VARIATION PROSODIQUE DANS LES INTERROGATIVES

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VARIATION PROSODIQUE DANS LES INTERROGATIVES
VARIATION PROSODIQUE DANS LES INTERROGATIVES TOTALES DU
PORTUGAIS EUROPEEN CONTINENTAL
Lurdes de Castro Moutinho, Rosa Lídia Coimbra
Universidade de Aveiro (Portugal)
[email protected]
Resumen: El proyecto AMPER, Atlas Multimedia Prosódico del Espacio Románico, tiene
como objetivo principal la creación de una base de datos que contemple las diversas lenguas
románicas. Esta pesquisa se da cuenta de datos parcelares relativos a la variedad del
portugués europeo continental. Únicamente nos dedicaremos sobre la prosodia de enunciados
interrogativos globales, producidos por 6 locutores de 6 puntos de encuesta, en un total de 54
enunciados. La estructura de frase está compuesta por un SN con núcleo proparoxítono y
expansiones adjetivales en las tres acentuaciones del portugués, seguido de SV con Objeto
fijo paroxítono. El análisis acústico está hecho en ambiente MatLab utilizando la metodología
AMPER. Se presentarán datos relativos a F0 y aun los resultados de testes de percepción. Se
verifica la existencia de variación prosódica en la modalidad interrogativa, siendo más
fácilmente identificada en algunas regiones que otras. El último grupo tonal es el más
importante para realizar esta identificación.
Palabras clave: AMPER-POR, fonética experimental, prosodia, interrogación, testes
perceptuales.
Abstract: The main aim of the AMPER project, Multimedia Prosodic Atlas for Romance
Languages, is to create a data base contemplating all romance languages. The present research
is based on some data available for the continental European Portuguese variety. This study
focuses on the prosody of global interrogative utterances produced by 6 speakers from 6
different regions, in a total of 54 utterances. The sentence structure is composed of a NP with
proparoxytone nucleus and adjectival expansions presenting the 3 different lexical stress
structures for Portuguese, followed by a VP with a fixed paroxytone complement. The
acoustic analysis was made in MatLab using AMPER methodology. Results will be presented
concerning F0 and also perception tests. It was observed that there is a prosodic variation in
interrogative type sentences, more easily recognized in some regions than in others. The last
tonal group is the most important for this identification.
Keywords: AMPER-POR, experimental phonetics, prosody, interrogatives, perceptual tests.
1. Introduction
Le but de cet article est celui de présenter quelques résultats d’une recherche réalisée
dans le cadre du projet AMPER, Atlas Multimédia Prosodique de l’Espace Roman. Ce projet,
dont l’objectif global est l’étude de la variation géolinguistique des langues romanes, doit
observer, décrire et interpréter la variabilité interne des différents traits mélodiques qui
caractérisent l’identité linguistique du locuteur à l’intérieur de chaque aire linguistique étudiée
dans le même domaine linguistique. En outre, le projet se propose d’identifier des macroindices de dissemblances ou similitudes qui composent le panorama prosodique des variétés
linguistiques parlées dans l’espace roman et de les comparer entre elles. Pour y aboutir, toutes
les équipes des différentes universités européennes et latino-américaines disposent d’une
méthodologie commune pour la constitution du corpus, l’enregistrement, l’analyse et la
présentation des données. Celles-ci font partie d’une base de données multimédia globale
(Contini et alii 2002 e 2003, Lai e Romano 2002, Moutinho et alii 2001a e 2001b), envisagée,
dès le début du projet, par l’équipe de la coordination, de l’Université Stendhal de Grenoble1.
L’étude des deux variétés du portugais – portugais européen (PE) et portugais brésilien (PB) –
, désignées par AMPER-POR, est de la responsabilité du premier auteur de cet article.
En ce qui concerne le PE, un total de 30 locuteurs provenant de différentes régions du
Portugal continental (Minho, Trás-os-Montes et Alto-Douro, Beira Litoral, Beira Alta,
Alentejo et Algarve), des archipels des Açores (île de São Miguel) et de Madeira (îles de
Madeira et de Porto Santo) ont été enregistrés, analysés et déjà envoyés pour insertion dans la
base de données.
Pour le PB, des données de 19 informants ont été envoyées par les groupes de recherche
de Amazonas, Pará, Bahia, Minas Gerais, São Paulo et Santa Catarina.
A la date de cet article, outre d’autres enregistrements déjà réalisés, un total de 49
locuteurs de langue portugaise font partie de la base de données multimédia du projet
AMPER.
2. Corpus et méthodologie
Toutes les données recueillies et analysées de notre corpus suivent la méthodologie du
projet AMPER (Contini, 2007). Pour cette étude, du corpus AMPER-POR, ont été choisis un
total de 6 locuteurs hommes, âgés de 50 à 70 ans, ayant 4 ans de scolarité et originaires de 6
points d’enquête du Portugal continental: Minho, Trás-os-Montes, Beira Litoral, Beira Alta,
Alentejo et Algarve (voir figure 1).
Figure 1 – Régions choisies
Les phrases choisies sont du type SN1 + V + SN2. Le SN1 est constitué par un noyau
proparoxyton et des expansions adjectivales qui recouvrent tous les accents lexicaux du
portugais. Le SN2 complément, introduit par une préposition, présente un accent fixe
paroxyton. Notre corpus global prévoit aussi, en final de phrase, les trois accents lexicaux du
portugais mais, comme dans cet article nous ne voulons pas faire varier l’accent en final de
phrase, nous avons choisi un mot à accent fixe paroxyton, puisque qu’il s’agit de l’accent le
plus fréquent dans la langue portugaise. Le choix de la variation accentuelle dans le SN 1 doit
1
Cf. http://www.u-grenoble3.fr/dialecto/AMPER/amper.htm
nous permettre d’évaluer l’influence de la position de l’accent lexical dans le mouvement
global de la courbe mélodique et, ensuite, sa pertinence pour la perception de la modalité.
Des deux modalités étudiées – déclarative et interrogative – nous avons choisi de
présenter ici des résultats pour l’interrogative totale, vu que maintes fois c’est dans cette
modalité que nous avons constaté une plus grande diversité prosodique. Le corpus sur lequel
se base cette étude est présenté dans le tableau 1:
Codage
Accent lexical
AMPER pour l’adj. du SN1
oxyton
bwti
Phrases choisies
O pássaro bisavô toca no Toneca?
fwti
paroxyton
O pássaro pateta toca no Toneca?
vwti
proparoxyton
O pássaro cómico toca no Toneca?
Tableau 1 – Structures sélectionnées du corpus AMPER-POR
Pour l’analyse, à l’aide du logiciel CoolEdit, nous avons choisi les trois meilleures
répétitions de chaque phrase. L’analyse du signal acoustique des segments vocaliques a été
faite sur MatLab avec des routines développées par Antonio Romano (2007). Le traitement
statistique des données a été réalisé en utilisant une interface créée par Albert Rilliard2. Cette
interface permet aussi des représentations graphiques des paramètres prosodiques – de F0, de
durée et d'intensité –, ainsi que des fichiers TON synthétisés sur les fichiers TXT qui gardent
la moyenne des 3 répétitions analysées. Ces fichiers TON seront utilisés, plus tard, pour la
réalisation des tests de perception.
Les résultats de l’analyse, ainsi que les tests de perception, seront présentés dans le point
suivant.
3. Analyse et discussion des résultats
3.1. ANALYSE ACOUSTIQUE
Sur la figure 2, nous présentons les résultats de F0 pour toutes les voyelles réalisées dans
les phrases interrogatives du corpus choisi. Cette figure est constituée par trois graphiques.
Chacun affiche les résultats par type d’accent pour les 6 locuteurs.
Si on observe le mouvement de F0 sur le premier groupe tonal de ces énoncés – O
pássaro bisavô/pateta/cómico – on peut souligner les observations suivantes :
- des réalisations mélodiques assez parallèles de la part de chaque locuteur, si l’on fait
abstraction des différences de registre inter-locuteurs;
- la présence d’un relief mélodique sur les voyelles toniques du noyau et de l’expansion
adjectivale, hormis quelques exceptions (structures bwti et fwti du locuteur de Trás-osMontes);
- une proximité plus évidente pour certaines régions que pour d’autres, même si elles sont
géographiquement plus éloignées, comme c’est le cas de l’Algarve (sud) qui présente des
résultats plus proches de ceux de Beira Alta (nord). Des résultats analogues ont été déjà
constatés pour d’autres structures dans des études réalisées pour d’autres locuteurs de ces
2
Cf. Rilliard/Lai 2007 et http://groupeaa.limsi.fr/membres:rilliard:outils_amper
mêmes régions3. Ce même constat a déjà été validé par une étude postérieure de mesures
automatiques de la similitude entre les tracés prosodiques4. Par contre, on observe un
éloignement des caractéristiques mélodiques de certains locuteurs même si originaires de
régions voisines, voire le cas des locuteurs de l’Algarve et de l’Alentejo. Observons encore
une sorte de charnière opérée par le locuteur de Beira Litoral, exception faite pour le dernier
groupe tonal, dont les résultats de F0 décrivent un mouvement circonflexe qui se détache de
tous les autres mouvements et est caractéristique des interrogatives se terminant par ce type
d’accent. Cette configuration a déjà été constatée dans d’autres études publiées
antérieurement (Moutinho et al., 2011: 135).
En ce qui concerne le groupe verbal, les résultats de F0 montrent:
- une structure mélodique similaire, indépendamment de la structure accentuelle du SN1, du
locuteur et de sa région d’origine;
- une montée depuis la pré-tonique jusqu’à la tonique, avec une descente postérieure de F0
jusqu’à la dernière voyelle de l’énoncé;
- un schéma mélodique final circonflexe du tonème, caractéristique toujours présente pour les
finales paroxytons et proparoxytons. Ce contour n’est pas celui qui est traditionnellement
décrit pour les interrogatives globales du portugais, habituellement soulignées par une montée
finale (Mateus et al. 1992: 345-346), même si dans certaines études cette possibilité de
variation pour l’interrogative totale a déjà été soulignée (Cruz-Ferreira, 1980; Mata/Pereira,
1992). Le contour canonique montant n’apparait dans nos études des variations prosodiques
que dans les cas où les énoncés se terminent par un mot oxyton, comme c’est le cas, dans
notre corpus, pour la structure «O pássaro toca no Toneca bisavÔ» (Moutinho/Rei, 2009: 66).
Pour les deux autres accentuations – paroxyton, proparoxyton – le mouvement est montantdescendant, comme on peut le vérifier sur la figure 25.
Accent oxyton – O pássaro bisavô toca no Toneca?
“Parece-nos poder afirmar, e tendo também em conta as análises efectuadas para os outros tipos de
acento, que a variação de F0 aproxima mais os dois informantes das duas áreas geográficas mais
afastadas (Algarve e Beira Interior) do que os das mais próximas (Beira Litoral e Beira Interior). (...)
A comparação entre Algarve e Beira Interior possui uma média inferior a 1, mostrando respostas que
indicam tendencialmente uma ligeira ou mesmo nenhuma diferença; outras comparações, como as
efectuadas entre Beira Interior e Beira Litoral apresentaram médias de cerca de 1.5” (Moutinho et al.,
2005: 23 et 29).
4
“(...) les points 00q (Algarve) et 001 (Minho) présentent des différences importantes, tandis que les
points 00q (Algarve) et 016 (Beira Alta) semblent plus proches” (Moutinho et al., 2011).
5
Les sequences numériques qui précèdent le nom de chaque région correspondent à des codes
AMPER donnés à chaque point d’enquête.
3
Accent paroxyton – O pássaro pateta toca no Toneca ?
Accent proparoxyton – O pássaro cómico toca no Toneca ?
Figure 2 - Résultats du mouvement de F0 pour les interrogatives
Afin de déterminer le rôle joué par le premier groupe tonal, nous avons étudié d’une
façon plus détaillée les différents contours décrits par F0 sur le SN1 des phrases: O pássaro
bisavÔ/patEta/cÓmico. En utilisant les données obtenues au cours de l’analyse acoustique,
nous avons construit des graphiques sur Excel (figure 3) où l’on représente les contours
mélodiques des SN1 y compris le noyau (voyelles 1 à 4) et les trois accents lexicaux de
l’adjectif (voyelles 5 à 7) et ce par locuteur/région.
0012 Minho
0062 Trás-os-Montes
0132 Beira Litoral
0162 Beira Alta
00i2 Alentejo
00q2 Algarve
Figure 3 - Résultats du mouvement de F0 de l’adjectif dans le premier groupe tonal
Contrairement à ce que l’on a pu observer pour le deuxième groupe tonal, on constate
que les courbes mélodiques décrites par F0 présentent des mouvements plus différenciés, bien
que les pics tonals se manifestent presque toujours sur les voyelles toniques.
Sur ce même graphique, on observe encore une grande homogénéité à l’intérieur du
noyau du SN1, avec une montée vers la voyelle tonique de PÁssaro et ceci pour tous les
locuteurs, excepté le locuteur6. Néanmoins, si l’on regarde de plus près les trajets des courbes
mélodiques décrits par l’extension adjectivale, on voit que ceux-ci sont plus diversifiés, que
ce soit intra locuteur ou interlocuteurs. Cette diversité de mouvements peut être due aux
différents accents lexicaux des adjectifs, bien que plus marquée pour certains locuteurs que
pour d’autres. En effet, chaque accent décrit un mouvement différent. Ainsi, sur l’oxyton
bisaVÔ, on observe souvent une forme en V, comme s’il y avait un accent secondaire sur bi
et un principal sur VÔ, alors que c’est l’inverse sur le paroxyton paTEta, où seul l’accent
tonique ressort, en décrivant un mouvement circonflexe. En ce qui concerne le proparoxyton
CÓmico, le sommet est atteint sur CÓ, suivit d’une descente sur mi et disparition de la
dernière voyelle qui, dans la majorité des cas, n’est pas produite. Malgré cette diversité de
configurations, les pics de F0 se manifestent toujours sur la voyelle tonique de l’adjectif.
3.2. LES TESTS DE PERCEPTION
Nous appuyant sur les résultats des analyses acoustiques que nous venons de
présenter, nous avons décidé de réaliser des tests de perception, afin d’avérer, d’une part, si le
contenu prosodique stocké dans les fichiers TON est suffisant pour l’identification de la
modalité interrogative et, d’autre part, quelle est l’importance du premier groupe tonal dans
cette identification, vu que maintes fois c’est le deuxième groupe tonal, surtout les valeurs de
F0, qui est reconnu comme le principal responsable de la distinction entre les modalités
étudiées (Coimbra et. al 20087). Même si des études antérieures (Zerling/Moutinho, 2002:
1358; Moutinho et. al 2011: 1389) présentent le 2ème groupe tonal comme le plus grand
Cette montée est apparemment absente pour le locuteur de l’Algarve (00q2), dû à la non réalisation
de l’article initial dans ces phrases, néanmoins présente dans d’autres phrases de notre corpus pour ce
même locuteur.
6
7
«Como aspectos a destacar deste nosso estudo, apontamos a grande importância de F0 nos dois informantes,
para a distinção dos tipos declarativo e interrogativo. (…) A duração e a energia, embora contribuam,
apresentam-se como parâmetros menos determinantes na distinção entre modalidades» (Coimbra et al, 2008:
290).
8
«En portugais, la courbure générale des deux schémas mélodiques est presque parallèle, mais cette
fois avec une voix systématiquement plus élevée pour l'ensemble de la phrase interrogative (d'un
responsable de l’identification de cette modalité, nous constatons également que, pour les
deux modalités étudiées (déclarative et interrogative), les valeurs de F0 sont déjà distinctes
dans le premier groupe tonal. Ce constat nous a poussées à vérifier aussi si cela est perceptif à
l’oreille et quel est le rôle détenu par ce premier groupe dans cette identification. Ainsi, des
tests de perception doivent répondre aux questions suivantes:
- L’information prosodique contenue dans les fichiers TON est-elle suffisante pour
l’identification de la modalité interrogative globale?
- Quel est le rôle de chacun des deux groupes prosodiques - SN1 (N + Adj) + SV (V + SN2) dans cette reconnaissance?
- Quelle est la portée du changement de l’accent lexical dans le premier groupe en ce qui
concerne l’identification de la modalité?
- Le nombre de réponses justes au questionnaire présenté est-il en rapport avec la provenance
du locuteur?
3.2.1. Procédure pour l’élaboration et l’application des tests de perception
Pour atteindre nos objectifs, nous avons procédé de la manière suivante:
- utilisation des fichiers synthétisés, dans les modalités déclarative (vraie10 déclarative) et
interrogative (vraie interrogative), dépourvus de contenu lexico-sémantique et obtenus à partir
des données prosodiques de la moyenne des 3 répétitions des phrases analysées et stockées
dans des fichiers texte;
- construction de fichiers synthétisés basés sur ces fichiers texte, avec la combinaison
suivante:
a) le SN1 de la phrase interrogative + le SV de la phrase correspondante déclarative (fausse11
déclarative);
b) le SN1 de la phrase déclarative + le SV de la phrase correspondante interrogative (fausse
interrogative).
De ces combinatoires résultent un total de 4 structures prosodiques par accent lexical,
ce qui donne un total de 12 structures par locuteur. Chaque auditeur doit ainsi évaluer un total
de 72 énoncés synthétisés, vrais ou faux, comme nous venons de l’expliciter (voir tableau 2).
maximum de 5,6 demi-tons (118/164 Hz) au début, à 2,3 demi-tons (151/132 Hz) pour le reste). La
distinction entre les deux phrases, au plan de la mélodie, semble tenir essentiellement à cette hauteur
différente, notamment dès l'attaque initiale, ainsi qu'à la petite inversion montante sur la dernière
voyelle, pour l'interrogative» (Zerling/Moutinho, 2002: 135).
9
«En las interrogativas, la trayectoria prenuclear se presenta siempre con un nivel de F 0 superior al de
las asertivas, pareciendo contener información relevante para la diferenciación entre regiones e incluso
entre locutores de una misma región./ Sin embargo, parece que es el último grupo tonal el gran
responsable por la percepción de una interrogativa, y que es lo que detiene el pico de F 0» (Moutinho
et. al 2011: 138).
10
Quand le fichier synthetisé (fichier TON) est construit sur les donnés des fichiers texte obtenues a
partir de l’analyse des énoncés tel qu’ils ont été réellement produits.
11
Quand le ficheir synthetisé (fichier TON) est construit sur les donnés des fichiers texte avec le
remplacement des données du SN1 par celles du SN1 de la modalité contraire.
Structure
Composée par
SN1
SV
déclarative
déclarative
Vraie déclarative
bwta
bwta
bwta
Vraie interrogative interrogative interrogative
bwti
bwti
bwti
interrogative déclarative
Fausse déclarative
bwtia
bwti
bwta
interrogative
Fausse interrogative déclarative
bwtai
bwta
bwti
Tableau 2 – Exemple des 4 combinatoires présentées pour l’accent oxyton
Ces fichiers, ainsi conçus, ont été écoutés et jugés par 21 femmes portugaises,
étudiantes de 1ère année de l’enseignement supérieur, non linguistes, âgées de 17 à 22 ans.
Pour la réalisation des testes de perception, nous avons utilisé un ordinateur portable
Vaio et des haut-parleurs Sony SRS-A57Mega Bass dans un environnement non insonorisé
(salle de cours). Après quelques consignes fournies aux auditrices, on leur a distribué une
feuille où elles devaient noter leurs réponses. Pour chaque fichier TON écouté trois réponses
étaient possibles: déclarative, interrogative, je ne sais pas. Une seule audition était prévue
pour chacune des 72 phrases synthétisées.
Ensuite, nous représentons sur différents graphiques (figures 4 à 6) les résultats de ces
tests.
3.2.2. Résultats des tests de perception
En observant la figure 4, nous pouvons constater, dans un premier aperçu, que toutes
les structures y représentées, vraies ou construites, ont été bien identifiées. Les réponses
justes, pour l’identification de la modalité de n’importe quelle structure, dépassent 60%. Les
erreurs (modalité non identifiée ou identifiée de façon incorrecte) présentent un pourcentage
de l’ordre de 20%, ou même inférieur. Un seul cas (fwta) dépasse légèrement ce pourcentage
d’erreur. La lecture de ce graphique nous permet aussi de voir que les réponses des auditrices
sont, dans la plupart des cas, en accord avec le dernier groupe tonal, qui constitue chaque
énoncé. En effet, si le dernier groupe appartenait à une déclarative, presque dans tous les cas,
la phrase était reconnue comme déclarative; si le dernier groupe appartenait à une
interrogative, presque dans tous les cas la phrase était reconnue comme interrogative. Et ceci
indépendamment du contenu vrai ou faux du premier groupe.
Figure 4 - Résultats globaux des tests pour toutes les modalités comprises (vraies et fausses)
Dans la figure 5 (voir ci-dessous), nous représentons les résultats distribués par
accents lexicaux sur l’adjectif du SN1 pour tous les énoncés interrogatifs.
Globalement, nous pouvons constater que le changement d’accent lexical sur l’adjectif
du SN1 n’est pas déterminant pour le nombre de réponses justes pour les différentes structures
accentuelles des vraies interrogatives (bwti, fwti, vwti), vu que les résultats obtenus dans les
deux cas (vraies et fausses) sont très proches. Pourtant, quand on compare ces structures avec
celles dont les SN1 appartiennent à la déclarative (bwtai, fwtai, vwtai), le taux de succès
baisse, ce qui nous mène à croire qu’effectivement il a déjà un peu de l’information
prosodique dans ce premier groupe tonal pour l’identification de la modalité, même si cette
information est peu pertinente.
Ces résultats perceptifs peuvent être mis en rapport avec les résultats des analyses
acoustiques où les valeurs obtenues pour F0 sont déjà différentes dans ce premier groupe, se
traduisant ici par une légère difficulté au niveau de la perception. Ce constat est récurrent dans
nos analyses antérieures et se traduit par des valeurs plus élevées pour la phrase interrogative
par rapport à celles obtenues pour la déclarative, comme on le mentionne dans la note 9 (voir
plus haut). Malgré cette différence au début de l’énoncé, il nous semble que le deuxième
groupe mélodique est toujours le plus pertinent pour l’identification de la modalité, vu que
l’identification est surtout basée sur le contenu prosodique final, comme les pourcentages
inscrits sur la figure 4 en témoignent.
Figure 5 – Résultats des tests par structure accentuelle pour les interrogatives (vraies et fausses)
Finalement, nous présentons dans les graphiques de la figure 6 les résultats des tests de
perception par locuteur/région.
Figure 6 – Résultats des tests de perception par locuteur/région
En observant le graphique de gauche où sont représentés les résultats par
locuteur/région, tous accents confondus, nous constatons que les auditrices ont manifestement
plus de facilité à reconnaître les interrogatives chez certains locuteurs que chez d’autres. En
dépit de ces différences, le pourcentage de réponses justes reste élevé dans tous les cas.
Exception faite pour le locuteur de Minho, tous les pourcentages de réponses justes dépassent
toujours 60% et atteignent même plus de 90% pour le locuteur de l’Algarve.
Sur le graphique de droite, où les résultats représentés ont été calculés en croisant les
données des différentes structures accentuelles et l’origine des locuteurs, les réponses des
auditrices ne rendent visible aucune régularité entre structure accentuelle/origine des
locuteurs. Malgré le nombre réduit de phrases par locuteur, il nous semble pouvoir affirmer
qu’aucune structure accentuelle du SN1 ne rend plus facile la reconnaissance de la modalité
en question. On observe que même s’il y en a quelques-unes qui aident plus à l’identification
de la modalité que d’autres, cela peut varier en fonction de l’origine du locuteur. Il serait
souhaitable d’élargir les tests de perception à d’autres phrases du corpus pour vérifier si cette
irrégularité se maintient, de façon à mieux déterminer le rôle joué par la variation accentuelle
dans l’identification des modalités.
4. Considérations finales
Les résultats des analyses acoustiques présentées plus haut montrent que le
mouvement de F0 sur le premier groupe tonal se présente plus diversifié, non seulement en
fonction du locuteur, mais aussi en fonction de la position de l’accent lexical de l’extension
du SN1. En ce qui concerne le dernier groupe mélodique, on trouve une configuration
prosodique plus similaire entre les locuteurs, présentant une montée jusqu'à la dernière
voyelle tonique de l’énoncé suivi d’une descente abrupte finale, ce qui se traduit par une
configuration mélodique circonflexe.
La façon dont nos auditrices ont perçu les énoncés est sûrement à mettre en rapport
avec la variation des valeurs de F0. En effet, on pourrait dire que les résultats des tests de
perception confirment que l’information prosodique se révèle déterminante pour
l’identification de la modalité interrogative.
Les résultats attestent que le dernier groupe tonal est le principal responsable de la
perception de la modalité. Dans tous les cas, en dépit du mouvement final circonflexe (voir
figure 2), la phrase interrogative a été facilement reconnue. Ceci est visible sur la figure 5, où
les fausses interrogatives (bwtai, fwtai, vwtai) continuent d’avoir des taux de réponses justes
favorables et certaines structures ont même atteint des valeurs presque identiques à celles des
vraies interrogatives (bwti, fwti, vwti).
Cela montre aussi que le contenu prosodique dans le 1er groupe tonal,
indépendamment de l’accent lexical qui porte l’adjectif, ne facilite ni ne nuit à l’identification
de la modalité interrogative, bien quelle soit plus facilement identifiée quand le SN1 et le SN2
appartiennent tous deux à la phrase interrogative.
Finalement, les résultats des tests de perception montrent aussi que le nombre de
réponses justes données par les juges peut être en rapport avec l’origine du locuteur, bien que
les énoncés de tous les locuteurs aient été facilement identifiés. Pourtant, le nombre réduit de
locuteurs par point d’enquête nous mène à considérer que les différents taux obtenus pour ce
test peuvent aussi être dus à des différences idiosyncrasiques où de registre.
Des études comme celle que nous venons de présenter mériteraient d’être élargies de
façon à pouvoir inclure un plus grand nombre de locuteurs par aire dialectale ainsi que
d’autres structures déjà présentes dans notre corpus.
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