Fiche étude et analyse
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Fiche étude et analyse
LA QUETE DE L’IDENTITE ARTS, RUPTURE ET CONTINUITE Arts du visuel Tableau Image fixe PRESENTATION DEPRES L’ŒUVRE Triple Self-Portrait (Triple autoportrait), Norman Rockwell 1960, peinture pour la couverture du Saturday Evening Post du 13 février 1960. Huile sur toile, 113,5x 87,5 cm CONTEXTE HISTORIQUE GENERAL Petite histoire de l’autoportrait en peinture Photo de l’œuvre, de l’artiste, de la couverture,…. L’autoportrait se développe dans la peinture occidentale à partir du XIVème siècle. Connu depuis l’antiquité, il peut bénéficier de nouvelles découvertes techniques : miroir de verre, peinture à l’huile qui permet un plus grand réalisme grâce à un rendu plus précis des détails. L’autoportrait est d’abord « situé », c’est-à-dire intégré à une vaste scène, généralement religieuse. Le peintre est perdu parmi les autres portraits et seuls certains indices dévoilent sa présence. A partir du XVème siècle, la Renaissance qui célèbre l’homme et toutes ses créations, renouvelle le choix des sujets : elle va permettre à l’artiste de se représenter seul sur le tableau. L’autoportrait s’impose alors comme une réflexion sur le métier de peintre : l’artiste témoigne de sa place dans la société, s’interroge sur sa fonction. C’est aussi bien souvent, une confession qui dévoile les préoccupations et les angoisses du peintre. Présentation de l’artiste Norman Rockwell (1895-1978) est un peintre et un dessinateur américain. Il connut le succès pour les nombreuses couvertures de magazines qu’il réalisa, notamment pour le Saturday Evening Post. Il est aussi l’auteur d’affiches célèbres. Son style est caractérisé à la fois par son réalisme et par son humour. A la fin des années 50, l’artiste commence à être reconnu et le « Post » décide de publier en feuilleton sa biographie. Norman Rockwell accompagne cette publication par un tableau : son triple autoportrait. Sa peinture L'art de Norman Rockwell se situe dans une période charnière de l'histoire de l'illustration. Il est l'héritier de la tradition « naturaliste » américaine du XIXe siècle. Mais sa peinture sera représentative d'une nouvelle manière qui s'imposera avec l'essor des magazines illustrés entre les années 1920 et 1950. Il fait la synthèse entre ces deux courants et, par son style précis et méticuleux, il annonce l'hyperréalisme. Sa technique Norman Rockwell a expliqué son travail technique dans deux ouvrages, My Adventures as an Illustrator et Rockwell on Rockwell : how I make a picture. Il commençait par choisir son sujet, dont il faisait plusieurs esquisses et croquis pour élaborer l'idée de départ, puis il réalisait un dessin au fusain très précis au format identique à celui de la toile définitive. Il reportait ce dessin sur la toile et commençait la peinture proprement dite. Il peignait à la peinture à l'huile très diluée à l'essence, chaque couche était recouverte de vernis à retoucher, ce qui aura des conséquences néfastes pour la conservation de certaines de ses toiles, le vernis jaunissant de manière irrémédiable. À partir des années 1930, Rockwell ajoute un nouvel auxiliaire à son travail, la photographie, ce qui lui permet de travailler avec ses modèles sans leur imposer des temps de pose trop longs. Le procédé aura une influence sur son œuvre en orientant sa peinture vers le photoréalisme. Son style Le style de Norman Rockwell a été qualifié de storyteller (narratif). Comme illustrateur, il faisait en sorte que ses œuvres soient en parfaite correspondance avec les textes qu'il illustrait (c'est le cas de Tom Sawyer). Pour ses couvertures de magazines, chaque détail avait un rôle dans la narration de la scène. Son travail a évolué d'un naturalisme hérité du XIXe siècle à une peinture plus réaliste et précise. Il use aussi de la caricature pour accentuer le caractère comique de certaines situations. DESCRIPTION ET ANALYSE ARTISTIQUE DE L’ŒUVRE On voit l’artiste de dos, assis sur un tabouret, se penchant pour se regarder dans un miroir posé sur une chaise (miroir où nous voyons son reflet presque comme il doit le voir lui-même), tandis que sa main reste levée avec le pinceau sur la toile qui est devant lui et où commence à apparaître son autoportrait. Le peintre et son image dans le miroir se correspondent parfaitement : même taille (le peintre de dos en entier, l’image de face et seulement en plan rapproché), mêmes lunettes (qui nous cachent le regard). L’autoportrait sur la toile est, lui, beaucoup plus grand que « nature », sans lunettes, agréablement stylisé. Le peintre semble plus jeune, son visage est plus rond. La pipe qu’il fume est horizontale, et non pas tombante comme dans la « réalité ». Il y a donc trois portraits sur cette toile d’où son titre. Le premier autoportrait, de face, dans le miroir, où l’on voit le visage et le buste du peintre. Son regard est caché par les verres de lunettes reflétés qui sont totalement opaques. Le second autoportrait, sur la toile, aussi de face représente uniquement son visage, plus jeune. Sur le troisième autoportrait, on voit le peintre en entier mais de dos, dans une posture peu flatteuse : large postérieur amplifié par le coussin rouge, pieds légèrement en dedans. Accrochée à gauche une feuille d’esquisses de l’autoportrait lui-même (quatre têtes et une main tenant une pipe) et à droite, les reproductions de quatre autoportraits célèbres : Dürer, Rembrandt, Picasso, Van Gogh. Aux pieds du peintre gisent pinceaux et tube de peinture. A droite, une corbeille à papier d’où s’échappe de la fumée. Cette fumée semble une référence à une anecdote autobiographique : le peintre a fait brûler une corbeille de chiffons avec les cendres de sa pipe. Cet incendie a causé la perte d’un certain nombre d’objets, notamment des costumes historiques collectionnés par le peintre. La présence du casque militaire coiffant la toile, la pipe, la fumée qui s’échappe du seau au premier plan, à droite, font vraisemblablement référence à cet incendie. Au-dessus du miroir dans lequel le peintre se regarde, trône le pygargue à tête blanche qui est l'un des symboles les plus connus des Etats-Unis et apparaît sur la plupart des sceaux officiels, y compris sur celui du Président américain. INTERPRETATION DE L’ŒUVRE La mise en abyme La mise en abyme ou mise en abysme (on écrit aussi plus rarement : mise en abîme) est un procédé consistant à incruster une image en elle-même, ou, d'une manière générale, à représenter une œuvre dans une œuvre de même type. Le tableau représente l’artiste en train de se regarder dans un miroir et de réaliser son autoportrait. C’est une mise en abîme. Par ailleurs, Rockwell représente quatre autoportraits de peintres maîtres du genre : Dürer, Rembrandt, Van Gogh et Picasso, dans son propre autoportrait. C’est aussi une mise en abîme. Rockwell se situe dans une filiation et rend hommage à ses prédécesseurs tout en affirmant son individualité par la présence du pygargue, emblème de son pays, qui l’identifie en tant qu’États-Unien. La réflexion sur l’art Ce tableau, quand on le voit pour la première fois, paraît être, autant qu’un autoportrait, une sorte d’exercice humoristique sur le thème de l’autoportrait. Les différences entre les trois portraits invitent le spectateur à s’interroger : quel est l’autoportrait le plus juste, le plus fidèle à la réalité ? Toute représentation n’est-elle pas toujours mensongère ? Le portrait sur la toile semble le plus flatteur : le peintre y est plus jeune, le visage plus rond, il ne porte pas de lunettes. Le peintre semble nous dire que faire son autoportrait, c’est mentir, « arranger » la réalité. Cependant, c’est le seul portrait où figure la signature de l’auteur. Est-ce à dire que c’est le seul qu’il revendique ? Le portrait dans le miroir masque les yeux du peintre ce qui est assez gênant. En outre, ce regard aveugle jette à nouveau la suspicion sur le portrait qu’il est entrain de faire : s’il voit mal, comment peut-il se représenter fidèlement ? Le troisième autoportrait, de dos, serait-il le plus « vrai » ? Peu flatteur, en raison de la posture du peintre, on peut cependant se demander : par quel moyen le peintre peut-il se représenter de dos ? Par ce tableau, représentant trois autoportraits différents du peintre, Norman Rockwell montre que toute représentation est éphémère : on vieillit ; trompeuse : ce n’est qu’un reflet ; et donc mensongère : elle traduit ce que l’artiste veut montrer. La peinture une création très éloignée de ce que propose la photographie. Le peintre incorpore le passé (en se représentant plus jeune) et le présent (l’artiste de dos à la toile). Il mêle les genres de l’autoportrait : représentation du présent et celui de l’autobiographie : allusion à l’anecdote de l’incendie. Cette distance prise avec la photographie est d’autant plus étonnante que la technique et l’esthétique du tableau de Rockwell sont très inspirées de cet art. On l’a dit, Rockwell utilise la photographie comme épreuve pour réaliser ses toiles. Et le tableau frappe par son hyperréalisme qui le fait ressembler à une photographie. L’autodérision Dans ce Triple autoportrait, l’artiste se moque de lui-même en se montrant vieillissant dans une posture peu flatteuse et en mettant en scène le mensonge qui est au cœur de toute représentation de soi. Par ailleurs, les éléments du domaine militaire (aigle, casque), comme dans les portraits des grands généraux, contrastent avec le reste du décor en désordre : poubelle fumante, pinceaux et tube de peinture, éparpillés au sol, verre de ce qui semble être du Coca Cola en équilibre sur un livre ouvert. De même, quand le peintre représente les autoportraits d’artistes célèbres qui l’inspirent, c’est à la fois pour leur rendre hommage et pour montrer sa modeste différence.