Le marché halal - Les Enfants Terribles

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Le marché halal - Les Enfants Terribles
dossier / le marché du halal
Le marché halal
© A. Thiriet
Par Anthony Thiriet
dévoile son potentiel
Le halal s’invite dans les actualités nationales depuis quelques mois. Une étude
publiée par Solis en janvier 2010 montre que la croissance annuelle du marché halal
en France atteint + 15 % et que son chiffre d’affaires pourrait être de 5,5 milliards
d’euros en 2010. Loin d’un simple effet de mode, le halal s’installe donc durablement
dans la restauration hors foyer française. Notre dossier présente quelques exemples
concrets, issus de divers secteurs de la restauration.
L
e mot «halal» se traduit par «licite». Il
définit, dans l’Islam, ce qui est permis pour le Musulman. Une certification «halal» de la viande, attribuée par
un organisme agréé, indique que la méthode d’abattage rituel a été respectée.
C’est non sans difficulté que la nourriture
halal se développe en France.
DIVERS OBSTACLES
La laïcité est l’un des piliers de la société française. La cuisine fait quant à elle
partie de la «religion païenne française»,
elle est ancrée dans la culture nationale
et chaque région est fière de ses plats
traditionnels. La culture française inclut
également de grands repas où un même
plat est partagé par tous au-delà des différences.
On peut aussi noter que deux produits
ont une place singulière dans la culture
Les salons lui font de la place
En pleine polémique sur les Quick halal, Halal Expo, intégré au salon
Foods&Goods avait connu un grand succès en mars dernier. «Unique en
Europe, il accompagne depuis plusieurs années l’incroyable essor des produits communautaires», indique Antoine Bonnel, directeur. Une quarantaine
de sociétés présentaient des produits halal, souvent innovants et originaux. Trois conférences abordaient le
sujet : «l’origine musulmane et la consommation halal»,
«le marketing des produits halal» et «le marché halal à
l’horizon 2012». Le prochain Halal Expo se tiendra au
sein de Foods&Goods du 29 au 30 mars 2011
Autre salon, Sandwich & Snack Show avait lui aussi
abordé le sujet en conférence. «Ce marché connaît une croissance à deux
chiffres, et cela va continuer de prendre de l’ampleur. Il y a un réel potentiel», précise Corinne Menegaux, directrice, qui annonce la mise en place
d’un «pavillon halal» pour la prochaine édition, les 2 et 3 mars 2011. «Il présentera toute une offre de produits halal destinés à la restauration rapide».
Une quinzaine d’exposants sont attendus sur cet espace.
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dossier / le marché du halal
gastronomique française : le vin et le
porc. Or ce sont ces deux ingrédients
que les musulmans ne consomment pas.
ce qui est souvent le cas en France. Il
aurait aussi été prouvé qu’une viande
halal est plus tendre qu’une viande qui
ne l’est pas, parce que l’animal sucomberait d’une façon plus détendue.
DES EXIGENCES
UN RITUEL MECONNU
La plupart des Français interrogés sur
le sujet accepteraient de manger halal.
Mais lorsqu’ils découvrent ce que cela
signifie, ils ne sont plus que 33 % (sondage IFOP).
Une nourriture «halal» signifie notamment que les animaux sont abattus
sans étourdissement. L’une des pres-
EN PLEIN ESSOR
criptions halal est en effet que la bête
soit égorgée consciente. Pour que la
viande soit halal, il faut aussi que l’animal ait la tête tournée vers La Mecque
en se vidant de son sang. La carotide
et les jugulaires doivent être coupées
par un musulman qui prononce un rite
propre à la sacrification des animaux.
Tout cela suscite la polémique en
France, certains pensent que la pratique augmente la souffrance de l’animal. Pour d’autres, au contraire, l’animal souffre moins lorsqu’il est égorgé
que quand il est tué d’une balle dans
la tête ou par une décharge électrique,
Quoiqu’il en soit, le marché halal est en
plein développement. Les produits halal
se multiplient, les salons de la profession
créent tous des espaces halal et de plus
en plus de restaurants intègrent des
offres halal à leur carte. Le potentiel économique de ce marché se dévoile peu à
peu. En voici des exemples. n
© A. Thiriet
La communauté musulmane française
a commencé à avoir des exigences dans
les années 90, dont celle de pouvoir trouver des nourritures rituelles dans les espaces publics comme les cantines et les
restaurants généralistes. Elle demande
même parfois que les produits porcins,
considérés comme impurs, soient supprimés de ces endroits. Des voix s’élèvent
depuis les années 2000 et certaines
évoquent une montée des «communautarismes».
n Pas d’effervescence halal dans la distribution
Le halal ne fait pas encore fureur chez les distributeurs spécialisés restauration. Il
semble être plus à la mode dans d’autres circuits de distribution, dont les grandes et
moyennes surfaces.
D
es distributeurs professionnels de la restauration ne sont pas encore
plongés dans la folie halal. Metro Cash&Carry, par exemple, ne
communique pas sur le sujet.
et en charcuterie.
TransGourmet
n’a pas vraiment
rencontré de demande.
La particularité
de TransGourpeu de poids
met c’est qu’il
L’enseigne TransGourmet, quant
n’y a pas de
à elle, communique peu, «notre
point de vente.
offre halal est faible, car le halal
«Le déploiement
pèse aujourd’hui moins de 0,1
de notre offre
% de notre chiffre d’affaires», inhalal ne peut
dique Philippe Herpin au service
pas se faire sans
marketing de l’offre de Transcommunication.
TransGourmet présente son offre
halal sur www.transgourmet.fr
Gourmet. L’offre n’a pas spéNous devons excialement évoluée depuis deux
poser pour vendre,
ans et se limite à une quarantaine de réféle client ne vient pas chercher le prorences, essentiellement en viande de bœuf
duit, c’est à nous de lui apporter des
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solutions. Or il est encore trop tôt pour
développer notre marketing halal», précise Philippe Herpin. Une rubrique est
tout de même consacrée au halal sur le
site Internet de TransGourmet.
EN GMS AUSSI
Les restaurateurs ont peut-être plus
confiance, aujourd’hui, en des distributeurs spécialisés halal.
Des produits de marques reconnues sont
également en vente dans la grande distribution qui, elle, n’hésite pas à créer et
à mettre en avant les offres halal. Les
rayons halal des grandes surfaces attirent aussi bien les particuliers que les
professionnels. Le marché halal représenterait 3 % du chiffre d’affaires des
GMS aujourd’hui en France. n
n Une polémique inoffensive pour Quick
La chaîne Quick a du faire face à de grandes polémiques suite aux tests qu’elle a
lancés dans certains restaurants depuis 2009. Vingt-deux de ses 358 établissements
proposent aujourd’hui une gamme de produits à base de viande certifiée halal. La
progression des ventes et la fréquentation de ces restaurants ont presque doublé.
L
e groupe français de restauration
rapide hamburger, Quick, principalement présent en France, en
Belgique et au Luxembourg, s’est lancé
dans le halal en 2009. La démarche a
commencé à Toulouse Mirail où le franchisé souhaitait pouvoir mieux se positionner face aux nouvelles offres halal de
ses concurrents.
Trop de flou
Les polémiques sur la démarche
halal du groupe Quick a fait réagir
Fouad Alaoui, président de l’UOIF
(Union des organisations islamiques de France) : «il est urgent
de définir une véritable norme halal parce qu’il y a trop de flou sur le
sujet. L’ouverture des Quick halal
est une opération commerciale et,
au-delà du débat politicien, la vraie
question est de savoir ce qu’on
entend par halal. L’UOIF y travaille
et va prochainement proposer un
document au CFCM», le Conseil
Français du Culte Musulman.
d’excellents résultats
Les résultats ont été excellents dès les
premières semaines et Quick a décidé
d’étendre ce test à sept autres restaurants sélectionnés sur trois critères : surreprésentation des ventes à base de poisson, sous-représentation des ventes avec
bacon et variations notoires des ventes
en fonction du Ramadan. La chaîne a
également voulu qu’un restaurant Quick
traditionnel se trouve à moins de 10 minutes de chaque site concerné.
Ce test a su prouver l’intérêt commercial
de l’offre halal, source de croissance intéressante : les établissements concernés
ont vu leurs ventes et leur fréquentation
doubler depuis ces changements. Le ticket moyen aurait, en plus, enregistré une
forte progression dans ces restaurants.
Le groupe Quick a donc annoncé cet été
qu’il pérennisait l’offre et l’étendait à 14
autres établissements. C’est la première
grande enseigne de hamburgers à mettre
en place une telle démarche qui insuffle
un nouveau dynamisme à ce marché très
concurrentiel.
La carte des 22 restaurants concernés,
dont 16 franchisés, est similaire à celle
des autres Quick. Par contre,
les viandes sont toutes certi-
fiées halal par des organismes agréés :
«les viandes de poulet et de dinde, fournies par Moy Park, sont certifiées par la
Grande Mosquée de Paris et la viande de
bœuf, fournie par Socopa, est certifiée
par celle d’Evry Courcouronnes», assure
Quick.
«Offrir aux
consommateurs
un choix correspondant
à leurs envies.»
D’autre part, le bacon a été remplacé,
dans toutes les préparations, par de la
dinde fumée. Les bonbons contenant de
la gélatine de porc ont disparu.
Ces modifications n’ont eu aucune
conséquence sur les prix.
PAS 100 % HALAL
Les restaurants continuent de vendre
les autres produits à base de poisson,
de légumes ou de fromage, ainsi que
les frites, les desserts et les boissons,
dont la bière. Ces Quick ne sont donc
pas «100 % halal». L’idée de Quick était
«d’offrir à tous les consommateurs, quels
qu’ils soient, un choix correspondant à
leurs envies.»
Les clients ne souhaitant pas consommer
de produits halal n’auraient pas montré
de désaffection, soit par indifférence,
soit grâce à la diversité de l’offre. Pour
répondre aux polémiques, Quick a cependant décidé de proposer un burger
spécifique «à base de viande de bœuf non
halal» dans tous les restaurants concernés avant le début de l’année 2011. n
Des McDo halal à Londres
Le chiffre d’affaires de deux restaurants McDonald’s londoniens aurait doublé
en deux ans grâce à la mise en place d’un menu totalement halal. C’est Atuk
Pathak, patron d’une douzaine de franchises McDonald’s, qui a annoncé cela
lors d’une conférence de presse début 2009. Trois ans après ces ouvertures,
il n’y toujours pas de McDo halal en France.
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dossier / le marché du halal
n Mak-d’Hal, un fast-food halal taille XXL
Le plus grand fast-food halal d’Europe se trouverait en banlieue parisienne, à SaintDenis (93). Son patron, Salim Neghmouchi, raconte l’histoire de «Mak-d’Hal», nous livre
ses impressions sur le marché et annonce ses ambitions.
affirme t’il. Alors que la croissance
n’avait pas cessé depuis l’ouverture,
Mak-d’Hal a vécu ses premiers mois
de difficulté cet été. «Nous avons fait
- 25 % sur la période de l’Aïd où les
ventes explosent habituellement.»
Salim Neghmouchi,
patron du Mak-d’Hal à Saint-Denis
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s’est pas arrêté puisque Mak-d’Hal
lance un nouveau sandwich chaque
année.
SERVEUSES VOILEES
«Dans notre établissement, nous acceptons tout ce qui est halal, c’est-à-dire
licite dans le rite islamique», précise
Salim Neghmouchi. Cela concerne aussi bien la nourriture que les règles de
société, d’hygiène et de mode de vie.
Chez Mak-d’Hal, on peut par exemple
se faire servir par des femmes voilées. «D’autres sont en casquette,
d’autres portent la croix chrétienne…»,
Mais le gérant de Mak-d’Hal n’est pas
certain de la véracité du halal chez
Quick. «Le halal n’est pas une marque
déposée, chacun peut donc utiliser ce
mot comme il le souhaite. Je pense
que le concept n’est pas complet chez
Quick.» Il reproche à l’enseigne de communiquer sur le halal alors que tous les
rites ne sont pas respectés, et qu’on y
trouve par exemple de l’alcool.
Il pense aussi que Quick ne peut pas
faire approvisionner tous ses restaurants en viande halal tuée à la main.
«On peut passer trois fois plus de volume lorsqu’elle est tuée à la chaîne»,
précise Salim Neghmouchi. «Les Musulmans font l’autruche, ils peuvent
enfin combler leur frustration. Mais une
fois qu’ils auront gouté, ils reviendront
chez nous», se rassure-t’il.
En ouvrant Mak-d’Hal, le patron
souhaitait répondre à la demande
«Pour faire du halal,
il faut avoir
une éthique halal…»
continue le patron. Ce dernier ne se
sent pas en concurrence avec McDonald’s. Par contre il craint Quick depuis que l’enseigne a rendu «halal»
plusieurs de ses restaurants autour
de Saint-Denis. «Ils nous ont encerclé. Nous avons senti la différence»,
Un restaurant comme neuf
© A. Thiriet
A
vec 400 m2 publics, 150 places
assises, 350 clients par jour
et entre 25 et 28 employés…
Mak-d’Hal serait le plus grand fastfood halal d’Europe. Il a, en tous cas,
la plus grande aire de jeu indoor d’Ilede-France. Ouvert depuis trois ans, ce
restaurant rapide semble neuf. «Nous
le fermons chaque année pendant le
ramadan et en profitons pour le nettoyer à fond et le rénover», explique Salim Neghmouchi, patron de Mak-d’Hal.
Cet homme de 44 ans a voulu inscrire
son projet dans la durée, en se concentrant sur la qualité de l’accueil et des
produits. Il avait été accompagné par
des investisseurs privés. «Les banques
françaises ne suivaient pas un tel projet de fast-food halal en 2007», indique
t’il. Neuf mois de travaux ont permis
de transformer son cyber-café de 200
postes en restaurant rapide. «Tout a été
modifié, essentiellement de manière
artisanale.»
Artisanales, les recettes le sont aussi.
«Nous les avons élaborées et testées
en famille et entre amis.» Et cela ne
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VERACITE DU HALAL
des Musulmans qui ne pouvaient pas
manger de halal de qualité en toute
sécurité. «Ici, tout est garanti halal à
100 %.» La viande provient d’Irlande et
est contrôlée par le bureau HMC (Halal
Monitory Community). «Nous sommes
allés vérifier sur place, tout est fait
selon le rite, à la main». Cette viande
s’achète, du coup, plus chère.
Le ticket moyen du restaurant se situe entre 9 € et 12 €, mais c’est difficilement comparable avec d’autres
restaurants car beaucoup de clients
commandent des «menus family» pour
toute la famille.
BUT HUMANITAIRE
Mak-d’Hal est très à cheval sur le halal,
mais n’en fait pourtant pas sa force de
communication. Il n’est nullement indiqué sur la façade que l’établissement
est halal, même si on peut le deviner à
travers son nom. «Nous ne faisons pas
de communautarisme, nous acceptons tous les clients», lance le gérant,
qui pense que 80 % de la clientèle est
tout de même musulmane. Salim Neghmouchi explique aussi que Mak-d’Hal
n’a pas été créé dans un but lucratif,
mais pour un objectif humanitaire. «J’ai
l’intention de créer une fondation pour
aider les enfants des pays pauvres.
Cela pourra se faire après une ou deux
autres ouvertures…» Mak-d’Hal devrait
se dédoubler au printemps 2011 à une
quinzaine de kilomètres de Saint-Denis.
«Nous ne souhaitons pas ouvrir en série, nous préférons faire mûrir chaque
restaurant l’un après l’autre.» n
n Le Spécial, une chaîne halal de restauration
«La première chaine de sandwicheries et de pizzas halal en France», ce slogan a été
déposé par les gérants du groupe Koudou-Spécial. Il compte pour le moment sept
sandwicheries et deux pizzerias, à Paris et en région parisienne, mais envisage de se
déployer rapidement, en passant par la franchise.
IDENTITE VISUELLE
Les neuf commerces du groupe sont très
différents les uns des autres, mais «nous
faisons en sorte que les clients se retrouvent et sachent qu’ils sont chez nous.» Un
style identique se retrouve en effet dans
chaque établissement, avec des sols en
damier, des murs très colorés, des tables
menus et du mobilier unique. Le tout est
bleuté pour les pizzerias et orangé pour
les sandwicheries.
Le groupe a là aussi puisé dans ses ressources : «nos designers travaillent sur
les ouvertures et veillent à ce que l’identité générale soit respectée. Ils nous aident à créer une atmosphère design et
© A. Thiriet
«C
e qui nous différencie c’est
que nous sommes un groupe,
avec déjà une centaine de
collaborateurs», explique Morade Najih,
responsable marketing. Tout est structuré dans cette entreprise, avec un pôle
ressources humaines, un pôle marketing,
un pôle communication… et depuis peu,
un pôle franchise. Le groupe comprend
aussi une centrale d’achat et de fabrication, en banlieue parisienne. Il emploie
en interne du personnel spécialisé en
maintenance et en travaux. «C’est une
vraie communauté. Cela nous permet de
proposer de véritables plans de carrière.
La plupart de nos gérants ont commencé
en tant qu’employé. C’est sur ce modèle
que nous envisageons un développement rapide», continue Morade Najih.
La première chaîne de sandwicheries halal...
détendue, loin des fast-food halal traditionnels», précise Morade Najih.
comme Quick, lancer une offre non halal
pour attirer une autre clientèle. «Nous ne
cachons pas notre positionnement haQUALITE GENERALISEE
lal, c’est inscrit sur nos façades et sur
nos menus.» Dans ces sandwicheries et
«Une autre grande différence avec l’indéces pizzerias on ne retrouve donc pas
pendant c’est que nous nous imposons
non plus d’alcool.
des contrôles en
«Notre
clientèle,
comme
Et les concepteurs
interne.» Le groupe
vont même plus
est également suivi
nos employés, sont de
loin : «Toutes nos
par la société Katoutes confessions.»
boutiques sont monliss qui forme les
tées en autofinancement, sans aucun
employés et contrôle l’hygiène.
crédit, sans aucun intérêt… car l’intérêt
Concernant le halal, les fournisseurs
n’est pas halal», continue Morade Najih.
sont certifiés par une association. «Nous
Ceci étant dit, tous les clients sont les
sommes rigoureux pour l’ensemble du
bienvenus. «Notre clientèle comme nos
groupe. Nous savons que nos clients
employés sont de toutes confessions.»
nous font confiance». Ici, donc, tout est
Morade Najih croit d’ailleurs que c’est
halal et les gérants ne comptent pas faire
BRA - Tendances Restauration - N° 322 - Octobre 2010
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plus la qualité des lieux et des produits
que l’aspect halal qui attire les clients.
«Aujourd’hui celui qui veut manger halal
peut le faire partout à Paris. Nous nous
positionnons vraiment sur la qualité et
c’est le cadre et le goût qui font la différence.» Il précise aussi que la viande
a un autre goût quand elle est halal :
«certains la trouvent meilleur, même
des non musulmans.»
Le ticket moyen est à 6 €, un peu plus
cher à Paris où le groupe n’est pour le
moment présent qu’avec une sandwicherie qui vient d’ouvrir le 12 septembre
à Guy Moquet (17e).
PRECURSEUR PROMETTEUR
Si ce groupe en est là aujourd’hui, c’est
qu’il date déjà de 1999. Il était alors
précurseur. «Nous étions les premiers
à imaginer un fast-food halal moderne
et dupliquable, à y proposer les trois
viandes et à commercialiser des sandYoussef et Laid Kari, veulent d’abord
wiches à deux viandes, avec une large
s’assurer que le concept fonctionne
gamme de sauces, le tout halal. Nous
réellement à Paris et en Ile-de-France.
avons été beaucoup
copiés mais jamais
égalés», résume Morade Najih.
Pour éviter que les
copies ne se multiplient encore plus,
le groupe a décidé
de passer la vitesse
supérieure. Tous
les lieux sont pour
le moment gérés
en propre, mais la ... et de pizzerias halal
franchise est sur
les rails. «Des contacts ont déjà été pris,
«Nous devons avoir un modèle parfait et
nous traitons plusieurs demandes pour
trouver toutes les solutions pour pouvoir
l’Ile-de-France mais aussi la province et
nous déployer ailleurs». Les prochaines
ouvertures continueront donc à se faire
l’étranger».
Les directeurs de la marque, les frères
dans et autour de la capitale. n
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dossier / le marché du halal
n La gastronomie halal des Enfants Terribles
Les frères Saïdi sont à la tête de deux restaurants halal de gastronomie française à
Paris. Les clients en sont ravis et le marché semble se développer à grande vitesse.
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Kamel Saïdi gère, avec son frère,
ce restaurant gastronomique halal dans
le 12ème arrondissement de Paris depuis février.
provient d’abattoirs
qui respectent le rite,
en passant par des
fournisseurs de Rungis ou indépendants
qui ont leurs propres
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«L
orsque je sortais avec mes
amis, j’étais souvent frustré
de ne pouvoir manger que du
poisson alors qu’eux dégustaient du
magret de canard. Notre restaurant permet à tout le monde de se faire plaisir
au restaurant…», explique Kamel Saïdi
qui, avec son frère Sofiane, a ouvert en
2007 le premier restaurant halal gastronomique de Paris. Face au succès de
cet établissement situé dans le 11ème
arrondissement, les deux frères se retrouvent depuis février à une deuxième
adresse, dans le 12ème. «Même carte,
même esprit, même ambiance… nous
avons réalisé une copie conforme».
Ces deux restaurants proposent de
la «gastronomie française halal». La
carte est entièrement halal et le client
ne peut pas consommer d’alcool. Une
offre alternative est
«Le halal, c’est un
proposée comme de
climat de confiance
la bière sans alcool
Moussy par Kronenentre le restaurateur
bourg et Fayrouz par
et les clients.»
Heineken. La viande
sacrificateurs. «Nous faisons attention
à la traçabilité et sommes certains que
ce que nous proposons ici est autorisé.
Beaucoup de restaurants se déclarent
halal alors qu’ils ne le sont pas vraiment. C’est un climat de confiance qui
doit régner entre les clients et les restaurateurs», précise Kamel Saïdi.
Entre 80 et 90 % des clients
des Enfants Terribles le
sont parce que le lieu
est halal. L’enseigne
est présente sur
des supports ciblés
comme parishalal.
com ou des magazines maghrébins.
Mais rien n’évoque l’aspect halal, ni sur la façade,
ni sur les menus. «Nous indiquons que
le restaurant est sans alcool. Quand le
client demande s’il est halal, nous répondons oui. Une fois sur deux, celui
qui n’était pas au courant décide
de s’en aller.» On trouve pourtant des plats intéressants, une
cuisine créative, haut
de gamme, avec des
créations personnelles et de nouvelles saveurs.
Les chefs des
deux restaurants
travaillent ensemble. Ali Bouaoun,
chef du nouveau restaurant, ancien
chef de celui du 11ème, est passé par
des lieux prestigieux comme l’Acropole
(brasserie 3 étoiles à Montparnasse) et
l’Hôtel Costes. «Le fait que tout soit halal
ne change rien dans la manière de cuisiner», indique t’il. Avec un second et trois
personnes en salle, ils gèrent 48 places
chaque soir : 25 clients en moyenne la
semaine et 70 le week-end. Le ticket
moyen est à 28 € et le restaurant organise certains événements comme un
«menu rupture du jeûne»
se demarquer
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L’aménagement est contemporain et soigné.
Le restaurant du 12ème a nécessité un
investissement de 300 000 €, contre
150 000 € pour celui du 11ème. C’est
l’architecte ADMobili qui a travaillé sur
le design des deux, voulu cosy, tendance et moderne. «Nous voulions vraiment nous démarquer des fast-food halal
peu accueillants, proposer un restaurant
avec un vrai standing», continue Kamel.
Il croit au potentiel de ce marché: «Nous
sommes étonnés du nombre de personnes qui nous découvrent chaque jour.
Beaucoup viennent de province et nous
demandent si nous existons dans leur
ville. Le marché est vierge par exemple
à Lyon où notre restaurant fonctionnerait à coup sûr. Nous préférons, pour le
moment, nous concentrer sur nos deux
affaires et satisfaire nos clients».
La concurrence, par contre, est moins
patiente : l’offre se développe constamment. «Un restaurant français halal
s’ouvre chaque mois à Paris», confirment
les gérants des Enfants Terribles. n
n Night Orient, boisson festive pétillante halal
«Night Orient» est une boisson pétillante halal proposée par la société Orient Drink.
Elle se décline en deux versions : bleue et fruitée pour la grande distribution ; «black
premium», noire et plus brute, pour les professionnels de la nuit et de la restauration.
Plus de 150 établissements de Paris et de sa région la proposent à leurs clients. Des
tests sont réalisés ailleurs, comme à Tours, Montpellier, Marseille, Lyon et Strasbourg, à
travers des distributeurs spécialisés. «Nous comptons être présent dans toute la France
d’ici l’été prochain», indique Rachid Gacem, directeur des opérations. Le prix d’achat est
d’environ 8 € la bouteille de 75 cl.
Cette boisson est à base de moût de raisin, fermentée naturellement et désalcoolisée. Elle se rapproche des boissons alcoolisées. Mais avec une garantie
«0,00 % d’alcool». «Le halal ne permet pas un brin d’alcool. Il faut respecter cela, trop de
marques ne le font pas et trompent les Musulmans.» Autre avantage, elle ne comporte
que 25 calories par litre. «Elle peut se boire par toute la famille», résume Rachid Gacem.
Sa société compte bientôt commercialiser un rosé pétillant ainsi que du rouge, du rosé,
du blanc et de la bière, le tout sans alcool.
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dossier / le marché du halal
n Express Halal, un univers halal sur le web
Restaurants halal en tous genres, mais aussi produits halal, services halal et loisirs
halal… on trouve de tout sur le portail www.expresshalal.com. Le couple Hobeich a
souhaité créer un lieu virtuel communautaire d’informations et d’échanges. La restauration y garde, pour le moment, une place majeure.
E
lle est de confession musulmane,
lui est converti à l’Islam. «Nous
sommes des entrepreneurs, nous
avons tout le temps quelque chose à
faire.» C’était donc difficile pour le couple
Hobeich de trouver des restaurants halal
originaux et de qualité à Paris.
«En découvrant le site alloresto, nous
nous sommes dit que ce serait bien s’il y
avait la même chose pour les restaurants
halal…»
Hady Hobeich avait déjà une bonne expertise en e-business. Poussé par sa
femme, il s’est lancé dans une étude de
marché. «Je n’avais rien trouvé de spécifique. L’offre sur le web était légère.»
C’était en juillet 2009, le couple décidait
alors de se lancer dans le projet.
«J’ai pris ma sacoche et j’ai visité un
certain nombre de restaurants à Paris.»
Hady Hobeich s’est d’abord concentré
sur ceux qui proposaient la livraison.
«J’ai rencontré beaucoup de restaurateurs intéressés, prêts à faire livrer leurs
plats ou à accepter que des réservations
soient faites via notre système…» C’est
finalement de tous les types de restaurants halal que parlera ce portail. Les
établissements doivent s’abonner pour
faire partie du site. «Cela ne les dérange
pas car ils savent qu’il est très ciblé et
que les retombées seront réelles.»
TOUS LES SERVICES HALAL
Puis les restaurateurs ont commencé
à lui parler de leur famille et de leurs
amis : un tel est traiteur, une telle est
dans la création, là il y avait des nourrisses de confession musulmane, ici des
cours d’arabe, là bas on organisait des
pèlerinages… «Tout cela m’a poussé à
revoir le concept et à proposer un grand
portail de services halal», un site qui regroupe tout ce qui est relatif à la religion
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BRA - Tendances Restauration - N° 322 - Octobre 2010
Hady Hobeich a lancé en 2009 le premier
portail Internet dédié aux services 100 % halal
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EN LIVRAISON OU SUR PLACE
adultes, ils ont des habitudes très diffémusulmane, au niveau national. C’est
rentes de celles de leurs parents.» Tout
tout de même les restaurants qui donen souhaitant conserver leurs traditions
nent encore l’audience sur ce portail.
religieuses, ils se tournent vers une façon
C’est grâce à eux que l’internaute arrive
de consommer plus moderne.
sur le site. Il peut réserver en ligne pour
«Ils veulent manger halal mais n’ont pas
n’importe quel restaurant et se faire lispécialement envie
vrer à domicile.
«La nouvelle génération de manger des keExpressHalal propose aux restau- recherche d’autres modes babs tous les jours.
Les Musulmans d’aurants d’augmenter
de restauration.»
jourd’hui ne sont plus
leurs ventes «grâce
des ouvriers ou des enfants d’ouvriers.
à de nouveaux clients chaque jour par
Certains développent des familles aiinternet». Chacun peut créer son propre
sées, et recherchent d’autres modes de
espace et y proposer des produits et des
restauration, adaptés à leurs goûts et
services en nombre illimités. Les ventes
se font via le site qui prend un pourcenleurs critères», explique Hady Hobeich.
tage sur chaque transaction.
Le portail ExpressHalal leur permet de
trouver de tout, dont des restaurants
LA NOUVELLE GENERATION
chinois halal ou des bars à sushis halal.
Le couple Hobeich explique le succès
Afin que les 6 millions de Musulmans
de ce portail web par l’arrivée de la noufrançais puissent trouver leur compte
velle génération sur le marché. «Les enet sortir dans le restaurant de leur choix
fants des immigrés ont toujours vécu en
sans se demander s’il est réellement
France et, aujourd’hui adolescents ou
halal. n

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