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Olivier MOSSET
Œuvres entrées dans la collection en
1987 à l'issue de l'exposition Olivier
Mosset (1987), en 2003 à l’issue de la
Biennale C’est arrivé demain, en 2007 et
en 2008 :
Skylark, 1987
Dimensions : 426 x 213 cm
Œuvre acquise en 1987, N° d’inventaire :
987.8.1
Escort, 1987
Dimensions : 426 x 213 cm
Œuvre acquise en 1987, N° d’inventaire :
987.8.2
Estate, 1987
Dimensions : 426 x 213 cm
Œuvre acquise en 1987, N° d’inventaire :
987.8.3
Carré bleu sur fond blanc, 1987
Dimensions : 426 x 213 cm
Œuvre acquise en 1987, N° d’inventaire :
987.8.4
Caprice, 1987
Dimensions : 426 x 639 cm
Œuvre acquise en 1987, N° d’inventaire :
987.8.5
A Step Backwards, 1986
Dimensions : 300 x 600 cm
Œuvre acquise en 1987, N° d’inventaire :
987.8.6
Cimaise – sculpture en cinq éléments,
1993
Dimensions : 15 m³
Don de l’artiste au musée et au
Consortium,
Dijon,
en
2003,
N°
d’inventaire : 2003.7.1
Toblerone, 2005
Dimensions : 180 x 220 x 180 cm
Œuvre acquise en 2007, N° d’inventaire :
2007.4 .1
Négatif, 2007
Œuvre de Hugo Pernet réplique inversée
des cercles d’Olivier Mosset des années
70.
Dimensions : 100 x 100 cm
Don
d’Olivier
Mosset
en
2007,
N°d’inventaire : 2008.1.1
Olivier Mosset : Escort, Estate, Skylark, Carré bleu sur fond blanc, 1987. ©Blaise Adilon
En 1972, Olivier Mosset abandonne ses toiles blanches marquées en leur centre d’un cercle
noir pour peindre des toiles rayées de bandes verticales de 10 centimètres de large aux tons
sourds. Quelques unes ont les rayures en diagonale. Les cercles noirs ont toujours la même
dimension : rayon intérieur de 4,5 centimètres, rayon extérieur de 7,8 centimètres, tandis que
les formats peuvent varier : 100 x 100 centimètres la plupart du temps, ou 200 x 200
© Musée d’art contemporain de Lyon - 2010
1
centimètres. Les toiles à bandes, de 210 x 210 centimètres sont peintes en 1973 et exposées
1
chez Daniel Templon à Paris en 1974.
« En 1976, une deuxième série de ces tableaux à bandes a été présentée chez Daniel
Templon. Les toiles étaient alors peintes en blanc, puis en blanc cassé (ou inversement). Je
voulais ainsi simultanément réintroduire la couleur et sortir de la répétition, car le blanc était à
chaque fois « cassé » par des couleurs différentes. J’ai achevé cette série avec une toile en
blanc sur blanc (qui fut vendue en atelier). J’en ai réalisée une similaire, mais qui, dans mon
esprit, était son parfait contraire, en novembre 1976 pour la galerie Ecart de Genève.[…] A la
suite de la peinture faite pour Ecart, j’ai exposé en 1977 chez Marc Hostettler (galerie Média
Neuchâtel) des toiles à bandes grises sur fond gris. A ce moment, j’ai pu réaliser par exemple
une grande toile de bandes rouges sur fond rouge, alors que des bandes rouges sur fond blanc
2
auraient été trop proches du travail de Buren ou des panneaux de chantiers publics . »
e
La même année en 1977, Olivier Mosset expose à la 10 Biennale de Paris une grande
peinture rouge sur laquelle il a laissé les traces fines de lignes de crayon verticales et
parallèles rappelant les bandes : « J’ai en effet réalisé que mon travail donnait l’impression de
se déterminer à travers des séries de sous-ensembles, sans qu’il n’y ait eu pourtant de
programme précis mis en place avant la réalisation des peintures. Un exemple de cela est la
seconde version de cette toile à bandes rouges sur fond rouge. Elle fut endommagée par
inadvertance et, lorsque je l’ai refaite, j’ai laissé les traits au crayon sans remplir les bandes.
e
C’est cette toile qui fut exposée en 1977 à la 10 Biennale de Paris. »
Cette toile est la préfiguration de dix ans de monochromes, la plupart du temps de grands
formats et, comme toutes ses toiles antérieures, dépourvues de titre. En 1985, après quelques
expositions telles que New Abstraction à la galerie Sidney Janis ou Radical Painting au
Williams College Museum of Art de Williamstown, Mosset constate l’épuisement du propos :
« A la suite de l’exposition de Williamstown, j’ai eu peur que mon travail “s’académise”. J’ai
donc posé en 1985 la question du monochrome au moyen de “peintures abstraites construites”.
Paradoxalement, en raison d’un académisme naissant, je passais à quelque chose de
considéré comme encore plus académique. J’ai commencé à donner des titres à mes
peintures. La première grande toile de cette nouvelle série s’appelle A Step Backwards.
A Step Backwards est « une
peinture grise avec une bande
blanche sur trois côtés ». Nous
découvrons l’œuvre au Centre
d’Art Contemporain de Genève
où elle est exposée du 27
janvier au 15 mars 1986 avec
quatre
autres :
Baldwin,
Patricia’s
Pillow,
CBGB,
Dynasty. A Step Backwards est
exposée de telle manière que la
« bande » de mur blanc qui
apparaît sous le tableau ait la
même largeur que la bande
blanche horizontale peinte sur le
tableau. De loin, l’œuvre semble
encore monochrome (« J’ai Olivier Mosset, A Step Backwards, 1986. ©Blaise Adilon
toujours fait une différence entre
la nature de la peinture et la manière de la montrer. »). Nous avons alors la conviction que
l’exposition de Genève est un moment décisif de l’œuvre de Mosset, qui ouvre une série
nouvelle et offre une solution de peinture et des réponses à des questions formelles que se
pose alors l’époque (simulationnisme, néo-géo, re-« figuration »).
1
Elles déclenchent une polémique envenimée par la distribution anonyme d’un faux carton d’invitation
qui intitulait l’exposition « Hommage à Daniel Buren », et par l’envoi, à l’initiative de la galerie d’une
lettre de Daniel Buren qui s’est également avérée par la suite un faux.
2
Entretien avec Lionel Bovier et Christophe Cherix, Dijon, Presse du Réel, 2003 ; Milan, Edition 5
Continents, 2003 ; Genève, Mamco, 2005 Deux ou trois choses que je sais d’elle…écrits et interviews,
1966-2003, édités et présentés par L. Bovier et S. Jeanjean. Sauf mention contraire, les citations sont
extraites de cet entretien.
© Musée d’art contemporain de Lyon - 2010
2
Depuis quelques mois déjà, nous rencontrons régulièrement Olivier Mosset, d’abord à Genève,
puis à New York dans son atelier de Soho, encombré d’un monumental monochrome rouge
inamovible, de tentatives inachevées de peintures, de débris non identifiables, de moteurs et
3
d’une grosse Harley de 1956 C’est là, après l’exposition de Genève, qu’il nous dit son intérêt
pour un projet qui serait exclusivement consacré à des peintures uniquement constituées de
deux couleurs superposées. Banco ! Le musée produit les pièces et l’exposition se tient du 13
mars au 4 mai 1987.
Elle présente dix œuvres : A Step
Backwards (1986), Duster (1987),
Caprice, (1987), Trésor Public (1987),
Escort (1987), Estate (1987), Skylark
(1987), Bob’s kitchen (1987), Palladium
(1987), Carré bleu sur fond blanc (1987),
L’exposition de Lyon est d’importance :
c’est la première de cette ampleur
consacrée à l’œuvre de Mosset par un
musée, c’est l’invention par l’artiste
d’une règle du jeu inédite qu’il s’impose
à des fins critiques, et c’est la
radicalisation (et le contre-pied) poussée
à son terme de l’énoncé genevois.
Comme toujours avec Mosset (pour que
Olivier Mosset, Caprice, 1987 ©Blaise Adilon
la forme ne soit pas un formalisme) la
règle exhibe son exception : c’est A Step
Backwards. L’œuvre en effet, n’entre pas dans la convention, mais elle assure la continuité
entre « peinture construite » et monochrome. Les autres oscillent de la couleur seule à la
double couleur superposée, du champ coloré uniforme au « motif » (deux couleurs c’est déjà
un motif). Mais, à l’époque, l’exposition nous paraît avant tout une instance critique (de l’artiste
vis-à-vis de lui-même), une vérification et un antidote à la prétention du peintre qui, se prenant
pour un « artiste », en oublierait la peinture, c’est-à-dire la pratique, la couleur, le motif : « Me
concentrer sur des problèmes de surface, du traitement de cette dernière, de médium, de
couleur, de matériaux employés et de la manière de les appliquer sur leurs supports. ».
L’exposition ne nous paraît pas correspondre à la création d’un « sous-ensemble » pour
reprendre les termes de Mosset, et à ce titre nous ne la considérons pas comme un moment
spécifique (sur la notion de moment voir les notices Abramovic/Ulay, Fontana, Kosuth). C’est
pourquoi nous décidons de ne pas en conserver l’intégralité. Nous acquérons Caprice, Escort,
Estate, Skylark, Carré Bleu sur Fond Blanc et A Step Backwards. « Bon, je dirais que l’expo de
87 a été, pour moi, importante : une expo personnelle dans un musée avec, au fond, des
travaux + ou – conçus pour l’exposition. J’avais déjà eu une espèce de petite rétrospective
(Poitiers, La Chaux-de-Fonds, Aarau) et l’expo de 85 du Centre d’art contemporain de Genève
(+ villa Arson), mais Lyon c’était donc un musée, un bel espace et évidemment la vente d’un
nombre significatif d’œuvres et ceci avant la Biennale de Venise (1990).
Je dirais que ce qui m’intéressait, c’était également la dialectique entre le monochrome et le
pas-monochrome, l’abstraction, ici bi-chrome, c’est-à-dire entre les toiles d’avant 85 et celles
d’après l’expo du Centre d’art de Genève. Cette affaire étant traitée ici avec deux couleurs sur
une toile ou des peintures de deux couleurs composées de deux toiles monochromes + dans
l’expo, la citation de Step Backwards (exposée à Genève) et Trésor Public qui étant plutôt
monochrome (blanc), avait la caractéristique d’être composée d’une toile peinte à l’huile et
4
d’une autre à l’acrylique .»
En 2003, à l’issue de la Biennale de Lyon, l’artiste donne simultanément au Consortium et au
Musée une Cimaise-Sculpture en cinq éléments, créée à Dijon en 1993 et « rejouée » à la
3
Avant de quitter la France pour New York, « Momosse » a réconcilié trois bandes de bikers, motards de
la couronne parisienne, qui se retrouvent rue de Lappe dans son atelier. Puis il a intercédé auprès de la
maison mère de Los Angeles qui bientôt leur accorde le statut de hangaround (les Anges de Crimée, Paris
XIXe, deviennent les Hell’s Angels de Paris) : « Mais je n’ai jamais été un Angel, tout cela s’est passé
quand j’étais déjà parti pour les Etats-Unis » (entretien avec S. Vulli et R. Wolfs, 1999, L. Bovier et S.
Jeanjean, ibid. p.229-249 ; voir également Freeway, oct, nov 1986).
4
Conversation par mail, 31 janvier 2008
© Musée d’art contemporain de Lyon - 2010
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Biennale dix ans plus tard dans une nouvelle configuration. « Quant aux Cimaises (qui sont un
peu une réflexion sur des positions « juddiennes », c’est-à-dire sur les rapports de la peinture à
la troisième dimension), leur placement devrait être un peu comme elles étaient à la Biennale.
On devrait avoir l’impression que c’est quelque chose qu’on a oublié là, ou qui n’a pas encore
5
été rangé . »
En 2005, à Bâle (Unlimited), nous
assistons aux derniers instants de la
fonte de Toblerone, une sculpture
glaçon, formule H2O à l’état solide, en
forme
de
Toblerone,
qui
est
intégralement régénérée à chacune de
ses cryogéniques réapparitions. C’est
à cette date que nous interrogeons
Olivier Mosset sur la question des
« sous-ensembles »
et
sur
la
cohérence conséquente qu’il pourrait
donner alors aux œuvres de la
collection appartenant à des « séries »
diverses. (Bichromes, Cimaises et
Toblerone qui est acquise en 2007).
Nous attendons alors de sa part
Olivier Mosset, Toblerone, 2005, Vue de l’exposition à la
l’invention d’un moment rétrospectif (si
Salle de Bain, 2006 ©André Morin
toutefois il est permis d’accoler ces
deux termes) une rétrovision (notion inspirée de Allan Kaprow, dont le terme est emprunté à
Daniel Buren) Olivier Mosset répondra très simplement, en s’interrogeant à son tour sur la
« réflexivité », la rétrovision et le moment. Il proposera une toile marquée en son centre d’un
cercle de rayon intérieur de 4,5 centimètres et extérieur de 7,8 centimètres, comme au seuil
des années 1970. Mais cette œuvre est peinte par Hugo Pernet en 2007, et elle en est l’image
inversée : le cercle est blanc sur une toile noire et s’intitule Négatif. L’œuvre est acquise par
Olivier Mosset et donnée au Musée. « Cela me paraît tout à fait juste d’ajouter à la collection et
à l’espace du Musée la notion de temps. Au-delà, je pense qu’il était assez juste de casser
l’ensemble de 87, pour le laisser déborder sur une scène extérieure au Musée (celle du
6
marché), d’autant plus qu’à cet ensemble s’est ajouté une suite (un peu lyonnaise, la Biennale ,
7
La Salle de Bains . Quant au Négatif, qui évidemment n’est pas une œuvre de moi, c’est une
footnote
à nos conversations et en fait, je ne la considère pas vraiment comme faisant
partie de cet ensemble, mais qui n’est pas de mon fait. Il faut se rappeler d’ailleurs qu’il y a
d’autres « moments » significatifs (pour moi) dans l’histoire du Musée (par ex. « La Couleur
8
9
10
Seule » et que dans l’expo du SPAC en 87, il y avait également Flavin et Kacem , c’est
11
comme cela que je m’en souviens . » […] « Au fond, en ce qui concerne la conception d’un
ensemble et de son accrochage, je dirais qu’évidemment il s’agit, ici, d’un ensemble
12
relativement conséquent, mais que bon, je ne fais pas vraiment des installations . Il s’agit tout
5
Ibid.
Biennale de Lyon 2003, C’est arrivé demain…
7
Centre d’art à Lyon.
8
La Couleur Seule, l’expérience du monochrome, voir notice Toroni p 524 et « Le Musée, brève
chronologie 1983-2008 ». Olivier Mosset y expose 4 toiles parmi lesquelles Sans Titre 1974, blanc sur
blanc (200 x 205 cm) et Sans titre 1979 également blanc sur blanc (200 x 200 cm). « ces deux toiles sont
pareilles mais, de mon point de vue différentes, parce que inversées – le fond de l’une étant le motif de
l’autre et inversement », De qui se moque-t-on ?, 1997, L. Bovier et S. Jeanjean, ibid. p.219-222.
9
Saint-Pierre Art Contemporain.
10
Kacem Noua, 13 mars-14 mai 1987, Dan Flavin.
11
Conversation par mail, 2 février 2008.
12
« Il m’arrive de jouer avec le lieu et le statut de la toile, c’était le principe de l’accrochage de la
Biennale de Paris en 1977, où la toile recouvrait exactement la surface du mur, ce peut-être une toile
blanche que l’on ne voit pas et qui joue avec l’espace, mais en général je refuse toute notion
d’installation ». Entretien avec H. Besacier, voir L. Bovier et S. Jeanjean, 2005, plus loin il ajoute : « Les
grandes toiles rouges 300 x 600 cm fonctionnent ainsi, à la fois comme tableau et installation. », p. 179189.
6
© Musée d’art contemporain de Lyon - 2010
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de même de travaux individuels, de peintures autonomes. […] Pour revenir à la question de
l’accrochage, en même temps je sais bien que c’est bien leur installation qui articule ce que ces
travaux représentent, c’est-à-dire qu’ils sont. C’est leur installation qui fait qu’ils existent. Et ils
existent forcément par rapport à un lieu et peut-être même dans leurs rapports entre eux, voire
dans leurs rapports à d’autres travaux qui ne sont pas là, voire même à d’autres œuvres de la
scène ou de l’histoire de l’art. Mais c’est quelque chose, l’accrochage, qui se détermine dans
un lieu comme je l’ai dit et également en collaboration avec d’autres, commissaires, directeurs
de musées ou de galeries. Comme dit Duchamp, ce sont aussi les autres qui font le travail. Au
fond, moi je peins, sur ces toiles je fais ce que je fais (avec parfois des pas de côté dans la
troisième dimension). Et je pense même un peu que je peins contre le système, voire contre le
système de l’art (qui en fait partie), peut-être même contre l’art ou la peinture. Evidemment, il y
13
a des contradictions, surtout qu’en même , I play by the rules .
14
Mosset pose la question de la permanence et de ses aléas et très vite nous nous accordons
sur la possible reconstitution dans son intégralité de l’exposition de 1987 parce que, dit-il :
« Lorsque des toiles sont montrées, voire vendues, elles ne m’intéressent plus vraiment (c’est
un peu pour cela et pour contredire cela que je me réjouis de cette expo). Est-ce que c’est de
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cela dont on parle ? » A l’heure où nous écrivons, nous savons que nous parviendrons à
cette « reconstitution », la date de l’expo n’est pas encore arrêtée.
Comment l’identique peut-il être semblable dans la durée ? Voici, en forme d’interrogation, la
réponse, toute muséographique, d’un artiste à la question d’une institution dont l’objet est
précisément la conservation dans la durée. De quoi précisément se charge l’œuvre dans le
temps ? Quel est le même ? Quand est-il différent ? Le moment existe-t-il ? N’est-il pas en
permanence dissout dans l’actualité de l’histoire ?
Travail en cours…
Olivier Mosset
Né en 1944 à Berne (Suisse), vit et travaille à Tucson (États-Unis)
13
Conversation par mail, 31 janvier 2008. Ailleurs, Mosset écrit : « Si la peinture est faite d’une manière
juste, elle possède une dimension critique tant vis-à-vis d’elle-même que du système et du marché de
l’art. »
14
« Les œuvres bougent. Elles existent dans le temps », Sans illusion, ibid, L. Bovier et S. Jeanjean, p.
241-246.
15
Ibid. Conversation par mail.
© Musée d’art contemporain de Lyon - 2010
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