Programme détaillé de la projection
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Programme détaillé de la projection
VENDREDI 10 OCTOBRE 2014 - 21H musée des Abattoirs Projection : Une (h)anthologie visuelle de l'Anthropocène Dans le cadre d’ "Anthropocène Monument : un colloque-performance", en partenariat avec La Novela, fête connaissance ! Cette séance propose une généalogie visuelle de l’Anthropocène. Elle n’aspire pas à être une histoire, mais plutôt une contre-histoire aléatoire, proposant un aller-retour parmi quelques gestes et formes de pouvoir qui nous ont entraîné dans cette nouvelle ère planétaire. Cette contre-histoire commence avec un hominidé qui se dresse et apprend à utiliser sa main comme une pince pour tenir un outil. Ce début est, en soi, la production d’une fabrique d’images hollywoodienne. De l’outil aux loisirs… Les travailleurs quittent leur lieu de travail : première occultation… La ville devient une question d’échelle dans laquelle l’homme cesse d’être la mesure, du moins par moments. Des outils hors du commun occupent désormais le paysage… Le geste (néo)dadaïste est capable de récupérer provisoirement l’échelle humaine, même si c’est au bord d’une plage jonchée de déchets. Gestes marqués par la vie mécanisée, qui cherchent en même temps à la déjouer et invitent à reconsidérer, toujours et encore, cette sortie des travailleurs de l’usine… Mais où vont-ils ? Si, à la fin du XIXe siècle, les travailleurs semblaient avoir une destination claire à la sortie du travail, l’horizon, à la fin du XXe, semble brouillé. Pour les uns, effacés au nom du progrès, des bus attendent aux portes de l’usine ou du chantier. Pour les autres, le mouvement perpétuel de journées semblables à elles-mêmes, dans lesquelles les activités diurnes polluent les activités nocturnes. Travail, jeu et repos fondus dans un même continuum temporel… Le ballet mécanique du XIXe face à l’énergie statique du XXe... Le développement atomique comme stratification de vides. La guerre comme machinisme échevelé du XXe et héritage stratigraphique du XXIe siècle... Même dans ces paysages rocheux, désertiques et inhospitaliers, peut toujours apparaître une agitation, une masse informe en mouvement, ne sachant où aller, cherchant à échapper au contrôle. Et tout cela pourrait bien entendu être réécrit à l’envers. Programmateur associé : Josetxo Cerdan Spécialiste du cinéma de non fiction, Josetxo Cerdan est professeur à l’Université Carlos III de Madrid où il dirige actuellement plusieurs programmes de recherche. Il a publié de nombreux ouvrages sur le cinéma, du numérique à l’ethnographie expérimentale. De 2009 à 2012, il a été directeur du festival Punto de Vista. En 2012, il a été le premier européen invité à programmer le prestigieux Flaherty Seminar outre Atlantique. Il a enfin conçu des cycles pour des lieux aussi prestigieux que l’Anthology Film Archives de New-York, le festival Distrital de Mexico, DocLisboa ou le festival de Locarno… Il sera présent à Toulouse les 14 et 15 janvier 2015 pour présenter Débordements, cycle qu’il a conçu pour les Abattoirs, en partenariat avec le Cratère et l’isdat. PROGRAMMATION Footprints de Bill Morrison (16mm, 6’, nb, son, 1992) «L’évolution comparée du cinéma et de l’homme moderne, à partir d’un mariage musical entre Island of Lost Souls et Caravan de Duke Ellington» - Bill Morrison Bill Morrison fait actuellement l’objet d’une rétrospective au MoMA de New‑York : www.moma.org/visit/calendar/films/1524 Sortie d’usine, III (Cat. Lumière N°91) d’Auguste et Louis Lumière (Fichier numérique, 0’40’’, nb, sil, 1896) “Le premier film de l’histoire du cinéma montre des travailleurs quittant l’usine. (…) Il y a trois versions connues de cette oeuvre. C’est dans le disque dur et le logiciel de la «machine» cinématographique que réside une bonne part du charme spécifiquement mécanique de l’ère industrielle. Il est paradoxal, en ce sens, que les frères Lumière aient inauguré l’histoire du cinéma avec des travailleurs quittant l’usine plutôt que de privilégier l’image de ces mêmes travailleurs sur les chaînes de montage.» - Peter Tscherkassky Hong-Kong (HKG) de Gérard Holthuis (Fichier numérique, 13’, nb, son, 1999) Le sujet de Hong Kong (HKG) est le passage des avions au milieu de la ville, prêts à atterrir ou décoller de l’aéroport Kai Tak de Hong Kong, fermé en 1998. Le tour de force du film réside dans son emploi subtil des cadrages et des échelles, qui parvient à faire se confondre l’espace urbain et aérien, le ciel et la ligne d’horizon. De l’observation de cette confrontation entre de véritables «monstres volants» d’une part et l’habitat saturé des hommes d’autre part, naît une méditation sur la fin du XXe siècle et le rapport de l’individu à la mégalopole. ment perpétuel s’effondre. Rien ne va plus.» - Peter Tscherkassky Kuzu (Junks) de Takahiko Iimura (16mm, 10’, nb, son, 1962) Work, Rest & Play de People Like Us (aka Vicki Bennett) (Fichier numérique, 14’, coul, son, 2007) «La plage de la baie de Tokyo servait de dépotoir pour tous les rejets humains, animaux et industriels de la ville quand j’ai tourné Kuzu au débuts des années soixante - aujourd’hui ce n’est plus le cas. Ce qui m’intéressait, c’était la façon dont mon travail pourrait redonner vie aux déchets et aux cadavres d’animaux, ce qui peut sembler irréel, alors que les objets sont réels. L’idée coïncide avec l’art néo-dadaïste, dans lequel des déchets sont assemblés et incorporés à l’oeuvre d’art. Mais d’un point de vue contemporain, le film fait assurément preuve d’un souci d’écologie et peut être considéré comme une tentative précoce de traiter le problème de la destruction de l’environnement.» - Takahiko Iimura La sortie de Siegfried A. Fruhauf (16mm, 6’, nb, son, 1998) «Plus de 100 ans après, Siegfried A. Fruhauf tourne une quatrième version de La Sortie des Ouvriers de l’Usine. Fruhauf met six minutes pour fixer sur la pellicule le destin actuel de l’industrie en filmant quatorze ouvriers et ouvrières dont le mouvement forme une croix, symbole de la mort en tant que ballet mécanique. L’image de départ est transformée en surfaces presque abstraites en noir et blanc qui sont emportées, telles les souffrances de Sisyphe, dans une danse folle de répétitions. Successivement, Fruhauf accélère le mouvement jusqu’à la frénésie. La capacité de la pellicule est testée jusqu’à sa limite physique, jusqu’à ce que ça ne marche plus. Le modèle de l’avance- Work, Rest & Play a été soigneusement agencé en un triptyque à partir de films documentaires et industriels des années 1940-1975. Des séquences empruntées aux archives Prelinger et à AV Geeks, deux des plus importantes et éphémères collections de films au monde, ont été assemblées symphoniquement. Les images de chaînes de montage, d’usines, d’industries éducatives et culturelles sont encadrées par les heures de loisir et de détente, illustrant le ronronnement sans fin de l’activité, à la poursuite du bonheur et du sens de la vie. Workers Leaving the Factory, Dubai de Ben Russell (16mm, 7’, coul, sil, 2008) «115 ans plus tard, un autre remake du pseudo-film d’actualité des frères Lumière La Sortie des Usines Lumière. Cette fois-ci, notre usine est un lieu de travail, un chantier peuplé par des milliers de travailleurs du sud-est asiatique, un site de production architectural postfordiste qui fabrique des gratte-ciels comme des voitures.» - Ben Russell Handful of Dust de Hope Tucker (Fichier numérique, 9’, coul, son, 2013) Handful of Dust est constitué de séquences de cyanotypes, exposés dans le sable, et de négatifs extraits d’un western hollywoodien de 1954. Les taux de cancer décelés chez les figurants de ce film, notamment des indiens Traduction des sous-titres du film : «Entre 1951 et 1962, les USA menèrent 119 essais terrestres d’armes nucléaires dans le Snow Canyon, état de l’Utah. Des débris retombèrent sur toute la planète. C’est ici que l’on a constaté la concentration de retombées la plus élevée jamais mesurée. Pendant l’été 1954, un film interprété par John Wayne fut tourné dans le Snow Canyon. Des membres de la tribu Shivwits des Indiens Paiutes d’Utah furent employés comme figurants. Les cavaliers sur leurs montures soulevèrent des nuages de poussière contenant du plutonium. Le plutonium est radioactif pendant 88 à 24 000 ans. Les radiations sont cumulatives. Elles endommagent l’ADN et augmentent les risques de cancer, de leucémie et de malformations de naissance. Le gouvernement connaissait les dangers dès le début, mais a assuré le public que les retombées étaient inoffensives. Ultérieurement, on diagnostiqua des cancers à nombre de figurants et de tech- niciens du film, à l’image des habitants de la zone contaminée désormais appelés les «exposés» (downwinders). Les cyanotypes sont révélés sur un papier sensibilisé qui restitue une image en Bleu de Prusse. Le Bleu de Prusse peut également être administré comme antidote pour neutraliser l’exposition aux radiations. Les cyanotypes ont une nature sensible et régénérative. Des images effacées par le passage du temps peuvent être récupérées si elles sont plongées dans le noir La bande-son a été enregistrée à Snow Canyon en 1953. Les images des armoises américaines, du bétail, des chevaux et des hommes ont été produites en 1954 à Snow Canyon, pendant le tournage du film The Conqueror. Les cyanotypes de ces images ont été révélés à Snow Canyon en 2012.» The Coming Race de Ben Rivers (Fichier numérique, 5’, nb, son, 2006) Un film artisanal dans lequel des milliers de personnes gravissent les versants d’une montagne rocheuse. La destination comme le but de l’ascencion demeurent incertains. Un pélerinage obscur, mystérieux et troublant, chargé d’intentions inconnues. Le titre, «La race à venir» est tiré d’un roman victorien d’ E.G.E. Bulwer-Lytton qui parle d’une race de gens vivant sous une montagne. Undo de Jean-Gabriel Périot (Mini-DV, 10’, coul, son, 2005) Nous n’aurons pas de lendemains qui chantent. Nous ne vivons pas une époque formidable. Etait-ce mieux avant ? les Abattoirs | 76 allées Charles de Fitte 31300 Toulouse www.lesabattoirs.org Légende couverture : extrait de Hong Kong (HKG) de Gerard Holthuis, 1999. Paiutes, prouvent que celui-ci fut tourné sous des vents contaminés par les essais nucléaires, effectués à la même époque dans le désert. Réalisé dans ce même canyon de l’Utah, Handful of Dust se veut un antidote et une méditation pour récupérer la mémoire des «exposés».