Le Trouble Déficit de l`Attention - Hyperactivité

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Le Trouble Déficit de l`Attention - Hyperactivité
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L'hyperactivité
et les troubles de l'attention
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Sommaire
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Rééducation Orthophonique, 2, rue des deux gares, 75010 Paris
Ce numéro a été dirigé par Monique Touzin, orthophoniste
L’HYPERACTIVITÉ
ET LES TROUBLES DE L’ATTENTION
Fabien, enfant hyperactif
Florence, Bénévole de l’association HyperSupers - Thada France
1. Le Trouble Déficit de l’Attention - Hyperactivité :
aspects cliniques et évaluation diagnostique
Valérie Vantalon, pédopsychiatre, Hôpital Robert Debré, Paris
2. Traitement médicamenteux de l’hyperactivité
Régis Brunod, pédiatre et pédopsychiatre, Martinique
3. L’enfant hyperactif et les apprentissages
Monique Touzin, orthophoniste, Hôpital Kremlin-Bicêtre
4. Approches familiales dans le trouble déficit de l’attention/hyperactivité
Marie-Claude Nedey-Saïag, médecin pédopsychiatre, Paris
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1. Evaluation psychomotrice et neuropsychologique du Trouble Déficit
de l’Attention/Hyperactivité
Jean-Michel Albaret, maître de conférences, Toulouse,
Régis Soppelsa, psychomotricien, Toulouse
2. Proposition d’une intervention métacognitive visant à contrer le trouble
de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité
Marie Lazure, Francine Lussier et Annie Ménard, Montréal, Canada
3. Trouble Déficit de l’Attention/Hyperactivité et rééducation psychomotrice :
présentation d’un cas
Régis Soppelsa, psychomotricien, Toulouse,
Jean-Michel Albaret, maître de conférences, Toulouse
1. Douloureux parcours d’une famille d’hyperactifs
Marlène Wahl, parent d’enfant hyperactif
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Rencontre avec Fabien, enfant hyperactif
Florence
Bénévole de l’association
HyperSupers - Thada France
[email protected]
I
l était une fois une famille ordinaire qui était très heureuse. Elle était composée de la maman, du papa, d’un petit garçon appelé Fabien et d’une petite
fille appelée Mathilde.
Le papa et la maman vivent une forte complicité qui les a amenés tous les
deux sur le chemin de l'amour. Ils sont si heureux qu’ils décident un jour de fonder une famille.
C’est comme cela que le petit Fabien a fait ses débuts. Tout va bien. Papa
et Maman sont contents. Ils ont un beau bébé très tranquille, et très sage. Ils sont
fiers de leur enfant.
Puis, un jour, on ne sait pas pour quelles raisons, tout ce conte de fée s’est
transformé en cauchemar. Le si beau bébé dont étaient si fiers papa et maman
est devenu un véritable diablotin. Personne ne reconnaissait plus ce bébé qui
jusqu’à maintenant obéissait, mangeait et dormait sans rien dire. Fabien était
devenu colérique, turbulent, il n’arrêtait pas de bouger et était infatigable. Au fil
des jours, le papa et la maman se sont épuisés. Ils n’arrivaient plus à suivre, ni à
gérer cette situation.
Le temps passe et les amis commencent à se faire rares, les sorties également. Comment recevoir ou sortir quand papa et maman n’arrêtent pas de courir
après cette tornade, ce courant d’air qui casse tout sur son passage, hurle, crie et
ne respecte rien. La famille pense que le papa et la maman écoutent trop ce si
beau bébé et qu’il est trop gâté. C’est le début de la fin.
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Ils demandent de l’aide mais les médecins leurs répondent que c’est un
enfant tonique, plein de vie, qu’il est encore jeune et qu’il finira par se calmer.
Alors, le papa et la maman attendent, patientent en se disant qu’effectivement,
un jour, il finira par mûrir et se calmer et que tout rentrera dans l’ordre.
Heureusement, leur amour est encore là et ils décident de faire un
deuxième enfant, en se disant que la situation ne pourra pas être pire.
Mathilde est donc venue au monde et Fabien a fait son entrée en maternelle.
Les médecins avaient dit au papa et à la maman qu’avec l’école, le petit
Fabien ferait des progrès et qu’il se calmerait. Il en a été tout autre. Les problèmes sont revenus de plus belle. La maîtresse n’arrêtait pas de convoquer le
papa et la maman pour leur dire que le petit Fabien n’écoutait rien, ne respectait pas les règles et les limites, qu’elle n’avait pas que lui à s’occuper et qu’il
était ingérable, qu’il fallait faire quelque chose. Le papa et la maman sont
d’accord avec la maîtresse car cela fait maintenant 4 ans qu’ils demandent de
l’aide. Le petit Fabien est suivi par le CMPP depuis ses 2 ans mais même cela
n’a rien changé.
Heureusement que la petite Mathilde n’est pas comme son frère. Mais le
papa et la maman ont peur, ils ne savent plus quoi faire. Ils ont tout perdu :
amis, vie sociale, moments à deux, famille. Personne ne les soutient. Toutes les
personnes autour d’eux, et même les médecins disent que si le petit Fabien est
comme cela c’est parce que le papa et la maman ne sont pas assez autoritaires,
qu’ils le laissent faire ce qu’il veut. Et pourtant, derrière la porte de la maison de
cette famille si ordinaire, il en est tout autre. Beaucoup de cris, de hurlements,
d’agressivité, de fessées pour essayer de faire plier ce petit monstre. Rien à
faire. Même les calmants donnés par les médecins ne font rien. Le petit Fabien
ne dort plus. II est de plus en plus agressif, impulsif et dangereux pour lui-même
et pour les autres.
Il est renvoyé de l’école maternelle en grande section. Le papa et la
maman n’en peuvent plus, ils pensent n’avoir que ce qu’ils méritent, se sentent
coupables de la situation. Ils doutent même d’eux-mêmes. Peut être que les
autres ont raison. Ils ne sont pas assez durs, ils en font trop pour leurs enfants.
Et pourtant, un jour, alors que le papa, la maman et les enfants regardent
la télévision, une lueur d’interrogation et d’espoir surgit. A la télévision, une
émission sur l’hyperactivité. Un reportage où un enfant de l’âge de Fabien faisait des pitreries et la maman n’arrivait pas à l’arrêter. Le papa et la maman ont
bien écouté l’émission et se sont reconnus à travers les différents reportages.
Alors, si c’était cela ? Fabien serait-il malade ? Ne serions-nous pas coupables ?
Beaucoup de questions arrivent.
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La maman en parle au pédiatre de Fabien et à son grand étonnement,
celui-ci lui a répondu : « j’y pense maintenant depuis quelques années mais je
ne vous en ai pas parlé car je n’en étais pas sûr et que l’on ne peut pas donner de
médicament avant 6 ans ». La maman et le papa ne sont pas contents et décident
de faire des recherches sur cette maladie et de reprendre les choses en main.
La maman cherche des informations sur Internet et par bonheur, elle
trouve le nom d’une association de parents qui vient de créer son site et un
forum de discussions : HyperSupers - Thada France. Dans un premier temps,
elle observe, lit les messages sur le forum. Elle voit qu’elle n’est pas seule à
vivre cette situation. Les messages qu’elle lit correspondent à sa souffrance. Les
personnes du forum parlent de leurs problèmes et de leur souffrance, ils échangent des astuces, des conseils. La maman se sent enfin comprise et reprend
confiance en elle. Elle parle de sa trouvaille au papa qui lui donne carte blanche
pour continuer. La maman se lance donc et se met à écrire sur le forum. Elle
parle de sa situation avec Fabien et plusieurs personnes lui répondent et lui souhaitent la bienvenue. On l’accueille chaleureusement, la soutient, l’encourage et
l’aide pour essayer de poser le diagnostic.
Elle entre en contact avec le bénévole de sa région qui lui donne les coordonnées des médecins spécialistes pour faire le diagnostic. Elle obtient un rendez-vous et le diagnostic est posé en quelques mois. Fabien est TDAH de type
mixte et est mis sous Ritaline. Et là, miracle, des petits changements apparaissent. Fabien est moins turbulent, plus attentif et bouge moins avec la Ritaline. Le
papa et la maman fêtent ensemble le premier repas complet en famille sans être
obligés de se lever 30 fois pour rasseoir Fabien. Quelle joie et quel bonheur !!!!!
La famille rejoint alors l’association en tant d’adhérents pour les remercier de leur aide et soutien. La maman devient bénévole pour son département
afin de faire mieux découvrir ce trouble. Elle aide les parents de son département à faire poser le diagnostic et organise des réunions de groupes de parents
afin de faire rencontrer les parents de son département pour qu’ils puissent parler de leur souffrance, partager ce qu’ils ont en commun et échanger des
conseils. Elle leur fournit de la documentation. Les enfants se rencontrent également et se font de nouveaux copains qui fonctionnent comme eux.
Quel soulagement, le papa et la maman ne sont pas coupables du comportement de leur si beau bébé. Il reste un long chemin à parcourir mais maintenant ils savent qu’avec le temps le petit Fabien pourra faire des progrès s’il
est bien entouré. Le papa et la maman ont réuni des personnes qui connaissent
la maladie de Fabien pour faire sa rééducation. Car, comme la plupart des
TDAH, Fabien a des troubles d’apprentissages associés. Il a une atteinte de sa
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psychomotricité fine qui entraîne une dysgraphie ainsi qu’une dyscalculie car
ses fonctions exécutrices sont atteintes à cause de son déficit d’attention. Il a
une mauvaise mémoire de travail et son raisonnement n’est pas bon. Il connaît
plein de choses mais n’arrive pas à les mettre en application. Grâce à la rééducation, il arrivera à développer des méthodes compensatoires afin de pallier ses
difficultés.
Aujourd’hui, Fabien est en fin de CP. Il sait lire correctement. L’écriture
s’est améliorée grâce à la psychomotricité. Il vient d’être pris en charge par une
orthophoniste pour ses problèmes en mathématiques et son problème de
mémoire et raisonnement. Son comportement s’est stabilisé grâce au médicament et à sa prise en charge psychologique. Il s’est très bien adapté à sa nouvelle école. Il a une très bonne estime de lui-même et a enfin confiance en lui. Il
est très heureux et il a retrouvé sa joie de vivre.
Enfin, la paix et la sérénité sont revenues dans cette famille si ordinaire.
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Le Trouble Déficit de l’Attention - Hyperactivité :
aspects cliniques et évaluation diagnostique
Valérie Vantalon
Résumé
Le Trouble Déficitaire de l'Attention / Hyperactivité (TDAH) se manifeste par deux groupes de
symptômes, l'inattention et l'impulsivité-hyperactivité, dont l’expression et l’intensité varient
selon l’âge, le sexe et, pour un même enfant, les situations. Son diagnostic est clinique, il
repose sur les données et l'observation issues de différentes situations et sources d'informations. L'évaluation des compétences intellectuelles et des performances scolaires est également nécessaire. Le TDAH constitue par sa fréquence, son évolution (persistance à l'adolescence et à l'âge adulte dans 65 % des cas) et ses complications éventuelles (disqualification
académique, difficultés d'intégration sociale...) un problème de santé publique encore sousestimé en France. L'intérêt de traiter ce trouble est établi et les modalités thérapeutiques sont
consensuelles et bien codifiées dans la littérature européenne et internationale.
Mots clés : Trouble Déficit de l'Attention/Hyperactivité, sémiologie, comorbidité, évolution,
diagnostics différentiels, évaluation diagnostique.
Attention Deficit/Hyperactivity Disorder:
Clinical features and diagnostic evaluation
Abstract
There are two groups of symptoms in attention-deficit/hyperactivity disorder (ADHD) : inattention and hyperactivity-impulsivity. Their expression and intensity vary according to age,
gender and situations. ADHD is a clinical diagnosis. Assessment includes behavioral observations in different settings, clinical interviews with both the parent and the child, reports
and rating scales from teachers and parents. Tests of intellectual performance and academic achievement are required. ADHD is one of the most common psychiatric disorders of
childhood. Its outcome (up to 65 % of hyperactive children continue to show symptoms into
adolescence and adulthood) and comorbidity (including delinquency, antisocial behaviors
and school underachievement) are of national concern. The importance of treating ADHD is
well-established and consensual guidelines for treatment have been published in both the
European and international literature.
Key Words : Attention-deficit/hyperactivity disorder (ADHD), clinical features, comorbidity,
outcome, differential diagnosis, assessment.
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Valérie VANTALON
Praticien Hospitalier
Service de Psychopathologie de l'enfant
et de l'adolescent,
CHU Robert Debré
48, Bd Sérurier
75019 Paris
[email protected]
L
e Trouble Déficit de l’Attention/Hyperactivité (TDAH) constitue, en
population générale, le trouble psychopathologique le plus fréquent chez
l'enfant d'âge scolaire, avec une prévalence de 3 à 5 % et une nette prédominance masculine de 2.5 à 4 garçons pour 1 fille (Taylor et coll. 1998).
Selon la classification internationale CIM-10 de l’OMS (1994) et selon le
DSM-IV (APA, 1996), la caractéristique essentielle du Trouble Hyperkinétique
ou du Trouble Déficit de l’Attention/Hyperactivité est un mode persistant d’inattention et/ou d’hyperactivité / impulsivité, plus fréquent et plus sévère que ce que
l'on observe habituellement chez des sujets de même niveau de développement,
entraînant une gêne fonctionnelle significative dans plusieurs domaines et une
nette interférence avec le fonctionnement scolaire et social (Tableaux I et II). Le
DSM-IV (APA, 1996) distingue plusieurs degrés de sévérité du trouble, léger,
moyen et sévère, selon le nombre de symptômes et le degré de handicap du fonctionnement social et scolaire. Trois sous-types sont également isolés selon la
combinaison des critères : le type mixte, si les critères de déficit de l’attention et
d’hyperactivité-impulsivité sont présents, le type inattention prédominante et le
type hyperactivité-impulsivité prédominante.
Parmi les multiples facteurs étiologiques impliqués dans le TDAH, une
participation biologique et notamment génétique est mise en avant. L’imagerie
cérébrale anatomique et fonctionnelle met en évidence des anomalies, principalement dans les régions frontales et dans le striatum. Des études de jumeaux et
d'agrégation familiale ont mis l'accent sur le caractère familial et l'héritabilité du
trouble. Plus récemment, des travaux de génétique moléculaire ont identifié plusieurs gènes candidats, impliquant le système dopaminergique. Les facteurs
génétiques ne sont cependant pas seuls impliqués dans l'apparition et le développement d'un TDAH. Le poids des facteurs environnementaux est également
reconnu, sans qu'aucun ne constitue une condition nécessaire et suffisante au
TDAH, qu'il s'agisse de facteurs toxiques et obstétricaux (complications de la
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grossesse ou de l'accouchement, exposition au tabac, toxémie gravidique…) ou
psychosociaux (conflits parentaux chroniques, psychopathologie familiale…).
Au-delà des définitions et classifications, désormais consensuelles, il
importe en pratique clinique de reconnaître ce trouble, dont la sémiologie est
parfois délicate et les conséquences émotionnelles, tant pour l’enfant que ses
parents négatives et douloureuses.
♦ Description clinique
Sur le plan clinique, il s'agit typiquement d'un garçon, âgé de 6 à 10 ans,
consultant pour des difficultés d'apprentissage et des troubles du comportement.
Les parents ont commencé à remarquer l'excès d'activité motrice de leur enfant
dès l'âge de la marche et on les en a alerté dès l'entrée en collectivité, mais c’est
à l'occasion de la scolarisation en primaire et des exigences scolaires croissantes
qu'une demande de soins est le plus souvent formulée.
L’enfant atteint de TDAH souffre de difficultés précoces et durables touchant trois domaines : l’inattention, l’impulsivité et l’hyperactivité.
Le déficit de l'attention se traduit par une distractibilité, une vigilance et
une attention soutenue altérées par rapport aux enfants de même sexe et âge
développemental. Il est repérable en situation de jeu libre, où le sujet passe
d'une activité à l'autre sans pouvoir en terminer aucune. Les difficultés de ces
enfants sont plus nettes encore lors d’activités contraignantes comme les tâches
ménagères ou celles qui exigent un effort de concentration soutenue, comme
les contrôles scolaires et les devoirs à la maison qui sont souvent inachevés.
Ces enfants sont décrits par leurs parents comme incapables de travailler seuls
et, le soir, comme la transcription des devoirs à la maison sur le cahier de texte
est incomplète, ils doivent fréquemment contacter un camarade de classe. Le
déficit attentionnel se traduit encore par une propension à se laisser distraire
par les stimuli sonores ou visuels, chute de crayon en classe, bruit de klaxon,
brouhaha. Ils ont des difficultés à se concentrer sur les propos de l'interlocuteur, ce qui impose de répéter maintes fois les demandes et de hausser le ton
pour être obéi. Ils sont fréquemment décrits par leurs parents comme
« rêveur », « dans la lune ». Parfois, cette incapacité à suivre les consignes est
perçue comme une forme d’opposition et provoque plaintes et remontrances de
la part des figures d'autorité. Avec les pairs, les difficultés d’intégration au
groupe sont importantes, du fait de leur incapacité à écouter autrui, à dialoguer
et à assimiler les règles d'un jeu. Fréquemment, ils ne peuvent pas participer à
un jeu collectif et rencontrent des difficultés à se lier d'amitié tant en milieu
scolaire qu’extra-scolaire.
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L’impulsivité, excessive pour l’âge développemental, se manifeste par le
fait de répondre à une sollicitation avant que l’énoncé des instructions soit
achevé, cela conduit à des erreurs de précipitation dans les tâches scolaires (dictée, énoncé de problème) ou diverses situations sociales (réponses à côté et
digressions dans les conversations, interventions inappropriées et intempestives
au sein d’un groupe). Les devoirs sont bâclés, les cahiers mal tenus. Souvent,
dans les jeux, ils ne peuvent attendre leur tour, ils paraissent impolis car ils
prennent ou coupent la parole sans autorisation. Ils sont susceptibles de prises
de risque inconsidérées, du fait de l’absence d’anticipation des conséquences de
leurs actions, tant sur le plan physique (traverser une rue sans faire attention,
casser accidentellement des objets, des jouets, blesser un enfant en se précipitant...) que social (agir sous l’influence de camarades de classe, dire à haute
voix ce que l’on a sur le cœur...). Les enfants TDAH sont plus souvent victimes
d’accidents, avec un index de gravité plus élevé : polytraumatismes, fractures,
intoxications accidentelles.
L’hyperactivité est définie par une agitation motrice excessive pour l’âge
développemental, ses parents décrivent un enfant qui bouge sans cesse, ne peut
rester assis durant le temps d’un repas ou d’un jeu, ne cesse d’aller et venir
même devant la télévision, comme « monté sur ressort ». Les parents peuvent
être contraints de limiter les sorties en famille, de peur des réflexions d’autrui,
qu’il paraisse mal élevé, prenne des risques, brise des objets ou se perde dans la
foule. En milieu scolaire, ils ne peut rester à sa place en classe, se lève au
moindre prétexte, étire ses membres, fait grincer sa chaise, tripote un crayon,
une règle, la fait tomber, se lève pour la ramasser, se retourne si un voisin émet
un son, lui répond à haute voix , etc. Lors de la récréation, il se précipite comme
une tornade, bouscule tout sur son passage, se met en danger physiquement.
Pour un même enfant TDAH, deux aspects sont à prendre en compte,
d’une part la chronicité de la symptomatologie et d’autre part la variabilité d'intensité de la symptomatologie selon les situations. Du fait de ces fluctuations,
les parents ou les enseignants peuvent croire ces conduites délibérées. Typiquement, les symptômes s'aggravent dans des situations qui exigent une attention et
un effort mental soutenu ou celles qui manquent d'attrait et de nouveauté : écouter un professeur, faire ses devoirs, lire un long document, travailler sur une
tâche répétitive. Ils surviennent plus volontiers dans les situations de groupe où
les stimuli sont nombreux (garderie, école...). Par contre, les manifestations peuvent être minimes voire absentes lorsque le sujet est sous stricte supervision, en
tête-à-tête ou lorsqu'il est dans un environnement nouveau, absorbé par une
tâche particulièrement captivante. Il est donc nécessaire de s'enquérir du comportement de l'enfant dans toute une variété de situations.
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Un enfant TDAH, indépendamment d’un Trouble spécifique du développement éventuellement associé, a un risque d'échec scolaire multiplié par 2 à 3
par rapport aux témoins de même classe d'âge et d'intelligence comparable.
Ainsi, 50 % des enfants hyperactifs suivant un cursus scolaire standard sont en
échec scolaire ou ont redoublé au moins une classe à l'adolescence (Touzin et
coll. 1997). On estime que les troubles attentionnels et l'impulsivité influent
plus sur les résultats scolaires que l'activité motrice de ces enfants.
Les conséquences relationnelles et affectives de ces comportements sont
également importantes. Du fait des fluctuations de la symptomatologie, les
parents peuvent croire les conduites de leur enfant délibérées et adopter alors
une conduite éducative répressive, qui se révèle peu efficace et développer des
réactions de rejet à son égard. Parfois, c’est toute la famille qui s’isole et se sent
méjugée et rejetée par l’environnement.
Avec les pairs, l’enfant a des difficultés à faire comprendre ses intentions
et ses sentiments et peut alors développer des comportements hétéro-agressifs.
En milieu scolaire, il est fréquemment repéré comme le fauteur de troubles,
l’enfant perturbateur et rejeté (rarement convié à des annive rs a i res, peu
d’amis…). Du fait des réactions de rejet des pairs et de l'environnement et de
l’échec scolaire, une mauvaise estime de soi et une faible tolérance à la frustration peuvent se développer et conduire à des affects dépressifs.
♦ Modes d'expression selon le sexe et l'âge
Deux aspects du TDAH méritent un développement particulier, il s'agit
des formes de l'enfant d'âge préscolaire et des formes féminines, toutes deux faisant l'objet d'un intérêt récent, après avoir longtemps été laissées de côté.
♦ Age préscolaire
Dès les premiers mois de vie et quoi que cela paraisse peu spécifique, les
parents d'enfants TDAH décrivent rétrospectivement un état d'agitation intense
où leur enfant rampait, se tortillait, agrippait dès qu'il en a eu la capacité. Ils rapportent également précocement des troubles du sommeil et un appétit faible et
irrégulier.
Si le diagnostic de TDAH est principalement porté après l'âge de six ans,
du fait de la révélation du trouble par les contraintes scolaires, la question du
diagnostic de TDAH peut être posée avant six ans, dans des situations extrêmes
où l'intensité des troubles du comportements et/ou des difficultés d'apprentissage est telle qu'ils sont dépistés précocement. Dès les premières années de col-
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lectivité, ces enfants sont décrits comme plus turbulents, opposants, enclins aux
colères, incapables de s'intégrer au groupe et d'appréhender le danger pour euxmêmes et pour autrui. Leur agitation sans but, leur difficulté à prendre en
compte les sentiments d'autrui, les conduisent dès la maternelle à faire l'expérience de rejet social, parfois même à être exclus de l'école en raison de leur
comportement.
Les conditions de diagnostic sont souvent difficiles, du fait d'une part de
l'expression principalement motrice du TDAH et de la difficulté à mettre en évidence une composante attentionnelle et d'autre part de la fréquente comorbidité
avec des troubles des apprentissages et d'autres troubles du comportement
(Trouble oppositionnel avec provocation notamment). Un soin particulier doit
être porté à la recherche d'un trouble organique associé et/ou à un trouble du
développement sous-jacent.
♦ Formes féminines
La répartition selon le sexe du TDAH est de l'ordre de 2/1 à 4/1 en population générale et de 9/1 en population clinique. La prévalence des formes féminines est probablement sous-estimée car, moins bruyantes que les formes masculines, elles sont moins facilement repérables (Taylor et coll. 1998).
Les troubles attentionnels y sont au premier plan, au contraire des formes
masculines, plus fréquemment de type hyperactifs/impulsifs. Les formes féminines de TDAH présenteraient donc moins d'agitation que les garçons, mais
l'impulsivité et l'inattention sont comparables. Les complications et troubles
comorbides sont comparables, voire plus sévères, avec notamment, un risque de
développer un trouble des conduites associé (50 à 60 % des cas versus 44 à
58 % pour les garçons) et des troubles des apprentissages (troubles du langage,
atteinte intellectuelle globale) plus important chez les filles. Le devenir des filles
TDAH à l'adolescence et l'âge adulte a été peu étudié jusqu'à présent.
♦ Troubles associés
Dans 2/3 des cas, le TDAH s'associe à d'autres troubles psychopathologiques entravant également le fonctionnement et le développement de l'enfant
(Taylor et coll. 1998). Cette fréquente comorbidité soulève la question de l'homogénéité du trouble, mais va également compliquer le processus diagnostique
et avoir un impact sur le pronostic et les stratégies thérapeutiques.
La première association comorbide à rechercher est un trouble spécifique
des apprentissages, car la prévalence de cette association est estimée à 50-80 %
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des cas. Les types de troubles les plus fréquemment relevés sont une dyslexiedysorthographie (DL/DO), retrouvée dans 23-40 % des cas versus 8 % en population générale. De plus, si on considère le sous-groupe d'enfants TDAH en difficulté scolaire, une DL/DO est retrouvée alors dans 90 % des cas. Une
association comorbide avec un retard d'acquisition de la parole et du langage,
des troubles du langage versant expressif et/ou réceptif, des troubles de l’acquisition de l’arithmétique et de la coordination sont également fréquemment
recensés.
Dans 30-50 % des cas, un Trouble oppositionnel avec provocation (TOP)
et/ou un Trouble des conduites (TC) est associé au TDAH. Ces formes combinées précoces (TDAH et TOP/ TC) ont un pronostic péjoratif, avec, dès l'enfance une moindre intégration sociale, scolaire, une plus mauvaise estime de soi
et à l'adolescence une évolution possible vers la délinquance et la consommation de substances psycho-actives.
Des troubles anxieux sont associés au TDAH dans 25 % des cas, contre
5-15 % en population générale. Il s'agit principalement d'anxiété de performance, de séparation et d'anxiété généralisée. Cliniquement, les enfants TDAH
et anxieux présenteraient une moindre sévérité des troubles du comportement,
mais il est également fait mention d'une moindre efficacité des psychostimulants
sur les symptômes d'hyperactivité.
Des troubles de l’humeur sont associés au TDAH dans 10 à 40 % des cas.
Il s'agit principalement d'un trouble dépressif majeur, d'apparition postérieure à
l'installation du TDAH. Cliniquement, les deux troubles auraient une évolution
distincte et l'association des deux pathologies n'aurait pas d'incidence sur la
durée du trouble dépressif ou le nombre de ses rechutes.
♦ Evolution
De nombreuses études de suivi ont été conduites jusqu'à l'adolescence et
plus récemment à l'âge adulte.
Le trouble est globalement stable jusqu'au début de l'adolescence, puis la
symptomatologie va globalement se modifier. Trois formes d'évolution sont possibles à l'adolescence :
Dans 16 à 48 % des cas, une évolution favorable avec disparition du
TDAH à l'adolescence est relevée.
Un second mode évolutif, rapporté dans 30 % des cas, est caractérisé par
la persistance du trouble, avec un tableau clinique identique à celui de l'enfant.
Les facteurs prédictifs de cette évolution persistante à l'adolescence sont essen-
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tiellement représentés par la comorbidité psychiatrique (avec le trouble des
conduites, les troubles anxieux et dépressifs), par la présence de facteurs psychosociaux péjoratifs (conflit parental, psychopathologie paternelle) et d'une
agrégation familiale du trouble (antécédents familiaux de TDAH).
Enfin, dans la majorité des cas, l'hyperactivité motrice va progressivement s'atténuer et ne plus s'exprimer que par un sentiment subjectif d'impatience
motrice, de nervosité et de fébrilité, tandis que l'impulsivité et l'inattention persistent et interfèrent avec les résultats scolaires et l'adaptation sociale.
Il est délicat de porter pour la première fois un diagnostic de TDAH à
l'adolescence, particulièrement lorsque les difficultés n'ont pas, jusqu'alors, eu
de répercussion scolaire ou familiale. La sémiologie est principalement attentionnelle et s'exprime sous forme de difficultés d'organisation, de mauvaises
performances scolaires et de difficultés de socialisation. L'échec scolaire est
important, lié en partie aux exigences de rendement scolaire plus importantes,
aux moindres compétences scolaires (les capacités de lecture et d'abstraction
sont notamment moindres que les témoins), à une mauvaise estime de soi et une
anxiété sociale et de performance invalidantes. Seuls 20 % des adolescents
hyperactifs ont une scolarité normale. Les contraintes scolaires, les conflits
autour du travail contribuent à détériorer les relations intrafamiliales et l'estime
de soi de l'adolescent plus encore qu'avant la puberté. Le TDAH s'accompagne
plus volontiers à l'adolescence d'exclusion scolaire, de conduites de risque et de
recherche de sensations et de nouveauté. La comorbidité est fréquente, notamment émotionnelle, anxieuse et dépressive. Les complications du registre comportemental, trouble des conduites, abus de substances toxiques et personnalité
antisociale, touchent préférentiellement les formes persistantes.
Il n'existe pas d'enquête épidémiologique en population générale adulte
pour le TDAH. A partir de quelques études prospectives contrôlées menées de
l'enfance à l'âge adulte, on estime que le trouble persiste jusqu'à l'âge adulte
dans 30 à 60 % des cas. Ces études de suivi des enfants hyperactifs à l'âge
adulte relèvent, comparativement aux témoins, un moins bon ajustement psychosocial, en terme de plaintes psychologiques et des difficultés d'adaptation
tant dans le domaine professionnel que personnel et affectif. Les difficultés d'organisation se répercutent sur la stabilité familiale, conjugale, amicale, elles se
manifestent par des changements répétés d'emploi avec sentiment d'ennui, de
conflit avec l'autorité, de performances irrégulières, une mauvaise gestion financière, de nombreuses infractions au code de la route et accidents de voiture, des
retards chroniques, des difficultés à mener à bien un projet personnel, à aller au
bout d'une tâche…
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La reconnaissance de l'existence du TDAH de l'adulte est récente et délicate, car ses manifestations sont souvent interprétées comme le reflet d'autres
troubles, trouble bipolaire, abus de substances psycho-actives, troubles de la
personnalité … En outre, porter pour la première fois un diagnostic de TDAH
chez l'adulte exige une procédure particulière, inusitée en psychiatrie de l'adulte,
car, outre l'entretien direct du patient, un recueil d'informations rétrospectives
(inventaire des symptômes de l'enfance, évolution et comorbidité de l'enfance et
de l'adolescence) et des informateurs extérieurs au patient, le conjoint et/ou un
parent, sont nécessaires.
♦ Diagnostics différentiels
Une importante variété d'affections peut être confondue avec le TDAH.
Parmi les causes organiques de déficit de l'attention, il faut envisager un
trouble auditif ou visuel, une épilepsie, des séquelles de traumatisme crânien,
une affection médicale aiguë ou chronique, un état de dénutrition, une privation de sommeil liée à un trouble du sommeil ou à des facteurs environnementaux.
Certaines causes iatrogènes peuvent entraîner une agitation et des difficultés de concentration, comme les traitements benzodiazépiniques. Une action
de la carbamazépine et de la théophylline ont également été invoquées, avec des
données contradictoires.
Un retard mental non repéré peut être source de diagnostic abusif de
TDAH. En effet, l'évaluation d'une agitation, d'une impulsivité et/ou d'une inattention pathologique doit tenir compte du niveau de développement de l'enfant
et donc être confrontée à l'âge développemental et non à l'âge réel.
Parmi les affections psychiatriques, des difficultés attentionnelles, des
troubles du comportement de type agitation, irritabilité, auto ou hétéro-agressivité et des difficultés scolaires peuvent être au premier plan dans les Troubles
Dépressifs de l'enfant. Il s'agit, par opposition au TDAH, d'un trouble aigu et
non chronique. La rupture franche de comportement par rapport à l'état antérieur, et donc la date de début de l'épisode dépressif, sont clairement repérables
dans le temps, car l'enfant jusqu'alors élève moyen, bien intégré et sans particularité comportementale dans la petite enfance ne développe que depuis quelques
mois ces troubles. Enfin, la symptomatologie dépressive classique, avec idées
noires, troubles du sommeil et de l'appétit et asthénie, même si elle n'est pas
repérée initialement par les proches, car en arrière plan par rapport aux signes
comportementaux, est présente.
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Les Troubles Anxieux de l'enfant s'accompagnent volontiers de difficultés
attentionnelles et d'une certaine fébrilité, voire d'une agitation. Ce sont les
signes associés et prédominants d'anxiété de séparation ou d'anxiété généralisée
qui permettent d'orienter le diagnostic. Notamment, ces enfants ne présentent ni
agitation ni trouble de l'attention, lorsqu'ils sont dans une situation qui les rassure, à domicile avec leurs deux parents pour le Trouble anxieux de séparation,
loin des situations et personnes nouvelles pour le Trouble Anxiété Sociale…
Enfin, une agitation, des difficultés d'intégration sociale et scolaire et des
troubles des apprentissages sont également relevés de façon progressive et
durable dans le Trouble Oppositionnel avec Provocation. Contrairement au
TDAH, le Trouble oppositionnel avec provocation se manifeste par une attitude
négativiste, provocatrice, de désobéissance et d'hostilité envers les personnes en
position d’autorité, plus fréquente que chez des sujets d’âge et de niveau de
développement comparables. Ces comportements sont particulièrement marqués
par une obstination, une résistance à suivre les consignes, un refus de transiger
avec l’adulte ou avec les pairs. Ces enfants ont tendance à tester délibérément et
activement les limites, à ignorer les ordres et à les contester. Ils manifestent également une volonté délibérée d’ennuyer les autres, une agressivité verbale, voire
physique. Habituellement ces sujets ne se reconnaissent pas comme hostiles ou
provocateurs, mais justifient leurs conduites comme des réponses à des circonstances injustes. Ce trouble se révèle habituellement avant l’âge de huit ans, les
symptômes se manifestent d’abord au domicile, puis peuvent progressivement
s’étendre à d’autres environnements, en collectivité ou à l’école. Dans un pourcentage substantiel de cas, le trouble oppositionnel avec provocation représente,
dans le développement du sujet, un antécédent du Trouble des conduites, avec
son cortège d'actions antisociales, agressives et provocatrices, qui conduisent
l'individu à bafouer les droits fondamentaux d’autrui et les règles sociales.
♦ Evaluation diagnostique
Une évaluation diagnostique bien conduite est indispensable pour établir
le diagnostic de TDAH, le différencier de manifestations d'inattention et/ou d'instabilité secondaires à d'autres troubles, mesurer l'intensité des symptômes et
leurs répercussions. Elle permet également de rechercher les troubles psychopathologiques fréquemment associés. Enfin, les conclusions de l'évaluation ont un
impact sur le pronostic et les choix thérapeutiques.
Cette évaluation est pluridisciplinaire, elle repose sur différentes interventions : psychiatrique, psychologique, pédagogique, orthophonique. Elle doit
s'appuyer sur des informations issues des différents milieux où vit l'enfant et
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faire appel à un entretien clinique libre, mais également à des outils standardisés
d'évaluation. Parfois, certaines situations, les formes du jeune enfant par
exemple, peuvent justifier de périodes d'observation en milieu spécialisé.
Evaluation médicale
Le diagnostic de TDAH repose sur la seule clinique.
Un examen clinique a l'intérêt d'éliminer certains diagnostics différentiels, de repérer des signes neurologiques mineurs, dits soft-signs, et d'évaluer
les risques potentiels à la prescription d'un traitement médicamenteux. Sauf
signes cliniques d'appel, aucune investigation paraclinique, biologique ou radiologique n'est pratiquée en routine à visée diagnostique.
L'entretien clinique explore l'histoire développementale du sujet, la chronologie des troubles, leur retentissement au domicile, l'environnement social,
scolaire et familial, l'existence de troubles associés, l'existence d'antécédents
médicaux personnels et d'antécédents familiaux. Un entretien avec les parents
d'une part et avec l'enfant d'autre part est nécessaire pour évaluer l'existence de
troubles associés ou différentiels (dans le cas de troubles anxieux et dépressifs
notamment, les enfants sont de meilleurs indicateurs que leurs parents) et de
facteurs environnementaux. L'entretien avec les parents est fondamental, car les
enfants ne se reconnaissent que rarement comme inattentifs ou impulsifs et,
dans une situation contrôlée d'entretien médical, ils sont le plus souvent en
mesure de maintenir leur attention et de gérer leur impulsivité.
L'évaluation diagnostique des symptômes d'inattention, d'impulsivité et
d'agitation en différentes situations requiert plusieurs sources d'information : les
parents, l’enfant, mais également les enseignants. Il est fondamental de communiquer avec le milieu scolaire afin d'apprécier le fonctionnement de l'enfant en
situation où son contrôle est attendu et le retentissement sur les apprentissages.
Les échelles d'évaluation comportementales constituent un complément à
l'entretien clinique. Elles sont constituées de listes de symptômes et permettent
leur quantification, sous forme d'un score total, en fonction de l'intensité et de la
fréquence, une fois le diagnostic établi. On distingue des outils d'auto-évaluation, destinés au patient et des échelles d'hétéro-évaluation réalisées par les
parents, l'enseignant ou un clinicien.
Les échelles de Conners (1973-1978), validées dans la population d'enfants
hyperactifs et témoins, à partir de l'âge de 4 ans, ont été développées pour évaluer
l'intensité de la symptomatologie du TDAH et celle des troubles associés. Elles
sont disponibles en Français. Il en existe trois formes. Une version destinée aux
parents, de 48 items . une version destinée aux enseignants, à 28 items, et une ver-
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sion destinée à tout observateur externe, constituée des 10 items les plus sensibles
à l’effet du traitement. Il existe d'autres échelles d'évaluation standardisées du
TDAH, dont l'utilisation est plus limitée ou la validation moins achevée. Il s'agit
des questionnaires de Barkley (1990) et de l'ADHD rating Scale (Du Paul, 1998).
Le Children Behavioural Checklist (CBCL, Achenbach et Edelbrock 1983, 1986)
est un outil différent, puisqu'il s'agit d'un questionnaire général et descriptif des
comportements des enfants de 4 à 18 ans, qui apporte des informations sur leurs
troubles émotionnels, comportementaux ou sociaux, à partir de l’évaluation des
parents. Il existe également une version pour enseignant. Il comporte 2 parties :
l’une évalue les compétences de l’enfant dans les activités de la vie quotidienne,
les relations sociales et les performances scolaires. L’autre est composée de 118
items évaluant les symptômes comportementaux ou émotionnels rapportés par les
parents. Il permet notamment de calculer un score spécifique d'hyperactivité. Traduit et validé en français, il s'agit plus spécifiquement d'un outil de dépistage, utilisé en population générale à des fins épidémiologiques.
L'évaluation psychologique du TDAH répond à divers objectifs. Elle permet
d'apprécier le niveau cognitif et le fonctionnement psycho-affectif de l'enfant et
d'évaluer les processus attentionnels dans des tâches exigeant une attention soutenue. La place des tests d'attention (test de discrimination des stimuli, test de temps
de réaction, test de barrage) reste encore limitée en situation clinique. Ce sont principalement des outils de recherche, non standardisés pour le diagnostic individuel.
L'évaluation des troubles associés, du fait de leur très fréquente association
et de leur impact pronostique, fait appel à un examen du langage oral et écrit.
Une évaluation du niveau scolaire et un examen psychomoteur sont à discuter selon les situations. L'examen psychomoteur recherchera des difficultés
dans le domaine praxique, qu'il est nécessaire de distinguer d'un trouble de la
régulation comportementale et gestuelle, fréquemment repéré chez les enfants
TDAH, en dehors de tout trouble du développement moteur.
♦ Conclusion
Le Trouble déficitaire de l'Attention / Hyperactivité est un trouble invalidant, persistant et hétérogène, de diagnostic difficile, dont les complications, en
terme d'échec scolaire, de disqualification académique, d'exclusion sociale et de
mauvaise estime de soi nécessitent une approche thérapeutique multimodale
précoce. Ce traitement est bien codifié dans la littérature européenne et internationale (Taylor et coll. 1998, Vantalon et coll. 2004). Il repose initialement sur
des mesures psycho-éducatives, des interventions en milieu scolaire et familial
d'inspiration cognitivo-comportementale et sur les psychostimulants.
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REFERENCES
ACHENBACH T.M., EDELBROCK C. (1983). Manual for the Child Behavior Checklist, and revised
Child Behavior Profile. Burlington, University of Vermont, Department of Psychiatry.
BARKLEY R.A. (1990). Attention Deficit Hyperactive Disorder : a handbook for diagnosis and treatment. New York. The Guildford Press.
CLASSIFICATION INTERNATIONALE DES TROUBLES MENTAUX ET DES TROUBLES DU
COMPORTEMENT. CIM10/ICD10 (1994). Critères diagnostiques pour la recherche. Organisation mondiale de la santé. Paris : Masson.
CONNERS CK (1988). Rating scales in attention-deficit/hyperactivity disorder : use in asessment and
treating monitoring. J Clin Psychiatry, 59 : 24-30.
DU PAUL et coll. (1998). ADHD rating Scale IV Checklist, norms and clinical interpretations. New
York : The Guilford Press.
DIAGNOSTIC AND STATISTICAL MANUAL OF MENTAL DISORDERS. FORTH EDITION (DSMIV). The American Psychiatric Association, Washington DC (1994). Traduction française :
Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux (1996), Paris. Masson.
TAYLOR E., SERGEANT J. et al (1998). Clinical guidelines for hyperkinetic disorder. European Child
Adolesc Psychiatry, 7 : 184-200.
TOUZIN M., LE HEUZEY M.F., MOUREN-SIMEONI M.C. (1997). Hyperactivité avec déficit de l'attention et troubles des apprentissages. Neuropsychiatrie de l'Enfant et de l'Adolescent, 9 : 502-508.
VANTALON V. (2004). L'hyperactivité de l'enfant. Paris, édition John Libbey (à paraître).
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Tableau I : Critères pour la recherche du Trouble Hyperkinétique selon la CIM-10 (1994)
Les critères diagnostiques pour la recherche du trouble hyperkinétique exigent la présence d’une inattention, d’une hyperactivité et d’une
impulsivité qui sont envahissantes, persistantes et présentes dans plusieurs situations qui ne sont pas dues à un autre trouble (par exemple, un
autisme ou un trouble de l’humeur).
G1 Inattention
Au moins six des symptômes suivants d’inattention ont persisté
pendant au moins 6 mois, à un degré qui est mal adapté et qui ne correspond pas au niveau de développement de l’enfant :
1. ne parvient souvent pas à prêter attention aux détails, ou fait des
« fautes d’inattention », dans les devoirs scolaires, le travail, ou
d’autres activités
2. ne parvient souvent pas à soutenir son attention dans des tâches ou
des activités de jeux
3. ne parvient souvent pas à écouter ce qu’on lui dit
4. ne parvient souvent pas à se conformer aux directives venant d’autrui ou à finir ses devoirs, ses corvées, ou ses obligations sur le lieu
de travail (non dû à un comportement oppositionnel ou à un
manque de compréhension des instructions)
5. a souvent du mal à organiser ses tâches ou ses activités
6. évite souvent ou fait très à contre-cœur les tâches qui nécessitent un
effort mental soutenu, tel que les devoirs à faire à domicile
7. perd souvent des objets nécessaires à son travail ou à certaines activités à l’école ou à la maison (par exemple crayons, livres, jouets,
outils).
8. est facilement distrait par des stimuli externes
9. a des oublis fréquents au cours de la vie quotidienne
G2. Hyperactivité
Au moins trois des symptômes suivants d’hyperactivité ont persisté pendant au moins six mois, à un degré qui est mal adapté et qui ne
correspond pas au niveau de développement de l’enfant :
1. agite souvent ses mains ou ses pieds ou se tortille sur sa chaise
2. se lève en classe ou dans d’autres situations alors qu’il devrait rester assis
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3. court partout ou grimpe souvent de façon excessive dans des situations où cela est inapproprié (chez les adolescents ou les adultes, ce
symptôme peut se limiter à un sentiment subjectif d’agitation)
4. est souvent exagérément bruyant dans les jeux ou a du mal à participer en silence à des activités de loisirs
5. fait preuve d’une activité motrice excessive, non influencée par le
contexte social ou les consignes.
G3. Impulsivité
Au moins un des symptômes suivants d’impulsivité a persisté pendant au moins six mois, à un degré qui est mal adapté et qui ne correspond pas au niveau de développement de l’enfant :
1. se précipite souvent pour répondre aux questions sans attendre
qu’on ait terminé de les poser.
2. ne parvient souvent pas à rester dans la queue ou à attendre son
tour dans les jeux ou dans d’autres situations de groupe
3. interrompt souvent autrui ou impose sa présence (par exemple, fait
irruption dans les conversations ou les jeux des autres)
4. parle souvent trop sans tenir compte des conventions sociales
G4. Le trouble survient avant l’âge de 7 ans.
G5. Caractère envahissant du trouble. Les critères doivent être remplis
dans plus d’une situation, par exemple, l’association d’une inattention et
d’une hyperactivité doit être présente à la fois à la maison et à l’école et
dans une autre situation où les enfants font l’objet d’une observation, par
exemple, un centre de soins (pour mettre en évidence la présence des critères dans plusieurs situations, on doit habituellement disposer d’informations provenant de plusieurs sources ; il est peu probable, par
exemple, que les parents puissent fournir des renseignements suffisants
sur le comportement de leur enfant à l’école).
G6 Les symptômes cités en G1-G3 sont l’origine d’une souffrance ou
d’une altération du fonctionnement social, scolaire ou professionnel, cliniquement significative.
G7 Ne répond pas aux critères d’un trouble envahissant du développement (F84-), d’un épisode maniaque (F30-), d’un épisode dépressif (F32)
ou d’un trouble anxieux (F41-).
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Tableau II : Critères diagnostiques du TDAH selon le DSM-IV (1996)
A. Présence soit de (1) soit de (2) :
(1) Six des symptômes suivants d’inattention (ou plus) ont persisté pendant au moins six mois, à un degré qui est inadapté et ne correspondant
pas au niveau de développement de l’enfant :
Inattention
(a) souvent, ne parvient pas à prêter attention aux détails, ou fait des
fautes d’étourderie dans les devoirs scolaires, le travail ou d’autres
activités
(b) a souvent du mal à soutenir son attention au travail et dans les jeux
(c) semble souvent ne pas écouter quand on lui parle personnellement
(d) souvent, ne se conforme pas aux consignes et ne parvient pas à
mener à terme ses devoirs scolaires, ses tâches domestiques ou ses
obligations professionnelles (cela n’est pas dû à un comportement
d’opposition, ni à une incapacité à comprendre les consignes)
(e) a souvent du mal à organiser ses travaux ou ses activités
(f) souvent évite, a en aversion, ou fait à contrecœur les tâches qui
nécessitent un effort mental soutenu (comme le travail scolaire ou
les devoirs à la maison)
(g) perd souvent les objets nécessaires à son travail ou à ses activités
(par exemple crayons, livres, jouets, outils).
(h) souvent, se laisse facilement distraire par des stimuli extérieurs
(i) a des oublis fréquents dans la vie quotidienne
(2) Six des symptômes suivants d’hyperactivité-impulsivité (ou plus) ont
persisté pendant au moins six mois, à un degré qui est inadapté et ne correspond pas au niveau de développement de l’enfant :
Hyperactivité
(a) remue souvent les mains ou les pieds ou se tortille sur son siège
(b) se lève souvent en classe ou dans d’autres situations où il est supposé rester assis
(c) souvent, court ou grimpe partout dans des situations où cela est
inapproprié (chez les adolescents ou les adultes, ce symptôme peut
se limiter à un sentiment subjectif d’impatience motrice)
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(d) a souvent du mal à tenir tranquille dans les jeux ou les activités de
loisir
(e) est souvent «sur la brèche», agit comme s’il était « monté sur ressort »
(f) parle souvent trop
Impulsivité
(g) laisse souvent échapper la réponse à une question qui n’est pas
entièrement posée
(h) a souvent du mal à attendre son tour
(i) interrompt souvent les autres ou impose sa présence (ex. à l’école,
au travail et à la maison)
B. Certains des symptômes d’hyperactivité-impulsivité ou d’inattention
ayant provoqué une gêne fonctionnelle étaient présents avant l’âge de
7 ans.
C. Présence d’un certain degré de gêne fonctionnelle liée aux symptômes
dans au moins deux ou plus de deux types d’environnement différents
(ex. à l’école, au travail et à la maison).
D. On doit mettre clairement en évidence une altération cliniquement
significative du fonctionnement social, scolaire et professionnel.
E. Les symptômes ne surviennent pas exclusivement au cours d’un
trouble envahissant du développement, d’une schizophrénie ou d’un
autre trouble psychotique et ils ne sont pas mieux expliqués par un
autre trouble mental (ex. trouble thymique, trouble anxieux, trouble
dissociatif ou trouble de la personnalité).
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Traitement médicamenteux de l’hyperactivité
Régis Brunod
Résumé
Le traitement médicamenteux du trouble Hyperactivité avec Déficit de l’Attention de l’enfant
n’est utilisé couramment en France que depuis quelques années. Il l’était depuis bien plus
longtemps dans d’autres pays, si bien que l’expérience acquise dans ce domaine est tout de
même assez importante. De manière a priori paradoxale ce sont les psychostimulants qui
sont les produits les plus efficaces dans cette pathologie, tout en étant les mieux tolérés. Ils
augmentent les capacités de concentration de l’enfant et diminuent les signes moteurs,
facilitant les conditions des apprentissages et des autres modalités de prise en charge. L’article détaille les éléments de la prescription du méthylphénidate (Ritaline®) dont la connaissance peut-être utile à l’orthophoniste, ce médicament étant le seul couramment utilisé en
France. Quelques indications sont données sur les effets des autres psychotropes.
Mots clés : Hyperactivité avec déficit de l’attention, Hyperkinésie, Enfant, Traitement médicamenteux.
Pharmacological treatment
Abstract
Pharmacological treatment of the Attention Deficit with Hyperactivity Disorder has only been
used in France for the last few years. Other countries have used it for a longer period of
time, therefore giving us the benefit of their large experience in this area. A first sight, it
seems paradoxical to note that psychostimulant drugs are the most effective pharmacological treatment for this pathology, with best results regarding tolerance. They increase the
child’s concentration skills and diminish motor signs, thus facilitating learning processes
and the beneficial impact of other treatment modalities. We describe in this article different
elements involved in prescribing methylphenidate (Ritalin). Such specialized knowledge may
be useful to the speech and language therapist, to the extent that this drug is the only one to
be commonly used in France. A few indications are given regarding the effects of other psychotropic drugs
Key Words : Hyperactivity with attentional deficit, hyperkinetic reaction, child, pharmacological treatment.
Rééducation Orthophonique - N° 214 - Juin 2003
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Régis BRUNOD
Pédiatre et Pédopsychiatre
Hôpital de Jour pour Enfants
Fort de France
Martinique
[email protected]
P
roposer un traitement médicamenteux aux parents d’un enfant présentant
un trouble du comportement de quelque nature qu’il soit est le type même
de prescription qui doit être accompagnée d’une information détaillée
mais compréhensible si l’on veut obtenir la meilleure adhésion possible à ce
traitement et donc la meilleure efficacité. C’est tout particulièrement le cas dans
le trouble hyperactivité avec déficit de l’attention. C’est bien sûr au médecin
qu’il revient de donner cette information aux parents et à l’enfant en même
temps que la prescription initiale, et de la compléter lors des renouvellements.
Ce qui n’empêchera pas certains parents de chercher à compléter ou à valider
cette information auprès d’autres sources. Celles-ci peuvent être aussi variées
que des ouvrages spécialisés ou des articles de la presse grand public, des émissions télévisées ou des sites Internet, de même que d’autres parents ou des professionnels de l’enfance. L’orthophoniste prenant en charge les troubles des
apprentissages d’un enfant souffrant d’hyperactivité peut donc être sollicité dans
ce but. Il est alors souhaitable qu’il soit lui-même suffisamment informé pour
que ses explications soient de réels éclaircissements pour les parents. C’est une
des raisons de cet article mais pas la seule. L’utilisation d’un psychotrope modifie certains comportements de l’enfant. C’est le but recherché. L’avis de l’orthophoniste sur ces modifications peut contribuer à l’évaluation de l’efficacité du
traitement. Le comportement cible n’est pas toujours le seul qui soit modifié et
ses observations peuvent également aider au dépistage d’éventuels effets collatéraux.
Plus encore que chez l’adulte, la prescription médicamenteuse chez l’enfant est l’objet de prises de positions étrangères aux données scientifiques. Ce
qui est à l’origine de ce que l’on pourrait appeler des malmenages thérapeutiques, certains enfants recevant des traitements inadéquats ou à des posologies
inadéquates, tandis que d’autres ne reçoivent pas le traitement qui pourrait les
soulager. Pour illustration de cette dernière notion, il faut savoir que dans le dic-
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tionnaire Vidal® des médicaments la plupart des mentions « contre-indiqué en
dessous de l’âge de 15 ans ou chez la femme enceinte » signifient seulement
qu’aucune étude clinique n’a été réalisée chez l’enfant ou durant la grossesse
avec ce médicament. Ceci pour des raisons autres que médicales ou scientifiques. Mais nous touchons là à un problème du même ordre que celui des
« maladies orphelines ». Heureusement ce n’est pas le cas dans le trouble hyperactivité avec déficit de l’attention et il existe des produits possédant des propriétés pharmacologiques de nature à améliorer significativement les principaux
symptômes de cette pathologie chez la plupart des enfants qui en sont atteints.
Ce traitement symptomatique, lorsqu’il est prescrit dans une indication adéquate
et accompagné de mesures psychoéducatives, rééducatives et pédagogiques
adaptées, ne se limite pas à un simple gommage des comportements gênants de
l’enfant. Il facilite une reprise de l’évolution propre de certains secteurs du
développement tels que les apprentissages, mais aussi la socialisation et la communication. Nous vous présenterons d’abord les psychostimulants, qui sont de
loin les médicaments les plus utilisés dans tous les pays pour traiter l’hyperactivité, et de manière assez détaillée le méthylphénidate, qui est leur seul représentant ayant obtenu une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) dans cette
indication en France. Puis plus rapidement les autres produits susceptibles
d’être utilisés, sachant qu’en fait aucun d’entre eux n’a obtenu d’AMM dans
cette indication en France. Nous vous parlerons enfin brièvement de certains
traitements qui peuvent aggraver les difficultés des enfants hyperkinétiques
(l’hyperkinésie est le nom officiel de l’hyperactivité dans la 10e Classification
Internationale des Maladies de l’OMS).
♦ Les psychostimulants
Comme pour la plupart des médicaments, les propriétés pharmacologiques des psychostimulants ont été découvertes de manière empirique. Chez
l’enfant c’est en 1937, il y a plus de 60 ans, que Bradley a constaté l’amélioration de certaines agitations par une amphétamine, la benzédrine. Le recul pour
ce type de traitement est donc supérieur à celui des antidépresseurs, des neuroleptiques et même des anxiolytiques. Ce sont près de 200 essais cliniques à la
méthodologie étudiée, chez plus de 6000 patients, qui ont été réalisés à ce jour
et depuis 1937 plusieurs millions d’enfants ont été traités par ces produits dans
divers pays du monde. La connaissance scientifique de leurs propriétés est donc
importante. Pourtant, la fréquence de leur prescription en France reste très inférieure à celle des pays anglo-saxons, des pays scandinaves ou même de la
Suisse. A l’inverse, celle des anxiolytiques, des somnifères ou des neuroleptiques sédatifs y est très supérieure, bien que les risques liés aux effets secon-
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daires de ces produits soient loin d’être négligeables, et en tout cas supérieurs à
ceux des psychostimulants. Les études épidémiologiques réalisées en France
ayant montré une prévalence de l’hyperactivité semblable à celle des autres pays
occidentaux il est probable que certains enfants hyperactifs ne reçoivent pas un
traitement adéquat ou qu’ils sont insuffisamment traités. En France le seul psychostimulant disponible couramment est le méthylphénidate, plus connu sous
son nom commercial de Ritaline. Dans d’autres pays des amphétamines ou des
dérivés amphétaminiques sont également utilisés.
Le méthylphénidate (Ritaline®) :
Pharmacologie :
Le méthylphénidate est un stimulant dopaminergique et noradrénergique
du système nerveux central. La concentration plasmatique maximale est observée 1 à 2 heures après une prise orale, la moitié du produit étant ensuite éliminée dans les mêmes délais. L’activité clinique débute entre 20 et 60 minutes
après la prise et se poursuit pendant 3 à 6 heures. Ce qui nécessite au moins
deux prises par jour pour couvrir la journée. Des formes retard ne nécessitant
qu’une seule prise sont commercialisées dans d’autres pays et devraient l’être
sous peu en France. Des patchs à diffusion progressive sont disponibles aux
Etats-Unis. L’efficacité clinique n’étant pas corrélée à la concentration plasmatique du produit, la mesure du taux plasmatique circulant n’est d’aucun intérêt.
Indication :
L’Autorisation de Mise sur le Marché a été donnée au méthylphénidate
dans l’indication suivante : « Trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité
chez l’enfant de plus de 6 ans sans limite supérieure d’âge ». La meilleure indication se trouve chez l’enfant hyperactif durant la scolarité primaire (entre 7 et
11 ans), le produit semblant perdre de son efficacité plus tard. L’existence d’un
déficit intellectuel associé à l’hyperactivité ne constitue pas une contre-indication au traitement mais celui-ci ne modifie pas les capacités d’apprentissage et il
nécessite une surveillance rigoureuse, le risque d’effets indésirables semblant
augmenté. La prescription dans les cas d’association de l’hyperkinésie avec un
Trouble Envahissant du Développement est plus sujette à controverse mais il
existe manifestement des individus souffrant d’une hyperkinésie dans le cadre
d’un Trouble Autistique qui ont été améliorés par ce traitement.
Efficacité :
Lorsque l’indication est respectée, plus de 3/4 des enfants hyperactifs
sont améliorés par le méthylphénidate. L’activité a été mise en évidence par des
28
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études documentées et elle se manifeste dans trois registres : moteur, cognitif et
social, chez les garçons comme chez les filles.
- sur le plan moteur, le niveau d’activité motrice décroît, objectivé par des
activomètres, tant dans les déplacements que dans les petits mouvements incessants. L’impulsivité diminue, l’enfant est moins bruyant en
classe et intervient moins à tout bout de champ. Il casse moins d’objets.
Le graphisme s’améliore et ses cahiers sont mieux tenus.
- sur le plan cognitif, l’attention s’améliore, même dans les tâches
ennuyeuses. Cette amélioration s’observe dans la qualité de l’attention,
ce qu’on appelle parfois la concentration, l’enfant se laissant moins facilement distraire par l’environnement et exploitant mieux les stratégies
opératoires acquises antérieurement. Elle s’observe aussi sur le plan
quantitatif avec un allongement notable de la durée où l’enfant est
capable de maintenir son attention.
- sur le plan social, on observe une amélioration de la tolérance à l’attente
et à la frustration dans les jeux ou les conversations. La participation est
donc de meilleure qualité et l’enfant est mieux accepté dans les groupes.
Les interactions avec les adultes (parents, enseignants,…) s’améliorent
également, les contraignant à moins de vigilance et de punitions, si bien
qu’au total c’est tout le climat affectif de l’enfant qui se trouve modifié.
Au niveau individuel, l’amélioration peut se faire de manière plus ou
moins complète dans chacun de ces trois secteurs chez un enfant donné. Il est
indispensable de la mesurer tout au long du traitement avec une échelle d’évaluation adaptée. On aura pris soin d’apprécier l’intensité des symptômes avec le
même outil avant le début du traitement.
Les premiers signes d’une réponse favorable sont le plus souvent manifestes dès la première semaine de traitement, mais en cas d’absence de réponse
immédiate, il faut 1 à 2 mois de traitement à dose optimale avant de déclarer le
traitement inefficace. Des études ont montré le maintien de l’efficacité au bout
de 15 mois de traitement mais il n’existe pas de données à plus long terme.
Contre-Indications :
Nous ne détaillerons pas toutes les contre-indications à la prescription de
méthylphénidate portées sur le dictionnaire Vidal®, pour n’aborder que celles
qui posent le plus de problèmes en pratique. A noter que certaines des contreindications en France ne le sont pas dans les pays anglo-saxons.
- les antécédents personnels et/ou familiaux de tics ou de maladie de
Gilles de la Tourette. Dans ce cas, les psychostimulants risquent de faire
apparaître ou majorer des tics. Malheureusement l’association de tics à
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l’hyperactivité chez un même enfant n’est pas exceptionnelle. Les résultats des études dans ce type de situation divergent, quelques-unes signalant des aggravations alors que d’autres rapportent des améliorations
chez certains enfants. Il n’y a donc peut-être pas lieu de bannir systématiquement le traitement médicamenteux de l’hyperactivité chez un
enfant présentant des tics modérés ou des antécédents, mais d’évaluer le
rapport risque/bénéfice selon l’intensité respective des deux pathologies
et de parvenir à un consensus avec les parents. En cas de choix d’une
prescription la surveillance de celle-ci devra être particulièrement attentive ;
- antécédents personnels ou familiaux d’abus de substances. La question
se pose surtout pour des adolescents ayant des risques de toxicomanie
(surtout en fonction de l’environnement familial ou scolaire) ou en cas
de risque de détournement du méthylphénidate par l’entourage à
d’autres fins que médicales, bien qu’aucune étude n’ait confirmé la pertinence de ces précautions de bon sens. Plus précisément des études cliniques documentées n’ont pas montré d’augmentation des conduites
toxicomaniaques au moment de l’adolescence chez les hyperactifs ayant
été traités par les psychostimulants durant l’enfance. Quelques auteurs
se demandent même si certains toxicomanes présentant une importante
intolérance à l’attente et à la frustration ne sont pas des hyperactifs
méconnus durant l’enfance et donc non traités ;
- les manifestations psychotiques, des cas exceptionnels d’épisodes hallucinatoires ayant été décrits sous méthylphénidate ;
- les manifestations d’angoisse. Les psychostimulants sont réputés
accroître la symptomatologie anxieuse. Là encore les quelques études
disponibles donnent des résultats contradictoires et l’indication devra
être étudiée au cas par cas. Il semble surtout important de bien individualiser avant le début du traitement la symptomatologie d’origine
anxieuse de celle due à l’hyperactivité ;
- l’épilepsie ne constitue pas une contre-indication en soi, mais le traitement anticomitial doit être parfaitement équilibré avant l’introduction du
méthylphénidate.
Modalités de la prescription :
RÈGLES DE PRESCRIPTION :
Les règles de prescription du méthylphénidate sont rigoureuses du fait de
son appartenance à la classe des psychostimulants. La prescription initiale doit
être faite sur des ordonnances sécurisées dans un service hospitalier spécialisé
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en neurologie, pédiatrie ou psychiatrie (AMM du 31 juillet 1995). La prescription n’est autorisée que pour une durée de 28 jours. Un renouvellement mensuel
peut être réalisé par le médecin traitant sur des ordonnances sécurisées, mais
sans possibilité de modifier la dose, la prescription initiale hospitalière devant
également être présentée au pharmacien pour la délivrance du produit. Une nouvelle prescription hospitalière est obligatoire au bout d’un an.
Modalités d’administration :
C’est pour l’administration du traitement que la collaboration avec la
famille doit être la plus étroite, et donc les explications les plus claires possibles. Le méthylphénidate est commercialisé sous le nom de Ritaline®
(comprimés sécables à 10 mg). Vu la durée d’action, deux prises sont nécessaires, une le matin et une à midi, certains préconisant même une troisième
prise au retour de l’école pour les devoirs, les loisirs et la soirée (ou même
la rééducation orthophonique !). Des formes retards ne nécessitant qu’une
seule prise le matin sont déjà utilisées à l’étranger et l’une d’entre elles
d ev rait être commercialisée en France pro chainement sous le nom de
Concerta®. La prise du midi est possible en milieu scolaire si l’enfant reste
à la cantine et il vaut mieux dans ce cas faire appel à l’infirmière scolaire
pour en déterminer les conditions plutôt que de demander à l’enfant une
absorption en catimini. La posologie efficace est déterminée empiriquement
sur l’at t é nu ation des symptômes en s’aidant d’échelles d’évaluation utilisables par les parents et les enseignants, et en surveillant l’absence d’apparition d’effets indésirables. La dose initiale est de 1/2 comprimé le matin et
1/2 le midi, dose que l’on augmente progressivement (le plus souvent de
manière hebdomadaire) pour aboutir à une posologie de croisière de 0,5 à
1,5 mg/kg/j, sans dépasser 60 mg/j.
Il a été d’usage de prescrire le méthylphénidate uniquement les jours
d’école, mais il est important que l’enfant puisse également s’accomplir dans
d’autres activités et dans sa famille, et il est maintenant plus habituel de le prescrire en continu sur toute la semaine. En fait la rigueur de la prescription n’interdit pas une certaine souplesse dans l’utilisation en fonction des habitudes et
des critères de vie de la famille. L’important est d’en déterminer clairement les
conditions avec les parents afin que le méthylphénidate ne devienne pas une
« pilule de la sagesse » que l’on utiliserait comme une punition à doses
variables en fonction du comportement plus ou moins perturbateur de l’enfant.
Par contre il reste d’usage d’effectuer une « fenêtre thérapeutique » durant les
congés scolaires (surtout les grandes vacances), mais là encore il faut en déterminer les conditions avec la famille en fonction du programme prévu pour l’en-
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fant et favoriser par exemple la réussite d’un séjour dans un groupe d’enfants ou
l’apprentissage d’une activité ludique ou sportive.
Effets indésirables
Le méthylphénidate est en général bien toléré. Les deux effets indésirables les plus fréquemment rencontrés sont une baisse de l’appétit et des difficultés d’endormissement. Les deux sont doses dépendants et disparaissent à la
diminution de la posologie ou à une prise moins tardive pour les troubles du
sommeil. Les autres effets indésirables sont rares et surviennent plutôt lors de la
mise en route du traitement, d’où l’intérêt qu’elle soit progressive. Une légère
augmentation de la fréquence cardiaque, avec une sensation de palpitations, est
possible surtout chez les enfants en surcharge pondérale. Nous avons déjà évoqué la question des tics et de l’épilepsie. Il existait un doute sur un éventuel
ralentissement de la croissance staturale de l’enfant mais les dernières études
cliniques ont montré l’absence de retentissement à la fin de l’adolescence. La
surveillance du traitement est donc habituellement simplement clinique, avec
mesure du poids et de la taille, recherche de tics ou d’un autre signe fonctionnel
pour orienter un examen somatique, étude et discussion de l’adhésion au traitement avec les parents et l’enfant.
Durée du traitement :
Il est important de savoir que celle-ci ne peut être précisée au départ, et
qu’elle va dépendre de l’évolution de la symptomatologie. Les périodes de suspension du traitement pendant les vacances permettront de juger de la pertinence de sa reprise. Diverses études montrent que l’association du traitement
médicamenteux aux autres modalités de prise en charge augmente leur efficacité. En pratique la durée du traitement médicamenteux est le plus souvent de
deux à trois ans pour les enfants ayant commencé au début du primaire, sans
qu’il y ait en fait de raison scientifique à cette attitude. Les troubles semblent
ensuite s’atténuer et surtout avoir moins de retentissement sur la vie de l’enfant,
ceci d’autant plus que d’autres modalités thérapeutiques non médicamenteuses
ont pu être mises en place.
♦ Les autres traitements médicamenteux
En France aucun autre médicament ne bénéficie d’une AMM dans l’indication hyperactivité de l’enfant avec troubles de l’attention. Pourtant il n’est pas
inutile de connaître les effets de certains produits utilisés parfois chez les
enfants souffrant de cette pathologie. Nous n’aborderons que les plus connus en
les classant par ordre décroissant d’efficacité.
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Produits à efficacité reconnue (et admis dans l’indication dans certains pays) :
Il s’agit principalement des autres psychostimulants et des antidépresseurs tricycliques. Les premiers sont des amphétamines ou des dérivés amphétaminiques dont l’efficacité et les modalités d’utilisation sont superposables à
celles du méthylphénidate, mais qui ne sont pas commercialisés dans notre pays
par crainte de détournement de leur utilisation. Les seconds, principalement
l’imipramine (Tofranil®) ou la désipramine (Pertofran®) sont d’efficacité
moindre mais agissent parfois chez certains enfants ne répondant pas au méthylphénidate ou en cas de contre-indication de ce dernier. Leur toxicité cardiaque
impose un bilan cardio-vasculaire soigneux avant toute prescription et une
armoire à pharmacie soigneusement fermée à clef pour éviter tout risque d’intoxication aiguë chez le patient ou sa fratrie.
Produits à efficacité probable mais présentant des inconvénients :
Les neuroleptiques classiques (Neuleptil®, Melleril®, …) ne sont pas utilisés du fait de leurs altérations cognitives et du risque de dyskinésies tardives. La
clonidine (Catapressan®) semble efficace uniquement sur les symptômes moteurs.
Elle n’est utilisée qu’en cas de contre-indication au méthylphénidate (tics par ex.)
et nécessite un bilan cardiaque complet. L’efficacité de la carbamazépine (Tégrétol®) n’est pas certaine et elle nécessite une surveillance hématologique.
Produits inefficaces :
Il est toujours utile de savoir que la caféine et les produits apparentés
(Coca-Cola®) n’améliorent pas les difficultés attentionnelles des enfants hyperactifs.
Il en est de même des antidépresseurs récents (inhibiteurs de la recapture
de la sérotonine : fluoxétine (Prozac®), sertraline (Zoloft®),....
Produits aggravant la symptomatologie :
Certains psychotropes utilisés chez l’enfant sont susceptibles d’aggraver la
symptomatologie des enfants hyperactifs et en particulier leurs difficultés attentionnelles. Ce sont les benzodiazépines (toute une famille d’anxiolytiques dont le
plus célèbre est le diazépam (Valium®), et parmi les plus utilisés le Tranxène®,
le Témesta®, le Léxomil®, le Xanax®, l’Urbanyl®,…), les antihistaminiques
sédatifs comme l’hydroxyzine (Atarax®) mais aussi ceux utilisés dans les allergies, et enfin le lithium, de toute façon peu utilisé en France chez l’enfant.
L’association de deux médicaments en cas de résistance partielle de la
symptomatologie en monothérapie est exceptionnelle en France, mais est parfois utilisée à l’étranger (méthylphénidate-clonidine par ex.).
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♦ Conclusion
Il peut paraître surprenant de prescrire un psychostimulant à un enfant
« branché sur une pile électrique », comme l’on dit trivialement, alors que les
« calmants » habituels majorent ses troubles. Pourtant l’efficacité globale du
méthylphénidate dans le trouble hyperactivité de l’enfant avec déficit de l’attention est incontestable et son utilisation n’est plus à remettre en cause, même s’il
s’agit d’un traitement purement symptomatique ne corrigeant pas définitivement
le dysfonctionnement de fond. L’hypothèse physiopathologique la plus couramment admise est que ce produit agirait en augmentant les capacités d’attention
de l’enfant tandis que les produits aggravant ses troubles diminuent celles-ci.
Cette augmentation des capacités d’attention n’est probablement pas le seul
mode d’action du méthylphénidate, mais il semble bien être le principal, et celui
le plus utile pour les apprentissages. Au niveau de la synapse le méthylphénidate agit en diminuant la recapture de la dopamine et de la noradrénaline par le
bouton présynaptique, augmentant ainsi leur concentration dans la fente synaptique. Pour diverses raisons peu de recherches ont été menées jusque récemment
pour découvrir de nouvelles molécules actives sur les troubles attentionnels de
l’enfant et l’hyperkinésie, mais les choses changent et l’on peut espérer voir
s’ajouter à moyen terme de nouvelles possibilités thérapeutiques à côté du
méthylphénidate, médicament qui pour l’instant reste bien isolé dans notre arsenal thérapeutique.
REFERENCES
1) BARKLEY R.A., (2000) Taking charge of ADHD, Guilford Press, New-York/London.
2) BOUVARD M., LE HEUZEY M.F., MOUREN-SIMÉONI M.C., et al., (2002) L’hyperactivité de l’enfance à l’âge adulte, Doin, Paris.
3) LECENDREUX M. (2003) l’Hyperactivité, Solal, Paris
4) POPPER C.W.,(2000) Pharmacologic alternati ves to psychostimulants for the treatment of attentiondeficit/hyperactivity disorder, Child and adolescent psychiatric clinics of North America, 9-3,
605-646.
5) WILENS T.E., SPENCER T.J., (2000) The stimulants revisited, Child and adolescent psychiatric
clinics of North America, 9-3, 573-603.
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L’enfant hyperactif et les apprentissages
Monique Touzin
Résumé
L’échec scolaire est fréquemment associé à l’hyperactivité avec déficit de l’attention. En
effet, le comportement de l’enfant hyperactif est difficilement compatible avec la situation
scolaire et il ne présente pas toutes les caractéristiques nécessaires aux apprentissages,
notamment sur le plan attentionnel. Si une part de cet échec peut être pensée comme une
conséquence directe du syndrome hyperactivité, il ne faut pas négliger la forte comorbidité
avec des troubles spécifiques d’apprentissage, notamment du langage écrit. Dans ce cas,
l’amélioration des troubles du comportement et des troubles attentionnels apportée par les
traitements, ne permet pas de résoudre les difficultés d’apprentissage qui nécessitent une
prise en charge spécifique par un orthophoniste. Il est donc nécessaire d’évaluer le langage
de ces enfants et d’inclure la rééducation de troubles spécifiques éventuels dans le traitement multimodal.
Mots clés : hyperactivité, troubles du langage, dyslexie, rééducation.
The hyperactive child and his/her learning processes
Abstract
School failure is frequently associated with hyperactivity as part of the attention deficit
disorder. Understandably, the behaviors of hyperactive children are not readily compatible
with the school setting and these children do not display all the characteristics needed for
learning, such as attentional skills. While school failure may be partially understood as a
direct consequence of the hyperactivity syndrome, one should not dismiss the importance of
comorbid disorders, taking the form of specific learning disorders such as disorders of written language. In this particular case, various treatment modalities may bring about behavioral and attentional improvement, but may not resolve the learning problem dimension which
may require specific input from a speech and language therapist. Within a multimodal
approach, it is therefore essential to evaluate the language skills of these children and
include speech and language therapy for the treatment of possible learning disorders.
Key Words : hyperactivity, language disorders, reading disorder, speech and language therapy.
Rééducation Orthophonique - N° 214 - Juin 2003
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Monique TOUZIN
Orthophoniste,
Unité de rééducation neuropédiatrique
CHU de Bicêtre
94270 Le Kremlin-Bicêtre
[email protected]
L
es enfants hyperactifs sont très vite repérés par leurs enseignants, du fait
de leur comportement perturbateur en classe : bruyants, agités, impulsifs,
inattentifs, ils attirent rapidement l’attention sur eux. S’ils sont vite repérés par leur comportement, il est parfois difficile de connaître leur réel niveau
scolaire. Ils oublient leurs devoirs, ne finissent pas ceux faits en classe, les rendent émaillés de ratures, de taches, souvent mal écrits… de quoi décourager
l’enseignant qui doit les corriger.
Ces enfants hyperactifs rencontrent très souvent, au cours de leur scolarité, des difficultés d’apprentissage. Beaucoup redoublent ou sont orientés dans
des classes spécialisées pour troubles du comportement. Ceci en dépit d’une
intelligence tout à fait normale. Ainsi, leur réussite scolaire est-elle le plus souvent inférieure à ce qu’on pourrait attendre, compte-tenu de leurs capacités
intellectuelles. L’échec scolaire est le trouble le plus fréquemment associé au
syndrome hyperactivité avec trouble de l’attention (Frick et al. 1991).
De nombreuses études ont montré la forte comorbidité entre troubles des
apprentissages et hyperactivité avec déficit de l’attention. Dans des échantillons d’enfants consultant pour hyperactivité, le taux de prévalence des troubles des apprentissages varie, selon les auteurs, de 15 à 50 % pour la lecture, de 24 à 60 % pour les
mathématiques, et de 24 à 60 % pour la transcription. Globalement, Barkley estime
que 25 à 50 % des enfants hyperactifs présentent des troubles des apprentissages.
Les causes de l’échec scolaire chez l’enfant sont multifactorielles. Celuici est souvent présenté comme une fatalité qui résulterait d’un déterminisme
biologique, familial, social, culturel ou ethnique. D’autres auteurs comme Montagner (2002) préfèrent penser qu’il n’y a pas de déterminisme, mais uniquement des différences en mouvement.
Différent, l’enfant hyperactif l’est dans toutes les situations, ce qui le rend
tellement insaisissable pour les adultes qui l’entourent et parfois même pour les
autres enfants qu’il côtoie.
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♦ Description de l’enfant hyperactif en classe
C’est souvent le milieu scolaire qui alerte face à des comportements qui
altèrent les apprentissages et les relations sociales de l’enfant. L’enfant hyperactif est instable, souvent agressif, ayant des difficultés à se plier aux règles de
fonctionnement de la classe, parfois même provocateur, impulsif, ce qui
entraîne à la fois des problèmes relationnels et des troubles des apprentissages.
En classe, il ne peut maintenir son attention durant toute la durée du
cours, est souvent distrait, rêveur, perd les consignes, oublie ses affaires, ne sait
pas s’organiser, ne peut ranger efficacement son bureau ni son cartable. De plus
il bouge sans arrêt, semble « monté sur des ressorts » comme disent les parents
ou « assis sur des cactus » comme le décrivent les enseignants, fait beaucoup de
bruit, se lève de façon intempestive, est impulsif même dans ses prises de
parole. En un mot, c’est un enfant qui dérange la classe, perturbe ses camarades
et risque d’être difficilement supporté en milieu scolaire du fait des règles et
contraintes qui y sont inhérentes.
Dans l’environnement scolaire actuel, pour réussir, il faut que l’enfant
puisse faire preuve de restriction de son impulsivité, de passivité motrice, de
contrôle attentionnel et de concentration alors même que la situation scolaire
comporte beaucoup de distracteurs (nombreux enfants, larges espaces, bruits
environnants…), de stratégies de résolution de problèmes et de stratégies analytiques. On comprend alors pourquoi l’enfant hyperactif, avec les traits comportementaux qui le caractérisent, a du mal à se conformer aux exigences de l’école.
Il faut tenir compte du fait que les enfants les plus agités, alors que ce
sont les plus perturbateurs, ne sont pas forcément ceux qui sont le plus en échec
scolaire. En effet, ceux qui sont moins dérangeants (parce que moins agités),
mais présentent des troubles attentionnels importants sont plus à risque de ne
pas suivre en classe et de ne pas progresser dans leurs apprentissages. Mais ce
ne sont pas ceux qui sont le plus rapidement repérés.
♦ Liens entre hyperactivité avec déficit de l’attention et troubles des
apprentissages
L’association entre hyperactivité et troubles des apprentissages est tellement fréquente, qu’on peut se poser la question du lien entre les deux troubles.
L’échec scolaire est-il une conséquence directe de l’hyperactivité, au contraire
est-ce l’échec scolaire qui provoque chez les enfants des comportements hyperactifs, les liens entre les deux sont-ils bidirectionnels ou les deux troubles sontils comorbides ? Telles sont les questions qui sont soulevées dans la littérature.
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Hypothèse 1 : L’hyperactivité avec trouble déficitaire de l’attention conduit à
l’échec scolaire
On peut penser que l'hyperactivité avec déficit de l'attention influence les
résultats scolaires, du fait que ce sont des enfants qui ont des difficultés à soutenir leur attention dans le temps ou des difficultés d'attention sélective, ou qui
présentent une impulsivité cognitive et comportementale leur faisant prendre
des décisions trop rapides ou basées sur des données incomplètes. De fait, les
enfants instables, inattentifs et distractibles font des progrès plus lents que leurs
camarades et sont moins bien tolérés à l'école, compte-tenu de ces comportements.
Horn et Packard (1985) après l’analyse de 58 études allant dans ce sens,
avancent que les meilleurs prédicteurs des difficultés de lecture sont les problèmes d’attention-distractibilité et les troubles internalisés.
Hypothèse 2 : L’échec scolaire conduit à l’hyperactivité avec trouble
déficitaire de l’attention
Cunningham et Barkley (1978), sont parmi les premiers auteurs à suggérer qu’une mauvaise performance scolaire peut conduire à un tableau d’hyperactivité avec trouble attentionnel. On peut en effet penser que les enfants
qui souffrent de difficultés scolaires sont moins motivés par les apprentissages, ce qui va s'exprimer par une plus grande fréquence de comportements
inattentifs et distractibles en classe. Ainsi, les troubles de la lecture et les
expériences de frustration et d’échec qu’ils engendrent conduiraient à exprimer des comportements explosifs, ainsi que d’autres troubles comme les
troubles anxieux.
Ce point de vue est partagé par Mc Gee et Share (1988), qui apportent des
arguments tirés des études longitudinales :
- la présence d'un déficit attentionnel durant les années préscolaires n'est
pas un prédicteur de difficultés d'apprentissages plus tard ;
- la présence de difficultés d'apprentissage précoces conduit à une aggravation du déficit attentionnel.
Pennington et al (1993) ont un point de vue plus nuancé : ils font l’hypothèse que les symptômes qui proviennent d’une frustration consécutive au
trouble d’apprentissage, représenteraient une phénocopie plutôt qu’un vrai syndrome hyperactivité avec trouble de l’attention. C’est-à-dire que le trouble des
apprentissages peut avoir pour conséquence des symptômes du trouble hyperactivité, sans qu’il y ait plein développement de celui-ci (Hazell, 1997 ; Pisecco et
al., 1996)
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Hypothèse 3 : Facteurs communs sous-tendant les deux troubles
Un autre mécanisme possible de l'association est que le trouble des
apprentissages et l'hyperactivité sont sous-tendus par des facteurs communs.
Ces facteurs pourraient être environnementaux, organiques ou cognitifs.
Ainsi, Douglas (1980) suggère que différents types de troubles cognitifs
sous-tendent les deux troubles. En particulier, les enfants hyperactifs avec déficit de l’attention auraient des difficultés spécifiques portant sur les compétences
stratégiques de résolution des problèmes, nécessaires pour apprendre.
Cantwell et Baker (1991) identifient des troubles de la parole et du langage, tels que les déficits phonologiques, comme source possible d'influence
commune sur l'hyperactivité et les troubles des apprentissages.
Stevenson et al. (1993) font l’hypothèse d’influences génétiques communes responsables de la comorbidité de l'hyperactivité et des capacités de
transcription. August et Garfinkel (1990) ont suggéré qu'un trouble sévère de la
transcription, et non un trouble de la lecture, caractériserait à la fois les hyperactifs et les sujets avec un trouble de la lecture. C'est pourquoi la transcription
serait une bonne mesure du trouble spécifique d'apprentissage avec une base
génétique.
Hypothèse 4 : Relations réciproques entre les deux troubles
Hinshaw (1992) évoque la possibilité de voies bidirectionnelles entre les
deux troubles qui peuvent être indépendants.
Alors que l’hyperactivité est un syndrome comportemental avec des
symptômes caractéristiques d'inattention, d’impulsivité, et d’hyperactivité, les
troubles des apprentissages font référence à un groupe de troubles cognitifs qui
reflètent des déficits perceptifs dans un ou plusieurs des processus cognitifs se
manifestant dans les troubles du langage, de la lecture, de l'écriture, de la transcription, des mathématiques. Certains enfants hyperactifs réussissent correctement en classe, et tous les enfants avec des troubles d'apprentissage ne présentent pas d'hyperactivité avec déficit de l’attention : ceci suggère que les deux
troubles peuvent effectivement être indépendants, mais qu'ils s’additionnent
chez quelques individus, en se potentialisant.
♦ Etudes sur les troubles du langage des enfants hyperactifs
L’association des troubles attentionnels avec hyperactivité et des troubles
des apprentissages est rapportée dans la littérature, variant de 10 % à 92 % selon
les auteurs (Bierderman et al, 1991). Cette variabilité est due à des différences
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méthodologiques importantes concernant le choix des critères (types de comportements étudiés, troubles comorbides ou non), d'échantillons (par exemple,
inclusion ou exclusion des filles), des instruments de mesure (entre autres, évaluations faites soit par les maîtres, soit par les parents), de la période envisagée
(premières années d’école ou suivantes), mais aussi de différences dans le choix
des définitions des deux troubles (hyperactivité avec déficit de l’attention et
troubles des apprentissages). Ainsi concernant les troubles des apprentissages,
certains auteurs incluent dans le diagnostic tous les enfants qui ont une mauvaise performance scolaire, alors que d'autres ne prennent comme critère que
l’existence d’une différence entre QIV et QIP.
Ainsi, Lambert et Sandoval (1980) ont montré que la moitié des enfants
hyperactifs ont un décalage entre l’efficience intellectuelle (mesurée par le QI)
et le niveau de réussite, si bien qu’ils peuvent être considérés comme ayant des
troubles des apprentissages, alors que pour Holborow et Berry (1986), seulement 27 % des enfants hyperactifs ont des difficultés d’apprentissage et 43 %
pour Kube et Shapiro (1996).
Une étude effectuée dans le service de Psychopathologie de l'Enfant et de
l'Adolescent de l'Hôpital Robert Debré (Touzin, 1999) porte sur 560 enfants de
moins de 16 ans, répondant aux critères de l'hyperactivité avec déficit de l'attention
du DSM III-R. Le sex-ratio est de 6 garçons pour une fille (86 % de garçons). La
tranche d’âge moyenne de consultation est 7-8 ans. La répartition de cette population concernant l’efficience intellectuelle est identique à la population normale.
Les résultats concernant les troubles du langage oral et écrit dans cette
population hyperactive sont les suivants :
Troubles de l’acquisition de :
N
%
Expression écrite
184
32,86
Lecture
154
27,50
Langage expressif
90
16,07
Ces chiffres se rapprochent de ceux de la littérature anglo-saxonne. Pour
August et Garfinkel (1989), 22 % des 50 enfants hyperactifs de leur étude présentent un trouble de la lecture (contre 8,3 % chez les contrôles) et, dans une
étude ultérieure, ils évaluent à 39 % le taux de trouble de la lecture chez 115
enfants hyperactifs (August et Garfinkel (1990). Semrud-Clikeman et al. (1992)
évaluent à 38 % les troubles de la lecture dans une population de 60 enfants
hyperactifs (contre 8 % dans la population normale).
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L’association avec les troubles du langage oral a également été décrite,
avec notamment des répercussions sur la qualité de la communication (Beitchman et coll 1987, Baker et Cantwell 1992, Tannock et Schachar 1996). Une
étude de Purvis et Tannock (1997) évalue les capacités de langage des enfants
hyperactifs et note des difficultés de planification, d’organisation et de contrôle
des productions verbales. En conséquence, leur discours est difficile à suivre car
comporte des erreurs séquentielles, manque de cohésion. Sont également notées
des difficultés pragmatiques dans l’utilisation du langage avec une faible prise
en compte des besoins de l’auditeur, des difficultés à maintenir une conversation, à respecter les tours de prises de parole (Javorsky, 1996).
♦ Les caractéristiques des troubles du langage écrit
Les enfants hyperactifs qui présentent également un trouble spécifique
d’acquisition du langage écrit présentent un risque accru d’échec scolaire, car ils
cumulent les déficits liés à l’hyperactivité avec déficit de l’attention d’une part,
et ceux liés au trouble de la lecture d’autre part. Ces enfants qui cumulent les
deux troubles sont à fort risque de redoublement au cours des classes primaires
et la grande majorité d’entre eux restera en échec scolaire. Ils n’ont pas les
mêmes possibilités de compensation de leurs troubles du langage écrit, et sont
très pénalisés par leur trouble attentionnel. Tout se passe comme si l’hyperactivité aggravait le trouble de la lecture et entravait sa rééducation. L’inverse est
difficile à étudier.
Les enfants hyperactifs qui souffrent également de troubles du langage
écrit, présentent des caractéristiques dans leur lecture et leur transcription. Leur
lecture est lente et on retrouve beaucoup d’erreurs attentionnelles visuelles
comme des extinctions visuelles (élision d’une partie du mot ou de certaines
lettres), des inversions spatiales fréquentes (p/b, u/n, f/t…), des inversions
séquentielles (des lettres à l’intérieur des syllabes [mais/amis] ou des syllabes à
l’intérieur des mots), des substitutions de mots de formes graphiques proches
(matin/malin ; ainsi/aussi ; puis/plus). On note également des ajouts de mots,
des substitutions sur les petits mots. Les sauts de lignes sont également fréquents au cours de la lecture d’un texte. Il leur est également difficile de se
concentrer sur le texte quand des illustrations sont présentes sur la page et leur
regard est toujours attiré par les images, avec des difficultés ensuite à retrouver
où ils en étaient dans le texte. Souvent il est utile qu’ils s’aident d’un doigt curseur ou d’une règle pour mieux suivre le texte.
En transcription on trouve des difficultés graphiques souvent associées,
liées au manque de contrôle moteur et à l’impulsivité. Les erreurs de transcrip-
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tion sont similaires en lecture et en transcription. Aux caractéristiques habituelles des dysorthographiques s’ajoutent des erreurs particulières comme des
élisions de graphies inhabituelles car touchant des voyelles simples, des sauts de
mots. Leur manque de planification et leur impulsivité rendent difficile la
réflexion permettant l’application des règles grammaticales. Ils sont incapables
de se relire. En situation de dictée, ils oublient très souvent ce qu’il faut écrire.
♦ Traitement
Le traitement de l’enfant hyperactif est pluridisciplinaire car les troubles
sont complexes et ont des répercussions sur tout son fonctionnement, y compris
social et familial. Il est détaillé dans un autre chapitre.
Il faut toutefois attirer l’attention des médecins sur la très forte comorbidité avec les troubles du langage et notamment du langage écrit. Les enfants
hyperactifs ont presque trois fois plus de risque d’être dyslexiques que les
enfants non hyperactifs. L’association de ces deux troubles signe de façon quasi
permanente un échec scolaire durable. C’est pourquoi il convient d’évaluer les
compétences langagières des enfants hyperactifs, car la présence d’un trouble
du langage nécessitera d’associer au traitement une rééducation orthophonique.
La rééducation orthophonique devra s’adapter au comportement et aux
déficits de l’enfant (Touzin, 1999). Une information des parents et de l’enfant
sur le travail qui va être conduit est tout à fait nécessaire. Il est également souhaitable que les parents osent parler des difficultés de leur enfant à l’école, ce
qui n’est pas toujours facile car ils sont souvent perçus comme des parents trop
laxistes, non cadrants, voire même comme de mauvais éducateurs. Donner un
nom aux difficultés de l’enfant et encourager l’enseignant à travailler avec les
soignants (médecins, rééducateurs, psychologues) change souvent le regard
qu’il a sur l’enfant et le revalorise dans son rôle, lui qui ne vit que des échecs
face à cet enfant difficile.
Il faut que l’enfant adhère à certaines règles que l’orthophoniste devra
faire respecter afin de créer un cadre, ferme mais rassurant pour l’enfant. Pour
ne pas soumettre sans cesse l’enfant à des distracteurs importants (visuels, auditifs), il convient d’aménager le lieu de travail et de conseiller également un aménagement du lieu où il fait ses devoirs à la maison.
Ensuite, il va falloir s’adapter au temps de concentration de l’enfant et
structurer le travail en séquences courtes. Renouveler sans cesse son intérêt
demandera à l’orthophoniste de varier les exercices, de donner beaucoup de renforcements positifs immédiatement après la réalisation de l’exercice. Il faut
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redonner confiance à l’enfant qui vit souvent les échecs et ne satisfait jamais les
adultes (parents, enseignants), et chez qui les critiques sont plus fréquentes que
les félicitations ou encouragements.
Le travail rééducatif en lui-même portera sur les stratégies de perception
visuelle (balayage visuel, exploration) et de traitement de l’information visuelle
et auditive (attention, mémorisation), sur la planification et l’anticipation, sur le
contrôle de l’impulsivité. Ce travail est indispensable en plus de celui concernant tous les domaines de rééducation du trouble du langage en lui-même qui
aura été précisément évalué.
♦ Conclusion
Les enfants hyperactifs sont très attachants et peuvent être rééduqués si
certaines contraintes sont respectées tant de la part de l’orthophoniste dans la
gestion de sa séance que de l’enfant. Ce ne sont généralement pas des enfants
opposants, mais ils ne peuvent pas se contrôler. Ils se dévalorisent beaucoup, se
désespèrent et ont besoin de beaucoup d’étayage et de renforcement.
L’intervention sur les troubles du langage peut être décisive pour l’intégration scolaire de l’enfant, si elle est comprise dans une prise en charge pluridisciplinaire.
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Approches familiales dans le trouble déficit
de l’attention/hyperactivité
Marie-Claude Saiag
Résumé
Les progrès dans la prise en charge du trouble déficit de l’attention hyperactivité concernent
plus le traitement pharmacologique que les traitements psychosociaux. La prise en charge
est celle d’un trouble développemental chronique qui implique l’apprentissage de stratégies
de coping pour compenser les déficits développementaux. Les techniques d’entraînement
des parents, en association avec le traitement médicamenteux ont montré leur efficacité
dans l’ADHD, améliorant le pronostic à long terme à la condition qu’elles soient maintenues
pendant de longues périodes de temps.
Mots clés : Trouble de l’attention/hyperactivité, éducation des parents, entraînement des
parents, psychostimulants.
Use of family approaches in the treatment of attention
deficit/hyperactivity disorder
Abstract
Progress in the treatment of attention deficit/hyperactivity disorder (ADHD), has benefited
psychopharmacological approaches more than psychosocial treatment. Treatment of this
chronic developmental disorder typically involves the learning of coping strategies aimed at
compensating for developmental deficits, as well as providing symptomatic relief such as
that obtained by various medications. Those psychosocial treatments that have demonstrated their efficacy in the management of ADHD are parent and teacher training combined
with psychopharmacological treatment. These therapeutic approaches effectively improve
prognosis provided they are maintained over a long period of time.
Key Words : Attention deficit/hyperactivity disorder, parent education, parent training, stimulant medication.
Rééducation Orthophonique - N° 215 - Juin 2003
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Marie-Claude SAIAG
Médecin pédopsychiatre
attachée à l’hôpital Robert Debré
Service de psychopathologie de l’enfant
et de l’adolescent
75019 Paris
[email protected]
L
a prise en charge des parents d’enfant hyperactif est fondamentale et
indispensable. Elle n’est pas seulement un complément du traitement
médicamenteux. Il est illusoire de prétendre vouloir aider un enfant
hyperactif et sa famille sans une vision multidimensionnelle au long terme.
Pourquoi ? En raison des caractéristiques du trouble hyperactivité lui-même
d’une part, des limites du traitement pharmacologique d’autre part (Barkley,
2002).
En ce qui concerne le trouble hyperactivité, il s’agit d’un trouble développemental chronique. Cela signifie que les handicaps auxquels l’enfant hyperactif doit faire face peuvent persister durant de nombreuses années. Cela signifie
également que les parents sont susceptibles de rencontrer durant tout le développement de l’enfant de grandes difficultés à gérer les comportements difficiles et
de façon plus générale à fonctionner harmonieusement. Le trouble hyperactivité
est aussi un trouble complexe et invalidant. Ce ne sont pas les symptômes du
trouble tels qu’ils sont énumérés dans le DSM4 (agitation, inattention, impulsivité) qui sont les plus gênants. À ce titre, beaucoup de parents d’enfant hyperactif ont une tolérance élevée de ces symptômes et ne consultent qu’à partir du
moment où il y a un retentissement. Ce sont les répercussions de ces symptômes
qui sont graves et qui doivent, une fois le traitement symptomatique efficace mis
en place, être la cible des interventions thérapeutiques. Il s’agit de répercussions
socio-émotionnelles souvent associées entre elles. L’enfant hyperactif a souvent
(outre les symptômes cardinaux du trouble) une labilité émotionnelle excessive,
une faible tolérance aux frustrations et des difficultés à adhérer aux règles qui
sont source de conflits avec les parents. Il est en général revendicatif, exigeant et
négatif. En réponse, les parents ont tendance à être directifs, critiques, à utiliser
réprimandes et punitions, à formuler peu d’approbations. Les interactions négatives que l’enfant hyperactif développe avec sa famille ont tendance à se généraliser à d’autres situations, à d’autres intervenants (enseignants, pairs, fratrie). Il
semble que ces modes relationnels déviants une fois établis, ne sont modifiables
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que partiellement et peuvent affecter le développement futur de l’enfant, notamment en terme d’estime de soi. Quant aux parents, ils développent souvent un
sentiment de frustration, de détresse, d’incompétence parentale. L’image qu’ils
ont d’eux-mêmes et de leur enfant est négative. Ils se sentent souvent mis en
cause directement par la famille élargie ou par les enseignants. Ils ont souvent
des avis contradictoires concernant l’attitude à adopter. Le degré de satisfaction
du couple parental est souvent faible avec des répercussions importantes au
niveau du fonctionnement familial. Le trouble hyperactivité est également un
trouble hautement comorbide, notamment avec le trouble oppositionnel et le
trouble des conduites. Ces formes, dont on connaît la gravité pronostique, impliquent toujours des traitements psychosociaux et familiaux, même si, dans certains cas le traitement médicamenteux atténue les comportements de défi, d’opposition et d’agressivité.
Les approches familiales sont indispensables dans la prise en charge de
l’hyperactivité en raison non seulement des caractéristiques du trouble mais
aussi des limites du traitement pharmacologique (Saiag, 2003). Certes, le
méthylphénidate est le psychotrope le plus étudié, le traitement médicamenteux
de première intention dans les formes sévères d’hyperactivité. L’efficacité considérable à court terme et la bonne tolérance ne sont plus à démontrer. Il permet
de réduire de façon significative les symptômes gênants et de mettre en place les
autres interventions thérapeutiques. Mais, son action est purement symptomatique, suspensive et ponctuelle, non curative et son efficacité à long terme n’est
pas démontrée. Par ailleurs, il n’a pas d’impact sur la comorbidité (trouble
anxieux ou dépressif, trouble des apprentissages notamment). Enfin, d’autres
problèmes lo gistiques peuvent en compromettre l’efficacité : l’enseignant peut
refuser de coopérer pour la prise de midi, l’enfant peut refuser le traitement, les
parents peuvent ne pas adhérer à l’approche pharmacologique ou avoir des difficultés à suivre correctement les recommandations concernant la conduite du
traitement. Dans tous les cas, si ce n’est pas l’enfant, l’adolescent ou les parents
qui arrêtent le traitement psychostimulant, celui-ci n’est pas prescrit à vie et il y
aura toujours un « après traitement médicamenteux ».
Ces considérations permettent aisément de comprendre la nécessité d’une
stratégie thérapeutique multimodale. L’hyperactivité est un trouble complexe,
invalidant dont les complications à long terme peuvent être graves et qui est
souvent source d’exclusion scolaire et d’intolérance familiale. C’est l’enfant
dans sa globalité qui doit être pris en charge dans son milieu environnemental
c’est-à-dire familial et scolaire. Le traitement de l’hyperactivité est véritablement la prise en charge d’une condition développementale chronique et
implique donc, non seulement l’atténuation des symptômes gênants (cible préfé-
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rentielle des traitements médicamenteux), mais aussi l’apprentissage de stratégies de coping pour compenser les déficits développementaux. C’est aussi la
prise en charge d’un trouble hautement comorbide qui nécessite, en fonction
d’une évaluation précise bien conduite, le traitement des troubles associés : psychothérapie individuelle pour un trouble anxieux ou dépressif évoluant pour son
propre compte, rééducation du langage ou psychomotrice pour un trouble des
apprentissages.
L’éducation de l’enfant et de ses parents est la première étape d’une
approche multimodale. Comme dans d’autres maladies chroniques, il est indispensable que les parents et l’enfant soient informés de la nature, de l’évolution
et des facteurs étiopathogéniques du trouble. A ce sujet, il apparaît aujourd’hui
clairement que l’hyperactivité a une origine plurifactorielle, faisant intervenir
facteurs biologiques, neuromaturatifs, environnementaux et psychosociaux. Sur
le plan psycho-physiologique, un modèle simpliste peut leur apporter une
meilleure compréhension du fonctionnement de leur enfant. Ce modèle peut être
le suivant : au niveau cérébral, il existe des systèmes accélérateurs et freinateurs,
des systèmes de contrôle de l’activité motrice et de filtrage des stimuli. Ces systèmes seraient inefficaces dans l’hyperactivité en raison de la diminution du
taux de neurotransmetteurs c’est-à-dire de substances chimiques nécessaires à la
transmission des messages d’une cellule nerveuse à l’autre. Les traitements
médicamenteux augmenteraient le taux de ces neurotransmetteurs et permettraient au système de contrôle de fonctionner efficacement. Ces médicaments ne
sont pas des traitements sédatifs ou tranquillisants ; ils permettent à l’enfant de
fonctionner normalement tant que le traitement n’est pas métabolisé, comme
l’Insuline permet aux diabétiques traités de fonctionner normalement. Il est
essentiel que l’enfant et ses parents sachent que l’enfant hyperactif n’est pas le
mauvais sujet de la famille, que les parents ne sont pas spécifiquement en cause,
que les difficultés rencontrées ne sont pas dues à une éducation trop rigide ou
trop laxiste et que des interventions précises peuvent aider l’enfant à surmonter
les problèmes dans différents domaines. Cette première étape d’information est
essentielle pour dissiper ou modifier les conceptions erronées des parents
concernant l’hyperactivité. Une récente étude suggère qu’une telle information,
non seulement améliore la connaissance des parents, mais aussi leur perception
du degré de déviance du comportement de leur enfant. Par ailleurs, en étant
informés, en ayant un rôle actif dans le traitement, ils adhèreront plus efficacement au programme thérapeutique.
Les approches familiales sont multiples dans leur technique, pouvant aller
de la simple guidance parentale (associant informations et étayage) aux thérapies familiales en passant pas les traitements cognitivo-comportementaux desti-
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nés aux parents. Parmi ces approches familiales cognitivo-comportementales, le
programme d’entraînement des parents de Barkley est l’intervention la plus utilisée et la plus étudiée dans cette indication. Le programme de Barkley (Barkley, 1997) s’adresse spécifiquement aux parents d’enfant hyperactif. Il est validé
empiriquement. Il consiste en dix étapes successives de deux heures par sessions bi-mensuelles d’entraînement des parents en groupe (de huit à dix
familles). Il porte sur les comportements non compliants. Le terme de non compliance décrit les difficultés de l’enfant hyperactif à adhérer aux règles de la vie
familiale, scolaire et sociale. Ces difficultés ne sont pas uniquement liées à une
opposition mais aussi, à un dysfonctionnement sous-jacent des fonctions exécutives, plus précisément à un déficit cognitif spécifique dans la modulation et
l’auto-contrôle du comportement, un déficit dans les mécanismes gouvernant
l’attention soutenue, dans les stratégies de recherche et de résolution de problème. Il est important de traiter la non compliance pour plusieurs raisons : c’est
la plainte la plus fréquente de la part des parents et ce, malgré l’efficacité du
traitement médicamenteux ; elle sous tend la majorité des interactions négatives
que l’enfant hyperactif développe avec son entourage, avec comme facteur précipitant habituel une demande de la part des parents ou des enseignants. La non
compliance va avoir tendance à se généraliser à d’autres situations, à d’autres
intervenants. Elle est un facteur prédictif de maladaptation sociale future à
l’adolescence et à l’âge adulte. Enfin, elle a des effets indirects sur le fonctionnement familial.
Face à cette non compliance, les parents ont tendance à répéter l’ordre, à
utiliser les menaces, les comportements coercitifs. L’issue de cette situation est
souvent la colère, le défi et l’agressivité. Les parents sont aussi amenés à rest re i n d re leurs demandes sachant par avance qu’ils vont re n c o n t rer une
résistance ; les enfants de la fratrie peuvent développer une hostilité à l’égard de
l’enfant hyperactif. Les parents prêtent souvent peu attention aux comportements adaptés de leur enfant ou choisissent de les ignorer par peur de la provocation, évitement de toutes les situations de confrontation avec l’enfant. Avec le
temps, ils passent de moins en moins de moments de plaisir avec l’enfant, utilisent surtout les méthodes punitives et peu les compliments. Les deux parents ont
souvent des avis contradictoires concernant l’attitude à adopter et le degré de
satisfaction du couple parental est souvent faible. Tout ceci conduit au développement chez les parents d’enfant hyperactif d’un sentiment de frustration, de
détresse et d’incompétence parentale.
L’objectif du programme est d’entraîner les parents à faire face aux situations difficiles qu’ils rencontrent, leur apprendre des stratégies de contrôle, efficaces, cohérentes et adaptées aux comportements déviants de l’enfant. Ces stra-
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tégies permettront de diminuer l’intensité des répercussions du trouble au sein
de la famille. La condition indispensable à la réalisation de ces objectifs est
l’amélioration des relations parents-enfant, de l’image que l’enfant et les parents
ont d’eux-mêmes, l’amélioration du fonctionnement du couple et de la famille.
Le programme comporte dix séances, chacune étant franchie progressivement et reposant sur la précédente. Au cours de celles-ci, l’interaction est privilégiée ainsi que la discussion entre parents. En fin de séance, un document est
remis pour aider les parents à mettre en place à domicile les stratégies enseignées. Lors de la séance suivante, ils partagent leurs réussites, leurs difficultés,
leurs réactions avec les autres parents du groupe. D’abord appliquées et utilisées
en milieu familial, ces techniques sont ensuite généralisées à d’autres situations,
notamment dans les lieux publics. Dans un premier temps, les parents sont invités à dresser la liste de tous les moments agréables auxquels ils ne prêtent pas
attention et donc qu’ils ne renforcent pas. Ils apprennent par là, qu’ils parviendront plus facilement à modifier le comportement de l’enfant en récompensant
les comportements adaptés qu’en punissant les comportements inadaptés.
Ensuite ils consignent trois types d’informations : la situation dans laquelle les
comportements difficiles surviennent, le type de comportement et ses conséquences c’est-à-dire les réponses parentales. Souvent, celles-ci varient en fonction des deux parents et chez un même parent en fonction de son état émotionnel. Cette analyse fonctionnelle permet aux parents d’identifier clairement les
comportements déviants, de se préparer à y faire face, d’établir un plan et d’éla borer des réponses alternatives. Les parents ne sont pas directement en cause
mais ils doivent comprendre que la façon dont ils répondent aux problèmes de
leur enfant peut éventuellement les aggraver. Ils apprennent ensuite à porter une
attention positive, en consacrant régulièrement un moment privilégié à leur
enfant dans une situation de jeu, où aucun ordre, aucune directive n’a sa place.
Le but est qu’ils montrent à l’enfant qu’ils s’intéressent à lui, qu’ils prennent
plaisir à être avec lui quand il se comporte normalement. Cette étape est essentielle aboutissant à la restauration pour l’enfant et les parents de l’image de soi
et à l’instauration d’un mode d’interaction plus positif. Les parents entraînent
ensuite la compliance de l’enfant en lui demandant des commissions qui n’impliquent qu’un très simple et très bref effort de sa part, lui offrant ainsi l’opportunité de bien se comporter et d’être félicité pour cela. Ils apprennent à exprimer
leur fierté de façon précise, systématique et immédiate, à ignorer si possible les
comportements inadaptés et à formuler leurs ordres de façon plus efficace, en
tenant compte notamment du trouble attentionnel de l’enfant. Ils peuvent également établir un système contractuel où un privilège est contingent à la compliance. Ce système peut être particulièrement efficace chez l’enfant hyperactif
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qui est moins sensible que l’enfant non hyperactif à la récompense sociale et à
l’attention. L’enfant hyperactif a un handicap comportemental et un tel système
peut lui permettre de surmonter ce handicap. Enfin, en cas de comportement
gravement perturbateur, les parents apprennent une procédure de soustraction du
renforcement ou time out. Cette étape apprend à l’enfant un meilleur contrôle de
lui-même, le respect de l’autorité parentale et le suivi des règles.
Les pr ogrammes d’entraînement des parents améliorent l’habileté parentale et réduisent le stress parental. Ces dimensions positives dans la prise en
charge des parents s’accompagnent d’une réduction de l’opposition, de l’agressivité et des comportements de défi. Le problème essentiel des thérapies cognitivo-comportementales est celui de la généralisation des effets : généralisation à
d’autres situations, généralisation à d’autres domaines de fonctionnement et
généralisation dans le temps ou maintien des effets. Ces interventions doivent
être longues, réintroduites régulièrement au cours du développement de l’enfant
pour faire en sorte que l’efficacité persiste. Néanmoins, il y a peu d’argument
qui permette de dire que les programmes d’entraînement des parents, utilisés
isolément, améliorent le comportement de l’enfant hyperactif. Les résultats des
études ayant trait à l’efficacité des traitements combinés (associant traitement
psychostimulant et approches familiales) sont contradictoires. Le caractère
contradictoire est probablement lié à des difficultés méthodologiques et à des
biais. Les programmes utilisés sont rarement comparables, les groupes d’enfants
hyperactifs sont souvent hétérogènes et les études ne sont pas toutes contrôlées
et en aveugle. Par ailleurs, il est difficile de comparer les effets d’un traitement
médicamenteux à court terme aux effets d’un traitement dont l’objectif est le
long terme. Pour pallier ces difficultés le NIMH a financé une importante étude
randomisée, contrôlée, multicentrique pour évaluer l’efficacité comparative des
psychostimulants et des thérapies cognitivo-comportementales, isolées et en
association. Elle montre que le traitement combiné s’avère plus efficace que le
traitement médicamenteux isolé, améliorant de façon significative le fonctionnement psychosocial au long cours de l’enfant hyperactif. Cette étude met ainsi en
évidence que les approches familiales sont indispensables dans le traitement de
l’hyperactivité, au même titre que le traitement médicamenteux, et qu’elles ne
sont pas seulement un complément de traitement (Saiag, Mouren-Siméoni,
1997).
Ainsi, le trouble déficit de l’attention/hyperactivité est un trouble développemental chronique pour lequel les meilleures chances d’évolution favorable
peuvent être obtenues par l’association des approches pharmacologiques et
familiales afin que l’enfant hyperactif et sa famille parviennent à compenser les
déficits développementaux qui le handicapent.
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Evaluation psychomotrice
et neuropsychologique
du Trouble Déficit de l’Attention/Hyperactivité
Jean-Michel Albaret, Régis Soppelsa
Résumé
L’évaluation du Trouble Déficit de l’attention/Hyperactivité, qui associe inattention, hyperactivité et impulsivité, nécessite une approche pluridisciplinaire. D’un point de vue psychomoteur et neuropsychologique, l’accent est mis sur la mesure de l’impulsivité avec le Test
d’appariement d’images, des fonctions exécutives avec la Tour de Londres, les labyrinthes
de Porteus, le Test de classement de cartes du Wisconsin (WCST) et la figure de Rey, et des
processus attentionnels avec le test de Stroop et les tests de barrages.
Ces différents outils permettent de préciser le profil d’un trouble par nature hétérogène et
qui nécessite une approche thérapeutique multimodale.
Mots clés : hyperactivité, évaluation, attention, fonctions exécutives, impulsivité.
Psychomotor and neuropsychological evaluation
of the attention deficit/hyperactivity disorder
Abstract
The measurement of Attention Deficit/Hyperactivity Disorder, which includes symptoms of
inattention, hyperactivity and impulsivity, requires a multidisciplinary approach. Within the
framework of the fields of neuropsychology and psychomotricity, impulsivity is assessed
with the Matching Figures Test ; executive functions are evaluated with the Tower of London
test, Porteus mazes, the Wisconsin Card Sorting Test and the Rey-Osterrieth Complex
Figure; and attentional processes are measured with the Stroop test and cancellation tasks.
These various instruments help delineate the profile of this heterogeneous disorder which
requires a multimodal therapeutic approach.
Key Words : hyperactivity, evaluation, attention, executive functions, impulsivity.
Rééducation Orthophonique - N° 214 - Juin 2003
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Jean-Michel ALBARET a, b
Maître de conférences
Régis SOPPELSA a
Psychomotricien
L
es enfants présentant un Trouble Déficit de l’Attention/Hyperactivité
(TDAH) montrent, outre les manifestations classiques de la triade symptomatique (inattention, hyperactivité, impulsivité), un ensemble de déficits psychomoteurs et cognitifs qui sont souvent regroupés sous le terme de
« fonctions exécutives », notamment dans le cadre du modèle de Barkley
(1997). Les symptômes les plus fréquents concernent :
• les coordinations motrices (Harvey & Reid, 1997 ; Kadesjo & Gillberg,
2001) ;
• la planification du mouvement et l’anticipation (Klorman et al.,
1999) ;
• la mémoire de travail verbale et non-verbale (Mariani & Barkley, 1997 ;
Murphy et al., 2001) ;
• la fluence verbale (Grodzinsky & Diamond, 1992) ;
• la vitesse de dénomination des couleurs (Tannock et al., 2000) ;
• l’internalisation du soliloque (Winsler et al., 2000) ;
• les stratégies d’organisation (Clark et al., 2000) ;
• l’auto-régulation des émotions (Maedgen & Carlson, 2000).
Le diagnostic de TDA/H nécessite l’apport et la convergence de plusieurs
sources d’information (enfant lui-même, parents, enseignants) par le biais d’entretiens et/ou de questionnaires (Corraze & Albaret, 1996 ; Brown, 1998). Par
ailleurs, une évaluation soignée des différents domaines déficitaires permet de
personnaliser la mise en place d’un projet thérapeutique qui associe idéalement
plusieurs modalités : traitement médicamenteux (Spencer et al., 1996), travail
individuel de type rééducation psychomotrice ou thérapie cognitivo-comporte-
a Institut de Formation en Psychomotricité, Faculté de Médecine, 133 route de Narbonne, 31062 Toulouse
cedex.
b Laboratoire Adaptation Perceptivo-Motrice et Apprentissage, Université Paul Sabatier.
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mentale (Soppelsa & Albaret, 2003), intervention auprès des familles et du
milieu scolaire (Barkley et al., 2001 ; Farmer et al., 2002 ; MTA Cooperative
Group, 1999) ou encore rééducation orthophonique devant la comorbidité fréquente des troubles des apprentissages (Bouvard et al., 2002).
C’est dans ce cadre que l’évaluation psychomotrice et neuropsychologique s’inscrit. L’utilisation d’échelles de développement psychomoteur ou de
tests de la motricité manuelle et des différentes praxies est bien évidemment
partie intégrante de cette évaluation et permet de fournir des indications sur
l’hyperactivité, l’impulsivité motrice et le défaut de planification. L’emploi de
questionnaires est également un apport non négligeable pour l’appréciation de
l’importance de la symptomatologie et le suivi du traitement, mais ils ne peuvent suffire pour poser le diagnostic.
Nous nous intéresserons principalement, ici, à la mesure de l’impulsivité,
des fonctions exécutives et des processus attentionnels qui peuvent être diversement atteints selon les individus et le type de trouble (mixte, à prédominance
hyperactivité/impulsivité, à prédominance inattention), après avoir brièvement
indiqué quelques repères historiques qui permettent de comprendre l’évolution
en matière d’évaluation du TDA/H.
♦ Repères historiques
Nous ne nous attarderons pas sur les prémices historiques représentées
par les notions d’instabilité psychomotrice, d’atteinte cérébrale a minima, ou de
dysfonctionnement cérébral a minima.
Dans les années 50 le terme de « trouble de l’impulsion hyperkinétique » regroupe une symptomatologie faite d’hyperactivité, d’impulsivité et
d’un empan attentif étroit à laquelle s’ajoutent une mauvaise adaptation scolaire, une faible tolérance aux frustrations et des difficultés visuo-motrices
(Laufer, 1956). Cette conception se retrouve dans le DSM-II sous le terme
de « réaction hyperkinétique de l’enfance et de l’adolescence » (APA, 1968 ;
WHO, 1969). L’accent est mis sur le pôle moteur et sur la mesure de cette
hyperactivité à l’aide de différents appareils, de la montre adaptée (Schulman et Reisman, 1959) aux dernières versions des actigraphes (Teicher,
1995).
Dans les années 70, l’accent se déplace vers les composantes cognitives
du trouble que sont le trouble de l’attention et l’impulsivité. L’article de Douglas (1972) est à cet égard tout à fait représentatif. Elle insiste, en effet sur le
rôle essentiel de ces aspects cognitifs et insiste sur les différentes anomalies
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dans un ensemble d’épreuves dont le Continuous Performance Test (CPT) 1 qui
mesure l’attention soutenue, le test d’appariement d’images familières de Kagan
pour la dimension réflexion-impulsivité ou encore le test des figures encastrées
qui apprécie la dépendance indépendance à l’égard du champ. Les travaux de
Weiss (Weiss & Hechtman, 1993), collègue de Douglas, vont dans le même sens
en indiquant que ces troubles persistent à l’âge adulte alors que l’hyperactivité a
tendance à s’atténuer à l’adolescence. Le DSM-III (APA, 1980) parle alors de
« trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité » et opère un changement radical dans la conception du trouble tout en s’attachant à la définition
de critères diagnostiques. C’est aussi à partir des années 80 que se multiplient
les études portant sur l’évaluation des processus cognitifs (Barkley, 1990 ; Bloomingdale & Sergeant, 1988). Enfin, dans les années 90 l’intérêt se porte sur le
fonctionnement neuropsychologique des enfants TDAH et les fonctions exécutives (Barkley, 1997 ; Mariani & Barkley, 1997), conduisant Barkley à proposer
le terme de Trouble de l’Inhibition Comportementale.
Dans un premier temps, l’examen psychomoteur est resté centré sur la
mise en évidence ou la qualification de l’hyperactivité et de l’agitation motrice
dans différentes activités (structurées ou non) ainsi que sur l’appréciation du
caractère situationnel ou permanent des troubles. Un certain nombre de signes
doux sont également recherchés même s’ils n’ont pas un caractère hautement
spécifique : mouvements choréiformes, tremblements, syncinésies, dysdiadococinésie. L’impulsivité est surtout appréciée dans sa composante motrice :
réponses trop rapides à des consignes entraînant des erreurs.
Puis les processus cognitifs ont été incorporés aux examens (impulsivité
cognitive, processus attentionnels) avant d’intégrer les fonctions exécutives dans
un dernier temps.
♦ Impulsivité
Au cours de l’examen psychomoteur, comme pour les autres examens, il
est souvent difficile de séparer les effets liés à l'impulsivité et ceux qui ont pour
origine un déficit d’attention. D’une part, les épreuves mesurant l'impulsivité
Mis au point par Rosvold et al. (1956), le test d'activité continue met en jeu la vigilance du sujet, au sens de
maintien de l'attention sur la survenue d'événements peu fréquents mais essentiels durant de longues périodes
de temps. La tâche consiste à répondre à des stimuli particuliers (lettres ou chiffres habituellement) présentés
sur l'écran d'un ordinateur, tout en ignorant les stimuli non pertinents. Il en existe différentes versions, selon le
mode de présentation (visuel, auditif), le temps qui sépare deux stimuli, la durée totale. En plus des erreurs par
omission ou par substitution, des indices sont calculés : d', qui correspond à la capacité de discrimination des
cibles correctes par rapport au bruit de fond constitué par les stimuli non pertinents, et ß, qui mesure un critère
de décision. Il n’existe, à notre connaissance, aucune norme sur une population française.
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font partie d'un ensemble de tâches qui demandent également un degré d'attention élevé pour une réalisation optimale. De plus, dans les tests d’attention
continue, les erreurs par substitution sont fortement associées à l’impulsivité
alors que les erreurs par omission sont en lien avec le défaut d’attention proprement dit.
La principale mesure utilisée repose sur l’appariement d’images à la suite
des travaux de Kagan (et al., 1964 ; 1966) sur le style cognitif réflexion-impulsivité. Le test d’appariement d’images (Marquet-Doléac et al., 1999) est
construit sur le principe du test de Kagan. On présente une image et le sujet doit
trouver parmi 6 autres celle qui est identique à la première. Parmi ces dernières,
cinq autres images ont subi des modifications légères (cf. figure 1 page suivante). La notation tient compte du temps mis à donner la première réponse et
du nombre d'erreurs. Le but est de la trouver le plus vite possible sans commettre d’erreurs. Quatre mesures sont effectuées :
• le temps de réflexion précédant la première réponse ;
• le temps total mis pour l’ensemble de l’épreuve ;
• le nombre total d’erreurs sur l’ensemble de l’épreuve ;
• le nombre total de réussites dès la première réponse.
Ces mesures permettent d’obtenir deux index :
• un index d’exactitude qui détermine le nombre de réussites à la première
réponse en une minute ;
• un index d’impulsivité ou rapport du nombre d’erreurs commises sur le
temps total.
L’analyse des résultats met en évidence le type de fonctionnement cognitif utilisé par le sujet, selon deux axes (lent ou rapide, précis ou imprécis) qui
mettent en évidence le style cognitif réflexion-impulsivité qui caractérise, à une
extrémité d’un continuum, les sujets lents et précis et, à l’autre, les sujets
rapides et imprécis. Les deux autres groupes (enfant lent et imprécis, enfant
rapide et précis) ont été peu étudiés dans la littérature.
Les différentes variables permettent de différencier enfants TDA/H et
enfants contrôles. Dans une étude (Albaret et al., 2000) portant sur 52 sujets,
âgés de 10 ans 9 mois en moyenne et répartis en deux groupes appariés, nous
constatons, notamment, que le temps de première réponse est plus court chez les
premiers ainsi que le temps total, ce qui laisse supposer que l’enfant passe
moins de temps dans l’analyse des images, répond rapidement et fournit des
réponses multiples. Il s’agit d’une stratégie immature, que l’on peut assimiler à
une réponse au hasard. Cependant ce temps de première réponse court n’a de
signification que s’il est associé à un nombre élevé d’erreurs d’où l’intérêt de
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Figure 1 : Extrait du test d’appariement d’images (Marquet-Doléac et al., 1999). Reproduit
avec l’aimable autorisation des Editions du Centre de Psychologie Appliquée, Paris.
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l’utilisation des index et particulièrement celui d’impulsivité qui associe ces
deux caractéristiques de la réponse que sont la vitesse et la précision. Cet index
différencie d’ailleurs très nettement les deux populations.
Ces résultats confirment ceux d’études antérieures (Campbell et al.,
1994 ; Pennington & Ozonoff, 1996 ; Sonuga-Barke, Houlberg & Hall, 1994 ;
Weyandt & Willis, 1994).
Il est à noter qu’il existe une forte corrélation entre la Tour de Londres et
le MFFT (équivalent au test d’appariement d’images) quand il s’agit de différencier une population TDA/H d’un groupe contrôle (Weyandt &Willis, 1994)
♦ Fonctions exécutives
L’évaluation des fonctions exécutives est un élément central dans le TDA/H
surtout depuis le modèle proposé par Barkley (1997) qui met l’accent sur la pauvreté de l’inhibition comportementale. Ce déficit primaire a des répercussions sur
quatre fonctions exécutives : la mémoire de travail non verbale, l’internalisation du
langage en lien avec la mémoire de travail verbale, l’autorégulation des motivations
et de l’éveil, la reconstitution ou capacité à organiser des éléments d’une façon originale. Les fonctions exécutives font référence aux différentes activités mentales,
utilisées par l’individu pour s’auto-contrôler et pour générer des comportements
dirigés vers un but. Ces fonctions exécutives, dont il est difficile de donner une
définition unique et universellement admise, sont associées au cortex préfrontal
sans pour autant que la relation anatomo-fonctionnelle soit univoque puisque
d’autres structures corticales et sous-corticales ont été mises en relation avec lesdites fonctions (Damasio, 1997, Van der Linden et al., 1999). Au niveau psychométrique, l’évolution des performances entre 5 et 12 ans sur des épreuves comme
la Tour de Londres ou les labyrinthes de Porteus a également été mise en relation
avec la maturation du cortex préfrontal (Anderson et al., 1996 ; Levin et al., 1991).
Il ressort donc de ce qui précède qu’un grand nombre de tests est associé
à la mesure des fonctions exécutives. Plusieurs des tests mentionnés dans la littérature sont par ailleurs connus pour mesurer d’autres processus ou fonctions
comme la figure complexe de Rey pour les praxies visuo-constructives.
Test de la Tour de Londres
Le test de la tour de Londres a été mis au point par Mc Carthy et Shallice
(in Shallice, 1982). Il sollicite les processus de planification et la mémoire de travail. Il comporte trois tiges de hauteurs différentes sur lesquelles peuvent être placées une, deux ou trois perles. Les perles sont de couleurs différentes. Le sujet ne
peut bouger qu'une perle à la fois, d'une tige à l'autre. On donne au sujet une
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configuration de départ et une configuration à atteindre. Le test originel comporte
trois problèmes qui peuvent être résolus, respectivement, en 2, 4 et 5 coups (cf.
figure 2). Le temps est limité. La version la plus utilisée comporte 12 problèmes à
résoudre en 2 à 5 mouvements (Anderson et al., 1996 ; Krikorian et al., 1994), des
normes existent sur une population canadienne francophone (Lussier et al., 1998).
Position de départ
Problème 10 : 5 mouvements
Figure 2 : Extrait de la tour de Londres
Son utilisation avec les enfants agités et distraits, tout comme celle de la
tour de Hanoï, montre un défaut de planification et d'anticipation avec des
déplacements superflus et des échecs fréquents (Barkley, 1997).
Test des labyrinthes (Porteus, 1951)
Le test est constitué de labyrinthes de difficulté croissante dont l'enfant
doit trouver la sortie en traçant au crayon le parcours correct. Il y a un labyrinthe par année à partir de 3 ans et jusqu'à 12 ans plus un labyrinthe pour les 14
ans et un pour les adultes. La notation comporte une note quantitative qui permet de calculer un Quotient-Test tenant compte de l'âge du sujet, des labyrinthes
réussis et du nombre d'essais, et une note qualitative (note Q). La note Q est
basée sur les erreurs dans les tracés et sur l'exécution proprement dite de l'ensemble des labyrinthes, réussis ou non. Les différentes erreurs sont les
suivantes : couper un angle, traverser les lignes, lever le crayon avant la sortie,
tracé sinueux, mauvaise direction, erreurs se produisant en début ou en fin de
parcours. Chaque erreur est ensuite pondérée par un facteur de 1 à 5 en fonction
de l'importance accordée aux types d'erreur. Il existe trois versions du test, dont
deux disponibles en version française, permettant ainsi des passations répétées.
Kuehne et al. (1987) trouvent des différences significatives aux labyrinthes de Porteus entre TDA/H et sujets normaux. Mais le travail le plus intéressant est celui de Soppelsa (1995) qui compare la note Q obtenue par 23
enfants TDA/H et 33 enfants non TDA/H vus en consultation dans un centre
médico-psychologique. Il détermine une note-seuil (cut-off) à 32, avec une sensibilité de 96 % pour une spécificité de 98 %, qui peut donc être retenue comme
un bon indicateur.
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La note du Quotient-Test serait non significative et inutilisable dans le
diagnostic du TDA/H. Elle mesurerait une capacité à s’orienter dans un espace
et serait fortement corrélée avec l’intelligence.
Test de classement de cartes du Wisconsin (WCST – Heaton et al., 2002)
Il s’agit de classer des cartes sur lesquelles sont dessinées des figures géométriques qui diffèrent par leur couleur (rouge, vert, jaune ou bleu), leur forme
(triangle, étoile, croix ou rond) ou leur nombre (une, deux, trois ou quatre
figures par carte). Le classement se fait en relation avec quatre cartes de référence qui sont présentes devant l’enfant (ou en haut de l’écran pour la version
informatisée) selon une règle qui n’est pas indiquée et que l’enfant doit découvrir. Par exemple, si sur la carte figurent deux ronds verts, le sujet peut apparier
selon trois modalités :
• la forme, soit déposer la carte sur celle qui comporte des ronds,
• le nombre, soit déposer la carte sur celle qui comporte deux figures.
• la couleur, soit déposer la carte sur celle qui comporte des éléments de
couleur verte.
Après chaque réponse du sujet, l’examinateur ou le logiciel indique à
l’enfant si sa réponse était bonne ou non, ce qui lui permet de détecter plus ou
moins rapidement la règle utilisée. Après un certain nombre de réponses correctes, la règle est changée et le sujet doit, à nouveau, la découvrir.
Ce test mesure plusieurs processus : l’habileté à résoudre un problème
conceptuel, l’utilisation du feedback fourni, l’habileté à modifier une stratégie
incorrecte, la flexibilité, l’inhibition d’une réponse prégnante mais incorrecte
(Sergeant et al., 2002).
Différentes mesures peuvent être obtenues : le nombre de catégories correctes identifiées, les persévérations, le nombre total d’erreurs et la difficulté à
maintenir la règle de classement. Il semble que les persévérations constituent
l’élément dominant pour différencier sujets contrôles et sujets TDAH (Boucugnani & Jones, 1989 ; Carter et al., 1995 ; Gorenstein et al., 1989 ; Grodzinsky
& Diamond, 1992 ; Grodzinsky & Barkley, 1999 ; Weyandt & Willis, 1994).
Figure de Rey
Plusieurs auteurs signalent des anomalies dans la copie de la figure complexe de Rey chez les enfants TDAH, aussi bien dans le niveau d’organisation
(Douglas & Benezra, 1990 ; Grodzinsky, 1990, in Dinklage & Barkley, 1992),
que dans les différents scores (Seidman et al., 1997). La reproduction de
mémoire serait, elle, peu sensible à la pathologie ; le déficit du score en copie
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par rapport à la relative résistance du score reproduction de mémoire est un des
signes non répertorié mais cliniquement significatif du TDA/H.
♦ Processus attentionnels
Différents tests sont classiquement utilisés pour mesurer l’attention sélective et l’attention soutenue.
Attention sélective : test de Stroop
L’attention sélective est la capacité à tenir compte d’une des dimensions
d’un stimulus tout en ignorant les autres. Le principe est généralement de mettre
le sujet devant un stimulus comportant une caractéristique prégnante qu’il doit
ignorer tout en répondant à une autre caractéristique
Le test de Stroop (Albaret & Migliore, 1999) se compose de trois feuilles
de format A4 (21x30 cm). La première, carte A comporte 4 noms de couleurs
(vert, jaune, rouge, bleu) écrits en noir/blanc, et disposés en 10 rangées de
5 mots (soit 50 mots). La deuxième, carte B, est composée des mêmes noms de
couleur, agencés d’une autre manière que la première feuille et imprimés d’une
couleur différente que la couleur qu’ils expriment. Les séquences de 5 mots diffèrent selon les cartes. La troisième, carte C, comporte 10 rangées de 5 rectangles de couleurs (vert, jaune, rouge, bleu).
Lors de la passation, un temps fixe de 45 secondes est donné pour lire ou
dénommer les items de chaque carte. Dans la première épreuve, le sujet doit lire
les mots de la carte A. La deuxième épreuve consiste à lire les mots de la carte
B sans prendre en compte les couleurs d’impression. Puis, la personne doit
nommer les couleurs des rectangles de la carte C. Enfin, l’examinateur place
une nouvelle fois devant l’enfant la carte B, et lui demande de nommer les couleurs d’impression (couleur de l’encre) en prenant garde de ne pas lire les mots
eux-mêmes (condition d’interférence).
Différents auteurs retrouvent des différences significatives au test de
Stroop lors de comparaisons entre enfants TDA/H et groupe contrôle notamment pour la condition d’interférence dans laquelle ils font plus d’erreurs et
sont moins performants (Barkley, 1997 ; Barkley et al., 1992 ; Boucugnani et
Jones, 1989 ; Carlsson et al., 1986 ; DeHaas, 1986 ; Leung et Connolly,
1996 ; Pennington et al., 1993 ; Sergeant et al., 2002 pour une revue). Ces
différents résultats suggèrent que ces sujets ont de plus grandes difficultés à
inhiber les réponses habituelles et par là même à opérer une sélection et à
extraire une des dimensions des stimuli. Le nombre élevé d’erreurs peut également être mis sur le compte de l’impulsivité comme modèle cognitif de
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fonctionnement. Les enfants se dépêchent de donner une réponse et font alors
plus d’erreurs car ils ne prennent pas le temps nécessaire à l’élaboration
d’une réponse correcte.
L’analyse de ce test est complexe. Parfois, la difficulté de lecture interfère
dans l’analyse des résultats : en effet, chez les enfants dont les mécanismes intégratifs de la lecture sont encore instables, c’est à la planche B lors de la première
lecture qu’apparaît une difficulté, l’enfant est parasité par la couleur qui est la
première réponse qui s’impose à lui et qui le parasite dans la lecture du mot. On
peut également considérer ce phénomène comme un signe d’impulsivité.
Pour les enfants plus jeunes (3 ans 6 mois à 7 ans), on peut utiliser le test
jour/nuit (Gerstadt, Hong et Diamond, 1994), pour lequel on demande à l’enfant
de dire « jour » lorsqu’on lui présente une carte noire sur laquelle figurent une
lune et des étoiles, et de dire « nuit » devant une carte blanche avec un soleil.
Deux cartes (damier et croisement de lignes ondulées) sont utilisées pour la
condition de contrôle.
Dans la Batterie Rapide d’Evaluation des Fonctions Cognitives (BREV Billard et al., 2000) on trouve également un item sur le versant moteur, adapté
des travaux de Passler et al. (1985). Dans un premier temps, l’enfant doit imiter
l’expérimentateur qui frappe un ou deux coups sur la table. Dans un second
temps, il doit faire l’inverse soit taper deux coups si l’examinateur en tape un.
Dès 4 ans, les enfants ne font pratiquement aucune er reur dans la première partie (9/10 en moyenne, puis 10/10 à 6 ans). Dans la seconde partie, les enfants
obtiennent en moyenne un score de 9/10 dès 5 ans. Il semble que les enfants
TDA/H aient des résultats inférieurs à des sujets contrôles dans la deuxième
partie (situation de conflit) de cet item (Gillet et al., 2000).
Attention soutenue : épreuves de barrages
Il s’agit de la capacité à maintenir pendant un temps relativement long
son niveau d’attention, qualifié encore de niveau de vigilance. Les tests de barrages remontent à Bourdon (1895, in Zazzo, 1972) et consistent à discerner rapidement et à barrer certains éléments (lettres, chiffres, signes, formes géométriques) à l'exclusion des autres avec lesquels il peut y avoir confusion. Il peut y
avoir un ou plusieurs signes à barrer ou encore comparaison entre deux
colonnes. Deux types d'erreurs sont possibles : celles par omission où un signe à
barrer ne l'est pas et celles par substitution, encore appelées confusion ou addition, où un signe est barré à tort.
Différents tests sont disponibles selon l’âge : le test de Corkum et al.
(1995), le test des deux barrages de Zazzo (1972), le test d2 (Brickenkamp,
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1969), l’épreuve de barrage des « 3 » dans la BREV (Billard et al., 2000) ou
encore les items de barrages des lapins, des chats et des visages dans la NEPSY
(Korkman et al., 2003). Le test des cloches (Gauthier et al., 1989 ; Rousseaux et
al., 2001), construit pour évaluer la négligence spatiale, est parfois utilisé en
tant qu’épreuve attentionnelle, tout comme la version pour les plus jeunes intitulée barrage des nounours (Laurent-Vannier et al., 2001).
Les résultats des enfants TDAH à ces épreuves sont significativement
inférieurs à ceux des enfants contrôles (Aman & Turbott, 1986) avec notamment
un nombre d’erreurs par omission plus élevé. Cependant pour Oades (2000), le
test d2 ne permet pas de distinguer les sujets TDAH des contrôles contrairement
à des outils comme le CPT.
♦ Signes cliniques
Un certain nombre d’observations cliniques sont significatives du comportement de l’enfant souffrant d’un TDA/H. Il sont classiques, et facilement
repérables durant un examen. S’ils ne sont pas suffisants pour permettre un diagnostic à eux seuls, ce sont des signaux d’alerte qu’il ne faut pas négliger. Ils
sont souvent à l’origine d’examens plus poussés qui permettent de dépister la
maladie.
L’enfant est très sensible aux bruits extérieurs à la situation. L’enfant
entend un bruit de moteur de voiture dans la rue et va immédiatement voir à la
fenêtre, de quoi il s’agit. Le bruit n’a, bien entendu, pas de signification personnelle pour l’enfant.
L’enfant à du mal à arrêter une activité plaisante. Il peut être, à ce
moment, opposant. Ceci est très fréquent en fin de séance : il est impossible de
faire sortir l’enfant de la salle. Seule, une technique de retrait d’attention permet
de s’extraire du conflit.
La fascination que peuvent avoir les TDA/H pour un certain nombre
d’exercices, souvent thérapeutiques (puzzle, recherche de détail dans une fond
confus), où l’hyperactivité et l’impulsivité disparaissent pour faire place à une
concentration très importante qui fait douter de l’existence même du syndrome.
L’appétence excessive à l’égard de toutes les techniques qui lui permettent de réguler son impulsivité : l’enfant pouvant réclamer une façon de faire du
thérapeute parce qu’il a la perception que cela régule son comportement.
Enfin, l’incapacité à maintenir un rythme spontané et continu est aussi un
signe très caractéristique bien que délaissé de cette pathologie.
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♦ Conclusion
L’évaluation psychomotrice et neuropsychologique de l’enfant agité et
distrait permet de préciser la nature d’une symptomatologie forcément hétérogène compte tenu des différentes dimensions qui la composent. Au-delà du diagnostic qui peut être posé, ce qui est malheureusement encore souvent le cas, à
moindre frais sur un certain nombre d’arguments cliniques ou à partir d’un
simple questionnaire, le caractère situationnel du trouble ainsi que la présence
fréquente de comorbidités (trouble de l’acquisition de la coordination, troubles
des apprentissages scolaires, états anxieux, états dépressifs, troubles de la
conduite) nécessitent une investigation plus poussée et l’intervention de différents spécialistes (orthophonistes, psychologues, psychiatres le cas échéant) afin
de dresser un état des lieux suffisamment complet pour pouvoir établir un projet
thérapeutique digne de ce nom. Les résultats aux différents tests fournissent un
ensemble d’informations essentielles pour qui ne veut pas se contenter des
approches réductionnistes unimodales.
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Proposition d’une intervention métacognitive
visant à contrer le trouble de déficit
de l’attention avec ou sans hyperactivité
Marie Lazure, Francine Lussier, Annie Ménard
Résumé
Les conséquences néfastes du trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité
(TDA/H) sur les comportements ou le rendement scolaire des enfants imposent la nécessité
de développer des outils d’intervention capables de compléter ou de remplacer efficacement
l’usage de stimulants du système nerveux central. Ce projet de recherche en neuropsychologie clinique s’articule autour de l’idée que le TDA/H résulte d’un problème initial de gestion
des ressources attentionnelles, de nature exécutive, et explore les possibilités de la rééducation métacognitive selon les principes de réorganisation fonctionnelle de haut en bas (top
down strategy) auprès d’enfants de 9 à 12 ans.
Mots clés : neuropsychologie clinique, trouble de déficit de l’attention, fonctions exécutives,
intervention métacognitive, lobe frontal.
The use of metacognitive interventions in the management of attention
deficit disorders, with or without hyperactivity
Abstract
The deleterious impact of attention deficit disorders, with or without hyperactivity (ADD/H),
on the child’s behavior and school performance requires the development of therapeutic
tools that can efficiently complement or replace the use of stimulants of the central nervous
system. This research project in clinical neuropsychology is based on the idea that ADD/H
results from impaired management of attentional resources (of an executive nature) and
explores various avenues of metacognitive rehabilitation, following the use of top down strategies with 9 to 12 year old children.
Key Words : clinical neuropsychology, attentional deficit disorder, executive functions, metacognitive interventions, frontal lobe.
Rééducation Orthophonique - N° 214 - Juin 2003
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Marie LAZURE 1, 2
Francine LUSSIER 2, 3
Annie MÉNARD 1, 2
L
e trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA+H,
TDA-H) touche approximativement de 3 à 7% des enfants nord-américains
et représente un des motifs de consultation clinique les plus courants
(Barkley, 1997b). Le TDA est défini comme un syndrome développemental d’origine neurologique qui apparaît avant l’âge de 7 ans, et se manifeste par des symptômes d’inattention et/ou d’hyperactivité-impulsivité chroniques (Barkley, 1997b).
Les conséquences du TDA sur les comportements, les fonctions cognitives ou le
rendement académique sont largement documentées (Aman et al., 1998 ; Bull &
Scerif, 2001 ; Cornoldi et al., 1999 ; McBurnett et al, 2001) et, bien que la recrudescence des cas de TDA observée au cours de la dernière décennie puisse être un
phénomène de société comme le prétendent certains auteurs (Amstrong, 1995 ;
Weinberg & Brumback, 1992), l’ampleur du problème justifie amplement les
efforts dévolus à sa compréhension et à sa gestion.
Notre démarche s’inscrit dans la mouvance de la recherche empirique sur
le TDA et tentera d’apporter une contribution valable à l’état des connaissances
actuelles en neuropsychologie clinique (évaluation et traitement). La prise de
conscience des multiples controverses entourant le diagnostic du TDA et l’usage
de stimulants du système nerveux central (SSNC) de même que le désir de
développer des outils d’intervention capables de compléter ou de remplacer efficacement les thérapies courantes (médicale, comportementale), ont servi de
point de départ à l’élaboration de ce projet de recherche.
Le plan d’intervention métacognitive, proposé et évalué dans le cadre de
cette recherche expérimentale, s’appuie (1) sur les modèles théoriques accordant
1. Centre de Neurosciences de la Cognition, Université du Québec à Montréal
2. Centre de Rééducation d’Approche Neuropsychologique (CRAN)
3. Université de Montréal et Hôpital Ste-Justine
Correspondance adressée à :
Marie Lazur e, Centre de rééducation d’Approche Neuropsychologique, 222 Henri-Bourassa Est, bureau 32,
Montréal, Québec, Canada, H3L 1B9 - [email protected] - Téléphone : (514) 858-6484
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aux systèmes frontaux un rôle prépondérant dans les mécanismes attentionnels
(Barkley et al,. 1995 ; Lussier et al., 2003 ; Nigg et al., 2002 ; Sergeant et al.,
2002) ; et (2) sur les principes de réorganisation fonctionnelle, selon un processus de haut en bas (top-down strategy) faisant principalement appel à la métacognition (Ben-Yishay & Diller, 1984 ; Robertson & Murre, 1999 ; Seron, 1984 ;
VonSteinbüchel & Poppel, 1993). Notre programme s’articule autour de l’idée
que le TDA serait entre autres lié à un problème de gestion de l’attention pouvant nuire au recrutement des ressources attentionnelles requises pour l’exécution d’une séquence d’actions volontaires dirigées vers un but, plutôt que strictement limité à un trouble de capacité ou de disponibilité spécifique de l’attention
(Nigg, 2001 ; Schachar & Logan, 1990 ; Sergeant, 1992).
Le traitement, mis au point dans le cadre d’une étude expérimentale,
prend la forme d’ateliers-laboratoires au cours desquels les participants ont l’occasion de comprendre les mécanismes de l’attention et d’identifier leurs propres
déficits puis d’explorer et d’expérimenter différents outils de gestion mentale.
Les effets du programme d’intervention sur les capacités cognitives (attention et
fonctions exécutives), les comportements et le rendement académique sont évalués auprès d’enfants de 9 à 12 ans souffrant de TDA+H et TDA-H.
♦ Considérations théoriques
Les neurosciences cognitives ont généré une multitude de données empiriques concernant les lacunes fonctionnelles ou neuroanatomiques qui caractérisent le TDAH (Aman et al., 1998 ; Bradley & Golden, 2001). Une partie de la
recherche s’inscrit au centre d’une démarche destinée à isoler et à opérationnaliser les différents éléments de l’attention (Lussier et al., 2002 ; Mirsky et
al.,1991 ; Posner & Dehaene, 1994 ; Shapiro et al., 1998). Les résultats de ces
études ont servi de base à l’élaboration de différents cadres conceptuels largement utilisés en neuropsychologie clinique et expérimentale. À titre d’exemple,
mentionnons les modèles qui proposent l’existence de 4 à 5 composantes hiérarchiques de l’attention (alerte, vigilance, attention sélective, alternée et divisée)
pouvant chacune faire l’objet d’évaluations précises et d’entraînements intensifs
(Ben-Yshay et al., 1987 ; Sohlberg & Mateer, 2001 ; Sturm, 1999). Dans cette
optique, les diverses manifestations du TDAH résulteraient initialement d’un
problème de capacités attentionnelles touchant les aspects quantitatifs et/ou
sélectifs de l’attention (Kerns et al., 1999 ; Schachar & Logan, 1990 ; Sturm,
2002 ; pour une revue en français voir Couillet et al. 2002)
Plusieurs faits viennent toutefois remettre en cause, du moins partiellement, les thèses qui soutiennent le concept de l’attention comme système modu-
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laire indépendant et qui identifient les déficits de l’attention comme principal
facteur étiologique du TDA (Bayliss & Roodenyrs, 2000 ; Schachar & Logan,
1990). Ainsi, un consensus semble se développer sur la base des recherches
neuroanatomiques, cognitives et psychométriques à l’effet que les processus
attentionnels, mnésiques et exécutifs interagissent de façon étroite en raison
d’associations fonctionnelles et de partage de réseaux neuronaux (Robertson &
Murre, 1999). Par ailleurs, de nombreux auteurs constatent que les symptômes
d’inattention, d’impulsivité et d’hyperactivité, reconnus pour constituer le coeur
du TDAH, s’accompagnent d’une constellation de déficits normalement associés aux mécanismes cognitifs supérieurs tels que : les troubles de coordination
motrice et de traitement séquentiel ; de mémoire de travail ; de planification,
d’anticipation ; d’internalisation du discours, d’auto-régulation ; de compréhension sociale, etc. (Barkley et al, 1995 ; Bayliss & Roodenyrs, 2000 ; Sergeant et
al., 2002 ; Nigg et al., 2002 ; Zentall et al., 2002). Ces fonctions exécutives, ou
« métacognitives », étant reconnues pour être en grande partie gérées par les
lobes frontaux, on associe assez rapidement TDAH et syndrome frontal (Lussier
et al., 2001, Sergeant et al., 2002 ; Shue & Douglas, 1992). Selon cette perspective, les diverses manifestations du TDAH seraient attribuables à un problème
de gestion des capacités attentionnelles impliquant les systèmes supérieurs. Les
travaux de Russell A. Barkley témoignent de ce changement de paradigme.
Le modèle théorique de Barkley, élaboré dans le but de corriger l’incapacité du cadre théorique actuel à rendre compte des multiples facettes du TDAH et
à expliquer l’importante fluctuation des symptômes en fonction du contexte ou
de la nature des tâches, se veut une tentative d’unification (Barkley, 1997b). Au
centre de sa conception réside la notion d’inhibition comportementale qui contribuerait de façon fondamentale à la réalisation des 4 fonctions exécutives suivantes : la mémoire de travail (pensée rétrospective et prospective, anticipation,
conscience et organisation temporelles...) ; le langage internalisé (réflexion, autoinstruction, raisonnement...) ; l’auto-régulation de l’affect, de la motivation ou de
la vigilance ; et la « reconstitution » (organisation du discours et du comportement, fluidité verbale, créativité...). Selon Barkley (1997a), le déficit d’attention
soutenue associé au TDAH serait secondaire à un trouble d’inhibition des comportements. Cette proposition tient la route jusqu’à présent mais se révèle néanmoins limitée en termes de capacité explicative. En effet, le modèle de Barkley
ne serait pas exclusif au TDAH (Nigg, 2001 ; Oosterlaan & Sergeant, 1998 ; Sergeant et al. 2002) et ne s’appliquerait qu’aux profils hyperactif-impulsif ou mixte
du TDAH, laissant la question du TDAH de type inattentif ouverte.
L’existence d’un défaut d’inhibition comportementale ne serait pas
l’unique cause du TDAH. Certaines études démontrent en effet que l’état éner-
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gétique (les facteurs d’activation et d’effort en particulier) de même que l’attribution ou le contrôle des ressources énergétiques joueraient un rôle de premier
plan dans l’étiologie du syndrome (Oosterlaan & Sergeant, 1998 ; Schachar &
Logan, 1990 ; Sergeant ; 2000). Selon cette thèse, qui remet les questions de
motivation et de renforcement à l’agenda, les symptômes du TDAH seraient en
partie attribuables à un déficit de récompense (reward deficit), pouvant être
causé par une hypo-sensibilité aux mesures incitatives (Haenlein & Caul, 1987)
ou par une forte tendance à rechercher les gratifications immédiates (Douglas,
1985). Des données empiriques récentes vont dans le sens de l’hypothèse de
Douglas à l’effet que la performance des enfants TDA, avec ou sans hyperactivité, dépendrait de la présence ou non d’une contingence réponse-renforcateur
(Scheres et al., 2001). Nous porterons une attention particulière à cet aspect du
syndrome lors de l’intervention.
♦ Trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité
(TDA+H vs TDA-H)
La distinction de sous-types de TDA du DSM-IV 1, entraîne une controverse qui s’articule à la fois sur les plans diagnostique et thérapeutique. Si les
disparités entre TDA+H et TDA-H aux niveaux des comportements et de la comorbidité sont relativement bien documentées (troubles des conduites vs difficultés d’apprentissage ; anxiété vs dépression), les différences neuropsychologiques restent à établir de façon plus précise (Barkley et al., 1990 ; Goodyear &
Hynd, 1992 ; Lockwood et al., 2001). Les données actuelles tendent à démontrer que les deux sous-types présenteraient des déficits fonctionnels indépendants, notamment sur le plan de l’attention (soutenue vs sélective), qui impliqueraient des dysfonctions neurophysiologiques différentes (Aman et al., 1998 ;
Barkley, 1997a ; Halperin et al., 1992 ; Lockwood et al., 2001 ; McBurnett et
al., 2001). Soulignons que dans ce débat, la position de Barkley semble pour le
1 En dépit du fait que la nature strictement attentionnelle du TDA s’avère de plus en plus difficile à soutenir et
que la distinction des sous-types de TDA nourrisse encore la controverse (Barkle y, 1997a ; Goodyear &
Hynd, 1992 ; Nigg & al., 2002), la dernière version du DSM s’articule toujours autour des 3 pôles symptomatiques. Le DSM-IV reconnaît en effet 3 types de trouble de déficit de l’attention avec hyperactivité: le
TDAH à prédominance inattentive, le TDAH de profil impulsif et hyperactif et le TDAH de type mixte. Un
des problèmes récurrents de cette taxonomie réside dans le fait qu’elle s’élabore toujours en fonction de
jugements subjectifs (réponses des parents ou enseignants aux différentes échelles comportementales) qui ne
rendent pas compte des manifestations cliniques plus subtiles du syndrome (Barkley, 1997c). Malgré leurs
limites, les critères diagnostiques continuent de prévaloir lors de l’étape de dépistage de la majorité des
recherches empiriques et cliniques sur le TDA consultées dans le cadre de ce projet de recherche. Souli gnons, pour notre part, que certaines considérations conceptuelles et pragmatiques nous ont incité à utiliser
les appellations et les critères du DSM-III qui équivalent, à toute fin pratique, aux profils TDAH-mixte et
TDAH-inattentif du DSM-IV.
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moins paradoxale puisqu’il défend à la fois l’idée de syndromes distincts
(TDA+H : déficit exécutif primaire ; TDA-H : déficit attentionnel primaire) et la
notion de continuum développemental, où l’incidence des divers tableaux cliniques varierait en fonction de l’âge. Cette dernière hypothèse s’inscrit donc en
faux par rapport à la première affirmation puisqu’elle sous-entend, du moins de
façon implicite, la présence d’un ou de plusieurs déficits communs aux deux
profils.
Certains auteurs se demandent s’il est justifiable d’exclure d’emblée le
TDA-H du modèle de trouble d’inhibition frontale alors que les caractéristiques
de ce sous-type sont encore mal définies (Chhabildas et al., 2001). L’hypothèse
d’un excès d’inhibition, apparenté au syndrome frontal dorso-latéral, chez les
sujets souffrant de TDA-H est actuellement à l’étude (Nigg et al., 2002). Notre
projet de recherche explorera la thèse des déficits exécutifs communs chez les
deux sous-groupes de TDA tant au niveau diagnostique que thérapeutique.
♦ Démarches thérapeutiques
En Amérique, le modèle médical s’impose avec l’introduction du Ritalin
vers 1961 (Amstrong, 1995). Les études cliniques révèlent en effet que l’utilisation des SSNC dans le traitement du TDAH entraîne une réduction des principaux symptômes dans 70 à 85 % des cas (Anastopoulos et al. 1991 ; Whalen &
Henker 1995). Ce taux de succès explique la popularité du traitement malgré le
fait que les SSNC ne soient pas reconnus pour produire des bénéfices à moyen
ou long terme et qu’ils n’améliorent pas toujours de façon significative la performance académique, les troubles d’apprentissage ou de conduite, l’estime de
soi et les relations avec les pairs (Anastopoulos et al. 1991 ; Miller, 1999 ; Pelham,1999).
L’absence de généralisation, l’incidence des effets secondaires, à la fois
physiologiques et psychologiques, de même que l’inefficacité des SSNC chez
certains sujets incitent à la prudence (Douglas et al. 1976 ; Whalen & Henker,
1995). La majorité des chercheurs dans le domaine, incluant les plus ardents
défenseurs du modèle médical, suggèrent en effet aux cliniciens de promouvoir
l’usage des SSNC dans le cadre d’une approche thérapeutique multidimensionnelle (multimodal approach) afin de mieux agir sur les diverses manifestations
du syndrome (Abikoff, 1991 ; Abikoff & Gittelman, 1987 ; Anatopoulos et al.,
1991 ; Whalen et al., 1985 ; Whalen & Henker, 1995).
L’approche « multidimentionnelle » typique consiste à combiner l’utilisation de SSNC et l’application de programmes d’intervention comportementale
(ou behavioriste). Cette démarche vise la modification des comportements indé-
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sirables (impulsivité, inattention, opposition) via des techniques de renforcement positif (système de récompenses, économie des jetons) utilisées par les
éducateurs de manière à encourager ou inciter l’enfant à produire des réponses
mieux adaptées aux contextes. Il existe une analogie entre ce type d’intervention, fondée sur la présence d’agents de contrôle externes (SSNC, aménagements de l’environnement, interventions des éducateurs), et l’utilisation d’une
prothèse. Les deux permettent de compenser un déficit mais les bénéfices de
l’un et de l’autre disparaissent si les dispositifs sont retirés (pour une revue en
français, voir Corraze & Albaret, 1996).
Bien que répandue, l’efficacité réelle de cette démarche n’a pas encore
été établie. Les résultats préliminaires d’une vaste étude américaine sur le traitement du TDAH (The MTA study) démontrent que le recours aux contingences
externes comme complément à la pharmacothérapie permet une diminution de
médication de l’ordre de 20 % mais ne procure aucune valeur ajoutée en termes
de durabilité ou de généralisation des effets (Pelham, 1999).
Confrontés aux limites des modes d’intervention axés sur le contrôle
externe des comportements, des attitudes et de la motivation, certains chercheurs décident de créer des programmes d’entraînement cognitif qui mettent
l’accent sur le développement des capacités d’auto-régulation (Meichenbaum &
Goodman, 1971) et de résolution de problèmes (Douglas et al., 1976 ; Spivack
& Shure, 1982). Le recours aux thérapies cognitives dans le cadre du traitement
du TDAH s’initie au cours des années 70-80. Les traitements prennent diverses
formes allant des procédures d’auto-questionnement et d’auto-instruction à l’apprentissage de stratégies de résolution de problèmes par modelage, en passant
par l’entraînement systématique de l’attention (Abikoff, 1985). Ces démarches
poursuivent, elles aussi, l’objectif de réduire les comportements inadaptés des
enfants atteints de TDA mais cette fois, via un processus d’internalisation du
lieu de contrôle susceptible de faciliter la généralisation et le maintien des
acquis. Les études concernant l’efficacité des interventions cognitives, bien
qu’extrêmement variables, révèlent que ces dernières peuvent entraîner une certaine forme de généralisation se traduisant par une amélioration de la productivité scolaire et des comportements (Abikoff, 1991).
♦ Intervention neuropsychologique
Il existe deux grands principes de réadaptation en neuropsychologie clinique, soit : la compensation et la réorganisation. Le premier modèle est appliqué dans le cas de déficits chroniques. L’impossibilité de cure justifie l’adoption
de mesures prothétiques ou palliatives afin de compenser les lacunes ; c’est la
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position du modèle thérapeutique médical concernant le TDA qui prescrit
l’usage des SSNC combiné aux interventions de type comportemental (Barkley,
1997a, Anastopoulos et al. 1991). Le second modèle s’articule autour de la
notion de plasticité cérébrale et vise la restauration ou la réorganisation des
fonctions selon des processus hiérarchiques allant (1) de bas en haut, « bottomup strategy » ou (2) de haut en bas, « top-down strategy » (Robertson et Murre,
1999 ; Seron, 1984).
Les principes de restauration « bottom-up » ont donné lieu au développement des modes d’intervention directe désignés sous le terme « d’approches
spécifiques au domaine » (Sturm, 1997). Ces stratégies de rééducation, élaborées en fonction de la théorie de Hebb voulant que l’activation répétée augmente
la capacité fonctionnelle et facilite la réorganisation corticale, prennent habituellement la forme d’entraînements intensifs et répétitifs de la fonction lésée (BenYishay & Diller, 1993 ; von Steinbüchel & Pöppel, 1993 ; Robertson & Murre,
1999). Le programme d’entraînement de l’attention (ATP) de Sohlberg &
Mateer (1987) et son adaptation pour les enfants TDAH par Kerns (1999), de
même que les innombrables techniques disponibles sur le marché de la rééducation de l’attention 2 s’inscrivent dans cette démarche « bottom-up ». À l’heure
actuelle, les données empiriques révèlent que ce type d’intervention se traduit
par une amélioration des fonctions visées de manière spécifique par le traitement (ex. attention soutenue, sélective...) mais que les bénéfices demeurent
limités en termes de généralisation et d’effets à long terme. Notons par ailleurs
que la majorité des modèles proposés sont issus de la recherche avec les adultes
portant sur les déficits d’attention acquis ne reflétant pas nécessairement la réalité du déficit attentionnel de nature développementale.
Les principes de restauration « top-down » sont, pour leur part, associés
aux méthodes de réadaptation cognitive ou métacognitive davantage axées sur la
prise de conscience des déficits et le développement des capacités d’auto-régulation. La logique derrière cette démarche est que l’activation des fonctions
supérieures aurait une incidence sur les systèmes inférieurs pouvant, elle aussi,
se traduire en termes de réorganisation corticale (Robertson & Murre, 1999 ;
Wasserstein & Lynn 2001). Les programmes de réadaptation du TDA axés sur
le modelage, l’internalisation du langage, les stratégies de résolution de problème, les modes d’attribution, etc. (Abikoff, 1991 ; Douglas et al., 1976 ; Meichenbaum & Goodman, 1971 ; Reid & Borkowski, 1987) font partie de ces stra2 Mentionnons, à titre d’exemples : l’entraînement intensif de la mémoire de travail (Klingberg et al., 2002);
le programme « Interactive Metronome » (Shaffer et al., 2000) et la méthode du neurofeedback (Lubar et al.,
1995).
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tégies « top-down » ou métacognitives. Au Québec, les travaux de Pierre-Paul
Gagné 3 (Gagné, 1999 ; Gagné et al. 2001) explorent les possibilités de ces
méthodes et ont inspiré le plan d’intervention évalué dans le cadre de cette
recherche.
♦ Proposition d’un plan d’intervention métacognitive
La théorie du syndrome frontal à l’effet que les symptômes du TDA, avec
ou sans hyperactivité, seraient attribuables à certains déficits des fonctions exécutives tels que les problèmes d’inhibition (défaut ou excès), de planification, de
flexibilité mentale, de maintien des objectifs, etc. (Barkley, 1997a ; Nigg et al.,
2002 ; Sergeant et al., 2002 ; Wasserstein & Lynn, 2001), a servi de base à l’élaboration de ce programme d’intervention métacognitive destiné aux enfants de 9
à 12 ans qui présentent un TDA, avec ou sans hyperactivité. Ce dernier a été
conçu dans le but d’actualiser le potentiel métacognitif des enfants hyperactifsinattentifs et de favoriser le développement de leurs habiletés d’auto-régulation
à la fois comportementale et cognitive (discours interne, contrôle de l’impulsivité, motivation, résistance à la distraction, exécution séquentielle...), de même
que leur généralisation à différents types d’activités ou contextes.
Nous présumons que le fait d’intervenir au niveau des fonctions supérieures (prise de conscience des mécanismes cognitifs et des déficits, appropriation du lieu de contrôle, adoption de stratégies...) et de solliciter, dans le cadre
d’activités ludiques, l’utilisation de divers instruments de pensée réflexive
entraînera une amélioration sensible des capacités attentionnelles et des fonctions exécutives telles que mesurées par les outils psychométriques. Nous anticipons également que les compétences acquises lors des Ateliers seront généralisées ou transférées dans les domaines du comportement et du rendement
scolaire. Nous prévoyons finalement que cette démarche produira des effets
équivalents chez les participants des deux sous-groupes (TDA+H/TDA-H) et
que les bénéfices tirés de cette expérience se maintiendront à moyen terme.
♦ Ateliers d’intervention métacognitive (projet en cours)
Notre programme d’intervention dure 12 semaines à raison d’une rencontre d’une heure par semaine. Les activités se déroulent en petits groupes de
3 Pierre-Paul Gagné a développé des outils permettant aux professeurs de comprendre les différents processus
cognitifs impliqués dans l’apprentissage (attention, mémoire et métacognition) et, par le fait même, de
mieux enseigner aux élèves TDA les rudiments d’une gestion mentale efficace (méthodes d’exécution de
tâches, stratégies de résolution de problèmes).
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six à douze enfants et sont animées par trois intervenantes. Afin de s’assurer que
l’effet du SSNC n’interfère pas avec les processus de prise de conscience ou de
contrôle constituant l’une des clés de la démarche et de mieux isoler et quantifier l’impact du traitement sur les variables dépendantes, notons qu’il est préférable que les enfants ne prennent pas de SSNC lors des activités. Pour réaliser
cette condition particulière sans nuire aux participants, les interventions ont lieu
durant les congés de fin de semaine au moment où la majorité des enfants sous
médication suspendent temporairement la prise de SSNC.
Inspiré de la méthode « Réflecto » de Pierre-Paul Gagné, le plan d’intervention prévoit, dans un premier temps, de fournir aux enfants l’occasion de
découvrir et de comprendre les mécanismes de la cognition, de l’attention et du
TDA. Les principaux systèmes physiologiques et fonctionnels du cerveau sont
présentés à l’aide de matériel concret, d’analogies et d’expériences directes
(jeux d’exploration). Les participants dressent ensuite leur propre profil cognitif
(tableau des forces et faiblesses, type de TDA, mode d’attribution privilégié) au
moyen de divers outils d’auto-évaluation (questionnaires, baromètres...). L’activité d’introduction est complétée par un bref exposé sur la méthode, les règles et
les objectifs des Ateliers, de même que par une procédure d’engagement formelle de la part de chaque participant (signature d’un contrat). Cette reconnaissance initiale des problèmes et de leurs solutions fait partie du domaine métacognitif et constitue, selon plusieurs auteurs, l’une des principales clés du succès
en réadaptation (Ben-Yishay & Diller, 1993 ; Kurtz & Borkowski, 1984 ; Reid
& Borkowski, 1987 ; von Steinbüchel & Pöppel, 1993).
La deuxième phase du plan d’intervention est, dans un premier temps,
consacrée à l’entraînement des facultés de visualisation (création d’images mentales) et de verbalisation (accès lexical, langage descriptif) qui sont souvent
affectées par le TDA (Barkley, 1997b ; Zentall et al., 2001). Étant donné le
poids de ces processus dans l’élaboration des représentations mentales et du discours interne qui, à leur tour, servent de support à plusieurs fonctions exécutives
(mémoire de travail, planification, raisonnement etc.), nous accordons une attention particulière à leur développement. La suite des activités est dévolue à la
compréhension, à l’exploration et à l’entraînement de 6 fonctions exécutives
reconnues pour être impliquées dans les mécanismes d’auto-régulation de la
pensée, de l’affect et du comportement. Les fonctions ciblées par l’intervention
sont, dans l’ordre : (1) L’attention sélective en raison de son rôle fondamental
dans le traitement de l’information et l’inhibition volontaire de l’attention à
l’égard des stimuli distracteurs (Ceci & Trishman, 1984 ; Cooley & Morris,
1990). (2) La métamémoire et les stratégies mnémotechniques afin de pallier
l’inefficacité des méthodes d’encodage spontanées (Barkley, 1997b ; Klingberg
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et al., 2002 ; Pineda et al., 1999). (3) La flexibilité cognitive et la créativité
puisque ces capacités, souvent occultées par les problèmes d’impulsivité ou
d’inhibition liés au TDA/H, pourraient constituer les principales forces de ces
enfants (Shaw & Browns, 1990). (4) La planification, incluant les mécanismes
de pensée rétrospective et prospective qui la sous-tendent, étant donné son
impact sur le fonctionnement global (Barkley, 1997b). (5) Le traitement séquentiel de l’information, la conscience temporelle et la coordination des actions
orientées vers un but (Barkley, 1997b ; Barkley et al., 2001). Et finalement, (6)
les mécanismes d’inhibition comportementale et/ou cognitive qui sont en général affectés par le TDA/H (Nigg et al., 2002).
Chaque fonction cognitive est présentée sous forme de métaphore
empruntée à la méthode « Réflecto » de Gagné (1999). Les analogies exploitées
au cours des Ateliers font partie du répertoire des enfants (métiers et professions) et facilitent l’établissement de liens conceptuels ou le transfert des
connaissances d’un domaine à l’autre (des métiers aux fonctions cognitives).
Notre programme d’intervention utilise les métaphores suivantes : Le détective
( attention sélective) ; Le bibl i o t h é c a i re ( m é t a m é m o i re et strat é gi e s
d’encodage) ; L’explorateur (flexibilité cognitive et créativité) ; L’architecte
(planification) ; Le menuisier (réalisation d’un plan) ; Le contrôleur (inhibition).
La présentation et l’exploration de chacun des thèmes sont complétées par des
exercices variés destinés à l’acquisition d’outils de gestion mentale adéquats de
même qu’à l’établissement de liens concrets entre les fonctions étudiées, les
comportements et les mécanismes d’apprentissage et d’interaction sociale (voir
des exemples d’activités en annexe A).
Afin de soutenir le cheminement des participants de manière efficace, les
intervenants utilisent bien sûr les métaphores, reconnues pour leur pouvoir
explicatif et leur participation au développement des schémas cognitifs (Lakoff
& Johnson 1985), mais également : (a) des techniques de renforcement positif
incluant : la rétroaction, l’encouragement des pairs, les récompenses (McGlynn,
1990 ; Scheres et al., 2001 ; Strayhorn, 2002) ; (b) des méthodes d’enseignement par modelage (Douglas et al., 1976) ; (c) des stratégies d’auto-instructions
(Meichenbaum & Goodman, 1971 ; McGlynn, 1990) et (d) différents outils de
mesure tels que les feuilles de route individuelle, les échelles d’auto-évaluation
(voir un exemple en annexe B), les diagrammes, etc.
La troisième et dernière partie du plan est, pour sa part, dédiée à la généralisation des habiletés acquises au cours du programme d’intervention dans des
contextes beaucoup plus larges et moins structurés. Un module d’exploration
des aptitudes sociales, au cours duquel les enfants sont invités à analyser et à
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résoudre diverses situations sociales illustrées à l’aide de récits (Zentall et al.,
2001), de mises en scène ou de simulations, sert d’entraînement au transfert des
compétences cognitives et métacognitives dans le domaine des relations interpersonnelles. Les participants doivent par la suite réaliser un projet collectif
(création de maquette, de jeux...) témoignant de leur expérience aux Ateliers.
Cet exercice multidimensionnel possède, à notre avis, une certaine validité écologique puisqu’il présente plusieurs similitudes avec les activités scolaires courantes, de plus en plus axées sur le travail d’équipe, la synthèse et le transfert
des compétences.
La volonté d’établir un climat favorable à la participation active des
enfants au processus thérapeutique a présidé au choix de la configuration des
Ateliers. Afin de répondre à cette condition préalable, les activités se déroulent
essentiellement sur un mode ludique de manière à solliciter l’intérêt et la coopération des participants. Les discussions de groupe et la réflexion viennent toutefois compléter chaque module afin de permettre aux participants d’établir des
liens concrets entre le contenu des ateliers et leurs activités de la vie quotidienne
(comportements sociaux, rendement scolaire...). Outre l’aspect d’apprentissage
par le jeu, nous accordons une certaine importance aux notions de compétition
et de travail d’équipe. Cette perspective a été adoptée afin de favoriser la motivation, l’émulation et le transfert des compétences sur le plan des relations interpersonnelles (Douglas et al.,1976). Chaque enfant est donc assigné à l’un ou
l’autre des deux groupes qui s’affrontent tout au long du plan d’intervention et
la performance individuelle de chaque participant contribue à la progression de
son équipe.
♦ Le rôle des parents
Le succès de l’entreprise, mesuré par la généralisation et le maintien des
apprentissages, dépend également de la contribution des parents à l’ensemble du
processus. Deux facteurs principaux déterminent la qualité du soutien parental.
Notons, dans un premier temps, l’importance d’une prise de conscience du problème et de ses solutions s’articulant autour de la compréhension : (1) des
caractéristiques du TDA (prévalence, étiologie, profil des comportements et des
styles d’apprentissage...) ; (2) des mécanismes cognitifs sous-jacents et (3), des
enjeux du programme d’intervention proposé. À cet égard, les parents ont accès
à diverses sources d’information (questionnaires, documents écrits, exposé,
communiqués hebdomadaires, résumé d’évolution...) et peuvent, s’ils le désirent, observer le déroulement des Ateliers en direct. Le second facteur concerne
plus directement leur propre niveau d’engagement et d’implication au projet. Il
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s’avère en effet primordial que les parents se portent garants de l’assiduité des
enfants, tout comme ils doivent assurer la cohérence et la continuité de la
démarche d’intervention dans le contexte de la vie quotidienne. Afin de les aider
à remplir ces tâches, nous avons développé un programme de maintien des
apprentissages comprenant une série d’exercices simples destinés à l’entraînement des habiletés explorées lors des Ateliers ainsi qu’une liste de suggestions
éducatives (voir annexe C).
♦ Retombées prévues
Cette recherche représente une occasion d’évaluer de façon optimale l’efficacité d’un programme d’intervention métacognitive auprès d’enfants répondant aux critères diagnostiques du TDA+H et TDA-H. À notre connaissance, il
n’existe pas d’études portant sur le traitement métacognitif de ces deux sousgroupes cliniques. L’obtention d’un taux de succès significatif permettra (1) de
valider, du moins partiellement, les principes et les techniques de réorganisation
fonctionnelle selon un processus « top-down » avec les enfants TDA et ultimement, (2) d’offrir à la population générale un traitement écologique et accessible
en termes de coûts et de temps. Une telle démarche d’intervention pourrait, à
notre avis, servir de solution de remplacement acceptable aux thérapies courantes (médicale-comportementale) ou, à tout le moins, s’inscrire dans le cadre
d’une approche multidimensionnelle. D’autre part, dans le cas où notre hypothèse de recherche concernant l’équivalence des bénéfices chez les participants
(TDA+H et TDA-H) serait vérifiée, les résultats de cette étude apporteraient un
élément de plus en faveur de la thèse de déficits communs, possiblement de
nature exécutive, aux deux profils cliniques du TDA.
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ANNEXE A : Exemple d’activité présentée aux enfants : à la suite d’une présentation imagée de la localisation des lobes cérébraux et des différentes fonctions dont ils sont responsables, les enfants sont invités à relier les fonctions représentées par des schémas au lobe
principalement concerné
ANNEXE B : Auto-évaluation. A chacune des rencontres, les enfants doivent situer sur un
thermomètre, la perception qu’ils ont de leur humeur, de leur habileté lors de différentes
épreuves, de l’effort fourni, du niveau de chance impliqué dans leurs performances, du
niveau de difficulté des activités, de même que de leur intérêt
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ANNEXE C
Exercice de visualisation
Préparation :
1 - Présenter des illustrations (montgolfières, campagne, images
aériennes...) aux enfants de manière à favoriser l’élaboration de
représentations mentales imagées;
2 - Expliquer aux enfants qu’ils doivent fermer les yeux et avoir le
dos droit (ils peuvent également être étendus) afin de bien respirer et de maximiser l’oxygénation du cerveau. Plus le cerveau
est oxygéné plus les images mentales seront précises;
3 - Tamiser l’éclairage, adapter la température de la pièce, laisser
aux enfants le temps de se détendre et de se préparer mentalement.
4 - Lire le texte « Un voyage en montgolfière » lentement en faisant des pauses de 5 à 10 secondes afin de donner le temps aux
enfants de construire leurs images mentales et en insistant sur
les passages en italique.
Un voyage en montgolfière
Aujourd’hui tu vas faire un voyage en montgolfière. En te servant de ton imagination, tu vas créer des images, des sons, des sensations...
Pour mieux te préparer à ce voyage ferme les yeux et prends
une grande respiration lente, profonde et silencieuse. (Pause) Une
deuxième... une troisième...
Observe comme tu es calme, comme tu es attentif à ce qui se passe
maintenant à l’intérieur de toi. (Pause)
Regarde sur ton écran intérieur, imagine un champ tout vert
entouré de collines au centre duquel se trouve une montgolfière. Observe
la forme et les couleurs du ballon, les nuages, les personnes qui sont là.
(Pause)
Écoute les gens autour de toi, le bruit de la flamme qui gonfle le
ballon. Tu t’installes dans le panier et tu sens la chaleur de la flamme sur
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ta peau. Tu n’as pas peur et tu as hâte de t’envoler. Peux-tu sentir les
papillons dans ton estomac? (Pause)
Le bruit de la flamme augmente, c’est le décollage ! Le ballon
monte lentement dans les airs comme un ascenseur qui n’arrêterait pas.
Tu regardes le sol et les gens s’éloigner de toi, quelles sensations
éprouves-tu? (Pause)
Le ballon est maintenant très haut dans le ciel et le pilote coupe les
gaz. Tout devient silencieux et calme. Les gens et les arbres sont minuscules, tu entends le vent qui siffle dans tes oreilles, tu flottes dans le paysage. (Pause)
Maintenant tu te laisses bercer par le mouvement du ballon en
toute sécurité. Tu regardes le ballon et les nuages au dessus de ta tête
puis tu découvres le monde sous tes pieds. Que vois-tu? (Pause)
Le tour de ballon achève, tu reconnais l’endroit du départ. Le ballon atterrit lentement comme un ascenseur qui descend. Tu vois les gens
en bas de plus en plus clairement, ils te font des signes de la main. Le
panier touche le sol et tu ressens la pesanteur. (Pause)
Doucement tu sors du panier et tu marches sur la terre ferme.
Quelle étrange sensation ! Tu réalises ta chance d’avoir fait un si beau
voyage et tu regardes une dernière fois le ballon, le ciel et les collines.
(Pause)
Quels sont tes sentiments ? Comment te sens-tu ? Es-tu bien ?
(Pause)
C’est le moment de revenir, je vais compter jusqu’à cinq et à cinq,
tu ouvriras les yeux. Si tu veux, tu peux t’étirer comme un chat. (Pause)
Fin de l’exercice
5 - Demander aux enfants de raconter leur voyage, de décrire ou de
dessiner ce qu’ils ont vu, entendu et ressenti (sensations physiques et émotions).
6 - Rappeler aux enfants que les exercices de visualisation stimulent les idées et peuvent être utiles dans un contexte de production écrite.
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Comment aider mon enfant qui présente un déficit d’attention
avec (ou sans) hyperactivite (TDAH) ?
Voici une liste de recommandations que nous vous proposons
• Dispenser encouragements et félicitations. Offrir une rétroaction et un
renforcement immédiat devant les petites réalisations de mon enfant.
Prévoir un retrait de privilège automatique et immédiat quand les règles
sont transgressées.
• Clarifier et réduire à l’essentiel les règles de bienséances à la maison.
Rester constant dans les consignes et les mesures disciplinaires. Prévoir
une conséquence positive ou négative associée au respect ou non des
règles.
• I m aginer un système simple et concret de récompenses (jetons,
étampes…) et en varier souvent la forme.
• Fixer des balises claires à mon enfant (éviter les « Ne rentre pas trop
tard, ne va pas trop loin »). Dire précisément ce qu’on attend de lui.
• Déterminer les points forts de mon enfant et ses champs d'intérêt particulier (ses passe-temps) et les exploiter (en général, les enfants qui ont
un TDAH sont extrêmement créateurs).
• Augmenter les occasions de valorisation ; limiter le nombre d’objectifs
à atteindre et les augmenter graduellement pour que le défi soit réaliste.
Mettre l’emphase sur ce qu’il réussit. Créer de l’importance à l’activité
qu’il réalise en invitant toute la famille élargie à assister à l’une de ses
performances.
• Établir une routine et afficher la séquence des activités ou des tâches
quotidiennes prévues à l’aide d’illustrations drôles pour attirer son
attention ; modifier les illustrations quand le respect de la routine diminue. Afficher le calendrier des activités scolaires quotidiennes pour le
préparer d'avance si des changements sont envisagés.
• Habituer mon enfant à écrire une liste des tâches qu’il doit accomplir et
qu’il peut biffer à mesure de leur exécution.
• Fragmenter les tâches (2 fois 5 problèmes sont beaucoup plus faciles à
faire que 10 problèmes).
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• Formuler des consignes claires et simples. Éviter de multiplier les
demandes. Ne donner qu’une consigne à la fois. S’assurer de lui parler
directement dans les yeux.
• Aider mon enfant à s’organiser. Ne pas le juger sur ce que vous croyez
qu’il devrait être en mesure de faire à son âge. Se servir d'un chronomètre pour aider mon enfant à structurer son temps.
• Revoir avec lui chaque soir au coucher (à établir dans la routine) ses
points de fierté et ses moments de déception de lui-même ; en profiter
pour discuter des efforts qu’il fournit. Aider mon enfant à corriger ses
erreurs en cherchant avec lui des stratégies pour éviter la récidive.
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Trouble Déficit de l’Attention/Hyperactivité
et rééducation psychomotrice :
présentation d’un cas
Régis Soppelsa, Jean-Michel Albaret
Résumé
La rééducation psychomotrice d’un enfant agité et distrait, c’est-à-dire présentant un
Trouble Déficit de l’Attention/Hyperactivité (TDAH), s’inscrit dans une approche plurimodale.
Une telle approche associe une gestion structurée de la séance et l’utilisation de différentes
techniques comprenant les programmes d’auto-instruction, l’apprentissage par modèle et la
régulation de l’impulsivité. Ces différents éléments sont illustrés au travers de la rééducation psychomotrice de Michel âgé de 8 ans 6 mois.
Mots clés : hyperactivité, thérapie, auto-instruction, apprentissage par modèle.
Attention Deficit/Hyperactivity Disorder and psychomotor therapy :
a case example
Abstract
Psychomotor therapy of restless and inattentive children, i.e. those presenting an Attention
Deficit/Hyperactivity Disorder (ADHD), requires a multidisciplinary approach. This type of
approach combines structured management of the therapeutic session and the use of
various treatment strategies including self-instruction programs, learning through modeling
and regulation of impulsiveness. These various treatment modalities are illustrated through
the presentation of the therapeutic course of Michel, an 8 and 1/2 year old child.
Key Words : hyperactivity, therapy, self-instruction program, learning through modeling
Rééducation Orthophonique - N° 214 - Juin 2003
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Régis SOPPELSA, a
Psychomotricien
Jean-Michel ALBARET a, b
Maître de conférences
L
a rééducation psychomotrice d’un enfant agité et distrait, c’est-à-dire
présentant un Trouble Déficit de l’Attention/Hyperactivité (TDAH),
s’inscrit dans une approche plurimodale qui fait aujourd’hui l’unanimité,
même si elle est, pour des raisons à la fois idéologiques et institutionnelles,
encore difficile à mettre en œuvre dans un grand nombre de cas (Barkley et al.,
2001 ; Bouvard et al., 2002 ; Corraze & Albaret, 1996 ; Farmer et al., 2002 ;
Hinshaw et al., 1998 ; Jensen, 2000 ; Paule et al., 2000 ; Ralph et al., 2001 ;
The MTA Cooperative Group1999). Notre approche s’articule autour de différentes options théoriques. Le choix de celle-ci s’appuie, d’une part, sur les données de la littérature et, d’autre part, sur les éléments fournis par la clinique.
C’est ainsi que la gestion de la séance emprunte nombre d’éléments à la psychologie comportementale, le choix des techniques utilisées renvoie plutôt à la psychologie cognitive et aux modèles proposés dans les thérapies cognitives, mais
également à la neuropsychologie du développement et principalement au
modèle de Barkley (1997a, 1997b, 1997c, 1998, 1999).
♦ Présentation de Michel
Introduction
Voici le travail effectué sur un enfant de 8 ans, scolarisé en CE1 et souffrant d’un syndrome déficitaire de l’attention de type hyperactif-impulsif prédominant (DSM-IV-TR).
Michel est un enfant intelligent (QI Global de 123 mesuré au WISC-III,
sans différence significative entre le QI Verbal et le QI Performance), qui présente des difficultés scolaires importantes. Elles sont de deux ordres :
a Institut de Formation en Psychomotricité, Faculté de Médecine, 133 route de Narbonne, 31062 Toulouse
cedex.
b Laboratoire Adaptation Perceptivo-Motrice et Apprentissage, Université Paul Sabatier.
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• Des difficultés d’apprentissage : Michel réussit bien à l’oral mais se
trouve incapable de produire un travail écrit.
• Des difficultés comportementales : il est incapable d’attendre son tour
pour prendre la parole, il a parfois une instabilité motrice durant la
classe, il ne finit pas les tâches qui lui sont demandées, il fait parfois
tout autre chose que le travail prévu.
Michel est un garçon attachant mais, aux dires des enseignants, ingérable.
Les parents trouvent que leur enfant bouge beaucoup mais, comme c’est
leur unique enfant, ils n’ont pas la perception que son instabilité soit très différente de ce qu’elle est chez un garçon de cet âge.
Il n’est pas noté, ni par la famille, ni par l’école, de comportement délictueux ou de propension à la bagarre.
Bilan psychomoteur
Michel est un garçon de 8 ans 6 mois lors de notre première rencontre. Il
se présente comme un enfant attentif qui se prête aux contraintes du bilan. Les
différentes activités proposées sont effectuées rapidement mais sans qu’il quitte
sa chaise. A l’interrogatoire, quand on lui demande ce qu’il aime faire comme
sport, il dit qu’il pratique un sport de combat et il enchaîne immédiatement sur
une démonstration de ce qu’il sait déjà faire. On note qu’il demande souvent si
l’examen est bientôt fini.
Aux tests, on observe les éléments suivants :
Latéralité
L’écriture est effectuée avec la main droite, tout comme l’ensemble des
praxies usuelles.
Tests moteurs
A l’échelle de développement psychomoteur de Lincoln-Oseretsky,
(Rogé, 1984), le score global est de 81pts soit - 0.6 écart type, ce qui est dans la
norme. Les pourcentages de réussite par facteur sont les suivants :
FI (contrôle précision) – 75 %
FII (coordinations globales) – 71 %
FIII (mouvements simultanés des mains et pieds) – 33 %
FIV (vitesse de mouvement des poignets et des doigts) – 71 %
F V (équilibre) – 25 %
FVIII (motricité manuelle primitive) – 100 %
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Evaluation de l’écriture
La posture d’écriture est basse avec une prise de crayon tripodique à
index en hyperflexion, ce qui est anormal. L’écriture est lente (22 lettres par
minute).
Le score à l’échelle rapide d’évaluation de l’écriture (BHK – Charles et
al., à paraître) est de 25 (soit - 1.5 écart type), ce qui est en faveur d’une suspicion de dysgraphie. Michel a de la difficulté et commence à soupirer dès la fin
des premiers mots. L’écriture est petite pour l’âge. L’enfant à du mal à tenir sa
ligne. Bien qu’il affirme ne pas avoir mal à la main quand il écrit, il existe une
suspicion d’ébauche de crampe.
Tests visuo-constructifs et spatiaux
Figure de Rey (1959)
Michel obtient un score de 29 points ce qui correspond à la moyenne des
enfants de sa classe d'âge.
La reproduction de mémoire donne un score de 11 points, soit - 1.5 écart
type.
Connaissance droite-gauche (Piaget-Head, in Zazzo, 1979)
Michel connaît sa droite sur lui, sur autrui, mais sur les objets, les notions
sont encore instables ce qui est habituel à cet âge.
Praxies gestuelles
Imitation de gestes (Bergès-Lézine, 1972)
Michel fait une seule erreur pour les gestes complexes, due à un manque
d’attention et non à une impossibilité de construction.
Tests attentionnels et impulsivité
Test de Stroop (Albaret & Migliore, 1999)
Michel est lent à la lecture des mots, montrant une intégration des mécanismes de lecture peu stabilisée. La condition d’interférence fait apparaître de
nombreuses erreurs : 13 erreurs pour 19 mots lus, ce qui indique que l’enfant ne
peut inhiber ses réponses malgré la consigne.
Test des labyrinthes (Porteus, 1951)
Michel obtient une note-âge de 10 ans. Par contre, la note Q (score d’erreurs) est de 52 ce qui est significatif d’une instabilité motrice importante et
d’une impulsivité.
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Test d'appariement d'images (Marquet-Doléac et al., 1999)
Le test est impossible à faire passer, Michel ne peut extraire aucune information des planches qui lui sont proposées.
Fonctions exécutives
Tour de Londres
Michel obtient un score de 27 points, soit - 1.2 écart type avec la cotation
de Krikorian et al. (1994 - cet étalonnage tient compte du nombre d’erreurs
commises pour arriver au résultat) et un score de 76 points soit + 0.6 écart type
avec la cotation d’Anderson et al. (1996 – cet étalonnage tient compte de la
rapidité avec laquelle l’enfant résout le problème). Lors des premiers problèmes, soit la réussite est immédiate avec une résolution dans un temps inférieur à 5 secondes, soit il se coince et passe alors beaucoup de temps à observer
le matériel sans que cela lui serve.
Questionnaires
Questionnaire de Conners pour les parents
Le score global est en faveur d’un trouble déficit de l’attention/hyperactivité (2.0) et se retrouve essentiellement dans les facteurs hyperactivité-impulsivité (2.5) et troubles des apprentissages (1.8). Les autres facteurs ne sont pas
significatifs, à savoir anxiété (0.5), troubles des conduites (0.6) et signes psychosomatiques (0).
Conclusion
Michel souffre d’un trouble déficit de l’attention/hyperactivité de type
impulsivité-hyperactivité prédominant (TDA/H+). La difficulté n’est pas présente tout le temps mais s’actualise principalement dans les situations où des
capacités d’organisation sont requises, ce qui constitue une difficulté fréquente
chez les enfants TDA/H (Douglas, 1983). Les tests plus directement liés à l’impulsivité mettent bien en évidence cette composante qui se traduit par un non
respect des consignes ou une incapacité à inhiber des réponses incorrectes (test
d’appariement d’images, labyrinthes). Différentes observations vont dans le
sens d’une incapacité à pouvoir utiliser et bénéficier des informations présentes
dans l’environnement, élément qui va dans le sens de ce que Barkley (1997)
signale comme étant une perturbation de la mémoire de travail, à savoir l’intrusion d’une information non pertinente qui détourne le sujet de la tâche principale ou encore le maintien d’un matériel qui n’est plus pertinent pouvant aller
jusqu’à des persévérations.
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Des difficultés dans les coordinations motrices sont retrouvées dans certaines situations (facteur F III du LOMDS, écriture), déficits signalés par différents auteurs (Harvey & Reid, 1997 ; Kadesjö & Gillberg, 2001).
♦ Prise en charge de Michel
Une prise en charge psychomotrice a été mise en place afin de réduire
l’impulsivité et l’hyperactivité de Michel. Les parents ont refusé la prise en
charge médicamenteuse. La première séance de psychomotricité ressemble à un
combat, Michel refuse les activités qui lui sont proposées, il se met en danger, et
jette les objets au sol. Le discours reste dans la norme, Michel s’excuse à chaque
fois qu’il fait quelque chose d’interdit. Néanmoins, on sent bien que cette contrition n’est que de surface. Devant cet ouragan peu prévisible au regard des résultats du bilan, le psychomotricien arrête prématurément la séance.
Aménagement de la séance
Gestion de la séance
Il est alors décidé d’utiliser une technique de gestion de la séance associée à des procédures plus spécifiques qui tendent à agir sur les incompétences
propres à la pathologie.
Un des problèmes que pose le TDA/H à cet âge est le fait que l’enfant
passe d’une activité à une autre sans jamais finir ce qu’il a entrepris : il fait autre
chose que ce qui était prévu et il persiste moins dans les tâches ennuyeuses
telles que les tâches d’attention soutenue (Barkley & Ullman, 1975). Il néglige
de plus, la plupart du temps, les résultats de ses actions. Dans un premier temps,
un nombre très important d’activités attractives courtes et aux règles simples est
proposé à Michel 1. L’objectif poursuivi est de maintenir l’attention de l’enfant,
on négligera le résultat au profit du temps d’attention. Le psychomotricien se
concentre sur les signes avant-coureurs d’un décrochage attentionnel (regards
qui se fixent de moins en moins sur la tâche, agitation sans but, questions inopportunes) et s’apprête à changer d’activité. Il passe alors à l’activité suivante et
ainsi de suite. Il faut prévoir en moyenne une bonne vingtaine d’activités pour
40 minutes de séance (cf. tableau 1).
1 Il est important de programmer les activités avant de commencer la séance, c’est-à-dire non seulement ce
que l’on va proposer mais aussi où on va le faire et avec quel matériel, celui-ci devant être dissimulé afin que
l’enfant ne soit pas attiré avant qu’on ne l’ait décidé. On notera que c’est au cours des périodes entre deux
activités que l’enfant hyperactif « décroche » le plus facilement. Il a de plus du mal à revenir sur la tâche
(Schachar et al., 1988).
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Activités proposées
Temps (mn)
Semaine 1 Semaine 2 Semaine 3 Semaine 4
Entrée, présentation.
2
2
2
2
Jeux de Memory™
3
4
10
--
Puzzle 6 pièces
3
8
10
--
Dessin
--
6
--
6
Construction de cubes
1
2
--
6
Lettres magnétiques
1
1
7
6
Parcours d’équilibre
2
--
--
10
Saut à la corde
2
--
5
--
Saut trampoline
--
1
5
--
Chercher un objet dans la pièce
5
5
--
--
Monter sur l’espalier
1
1
3
--
Glisser sur le banc
1
1
3
--
Tennis
4
4
--
10
Foot en salle
3
4
--
--
Jeux de quille
7
--
--
--
Salutation sortie
10
8
3
5
Total temps séance (mn)
45
47
48
48
Tableau 1 : Répartition du temps consacré à chaque activité
sur les quatre premières séances
Au fil des séances, on note le temps durant lequel l’enfant reste concentré
faisant ainsi apparaître une courbe d’évolution du maintien de l’attention (cf.
figure 1).
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Figure 1 : Evolution du nombre d’activités et du temps de concentration
Technique 4 mains
Durant la séance, une deuxième personne effectue un relevé des comportements du rééducateur, notant les taux de renforcement et les techniques comportementales qu’il applique durant la séance. La diminution de ceux-ci (exception
faite des renforcements sociaux) indique une amélioration du comportement de
l’enfant (cf. tableau 2).
Semaine 1 Semaine 2 Semaine 3 Semaine 4
Renforcements sociaux
122
100
144
123
Renforcements primaires
3
0
0
0
Retrait d’attention
17
8
3
3
Stop en go
13
2
2
0
Time-out
0
0
0
0
Tableau 2 : Relevé des renforcements et techniques appliqués au cours des séances
Couverture vocale
Le taux de renforcements positifs est important et continu, on connaît
l’insensibilité relative des TDHA aux renforçateurs (Hersher, 1985).
Il est parfois nécessaire d’utiliser une couverture vocale pour maintenir
l’enfant sur l’activité proposée. Cette opération consiste à « noyer » l’enfant
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sous un flot de paroles comportant des informations sur la tâche à accomplir,
des renforcements sociaux, des incitations au maintien de l’attention, des informations sur les procédures opérationnelles de recherche, des chansons, des onomatopées… L’objectif est de remplacer, pour un temps, le contrôle qu’effectue
l’enfant sur son comportement par celui de l’adulte, en utilisant l’effet guidant
du langage. Cette façon de faire permet à l’enfant de maintenir son activité pendant un temps assez long. Elle a un effet limité dans le temps et s’arrête dès que
l’on se tait. Elle ne permet pas à l’enfant d’expérimenter un véritable autocontrôle.
Palabre
Au bout de 4 séances, le nombre d’activités s’est régulé et il devient possible de proposer à Michel de décider, en partie, ce qui va se produire durant le
temps de prise en charge. En début de séance et avant toute activité, un laps de
temps est consacré à une discussion sur le contenu de la séance. Celle-ci est
donc le résultat d’un accord ou d’un compromis. Il y a différents avantages à
cela. D’abord, si l’enfant présente une opposition à un jeu durant la séance il est
plus aisé de lui rappeler qu’il a été à la base du choix des activités. De plus, une
des difficultés propre au TDA/H est l’inhabileté à la négociation, cette technique
permet ainsi un entraînement in vivo. Quand un accord est trouvé, on affiche le
programme sous forme de pictogrammes compréhensibles par l’enfant, afin
qu’à chaque fin d’activité il puisse déterminer ce qui est fait, ce qui reste à faire
et le moment où la séance s’achèvera. La connaissance de ce que l’on fait et le
caractère prédictible des événements à venir sont des renforçateurs puissants.
Michel réagit particulièrement bien à la négociation, qui permet, par
exemple, de réduire le temps de fin de séance durant lequel il lui était difficile
de sortir de la pièce ce qui entraînait des difficultés relationnelles avec le rééducateur.
Apprentissage des systèmes d’auto-contrôle
Entraînement à l’internalisation de l’auto-instruction
L’auto-instruction est l’utilisation de phrases auto-appliquées qui fournissent une stratégie de penser ou un guide procédural dans la résolution de problème. L'apprentissage par auto-instruction est un apprentissage cognitif, directif qui propose une explicitation verbale des stratégies à utiliser pour mener à
bien une tâche.
Il se déroule classiquement en 5 phases :
• L'adulte exécute une tâche en se parlant à lui-même à voix haute. L'en-
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fant observe et écoute. Par exemple : « Je prends la balle rouge dans la
caisse, je marche jusqu'au cerceau, je pose la balle à l'intérieur du cerceau ».
• Le sujet exécute la tâche sous la direction de l'adulte dont les commentaires accompagnent l'action.
• Le sujet exécute seul la tâche et se parle à voix haute.
• Le sujet refait la même chose mais cette fois à voix chuchotée.
• En dernier lieu, l'enfant utilise le langage mental et ne montre aucun
signe externe de verbalisation.
Les enfants TDA/H présentent une utilisation parfois inefficace de l’autoinstruction ou du soliloque et surtout un retard important dans son internalisation entre les âges de 3 et 5 ans (Berk & Potts, 1991 ; Winsler et al., 2000).
Apprentissage par modèle
Le thérapeute fait une activité motrice, cognitive ou sociale, en verbalisant les différentes étapes nécessaires assorties de phrases métacognitives sur la
façon de faire. L’enfant l’observe et apprend ainsi les procédures, cet apprentissage est d’autant plus efficace que le modèle le fait de façon imparfaite (Kazdin
1974 ; Meichenbaum & Goodman, 1971).
On propose à Michel de remettre en ordre des séries d’images afin de
produire une histoire cohérente, les histoires sont proposées de la plus simple à
la plus complexe. On explique également à l’enfant qu’il doit utiliser à voix
haute les phrases de contrôle suivantes :
« - Je ne touche à rien, je regarde les images.
- Qu’elle est celle qui doit commencer l’histoire ?
- Quand je l’ai trouvée et seulement quand je l’ai trouvée, je la prends.
- Maintenant, je vais chercher celle qui finit l’histoire quand je l’ai trouvée et seulement quand je l’ai trouvée je la prends.
- Maintenant je vais m’occuper des images du milieu.
- J’ai fait du bon travail, je peux être fier de ce que j’ai fait. »
Les phrases de contrôle sont dites par le psychomotricien pendant qu’il
fait l’action. Elles sont ensuite apprises par Michel et utilisées par lui pendant
qu’il fait une résolution.
Cette technique pose de gros problèmes à Michel qui refuse de dire les
phrases de contrôle. Au fur et à mesure, la technique de résolution s’améliore
néanmoins mais comme notre objectif est qu’il prenne l’habitude d’utiliser de
façon habituelle la technique d’auto-contrôle verbal, une étape motrice est ajoutée. Certains enfants utilisent naturellement des gestes lorsqu’ils veulent s’inter-
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dire de produire un comportement : ils croisent les bras, se prennent les mains
dans le dos ou détournent la tête. Ce type d’inhibiteur du comportement est utilisé avec Michel puis associé à la parole. Il lui est donc demandé d’effectuer une
tâche motrice (détacher des petits cerceaux disséminés dans la pièce) et de s’arrêter au signal en croisant les bras. Cette activité est bien acceptée, l’enfant y
arrive bien et l’augmentation de la complexité, l’amuse. L’association avec la
parole se fait par changement de rôle. L’entraînement se poursuit pendant 3
semaines sur des tâches variées mais toujours motrices.
L’exercice de départ (l’organisation de petites histoires en image) est à
nouveau proposé : Michel n’utilise toujours pas le langage, mais on voit qu’il se
bloque les mains et que le temps d’observation est considér ablement augmenté.
Quand on lui demande comment il fait, Michel dit qu’il parle dans sa tête. L’objectif semble atteint. D’autres tâches cognitives sont proposées pour augmenter
la généralisation ; les étapes de résolution sont discutées avant d’agir, Michel
propose lui même des phrases de contrôle. Il reste cependant difficile de savoir
s’il les utilise vraiment, même si les tâches sont réalisées de façon plus réfléchie. On note par ailleurs que l’évitement phobique de cet enfant sur les tâches
scolaires diminue un peu.
Gestion des aptitudes inhibitrices
La troisième phase de traitement a eu pour objectif de réguler l’impulsivité de l’enfant en lui proposant de s’entraîner à inhiber un comportement et à
différer la réponse. Le premier jeu qui est proposé à Michel est de faire le
contraire de ce que le rééducateur demande. Dans une première phase, on lui
demande de faire le contraire de ce qu’on lui dira quand le jeu aura débuté.
Cette précision donnée, on lui propose de faire des actions où le comportement
opposé est possible. Le rééducateur module ses demandes d’une neutralité
informatique à l’ordre autoritaire et péremptoire. Michel trouve le jeu particulièrement amusant même si ses résultats sont mauvais. Il se rend compte qu’il ne
peut s’empêcher de répondre immédiatement à l’injonction faite. On lui propose
alors de répéter intérieurement la phrase de contrôle suivante « si on me dit :
« fais cela » (l’enfant cite l’action qui lui a été intimée), alors je vais faire le
contraire c’est-à-dire (l’enfant cite l’action inverse) ». Michel intègre très vite
cette technique qui lui permet de résister à l’envie d’agir immédiatement. Ces
exercices sont poursuivis durant 4 semaines en association avec des activités où
l’enfant doit exécuter un parcours moteur mémorisé tout en répondant à des
questions scolaires. L’objectif est de se souvenir des différentes parties du parcours, les questions faisant office de distracteurs. Il doit aussi exécuter un parcours en effectuant des rythmes avec un tambourin. L’action est subordonnée à
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l’émission de deux signaux sonores dans une production aléatoire de 6 signaux
différents.
Sur cette période on propose, en parallèle, à Michel de gérer les renforcements primaires qui lui sont attribués. Il lui est proposé une économie de
jetons où il a la possibilité soit d’acquérir grâce à son comportement de petits
objets (une bille, une carte), soit des minutes pour réaliser une activité plaisante. L’acquisition de ces bénéfices se fait au moyen de jetons accumulés
durant la séance. Il peut aussi économiser ceux-ci afin d’obtenir des jouets
plus importants au bout de plusieurs semaines de travail (boulard, toupie,
yoyo). Durant une première période de cinq semaines, Michel préfère échanger les jetons acquis avec des activités plaisantes qu’il pratique à la fin de la
séance.
♦ Evaluation de fin de prise en charge
Cette nouvelle évaluation en fin de la prise en charge comprend deux
phases :
• une évaluation chiffrée qui reprend les tests proposés lors de la première
rencontre ;
• des recherches d’information auprès du milieu comprenant des discussions avec la famille, l’école et le dépouillement de questionnaires déjà
proposés au début de notre rencontre.
Bilan psychomoteur
Michel n’est pas très satisfait de devoir repasser les tests normalisés. Il se
prête néanmoins avec facilité à la contrainte, beaucoup plus inquiet de ses résultats que la première fois. Il demande à comparer ses performances avec celles
de sa première prestation. Il fait des commentaires et exprime une joie un peu
excessive quand l’amélioration est visible.
Il est alors âgé de 9 ans 1 mois.
Tests moteurs
A l’échelle de développement psychomoteur de Lincoln-Oseretsky,
(Rogé, 1984), le score global est de 92 points, soit + 0.2 écart-type, ce qui est
toujours dans la norme. Les pourcentages de réussite par facteur sont les suivants :
FI (contrôle précision) – 87 %
FII (coordinations globales) – 71 %
FIII (mouvements simultanés des mains et pieds) – 66%
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FIV (vitesse de mouvement des poignets et des doigts) – 71 %
F V (équilibre) – 25 %
FVIII (motricité manuelle primitive) – 100 %
Evaluation de l’écriture
La posture n’a pas changé, elle est toujours basse avec une prise tripodique. La vitesse d’écriture est de 34 signes par minute soit - 0.7 écart-type. Le
score à l’échelle rapide d’évaluation de l’écriture (BHK – Charles et al., à
paraître) est de 17 (soit – 1.2 écart type), L’écriture est toujours de mauvaise
qualité, mais Michel écrit plus vite.
Tests visuo-constructifs et spatiaux
Figure de Rey (1959)
Michel obtient un score de 30 points ce qui correspond à la moyenne des
enfants de sa classe d'âge. La reproduction de mémoire donne un score de 15
points, soit - 1.4 écart type.
Le résultat ne satisfait pas Michel qui boude et demande à refaire
l’épreuve pour pouvoir faire mieux. Devant le refus, il y a un moment difficile
où l’enfant refuse de continuer.
Tests attentionnels et impulsivité
Test de Stroop (Albaret & Migliore, 1999)
La vitesse de lecture s’est améliorée et se trouve dans les normes de sa
classe d’âge. Ce résultat est surprenant car aucune prise en charge orthophonique n’a été effectuée durant la période. En condition d’interférence, Michel lit
20 mots, soit - 0.9 écart type. Il fait 2 erreurs. Il trouve que cette épreuve est
vraiment compliquée.
Test des labyrinthes (Porteus, 1951)
Michel obtient une note-âge de 14 ans ce qui correspond à une meilleure
capacité à résoudre les problèmes. Par contre, la note qualitative est de 58, soit
un résultat de plus mauvaise qualité que lors de la première évaluation, cette
absence d’amélioration de la note Q est un phénomène fréquemment rencontré
même lorsque des modifications comportementales sont visibles.
Test d'appariement d'images (Marquet-Doléac et al., 1999)
Contrairement à la première passation, ce test est bien réussi. De plus,
Michel trouve du plaisir à effectuer cette épreuve. La vitesse moyenne de première réponse est de 36 secondes soit - 0.3 écart type. Le nombre de bonnes
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réponses est de 6, soit + 1 écart type. Le nombre d’erreurs est dans la norme de
sa classe d’âge.
Fonctions exécutives
Tour de Londres
Michel obtient un score de 32 points, soit + 0.6 écart type avec la cotation
de Krikorian et al. (1994) et un score de 70 points soit la moyenne avec la cotation d’Anderson et al. (1996).
On voit ici, cliniquement la transformation dans la façon de penser de
Michel, il regarde chaque problème pendant quelques secondes puis il résout
très rapidement la situation.
Quand il fait une erreur, il prend encore un temps avant de relancer une
nouvelle action motrice.
Recueil d’information
Auprès de l’école
L’instituteur trouve qu’il y a une amélioration importante dans le comportement de Michel. Il est maintenant capable de rester assis durant la totalité
d’une période de travail. Il reste très sensible à la provocation des autres enfants.
La récréation est un moment difficile durant lequel Michel se fait souvent
reprendre par les instituteurs et les surveillants.
Les résultats en mathématiques se sont améliorés, par contre les résultats
en français sont toujours insuffisants. L’instituteur trouve qu’il a de l’humour
mais que ses blagues perturbent parfois la classe.
Auprès des parents
L’entretien avec les parents ne donne que peu de résultats ; les parents
ne trouvent pas beaucoup de changements dans le comportement de leur
enfant. Quand on leur fait remarquer que les résultats scolaires se sont améliorés, ils estiment que c’est normal. Quand on leur fait pointer du doigt
qu’ils ont évalué au test de Conners des améliorations, ils sont surpris. Cela
entraîne chez eux une intense réflexion autour de leur frayeur de voir la prise
en charge s’arrêter. Ils pensent que leur fils va mieux mais que cela n’est pas
dû à un progrès intrinsèque mais à une sorte d’osmose entre le rééducateur et
lui.
♦ Conclusion de la prise en charge
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Michel s’est amélioré dans sa façon d’envisager les problèmes, il est plus
réfléchi et il a la croyance qu’il peut, s’il utilise un certain nombre de « trucs »,
résoudre les difficultés qu’il peut rencontrer. Les résultats restent contrastés, les
labyrinthes de Porteus montrent notamment que, dans un certain nombre d’activités où la composante motrice est importante, l’impulsivité émerge à nouveau.
On peut se poser la question du modus opere n d i de ce type de
rééducation : il amène plus une adaptation au trouble qu’il ne le fait disparaître.
Mais le maintien du trouble étant la règle à l’âge adulte, cette stratégie ne paraît
pas dénuée de sens.
L’ajout d’une rééducation portant sur une amélioration des capacités à
extraire l’information (Corraze & Albaret, 1996), aurait peut-être donné de
meilleurs résultats sur ce versant du trouble.
Des résultats non attendus sont également apparus et n’ont pas d’explication immédiate (amélioration de la lecture, de la vitesse d’écriture).
Cette prise en charge à été effectuée sans aide médicamenteuse et on sait
que c’est l’association des deux méthodes thérapeutiques qui donne les meilleurs
résultats. On peut seulement regretter cet état de fait et espérer voir, dans le futur,
la multiplication de prises en charge mixtes qui deviendront la norme.
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Douloureux parcours d’une famille
d’hyperactifs
Marlène Wahl
Résumé
Ceci est le témoignage du parcours douloureux d’une famille dont les deux parents et les
deux enfants présentent un syndrome hyperactivité avec déficit de l’attention. Ce diagnostic
a été longuement ignoré, provoquant angoisse, découragement, difficultés sociales et scolaires, errances dans le traitement, incompréhension, isolement et culpabilité.
Difficultés des parents et des enfants face au regard de la société, mauvaises interprétations des causes des troubles peuvent déstructurer et marginaliser les familles. Des associations de parents permettent l’écoute et le conseil, et donnent un nouvel espoir à ces
parents qui ne se sentent plus seuls.
Mots clés : hyperactivité, troubles attentionnel, association de parents.
The painful life course of a family with hyperactive members
Abstract
This article retraces the painful life course of a family where all members, both parents and
both children, suffered from an attention deficit disorder with hyperactivity. This diagnostic
possibility had been ignored for a long time, contributing to feelings of anxiety and demoralization, school and social problems, erratic treatment approaches, and feelings of lack of
understanding, isolation and guilt.
The problems created by society’s reactions, the erroneous etiological interpretations of the
disorders, may all contribute to marginalizing and disorganizing these families. Within the
framework of Parents Associations, these families may have an opportunity to be listened to
and advised, and to regain a sense of hope while fighting a sense of isolation.
Key Words : hyperactivity, attentional disorders, parents association.
Rééducation Orthophonique - N° 214 - Juin 2003
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Marlène WAHL a
3273 Chemin du Planestel
83136 Méounes Les Montrieux
[email protected]
L
e syndrome de nos enfants hyperactifs provoque l'échec scolaire et d’importantes difficultés d'intégration. Dans notre histoire, comme dans
celles des autres familles qui vivent notre situation, on trouve une culpabilité parentale généralisée, qui occasionne une grande souffrance avec parfois
une marginalisation et précarisation de toute la famille.
Cet isolement et cette culpabilité sont causés autant par l'incompréhension et le jugement moral du regard social, que par ceux des professionnels
nombreux consultés avant le diagnostic qui attribuent les troubles de nos enfants
à un défaut d'éducation, à l'incapacité de poser un cadre et des repères ou à des
difficultés sociales. Le message n'est pas toujours clairement énoncé mais il est
parfaitement reçu et mal vécu.
Nos enfants diagnostiqués, suivis convenablement, quelquefois médicamentés, bénéficiant selon les besoins de mesures d'intégration scolaire prévues
par la loi, avec la coopération des enseignants, voient leurs conditions de vie
s'améliorer de façon considérable. Nous sommes devenus entre temps des
parents acteurs, co-thérapeutes, spécialistes des troubles de nos enfants, considérés comme des partenaires à part entière de la prise en charge, dans une relation de confiance mutuelle avec les nombreux intervenants.
Mon parcours illustre parfaitement le phénomène d'errance diagnostique
auquel de nombreux parents sont confrontés et mon histoire n'est pas un cas particulier, il est fréquent.
Notre premier fils Nicolas était un enfant désiré, notre couple était soudé
et je n'avais pas de référence autre que ce premier enfant pour estimer une
norme comportementale. C'était un enfant épuisant, tout autant qu’adorable, qui
s'endormait difficilement, s'alimentait laborieusement, ne supportait pas le
a Correspondante sur le Var et les Bouches du Rhone de l'Association « HyperSupers - Thada France »
2 sentier de la fontaine 77160 Provins - Tél : 06 19 30 12 10 - [email protected]
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moindre changement d'habitude et faisait de nombreuses colères. Ainsi le passage du biberon aux aliments solides a nécessité plusieurs mois d'adaptation.
Tous les apprentissages étaient laborieux, on ne pouvait pourtant douter de sa
vivacité d'esprit ni de son intelligence. J'avais noté à quelques mois, qu'il détournait les yeux d'un stimulus visuel environ au bout de trois secondes, il était peu
présent dans la relation, car tout l'intéressait et le distrayait. Quand on lui parlait, il détournait les yeux pour s'intéresser à autre chose, c'était frustrant !
Quand Nicolas a eu trois ans, j'ai pensé à l'autisme mais il commençait à parler
et son papa ne voulait pas entendre parler d'un quelconque problème, il était
comme lui à son âge (ce qui était vrai). Nicolas était très affectueux mais bougeait trop pour qu'on le serre contre soi longtemps. Les petits câlins se transformaient en séances de torture car il se tortillait tellement quand on l'avait dans les
bras qu'il faisait mal. Le THADA (trouble hyperactivité avec déficit de l’attention) abîme la relation parent/enfant, elle la parasite.
Son frère Guillaume naquit 16 mois plus tard avec une communication
inter ventriculaire qui nécessiterait, plus tard, une opération à cœur ouvert,
c'était un enfant calme par la force des choses, il s'épuisait vite et devait se reposer beaucoup.
Pour respecter le sommeil de son petit frère qui n'avait pas de trouble de
l'endormissement, nous avons dû rapidement renoncer à des soirées de couple
paisible, l'un de nous devait se coucher avec Nicolas pour arriver à l'endormir,
puis nous le reposions dans son lit, mais jamais il ne dormait avant minuit. Nous
avons tout essayé, même de l'endormir en voiture, cela marchait mais nous
dépensions des fortunes en carburant.
Dans la journée nous ne pouvions le lâcher des yeux une seconde sans
risquer la catastrophe, il touchait tout, grimpait partout, se mettait en danger
constamment, était agressif avec son petit frère mais restait très maladroit.
Quand il se mettait en colère, il se laissait tomber au risque de se fracasser le
crâne et dans les cas extrêmes se tapait la tête contre les murs. Je le suivais à
distance raisonnable prête à intervenir comme un gardien de but surveille le ballon. J'ai plongé bien souvent pour protéger sa tête, cela devenait instinctif. Les
jouets de son âge comme les « légos », ou les cubes à empiler ou à encastrer
étaient souvent jetés avec colère et rapidement inutilisables, les autres jouets
étaient souvent cassés ou démontés, ils ne tenaient pas une heure.
J'avais mis mes enfants à la crèche quand Nicolas avait deux ans. Je fus
convoquée deux ou trois fois, car il était agressif et indiscipliné. Il risquait le
renvoi. J'étais prête à consulter, mais chaque fois la directrice conseillait d'attendre un peu, c'était une professionnelle, j'ai suivi son avis.
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J'avais repris mon activité professionnelle. Nicolas avait cinq ans quand
son père fut déclaré inapte au travail et mis en invalidité, nous avons dû cesser
l'activité de notre entreprise. Guillaume avait été opéré et c'était une véritable
réussite, il pouvait à présent courir sans s'essouffler et était à peu près devenu
aussi hyperactif que son frère, mais n'avait pas des troubles du comportement
aussi importants, était mieux intégré à la crèche et plus tard à l'école et, malgré
seize mois de moins, se montrait en avance sur son frère dans beaucoup de
domaines. Quand les deux enfants étaient ensemble dans le milieu familial, ils
étaient complètement déchaînés et notre famille devait offrir une bien curieuse
image.
C'est à ce moment-là que nous fûmes signalés anonymement à la DASS
pour mauvais traitements.
Ce signalement fut pour notre famille un véritable traumatisme, l'équipe
qui nous avait visités était soupçonneuse, ma maison bien que tenue proprement
était, malgré tous mes efforts, en désordre.
Je sais aujourd'hui que j'ai un déficit attentionnel important, de grosses difficultés organisationnelles, que je suis dyslexique et mal latéralisée. Ranger, catégoriser, gérer l'espace d'une maison est pour moi quelque chose de très difficile
que je peux accomplir aujourd'hui sous Ritaline car je soutiens mieux l'effort et
je me décourage moins. J'arrive au bout de mes tâches même quand elles sont
ennuyeuses. La difficulté à me concentrer provoque une fatigue attentionnelle.
Comment aider un enfant qui a les mêmes problèmes, dans ces conditions ?
Mon mari est également hyperactif impulsif et nous avions beaucoup de
mal à nous contrôler au cours de cet entretien tant l'attitude de nos juges nous
était insupportable. Nous lisions notre culpabilité dans les yeux de ces trois personnes et la puéricultrice affirmait d'un ton docte que l'eczéma atypique de
Guillaume était un problème d'hygiène. Rien n'aurait pu la convaincre. Nicolas
avait eu le même eczéma qui avait disparu progressivement vers deux ans et
nous avions adopté le même traitement pour le second, à grand renfort de
crèmes et de savons coûteux non remboursés. Ces gens pensaient, on le voyait
bien, que nos enfants étaient en manque de soins et d'hygiène, alors qu'au
contraire je les changeais deux ou trois fois par jour car les enfants hyperactifs
se salissent beaucoup plus que les autres. Ma maison ressemblait à une blanchisserie même si j’avais renoncé au repassage.
Tout notre temps, toute notre énergie étaient, par la force des choses,
tournés exclusivement vers nos enfants, c'était une question de survie, l'un était
gravement malade tandis que l'autre se mettait en danger constamment. Mais
rien de tout cela n'était visible. Nos efforts, cette attention constante et épuisante
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ne suffisait apparemment pas. Ces gens nous ont fait douter de nous-mêmes. J'ai
pensé un moment que j'étais une mauvaise mère et que je n'étais pas faite pour
avoir des enfants.
Intuitivement, nous savions que cette équipe éducative était convaincue
de notre incapacité parentale et que la menace de tutelle planerait bientôt sur
notre tête. Nous avons demandé volontairement, une mesure AEMO (aide éducative en milieu ouvert) et l'équipe qui a été désignée nous a aidés. L'éducateur a
fait une enquête pendant environ trois mois, a pris nos enfants seuls, plusieurs
journées.
D'après l'éducateur, après plusieurs mois de suivi, peut être que nos
e n fants étaient trop gâtés mais certainement pas maltraités (Nicolas et
Guillaume étaient pleins de bleus comme tous les enfants hyperactifs). Ils
étaient totalement désinhibés, turbulents mais semblaient totalement ignorer ce
qu'étaient les fessées. A vrai dire, nous avions aussi pendant un temps essayé ce
moyen, mais la fessée ne calme ni l'hyperactivité, ni les troubles de l'apprentissage, pas plus que la procrastination. Nicolas se perdait alors dans sa colère et il
fallait le contenir pour qu'il ne se blesse pas.
Nous étions, à la demande de l'AEMO, en thérapie familiale. Le psychiatre nous voyait sans nos enfants et il ouvrait invariablement sa séance en
nous rappelant cette maxime : « Il n'y a pas d'enfant malade, il n'y a que des
parents défaillants ». Nous avons adopté profil bas en acceptant d'être rééduqués
pour devenir de bons parents. Nous devions être sévères et ne pas céder. Nicolas
devait dormir seul, dans son lit, nous devions le laisser pleurer. Nous avons vraiment essayé !
Pour qu'il ne se lève pas de son lit, nous avons renversé le lit cage et mis
le matelas par terre, car il l'escaladait pour en sortir et les chambres étaient à
l'étage. Les escaliers représentaient un danger mortel. Nous avons tenu trois
soirs. Nicolas n'a pas cédé, il a pleuré chaque fois plus d'une heure jusqu'à se
faire vomir. J'ai eu peur des convulsions. Guillaume ne pouvait plus dormir non
plus. Nous devions préserver le sommeil de Guillaume absolument.
Nous n'en menions pas large en écoutant hoqueter notre enfant, c'était de
vrais pleurs de désespoir, et puis il vomissait tout son repas. Nous devenions des
parents maltraitants.
Ne pouvant le supporter, nous avons repris nos habitudes.
Au bout d'un moment, nous nous sommes étonnés qu'aucun examen clinique n'ait été fait sur notre enfant, alors nous sommes allés à l'hôpital pour un
bilan complet. Le psychiatre de l'AEMO qui nous suivait, nous a pris à parti,
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nos enfants allaient bien, c'était nous qui étions malades. Il nous a reproché
d'avoir pris rendez vous à l'hôpital. Nous n'avons pas repris la thérapie familiale.
Il nous semblait aberrant que l'on nous interdise des examens cliniques, d'autant
que la naissance de Nicolas avait été difficile et que le cœur s'était presque
arrêté deux fois, ce qui avait motivé une césarienne en urgence. Peut-être y
avait-il des lésions et nous devions en avoir le cœur net.
Il faut noter que d'un point de vue personnel et sans en parler à l'équipe
éducative, j'avais entamé une analyse, démarche individuelle et volontaire car
j'étais malgré tout persuadée que mes névroses qui devaient être nombreuses,
n'étaient sans doute pas pour rien dans les troubles importants que présentait
mon fils aîné. J'ai cru très sincèrement le psychiatre, je me suis dit qu'il devait y
avoir tout de même un peu de vrai dans ce qu'il disait et il me semblait que je
n'avais pas vingt ans devant moi pour régler un passé lourd d'enfant THADA qui
a vieilli, même si à l'époque je ne savais pas que j'avais un syndrome sévère et
handicapant qui a fait de mon enfance un enfer.
Nicolas grandissait vite, aussi ai-je fait sérieusement cette thérapie pendant quatre années et l’ai menée à terme indépendamment du suivi psychologique de mes enfants. C'est probablement l'une des toutes premières actions que
j'ai menée à terme de ma vie. Les individus atteint de THADA ne terminent
généralement aucun des buts qu'ils se fixent, ils sont la plupart du temps démotivés avant, mais rapidement je me suis rendue compte que ce travail sur moimême m'apportait beaucoup et qu'il n'était pas inutile quand bien même il
n'avait aucun effet sur nos enfants. Toujours est-il que l'hôpital qui avait fait
trois jours de bilans complets, IRM, psychomotricité, bilan de langage, bilan
psychologique ne nous a pas donné les résultats directement mais les a envoyés
à l'AEMO et plus tard au CMPP (Centre Médico-Psycho-Pédagogique). Le professeur ne nous a pas dit que notre enfant avait un retard de langage, on nous a
seulement parlé d'un retard psychomoteur. Dans les yeux de ce médecin, j'ai
bien compris qu'elle ne me disait pas tout.
Nous eûmes plusieurs mois difficiles sur le plan financier, le temps que
l'assurance complément de salaire que nous avions contractée plusieurs années
auparavant se mette en place. Mon mari était désormais en invalidité, les signalements anonymes non fondés continuaient, et cette fois la mesure AEMO était
maintenue pour nous protéger. Dans le village, la rumeur allait bon train. Entre
temps, Nicolas était à la maternelle et ça se passait mal. Son institutrice estimait
qu'il était trop couvé, que c'était un enfant roi. Les autres enfants s'attachaient
les chaussures mais pas lui, alors elle le laissait marcher les lacets défaits pour
le stimuler car elle pensait que c'était de la paresse. Elle n'intervenait pas non
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plus quand Nicolas se faisait prendre à parti par ses camarades. Il était devenu le
souffre douleur.
Je pense qu'elle le faisait pour son bien, et croyait que le laisser se débrouiller
seul était la meilleure solution pour qu'il devienne mature. Elle était convaincue
qu'il était paresseux et me disait souvent : « il a un poil dans la main ». Même
aujourd'hui, je pense que c'était une bonne institutrice qui péchait par ignorance.
Les enfants THADA restent plus longtemps dans la relation fusionnelle
avec la mère, a fortiori quand il y a des retards d'apprentissage ou de langage
qui retardent l'autonomie.
La séparation qu'amènent la crèche et la maternelle ne les renvoie qu'à
l'échec social du fait de leur trouble du comportement. Ces séparations sont un
drame quotidien et l'identification au père est souvent beaucoup plus tardive.
Chez mes enfants, ce stade n'a pas été possible avant l'âge de huit ans passés.
Les autres enfants de l'école se moquaient de Nicolas, il était rejeté et très
malheureux. Son graphisme était largement en dessous des autres enfants. Le
bonhomme se résumait à une boule pour la tête et un trait pour l'ensemble du
corps. Il dépassait très largement les contours quand il fallait colorier et il ne terminait jamais. Il était dans l'incapacité de découper aux ciseaux. Nous avons
consulté l'instituteur spécialisé du canton, il nous a parlé des problèmes d'attention qu'avait notre fils, il disait qu'il s'intéressait à tout, à trop de choses, qu'il se
dispersait mais qu'il ne fallait pas trop s'inquiéter.
A la fin de l'année, on voulut lui faire redoubler la grande section maternelle, alors nous avons refusé et demandé une réunion à l'école. Nous nous
sommes fait accompagner par l'assistante sociale pour convaincre que le redoublement ne s'imposait pas. En effet, Nicolas était immature et peu autonome,
mais l'école maternelle n'était pas obligatoire et nous avions le sentiment qu'un
an plus tard on se retrouverait dans la même situation.
Plus personne dans le village ne nous parlait, car nos enfants étaient considérés comme mal élevés et on racontait qu'on les brûlait à la cigarette. Je ne pouvais
pas non plus emmener Nicolas pour les courses car il faisait de violentes colères en
public. Nous sortions le moins possible et à tour de rôle sans nos enfants. Notre vie
sociale se résumait à un désert. Nos amis avaient disparu les uns après les autres.
L'éducateur nous a conseillé de quitter le village et de nous installer ailleurs.
Nous avons tout abandonné, la maison de famille et le terrain où on devait
faire construire et nous sommes partis à Marseille. Comme convenu, nous avons
appelé l'éducateur dès notre installation et la mesure AEMO a été levée sur le
champ.
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Nous sommes, dès notre arrivée, allés au CMPP de notre quartier pour
commencer la rééducation psychomotrice de Nicolas. La psychiatre nous a facilement convaincus de la nécessité par précaution de voir les deux enfants. Ils ont
été examinés et ont refait des bilans complets pour prendre la mesure des soins à
donner. Ils devaient tous les deux avoir cette rééducation pour instabilité motrice.
Mes enfants ont été suivis deux ans dans ce centre, Nicolas avait en plus
une séance avec une psychologue, pendant ces deux années. Ses résultats scolaires étaient catastrophiques. C'était l'échec scolaire total.
L'année du CP, je me suis rendue compte qu'à Pâques Nicolas ne savait
pas lire alors que les autres enfants de sa classe avaient appris. J'avais surpris à
la sortie de l'école les moqueries quotidiennes que subissait mon fils. Il était
totalement rejeté par les autres élèves et il en souffrait beaucoup. Il ne supportait
plus rien et sa souffrance était présente dans tous les moments de la vie quotidienne. Il avait six ans.
Je soupçonnais une dépression, j'en parlais à la psychologue mais d'après
elle, cela venait de l'école et la dépression n'était qu'une pathologie de l'adulte.
Pour pallier la déficience scolaire nous avons investi dans des cours particuliers intensifs. Nicolas n'apprenait rien à l'école, il ne savait ni lire ni écrire, il
en souffrait beaucoup. C'était pour lui une constante humiliation.
Une humiliation que je ne connaissais malheureusement que trop bien car
j'avais aussi expérimenté cet échec scolaire que jamais je n'ai pu digérer sauf en
thérapie et après en avoir compris la cause.
Nous lui avons appris à lire et écrire à la maison. Nous avons délégué
cette tâche car nous n'y arrivions pas, nous perdions chaque fois notre calme et
cela dégradait encore plus notre relation. La répétitrice de Nicolas était une étudiante en psychologie mais évidemment elle ne le suivait pas sur ce point.
J'ignore comment elle a pu lui apprendre à lire mais j'ai appris beaucoup plus
tard qu'il lui est arrivé de perdre son calme et de le gifler.
Nicolas avait cinq heures de cours par semaine en plus de l'école et du
CMPP, y compris pendant les vacances scolaires. Le bilan hospitalier avait
révélé une intelligence supérieure à la moyenne. Il n'y avait logiquement aucune
autre possibilité que la paresse pour expliquer l'échec scolaire. S'il ne voulait
pas apprendre à l'école, et bien, il travaillerait plus que les autres à la maison
jusqu'à ce qu'il comprenne que la paresse n'est pas une solution.
Pauvre gosse ! Nous avons infligé à notre enfant handicapé un régime de
forçat inhumain sous la pression sociale. La route de l'enfer est pavée de bonnes
intentions !
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Pendant ce temps, Guillaume tenait difficilement en place à la maternelle
mais quand il arrivait à se poser, ce temps lui suffisait pour apprendre, son instituteur avait noué avec Guillaume des liens forts, aussi il était parfaitement prêt à
aborder le CP.
Globalement on pouvait dire de Nicolas qu'il irritait ses institutrices. Il
cumulait une culture générale qui pouvait le définir comme brillant avec une
puérilité et parfois ce qui ressemblait à de la désinvolture qui avait toutes les
apparences de la perversité.
Petit à petit, de nombreux troubles du comportement disparaissaient chez
l'aîné (Nicolas) mais il restait très intolérant à la frustration, avait de nombreux
troubles de l'humeur et continuait à souffrir du rejet social. Grâce aux nombreux
cours particuliers, il avait acquis à la fin du CP des rudiments de lecture, à la fin
du CE1, il écrivait mal mais il écrivait, aussi, avons-nous encore, par deux fois,
refusé le redoublement du CP et du CE1 pour les mêmes causes que précédemment. Nicolas était peu autonome, immature mais il avait besoin de temps. En
outre il avait travaillé si dur à la maison pour rester à peu près au niveau et son
estime de lui était si basse que le peu de confiance en lui que nous étions parvenus à lui redonner se serait effondré et nous n'aurions pu lui demander les
années suivantes un effort supplémentaire. Il avait beaucoup travaillé, le redoublement aurait été vécu comme un échec terrible.
Ses institutrices estimaient que Nicolas était surmené et nous étions de cet
avis, aussi avons-nous arrêté les cours particuliers en fin de CE1, mais je sentais
de nouveau se profiler la menace d'un signalement à la DASS. L'école n'était
pas d'accord avec notre refus de redoublement même si notre détermination
l'avait faite plier. Nicolas était à bout et nous allions à la catastrophe. J'ai envisagé une école privée avec un petit effectif. De toute façon, il devenait urgent de
changer d'école. Nicolas avait mal au ventre chaque matin, l'école était pour lui
une torture.
Ma thérapie était quasiment terminée et je me sentais vraiment bien, en
pleine forme, bien dans ma peau si ce n'était les problèmes de notre fils. Il allait
toujours aussi mal. Mes névroses n'y étaient donc pour rien. C'était un constat
qui ne plaidait pas pour des causes psychologiques ou sociales. Nous n'étions
plus en difficulté matérielle depuis deux ans. La pension de mon mari subvenait
à nos besoins. J'avais un an plus tôt repris mes études mais j'ai abandonné, je
m'endormais en cours. Mon déficit attentionnel est très important. Je n'ai compris que beaucoup plus tard la raison de ce défaut de vigilance que tous mes
efforts et des litres de café étaient vains à réprimer. Sans Ritaline je suis incapable de me concentrer plus d'une heure.
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Nous avons eu l'opportunité de déménager dans un charmant petit village
du Var. L'école y semblait accueillante, nous avons foncé. Nicolas était ravi de
changer d'école et il espérait que là-bas il se ferait enfin des amis. Guillaume
était beaucoup moins content. Au bout d'un mois, nous en étions au même
point, Nicolas était rejeté par ses camarades et l'institutrice charmante au
demeurant ne savait par quel bout le prendre.
Nous avions intégré les erreurs qu'il ne fallait plus commettre. Nous
avons informé la maîtresse de ce que notre enfant était un vivant mystère, car
jamais en ce temps-là nous n'avions entendu parler d'hyperactivité et de déficit
attentionnel. Nous avons aussi expliqué que Nicolas avait perdu toute confiance
en lui. Alors on lui a demandé, cette année-là, de fermer les yeux sur toutes les
mauvaises notes et de ne noter que ses progrès. Nicolas n'écrivait plus du tout, il
faisait un blocage et la maîtresse (qu'elle soit remerciée ici) a joué le jeu. Elle a
favorisé au maximum son intégration et beaucoup valorisé ce petit garçon plein
de contradictions. Pour lui permettre de restituer ses acquis, tous ses contrôles
étaient faits à l'oral.
Cette année-là, il n'y a pas eu de cours particulier ni de CMPP, c'était du
temps perdu au vu de la dégradation de l'état de notre fils. Nous n'avons travaillé
que sur l'estime de soi, la confiance en soi et la motivation. D'une certaine
façon, on peut dire que nous nous sommes attaqués à ce que je tenais pour de la
dépression. Elle n'a jamais été diagnostiquée de façon officielle mais même si ce
n'en était pas, cela y ressemblait beaucoup.
Nous avons évité de confronter notre enfant à la difficulté, nous ne pouvions rien pour ce qu'il vivait à l'école mais la maison se devait d'être « le repos
du guerrier ». Ses camarades le rejetaient. Alors, nous essayions de compenser.
Déjà, il avait moins peur d'aller à l'école et n'avait plus mal au ventre le matin.
Grâce à ces maîtresses (il en avait deux à mi-temps) humaines et compréhensives, ses résultats scolaires n'étaient pas bons, mais il y avait de l'espoir. L'écriture posait tout de même un problème insurmontable, si Nicolas n'écrivait pas,
nous savions qu'il n'y aurait jamais de collège pour lui. J'ai envisagé la possibilité du clavier.
Il nous était difficile d'être magnanime avec l'aîné et plus ferme avec
Guillaume car il percevait cela comme de l'injustice. Nous jonglions en permanence pour trouver des compromis acceptables. La gestion de la fratrie est aussi
une grande difficulté éducative.
C'est à la fin du deuxième trimestre du CE2 que tout à fait par hasard sur le
Web, un article décrivant les symptômes du THADA donne à cette triste histoire
une fin heureuse. Mon fils y était décrit dans les moindres détails, tout s'éclairait,
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devenait lumineux. Nous comprenions enfin comment notre Nicolas fonctionnait,
quelles étaient ses difficultés, comment y pallier de la meilleure façon. Je rencontrais sur le net d'autres parents confrontés aux mêmes difficultés. Ces rencontres
virtuelles et les conseils d'autres parents nous ont accompagnés tout au long du
dépistage et beaucoup aidés dans notre quotidien, nous n'étions plus isolés.
Avant même le diagnostic, j'informais la maîtresse avec beaucoup de
documentation. Il fallait morceler les consignes et continuer ce que nous faisions pour lui redonner confiance en soi. Sans le savoir, nous avions fait ce qu'il
fallait, c'est-à-dire éviter les redoublements inutiles et conforter l'estime et la
confiance en soi.
J'apprenais aussi qu'il y avait un médicament efficace dans 75 % des cas.
Notre famille a connu à cette époque le terrible conflit interne que vivent
tout ceux qui sont en attente de diagnostic. D'un côté, nous espérions que nos
enfants n'avaient rien, qu'ils n’étaient pas malades, mais en même temps nous
priions le ciel ou ce qui nous en tient lieu pour qu'ils soient diagnostiqués, pour
qu'ils soient soignés, et que s'arrête enfin leur souffrance et aussi, il faut bien le
dire, la nôtre, car le diagnostic déculpabilise les nombreux parents qui ont connu
des parcours analogues.
Je ne souhaite à personne ce que nous avons connu. Voir un enfant souffrir sans comprendre pourquoi, notre isolement, notre culpabilité, la peur du
jugement social, le cauchemar du soupçon de maltraitance que nous n'oublierons jamais et la trahison par ignorance d'un système médical en qui nous faisions confiance les yeux fermés.
Je sais que toutes ces personnes ont eu un désir sincère de nous aider
mais seuls la connaissance et le diagnostic du trouble, aussi difficiles soient-ils,
apportent une solution acceptable. Les circonstances familiales et les troubles
comportementaux de Nicolas, son retard de langage, son retard psychomoteur,
son hyperactivité auraient tout à fait pu être réactionnels et le fait de maltraitances psychologiques. Le THADA est difficile à diagnostiquer.
Au cours du premier trimestre du CM1 Nicolas fut diagnostiqué THADA,
(à prédominance déficit attentionnel, l'hyperactivité s'était calmée progressivement). Il avait une dyslexie de surface et une importante dysorthographie
accompagnée d'une dyspraxie légère, elle-même assortie d'une dysgraphie
importante, sans compter les troubles de la mémoire de travail…
C'est grâce à la solidarité d'une liste de discussion sur le net que j'ai pu
trouver un spécialiste dans ma région, et aussi beaucoup de documentation pour
apprendre à gérer les troubles d'apprentissage de mes enfants. J'ai vu une année
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durant les témoignages se succéder sur ce forum, tous aussi incroyables que le
mien. Mon parcours n'était pas extraordinaire, il était la norme.
Les signalements étaient nombreux. Les dyslexies passaient aussi souvent
inaperçues. Les dyspraxies étaient souvent confondues avec un retard psychomoteur provoqué par des difficultés relationnelles avec la mère.
Les conséquences psychologiques du THADA sont souvent prises pour la
cause du mal et l'apparence plaide pour la responsabilité éducationnelle.
Je me suis jointe au petit comité qui prenait conscience de ces phénomènes et de la nécessité d'étendre cette aide aux familles isolées qui n'avaient
pas internet.
Entre temps, j'ai pris connaissance du dossier médical de l'hôpital lorsque la
loi m'y a donné accès. Il y était fait mention d'une trop grande activité motrice.
Tous les symptômes du THADA y étaient décrits mais la cause en avait été attribuée « aux difficultés sociales ». En clair, l'hyperactivité de notre enfant était réactionnelle, uniquement psychologique et, dans ce cas, il n'y a pas de rééducation
tant que la cause des troubles psychologiques n'est pas traitée. Avec la psychologue, Nicolas était resté relativement calme, ce qui est généralement le cas quand
les enfants hyperactifs se trouvent dans une situation nouvelle, face à des personnes inconnues. Cette inhibition disparaît progressivement quand l’enfant est vu
plusieurs fois dans la même situation. C’est la raison pour laquelle on préconise
aujourd’hui l’observation de l’enfant dans la salle d’attente, avant la consultation.
J'ai appris grâce à ce dossier médical que l'on m'a remis intégralement, que l'hôpital avait renouvelé le signalement à la DASS, par conséquent la médecine nous
renvoyait aux services sociaux car nous ne relevions pas de son domaine.
Avec l'expérience qui est aujourd'hui la mienne, je peux dire que le diagnostic et la prise en charge des parents adultes touchés par le syndrome est une
nécessité absolue. Un adulte désorganisé, impulsif, qui a une faible estime de lui
même, qui souffre de procrastination ne peut aider un enfant dans de bonnes
conditions. Comment donner ce que l'on a pas reçu soi-même en héritage ? Des
repères temporels, la capacité de s'organiser et de planifier, la patience, la
confiance en soi, l'intégration sociale, la stabilité...
Nicolas bénéficie aujourd'hui de deux séances d'orthophonie par semaine
et d'une en psychomotricité. Il y a également un soutien scolaire modéré de
deux heures par semaine. Il est traité par médicament pour l'école en raison d'un
déficit attentionnel important. Il n'a plus beaucoup de troubles du comportement, il est bien intégré, a de nombreux copains et passera l'année prochaine en
sixième avec 13 1/2 de moyenne. Il est très fier de lui car de la peur d'échouer, il
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a aujourd'hui conquis de haute lutte, l'ambition de réussir sa vie, ce dont il ne
doute plus. Il veut depuis toujours être commandant dans l'armée et vise l'entrée
à l'école militaire en seconde. Je crois pouvoir dire sans me tromper que c'est un
enfant heureux dont le pronostic est favorable et je le crois bien capable d'aller
au bout de son rêve, bien qu'à dix ans, il puisse tout à fait changer d'avis.
Il ne se croit plus paresseux et nul, il sait qu'il a presque dépassé ses petits
handicaps et qu'il a accompli un parcours extraordinaire. Il est premier de sa
classe en histoire et cette matière où il excelle, est probablement la première
d'une longue série. Il est encore fragile et nous conserverons cette année le tiers
temps supplémentaire qui lui permet de cimenter ses acquis et cette confiance
en lui nouvellement restaurée. Nous conserverons également le soutien scolaire
et l'orthophonie pour son orthographe encore fantaisiste et des problèmes d'organisation et d'autonomie car le passage au collège est un moment charnière
important de la scolarité. La psychomotricienne arrêtera vraisemblablement sa
prise en charge en cours d'année mais pour l'instant la graphomotricité est
encore faible et l'écriture lente.
Son frère aussi a été diagnostiqué, il a l'autre version du syndrome, une
prédominance de l'hyperactivité impulsivité qui ne s'atténue pas en grandissant
mais son déficit attentionnel est moins important. Il est lui aussi suivi en orthophonie et sera pris en charge en psychomotricité prochainement car sa graphomotricité est de mauvaise qualité, mais ce sera sans doute ponctuel car tous les
autres points du bilan psychomoteur sont bons. Guillaume n'a pas eu de difficultés pour apprendre à lire mais il ne comprenait pas ce qu'il lisait. Grâce à ce diagnostic précoce, ce point est maintenant complètement réglé, en revanche la
dysorthographie est déjà bien présente.
Guillaume est opposant, parfois provocateur sans toutefois aller jusqu'aux
troubles de la conduite. Il peut se concentrer pendant quelques heures pour le
travail scolaire mais pas toute la journée. C'est ce qui explique qu'il ait pu tenir
jusqu'à la fin du CP avant d'être confronté à la difficulté scolaire qui augmente
progressivement avec les classes successives. Ses notes ont chuté entre le début
du CP et le CE1 à cause de l'écriture et de besoins supplémentaires en mobilisation attentionnelle. Il a moins de problèmes d'apprentissage mais davantage de
problèmes de contrôle de soi. Son hyperactivité très physique s'exprime également par une volubilité incessante. Il ne peut s'empêcher de parler fort et perturbe la classe, surtout l'après midi quand il ne contrôle plus le son de sa voix.
Sa maîtresse m'a fait part cette année de ce que l'école devenait pour lui
un enfer parce qu'il passait la moitié de son temps à se faire gronder et punir
alors qu'il est bon élève. Le diagnostic était déjà posé mais Guillaume n'était pas
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traité. Nous avons dû nous résoudre à lui donner le médicament, mais son
dosage reste plus faible. Aujourd'hui dans le quotidien de la famille, c'est l'hyperactivité et l'opposition de Guillaume qui sont les plus difficiles à gérer. Nicolas est un enfant qui oublie tout, mais il est plus calme et plus du tout opposant
depuis deux ans qu'il est sous Ritaline pendant l'école. La Ritaline l'a aidé à
moduler son comportement et les apprentissages sociaux de son âge sont acquis
même quand il n'en prend pas. La Ritaline ne guérit pas mais à long terme elle a
des effets cognitifs positifs.
Le plus gros problème de l'hyperactivité, c'est cette désorganisation permanente et le fait que les enfants ne mènent rien à terme. Ils ont envie de tout
mais ne concrétisent rien, aussi sont-ils souvent insatisfaits. Pour donner un
exemple, Guillaume qui a neuf ans veut venir avec moi m'aider au jardin et me
demande ce qu'il peut faire. Je lui propose de ramasser les fraises, il abandonne
cette activité au bout de dix secondes. Je lui propose alors d'arroser mais je
prends une douche glacée et je le gronde, il pleure, alors je lui demande de m'aider à planter des tomates mais il donne des coups de pioche partout et saccage
les autres plants. Il me reproche alors de toujours le gronder. Guillaume mécontent s'assoit, me demande le menu du dîner et se plaint pendant trois quarts
d'heure, montre en main, de ce qu'il n'aime pas le poisson et le riz alors qu'il en
reprendra deux fois. Il me harcèle, répète en boucle dix fois : « j'aime pas le poisson ». J'explose ! Ce moment de détente au jardin ne tarde pas à devenir insupportable. J'ordonne à Guillaume d'aller dans sa chambre. Il part en pleurant.
Le lendemain, c'est mercredi. Guillaume est sous Ritaline le matin car il a
un cours particulier. Nous remontons au jardin en fin de matinée car le soleil
n'est pas fort. Il ramasse les fraises volontiers et il les préparera pour toute la
famille. Il est très fier de lui. Il m'a aidée au jardin en me coupant chaque fois un
lien pour les tuteurs et nous avons discuté de tout et de rien. Nous avons passé
ensemble tous les deux un moment privilégié de qualité et de détente. Nous
avons partagé quelque chose, le plaisir d'être ensemble. C'est le même enfant, le
même jardin, mais dans un cas Guillaume pleure et se pose en martyre. Je suis
excédée malgré ma bonne volonté et ma patience. Dans l'autre, il aime jardiner
et y prend du plaisir, en outre il est fier de s'être occupé tout seul du dessert.
Ce n'est pas tellement le fait que nos enfants soient insupportables qui est
gênant, nous avons l'habitude et nous les aimons pour ce qu'ils sont. Le plus terrible c'est que le syndrome abîme nos relations et que nos enfants ne prennent
de plaisir nulle part. Leurs journées qui pourraient être faites de satisfactions
sont ponctuées de gronderies et nous ne pouvons que leur renvoyer une mauvaise image d'eux-mêmes sous peine de renforcer les comportements inaccep-
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tables. Mais nous sommes en même temps dans un conflit interne pénible car
nous voyons bien que leur estime d'eux-mêmes se dégrade en même temps que
leurs conditions de vie. L'éducation d'un enfant atteint de THADA est une éducation spécialisée. Il n'y a jamais de bonnes solutions, nous essayons seulement
de choisir la moins mauvaise à chaque fois et de trouver le bon équilibre. C'est
une remise en question permanente.
Aujourd'hui, mes enfants vont bien et notre famille est heureuse. Nous
nous reconstituons petit à petit une vie sociale. La nôtre était riche avant la naissance de nos enfants mais comme ils cassaient tout et que tout le monde pensait
qu'on était trop laxiste, nous avions rompu avec tous nos amis qui nous faisaient
des réflexions.
Nicolas et Guillaume sont capables aujourd'hui de se laver ou s'habiller
tout seuls, le problème c'est qu'ils ne le font pas sans Ritaline et qu'il faut répéter
et ne pas les lâcher une seconde jusqu'à ce qu'ils terminent leur tâche, sinon ils
oublient et commencent une autre activité, un rien les distrait. Je m'applique à
toujours faire dans le même ordre les activités quotidiennes pour leur donner
des automatismes et des repères mais cet apprentissage de l'autonomie est lent.
Sous Ritaline, Nicolas et Guillaume deviennent plus autonomes mais le
traitement n'est donné que pour l'école ou les rééducations le mercredi matin.
Néanmoins, je trouve leur progression très positive et je sais qu'ils deviendront
des adultes épanouis. C'est juste un peu plus compliqué de faire toujours avec
sagesse la part du handicap et celui du caprice. L'éducation d'un enfant THADA
réclame beaucoup de patience et de mobilisation parentale. Il faut être présent à
cent pour cent, il faut tenir la distance, mais leur père et moi nous ne voudrions
pas d'autres enfants car ils sont formidables.
Je joins à ce témoignage les bulletins scolaires avant le diagnostic et après
le diagnostic car ils sont porteurs de beaucoup d'espoir et synthétisent parfaitement le parcours typique de Nicolas.
Je suis aujourd'hui médicamentée comme mes enfants et notre maison
n'est plus en désordre. J'ai pu réorganiser la maison pour que chaque enfant ait
sa chambre, son bureau, et qu'il y ait une place pour chaque chose. Nous mangeons à l'heure, vivons dans un cadre agréable. Nicolas peut aujourd'hui réviser
ses cours car ses classeurs ne sont plus vides, les feuillets cornés et froissés ne
traînent plus épars dans la maison ou au fond du cartable. Notre famille dont
tous les membres ont une variante du syndrome ne sera jamais un modèle de
calme et d'organisation mais je crois que le résultat est tout à fait acceptable. Le
THADA diagnostiqué et pris en charge n'est pas une fatalité.
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♦ Pour en savoir plus
BOUVARD M., MOUREN M.C., LE HEUZEY M.F. et coll. : L’hyperactivité de l’enfance à l’âge adulte, Doin Editeur, collection Conduites, 2002
COMPERNOLLE T : Du calme : manuel pour l’éducation des enfants hyperactifs, De
Boeck et Belin, 1997
CORRAZE J, ALBARET JM : L’enfant agité et distrait, Expansion Scientifique Française, Paris, 1996
LECENDREUX M. : Réponses à vos questions sur l’hyperactivité, Solar, 2003
LE HEUZEY M.F. : L’enfant hyperactif, Odile Jacob, 2003
♦ Association de parents
Association « HyperSupers-THADA France »
2 Sentier de la Fontaine
77160 PROVINS
06.19.30.12.10
email : [email protected]
site : www.thada-france.org
♦ Sites internet
Troubles de l’attention :
http://www.unige.ch/asso-etud/adepsy/cours/attention.doc
Troubles de l’attention et hyperactivité :
http://www.fmsq.org/fmsq/publications/special/Vol4no3/page16/pdf
Rééducation Orthophonique - N° 214 - Juin 2003
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Enfant hyperactif : comment l’aider ?
h t t p : / / w w w. d o c t i s s i m o . f r / h t m l / p s y ch o l ogi e / m ag _ 2 0 0 3 / p s _ 6 7 2 6 _ e n fa n t _
hyperactif_aide.htm
THADA et troubles associés :
http://users.pandora.be/scarlett/
Tous les enfants sont différents :
http://www.efrance.fr/scarlett/
http://www.forumhyper.net/
http://le-village.ifrance.com/sosdouance/
Le programme d’éducation de l’attention à l’école primaire : que nous apprend la
recherche ?
http://www.aqeta.qc.ca/congres/2003/Chevalier.pdf
Les pères et les mères d’enfants présentant un trouble déficitaire de l’attention/
hyperactivité : Étude sur les facteurs de risque dans la famille :
http://www.aqeta.qc.ca/congres/2003/Cameron.pdf
Une page sympathique sur le sujet :
http://www.iquebec.ifrance.com/maroca/hyperactivite/index01.html
Le cerveau en ébullition : Hyperactivité
http://www.unige.ch/evenements/cerveau/2003/hyper.html
Une association luxembourgeoise
http://www.ehk.lu/fr/index.html
Plan d'action sur l'hyperactivité
http://www.comportement.net/zones/
L'Hyperactivité infantile mal connue en France
http://psychologie.fr.free.fr/editorial%20oct02.htm
Hyperactifs ou... hyper fatigués
http://www.hiwit.info/sciences/sante-medecine/1891.html
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