, 2 DISPOSITIFS, 1 ETUDE SCIENTIFIQUE A 2 VOLETS
« Apprendre à mieux vivre ensemble à l’école » a commencé à être implantée en Auvergne en
2002-2003, la première version du travail (de 2003/2004 à 2006/2007) a été conçue comme une
sorte de prototype qui aujourd’hui a une dimension nationale. Plus qu’un programme,
« Apprendre à mieux vivre ensemble à l’école » est la combinaison d’une approche, implantée
par le biais de deux dispositifs (l’un d’accompagnement, l’autre de formation) suivie par une
étude scientifique à deux volets (quantitatif et qualitatif) chargée, en quelque sorte, de
« monitorer » l’ensemble, c’est le volet qualitatif qui est présenté ici.1
2.1 « AMVEE », une approche de l’éducation à la santé et à la citoyenneté
Dans l’approche qui sert de base à notre projet, l’action d’éducation est mise en œuvre par
l’ensemble des acteurs de la communauté éducative (enseignants, parents, personnels de santé et
sociaux, personnels municipaux…) à partir du travail conduit par les enseignants. Chaque acteur
utilise les modalités d’intervention correspondant à son statut et à son rôle. L’approche a été
construite en tenant compte des données de la bibliographie internationale dans le domaine de
l’éducation à la santé et à la citoyenneté telles que résumées dans la revue de Jané-Llopis et
Barry (2005). Il s'agit de (1) la nécessité de se référer à une base théorique explicite, (2) d'avoir
des objectifs clairement identifiés, (3) de s'assurer d'un soutien institutionnel fort, (4) de former
et d'accompagner suffisamment les acteurs, (5) de mettre en œuvre une évaluation structurée,
(6) d'articuler fidélité au programme et innovation, (7) de développer une approche globale
centrée sur (8) le développement des compétences sociales et (9) travailler à long terme.
L’approche mise en œuvre dans les écoles se réfère tout à la fois à l’approche de promotion de
la santé (St Léger et al., 2007), aux travaux conduits dans l’équipe (Jourdan, 2007), aux
programmes "mieux vivre ensemble dès l'école maternelle" développé par J. Fortin (2001) et
"contes sur moi" élaboré par l'équipe de la santé publique de Montréal (Bowen, 2003).
Cette approche relève du champ de l’éducation à la santé et à la citoyenneté et croise différents
niveaux et différentes sources de prescription :
• elle est centrée sur l’émancipation de l’individu et la réussite de tous les élèves (Loi n° 2005380 du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'Ecole),
1
A propos du volet quantitatif AMVEE1, consulter : Jourdan (2010) et Simar et Jourdan (2010)
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56
• dans le strict cadre des programmes scolaires et du socle commun de connaissances et de
compétences (Circulaire n° 2006-830 du 11/07/06 relative au socle commun de connaissances et
de compétences),
• en référence au texte encadrant l’éducation à la santé et à la citoyenneté à l’école primaire et
au collège (Circulaire n° 98-237 du 24/11/98 relative aux orientations pour l'éducation à la santé
à l'école et au collège).
Elle concerne à la fois les activités de classe et de l’école, la relation école-famille, et le climat
d’école. Elle vise la création d’un environnement scolaire adapté au bien-être et à la réussite des
élèves dans ses dimensions physique, relationnelle, psychique, ainsi que le développement des
compétences des élèves. Il s’agit de permettre l’acquisition de savoirs et savoir-faire,
notamment ceux relatifs au corps et à la santé, d’aborder et de permettre aux élèves de
s’approprier les problèmes de société qui font appel à la fois à des valeurs, des lois, des savoirs
scientifiques. Dans le même temps, elle permet de contribuer à l’apprentissage de savoir-être
(compétences personnelles, sociales et civiques) dans le temps scolaire, de développer chez les
élèves la résistance à l’emprise de l’environnement (stéréotypes, médias, pairs…) et de leur
permettre d’identifier les soutiens dans cet environnement.
2.2 Le dispositif d’accompagnement
Le dispositif d’accompagnement qui a été appliqué aux deux circonscriptions ne consiste pas à
imposer un programme d’activités et ne cherche donc pas à repérer les effets d’un « changement
planifié ». Il s’appuie sur l’autonomie et l’initiative des équipes et inclut la perspective de
formation des acteurs par un accompagnement des équipes et l’évaluation de l’action des écoles.
Ce dispositif d’accompagnement se veut à l’origine d’un « changement émergeant » tel que
Schoonbroodt et Gélinas (1996) le décrivent, c’est-à-dire le fruit d’une réflexion et de
constructions collectives, conçues par les acteurs eux-mêmes qui peuvent refinaliser leur projet
à partir des éléments concrètement repérés. Le travail d’intervention est donc moins à
comprendre comme une implantation de programme ou de dispositif, que d’un
accompagnement des enseignants dans la démarche d’intégration des enjeux de l’éducation à la
santé et à la citoyenneté dans leur pratique.
2.3 Le dispositif de formation
Le dispositif de formation concernait dix écoles de la circonscription 2. Il étaie les ressources
dont les équipes disposent à la fois en matière de matériel didactique et de scénarios possibles à
mettre en œuvre, tout en sensibilisant les enseignants à la présence de ressources environnantes.
La formation est assurée par l’équipe de circonscription, les formateurs IUFM2 et les équipes de
santé scolaire. Elle a cherché la valorisation, la mutualisation et l’enrichissement des pratiques
éducatives des écoles par un travail réflexif collectif sur les pratiques éducatives (à partir
d’outils d’analyse et de la perception par les enfants du climat scolaire), les échanges entre
écoles de la circonscription 2 et des apports en formation
Les dispositifs de formation et d’accompagnement mis en œuvre sont portés par l’Inspection
d’Académie, le Rectorat, l’IUFM et la circonscription. Ils prennent place dans le schéma
régional d’éducation pour la santé et ont été développés sous forme de stages et d’animations
pédagogiques dans le plan de formation continue des enseignants au cours des années scolaires
2003-2004 à 2006-2007.
2.4 Une étude scientifique
La prise en compte de la complexité des déterminants est au cœur de l’élaboration du dispositif
de recherche.
En ce qui concerne le travail évaluatif de recherche, il comporte deux volets :
2
L’étude a été mise en place avant l’intégration des IUFM dans les universités.
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57
• (1) un volet quantitatif qui cherche à repérer les impacts du dispositif, d'une part, sur les
facteurs de la réussite scolaire (notamment le climat d’école, la santé des élèves…) et les
apprentissages des élèves dans le domaine des compétences personnelles et sociales et,
• (2) d'autre part, un volet qualitatif dont l’objet est d’évaluer les pratiques enseignantes
collectives et les facteurs qui conditionnent l’implication des professionnels et des équipes.
Dans le but d’éclairer ces questions, tant au plan des modèles théoriques que de leur mise en
œuvre et de l’analyse de leur pertinence en contexte scolaire, nous avons choisi de mettre en
tension deux approches relevant de deux ordres différents : (1) l’approche qualité qui examine
l’enchaînement de procédures et les met en rapport avec la qualité des résultats attendus (volet
quantitatif fondé sur des questionnaires : les uns destinés aux élèves de cycle 1, 2 et 3, et aux
parents ; un questionnaire d’évaluation des compétences des enfants rempli par les enseignants ;
un questionnaire relatif aux pratiques des enseignants), dont nous ne rendrons pas compte ici ;
l’autre (2) systémique qui explore les interdépendances qui se construisent entre systèmes, entre
acteurs et entre acteurs et systèmes (volet qualitatif). Nous nous proposons de tenter d’accéder
aux modalités de l’action des membres de la communauté éducative dans toute leur complexité,
par le biais des pratiques telles qu’elles se manifestent et de leur analyse.
Il s’agit de produire des savoirs scientifiques sur la manière dont les équipes construisent leurs
pratiques, tissent des liens avec leur environnement et traduisent les objectifs d’AMVEE en
activités scolaires. Le protocole permet de comprendre l’impact des pratiques habituelles des
écoles et de celles modifiées par le travail collectif lié au dispositif ou à la formation. Cette
recherche est basée sur les apports des sciences de l’éducation et de la santé publique. Le volet
qualitatif est orienté vers une ethnographie des pratiques collectives des écoles telle qu’élaborée
dans le cadre d’une étude antérieure (Mérini, 2005) ; elle est fondée sur l’analyse des traces des
pratiques collectives des enseignants (698) et sur des entretiens (74).
L’ensemble des données collectées via les questionnaires et les entretiens est restitué aux
acteurs et mis au service des écoles. Les équipes d’école ont été libres d’entrer ou non dans le
dispositif proposé. Le fait que les acteurs soient associés à la conduite du projet permet que
l’ensemble des questions, notamment éthiques, soient prises en charge collectivement. Dans cet
esprit, le cadre éthique strict de l’étude, ancré sur les valeurs de l’Ecole, a été soumis à
l’approbation des structures de l’Education nationale.
3. CADRES THEORIQUES ET METHODOLOGIE
3.1 Cadres théoriques investis
Le travail, dont l’objectif est de repérer comment les enseignants construisent des relations entre
les différentes situations scolaires pour construire une approche globale et systémique de
l’éducation à la santé, fait coopérer différents cadres théoriques. Nous devons d’une part mettre
en avant la perspective systémique (Morin, 1977) pour la prise en compte de la question des
liens et des interactions qui unissent les acteurs. Elle permet, en effet, de rendre compte d’une
complexité invisible du point de vue des disciplines qui fragmentent l’objet ou qui l’isolent. Les
spécificités des éducations à… telles que nous les avons présentées ci-dessus supposent des
combinatoires (Morin, 1990) dans l’organisation des activités scolaires qui renforcent la
complexité des pratiques collaboratives. Systémie et complexité constituent donc le cadre
général de la réflexion.
D’autre part, pour répondre à la question de recherche, nous adoptons une entrée particulière,
celle des pratiques scolaires. Nous entendons par pratiques, des actions régulières, récurrentes,
des répétitions à l’identique de ce qui a marché (Malglaive, 1990; Trinquier, 2005). Le cadre
d’analyse, dans lequel nous inscrivons nos interprétations des pratiques, est celui de la
sociologie, et plus précisément de la sociologie des organisations (Crozier & Friedberg, 1977)
pour la lecture stratégique des pratiques des enseignants, et le recours à la notion de système
d’action concret pour identifier les actions en éducation à la santé. Les pratiques sont le résultat
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Colloque 2011
58
de couplages (Marcel, 2006) entre un contexte (réglementaire, professionnel et social...), des
acteurs scolaires (enseignants et non enseignants) et non scolaires (familles, partenaires, etc.), et
des activités d’enseignement-apprentissage. La décision est le moment cristallisateur de ces
couplages et nous interrogeons cette cristallisation à partir d’une critique des décisions (Sfez,
1981) issue de la sociologie compréhensive (Jamous, 1969) pour interpréter les relations qui
sont faites entre les différents acteurs et les différents niveaux de pratique. Tous ces cadres
théoriques ont pour particularité de partager l’idée selon laquelle un choix échappe à une
rationalité linéaire, de fait l’interprétation des décisions est multiréférenciée (Ardoino, 1993),
complexe et systémique.
La grille d’analyse développée par Bizzoni et al. (à paraître) modélise les relations que l’élève
est invité à développer avec son environnement (Beillerot, 1989) pour construire ses savoirs,
elle permet d’identifier la nature des rapports (aux autres, à soi-même, au milieu, etc.) travaillés
au travers des activités scolaires.
3.2 Méthodologie
Les matériaux recueillis sont hétérogènes, ils ont été utilisés comme des traces de pratiques
manifestes à partir desquelles nous avons reconstruit les systèmes d’action. Ils sont, en effet,
constitués d’enregistrements ou d’écrits professionnels relevant à la fois :
de traces formelles (dossiers de projet, monographies, documents de l’Inspection
académique, projets d’école...) ;
de traces informelles (préparations, notes et bilans personnels, ébauches de projet,
compte-rendu de conseil de cycle, de maîtres ou d’élèves etc.) ;
de pratiques déclarées (entretiens, questionnaires) ;
de pratiques réellement mises en œuvre, saisies par des traces « brutes »
(transcriptions de réunions de concertation…).
Nous avons organisé cette hétérogénéité autour de deux pôles :
• les données analysées (essentiellement des écrits professionnels),
• les données utilisées comme système de validité (les entretiens, les enregistrements de
concertations).
Nous avons tout d’abord cherché à formaliser les pratiques puis à repérer des régularités
traduisant la présence de règles d’action ou de facteurs déterminant l’appropriation de
l’approche AMVEE, de ses enjeux et de ses finalités ; pour cela nous examinons la manière
dont sont prises les décisions et comment elles sont opérationnalisées. Nous montons en
quelque sorte un observatoire des prises de décisions et des systèmes d’action sur 3 ans à partir
de la collecte de traces écrites. Nous menons cet examen à partir :
• d’une ethnographie des pratiques fondée sur la formalisation des pratiques en s’appuyant sur
les écrits professionnels des enseignants ;
• de la reconstitution chronologique des décisions d’équipe sous la forme d’un graphe que
nous appelons décisiogramme ;
• de l’examen sociologique et stratégique des prises de décisions par une analyse des points de
coordination.
Les écrits professionnels jugés comme ayant trait au dispositif (par les enseignants eux-mêmes)
ont été rassemblés par le Directeur ou la Directrice dans une “ pochette collecteuse ”. Sur la
pochette, était mentionnée la consigne suivante : “ Merci d’avoir la gentillesse de bien penser à
ranger dans cette pochette les copies des traces écrites concernant le développement du “ vivre
ensemble à l’école ” (CR de conseils d’école, de conseils de maîtres ou d’élèves, projet d’école,
courriers adressés aux parents, CR de réunions, notes d’information internes ou externes,
demandes d’aménagements, documents personnels (préparation, bilan) etc.) ”.
Comme pour tout protocole de récolte de données, signalons un biais méthodologique qui a
voulu que ce soit fréquemment le directeur ou la directrice qui ait collecté les écrits et non les
enseignants eux-mêmes. De fait, il est peu question des activités menées en classe, et le choix
des équipes aurait peut-être différé de celui du directeur ou de la directrice (les entretiens de ce
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Colloque 2011
59
point de vue complètent la prise d’information, les enseignants ou les élèves nous signalant
d’autres opérations que celles repérées dans les écrits professionnels).
4. RESULTATS
Sur les 698 traces écrites récoltées, 416 appartiennent à l’école (les 282 restantes sont des notes
de l’opératrices ou des bilans de l’équipe de formation). Les traces les plus nombreuses
concernent les liens aux parents (135) et le conseil d’école (121), ce qui nous permet d’en
déduire que les actions s’exposent et s’officialisent dans le conseil d’école et que l’approche a
été l’occasion de structurer de nombreux liens avec les parents. Le conseil des maîtres semble
lui être le lieu de conception du travail collectif (45 traces).
4.1 Nombre d’opérations mises en œuvre et leurs reconductions
Ces traces évoquent, illustrent, explicitent les actions menées par les équipes au titre de
l’approche AMVEE, ce qui nous a permis d’identifier un certain nombre d’opérations par école
et par an.
Tableau 1 : Nombre d’opérations repérées par circonscription sur 3 ans
CIRCONSCRIPTION 1 (11 sites)
CIRCONSCRIPTION 2 (10 sites)
Période
An 1
An 2
An 3
Sur 3
An 1
An 2
An 3
ans
Sur 3
21 sites
Sur 3 ans
ans
Nombre
d’opérati
6
43
50
99
37
68
68
173
272
ons
La circonscription 2 est non seulement pré-sensibilisée par un certain nombre d’évènements
antérieurs, mais aussi formée à la thématique, ce qui peut expliquer que, dès la première année,
on décompte 37 opérations pour 6 dans l’autre circonscription. Pour autant, que ce soit l’une ou
l’autre circonscription, elles ont, toutes les deux, su offrir une place à la thématique dans les
activités scolaires. On peut noter, en effet, une augmentation sensible du nombre d’opérations
qui passe de 6 la première année à 43 puis à 50 pour la circ.1, et de 37 à 68 la deuxième et la
troisième année pour la circ.2. Au vu des données récoltées, on peut avancer qu’il existe bien
une marge de manœuvre pour mettre en place des actions dans le domaine de la santé et de la
citoyenneté contrairement à ce que les équipes affichent parfois derrière le fait qu’elle n’ont plus
de temps pour « faire les programmes ».
Une première lecture, et le constat d’augmentation du nombre d’opérations, pourraient laisser
penser que la formation joue un rôle dans la mise en œuvre de la thématique (+ 31 entre l’an 1
et l’an 2 pour la circ.2). Il semble, en fait, qu’il s’agisse plutôt de l’action conjuguée d’un « effet
recherche » lié au dispositif de recherche, à la présence de l’opératrice, ou d’une instrumentation
évaluative etc., et du dispositif d’accompagnement qui pousse les équipes à s’interroger sur la
thématique et à échanger. Notons, en effet, que la circ.1 décompte + 37 opérations dans la
même période sans formation systématique. Dans les deux circonscriptions, on relève un
tassement du volume d’opérations développées entre les années 2 et 3 (+ 7 pour la circ.1, 0 pour
la circ.2), un peu comme si les équipes n’étaient plus en mesure d’augmenter leur activité audelà d’un certain seuil. Vraisemblablement, nous sommes là confrontés à un phénomène
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Colloque 2011
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ergonomique qui empêche les équipes d’augmenter les opérations au-delà de leurs capacités à
agir, même si elles font évoluer leur activité en complexifiant les opérations. Ces capacités à
agir semblent étroitement liées à des facteurs environnementaux comme le turn-over des
équipes, l’implantation multi-sites de certaines écoles ou la restructuration des classes en multiniveaux par exemple.
Une analyse plus fine des opérations par site montre que les équipes ne multiplient pas leurs
opérations (voir circ.2 à l’an 3) mais ont tendance à les enrichir en construisant des liens entre
elles pour développer des systèmes d’action concrets plus larges et surtout plus cohérents. Par
exemple, un site travaillant sur le « rapport à la règle » (site n°20) met en relation cette
opération avec une opération « jardin pédagogique » tournée vers la découverte du « vivant » et
le respect de l’environnement. Six élèves sont associés et se voient confier la responsabilité
d’une parcelle pour laquelle ils vont devoir élaborer et respecter des principes d’action
communs. Ce faisant, c’est l’occasion d’allier connaissances sur le monde vivant et de
développer des compétences en termes de prises d’initiatives, d’autonomie, de respect des
autres, etc.
4.2 Une diversité de configurations de pratiques
Les pratiques révélées au travers des traces recueillies relèvent de trois grandes catégories : des
pratiques d’enseignement, des pratiques de socialisation et des pratiques sous forme de projets.
4.2.1 Des pratiques d’enseignement
Ces pratiques peuvent être directes comme dans le cas d’informations sur les effets du
tabagisme par exemple, ou sur les risques routiers, il s’agit généralement de prévention sanitaire
ou sécuritaire prise en charge par des « spécialistes » extérieurs à l’école ou les services de la
médecine scolaire. On trouve aussi ce qu’il est convenu d’appeler des pratiques d’enseignement
indirectes où les questions de santé et de citoyenneté trouvent place au travers des disciplines
scolaires à l’occasion de dispositifs spécifiques impulsés localement par l’équipe de
circonscription comme « exposciences », le « prix du p’tit lecteur », ou le cross de l’école, voire
au niveau régional ou national comme pour le « rallye maths ».
4.2.2 Des pratiques de socialisation
Dans ce cas les équipes investissent des structures comme les conseils d’enfants, le journal
scolaire, la chorale…, ou des moments festifs comme la kermesse, la fête de Noël, ou la vente
de bulbes pour dynamiser des activités mettant en relation les élèves avec des pairs ou des
adultes dans une perspective de citoyenneté, comme dans l’exemple d’une chorale qui se
produit lors de la fête de Noël et à qui on demande de renouveler sa prestation dans le village
dans le cadre d’une commémoration historique.
4.2.3 Des pratiques sous forme de projets
La classe de découverte sera l’occasion, par exemple, de randonnées sur « les chemins de
Pagnol » à la fois pour découvrir une région, un auteur, adopter un mode de vie sain et actif, et
explorer une époque, celle de Pagnol. Dans un autre registre, l’embellissement de l’école, les
Restos du cœur, sont les propos choisis pour vivre des moments de solidarités, de prendre des
initiatives et développer l’estime de soi. Les dispositifs COMENIUS, UNICEF… sont aussi des
vecteurs d’action permettant de faire l’expérience de la différence et de la solidarité à d’autres
cultures.
4.3 Des pratiques complexes
Outre l’hétérogénéité de configurations qui vient d’être mise en perspective, on a pu relever au
travers des traces qui nous ont été confiées la complexité, au sens de Morin (1997), c'est-à-dire
des interdépendances qui sont construites dans une même action au travers des visées
éducatives. Pour explorer plus avant cette complexité, nous avons construit un cadre de lecture
des pratiques référé aux relations que l’élève est invité à développer avec son environnement
pour construire sa connaissance du Monde (Beillerot, 1989). Cette grille d’analyse, développée
par Bizzoni et al. (à paraître), modélise la nature des rapports travaillés au travers des activités
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61
scolaires d’éducation à la santé. Au nombre de cinq (codés de a à e), on distingue le rapport aux
autres (a) incitant au respect de l’autre dans sa différence, à l’entraide ou la solidarité ; le rapport
à soi (b) encourageant l’élève à prendre soin de lui-même, à gérer ses émotions, à prendre des
initiatives ; le rapport au milieu (c) amenant au respect de l’environnement ou à
l’embellissement du milieu de vie ; le rapport au temps enfin qui peut s’exprimer en relation
avec le passé (d) (commémoration, retour sur un point de l’Histoire..) ou au contraire avec
l’avenir (e) (dédramatisation des étapes curriculaires comme l’entrée à l’école ou le passage
d’un cycle à un autre...). Les rapports à l’autre (a) et la dimension citoyenne sont les plus
nombreux à être mis en œuvre (124/n=285), ainsi que le rapport à soi (b) (106/n=285), on
retrouve dans une moindre mesure le rapport au milieu (40/n=285). Ainsi, si la dimension
globale et systémique de l’approche se lit au travers des différentes configurations de pratiques,
elle est moins affirmée quand on explore plus avant les contenus des actions proposées aux
élèves, puisque ce sont essentiellement 2 types de rapports qui sont travaillés marquant surtout
les dimensions citoyennes et personnelles de la santé et laissant en retrait la question du milieu
de vie, des racines et de l’avenir pourtant contributrice du climat scolaire.
4.4 Analyse des vecteurs de pérennisation
Le nombre d’opérations évolue de manière tangible pour les deux circonscriptions entre l’année
1 et 2 de l’étude, mais toutes deux affichent ensuite une stabilisation de ce nombre. Ainsi, s’il
existe bien une marge d’implantation d’actions relatives à la santé et à la citoyenneté, celle-ci
n’est pas extensible à un certain seuil.
Tableau 2. : Nombre d’opérations mises en œuvre et leurs reconductions
An1 An2 An3 Rec.1-2 Rec.2-3 Rec.1-3 Rec.1-2-3
Circ. 1
6
43
50
3
26
4
2
Circ.2
37
68
68
24
41
19
16
Le tableau 2 ci-dessus traduit des phénomènes de reconduction des actions d’une année à
l’autre. Si les résultats ont permis de pointer que les actions étaient impulsées largement par
l’école (59 opérations ont pour origine l’école vs 26 pour la circ.1 et 86 vs 70 pour la circ.2), on
a pu montrer qu’ils existaient des vecteurs (moyens humains, financiers, matériels) sur lesquels
les équipes s’appuyaient pour pérenniser leurs actions. Nous avons pu identifier 6 types de
vecteur : l’étude elle-même qui a stimulé les équipes pour adopter l’approche et la reconduire, la
présence d’intervenants extérieurs « ressources » présents dans le voisinage de l’école, l’équipe
école elle-même qui possède des ressources en interne, les structures internationales comme
l’UNICEF ou COMENIUS, mais aussi nationales comme l’USEP ou les campagnes nationales
d’information (la semaine du goût), l’inspection de l’Education nationale qui par une politique
de circonscription volontariste ou l’impulsion d’évènements comme le « prix du p’tit lecteur »
ou le festival jeune public » contribue à aider les équipes.
La mise en place d’une approche globale et systémique de la santé et de la citoyenneté serait
donc le résultat d’une chaîne de volontés (celle des institutions, des acteurs de l’école, des
familles, des instances publiques et gouvernementales, etc.) et pas seulement d’une catégorie de
personnel (enseignants, personnel médico-scolaire, etc.)
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62
Tableau 3 : Les vecteurs de pérennisation
Vecteurs
Etude
Int.
Ext3
Ecole
Int.
Nat.
IEN
Territorial
Circ. 1
An1 (6)
An2
(44)
An3
(50)
Total
Circ.2
An1
(37)
An2
(68)
An3
(68)
Total
1
2
4
7
0
21
19
40
1
17
25
43
0
2
2
4
1
1
1
3
1
8
10
19
1
3
2
6
7
34
24
65
11
21
35
67
2
4
1
7
0
1
4
5
9
17
19
45
Les types de vecteurs mentionnés au tableau 3 montrent que ce sont les actions créées et portées
par l’école qui sont majoritaires dans les deux circonscriptions. Les intervenants extérieurs et la
territorialité sont des bailleurs importants et soutiennent largement les écoles. On peut noter que
les vecteurs nationaux et internationaux constituent des « niches » d’évolution mais qui sont
sans doute plus difficiles d’accès pour les équipes, la mairie étant un partenaire plus naturel.
La circ.2 semble, par ailleurs, créer plus facilement des cohérences entre les différents niveaux
de vecteurs, on doit pouvoir imputer ce phénomène à la formation.
4.5 Des modes de fonctionnement collectifs typiques des équipes
La manière dont les équipes se saisissent des vecteurs précédemment identifiés et leur
comportement à l’égard du protocole de recherche durant les 3 ans nous ont permis de repérer
des modes de fonctionnement collectifs typiques.
4.5.1 Le fonctionnement de type acteurs « Opposants »
Les acteurs opposants ont pour caractéristique de refuser une partie du protocole de recherche
(entretiens, écrits professionnels, retour des questionnaires…) ou d’entretenir des relations
difficiles avec toutes structures perçues comme représentatives de l’Institution, et ceci alors que
les 21 sites ont accepté de faire partie de l’étude. Le site 4 par exemple, bien qu’ayant choisi
d’être associé à la recherche, n’a rendu aucun écrit professionnel à l’opératrice. L’équipe semble
partagée entre le fait de contribuer à l’étude et de ne pas vouloir donner l’impression de se
« soumettre » à ce qui est ressenti comme des injonctions hiérarchiques. Pour autant, l’équipe
met en place des actions (sans doute même avant la recherche) et en cela semble convaincue de
la nécessité de le faire si on veut « mieux vivre ensemble à l’école ».
3
Comprendre : Intervenants Extérieurs (Int. Ext.), International et National (Int. Nat.), Inspection de
l’Education Nationale (IEN)
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63
4.5.2 Le fonctionnement de type acteurs « Opportunistes »
Ce mode de fonctionnement se caractérise par le fait que, pour répondre à leur engagement, les
équipes ont un recours massif aux intervenants extérieurs, que l’origine de l’action n’appartient
pas à l’école voire que les bailleurs sont extérieurs. On relève aussi fréquemment que les
intitulés des opérations ne sont pas de même nature que lorsque l’école pilote le travail. On aura,
par exemple, des interventions « Pompiers », « Gendarmes » ou « Ligue contre le tabagisme » et
non : décloisonnement, ateliers multi-âges ou accueil des enfants du voyage. Le site 1 est un
exemple de mode de fonctionnement opportuniste. On peut remarquer que les bailleurs sont
extérieurs (intervenants extérieurs, étude…). Le site se saisit de vecteurs existant dans son
environnement comme : l’intervention de la ligue contre le tabagisme ou les pompiers qui sont
des dispositifs proposés par la territorialité ou les intervenants extérieurs. Il en est de même pour
le travail avec la faculté dentaire qui met à disposition des outils, des moyens etc. La logique
dominante qui préside au développement des opérations est donc l’opportunisme, même si, peu
à peu, l’équipe « s’affranchit » de ces offres de services pour mettre en place des actions dont
elle a la maîtrise et qui sont plus adaptées aux besoins des élèves, comme le travail d’écoute et
de concentration.
4.5.3 Le fonctionnement de type acteurs « Opérateurs »
Les sites, que nous qualifions d’opérateurs, ont pour caractéristique d’organiser leurs actions en
réponse à ce qu’ils considèrent comme une prescription. Cette prescription peut être de deux
ordres :
• Soit l’équipe fonde son travail sur les résultats obtenus aux questionnaires du dispositif
d’accompagnement AMVEE, les commentaires ou l’intervention des parents, voire sur un
évènement particulier (l’arrivée d’un enfant de couleur par exemple ou l’intégration des enfants
du voyage). Nous sommes, ici, en présence d’une auto prescription secondaire fondée sur une
analyse de besoins plus ou moins « armée » de la part de l’équipe. Nous avons qualifié ce mode
de fonctionnement d’opérateur de type 1.
• Soit l’équipe reprend dans les mêmes termes les outils ou les situations pédagogiques
présentées lors d’animations de circonscription ou de la formation. La prescription, dans ce cas,
peut donc être considérée comme secondaire (Goigoux, 2007) et externe, nous parlons alors de
mode de fonctionnement opérateur de type 2. Cette offre de formation a pour caractéristique
d’être fondée sur une analyse de besoins conduite par l’équipe de circonscription, ce qui à la
fois fait « gagner » du temps aux équipes, mais dans le même temps occulte les fondements du
travail. En fait, les équipes se comportent de manière opportuniste par rapport à l’offre de
formation qui leur est faite.
En mettant en place leurs opérations avec une approche AMVEE, les sites opérateurs répondent
à la fois aux injonctions officielles des programmes (prescription primaire) et soit aux besoins
repérés par les enseignants, soit aux injonctions de l’équipe de circonscription.
Le site 10 est, pour nous, typique d’un fonctionnement opérateur 1. Cette école a suivi les
informations de l’équipe de recherche à la lettre en attendant les résultats des questionnaires,
élèves et parents, pour noter que les relations entre élèves étaient difficiles. Face à ce constat,
elle met en place 6 opérations respectant la diversité des rapports identifiés plus haut, tout en
ayant comme objectif d’améliorer le climat scolaire. L’école prend ensuite en compte les
résultats des questionnaires de l’an 2 pour reconduire ses opérations. Pari gagné puisque le score
obtenu à l’item cotant le bien-être des élèves évolue positivement aussi bien pour les élèves de
cycle 2 que pour ceux du cycle 3. Les sites 20 et 21 ont eux le comportement typique
d’opérateurs de type 2 même s’ils y associent une dimension novatrice.
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64
4.5.4 Le fonctionnement de type acteurs « Novateurs »
Les sites novateurs ont pour caractéristique d’inventer des opérations inédites comme le
« caf’éduc » ou la salle des parents par lesquelles l’équipe enseignante cherche à amener les
parents à dialoguer sur des thèmes renvoyant à la parentalité. L’innovation peut aussi venir du
fait que l’équipe met en relation différentes opérations pour construire un vaste système d’action
comme dans le cas du site 14 qui utilise un échange Comenius avec l’Italie pour introduire une
langue étrangère, puis mettre en relation un autre vecteur : « le festival jeune public » et monter
une pantomime en italien sur le thème « bien-vivre ensemble à l’école » et aboutir à une
prestation artistique originale en fin d’année.
Tableau 4 : Modes de fonctionnement collectif des équipes4
Circ.1
Circ.2
Total
Mode
opportuniste
4
2
6
Mode
opérateur 1
6
1
7
Mode
opérateur 2
1
6
7
Mode
novateur
5
9
14
Mode
opposant
3
1
4
Pour autant, ces modes de fonctionnement ne sont pas aussi homogènes que la présentation cidessus des différents profils peut le laisser entendre. Les sites évoluent dans leur manière de
travailler et donc les profils évoluent d’une année sur l’autre, mais il arrive aussi parfois que
dans une même année les écoles adoptent un double profil. Ces évolutions peuvent être
attribuées à la fois à l’expérience que l’équipe construit d’une année à l’autre, mais aussi aux
mouvements des ressources ou des obstacles (l’ouverture d’une classe, le départ ou l’arrivée
d’un enseignant, la présence d’une opportunité etc.).
En conclusion
L’adhésion des enseignants aux situations éducatives proposées aux élèves est un point
important pour obtenir les effets escomptés auprès des élèves. L’analyse des pratiques des
enseignants en matière de santé et de citoyenneté laisse percevoir des leviers à cette adhésion.
En tout premier lieu une centration sur les apprentissages qui fonde l’identité enseignante, en ce
sens les actions AMVEE ont été ancrées dans des situations éducatives alliant apprentissages et
bien-être à l’école, mais c’est aussi une question de codes marquant des univers spécifiques, et
si la promotion de la santé à l’école passe par des apprentissages réussis et valorisants, la seule
terminologie de la santé fait dire aux enseignants qu’ils ne sont pas spécialistes et que cela ne
relève pas d’eux.
En ce sens, il est évident qu’une formation apportant des contenus susceptibles de s’inscrire
dans le quotidien de la classe, comme le travail autour de la littérature de la jeunesse pour
aborder les questions de santé et de citoyenneté, ou de techniques comme une analyse
objectivée des besoins des élèves dans ce domaine sont des leviers puissants de développement
4
Le tableau prend en compte les évolutions de modes de fonctionnement sur les 3 ans ce qui explique un
total supérieur à 21
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Colloque 2011
65
des pratiques. De même, une formation à la collaboration permettrait aux enseignants d’acquérir
des compétences indispensables pour le travail collectif comme le pilotage de réunion et de
négociation, le montage de projets de budgets etc.
Les enseignants nous ont, par ailleurs, mentionné tout le plaisir qu’ils avaient eu à travailler
collectivement, à innover au travers de dispositifs inédits et à entrer en relation avec les familles
même si pour certains l’aventure n’a pas été confortable. De ce point de vue, l’analyse et
l’échange de pratiques sont des axes importants pour renforcer ce levier et développer ce type
de pratiques.
Ces points et les acquis de cette étude ont été retenus pour le développement de la seconde
phase de développement d’AMVEE au niveau national qui aujourd’hui concerne 115 écoles
réparties dans 15 circonscriptions de l’Education nationale de six académies.
Etude menée conjointement avec Patricia VICTOR
et Didier Jourdan - Laboratoire PAEDI
Corinne MERINI
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66
« Santé des élèves, santé des adultes »
Quelles interactions ?
Interview du Dr Nicole CATHELINE
Pédopsychiatre, CHU de Poitiers
Dr CATHELINE vous êtes pédopsychiatre et vous travailler depuis longtemps dans le milieu
scolaire ?
Je suis pédopsychiatre depuis 32 ans et je m’intéresse particulièrement aux difficultés scolaires
et à tous les problèmes qui se passent dans le cadre scolaire. J’ai écrit un certain nombre
d’ouvrages :
-
Psychopathologie de la scolarité
-
Les années collèges
-
Le harcèlement, et plus récemment
-
« Cet adolescent qui évite de penser » qui concerne les soins que l’on peut apporter aux
adolescents qui rencontrent des difficultés dans le cadre scolaire.
Donc 4 livres. Est-ce que vous pourriez partager avec nous vos réflexions sur le thème
d’aujourd’hui à savoir l’interaction entre la santé des élèves et celle des adultes ?
Autrement dit vous me posez la question « en quoi la santé des adultes permet au fond de
faciliter la santé des adolescents ? »
J’ai envie de vous dire que c’est assez évident dans la mesure où les enfants quittent le milieu
familial pour se retrouver dans un milieu qui n’est pas le leur mais où ils vont interagir avec des
adultes. S’ils sentent que les adultes ne vont pas bien ou sont eux-mêmes en difficultés ça va
insécuriser les enfants car ils sont dans un milieu qui ne leur est pas familier. Donc le climat
scolaire est un bon indicateur qui va permettre aux enfants de se sentir bien. Par ailleurs s’ils
sont en face d’adultes qui vont bien cela va permettre aux enfants de se rapprocher des adultes
quand ils en auront besoin.
Cette interaction a-t-elle été étudiée ? En a-t-on conscience depuis longtemps ?
Il vaudrait mieux poser cette question à quelqu’un qui travaille en santé publique mais il me
semble que c’est quelque chose qui traverse toutes les études sur la santé des élèves. Chaque
fois revient l’idée que les élèves vont d’autant mieux que l’équipe se sent bien dans
l’établissement. Je ne peux pas vous donner de date mais je pense que les premiers travaux en
santé publique ont mis en évidence cet indicateur.
ASCOMED
Colloque 2011
67
Ce déterminant est-il le plus important pour la santé des élèves ? Ou n’est-ce qu’un
indicateur parmi d’autres ?
J’ai envie de dire que c’est le plus important, en tout cas c’est le premier et c’est ce qui s’est dit
au cours des assises nationales sur le harcèlement. Le premier critère que tous veulent voir
amélioré pour limiter la violence c’est le climat scolaire, les relations entre adultes d’abord et
entre adultes et enfants ensuite.
Comment peut-on définir ce climat ? Quels facteurs permettent de le définir : sociologiques,
environnementaux …. ?
C’est le plaisir qu’ont les adultes à travailler ensemble. Il faut que les adultes se sentent en
harmonie, qu’ils partagent des idées communes, qu’ils aient des objectifs communs, qu’ils
puissent s’appuyer les uns sur les autres, qu’ils sachent régler les conflits quand il y en a.
Donc le premier travail c’est le travail pédagogique entre adultes ?
Absolument. Secondairement c’est ce qui peut se passer entre adultes et élèves. Si on agit sur
ces deux facteurs on améliore notablement la santé des élèves.
Comment peut-on agir ?
C’est difficile, l’éducation nationale est un système très hiérarchisé où le personnel fait des
choix qui sont surtout liés à l’emplacement de l’établissement, à l’environnement scolaire, à la
notoriété mais on ne choisit pas les gens avec qui l’on va travailler. D’ailleurs ils ne les
connaissent pas. Il faut donc faire en sorte qu’à l’arrivée des nouveaux il y ait un accueil
favorisant cette entente. Ce n’est pas évident. Et c’est la responsabilité du chef d’établissement
de créer et de constituer le groupe d’adultes. Si l’on ne prend pas la peine de créer une vraie
dynamique de groupe des conflits ou des situations de tension vont surgir. Or il n’y a rien de
prévu à l’EN pour qu’il y ait des lieux de régulation de ces conflits. Ils sont souvent réglés de
personne à personne, parfois leur règlement est confié à une seule personne. Et cette personne
c’est souvent un personnel de santé (médecin ou infirmière). Comme si c’était uniquement du
domaine de la santé ! C’est à l’ensemble du groupe que doit revenir cette tâche.
Il faudrait d’abord créer une dynamique de groupe avec les nouveaux arrivants et avec les
anciens. Le climat ainsi travaillé aurait un effet important sur les adultes et retentirait sur les
enfants.
Vous parlez de lieux pour régler les conflits : qu’entendez-vous par « lieux » ?
Actuellement ils n’existent pas. Quand je parle de « lieux » j’entends par là des espaces et des
temps. Il me semble que dans le primaire il y a une assez bonne relation entre les enseignants
parce qu’il y a une proximité de fait, mais dans le secondaire avec le nombre d’enseignants qui
interviennent et qui repartent une fois leur cours terminé on se retrouve avec une absence de
communication. Il faudrait donc commencer par donner du temps pour se réunir, se rencontrer,
discuter avec le chef d’établissement.
Le problème est d’autant plus aigu que les jeunes professeurs sont nommés dans les
établissements où il y a le plus de problèmes : de santé, de violence… Là les enseignants sont
déprimés, irritables, en difficulté. Leur état psychique va retentir sur la santé des élèves.
ASCOMED
Colloque 2011
68
On aurait donc tout intérêt à s’occuper de la santé des adultes pour mieux gérer la santé des
élèves. C’est quelque chose qui est peu envisagé et on a tendance à se précipiter sur la santé des
élèves, voire même à accuser à tort les parents sans tenir compte de ce qui peut se passer au
niveau des adultes de l’établissement.
Concernant les jeunes professeurs, ils ont besoin plus que les autres d’être soutenus car ils ont
moins d’expérience. De plus se sont souvent des idéalistes qui ont envie que ça marche et ils
sont d’autant plus déçus. Il faudrait pour ces personnels là des lieux pour pouvoir parler avec les
plus anciens, des lieux et des temps pour pouvoir discuter. Actuellement l’Ecole a plutôt
tendance à s’orienter vers les savoirs, les connaissances académiques et leur validation et moins
vers les savoir-être. Or si on veut s’occuper de la santé il faut d’abord privilégier le savoir-être.
Est-ce que vous connaissez des expériences intéressantes à l’étranger ?
Dans beaucoup de pays européens les professeurs disposent de bureaux à l’intérieur de
l’établissement, dans lequel les collègues ou les parents peuvent venir les retrouver, où même
les élèves peuvent venir leur parler. Donc la seule présence des enseignants en dehors des cours
stricts permet déjà des moments de rencontre et déjà une prise en compte du savoir-être.
On est trop centré en France sur les savoirs académiques. Même les parents insistent pour que
ces savoirs soient prioritaires et ils interpellent les enseignants : « mais le programme n’est pas
fait… ! ». Donc même si maintenant les enseignants souhaitaient modifier la dynamique ils se
heurteraient aux parents qui ont bien compris que la course aux diplômes passe par les
programmes scolaires.
Passons maintenant au problème récurrent de la violence scolaire. Si je vous comprends bien
pour résoudre les problèmes de violence il faudrait s’intéresser à la santé des adultes ?
En effet c’est ce qui est ressorti des assises nationales. Bien souvent les adultes, dans leur
manière d’être, font eux-mêmes violence aux enfants et adolescents parce qu’ils ne respectent
pas les besoins des enfants. Ils ne sont pas assez disponibles en raison d’un mal-être personnel
et cela crée de la violence.
Là vous parlez de violence symbolique ?
Je parle de violence symbolique et de violence réelle aussi. Il y a des enseignants qui tiennent
des propos inacceptables et même s’ils le regrettent le mal est fait. Il faut donc les soutenir pour
qu’ils n’en arrivent pas à cette extrémité.
Quelle analyse faites-vous du positionnement du médecin conseiller technique ?
Il a un rôle fondamental pour alerter le chef d’établissement sur l’importance de la bonne
entente entre les adultes. Bien souvent les chefs d’établissement sont préoccupés par ce qui
concerne les programmes et les questions du quotidien ; ils passent à côté de cette donnée
fondamentale. C’est aux médecins d’attirer leur attention sur ces affaires.
ASCOMED
Colloque 2011
69
Mais là n’y a-t-il pas un problème quantitatif ? Il a souvent été dit qu’il n’y a pas assez de
médecins. Faut-il aussi augmenter le nombre de postes ?
Ce pourrait être une manière de répondre à la question mais s’ils ne sont pas entendus par
l’administration ça ne changera rien. Il faut d’abord qu’il y ait une prise de conscience puis
redéfinir les tâches de chacun. Mais commencer par dire qu’il faut augmenter les postes…non.
Il faut d’abord définir des objectifs pour dire ce qui est important, ce qu’on attend, et ensuite se
donner les moyens de pouvoir y répondre. Bien sûr plus il y a de personnes mieux c’est, à
condition de partager des objectifs communs.
Vous avez parlé de lieux de rencontre, pouvez-vous préciser ?
On pourrait imaginer des groupes Balint c’est à dire des groupes où les enseignants et des
personnels de l’EN acceptent de venir parler de leurs difficultés avec quelqu’un de l’extérieur.
D’abord pour se soulager car ce n’est pas facile de vivre les difficultés ensuite pour trouver des
remédiations. Il y a ainsi des choses qui peuvent se faire à l’interne avec une personne de
l’extérieur, ce serait déjà formidable.
Y a-t-il une nécessité ou un moyen d’impliquer les parents d’élèves ?
C’est évident. Depuis 1968 les parents sont invités à entrer dans l’école, mais ils n’y entrent pas
vraiment. Ils sont dans les conseils de classe ou les associations de parents mais pas assez de
manière quotidienne. Quand ils y entrent c’est bien souvent de manière un peu agressive ou très
critique et ce n’est jamais bon. Il faudrait donc que les parents viennent participer à des
moments de réflexion ou de discussion parce qu’une des difficultés, par exemple pour le
harcèlement à l’école, c’est que les parents ne croient pas ce que disent les enseignants et les
enseignants ne croient pas les parents. Donc le fait de travailler ensemble, de se rencontrer,
pourrait permettre de mieux s’écouter et de mieux se parler.
Un des problèmes actuels c’est que les parents ne souhaitent parler que des programmes ?
Je crois que ce n’est pas le bon terme. Ce que je dis c’est que les professeurs ne sont pas du tout
formés à parler avec les parents. Dans les lieux de formation des enseignants il faudrait aussi
apprendre à accueillir les parents. Et d’autre part les parents sont toujours un peu stressés quand
ils vont voir les enseignants et s’attendent toujours à des discours négatifs sur leur enfant. Pour
leur part les enseignants s’imaginent que les parents vont essayer de valoriser les enfants. Il y a
donc des a priori assez négatifs des deux côtés et les rencontres se font alors sous un mauvais
jour et chacun reste sur son quant à soi. Donc il faut apprendre aux enseignants à discuter avec
les parents, à les écouter et à partager ce que chacun connaît de l’enfant.
Quels sont les rapports entre les parents et les médecins conseillers techniques ? Je crois
qu’ils ne se voient presque jamais.
Les parents sont assez peu informés de tout ce qui existe en dehors des enseignants. Il y aurait
une information à faire pour qu’ils se rendent compte de l’importance de ces personnels. Ils
connaissent assez bien les infirmières mais très peu les médecins scolaires et encore moins les
médecins CT. C’est la même méconnaissance pour les assistantes sociales. Il y a des préjugés à
dépasser tels que « les assistantes sociales s’occupent de la maltraitance…. ». Tout ce service
médicosocial est peu connu même des médecins généralistes qui n’y font pas du tout appel alors
ASCOMED
Colloque 2011
70
que pour des problèmes comme l’absentéisme ou le décrochage scolaire par exemple il devrait y
avoir un lien entre eux. Je connais peu de parents qui sont informés de l’existence de ces
services, un peu plus dans les quartiers difficiles mais pas du tout ailleurs. Les médecins
scolaires sont surtout connus pour leur travail de bilans mais pas pour le travail de prévention.
Vous nous avez parlé des assises. Hormis les conclusions que vous nous avez citées y a-t-il
d’autres thématiques qui ont été abordées ?
Eric DEBARBIEUX en parlera plus longuement mais à titre personnel j’ai été beaucoup
intéressée par ces trois journées qui parlaient de la violence alors que les mots « violence »,
« exclusion » et « sanction » n’ont pas été prononcés, ce qui veut dire que les participants
souhaitaient parler d’autre chose. Ils voulaient parler du « vivre ensemble » ce qui rejoint le
thème de cet entretien.
Il faut apprendre aux enfants à vivre ensemble mais pour cela il faut d’abord que les adultes
soient capables de vivre ensemble, de montrer l’exemple. L’idée était au fond que harcelé et
harceleur partageaient les mêmes vulnérabilités psychiques, qu’il ne faut pas les séparer en
envoyant le harcelé chez le psychiatre et le harceleur chez le juge pour enfant, mais qu’il faut
réguler cette dynamique. Et ne pas oublier le « tiers », c’est à dire les spectateurs. Ce sont eux
qui d’une certaine manière vont valider la situation parce qu’ils ne font rien, ils sont eux-mêmes
piégés par cette violence qui les fascine. Ils ont du mal à voir vers qui se tourner et ils pensent
qu’ils seront traités de « balance ». C’est tout le groupe des adolescents qui va s’enfermer alors
sur lui-même et qui va s’extraire du regard des adultes. D’où l’idée que si les adultes vont bien
ils seront disponibles pour voir ce qui se passe dans le monde des enfants. A ce moment-là le
« vivre ensemble » pourra peut-être se réaliser.
Ce qu’il faut retenir :
-
Nécessité d’en parler
-
Réfléchir aux outils dont on peut se doter (exemple dans d’autres pays européens)
-
S’approprier ces outils.
Des pistes ont vu le jour :
-
Un numéro vert
-
Un guide pour sensibiliser les enseignants et les parents
-
Développement des outils
-
Travail sur les réseaux sociaux car c’est vraiment le monde des adolescents où les
adultes ne vont pas beaucoup. Il faut encourager les adultes à se renseigner sur
comment on y rentre, ce qu’on y fait …. Luc CHATEL a proposé de mettre dans le B2I
une information sur ces réseaux et il pourrait y avoir une question sur le harcèlement ou
le cyber-harcèlement au brevet.
-
Partenariat avec FACEBOOK France : fermeture des comptes des harceleurs qui
auraient été repérés. Mesure d’interdiction dans laquelle il existe aussi l’envie
d’accompagner les jeunes et de les mettre sous le regard bienveillant des adultes.
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Colloque 2011
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Avez-vous le sentiment que les adultes de l’EN vont plus mal qu’avant ?
Je crois qu’ils ne vont pas très bien mais comme l’ensemble de la société. Les enseignants sont
soumis aux mêmes pressions et à ce titre ils vont plus mal qu’il y a 20 ou 30 ans.
Mais ce n’est pas spécifique aux enseignants. Ce que je peux dire c’est qu’en France on n’a pas
la culture du groupe, on est un pays latin, relativement individualiste. Dans les pays anglosaxons il y a plus l’habitude du groupe et on a une vigilance pour son voisin. Par exemple au
Canada on n’hésite pas à frapper à la porte de son voisin pour apporter de l’aide. En France on
est trop respectueux de l’individualisme de chacun. Ça ne va pas de soi de faire groupe en
France. Encore plus ces vingt dernières années. Autrefois la France était structurée autour des
groupes : il y avait le village, l’internat, le service militaire…..Actuellement il y a de moins en
moins de lieux et le seul groupe pour les enfants c’est à l’école. On croit à tort que mettre des
enfants ensemble ça suffit pour faire groupe. Pas du tout, relisez le livre de William GOLDING,
« sa majesté des mouches » et vous verrez que tout groupe d’enfants laissé seul avec autoorganisation va développer des conduites violentes. C’est le rôle des adultes d’aider les enfants
à s’organiser en respectant les différences de chacun, en faisant que chacun ait une place. Si on
pouvait faire ce travail il me semble que la vie en groupe chez les adultes en serait facilitée.
Et peut-être y a-t-il un lien entre le harcèlement à l’école et le harcèlement au travail parce
qu’on retrouve des similitudes. Les adultes reprennent au travail des attitudes qu’ils avaient
antérieurement quand ils étaient enfants. On aurait tout intérêt à travailler la dynamique de
groupe pour limiter (pas supprimer) les effets néfastes de cette dynamique.
Dans le groupe il y a tout à coup des mécanismes qui se mettent en place et vient l’idée qu’on
est dans un groupe et qu’on s’extrait du regard de ceux qui sont au-dessus de nous. Il faudrait
faire passer le message que chaque personne enrichit le groupe et que le groupe n’est pas là pour
formater chaque individu.
En conclusion : avez-vous le sentiment que le métier de médecin conseiller technique doit
évoluer ?
Ce serait tout à fait logique et souhaitable dans la mesure où la santé des adultes intervient sur la
santé des enfants. Il serait bon que les médecins des enfants interviennent aussi auprès des
personnels pour qu’il y ait une meilleure analyse établissement par établissement plutôt que de
séparer artificiellement enfants et adultes. On pourrait organiser les choses en terme de «bassin»
et non en terme d’attribution de fonctions.
Dr Nicole CATHELINE
Pédopsychiatre, CHU de Poitiers.
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Les rapports enfants/adultes
Violence et autorité en question
Eric DEBARBIEUX
Professeur en sciences de l’éducation, université de Bordeaux
Pour répondre à votre demande et rester dans la problématique de votre colloque je vais me
recentrer sur la relation qu’il peut y avoir entre l’équipe enseignante et les problèmes de
violence à l’école voire de harcèlement en insistant entre le lien très fort qui existe entre
victimisation des élèves et solidité des équipes enseignantes.
D’abord quelques définitions simples par rapport à ces problèmes de violence à l’école, et pour
éviter de toujours porter le sujet de la violence à l’école comme étant un sujet public de sécurité
et de délinquance.
En France depuis les années 80 ce problème a été abordé sous forme de sécurité publique.
Plusieurs raisons à cela :
- d’abord l’école publique s’est construite comme une école close dans ses murs et loin du bruit
de la cité. L’école s’est construite contre la société, une société construite comme portant les
valeurs cléricales, si bien que, lorsque les problèmes de la violence à l’école ont commencé
à surgir dans les années 70 et non 90, au moment de la massification, le tout premier rapport
(rapport Tallon) montrait qu’il y avait des problèmes de racket et d’agressions plutôt
verbales.
- ensuite pendant des années le problème de violence à l’école a été associé à la violence
urbaine ou d’intrusion qui vient d’un problème de société. Si l’on est d’un bord politique,
on dira qu’il s’agit de la violence de la société économique libérale qui pénètre à l’école, ou
d’autres qui sont d’un autre bord politique diront que c’est la violence des bandits ou des
immigrés qui pénètre à l’école.
Du coup, si on reste sur cette position, il est inutile de tenir un colloque sur le rapport qu’il peut
y avoir entre la santé mentale des adultes et celle des élèves puisque ça viendrait de l’extérieur.
Donc dans toutes les années 80, on a caché, par réflexe idéologique le problème de la violence à
l’école par un problème venant de l’extérieur. Et ça, c’est quelque chose qui est fortement
imprégné dans le monde politique et je rappelle souvent qu’il y a 1 an ½, les seules solutions qui
étaient préconisées par un ex ministre de l’Education nationale, étaient : vidéosurveillance,
fouille des cartables, c'est-à-dire surveillance vidéo policière. J’avais été surpris, quand 2 mois
plus tard, un autre ministre m’avait demandé mon avis, et en tant qu’universitaire ayant une
liberté de parole dans son statut, j’avais expliqué que la vidéosurveillance était totalement
inutile, voire quelques fois contre-productive, et que la fouille des cartables était quelque chose
qui ne faisait qu’augmenter les problèmes de violence par humiliation des populations qui se
sentaient méprisées.
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Colloque 2011
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Donc on a changé de discours, on ne parle plus de cet abord uniquement sécuritaire et je pense
que les Etats Généraux de l’an dernier et les Assises sur le harcèlement cette année, ont montré
leur utilité. Je ne suis pas le seul à avoir fait changer le discours mais je pense que j’y étais pour
une bonne part.
Donc, dans un premier temps, cette méfiance : Violence à l’école = Violence d’intrusion =
délinquance, c’est plus complexe. Tous les chiffres le montrent. Les chiffres de l’Education
nationale, à partir du nombre de signalements administratifs qui remontent par le logiciel CIVIS
(qui a remplacé SIGNA), donnent une fourchette entre 5 et 10% de faits graves. Or c’est ce que
l’on trouve dans le monde entier, et je ne parle pas des petits faits. Ce sont des faits qui viennent
de l’extérieur c'est-à-dire des faits d’intrusion. Encore sait-on que la moitié des intrusions sont
en réalité des anciens élèves qui viennent se venger ou des parents au sens large, qui viennent
agresser le personnel des établissements scolaires.
Est-ce que ce sont des personnes extérieures à l’établissement ? Première question que l’on peut
se poser, mais admettons que ce sont des « extérieurs », 5 ou 10% des faits qui sont de
l’extérieur, cela veut dire que le problème majeur de la violence à l’école, vient de l’intérieur.
Cela se situe au cœur de la relation pédagogique. Qu’on le veuille ou non on est bien obligé de
le traiter et on ne pourra pas uniquement le traiter par des recours externes à l’Education
nationale, ce qui ne veut pas dire que l’Education nationale n’a pas besoin de recours.
Deuxième chose : on n’a vu la violence à l’école, et ce dans le monde entier, qu’à travers les
faits divers les plus spectaculaires, les plus brutaux et en particulier à travers les massacres
scolaires qui ont pu être commis. Ce dont on parle le plus, ce sont les massacres des USA.
Même ici, alors que c’est tout récent, a-t-on entendu parler du massacre scolaire qui a eu lieu il
y a 1 mois au Brésil : 13 morts. Et pour 1 ou 2 morts aux USA, vous avez la boucle à la télé.
C’est l’inégalité dans la mondialisation, car les morts n’ont pas la même valeur suivant le pays
où ils meurent. Est-ce que ces faits de violence les plus durs sont effectivement le fond de la
violence à l’école ?
Si on fait une recherche rétrospective de longue durée, on se rend compte que les massacres
scolaires sont rares dans le monde entier et si on prend les massacres scolaires depuis 1966 par
exemple, date où on commence à voir ce type de choses, même s’il existe des faits avant, (on en
retrouve au 17ème siècle), on se rend compte que ces faits ne sont qu’une trentaine car par
massacre scolaire, on entend plus de 3 morts. Il fallait bien une limite, c’est arbitraire mais c’est
comme ça. Une trentaine de faits de ce type-là dans le monde entier, en plus de 40 ans, qui ont
fait 250 morts, c’est un nombre relativement restreint, de trop bien sûr et c’est complètement
illégitime de voir une longue série d’enfants qui rentrent dans les écoles avec les kalachnikovs.
Il suffit qu’il y ait un fait précis, brutal, pour qu’immédiatement on ait la presse qui reprend les
faits. Il faut le déconstruire. Par exemple, aux USA, le nombre de morts a diminué de moitié
depuis 1991, en comptant même les morts par suicide.
Le nombre de morts dans les écoles est bien moins important que le nombre de morts à
l’extérieur des écoles. L’école est le lieu où on risque moins qu’ailleurs. On risque par exemple
d’être victime d’agression dure sur le chemin de l’école et aussi par rapport à la violence létale
ou à la violence sexuelle. 80% des faits de violence sont commis d’abord par des gens qui se
connaissent et souvent en intrafamilial. Ce qui fait dire aux historiens de la violence : là où vous
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devriez avoir peur, c’est chez vous or c’est chez vous que vous vous réfugiez parce que vous
avez peur du rodeur à l’extérieur.
Quand on a dit cela, ce qui permet d’éviter les pièges de l’exagération, il faut éviter aussi les
pièges de la négation. Le piège de la négation, serait de dire que puisqu’il y a peu de victimes,
ce n’est pas important. Toute victime est respectable et doit être prise en compte. C’est vrai pour
les élèves mais aussi pour les enseignants. Une enquête que j’ai effectuée et parue récemment,
que l’on peut se procurer à la CASDEN et auprès des chefs d’établissement, est une enquête qui
nous a permis d’interroger 20% des chefs d’établissement français. Un seul chef d’établissement
a eu une interruption de travail de plus de 8 jours pour faits de violence. Il a été blessé par arme,
blessure grave sur le plan psychologique mais peu grave physiquement. La négation part sur ce
qu’est réellement la violence à l’école, ça n’est pas respecter les victimes de violence grave que
de dire qu’elles sont des victimes de violence ordinaire. Ce sont des drames et il faut rappeler
que ce sont des drames, mais si c’est pour dire « c’est épouvantable et que tout est identique »
…………….je dis non.
En fait, la violence à l’école, est une violence beaucoup plus labile, beaucoup plus spectaculaire,
qui est composée de petits faits, qui sont des faits beaucoup plus communs, tels que
bousculades, mise à l’écart, l’insulte, le surnom méchant de…….. Ces petits faits pris un par un
n’ont pas beaucoup d’importance. Je l’ai dit l’an dernier aux Etats Généraux et l’ai redit cette
année aux Assises, contre certaines tentations éventuelles, tentations de fichage. Ce n’est pas
parce qu’un petit garçon relève la jupe d’une petite fille dans la cour de l’école maternelle que
c’est un futur violent, ce n’est pas parce qu’un petit garçon se bat avec un autre que c’est un
futur délinquant. On va être clair, il ne s’agit pas de surestimer l’importance de ce type de
chose; ce n’est pas parce qu’un môme dit à un prof, qui l’a poussé à bout parce que ça arrive,
que c’est un con, que ce garçon doit être mis dans un fichier de futur délinquant. Mais là où tout
change, et c’est là que l’on arrive à l’essentiel, c’est quand il y a répétition.
Je crois que l’on ne comprend rien à la violence à l’école si on ne comprend pas l’importance de
la répétition de ces petits faits. Or c’est vrai que j’ai évité pendant des années le terme de
harcèlement, qui recouvre l’ensemble du spectre mais c’est celui qui est en train de passer dans
le camp social, j’ai fini par l’accepter ; moi je parle de micro violences répétées depuis des
années pour éviter d’avoir un point trop visible. Mais le harcèlement est intéressant dans la
mesure de la répétition. Les effets de la répétition sont extrêmement connus contrairement à ce
que disent des détracteurs tels que H. Montagnier qui disait qu’il n’y avait pas d’études
longitudinales sur les effets du harcèlement.
Or les études sur les effets du harcèlement côté harceleurs il y en a au moins 28, études
longitudinales qui ont repris des centaines d’études dans le monde. Et du côté des harcelés, on
trouve plus de 4000 articles. C’est un des sujets où il y a eu le plus de recherches au monde, et
moins en France où on a accepté très tardivement ce phénomène mais on sait quels sont les
effets. Ils sont clairs : le décrochage scolaire avec pour corollaire l’absentéisme. Il est important
de l’expliquer aux chefs d’établissements ou CPE.
Les recherches menées en Irlande montraient que 24% des élèves absentéistes chroniques
étaient des élèves qui ne voulaient plus aller à l’école de peur du harcèlement.
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Les recherches menées par Catherine BLAYA-DEBARBIEUX, dans son livre récent « l’école
en difficulté », montrent à partir d’entretiens d’une cinquantaine d’adolescents qui avaient fait
une tentative de suicide que plus de la moitié de ces adolescents avaient connu des épisodes de
harcèlement à l’école. Tous ceux qui ont travaillé sur ce sujet retrouvent les mêmes chiffres. Les
recherches, menées par Catherine BLAYA, sur un échantillon de 4 à 5000 élèves montraient
qu’un absentéiste chronique sur 4 ou 5 n’allait plus à l’école à cause du harcèlement. Ce qui me
fait dire que le problème n’est certainement pas de punir les parents des absentéistes en leur
supprimant les prestations familiales mais bien de protéger l’enfant en luttant contre le
harcèlement et on verra plus tard dans la prévention de l’absentéisme.
Il m’est arrivé des témoignages de harcèlement depuis que j’ai hérité de cette mission. J’ai reçu
un témoignage, hier, d’un monsieur de 38 ans qui en est à sa dixième tentative de suicide parce
que le grand jeu depuis qu’il était à l’école primaire avec sa sœur, chaque fois qu’il y avait
piscine, récréation, foot…..était de les mettre tous les deux nus et de leur faire mimer la
copulation. C’est quelque chose qu’il n’a pas réussi à dire malgré une longue psychanalyse. Il
m’écrivait pour me dire que d’avoir vu des mômes parler, avait été très libérateur pour lui : « Je
comprends maintenant, ce n’est pas moi, ce n’est pas de ma faute, c’est de la connerie. Tant que
je n’avais pas vu d’autres mômes parler, ce que me disait le psychanalyste ne servait à rien ». Ce
monsieur racontait qu’il avait développé une telle phobie scolaire qu’à partir de 12-13 ans il
n’était plus allé à l’école. C’était impossible.
J’ai fait rencontrer au ministre deux familles qui ont actuellement ce type de problème, et je
crois que l’on a fait changer le discours. Ces familles ont senti qu’elles n’étaient pas toutes
seules. « On nous croit » disent-elles.
Deuxième conséquence du harcèlement en terme de santé mentale, bien connues des adultes et
qui sont les mêmes pour les enfants, c'est la dépression, la perte d’estime de soi, les conduites de
somatisation diverses et enfin l’augmentation des tentatives de suicide.
Tous les travaux sur le harcèlement ont démarré dans les pays du nord en 1973, c’est à partir
d’une enquête épidémiologique qui montrait que les adolescents qui avaient fait une tentative de
suicide avaient été beaucoup plus souvent que d’autres victimes de harcèlement à l’école. C’est
de là que tout a démarré. Depuis ces recherches, qui ont plus de 40 ans, on s’aperçoit que le
harcèlement concerne des millions d’individus.
C’est par le biais de la santé mentale que le problème de la violence à l’école a été abordé dans
les pays du Nord. Je pense que le problème de la santé mentale ne doit pas être le seul abord, on
doit aussi avoir l’abord par la délinquance, mais il est essentiel. Il est normal que dans certains
cas il y ait un abord pénal, il n’empêche que l’abord santé mentale est essentiel. Les
conséquences bien connues, sont des conséquences sur la sécurité publique et c’est là que l’on
rejoint la délinquance. Il est bien connu par exemple que les élèves harcelés peuvent
essentiellement être des élèves qui sont dans l’introversion, dans l’auto violence mais aussi dans
une violence tournée contre autrui.
Une enquête du FBI en 2003 sur les enfants « tireurs » dans les écoles, a montré que dans 75%
des cas, les tireurs avaient été harcelés. Ils avaient commencé à venir à l’école armés pour se
protéger, ensuite pour se venger. Pas plus tard qu’il y a deux jours à Paris, un adolescent a
poignardé un autre adolescent à la sortie de son école. Le cas est très clair, l’enfant harcelé qui
est venu avec un couteau pour se venger du harceleur et l’a poignardé.
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C’est un cas tout à fait emblématique de ce que ça peut être. Donc dire que traiter du
harcèlement est traiter quelque chose de moins grave et que les vrais problèmes doivent être les
problèmes de trafic de drogue, d’armes, c’est masquer la réalité du problème.
C’est surtout le fait que le harcèlement a des conséquences à très long terme, les enquêtes
longitudinales ont montré qu’elles l’étaient aussi bien pour les harcelés que pour les harceleurs.
Par exemple, les enquêtes ont pu montrer que :
- le taux de dépression 20 ans après le harcèlement était beaucoup plus important chez les
anciens harcelés,
- le taux de TS ou de suicide était beaucoup plus important,
- la persistance du rôle de victime, en particulier de maltraitance conjugale restait extrêmement
fort, même à 40 ans,
- les harceleurs étaient beaucoup plus souvent au chômage avec des jobs précaires, mal payés, et
beaucoup plus souvent étaient des parents ou des conjoints maltraitants, et beaucoup plus
souvent que d’autres étaient pris dans des faits de délinquance. (Enquête qui a été publiée
récemment par David FARINGTON, vice-président de l’observatoire national mais surtout
patron de la criminalité à Cambridge : il a fait une recherche longitudinale dans la banlieue
nord de Londres qui a duré 40ans et qui a suivi 461 harceleurs de 8 à 48 ans).
Ce qui veut dire qu’une analyse qui voudrait dire que le harcèlement est une idéologie moderne,
qui veut que c’est la loi du plus fort, que c’est le néolibéralisme qui va l’emporter et que c’est la
société néolibérale qui crée le harceleur : c’est faux. Le harceleur est un perdant.
Dans mon rapport que vous pouvez télécharger sur le site du MEN, mon diaporama est sur
internet, j’ai un chapitre qui s’appelle : « la double peine des victimes et la victoire dérisoire du
plus fort ». Les forts sont des perdants, les harceleurs sont très rarement des individus qui à long
terme, voire à moyen terme, vont gagner. Des conséquences qui font dire que l’on a un devoir
éthique à changer les comportements des harceleurs. Je reviendrai sur comment on peut changer
cela.
J’entre dans le vif du sujet et je vais faire l’impasse sur les facteurs de risques personnels,
familiaux, environnementaux pour dire que dans les grands modèles qui ont été construits par
les américains, on trouve quelque chose d’intéressant par rapport à votre colloque. L’approche
par les facteurs de risque n’est pas une approche déterministe contrairement à ce que l’on pense,
c’est une approche probabiliste. Les médecins l’acceptent, les sociologues ont du mal. Ils
imaginent que l’approche par les facteurs de risque est forcément du déterminisme, ce qui est le
contraire. Pour les américains, les enquêtes de victimisation, qu’enfin la France va accepter de
faire régulièrement, en principe, sont faites depuis 38 ans avec chaque année plusieurs enquêtes
de ce type, avec des échantillons de 120 000 élèves ainsi que 120 000 adultes. A partir de ces
enquêtes, les premiers facteurs de risque démontrés ne sont pas des facteurs familiaux ni des
facteurs personnels, mais des facteurs liés aux écoles elles- mêmes. C’est évidement dur à
entendre pour des chefs d’établissement, des enseignants, et je leur dis « si vous êtes
responsables, ça veut dire que vous pouvez faire quelque chose ». Ce n’est pas la faute de la
façon dont on nomme les enseignants dans le second degré ni la faute du manque de formation,
la réalité est identifiée. Il faut la stabilité des équipes éducatives, sans équipe stable, on ne peut
rien faire. Ce n’est pas à cause de la monoparentalité ni du manque de repères……. Une enquête
américaine l’a montré.
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En France, en école élémentaire, les équipes sont solides mais les équipes trop stables, ce n’est
pas la panacée non plus.
Dans le secondaire, le mouvement est national et 1/3 des jeunes formés en IUFM de province
vont avoir pour 1er poste, après formation, un collège sensible en région parisienne. Ce qui pose
problème. Une tentative est faite dans les établissements CLAIR, qui a mon avis n’avaient pas
besoin de l’habillage pédagogique parce que ça brouille le message ; mais enfin on touche au
mouvement des enseignants, et je dis que c’est criminogène. Imaginez par exemple, ce jeune
enseignant de 23-24 ans qui sort de l’IUFM de province, de sa non-formation et qui se retrouve
dans sa non-famille où il n’y a que des non-amis et très loin de sa copine ou de son copain et qui
n’a qu’une idée le vendredi soir de repartir chez lui…….Conséquence évidente d’abord pour
eux par rapport à l’entrée dans le métier et par rapport aux élèves. Les élèves vont lui dire :
« vous êtes gentil mais vous ne serez plus là l’année prochaine, vous ne nous aimez pas », avec
un sentiment d’irrespect. Il y a donc là, une pierre angulaire.
Evidement ce n’est pas seulement l’idée d’équipe pour l’équipe. Les travaux montrent aussi
qu’il s’agit d’équipes régulées, où les conflits d’équipes sont régulés et où en particulier le rôle
du chef d’établissement est clairement défini sans qu’il devienne un bouc-émissaire. On a en
France un problème supplémentaire là aussi, c’est le pouvoir extrêmement centralisé partout et
quand on parle d’autonomie des établissements c’est simplement le pouvoir des petits chefs
partout. Du coup, celui qui est tout puissant symboliquement, c'est-à-dire le chef
d’établissement, on attend tout de lui, ce qui est impossible. Donc dès qu’il y a un problème,
c’est la faute du chef d’établissement et donc la solution envisagée c’est : il faut virer le chef
d’établissement ou le CPE ou l’adjoint ou les trois. Si dans la rue on dit : «mais que fait la
police » dans un établissement, on dit à l’école: «mais que fait le chef d’établissement » ?
Je ne connais pas d’établissement où il n’y a pas de problèmes de conflits énormes dans les
équipes adultes.
Dans l’enquête faite auprès des chefs d’établissement, on leur a demandé ce qu’ils avaient subi
comme victimisation :
o
o
o
1 à 2% disent avoir été brutalisés
6 à 7% disent avoir été insultés par des parents
12% disent avoir été harcelés par des membres de leur personnel.
Quand ils sont insultés par les parents, ils portent presque systématiquement plainte, pour le
harcèlement par leur personnel, sur les 12%, il y a eu 3 plaintes !.... C’est plus dur à prouver.
Sur l’enquête 1er degré en cours, il y avait 6500 réponses en 1 semaine ; 15% disent avoir été
harcelés par des personnels de leur école quand il s’agit de la direction, par les parents quand il
s’agit des enseignants. Ces chiffres sont définitifs car après 1500 réponses, les pourcentages ne
bougent plus.
Le vrai problème est l’impossibilité d’avoir un climat scolaire favorable quand on a des équipes
ou des adultes qui n’arrivent pas à se réguler, voire qui se « tirent dans les pattes ».
Climat scolaire et victimisation sont devenus le standard international. Ceux qui font des
enquêtes dans le monde actuellement font des enquêtes sur climat scolaire et victimisation,
parce qu’on sait qu’il y a un lien très fort entre les deux.
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S’adresser à la violence scolaire et lutter contre le harcèlement, c’est lutter pour l’amélioration
du climat scolaire et du vivre ensemble.
Les criminologues expliquent quelque chose de très simple, c’est la théorie de la disponibilité
des cibles. C’est la base même de la prévention situationnelle, il faut que l’on ne puisse pas
atteindre les cibles, c’est pour cela que l’on met des vidéos, des murs….. Mais ils oublient
toujours une partie de la prévention situationnelle extrêmement importante, c’est qu’il n’y a de
prévention situationnelle que lorsqu’il y a des gardiens. Les gardiens pour les criminologues ne
sont pas des flics, aussi utiles qu’ils peuvent être, les gardiens sont d’abord des réseaux, réseaux
d’amis ou de soutien. Par exemple, si vous sortez tout seul d’un cinéma le soir, dans un quartier
sombre, vous êtes plus à risque de vous faire agresser que si vous êtes à 4 ou 5. Dans une école,
c’est la même chose.
Les pays qui régulent le mieux les phénomènes de violence, ce sont les pays qui ont fait un
choix très clair : un nombre d’élèves plus important par classe. Au QUEBEC, dans un collège
de 2500 élèves, 32 élèves par classe, 46 langues parlées, 75 nationalités, aucun problème de
violence. Mais ils ont fait le choix de former des enseignants hyperspécialisés venant en appui.
Les RASED pourraient avoir ce rôle, non pas dans la rééducation individuelle mais bien dans le
soutien au niveau de la classe, dédoubler les cours……
Par exemple, dans une école primaire de la banlieue parisienne, dans un quartier sensible, avec
un discours négatif sur les parents. Le vrai problème, c’est que cette école est construite dans
une cité de «petits grands ensembles », avec au milieu, la cour de récréation. Dès qu’il y a
bagarre dans la cour, les pères qui passent la journée sur le balcon interviennent.
Dans cette école, le discours envers les parents est totalement négatif. Il n’existe pas de lien
école/ parent, pas de lien avec le quartier, pas de fête de l’école, pas d’enseignant logé dans
l’école. De plus, durant les 6 mois qu’a duré mon observation, chaque fois que la directrice
proposait
quelque
chose,
l’adjointe
s’y
opposait
et
inversement.
Est-ce que c’est la faute de la société néolibérale si en réalité le problème était que les deux
souhaitaient obtenir le poste de l’ancien directeur ? Une est partie, et la dynamique de l’école a
pu se transformer très simplement, par exemple, maintenir la cour de récréation ouverte le soir
pour que les élèves aient un terrain de foot, réorganiser des élections de parents d’élèves, que
l’enseignante raccompagne les élèves à la porte pour discuter avec les parents, de sorte que les
parents ont proposé d’embellir l’école en repeignant le préau, ce qui a permis de voir les parents
travailler.
Au départ, on voulait mettre des murs mais les enseignants ne savaient pas que plus on clôt et
plus la « vandalisation » est présente.
En conclusion :
Par rapport aux harceleurs, il faut changer les comportements. Si on ne change pas les
comportements, les harceleurs sont perdus de même que les victimes. Il faut réfléchir dans la
possibilité de prévention.
Et je voudrais terminer par l’aspect international, le relativiser et le compléter.
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J’ai eu l’occasion de travailler dans des pays d’Afrique, du Brésil, dans les favelas, dans des
pays qui ont des situations plus difficiles que les nôtres. On a des exclusions différentes mais on
commence en France à avoir des exclusions avec les tziganes.
On a fait des enquêtes quantitatives sur 13 000 enfants dans toutes les grandes villes du Brésil
mais aussi des enquêtes qualitatives. Benjamin MOIGNARD, maître de conférence à Créteil, a
écrit « l’école et la rue, fabriques de délinquance » où il a fait la comparaison de la construction
des bandes au Brésil et en France, montrant bien comment en France, la politique interne aux
établissements de créer des classes ethniques est une des raisons de construction de bandes des
quartiers.
Ce qu’on a vu dans ces pays, c’est que dans les établissements scolaires il n’y a pas de violence
ou très peu ou même pas du tout. Quand on va dans les favelas de Rio de Janeiro, pivot du
narcotrafic en Amérique Latine, où la police et les narcotrafiquants se tirent dessus au bazooka
pour le contrôle du narcotrafic, dans les écoles même, il n’y a pas de violence, idem à Salvador
de Bahia et ailleurs.
Si on compare les résultats de Djibouti et de la France, à chaque fois une vision très positive du
climat scolaire et très peu de victimisation. Pourquoi ? Parce qu’il y a une cohérence de quartier
ou d’une communauté. Il faut dépasser la cohérence des équipes…
Les parents sont dans les écoles, c’est l’école du quartier et non l’école dans le quartier. Les
parents savent que ce n’est pas parce que leur enfant travaille bien à l’école qu’ils auront un
emploi.
On est en France dans une période où les relations se judiciarisent entre l’école et les parents,
les relations de rejet de la famille par les enseignants sont extrêmement fortes. Par ailleurs, la
« mastérisation » va contribuer à éloigner encore plus les enseignants des familles et des
familles populaires. On sait qu’elle aura pour conséquences que bien des enfants issus des
minorités visibles, comme disent les Québécois, ne peuvent plus se présenter au concours parce
que 2 ans d’études en plus, c’est beaucoup trop cher.
Climat scolaire, climat en interne mais c’est aussi cohésion entre l’école et son quartier.
Je vous remercie de votre attention.
Eric DEBARBIEUX
Professeur en sciences de l’éducation, université de Bordeaux
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Synthèse rapide des ateliers
Ou
Place et rôle du MCT
Les indicateurs du climat scolaire
Absentéisme :
- Élèves
- Enseignants
- Autres personnels
Incidents, incivilités, exclusions
-Élè ves
-Parents
-Personnels ou enseignants
Dynamique de la communauté scolaire
-Projets impliquant enseignants et
élèves
-Participation des parents
-Instances de concertation
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Finalités de ces indicateurs
-Analyser
-Diagnostiquer
-Trouver des pistes de travail et
des leviers
-Piloter, trouver des stratégies
-Informer, communiquer
-Évaluer
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PROPOSITIONS
-Au niveau national
Créer un outil de diagnostic national
- Au niveau académique
Créer une instance académique d’analyse et d’impulsion
Créer un plan de formation pluri-catégoriel avec un accent fort
sur les personnels d’encadrement
- Au niveau du bassin
Niveau le plus pertinent
Égalité effective entre premier et second degré
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Positionnement du MCT
Le MCT se situe à tous le s niveaux précédents compte tenu de:
– Son rôle d’animateur de réseau des médecins
– Son expertise
– Son implication dans les réseaux des partenaires
– Sa vision globale du parcours de l’élève
Se référer au référentiel de compétences des MCT….
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