Impacts des éoliennes sur les papillons et leur migration – 2010

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Impacts des éoliennes sur les papillons et leur migration – 2010
Impacts des éoliennes sur les papillons et leur migration –
2010 – Parc éolien « Tous-Vents »
Mandataire : commande N°20014221
Mandaté :
Alpiq EcoPower Suisse SA
Ch. de Mornex 10
1001 Lausanne
Mme Aline Pasche
Biologiste
Grand-Chemin 128
1066 Epalinges
Aline Pasche -2010. MAJ août 2012
Impacts des éoliennes sur les papillons et leur migration – « Parc éolien Tous-Vents »
Introduction
Le projet « Tous-Vents » planifié par le bureau KohleNusbaumer sur mandat d’Alpiq, prévoit la
construction d’un parc éolien dans le Gros de Vaud/Nord vaudois. Sept points ont été retenus sur les
communes de Pailly, Essertines-sur-Yverdon, Orzens, Ursins. L’objectif de ce rapport est d’évaluer si
la construction d’éoliennes peut avoir ou non un impact sur les papillons et leur migration.
Il est bien connu que, à l’instar des oiseaux, les papillons sont capables d’effectuer des migrations sur
de très longues distances. Le Monarque (Danaus plexippus) est un des papillons migrateurs les plus
célèbres. Chaque année, il parcourt des milliers de kilomètres de Mexico jusqu’aux Etats-Unis et au
Canada, puis ses descendants retournent vers le Sud par la même route (LSPN 1987). En Europe, de
nombreuses espèces se déplacent également du Sud vers le Nord et vice et versa. Les principaux
migrateurs diurnes européens sont la Belle-Dame ou Vanesse des chardons (Vanessa cardui), le
Vulcain (Vanessa atalanta), le Souci (Colias crocea) et la Piéride du chou (Pieris brassicae) (Whalley
1989). Certains papillons nocturnes effectuent également des vols migratoires. Ils voyagent
généralement au crépuscule et sont souvent attirés par la lumière. Les plus visibles sont le sphinx du
liseron (Agrius convolvuli), le sphinx tête-de-mort (Acherontia atropos), le Morosphinx
(Macroglossum stellatarum), et le Gamma (Autographa gamma) (Lévêque 2003).
Les papillons diurnes migrateurs peuvent être classés en plusieurs groupes selon qu’ils soient des
migrateurs saisonniers réguliers, des migrateurs partiels, qu’ils effectuent des déplacements à
l’intérieur de leur aire de distribution ou qu’ils soient des migrateurs occasionnels qui agrandissent par
exemple ponctuellement leur aire de distribution ou dont les effectifs subissent de fortes variations. Le
Tableau 1 donne la liste des espèces migratrices présentes en Suisse.
Tableau 1 : espèces de papillons diurnes migrateurs en Suisse (tiré de Atalanta N°4/1980, Eitschberger & Steiniger).
Migrateurs saisonniers gr. I
espèces quittant chaque année leur région
d'origine pour gagner volontairement une
autre région et s'y reproduire. Les descendants
retournent dans la région d'origine pour s'y
reproduire à leur tour.
Migrateurs saisonniers gr. II
espèces quittant chaque année leur région
d'origine pour gagner volontairement une
autre région pour survivre à la mauvaise
saison. Elles retournent ensuite dans la région
d'origine pour s'y reproduire.
Vanessa atalanta - le Vulcain
Vanessa cardui - la Belle-Dame
Libythea celtis - l'Echancré
Migrateurs partiels gr. IV
espèces entreprenant à l'intérieur de leur aire
de distribution des vols migratoires dirigés,
mais qui pénètrent aussi parfois plus ou moins
loin dans des régions où elles ne peuvent pas
s'acclimater. Les éventuels descendants ne
retournent pas dans l'aire d'origine et
périssent.
Migrateurs éventuels gr. V
Espèces dont on suppose qu’elles migrent, qui
agrandissent leur aire de distribution, dont
l’effectif subit des variations extrêmes.
Colias crocea - le Souci
Syntarucus pirithous - l'Azuré de la luzerne
Lampides boeticus - l'Azuré porte-queue
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Migrateurs partiels gr. III
espèces entreprenant à l'intérieur de leur aire
de distribution des vols migratoires dirigés.
Aporia crataegi - le Gazé
Pieris brassicae - la Piréride du chou
Pieris rapae - la Piéride de la rave
Pieris napi - la Piéride du navet
Pontia daplidice - le Marbré-de-vert
Colias hyale - le Soufré
Gonepteryx rhamni - le Citron
Inachis io - le Paon-de-jour
Aglais urticae - la Petite tortue
Issoria lathonia - le Petit nacré
Lycaena phlaeas - le Cuivré commun
Everes argiades - l'Azuré du trèfle
Papilio machaon - le Machaon
Colias alfacariensis - le Fluoré
Gonepteryx cleopatra - le Citron des Canaries
Nymphalis antiopa - le Morio
Nymphalis polychloros - la Grande tortue
Pandoriana pandora - le Cardinal
Hipparchia semele - l'Agreste
Plebicula amanda - l'Azuré de la jarosse
Polygonia c-album - le Gamma
Iphiclides podalirius - le Flambé
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La Belle-Dame ou Vanesse des chardons est le papillon migrateur le plus spectaculaire de Suisse
(Fig.1). Cette espèce hiverne en Afrique du Nord et migre vers l'Europe au printemps (d'avril à juin).
Arrivés en Europe méridionale, les individus se reproduisent et meurent. Ce sont les descendants qui
arrivent sous nos latitudes et même jusqu’en Suède (LSPN 1987). Contrairement aux oiseaux, les
migrations des papillons sont, sauf cas exceptionnel, à sens unique. Ce sont les descendants qui
descendent ensuite vers le Sud en automne. La Belle-Dame, se déplaçant à une vitesse de 25 à 30
km/h, peut couvrir près de 500 km en un jour, ne faisant que de rares pauses pour se nourrir sur les
fleurs de chardon (Harlan Abbott 1951).
Figure 1 : La Belle-Dame ou Vanesse du chardon (Vanessa cardui) appartient à la famille des Nymphalidae (© Y. Chittaro).
En mai 2009, une incroyable invasion migratoire de Vanesses du chardon a été observée sur la côte du
bassin lémanique en Suisse romande. Des millions d’individus se sont déplacés vers l’Est et le Nord.
Une telle migration n’est pas courante et ne se produit pas annuellement. En Suisse, des augmentations
caractéristiques des effectifs de la Vanesse du chardon ont été observées en 2003, 2006 et 2009. Il
semblerait donc que cette espèce présente une explosion de ses populations tous les 3 ans.
Evaluation
Plusieurs points peuvent être évalués pour savoir si oui ou non les éoliennes ont un impact sur les
papillons et leurs migrations.
Tout d’abord, le nombre d’espèces que l’on peut considérer comme les vrais migratrices est restreinte.
Elles ne représentent qu’environ 10% des quelques deux cents espèces présentes en Suisse.
Ensuite, la Vanesse du chardon, principal migrateur en Suisse, est une espèce extrêmement courante et
commune à l’échelle suisse comme à l’échelle de la planète. Il s’agit d’un des papillons les plus
répandus au monde. Elle est présente sur toute la terre à l’exception de l’Amérique latine (LSPN
1987). Tout comme la Vanesse des chardons, les espèces migratrices en Suisse sont toutes des espèces
communes (MBD 2009). Aucune n’est rare ou en danger, ni évidemment endémique.
D’autre part, les « essaims » migratoires volent généralement à faible hauteur (environ 3 m), rasant les
prairies à la recherche de nectar, longeant les milieux ouverts et les lisières des forêts. Des éoliennes
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de plus de 100 m de hauteur ne devraient pas être un problème pour les papillons. Même si certains
papillons peuvent éventuellement se faire happer par les pales des éoliennes, cette perte reste faible et
négligeable à côté, par exemple, du nombre très important (des milliers) de papillons qui périssent
malheureusement sur les pare-chocs ou pare-brise des voitures !
Un point important doit cependant être soulevé. Il importe de tenir compte du milieu ou biotope sur
lequel seront érigées les éoliennes. Un impact indirect important peut provenir de la destruction des
milieux ouverts favorables aux papillons (prairies notamment). Il faut donc prendre garde de ne pas
détruire des zones abritant localement des espèces rares ou en danger. Après une visite sur les 7 points
retenus pour la construction des éoliennes dans le parc « Tous-Vents », il s’avère que ces derniers sont
tous situés sur des surfaces agricoles intensives (cultures ou pâturages). Ces milieux sont engraissés et
pauvres en espèces, donc à faible valeur écologique. Ils ne sont en aucun cas favorables aux papillons.
De plus, selon les données existantes au Centre Suisse de Cartographie de la Faune CSCF (Neuchâtel),
ces sites n’abritent aucune espèce de papillons rares, en danger ou prioritaires (CSCF, comm. pers.).
Un second point est à mettre en avant notamment. Il s’agit d’un éventuel éclairage des éoliennes.
Aucune information n’a été fournies à ce sujet, mais il convient de limiter au maximum tout éclairage
nocturne afin d’éviter l’attraction des papillons de nuit et autres insectes.
Suite à ces réflexions, on peut sans autre dire que la construction du parc éolien « Tous-Vents » a un
impact faible à négligeable sur les populations de papillons et sur leur migration. La région concernée
est un territoire agricole relativement pauvre en papillons et les éoliennes prévues sont très grandes.
Ces conclusions ne peuvent pas être extrapolées à d’autres groupes d’insectes ou d’animaux.
Références
Centre Suisse de Cartographie de la Faune CSCF : Passage Maximilien de Meuron 6,
CH-2000 Neuchâtel, http://www.cscf.ch.
Harlan Abbott C. 1951. A Quantitative Study of the Migration of the Painted Lady Butterfly, Vanessa
Cardui L. Ecology 32, No. 2 (Avril 1951): 155-171.
Lévêque A. 2003. Etudes des migrations de papillons en France. Insectes 128 (1) : 33-37.
LSPN 1987. Les papillons de jour et leurs biotopes - Espèces, dangers qui les menacent, protection.
Ligue Suisse pour la Protection de la Nature, vol. I, Bâle. 512 pp.
MBD 2009. Etat de la biodiversité en Suisse. Synthèse des résultats du monitoring de la biodiversité
en Suisse (MBD). Etat de l’environnement 11/09. Office fédéral de l’environnement OFEV. 112 pp.
Whalley P. 1989. Papillons. Les carnets d’Arthaud. Ed. Arthaud, Paris. 168 pp.
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