Les Mutilations Génitales Féminines et l`Islam
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Les Mutilations Génitales Féminines et l`Islam
Département Afrique - Afrique occidentale II, Angola et Afrique suprarégionale THEMES A B A N D O N D E S M U T I L AT I O N S G É N I T A L E S F É M I N I N E S Les Mutilations Génitales Féminines et l’Islam I n t r o d u c ti o n On estime que 140 millions de femmes, de fillettes et de bébés à travers le monde ont subi des mutilations génitales et ce nombre augmente en moyenne de trois millions par an. Les mutilations génitales féminines (MGF) sont surtout pratiquées dans 28 pays d’Afrique ainsi que, mais dans une moindre mesure, dans certains pays d’Asie, du Moyen-Orient et par des migrants établis dans des pays occidentaux. Bien que l’on ait cru tout d’abord que les MGF disparaîtraient sous l’effet de l’éducation sanitaire, on sait aujourd’hui qu’elles constituent un problème socioculturel et sont profondément ancrées dans les sociétés concernées. Une évolution de ces dernières est indispensable pour pouvoir mettre durablement fin à cette pratique. L’engagement contre les MGF est emblématique du renforcement des femmes et de leurs droits. En effet, les MGF sont une atteinte majeure aux droits humains et leur abandon aurait des effets positifs sur pratiquement tous les objectifs du Millénaire pour le développement. M u ti l a ti o n s g é n it a l es f é mi n i n es et l ’ is l a m Le Coran, le livre saint de l’islam, ne fait pas mention des MGF, dont CLA S S I F I CAT I ON D E l ’ O R G A N I S AT I O N M O N D I A L E DE LA SANTÉ : Type I : Ablation partielle ou totale du clitoris et/ou du prépuce (clitoridectomie). Type II : Ablation partielle ou totale du clitoris et des petites lèvres, avec ou sans excision des grandes lèvres (excision). Type III : Rétrécissement de l’orifice vaginal avec recouvrement par l’ablation et l’accolement des petites lèvres et/ou des grandes lèvres, avec ou sans excision du clitoris (infibulation). Type IV : Toutes les autres interventions nocives pratiquées sur les organes génitaux féminins à des fins non thérapeutiques, telles que la ponction, le percement, l’incision, la scarification et la cautérisation. les racines remontent à l’époque préislamique et préchrétienne. Il existe dans les pays d’obédience musulmane où les mutilations génitales féminines sont pratiquées un grand nombre d’interprétations juridiques différentes relatives aux MGF et l’attitude des autorités religieuses n’est pas uniforme. Dans ces pays, les partisans des MGF justifient souvent cette pratique en indiquant qu’elle est traditionnellement prescrite par le Coran. P r i n c ip a u x é l é me n ts d e l ’ is l a m Le Coran est le fondement de la vie et de la foi musulmanes dans les sociétés d’obédience islamique. La deuxième grande source est la sunna (pratique du prophète Mohamed) telle qu’elle est rapportée dans les hadiths (communications et actes personnels du prophète considérés comme exemplaires). Tous les croyants reconnaissent ces sources comme des articles de foi. Dans les sociétés d’obédience musulmane, la charia, la loi islamique, coexiste avec le droit séculaire et joue souvent un rôle dans le droit familial et les dispositions concernant l’état civil. La vie au sein de la communauté des croyants (oumma) devrait être repose sur la solidarité entre les personnes, la charité et le sens collectif, qui ont une importance essentielle dans le Coran. Le bienêtre de la famille revêt en l’occurrence une importance centrale. Selon l’interprétation qu’en donnent les juristes conservateurs, l’homme a la responsabilité de subvenir aux besoins de sa famille conformément à son statut social. La femme est tenue à la maternité, à l’obéissance et à l’accomplissement des tâches ménagères. Le mariage est considéré comme une forme de vie appropriée, dans laquelle l’homme et la femme sont liés l’un à l’autre par l’amour et le sens des responsabilités et doivent trouver la plénitude sexuelle. La santé est considérée comme étant un don de Dieu. Ce principe est étayé par des règles et préceptes visant à protéger et à conserver la santé. Le respect de l’intégrité du corps humain créé par Dieu, de même que l’inviolabilité du corps et de l’âme, sont des éléments importants de cette conception de la vie. I n te r p r é t a ti o n s e n r a pp o r t a v e c l es M GF Certains juristes musulmans estiment que les MGF sont conseillées, voire même qu’elles constituent une obligation. Ils se réfèrent à un hadith où le prophète s’entretient avec une exciseuse (« Um Habibah » ou « Um-Atiyyah ») : « Si tu coupes, n’exagère pas, car c’est plus agréable pour la femme et meilleur pour le mari ». C’est donc de ce hadith que serait déduite la nécessité de l’ablation du clitoris ou des petites lèvres. D’autres juristes musulmans, en revanche, s’opposent aux MGF. Ils s’appuient sur l’absence de preuve indiquant que le prophète y ait vu une obligation religieuse et considèrent donc que la pratique n’est pas une tradition musulmane et qu’elle constitue une atteinte à l’intégrité du corps de la femme. Par ailleurs, certains juristes remettent en cause l’authenticité de ce hadith et font remarquer qu’il reste très vague et ne décrit pas de façon précise comment cet acte doit être pratiqué. Certains en concluent que la pratique des MGF a fait son entrée dans l’islam en raison de son adaptation aux cultures concernées. F a t w a s et d é c l a r a ti o n s c o n t r e l es M GF En Égypte, six fatwas (avis religieux) se rapportant aux MGF ont été rendues depuis 1949 : la première se prononçait contre l’excision des femmes, la deuxième et la troisième pour. En 1996, le cheikh de l’université Al-Azhar du Caire, Mohammed Sayyed Tantawi, a prononcé l’interdiction des MGF. La dernière conférence d’érudits en date a eu lieu en novembre 2006 à l’université Al-Azhar. À l’initiative de l’organisation allemande de défense des droits humains TARGET et sous le parrainage du grand mufti d’Égypte, le professeur Ali Goma’a, des érudits musulmans du monde entier se sont réunis pour aborder avec des scientifiques le thème des mutilations génitales féminines. Ils ont pris la décision, assimilée à une fatwa, de considérer les MGF comme une agression répréhensible et l’ont qualifiée de crime contre l’humanité. Dans d’autres régions d’Afrique aussi, des dignitaires religieux ont pris et prennent publiquement position contre les MGF. Depuis les années 1990, de nombreuses conférences ont mis la question des mutilations génitales féminines au centre des échanges, qui ont essentiellement lieu avec des chefs religieux musulmans. Les résultats des conférences peuvent être considérés comme une orientation importante et peuvent servir d’argumentaire contre le maintien des MGF pour des raisons d’ordre religieux. C o o p é r ati o n a v e c l es a u t o r it é s r e l i g ie u ses La population musulmane d’Afrique est fortement influencée par les interprétations que les autorités islamiques locales donnent du Coran et des hadiths. Le projet sectoriel et le projet suprarégional « Abandon des mutilations génitales féminines » de la GIZ et ses partenaires réagissent à cette situation et encouragent, par des campagnes de sensibilisation et d’information, les autorités religieuses à utiliser leur influence de leaders d’opinion dans la population. Publié par : Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ) GmbH Projet sectoriel et suprarégional « Abandon des mutilations génitales féminines » Dag-Hammarskjöld-Weg 1-5 65760 Eschborn/Allemagne C [email protected] I www.giz.de/fgm Photo : GIZ Janvier 2011 En 1998, le Comité interafricain (CI-AF) a organisé une conférence internationale des autorités religieuses et du personnel médical en Gambie, dont le document final, la déclaration de Banjul, condamne le maintien de cette pratique et réaffirme que les MGF ne trouvent leurs racines ni dans l‘islam, ni dans la tradition chrétienne. En 2000, le projet sectoriel et suprarégional de la GIZ « Abandon des mutilations génitales féminines » a soutenu un symposium régional du CI-AF qui a réuni des chefs religieux et traditionnels en Tanzanie. La déclaration d’Arusha a réaffirmé que les MGF ne constituaient pas une obligation religieuse et violaient les droits humains des femmes et des filles. En 2005, la déclaration de Djibouti, rédigée à l’occasion d’une conférence régionale, rendait notamment compte du consensus existant sur le fait que les MGF ne trouvaient leur fondement ni dans l’islam ni dans d’autres religions et qu’elles devaient être rejetées sous toutes leurs formes. En mars 2005, une nouvelle conférence régionale a eu lieu au Soudan. Des théologiens d’Afrique de l’Est et du monde arabe y ont discuté d’un plan d’action destiné à mobiliser les chefs religieux contre les MGF. En octobre 2007, le CI-AF a organisé en Côte d’Ivoire une conférence supplémentaire réunissant des dirigeants islamiques et chrétiens. La déclaration d’Abidjan demande notamment aux gouvernements, aux organisations internationales et aux ONG de tout mettre en œuvre pour mettre fin aux MGF. En Mauritanie, le programme « Bonne gouvernance » de la GIZ a réalisé en juin 2007, conjointement avec le Forum islamique et le ministère chargé de la promotion féminine, un colloque national sur le thème des « Pratiques préjudiciables à la femme - le rôle de la tradition et la position de l’islam ». Cette manifestation a contribué à faire avancer significativement le débat public sur les droits des femmes. Au Mali en novembre 2007, le projet MGF de la GIZ a également soutenu une rencontre d’érudits et de dignitaires religieux. La question de la légitimation des MGF par l’islam était au cœur des débats et a soulevé de vives controverses. Bien que ne reconnaissant pas encore en grande partie les effets néfastes des MGF du point de vue médical, les participants ont clairement déclaré que cette pratique n’était pas une obligation prescrite par l’islam. Sources : CI-AF : Comité interafricain sur les pratiques traditionnelles portant atteinte à la santé des femmes et des enfants, www.iac-ciaf.net.