Sujet L2 - 1er - Lysias Paris 1

Transcription

Sujet L2 - 1er - Lysias Paris 1
Avec Le Soutien de nos partenaires
présente
Le Concours de Plaidoirie Lysias Paris I
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1er tour du Concours interne
Licence 2
8 février 2014
Affaire: NAÏF C/ SUDÉLOI
Argus NAÏF était un grand collectionneur d’art réputé pour sa fascination, non
pour la beauté des objets mais plutôt pour leur titre. Qu’un fauteuil soit de style
Louis XVI lui suffisait pour l’acheter, beau ou laid, du moment qu’il pouvait se
targuer de sa qualité.
Après des années de recherches, son salon était rempli d’un ensemble
hétéroclite de meubles et de bibelots dépareillés, composant un ensemble d’un
goût douteux.
Pourtant, il se plaisait à convier tout ce que le Bottin Mondain compte de plus
chic, tant il aimait se pavaner au milieu de ses chères et convoitées trouvailles.
Il attachait une telle importance à compléter sa collection qu’il n’hésitait jamais
à mettre le prix fort pour acquérir un bien. Aussi, sa seule apparition dans une
brocante créait parmi les antiquaires un émoi digne de celui de midinettes au
concert de leur chanteur préféré.
Par un après midi ensoleillé, Argus NAÏF s’engagea d’un pas décidé dans le
marché d’art d’Amboulli sur Brestile, bien connu pour la filouterie de ses
vendeurs aux certificats d’authenticité douteux. Il comptait sur son œil affûté
pour dénicher la perle rare qui couronnerait sa collection.
Cette arrivée n’avait pas échappé à Aude SUDÉLOI, jeune antiquaire débutante
et ambitieuse. Elle savait par la rumeur qu’Argus était exigeant mais qu’une vente
réalisée la mettrait à l’abri du besoin pour un bon moment.
De peur qu’Argus NAÏF n’arrive jamais devant son stand excentré, elle prit les
devants et se coula sous son bras avant même qu’il n’ait eu le temps de saluer la
moindre connaissance. D’une voix suave, elle se présenta et lui promit monts et
merveilles s’il daignait l’accompagner jusqu’à son stand. Flatté de l’intérêt qui lui
était porté par une si belle jeune femme, Argus NAÏF se laissa mener devant
l’objet qu’Aude SUDÉLOI espérait vendre : un authentique vase Ming, fleuron de
sa collection, bien en évidence sur une somptueuse table de bois laqué.
Argus NAÏF laissa échapper un cri de joie, et demanda immédiatement combien
Aude SUDÉLOI demandait pour cette merveille.
Celle-ci, évidemment persuadée qu’il parlait du vase, avança un prix de 70 000 €,
espérant en obtenir 50 000 € après négociation.
Argus ne l’écoutait qu’à moitié, contemplant l’écriteau « Table de salon du Tsar
de Russie Alexandre II ». Il se voyait déjà dîner sur la table d’un empereur.
Convaincu qu’il avait trouvé l’élément central qui manquait à son merveilleux salon,
il accepta le prix avancé par Aude, trop effrayé de perdre l’affaire pour tenter
de le négocier.
La jeune vendeuse exulta, mais devint livide lorsqu’Argus lui précisa qu’elle
devrait livrer la table chez lui. Il parlait de la table ! 70 000 € pour une table
dont elle connaissait l’authenticité mais pas la valeur. Son grand-père la lui avait
cédée en apprenant qu’elle se lançait dans la profession, pour lui donner un coup
de pouce, mais elle n’avait pas eu le temps de faire des recherches sur son
historique et sur son prix.
Elle tituba et Argus NAÏF l’aida à s’allonger dans un sofa Louis XVIII.
Affolé de la voir ainsi réagir, il lui assura qu’il se débrouillerait pour faire porter
la table, et qu’en échange d’une réduction de 1 000 € pour les frais de transport,
elle n’aurait plus à s’en soucier.
C’’est donc en ces termes, et après présentation du certificat d’authenticité,
qu’Aude SUDÉLOI et Argus NAÏF rédigèrent un contrat de vente d’une table
Alexandre II pour un prix de 70 000 €, au bas duquel ils apposèrent leurs
signatures.
Quelques mois plus tard, Argus Naïf organisa un dîner, persuadé de faire son
petit effet avec sa nouvelle acquisition.
Alors qu’il dissertait sur la rareté de cette pièce exceptionnelle, un de ses vieux
amis, Professeur d’Histoire et spécialiste de l’Empire Russe, s’exclama :
« Rareté ? Ce meuble n’a rien de rare. Alexandre, émerveillé de tant de beauté
en avait commandé tant que l’intendant du palais a en a offrert moult à de
nombreux invités car il ne savait plus qu’en faire. »
Argus NAÏF, un peu déçu, répondit quand même que la table restait un objet de
grande valeur et qu’elle avait donc tout à fait sa place dans sa collection. Le
Professeur opina du chef, affirmant qu’il ne serait pas étonné qu’Argus l’ait
payée au moins 8 000 ou 9 000 €.
La soirée fut écourtée par l’arrivée du SAMU, le cœur d’Argus NAÏF ayant mal
supporté pareille révélation.
Dès sa sortie de l’hôpital, Argus NAÏF décida de régler ses comptes avec Aude
SUDÉLOI.
Par une plaidoirie aussi éloquente que juridiquement fondée, et d’une durée
maximale de dix minutes, vous défendrez, en tant que demandeur, les
intérêts de M. Argus NAÏF, et, en tant que défendeur, ceux de Mlle Aude
SUDÉLOI.

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