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PRÉSENTE LE 44 e MONTREUX 28 I LE JAZZ FESTIVAL LA TEIGNE À Elvis Costello sur scène à Montreux: c’est désormais une (bonne) habitude. LUNETTES ELVIS COSTELLO L’ombrageux mais surdoué rocker anglais sera sur la scène de l’Auditorium Stravinski le mardi 13 juillet. homme qui voudrait être roi.» Tel est le verdict de Nick Kent, prince des journalistes britanniques, lorsqu’il croise Elvis Costello dans un pub, au mois d’août 1977. De fait, Costello, 23 ans à l’époque, est un gars pressé. Non content de mener l’interview à coups de triples Pastis, celui qui est né Duclan McManus se voit déjà en Dylan de l’ère moderne. «My Aim Is True», son premier album à l’écriture serrée et aux riffs nerveux, a fait l’effet d’une bombe au moment de sa sortie au printemps précédent. Le petit binoclard teigneux vient de réunir un groupe féroce, les Attractions, et prépare sa conquête des Etats-Unis à la manière du général Patton. «L’ Un peu trop hâtivement assimilé à la vague punk qui déferle alors, Costello partage avec cette dernière un refus viscéral d’écrire des chansons d’amour. «Il n’y a que deux trucs qui le poussent à écrire: la vengeance et la culpabilité», note Kent dans son livre «The Dark Stuff». La légende d’un rocker qui ferait passer Lou Reed pour le plus affable des bisounours est née. On raconte que l’artiste se balade avec un petit calepin noir dans lequel il note le nom de tous ceux qu’il n’aime pas. Si l’on ALL THAT JAZZ LIONEL LOUEKE Au cœur de l’hiver, il nous a offert «Mwaliko» (invitation en Swahili), un album officialisant, entre world et jazz, une signature sur le label Blue Note. Cet été, il va mettre sa six cordes au service d’une version live de «The Imagine Project», le nouveau DR disque ambitieux et réussi de son mentor Herbie Hancock. Un Hancock qui considère le guitariste béninois comme un peintre musical et accompagnateur de premier plan. Notons qu’à Montreux, Lionel Loueke jouera les prolongations en participant le même soir au «Global Gumbo All-Stars», le projet fastueux mis sur pied par le roi Quincy Jones et présenté en exclusivité suisse. J.-P. B. ¯Auditorium Stravinski vendredi 16 juillet ³«Mwaliko» distr. EMI À (RE)DÉCOUVRIR DE LA SOUL «H ction/Corbis Hulton-Deutsch Colle UN PETIT CALEPIN NOIR l 29 du 2 au 17 juillet 2010 Lionel Flusin ouest en particulier) fait un triomphe à ce chroniqueur vachard doté d’un Le rocker à ses débuts en 1977: électrique, timbre suintant la morgue méchant et brillant. et la rage aux côtés de en juge par la fulgurance de «This musiciens brillants qui taillent à Year Model», son album de 1978, on coups de machette un rock hérité de ne peut que constater que la haine va Buddy Holly. bien au garçon. En cette fin de Dès le début des eighties pourtant, décennie, il est sans conteste sur le Costello modère gentiment ses artoit du monde. L’Amérique (la côte deurs de petite frappe. Il dévoile ainsi ses talents de producteur en peaufinant le grandiose premier album des Specials, groupe de ska qui ne va pas tarder à devenir célèbre dans le monde entier. ÉRUDIT ET RESPECTABLE TROIS ALBUMS INDISPENSABLES «PAINTED FROM MEMORY» Un coup d’essai qui s’impose dès la première écoute comme un coup d’éclat discographique. En 1977, Costello se frotte à l’énergie punk et éblouit en alignant des chansons nerveuses remarquablement troussées. Distr. Universal En 1998, année ou ce www.lematin.ch/sheryl bijou atterrit dans les bacs, l’Elvis anglais est un auteur reconnu. Il n’a donc aucune peine à convaincre Burt Bacharach, génie des sixties, de collaborer avec lui. Le résultat est une collection de chansons pop irrésistibles et pour tout dire carrément magiques. Distr. Universal Regardez l’interview sur «THE RIVER IN REVERSE» Allen Toussaint, qui cosigne cet album brûlant, avoue que sa rencontre avec Costello constitue l’un des temps forts de sa riche carrière. On le croit. Notre héros à lunettes témoigne ici de sa passion pour le rythm’n’blues sudiste avec un talent et une humilité qui forcent l’admiration. Distr. Universal Photos DR «MY AIM IS TRUE» Et, surtout, au fil d’ouvrages déroutants mais souvent impeccables («Get Happy!»; «Almost Blue»), le jeune caïd commence à partager avec ses auditeurs son impressionnante culture musicale. En passant sans effort de la soul vintage façon Stax à la pop musique alambiquée après un détour par les chemins country les moins balisés, il perd certes une partie non négligeable de ses fans mais fait son entrée dans l’histoire du rock dans la peau d’un professeur érudit et respectable. Sans le moindre relâche, il aligne les albums, produit «Rum, Sodomy The Lash», l’opus mythique du groupe folk irlandais The Pogues (dans lequel sa seconde épouse, Cait O’Riordan, tient la basse), compose pour ses idoles Roy Orbison ou Paul McCartney et com- mence même à flirter avec la musique classique dès le début des années 1990. Aujourd’hui, à bientôt 56 ans, Elvis Costello est une institution de la musique populaire à lui seul. Une encyclopédie aussi, un peu à la manière d’un Jack White (The Dead Weather est à voir à Montreux le 3 juillet sur la scène du Miles Davis Hall). Si ses incursions dans la musique classique nous inspirent quelques réserves (quel fan raisonnable de «My Aim Is True» a vraiment envie de s’envoyer «Il Sogno», variation pompeuse autour du «Songe d’une nuit d’été» de William Shakespeare?), il faut bien admettre que son parcours récent surpasse les coups d’éclat de ses débuts. UN OUVRAGE COUNTRY FOLK En une petite décennie, Costello a gravé une poignée de chefs-d’œuvre incontestables. On pense à «Painted From Memory», disque fastueux composé avec Burt Bacharach, l’im- mense compositeur pop des sixties. On pense aussi aux superbes «When I Was Cruel», «The Delivery Man» et «Momofuku» enregistrés avec The Imposters (soit The Attractions en version légèrement remaniée). On pense encore à «The River In Reverse», odyssée soul post-Katrina concoctée avec Allen Toussaint, pianiste, compositeur et arrangeur mythique de La Nouvelle-Orléans. On pense enfin au récent «Secret, Profane Sugarcane». C’est d’ailleurs cet ouvrage country folk vibrant qui servira de base au concert de Montreux, prévu le même soir et sur la même scène que Diana Krall, son épouse actuelle. Une conclusion provisoire aux allures romantiques pour un auteur majeur, couronné depuis belle lurette sur tous les fronts du combat rock. £ Jean-Philippe Bernard ¯Auditorium Stravinski mardi 13 juillet Voir les vidéos: www.lematin.ch/montreux ey, how ya doin? Sorry I can’t get through…» Vingt ans après, le refrain entraînant de «Ring Ring Ring» résonne encore dans toutes les têtes. A une époque où le rap avait pris les armes à New York et roulait en Cadillac décapotable à Los Angeles, dans une Amérique black partagée entre le discours révolutionnaire de Public Enemy à l’Est et les histoires de gangsters à l’Ouest, Posdnuos, Trugoy et Mase, trois gymnasiens de Long Island, ont tenté un pari un peu fou: faire du hip-hop «peace & love»! Entourés d’amis rappeurs et musiciens, plus tard connus sous les noms de Tribe Called Quest, Jungle Brothers, Black Sheep ou Queen Latifah, les De La Soul forment le Native Tongue Posse, une sorte d’école du hiphop pacifique où l’on balance des rythmes sur fond de jeux de mots comiques et l’on mélange allégrement dans les samplers soul, jazz, funk et reggae, le tout branché sur courant psychédélique. Résultat: De La Soul accouche en 1989 de «Me, Myself and I», un premier opus plein de malice et de fantaisie qui fait souffler un vent de liberté et flotter un parfum d’amour sur un monde de briques et de bitume. Le groupe tentera bien par la suite, en autoproclamant sa mort clinique («De La Soul Is Dead») et en durcissant le ton, de se décoller une étiquette de hippies solidement collée à ses pochettes de disques, rien n’y fit. Et si le pouvoir appartenait vraiment aux fleurs? £ J. R. ¯Miles Davis Hall vendredi 16 juillet ³«Are You In?» (A.O.I. Records) De La Soul resteront à jamais les «hippies» du hiphop. DR