De ce temps des panneaux d`expression libre…

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De ce temps des panneaux d`expression libre…
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De ce temps des panneaux d’expression libre…
Intervenue dans notre commune au mois d’avril
1974, cette élection municipale partielle avait fait accéder à la municipalité aux affaires, un groupe
très volontaire d’élus se proposant de donner tout leur sens et leur portée aux universelles valeurs de
l’humanisme, du partage et de la solidarité…Un élan vers l’autre devant se révéler le fait prioritaire
et majeur de leur mandat. A la fois volontaire, généreux et transparent, ce processus se réclamait très
communicant, relationnel, informatif et participatif à la fois. Le maire d’alors, Monsieur VenantMartin avait très tôt exprimé son grand attachement à ce que soit mis en place un support de l’action
municipale, un moyen de communication appréciée comme essentiel, un concept qui lui était cher et
même fondamental dans son souhait de servir ses concitoyens. Il était représenté par une parution
régulière d’une revue communale d’informations…Mais traduisant une volonté d’ouverture voulue
enrichie par un vecteur d’information permanente que représentaient les panneaux d’expression
libres disséminés sur les lieux publics, en des endroits très passants et même stratégiques du centre
village ou bien des abords.
Un équipement public correspondant à des pluriels
courants de pensée multiforme : syndicale, associative, privative, culturelle, politique et autres et de
quelle origine qu’elle fut, sous la réserve du respect de l’intérêt de tous et selon les bonnes moeurs
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en vigueur ne devant pas être froissées par quelque outrance malfaisante et donc proscrite.
En effet, une des premières dispositions prise, fut de solliciter le concours des employés communaux
pour procéder au montage de ces panneaux, d’une simplicité et d’un coût très minimaux : Quelques
humbles et boiseux panneaux emmanchés sur des supports en même matériau. Certes de formats
réduits mais suffisant pour supporter des placardages de nature à porter à l’attention du public une
information permanente intéressant l’ensemble des villageois dans leur vie de tous les jours. Il fut
retenu les emplacements suivants qui représentaient ce centre d’intérêts ; Toutes les associations de
l’époque étant appelées à en faire un large usage, dans le respect d’une pratique courtoise et
bienveillante s’inscrivant dans une large réciprocité…Dans l’esprit des élus : plus qu’un droit, un
devoir : Place du Rasset ; Place de l’Eglise ; Rue du 11 Novembre 1918. Bâtiment de l’Ancienne
Gare ; Square des Faures.
Ce fut de ce temps pendant lequel, un certain
militantisme et souvent très envahissant à la fois syndical et politique se faisait jour et même
insistant. De même provoquant une certaine réactivité, à l’initiative de ceux n’adhérant pas à ces
courants de pensées ou d’opinions et entendant les combattre de façon réactive dans le cadre d’une
liberté absolue de pensées. A tel point que des arrachages intempestifs et systématiques se faisaient
jour et même la plupart du temps s’organisant de façon nocturne et discrète mais tellement
destructrice…Ce qui rendait méfiants les afficheurs eux-mêmes, tentant de veiller à la bonne mais
souvent éphémère pérennité et conservation voulues intactes de leurs chères affiches. Ils les avaient
collées avec tant d’application et même d’amour en conformité de leurs idéaux, convictions,
volontés tant de fois réaffirmées. Il en ira toujours ainsi des éternelles convictions et certitudes de
chacun et de l’écho qu’il entend leur donner, au nom d’une idéalité souhaitée être partagée par le
plus grand nombre. Ici, tout le monde psychologique et irrationnel de la pensée de chacun.
Ce fut de ce temps pendant lequel, notre habitation
se trouvait située juste en face du bâtiment de l’ancienne gare. En quelque sorte un pignon, un regard
continuels sur cet outil d’informations dans son utilisation au quotidien devenue si intense qu’elle
était presque continuelle. On collait. On déchirait. On souillait. On recollait. On se surveillait. On
s’épiait. On se connaissait fort bien tellement on était sûr de son bon droit et de la primauté de ses
propres idées par rapport à celles d’autres pourfendeurs. Ou bien l’on se cachait nuitamment pour
porter atteinte à des idées qui n’étaient pas celles de celui furtif et bien discret mais pas pour autant
méconnu au regard de ses victimes ou bien opposants. Se réclamant d’une très démocratique vision
de l’information municipale, cette initiative possédait aussi ses inévitables détracteurs dans ce petit
microcosme de la vie communale intra muros. A tel point que cette volonté déplut si fortement au
nouveau maire. Celui-ci, sans autre forme de considération, au mois de mars 1983 dès son
installation en qualité de premier magistrat de la commune, fit radicalement disparaître cet
équipement certes modeste mais significatif et à utile portée citoyenne. Sous le prétexte officiel qu’il
apportait manifestement un trouble inesthétique et surtout qu’il représentait une source de multiples
nuisances de proximité, d’inutiles désagréments dont chacun pouvait se passer.
Pendant que quelques dizaines d’années après
revinrent sous une forme plus limitée mais plus normative quelques panneaux d’information à usage
public. Dans cette nouvelle génération, non plus constituée par un assemblage en bois mais devenue
métallique…Sur lesquels supports un certain affichage toujours très anarchique se perpétuait au fil
du temps qui passait. Cet outil s’avère pourtant d’éminente et nécessaire utilité publique parce qu’il
remplace un affichage diffus et totalement sauvage tel qu’il se présentait en autrefois, quand il n’était
pas canalisé et allant toujours dans le sens de l’excès, de la surenchère. Alors enlaidissant des
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édifices publics, des transformateurs EDF, des édicules, des masures, des endroits très en vue et
traditionnellement visités par les afficheurs de tous poils, organisateurs de spectacles de cirque et
militants de toutes les convictions possibles et surtout souhaitables…Surtout en temps de campagnes
électorales. Un vecteur d’information enlaidissant tous ces lieux alors considérés comme étant
tellement lépreux et repoussants. D’autant que des volumineux amas d’affichages jonchaient en
permanence le sol de ces lieux, au petit désespoir des employés communaux chargés de faire
disparaître ces volumes presque déchirés en même temps qu’affichés. Ce furent les prémices de ce
temps devenu plus ordonné et respectueux. Ils passèrent par cette étape évolutive à Beaumont et bien
sûr comme ailleurs.
Traditionnellement les afficheurs se placent dans
des itinéraires de recouvrements en visitant des endroits connus par tous et utilisés par tous. Chacun
revendique la meilleure place, la plus en vue, la plus convaincante et la plus efficace, la plus
persuasive. Pendant plusieurs années, cette pratique vit opérationnelle cette conception se voulant
surtout très démocratique, parce que respectant au plus haut point la fondamentale liberté
d’expression, la même faculté comme sacrée inscrite dans la constitution française…En cette fin de
la décennie soixante-dix et au début de celle quatre-vingts…Il s’agissait d’une véritable batterie de
ces supports de l’information publique si appréciée par les uns, tellement décriée par les autres…Elle
traduisait tout de même une expression municipale garantissant à la pluralité de pensées, toutes les
vertus qui lui sont reconnues et à défendre souverainement au nom de la liberté indivisible et
hautement républicaine. Ainsi en allait une évidente dualité inscrite dans les conceptions et la
réactivité de chacun…Certains affichaient, d’autres arrachaient…Certains affirmaient, d’autre
contredisaient…
De ce temps des panneaux d’expression libre…
Jean d’Orfeuille