cahiers de vacances le Parisien 2 juillet 20140

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cahiers de vacances le Parisien 2 juillet 20140
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SOCIÉTÉ
Mercredi 2 juillet 2014
Le retour du bon vieux
cahier de vacances
ÉDUCATION. Ils ont un côté scolaire qui rassure sans doute les parents, et leurs
ventes connaissent un étonnant rebond, malgré les applis et autres logiciels éducatifs.
ILS SONT opportunément arrivés
dans les rayons juste avant les
conclusions, parfois lapidaires, du
bulletin du dernier trimestre. « Niveau un peu juste. Passe en
CE 1 mais devra redoubler d’efforts… » Ce n’est donc pas un hasard si c’est à partir de maintenant,
et jusqu’à la mi-juillet, que vont
s’écouler en France quelque
4,2 millions de cahiers de vacances,
censés permettre aux écoliers de
fournir ces fameux efforts ou de ne
pas perdre la main pendant deux
interminables mois de vacances.
Le premier et le plus prisé des
outils de révision estivale se porte
comme un charme : après quatre
décennies de tranquille stabilité,
les ventes connaissent un rebond
étonnant depuis trois ans, pour atteindre un chiffre d’affaires de
25,2 M€ en 2013.
« Un livre dont on tourne
les pages, sur lequel on
doit écrire en s’appliquant,
ça les rassure »
Cécile Labro,
responsable d’Hachette Education
C’est bien simple : en 2014, 87 %
des parents pensent qu’il est utile
que l’enfant continue à travailler
en juillet-août, si l’on en croit une
étude* que vient de publier l’Institut des mamans pour la marque de
jouets éducatifs Leapfrog. Et, parmi
ces convaincus, un quart affirment
même que c’est indispensable !
« Le paradoxe, c’est que le tiers de
ces parents considèrent que les devoirs de vacances sont une corvée »,
sourit Myriam Le Danvic, chef de
projet de cet institut. « D’ailleurs,
une proportion équivalente ne sait
pas quoi leur faire faire ! Le cahier,
c’est une solution de facilité. Ils en
ont plutôt un bon souvenir, ils n’en
attendent pas des merveilles non
plus, mais 70 % des parents en ont
déjà acheté. »
Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), le 28 juin.
Cet été encore, les parents vont acheter quelque 4,2 millions
de cahiers de vacances à leurs enfants afin qu’ils ne perdent pas le rythme. (LP/Olivier Corsan.)
Du côté des enfants, l’outil est
diversement apprécié : il est jugé
plus amusant par les filles (72 %)
que par les garçons (51 %), mais un
enfant de 6 à 9 ans sur deux trouve
que les formats sont trop scolaires.
D’ailleurs, plus ils grandissent et
plus le cri du cœur est sans appel :
« Ça ressemble trop à l’école! » Et ça
n’amuse plus du tout 56 % des enfants de CM 1. Pourtant, c’est préci-
sément pour ce côté très scolaire
que les parents se ruent sur les
quelque quarante collections existantes ! « Les familles s’inquiètent
pour la plupart de voir leurs enfants
plongés en permanence dans leurs
écrans. Un livre dont on tourne les
pages, sur lequel on doit écrire en
s’appliquant, ça les rassure »,
confirme Cécile Labro, responsable
d’Hachette Education, qui édite la
Panachez le sérieux et le ludique
�
Ce n’est pas le débat sur les
rythmes scolaires qui aura rassuré
les parents sur cette question… Tous
les experts n’ont cessé de le marteler :
deux mois sans stimulation scolaire,
pour certains enfants, c’est trop long.
Si le vôtre est de ceux qui pédalent à
l’école, les devoirs de vacances sont un
peu incontournables, à condition de
veiller à respecter quelques règles d’or.
On se détend. Les vacances sont une
parenthèse nécessaire, y compris pour
les cris et les reproches. Si vous n’avez
qu’une semaine en famille au soleil, ne
la gâchez pas avec une heure de
cahier de vacances tous les matins.
Essayez de stimuler votre enfant
autrement : en l’emmenant au musée,
en écoutant des livres audio dans la
voiture, en le laissant acheter le pain
et compter la monnaie… Ensuite, si
vous ne sentez pas le courage de
reprendre ces cahiers de leçons de
retour au bercail, laissez le choisir son
cahier de vacances. L’immense
majorité d’entre eux sont attirants et
ludiques. Il est important que l’enfant
ne se braque pas d’entrée.
On s’adapte. Plutôt que de lui
imposer un planning de bachelier,
attendez qu’il ait envie d’attaquer son
cahier, quitte à le laisser commencer
par un chapitre au beau milieu si ça le
met en confiance. Les psys
s’accordent pour dire que les devoirs
de vacances qui tournent à l’épreuve
de force sont rarement profitables. Si
vous ne vous sentez pas la sérénité ou
la patience, déléguez ! Un grand-père
ou une tata patiente peuvent tout
aussi bien l’épauler. « On ne rattrape
pas une année en quelques matinées
d’été », prévient Cécile Labro,
responsable des cahiers de vacances
Hachette. « Mais ça permet de
valoriser ce que l’enfant sait faire,
d’occasionner quelques déclics, et
surtout de libérer la parole sur les
difficultés. »
On varie les plaisirs. Parce que,
comme la plupart des parents, vous
ignorez quel est au juste le
programme de grande section ou de
CE 2, faites confiance aux outils des
pros, même quand ils ne sont pas très
orthodoxes en apparence. Beaucoup
de nouveaux supports (y compris de
très belles applis sur tablette) font
travailler les maths, le français ou la
science sans en avoir l’air, à travers
des énigmes ou des jeux. Même
« l’Anti-cahier de vacances de Tom
Tom et Nana » (Bayard Jeunesse), qui
se moque du genre et permet de se
fabriquer des antisèches, dédramatise
joyeusement les devoirs de vacances.
L’idéal, si l’enfant est d’accord, c’est
de panacher les deux : un peu de
F.D.
classique, un peu de ludique.
moitié des cahiers vendus en France, dont le fameux « Passeport »,
38 ans au compteur. « On a eu beau
élargir la palette des outils ludoéducatifs, proposer des applications
qui marchent très bien aussi, il y a
un côté retour au bon vieux BA-ba
qui booste le cahier classique ! »
Le BA-ba n’est d’ailleurs pas un
vain mot, puisque le gros des ventes concerne les classes de… grande
section de maternelle, CP et CE 1,
l’âge des apprentissages basiques.
Quels que soient les programmes et
les méthodes, les parents veulent
que leurs enfants sachent lire, écrire et compter parce que cela conditionnera toute leur scolarité. Et, entre pression et culpabilité, ils sont
persuadés d’avoir un rôle à jouer…
Dans l’étude de l’Institut des mamans, 83 % des parents interrogés
ont conscience qu’un cahier de vacances sans parent par-dessus
l’épaule, ça ne fonctionne pas. Une
condition sine qua non confirmée
par les éditeurs. « On ne trompe
jamais un gamin, même petit : il
sait qu’on le fait travailler »,
conclue Cécile Labro pour Hachette. « Mais c’est comme un jogging
qu’on fait à deux. On s’entraîne, on
voit du paysage, on parle… Ça n’arrive pas si souvent dans l’année. »
FLORENCE DEGUEN
* Etude réalisée entre le 29 avril
et le 11 mai auprès d’un échantillon représentatif de 525 parents
d’enfants de 3-9 ans
et de 300 enfants de 6-9 ans.