Télécharger
Transcription
Télécharger
FÉVRIER 2013 La Chronique juridique de BLG est un compte rendu mensuel de faits récents dans le domaine du droit. Neil Guthrie, associé et directeur national de la recherche du cabinet, espère que ces articles vous sembleront pertinents et qu’ils sauront vous intéresser. Assurance • la propriété était-elle un simple appartement ou une unité condominiale? CHRONIQUE JURIDIQUE DE BLG • un événement organisé par un cabinet d’avocats tourne mal Avocats • petit rappel de la cour du Delaware : ne falsifiez pas un document notarié Conflit de lois • application de la clause d’élection de for par des parties non liées au contrat Contrats • désaccord entourant un accord d’entente future • la répartition du risque doit être interprétée à la lumière de l’intention légitime des parties Contrats/biens immeubles • le droit de préemption peut-il lier des tiers et être enregistré sur le titre? Délits/contrats/droit bancaire • la banque n’est pas responsable de la présumée déclaration inexacte au sujet de la cote de solvabilité Délits/police • une femme qui envoie un texto de suicide voit rejeter sa réclamation contre la police pour arrestation illégale Droit bancaire/délits/conflit de lois • un tribunal de New York se prononce sur la compétence dont relèvent les réclamations de personnes étrangères qui ne sont pas clientes d’une banque Droit de l’emploi • la répudiation ne met pas automatiquement fin au contrat de travail, selon la Cour suprême du Royaume-Uni • vous batifolez pendant une affectation et êtes blessé? Vous avez droit à un dédommagement! Droit de l’emploi/droits de la personne • aucune discrimination dans le fait de ne pas appliquer la politique relative au port du parfum CHRONIQUE JURIDIQUE DE BLG | FÉVRIER 2013 2 Droit de l’emploi/hôpitaux • un employeur peut-il interdire à ses employés d’arborer un tatouage ou un perçage corporel? Droit de la preuve • aucun privilège n’est rattaché aux notes d’une entrevue avec un témoin qui est maintenant une partie adverse dans un litige connexe • l’envoi de courriels au travail exclut le privilège relatif aux époux Droit de la preuve/droit de l’emploi/droit des assurances • la preuve sur Facebook n’est pas toujours compromettante? Droit de la preuve/protection de la vie privée/droit des assurances • les renseignements tirés d’une demande d’accès à l’information ne sont pas confidentiels Droit des arts/délits • vous ne pouvez exiger un droit d’entrée; l’admission à ce musée est censée être gratuite! Droit des arts/imposition/évaluation • que vaut un objet que vous ne pouvez vendre? Droit municipal • un règlement est invalidé parce qu’il ne sert aucune fin légitime Procédure civile • les avocats ontariens pourront utiliser des appareils électroniques dans la salle d’audience • pourquoi le manque de rigueur dans un dossier de litige devrait-il vous préoccuper? Propriété intellectuelle • dans quelle mesure un instantané photographique est-il protégé par le droit d’auteur? • enfreignez-vous un droit d’auteur en pratiquant cette séquence de postures de yoga? • nouvelle forme de propriété intellectuelle touchant les images enregistrées • quelque chose de drôle peut aussi être « scandaleux » Valeurs mobilières • tout le monde est vice-président, n’est-ce pas? 3 ASSURANCE La propriété était-elle un simple appartement ou une unité condominiale? La réponse était importante dans Ment Bros Iron Works Co LLC v Interstate Fire & Casualty Co (2d Circuit, 11 décembre 2012). Ment Bros, un entrepreneur en soudage qui travaillait à la construction d’un immeuble situé au 40, rue Mercer, à New York, y a provoqué un incendie. L’assureur du propriétaire de l’immeuble a refusé d’honorer la garantie au motif que la police d’assurance excluait la responsabilité des dommages matériels « attribuables à la construction d’immeubles résidentiels », y compris une « unité condominiale » mais exclusion faite d’un « appartement ». Ce dernier terme était défini comme étant « une unité de bien réel résidentiel dans un immeuble ou un projet résidentiel à unités multiples où toutes les unités ou les droits de propriété dans celles-ci sont la propriété d’une seule et même personne ou entité » , tandis que l’expression « unité condominiale » était définie en termes analogues, sauf que « … chaque unité ou les droits de propriété dans celle ci sont des biens à propriété distincte ». La Cour du district de New York a tranché en faveur de l’assureur : le 40, rue Mercer était un « immeuble résidentiel », non un « appartement », si bien que l’assureur n’était nullement tenu de défendre ou d’indemniser l’assuré. Mais la Cour du 2e circuit a cassé la décision. Selon le droit new-yorkais, il revient à l’assureur de prouver que l’exclusion prévue dans une police d’assurance s’applique, mais c’est à l’assuré qu’incombe la charge d’établir l’applicabilité d’une exception à l’exclusion qui préserverait la garantie. Le 40, rue Mercer était de toute évidence un « immeuble résidentiel ». Mais s’agissait-il d’un « appartement » ou d’une « unité condominiale » ? Au moment de l’incendie, le promoteur de l’immeuble n’avait dans les faits vendu aucune unité (même s’il avait clairement l’intention de le faire à une date ultérieure). L’assuré était alors le seul propriétaire de l’immeuble au complet, ce qui faisait de ce dernier un « appartement » pour l’application de la police d’assurance. Cette police comportait un libellé qui confirmait cette interprétation, en faisant renvoi à la conversion d’un « appartement » en une « unité condominiale » lors du dépôt de la déclaration requise en vertu de la loi sur les condominiums de l’État de New York. Ce libellé semblait refléter un choix logique, qui consiste à prévoir une assurance lorsqu’une unité d’un immeuble résidentiel appartient à un seul propriétaire, mais pas lorsqu’il y a des propriétaires multiples d’unités dans la propriété. Même si l’on pouvait affirmer que la police était ambiguë, l’ambiguïté en question serait résolue en faveur de la couverture. L’exception à l’exclusion s’appliquait bel et bien. Un événement organisé par un cabinet d’avocats tourne mal Il s’est produit ce que la juge Newbury de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a qualifié de malheureux revirement de situation lors d’une rencontre sociale organisée à l’intention des avocats et des étudiants d’un cabinet d’avocats de Vancouver (voir Poole v Lombard General Insurance Co of Canada, 2102 BCCA 434). Après un souper que le cabinet avait organisé dans un restaurant, quelques jeunes membres du cabinet se sont rendus dans une boîte de nuit. Chacun était libre d’y aller s’il le souhaitait, bien qu’il semble qu’il ait été habituel pour les convives de poursuivre la soirée de cette façon dans le passé. Or, M. Poole, un avocat, est tombé sur Mlle Danicek, une étudiante, sur le plancher de danse, causant à celle-ci un léger traumatisme cérébral. M. Poole a admis sa responsabilité et a en fin de compte indemnisé Mlle Danicek, mais pour ensuite réclamation un dédommagement aux termes de la police d’assurance du cabinet et contester le refus de l’assureur d’appliquer la garantie en sa faveur. Le juge de première instance a soutenu que l’assureur avait le devoir de défendre M. Poole contre la réclamati n que lui avait présentée Mlle Danicek, mais que cette réclamation n’était pas couverte par la police du cabinet compte tenu du fait que l’incident visé par celle-ci ne s’était pas produit « directement CHRONIQUE JURIDIQUE DE BLG | FÉVRIER 2013 4 ou indirectement dans le cadre de son emploi au cabinet ». M. Poole a porté ce point de la couverture en appel. La juge Newbury (ses collègues abondant dans le même sens) a convenu avec M. Poole que la mention dans la police qui renvoie à [Traduction libre] « n’importe quel employé…en ce qui a trait à son emploi » devrait faire l’objet d’une interprétation large et inclure une étudiante telle que Mlle Danicek, qui assistait à une réception qui avait un certain rapport avec son emploi, même si le volet « boîte de nuit » de la soirée ne figurait pas au programme officiel du cabinet. La juge Newbury a cependant confirmé la décision rendue en première instance, à savoir que, lorsque M. Poole est tombé sur Mlle Danicek, il n’agissait pas « en ce qui a trait à son emploi » (même si cette expression a une portée plus étendue que la mention « dans le cadre de son emploi » qui figure ailleurs dans la police). Le cas de M. Poole sortait du champ d’application de la couverture prévue par la police; on ne pouvait pas dire que « tout lien aussi ténu soit-il » avec le travail de M. Poole et de Mlle Danicek était suffisant pour inscrire un accident survenu sur la piste de danse d’une boîte de nuit dans le champ d’application de la police. Selon le libellé de la police, il fallait « qu’on établisse une démarcation commercialement raisonnable entre ce qui constitue une réception pour ainsi dire liée au cabinet et une réception à caractère purement social malgré le faible lien entre cette dernière et l’emploi de l’assuré ». Lien disponible (en anglais) ici. AVOCATS Petit rappel de la cour du Delaware : ne falsifiez pas un document notarié! Si vous le faites, vous vous exposez à de gros ennuis – comme le prouve l’affaire Bessenyei v Vermillion Inc (Del Ch, 16 novembre 2012). MM. Bessenyei and Goggin étaient actionnaires de la défenderesse, qu’ils poursuivaient au motif d’une réduction du nombre de sièges au conseil d’administration de la société. Tout a commencé à mal tourner lorsqu’il est apparu qu’une notaire de Pennsylvanie a, en l’absence de M. Bessenyei qui était à l’étranger, signé des copies de documents soit disant établis sous serment en sa présence alors que ce n’était pas le cas. Vermillion a expliqué que, comme les vérifications du notaire n’étaient pas valides en vertu du droit de la Pennsylvanie, les documents avaient été indûment déposés dans le cadre de l’action en justice intentée au Delaware. Ce qui était bel et bien le cas, de l’avis du vicechancelier Noble de la chancellerie. En vertu du droit de la Pennsylvanie, les documents « notariés » n’étaient pas simplement invalides, ils étaient de surcroît illégaux; le fait de ne pas les avoir faits sous serment en présence du notaire n’était pas une simple question de forme. Le droit du Delaware permet à des parties qui se trouvent hors des ÉtatsUnis de présenter des déclarations non solennelles, mais il ne reconnaît pas les documents qui n’ont pas été faits sous serment comme il se doit. M. Bessenyei, un ressortissant hongrois qui réside en Suisse et qui n’est pas avocat, n’a probablement pas compris les subtilités du droit, mais la notaire de la Pennsylvanie, elle, aurait dû les connaître. Certes, elle obéissait aux directives de M. Goggin, avocat et codemandeur de M. Bessenyei, et c’est l’autorité de réglementation dont elle relève qui devait décider de son sort. Quant à M. Goggin, il aurait vraiment dû faire preuve de plus de jugement – mais, là encore, ses manquements éthiques relevaient des autorités de la Pennsylvanie du fait qu’il n’agissait pas comme avocat (du moins officiellement) au dossier. C’est au conseiller juridique du Delaware qui a représenté MM. Bessenyei et Goggin qu’incombait la responsabilité puisqu’il savait que M. Bessenyei se trouvait à l’extérieur du pays et que les documents « notariés » posaient par conséquent un problème. Selon le vice-chancelier, [traduction] « pareille conduite justifie le rejet ». L’action de MM. Bessenyei et Goggin a donc été intégralement déboutée (bien que, comme l’action a été entendue aux États Unis, les défendeurs n’ont pu obtenir le remboursement de leurs dépens). 5 CONFLIT DE LOIS Application de la clause d’élection de for par des parties non liées au contrat Les demandeurs dans l’affaire Adams v Raintree Vacation Exchange LLC, 2012 US App LEXIS 26000 (7e Cir, 20 décembre 2012) ont acheté des logements en multipropriété au Mexique. Ils ont obtenu leur participation auprès de Desarollos Turísticos Regina (DTR), entreprise mexicaine qui, au moment du litige, était membre du groupe de Raintree Vacation Exchange (RVE) à l’issue d’une série de fusions. Les contrats de multipropriété renfermaient une clause d’élection de for selon laquelle les tribunaux du district fédéral de Mexico avaient compétence exclusive dans cette affaire. Les demandeurs ont allégué que RVE et Starwood Vacation Ownership (SVO) avaient comploté pour les spolier par l’entremise d’une soi-disant filiale mexicaine et, ainsi, s’approprier l’argent qu’ils destinaient à l’achat d’un centre de villégiature en multipropriété qui ne serait jamais construit. RVE et SVO ont présenté une requête visant le rejet de l’action devant les tribunaux fédéraux américains, sur le fondement de la clause d’élection de for. Les demandeurs ont répliqué que RVE et SVO ne pouvaient invoquer cette clause parce qu’elles ne sont pas parties aux contrats de multipropriété qu’eux-mêmes et DTR ont signés. Le juge Posner a indiqué que, dans bon nombre de décisions, des tiers ont été autorisés à faire valoir des clauses contractuelles s’ils sont « étroitement liés » à la poursuite qui en découle, mais a ajouté que la norme à cette fin est « vague ». Il a néanmoins conclu qu’on pouvait tirer deux « principes raisonnablement précis » de ces décisions, soit le fait d’être « membre du même groupe » et la « réciprocité », le premier principe s’appliquant à RVE et le second, à SVO. Selon le juge Posner, on ne peut pas interpréter les clauses d’élection de for à la lettre parce que cela pourrait donner lieu à des tactiques d’évitement et miner certaines assurances sur le plan commercial. RVE et DTR étaient suffisamment liées pour que l’une remplace l’autre sans problème aux fins d’exécution du contrat. Pour ce qui est de SVO, il est logique de lui permettre d’invoquer la clause d’élection de for compte tenu des allégations formulées contre elle : en effet, les demandeurs alléguaient que SVO et RVE avaient comploté et se seraient prévalues de la clause d’élection de for pour les poursuivre au Mexique; il était donc tout à fait raisonnable de permettre à SVO de tirer parti de la clause afin que l’action soit entendue au Mexique. Si l’on prétendait le contraire, les demandeurs pourraient choisir le for mais SVO (ou RVE d’ailleurs) serait privée de son droit réciproque concernant la compétence. La décision du tribunal inférieur qui a rejeté l’action aux États-Unis a été confirmée. CONTRATS Désaccord entourant un accord d’entente future PE Systems a fait une présentation à CPI Corp. dans laquelle elle offrait de réduire les coûts de traitement de cartes de crédit de celle-ci. Les parties ontsigné un document « qui semblait être un contrat », mais que CPI a cependant répudié par la suite au motif qu’il ne s’agissait que d’un accord d’entente future et que, du coup, il n’était pas exécutoire. Il semble qu’au départ PES devait calculer le coût de traitement historique de CPI, mais que les parties s’entendraient sur un coût précis en fonction duquel les comparaisons seraient établies aux fins du calcul des économies futures. Une annexe dans laquelle figurait la définition du « coût historique » a été laissée vierge. Le juge de première instance a tranché en faveur de PES, mais a vu sa décision cassée en appel. La cause s’est alors rendue devant le plus haut tribunal de Washington, qui a appliqué le critère de la « manifestation objective » afin d’établir s’il existait une entente liant les parties. Le critère a révélé sans équivoque que les parties avaient conclu un contrat, qui, cependant, comportait « une durée indéterminée aisément et définitivement identifiable et donc exécutoire ». Inutile, donc, de relancer la question puisque le document que les parties avaient signé comportait un mécanisme permettant de calculer le « coût historique » ; les parties n’avaient qu’à faire le calcul et à remplir l’annexe. La cour d’appel n’était cependant pas disposée à aller aussi loin que l’instance inférieure et à conclure que CPI avait véritablement violé le contrat, question qui CHRONIQUE JURIDIQUE DE BLG | FÉVRIER 2013 6 a été renvoyée à la cour de première instance (voir PE Systems LLC v CPI Corp (SC Wash, 6 décembre 2012)). La répartition du risque doit être interprétée à la lumière de l’intention légitime des parties Et cela même lorsque la clause relative à la répartition du risque n’en précise pas l’ampleur, comme il a été tranché dans la décision Mir Steel UK Ltd v Morris, [2012] EWCA Civ 1397. Mir Steel a acquis les actifs (dont un laminoir à bandes à chaud) d’Alphasteel, une société insolvable, en sachant que ces actifs étaient visés par des réclamations de Lictor Anstalt, société qui les avait assemblés. La convention d’achat d’actifs prévoyait à la clause 9.5 qu’il incomberait à Mir Steel de régler « toute réclamation » relative au laminoir à bandes à chaud présentée par Lictor. Lictor a par la suite poursuivi Mir Steel au titre du détournement, de l’incitation à rompre un contrat et du complot pour porter atteinte par un moyen illicite. Mir Steel a fait valoir un recours récursoire contre Alphasteel, mais s’est fait répondre que la société insolvable « se lavait les mains » du différend, car la clause 9.5, dans sa formulation, l’exonérait de toute responsabilité. Le juge de première instance s’est rangé à cet avis. En appel, Mir Steel a soutenu que la clause 9.5 devait être interprétée de façon plus stricte, conformément aux principes établis dans la décision R v Canada Steamship Lines Ltd, [1952] AC 192 (PC (Can)), où la cour a jugé qu’il fallait une formulation expresse pour exclure une réclamation fondée sur la négligence. Si c’était le cas, d’affirmer Mir Steel, il faudrait évidemment une formulation expresse pour exclure la réclamation pour agissements intentionnels que Lictor présentait. Cependant, la Cour d’appel de l’Angleterre a souligné que la décision Canada Steamship ne devait pas être appliquée « mécaniquement » et qu’on n’y trouvait que des « lignes directrices ». Le tribunal saisi de l’affaire doit déterminer s’il est « en soi improbable » que les parties aient eu l’intention de répartir le risque d’une manière donnée. D’après les faits propres à Mir Steel, il était clair que les parties signataires de la convention d’achat d’actifs savaient que le titre de propriété comportait « des carences ou pouvait en comporter » et qu’on pouvait s’attendre à ce que Lictor présente une réclamation. Sans doute, le prix convenu tenait compte de ce risque. On pouvait donc conclure que l’expression « toute réclamation » figurant à la clause 9.5 pouvait être prise au pied de la lettre et comprenait les réclamations fondées sur ce qui aurait été les agissements intentionnels de Mir Steel. Il incombe à la cour d’interpréter « le contrat en question en fonction du contexte qui lui a donné naissance », ce qui comprend notamment son « objet commercial ». Lien disponible (en anglais) ici. CONTRATS/BIENS IMMEUBLES Le droit de préemption peut-il lier des tiers et être enregistré sur le titre? Dans l’affaire Benzie v Hania, 2012 ONCA 766, la juge Gillese de la Cour d’appel de l’Ontario a répondu par l’affirmative à ces deux questions. La famille Kunin comptait trois enfants : Michael (une fille), Barbara et Mitchell. Michael a épousé Norman Benzie, un Américain, et envisageait de déménager avec lui au Nouveau-Mexique. Mais, afin d’inciter les deux tourtereaux à demeurer en Ontario, M. Kunin leur a proposé de vendre la ferme de la famille à Michael, qui avait déjà investi considérablement d’argent dans celle-ci. Barbara s’est opposée à la vente, souhaitant que la ferme demeure une « propriété familiale » (bien que le titre soit, en fait, à son nom pour des raisons financières et fiscales). À titre de compromis, M. Kunin a proposé un arrangement selon lequel la propriété serait transférée à Michael, mais son frère et sa sœur bénéficieraient d’un droit de préemption si Michael décidait de la vendre, et le produit net de la vente serait divisé entre eux en parts égales. L’entente qu’ils ont signée en 1987 à cette fin renfermait aussi une clause d’application liant les héritiers, administrateurs successoraux et ayants droit du frère et des sœurs. Barbara a accepté de laisser Michael transférer le titre à elle-même et Norman, à titre de tenants conjoints, à condition que Norman accepte d’être lié par les modalités de l’entente de 1987, y compris le droit de préemption. 7 L’entente et l’engagement ont été enregistrés sur le titre en vertu de la Loi sur l’enregistrement des actes et, par la suite, ont été transférés dans un autre registre soit celui prévu par la Loi sur l’enregistrement des droits immobiliers. Les frère et sœurs Kunin se sont par la suite brouillés. Michael et Norman ont tenté de faire radier l’enregistrement de l’entente de 1987 du registre des droits immobiliers et d’obtenir une déclaration selon laquelle cette entente ne liait pas les tiers (dont Norman, les enfants de Michael issus de leur union et les enfants de Michael issus d’un mariage antérieur) et l’engagement était non exécutoire. Le juge a refusé de consentir à la demande au motif que l’entente devait demeurer en vigueur malgré le décès des parties et visait à créer un intérêt pour toutes les personnes qui pouvaient en hériter. Les personnes qui devaient hériter de la propriété devaient aussi hériter des modalités de l’entente. Norman était lié par l’entente parce qu’il avait signé l’engagement et reçu une contrepartie en échange de sa signature, soit l’abstention de Barbara de faire valoir ses droits aux termes de l’entente. L’entente avait été enregistrée en bonne et due forme dès le départ et également transférée en bonne et due forme au régime d’enregistrement des droits immobiliers. La Cour d’appel s’est dite d’accord avec cette conclusion. Le fait que les héritiers n’étaient pas parties au contrat initial équivalait essentiellement à un faux-fuyant. Parce que l’entente n’était pas un contrat fondé sur des considérations personnelles (comme des compétences individuelles ou des liens de confiance), elle ne prenait pas fin au décès de l’une des parties. La succession de Michael serait liée par l’entente après le décès de l’intéressée et, par conséquent, selon la juge Gillese, ses héritiers le seraient aussi (selon deux causes canadiennes suivant lesquelles le droit de préemption reste en vigueur malgré le décès de l’une des parties initiales). Le droit de préemption lierait les enfants de Michael et son mari veuf après le décès de l’intéressée, ce qui est conforme à la clause d’application. L’engagement de Norman était exécutoire pour les motifs mentionnés par le juge de première instance. Concernant l’enregistrement, Michael et Norman ont commis une erreur lorsqu’ils ont argué que le droit de préemption ne pouvait être enregistré parce qu’il ne s’agissait pas d’un engagement associé au terrain. Un droit de préemption n’est nullement un engagement, mais un droit personnel; et c’est un acte qui peut être enregistré. La demande de Michael et de Norman a été rejetée et le droit de préemption demeurera donc en vigueur après le décès de Michael. Lien disponible (en anglais) ici. DÉLITS/CONTRATS/DROIT BANCAIRE La banque n’est pas responsable de la présumée déclaration inexacte au sujet de la cote de solvabilité M. et Mme Gatt étaient propriétaires de Melksham Court, une maison valant plusieurs millions de livres située dans un quartier chic du Gloucestershire. Ils ont présenté une demande à la Bank of Scotland (BoS) pour obtenir une hypothèque de second rang mais, à leur grand dam, cette demande leur a été refusée. Leur propre banque, Barclays, avait fourni certains renseignements aux agences de notation qui les ont transmis à BoS, à savoir que le compte de M. Gatt était « en souffrance » (voire « en défaillance ») puisque sa limite de crédit de 1 500 £ comportait un découvert de 260 000 £. D’après le couple, il s’agissait d’une erreur : ce compte n’a pas été ouvert uniquement au nom de M. Gatt, puisque lui et son épouse en étaient les titulaires conjoints et, qui plus est, M. et Mme Gatt ont prétendu que Barclays avait fait une déclaration inexacte concernant le fait que le directeur de banque avait autorisé de façon informelle le découvert. Selon M. et Mme Gatt, en conséquence de cette déclaration inexacte de la part de la banque, ils ont été incapables d’obtenir les capitaux nécessaires grâce à Melksham Court pour financer leur entreprise de promotion immobilière, ce qui a donné lieu à l’effondrement de cette entreprise, à la perte de Melksham Court et à la faillite de M. Gatt. (Pendant la procédure de faillite de M. Gatt, Barclays a acquitté sa réclamation auprès du fiduciaire puis l’a abandonnée et, ainsi, à la « grande indignation » de M. et Mme Gatt, Mme Gatt a dû agir seule à titre de demanderesse contre la CHRONIQUE JURIDIQUE DE BLG | FÉVRIER 2013 8 banque.) La banque a contesté les actions de Mme Gatt pour rupture de contrat, déclaration inexacte faite par négligence et diffamation, arguant que les renseignements qui avaient été transmis étaient « véridiques pour l’essentiel » en ce sens que le compte conjoint comportait un important découvert non autorisé. remboursement intégral de la dette du couple à la banque. Liens disponibles (en anglais) ici et ici. Toutes les actions ont été rejetées (voir Gatt v Barclays Bank, [2013] EWHC 2 (QB)). L’action en rupture de contrat n’était pas bien fondée parce que M. et Mme Gatt avaient consenti à la divulgation des renseignements sur leur solvabilité. Il y aurait eu rupture de contrat si la banque avait fait des déclarations inexactes aux agences de notation, ce qui n’était pas le cas, car le découvert de 260 000 £ était, en fait, non autorisé (voire en défaillance). Le directeur, tout en souhaitant aider M. et Mme Gatt à traverser une période difficile, n’avait pas, en fait, autorisé cet important découvert que la banque s’efforçait de se faire rembourser par M. et Mme Gatt. Les chiffres communiqués à l’agence de notation traduisaient donc effectivement la réalité, et cet argument est aussi en grande partie le motif du rejet de l’action intentée pour déclaration inexacte faite par négligence. L’action en diffamation a été rejetée elle aussi. Bien que la banque ait clairement publié les renseignements sur les problèmes de solvabilité de M. et Mme Gatt lesquels, s’ils étaient vrais, auraient été diffamatoires, M. et Mme Gatt avaient autorisé la communication de ces renseignements et ils étaient en grande partie véridiques. De toute façon, il est peu probable que M. et Mme Gatt aient réussi à survivre sur ce marché immobilier en déclin même si les rapports de crédit n’avaient pas été publiés. Puisqu’ils avaient « emprunté des sommes au-delà de leurs moyens », ils auraient probablement tout perdu. En outre, le juge a conclu que, à titre de titulaire conjoint du compte, Mme Gatt était personnellement responsable du Une femme qui envoie un texto de suicide voit rejeter sa réclamation contre la police pour arrestation illégale DÉLITS/POLICE Linda Leenstra avait des antécédents de maladie mentale, qui lui ont d’ailleurs valu de séjourner à diverses reprises à l’hôpital pour des urgences connexes. Un jour, elle envoyé à sa thérapeute un texto dans lequel elle lui disait qu’à son avis c’était « une bonne journée pour mourir ». La thérapeute lui a répondu que si elle ne lui donnait pas de nouvelles, elle appellerait la police. Mme Leenstra ne lui répondant pas, la thérapeute a communiqué avec la police et lui a demandé de procéder à une « vérification relative à son bien-être ». Les policiers se sont rendus au domicile de Mme Leenstra, où le mari de celle-ci leur a affirmé qu’elle allait bien. Mais Mme Leenstra leur a répété ce qu’elle avait écrit à sa thérapeute et, lorsqu’ils ont dit au couple qu’ils devaient appeler une ambulance pour amener Mme Leenstra à l’hôpital afin qu’elle y soit évaluée, une bagarre a éclaté. Mme Leenstra aurait craché sur les policiers et leur aurait donné des coups de pied, d’où son arrestation pour voies de fait. Plus tard, elle a poursuivi les policiers et le service de police local ainsi que les autorités municipales pour diverses transgressions, dont la détention sans justification, la fouille et l’arrestation illégales et le recours à une force excessive, la mise en péril de la vie, la poursuite malveillante, la violation des droits prévus par la Constitution et (en ce qui a trait au service de police et aux autorités municipales) le défaut de former 9 et de superviser les policiers, le complot en vue d’arrêter sous un faux prétexte et le maintien d’une pratique allant à l’encontre des droits prévus par la Constitution (voir Leenstra v Then (D NJ, 3 décembre 2012)). La cour du district du New Jersey a rejeté toutes les prétentions de Mme Leenstra par décision sommaire. Les policiers ont agi ainsi parce qu’ils ont raisonnablement estimé que Mme Leenstra représentait un danger pour elle-même en refusant de se faire soigner, et la preuve a démontré qu’elle avait agressé les policiers dépêchés à son domicile. Leurs efforts pour la maîtriser étaient raisonnablement dosés dans les circonstances et Mme Leenstra n’a pas établi la validité ou le bienfondé de sa réclamation pour poursuite abusive. Ses prétentions de nature constitutionnelle ont aussi été rejetées, de même que ses réclamations à l’encontre du corps de police et des autorités municipales. DROIT BANCAIRE/DÉLITS/CONFLIT DE LOIS Un tribunal de New York se prononce sur la compétence dont relèvent les réclamations de personnes étrangères qui ne sont pas clientes d’une banque Dans deux jugements connexes, Licci v Lebanese Canadian Bank SAL and American Express Bank Ltd (2e cir, 5 mars 2012), les demandeurs, résidents de l’État d’Israël, avaient été victimes d’attaques à la roquette perpétrées par le Hezbollah en 2006. Ils soutenaient que la Lebanese Canadian Bank (« LCB ») avait en toute connaissance de cause maintenu des comptes pour un groupe qui aurait été affilié au Hezbollah et que LCB et Amex Bank avaient facilité des virements télégraphiques pour le compte de ce groupe. Or, le droit en vigueur dans l’État de New York n’impose pas à une banque l’obligation de protéger des parties qui ne sont pas ses clientes contre un délit civil intentionnel commis par ses propres clients; mais quel droit régissait les réclamations, celui de l’État de New York ou celui de l’État d’Israël? Les banques ont bien entendu affirmé qu’il s’agissait du droit en vigueur dans l’État de New York. En fin de compte, la Cour du 2e circuit a conclu que, bien que le délit ait pu avoir été causé en Israël, tous les gestes d’Amex Bank qui auraient pu entraîner la responsabilité de la banque avaient été posés dans l’État de New York, de sorte que cette compétence était la plus étroitement liée à la réclamation. À l’instar du juge de première instance, la Cour a donc conclu que la réclamation déposée contre Amex Bank devait être rejetée parce que le droit de l’État de New York n’impose pas à une banque d’obligation à l’égard de parties qui ne sont pas ses clientes. Mais la Cour du 2e circuit estimait que les choses étaient moins claires pour ce qui est de LCB. À son avis, le droit de l’État de New York ne donnait pas suffisamment d’indication pour qu’on puisse conclure qu’un tribunal de cet État était compétent pour entendre les réclamations que l’on faisait valoir. Selon le juge de première instance, le seul fait que LCB maintienne un compte bancaire correspondant dans l’État de New York et utilise ce compte pour virer des fonds au groupe affilié au Hezbollah ne suffisait pas pour fonder la compétence de cet État; cependant, la Cour du 2e circuit était d’avis que l’enjeu « gagnerait à être mieux défini » et a donné le feu vert pour que deux questions soient tranchées par la Cour d’appel : 1) l’utilisation d’un compte bancaire correspondant dans l’État de New York aux fins de virements télégraphiques correspond-elle à la marche des affaires dans cet État, de sorte que cette CHRONIQUE JURIDIQUE DE BLG | FÉVRIER 2013 10 utilisation serait « rattrapée » par les lois et les règles applicables aux affaires civiles? 2) dans l’affirmative, les réclamations des demandeurs découlaient-elles véritablement de cette marche des affaires (ou le lien entre les virements télégraphiques et les attaques à la roquette était-il trop ténu)? La Cour d’appel de New York vient de répondre par l’affirmative aux deux questions posées par la Cour du 2e circuit (voir Licci v Lebanese Canadian Bank SAL (20 novembre 2012). Pour ce qui est de la première question, la Cour d’appel a conclu que, bien que le « simple fait » de maintenir un compte bancaire correspondant ne suffise pas à fonder la compétence, l’utilisation répétée de ce compte constituait effectivement un « rapport d’affaires » qui traduisait le « recours intentionnel » (purposeful availment) au système bancaire de l’État de New York, lequel est du ressort des tribunaux de cet État. Pour ce qui est de la deuxième question, la Cour a jugé qu’il existait une « relation importante » entre la marche des affaires en question et la réclamation présentée; il n’était pas nécessaire d’établir un lien de causalité entre les deux éléments, tant que la réclamation n’était pas « complètement étrangère » à la marche des affaires. Enfin, pour ce qui est de la viabilité de la réclamation comme telle, à savoir que la banque aurait manqué à ses obligations envers les demandeurs en permettant à des terroristes de financer leurs activités par l’entremise d’un compte d’une banque de New York, c’était une autre paire de manches : cette question ne pouvait être tranchée dans le contexte d’une contestation de compétence. DROIT DE L’EMPLOI La répudiation ne met pas automatiquement fin au contrat de travail, selon la Cour suprême du Royaume-Uni M. Geys, directeur général du bureau de Londres de la Société Générale (SG), a été congédié sans préavis en novembre 2007, en violation des modalités de son contrat de travail. SG a versé une somme dans le compte de M. Geys, comme préavis, en décembre 2007, mais était aussi tenue de verser une « indemnité » à la cessation d’emploi. Si l’emploi de M. Geys prenait fin le 31 décembre 2007 ou après cette date, M. Geys aurait droit à une indemnité calculée en fonction des gains réalisés en 2006 et 2007, mais, si son emploi prenait fin avant cette date, l’indemnité serait passablement inférieure et refléterait plutôt les gains de 2005 et 2006. Les conseillers juridiques de M. Geys ont écrit à SG en janvier 2008 afin de l’aviser que M. Geys avait décidé de confirmer le contrat répudié. En réponse, la banque a exercé son droit de résiliation prévu au contrat. Le juge de première instance a conclu que la banque n’avait mis fin au contrat que lorsqu’elle avait communiqué avec M. Geys en janvier 2008. Mais la Cour d’appel n’était pas d’accord car, selon elle, le contrat a pris fin lorsque le paiement tenant lieu d’avis a été effectué en décembre 2007. SG a argué que le contrat avait pris fin en novembre 2007 quand elle l’avait répudié. La Cour suprême du Royaume-Uni a dû trancher la question de savoir si la répudiation d’un contrat de travail met automatiquement fin à ce dernier ou si les règles contractuelles traditionnelles s’appliquent, c’est-à-dire que toute répudiation abusive ne prend effet que lorsque la partie visée par celle-ci l’accepte (voir Geys v Société Générale London Branch, [2012] UKSC 63). À la majorité (à l’exception de Lord Sumption, juge dissident, sauf en ce qui a trait à deux points précis de l’interprétation contractuelle), les juges ont conclu que l’aspect électif devait être favorisé par rapport à l’aspect automatique, à l’instar d’autres types de contrats; si on affirme que la répudiation met immédiatement fin au contrat, on risque d’occasionner des abus en matière de répudiation de contrats. Les juges ont conclu à la majorité qu’il n’avait pas été mis fin à l’emploi de M. Geys tant que SG n’avait pas exercé ses droits conformément au contrat en janvier 2008. La somme qu’elle a versée dans le compte de M. Geys en décembre 2007 ne constituait pas en soi un avis de cessation; l’employé n’est pas tenu de vérifier son compte bancaire afin de déterminer s’il occupe toujours son emploi. Lien disponible (en anglais) ici. Vous batifolez pendant une affectation et êtes blessé? Vous avez droit à un dédommagement ! En juin 2012, la Chronique a couvert PVYW v Comcare (No 2), [2012] FCA 395, qui portait sur une employée du service des Ressources humaines d’un organisme 11 de l’État australien qui a été blessée lors d’une affectation dans une petite ville de Nouvelle-Galles du Sud. Toutefois, ses blessures n’ont pas été subies lorsqu’elle examinait des budgets ou donnait une formation, mais dans le cours de rapports sexuels avec un ami de vieille date, dans la chambre du motel où elle logeait. De préciser la Cour dans le cadre de l’appel le plus récent, « l’intimée a été blessée tandis qu’elle avait des rapports sexuels lorsqu’un luminaire en verre situé à la tête du lit a été arraché de son support et est tombé sur elle ». Il fallait déterminer si les préjudices physiques et psychologiques que l’on subit en faisant des galipettes pendant un voyage d’affaires mais après les heures de travail sont indemnisables en vertu de la Safety Rehabilitation and Compensation Act 1988. Au départ, le tribunal du travail a rejeté la demande, car, au moment où elle a été blessée, l’employée n’accomplissait pas d’actes « associés à son emploi » ni « posés sur ordre de son employeur ou à sa demande ». De plus, on ne pouvait établir de « lien raisonnable » entre ses blessures et son emploi. Mais la Cour fédérale australienne en a décidé autrement: PVYW logeait au motel uniquement parce que son emploi l’y obligeait, et un interlude pendant une période ou un épisode de travail global s’inscrivait quand même dans le cours de son affectation. Que l’intéressée, au moment de l’incident, ait été en train de jouer aux cartes ou de se consacrer à une activité plus réjouissante, les blessures subies pendant pareil interlude restaient bel et bien inhérentes au contexte, sauf si elles étaient auto infligées ou résultaient d’une faute lourde (voir PVYW v Comcare (No 2), [2012] FCA 395). Cette décision a été confirmée dans un appel ultérieur devant la séance plénière de la Cour fédérale ([2012] FCAFC 181) qui s’est dite d’accord avec l’analyse relative à l’intervalle ou l’interlude dans le cas où l’employeur persuade ou encourage son employé à passer le temps en question dans un endroit particulier ou d’une manière donnée, en supposant toutefois qu’il n’y ait aucune faute lourde de la part de l’employé. Liens disponibles (en anglais) ici et ici. DROIT DE L’EMPLOI/DROITS DE LA PERSONNE Aucune violation des droits de la personne dans le fait de ne pas appliquer la politique relative au port du parfum Susan Koivos souffrait d’une « réactivité particulière au parfum et à l’eau de toilette », mais la plainte pour violation des droits de la personne qu’elle a déposée contre son ex-employeur était plutôt vague sur ce que cela impliquait (voir Koivos v Inteleservices Canada Inc, 2012 HRTO 1570). Mme Koivos a travaillé pour Inteleservices, société qui exploite un centre d’appels, pendant trois jours en tout. Pendant son entrevue d’emploi, elle avait indiqué être sensible au parfum et on lui avait assuré que cela ne causait aucun problème, car la société avait mis sur pied une politique interdisant tout parfum en milieu de travail. Mais Buffy, l’une des collègues de la plaignante, semblait avoir oublié cette politique, car son parfum ou eau de Cologne aurait indisposé Mme Koivos pendant une séance de formation. Celle-ci s’est plainte au formateur et il semble que le message ait été transmis à Buffy. Or, Buffy n’était peut-être pas la seule personne à blâmer puisque Mme Koivos a affirmé que l’eau de Cologne d’un autre collègue lui donnait la nausée. Elle s’est donc adressée à un superviseur et lui a déclaré qu’elle ne pouvait continuer à travailler pour Inteleservices, sans demander d’aménagement précis si ce n’est la mise en application de la politique interdisant le port du parfum. Par ailleurs, elle s’est renseignée sur la possibilité d’occuper un poste qui n’entraînait pas la proximité avec d’autres travailleurs du centre d’appels, mais on lui a répondu qu’aucun poste de cette nature n’était libre. Mme Koivos a donc déposé une plainte au siège social de la société aux États-Unis et a remis sa démission au motif du non-respect de la politique interdisant l’usage du parfum. Une plainte a ensuite été déposée auprès de la Commission ontarienne des droits de la personne. L’arbitre qui a étudié la plainte a passé en revue la politique d’Inteleservices. Il a fait remarquer qu’il s’agissait vraiment d’une demande adressée aux employés, les enjoignant de respecter la sensibilité de leurs collègues et de modérer l’aspersion au Chanel, mais qu’il n’y avait pas à proprement parler CHRONIQUE JURIDIQUE DE BLG | FÉVRIER 2013 12 d’interdiction coercitive ou exécutoire. La preuve démontrait que l’employeur avait accommodé des travailleurs que le parfum incommodait, mais il n’y avait pas beaucoup d’éléments de preuve sur la nature exacte de la réactivité au parfum que Mme Koivos avait décrite comme une invalidité dans sa plainte. Étant donné l’hypersensibilité de Mme Koivos (elle affirmait être dérangée par des odeurs que personne d’autre ne décelait), il était peu probable qu’on puisse l’accommoder sans imposer un préjudice indu à son employeur. Mais, quoiqu’il en soit, Mme Koivos n’avait demandé aucun aménagement en matière d’emploi ni expliqué clairement de quoi elle souffrait au juste. Demander la mise en application d’une politique volontariste ne suffisait pas à fonder une réclamation pour discrimination au motif qu’on aurait refusé de tenir compte des besoins de l’intéressée. Lien disponible (en anglais) ici. DROIT DE L’EMPLOI/HÔPITAUX Un employeur peut-il interdire à ses employés d’arborer un tatouage ou un perçage corporel? Non, selon une récente décision arbitrale en droit du travail (voir Ottawa Hospital v CUPE Local 4000 (14 janvier 2013)). L’hôpital avait prévu pour les employés syndiqués un code vestimentaire très détaillé : pas de mini-jupe, de tenue d’entraînement, de pieds nus, de tongs, de parfum, de faux ongles en milieu clinique ni de « perçage corporel visible et excessif » ou de « larges tatouages » découverts pendant les heures de travail (d’où le litige). Neuf employés se sont opposés à la politique, nombre d’entre eux déclarant que leurs tatouages ou (ou plutôt « et »?) perçages corporels étaient une « partie importante de leur identité et mode d’expression ». D’autres ont affirmé que les règles étaient difficiles à appliquer et qu’en fait, leur application était irrégulière. L’hôpital a justifié l’existence du code vestimentaire au motif que les tatouages et perçages « excessifs » effrayaient les patients, particulièrement les patients âgés. Le syndicat a déposé un grief au nom des employés qui estimaient que leurs droits étaient lésés. L’arbitre a évalué le code vestimentaire à la lumière de la norme bien établie de la raisonnabilité, élaborée dans la décision Re KVP Co Ltd and Lumber and Sawmill Workers Union, Local 24537 (1965) 16 LAC 73. Il a rejeté l’argument de l’hôpital voulant que l’on doive revoir cette norme de façon à tenir compte en premier lieu des besoins des patients, par rapport à ceux des employés. L’arbitre n’estimait pas que la décision KVP empêche l’hôpital de mettre sur pied une politique raisonnable, claire et appliquée de façon cohérente. L’établissement pouvait certainement trouver le juste équilibre entre les besoins des patients et les droits personnels des employés. Il a également fait référence à un jugement rendu au début des années 1970, qui avait trait au port de favoris par les agents de police (ce qui, à l’époque, était critiqué), et a fait remarquer que les stéréotypes négatifs auparavant associés aux tatouages et aux perçages corporels (on ne parle pas du lobe des oreilles, évidemment) avaient probablement perdu un peu de vigueur eux aussi. De toute façon, rien ne démontrait qu’il y avait un lien entre les impressions négatives découlant de modifications apportées au corps humain de nos jours et la prestation des soins de santé. Même si le grief n’était pas fondé sur une violation des droits de la personne, l’arbitre estimait que cet élément n’était pas tout à fait absent du dossier : en effet, l’hôpital n’accepterait pas les stéréotypes négatifs d’un patient à l’égard de l’origine ethnique ou raciale d’un employé, pourquoi donc plierait-il devant des opinions (fondées sur des perceptions) condamnant des travailleurs dont les parures physiques ne reflètent que « la diversité à laquelle on est en droit de s’attendre dans un milieu hospitalier cosmopolite »? Dans l’ensemble, l’hôpital semblait avoir « tenté de régler un problème inexistant ». La politique a donc été déclarée invalide et non exécutoire. Lien disponible (en anglais) ici. 13 DROIT DE LA PREUVE Aucun privilège n’est rattaché aux notes d’une entrevue avec un témoin qui est maintenant une partie adverse dans un litige connexe Steve Hart, ainsi que d’autres membres de la fonction publique fédérale, ont poursuivi le gouvernement au titre de possibles fausses déclarations concernant la transférabilité de droits à pension. Il a accepté d’être interrogé par le conseiller juridique de la Couronne pendant les poursuites de certains de ses collègues, accompagné d’un ami non avocat. Le conseiller juridique de la Couronne a pris des notes pendant les entrevues, mais aucune transcription officielle n’en a été faite. Au moment où sa propre poursuite contre le gouvernement devait être entendue, M. Hart a demandé que ces notes soient présentées. M. le protonotaire MacLeod a conclu que bien que les notes aient été préparées pour les besoins d’un litige étroitement lié à la poursuite de M. Hart (ce qui préserverait le privilège relatif au litige qui en découlait initialement), ni le privilège relatif au litige ni le privilège avocat-client ne s’appliquait. Il a conclu que le privilège n’englobait pas la « prise de notes » à l’entrevue, mais que les observations du conseiller juridique au sujet des réponses ou ses ripostes possibles seraient protégées. Il n’était pas raisonnable d’affirmer que M. Hart ne pouvait avoir accès à ses propres déclarations sous prétexte qu’elles étaient confidentielles. Le privilège avocatclient ne s’appliquait pas parce que les notes ne renfermaient aucun avis juridique ni aucune communication avec le client du conseiller juridique de la Couronne. Les notes marginales clairsemées et les soulignements ne révélaient pas la stratégie de la Couronne pour les besoins du litige. La Couronne a interjeté appel, mais en vain. Selon la juge Linhares de Sousa, le protonotaire avait eu raison de conclure comme il l’a fait (voir Hart v Canada (AG), 2012 ONSC 6067). Le privilège relatif au litige ne peut restreindre la divulgation des déclarations de la partie adverse si le compte rendu de celles-ci ne renferme aucun « commentaire, aucune remarque ni aucune observation supplémentaire qui équivaudrait au fruit du travail du conseiller juridique ». Les notes s’avéraient « tout simplement un compte-rendu des renseignements ou des déclarations » de la partie adverse qui devaient être divulgués à cette partie même si le compte-rendu a été créé « en vue de poursuites futures ». Lien disponible (en anglais) ici. L’envoi de courriels au travail exclut le privilège relatif aux époux M. Hamilton, qui, à un moment donné, faisait partie de l’assemblée législative de la Virginie, a été condamné pour corruption et extorsion, car il avait obtenu un financement de l’État pour une université locale en échange d’un emploi. Avant de rencontrer les porte-parole de l’université pour discuter du financement, M. Hamilton avait échangé des courriels avec sa femme, dans lesquels tous deux faisaient mention de leurs difficultés financières et disaient espérer que l’université offre un emploi à M. Hamilton, qui en avait bien besoin pour arrondir ses revenus à titre de membre de la Chambre des délégués de l’État. Or, les courriels en question avaient été envoyés à partir du compte que M. Hamilton avait à l’école publique où il travaillait. Pendant le procès relatif aux accusations criminelles qui ont découlé de ses actes, M. Hamilton a contesté l’admissibilité des courriels compromettants et maintenu qu’ils étaient protégés par le privilège des communications entre époux. La cour du 11e circuit, qui est de la vieille école dans ce cas-ci, a appliqué une décision rendue en 1934. Dans cette cause, les communications du défendeur avec sa femme n’étaient pas protégées par le secret dont les époux peuvent se prévaloir parce que le défendeur avait volontairement divulgué la teneur de ces communications à un tiers, soit son sténographe, ce qui, du coup, revenait à renoncer au privilège (voir Wolfle v United States, 291 US 7). C’est ainsi que la juge de la cour de circuit compare la situation aux faits qui lui sont présentés en l’espèce : « Dans CHRONIQUE JURIDIQUE DE BLG | FÉVRIER 2013 14 le cas de M. Hamilton, les courriels sont devenus le sténographe moderne ». En outre, l’employeur de M. Hamilton avait mis en place une politique sur l’utilisation des courriels qui stipulait que les employés ne pouvaient aucunement s’attendre à ce que leurs communications privées soient protégées si elles étaient transmises par l’entremise de son système, et M. Hamilton n’avait pris aucune mesure pour protéger l’information qu’il avait envoyée; il avait donc renoncé à tout privilège qui, par ailleurs, peut protéger les courriels (voir United States v Hamilton, 2012 US App LEXIS 25482 (11e cir, 13 décembre 2012)). DROIT DE LA PREUVE/DROIT DE L’EMPLOI/ DROIT DES ASSURANCES La preuve sur Facebook n’est pas toujours compromettante? On connaît la chanson : M. ou Mme Untel souhaite bénéficier de certains avantages sociaux ou du produit d’une assurance en conséquence d’un accident quelconque, puis affiche des photos de vacances sur Facebook sur lesquelles on peut voir l’intéressé(e) se prélasser sur une chaise longue sur le bord de la piscine ou s’adonner à une activité exigeante, puis l’indemnité est refusée ou récupérée. Toutefois, l’indemnité n’a pas été ainsi refusée dans deux affaires récentes : Dakin v Roth, 2013 BCSC 8 et Stewart v Kempster, 2012 ONSC 7236. Dans l’affaire Dakin, la demanderesse semblait avoir exagéré la gravité de certaines blessures qu’elle avait subies, néanmoins le juge n’était pas prêt à croire l’argument selon lequel les photographies de vacances qu’elle avait affichées sur Facebook ne concordaient pas avec ses limitations physiques. Le juge dans l’affaire Stewart s’exprime de façon plus imagée : « Je ne suis pas convaincu que ces photographies ont réellement rapport avec les questions dans la présente affaire. J’en conviens, si l’on voyait la demanderesse pratiquer le ski nautique ou l’escalade, ces photographies pourraient démontrer l’ampleur des limitations physiques de la demanderesse après l’accident. Les photographies en question, par contre, ne permettent nullement de définir les limitations physiques dont elle souffre. À l’instar de la personne en bonne santé, la personne blessée est tout à fait capable de se prélasser sur le bord d’une piscine au Mexique avec un verre de piña colada à la main. Pareille photographie n’a aucune valeur probante. » Liens disponibles (en anglais) ici et ici. DROIT DE LA PREUVE/PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE/DROIT DES ASSURANCES Les renseignements tirés d’une demande d’accès à l’information ne sont pas confidentiels La résidence de Karen Bennett a été détruite par le feu. State Farm, son assureur, a refusé de la dédommager sous prétexte que la maison était vacante depuis plus de 30 jours, et souhaitait obtenir un exemplaire des rapports de police qui, à son avis, devait confirmer sa position. Selon l’affidavit de documents de Mme Bennett présenté dans le litige contre son assureur, Mme Bennett a obtenu les rapports de police en réponse à une demande d’accès à l’information qu’elle avait faite. Elle a affirmé qu’elle n’était pas tenue de présenter les rapports parce qu’ils étaient protégés par le privilège relatif au litige et découlant de la loi, par l’immunité d’ordre public. Le juge saisi de la requête a ordonné la communication des rapports. La Cour d’appel du Nouveau-Brunswick a convenu qu’il n’y avait pas lieu de préserver la confidentialité des documents : Bennett v State Farm Fire & Casualty Co, 2013 NBCA 4. Les principes qui régissent la production d’un sommaire de la Couronne ne s’appliquaient pas parce que les pièces n’ont pas été obtenues suivant les obligations de divulgation décrites dans R v Stinchcombe, [1991] 3 SCR 326, mais plutôt à l’issue d’une demande d’accès à l’information comportant ses propres contrôles de sécurité. Le principe d’immunité d’ordre public s’appliquait à la police ou au procureur, et non à 15 Mme Bennett, et la communication des rapports ne nuirait pas aux fonctions du gouvernement. Les rapports ont été vérifiés et révisés avant d’être transmis à Mme Bennett sans condition. Ainsi, Mme Bennett disposait de documents qui revêtaient de l’importance pour le litige qui l’opposait à State Farm, et il aurait été injuste de ne pas permettre à State Farm de les consulter. Les contrôles de sécurité prévus aux termes des lois sur la protection de la vie privée et sur l’accès à l’information du NouveauBrunswick ont permis de protéger efficacement la confidentialité des enquêtes policières contre les effets négatifs possibles de la communication de ces rapports. La prétention de Mme Bennett au sujet du privilège relatif au litige a aussi échoué : les rapports (non confidentiels au départ) ne bénéficiaient pas de la protection du privilège simplement parce que le conseiller juridique avait demandé ces rapports et les avait mis dans son sommaire pour les besoins du procès. Ce n’est pas parce que State Farm avait accès aux rapports que cela équivalait à utiliser des rapports de police à des fins « malveillantes et parallèles » dans le cadre d’un litige civil; les documents avaient un rapport avec ce litige et pouvaient être produits en bonne et due forme pour les besoins de celui-ci. que la mention « recommandé » n’est pas mise suffisamment en évidence, que le fait d’obliger les gens à faire la queue devant les caisses suggère que le droit d’entrée est obligatoire et que le libellé du musée sur les divers sites Web d’achat de billets (dont celui du musée) laisse frauduleusement entendre qu’il faut payer un droit d’entrée pour avoir accès au musée. Les demandeurs revendiquent une mesure de redressement par voie d’injonction, mais non le remboursement des profits encaissés par le musée. DROIT DES ARTS/IMPOSITION/ ÉVALUATION Que vaut un objet que vous ne pouvez vendre? Vous ne pouvez exiger un droit d’entrée; l’admission à ce musée est censée être gratuite! L’Internal Revenue Service, l’agence fédérale des États-Unis qui est chargée de la gestion et de l’inspection des obligations fiscales, a renoncé à sa réclamation contre la succession d’Ileana Sonnabend à l’égard de « Canyon », un collage en trois dimensions réalisé par Robert Rauschenberg, dont la marchande d’œuvres d’art était propriétaire. Le collage intègre un pygargue à tête blanche empaillé, qui (comme nous l’avons vu dans la Chronique de juin 2012) a été source de nombreux problèmes pour Mme Sonnabend, étant donné qu’il est illégal chez nos voisins du Sud de posséder un spécimen de l’emblème national (que l’oiseau soit vivant ou non) ou d’en faire le commerce. C’est ce qu’ont affirmé les demandeurs dans l’affaire Grunewald v The Metropolitan Museum of Art (NY Sup Ct, enregistrée le 8 novembre 2012). Ceux-ci ont en effet fait valoir que, conformément à la loi qui le régit et au bail de location pour ainsi dire gratuit qu’il a signé avec la ville, le musée a l’obligation d’admettre les visiteurs à titre gracieux. Si vous avez eu un jour le plaisir de visiter le Metropolitan, vous aurez vu (sans toutefois les lire peut-être) les écriteaux affichés aux caisses indiquant que le paiement du droit d’entrée est simplement « recommandé ». M. Grunewald et les autres demandeurs allèguent Mme Sonnabend s’est procuré un permis pour être propriétaire de l’œuvre et la prêter au Metropolitan Museum de New York, mais ses exécuteurs testamentaires ont été confrontés à une facture fiscale salée, de la part du fédéral et de l’État; en effet, la cotisation était fondée sur une estimation aux termes de laquelle « Canyon » valait 65 M$ US. Ce chiffre signifiait qu’il fallait payer un impôt de 29,2 M$ US, uniquement pour l’œuvre de Rauschenberg, auquel s’ajoutait une « peine pour sous-évaluation » de 40 %. La succession de Mme Sonnabend a poursuivi l’IRS en faisant valoir DROIT DES ARTS/DÉLITS CHRONIQUE JURIDIQUE DE BLG | FÉVRIER 2013 16 que l’œuvre ne valait rien puisqu’on ne pouvait légalement la vendre; elle a fait remarquer que si les exécuteurs vendaient « Canyon » pour payer la facture fiscale, ils se retrouveraient peut-être en prison. Au départ, l’IRS a soutenu que l’évaluation devrait être déterminée en fonction du prix de vente que l’œuvre irait chercher sur le marché noir, ce qui laissait entendre qu’un milliardaire chinois théorique serait peut-être prêt à l’acheter en secret; depuis, cependant, l’agence s’est révisée et a accepté que la succession fasse don de l’œuvre à MoMA. Toutefois, la succession ne pourra réclamer de crédit pour dons de bienfaisance, ce qui est au moins conforme à l’estimation de 0 $. Liens disponibles (en anglais) ici, ici, ici et ici. DROIT MUNICIPAL Un règlement est invalidé parce qu’il ne sert aucune fin légitime En 2011, le Conseil municipal de Toronto a adopté un règlement interdisant la possession, la vente ou la consommation d’ailerons de requin et de produits dérivés de ces ailerons, en raison de la méthode inhumaine dont on les récolte. Dans Eng v Toronto (City), 2012 ONSC 6818, les demandeurs ont contesté la validité du règlement et ont eu gain de cause au motif que celui-ci ne servait aucune fin municipale légitime. La ville n’a pu établir que la protection des requins menacés d’extinction en raison du comportement prédateur des êtres humains produisait des avantages tangibles au bien-être environnemental de la ville et de ses résidents, favorisait le bien-être des animaux de la ville ou protégeait la santé des Torontois et Torontoises. Le règlement était aussi beaucoup trop intrusif en ce sens qu’il entravait la consommation privée de produits alimentaires qui n’ont pas été interdits par le gouvernement fédéral ou provincial; en outre, il allait à l’encontre des pratiques culturelles traditionnelles de la collectivité chinoise. Lien disponible (en anglais) ici. PROCÉDURE CIVILE Les avocats ontariens pourront utiliser des appareils électroniques dans la salle d’audience La Cour supérieure de justice a formulé un protocole selon lequel les avocats ont le droit d’utiliser des appareils électroniques dans la salle d’audience à compter du 1er février. Par contre, l’appareil doit être silencieux et son utilisation, ponctuelle et discrète; il ne doit pas nuire au décorum de la salle d’audience, au matériel d’enregistrement du tribunal ni à l’administration de la justice. Toute communication qui viole une ordonnance de non-publication est carrément interdite. Pas de photo, pas de vidéo, sauf si le juge est d’accord. Les journalistes ont les mêmes privilèges, mais pas le commun des mortels (sauf si le juge est d’accord). Lien disponible (en anglais) ici. Pourquoi le manque de rigueur dans un dossier de litige devrait-il vous préoccuper? Parce qu’une ordonnance relative aux dépens pourrait être rendue contre votre client, voilà pourquoi; c’est ce qui s’est passé dans la décision Monaco v 1195053 Ontario Ltd, 2012 ONSC 6477. L’avocat de l’un des intimés est tombé malade la veille du jour où la requête devait être entendue, a informé les avocats de la partie adverse de son état de santé et a envoyé un courriel au tribunal, indiquant à celui-ci que « quelqu’un » se présenterait le 17 lendemain pour demander un ajournement, semblet-il sur consentement. Le second courriel n’a pas été envoyé aux avocats de la partie adverse. À l’instance, lorsque trois avocats se sont présentés pour déclarer qu’ils s’opposeraient aux modalités de l’ajournement, le juge Brown n’était pas exactement enchanté. Dans ses motifs, il s’est d’abord demandé « pourquoi ne puis-je me ficher de ce qui est arrivé aujourd’hui? », avant de conclure qu’il ne s’agissait pas là d’un simple accroc de procédure, mais du symptôme d’un malaise plus profond : « un manque de rigueur déplorable chez les plaideurs et les parties à un litige ». En l’espèce, en raison de ce manque de soin et de cette négligence, on avait induit le tribunal en erreur et gaspillé son temps, une ressource précieuse. Le juge Brown a donc accordé l’ajournement demandé, mais imposé des dépens de 500 $ au client de l’avocat indisposé. Lien disponible (en anglais) ici. PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE Dans quelle mesure un instantané photographique est-il protégé par le droit d’auteur? En l’espèce, l’instantané qui est à la source du litige a été pris par Donald Harney, photographe à la pige. Sur la photo, on voyait Christian Gerhartsreiter et, sur ses épaules, sa fillette tenant à la main un rameau (c’était le dimanche des Rameaux); en arrière-plan, il y avait une église. En fait, M. Gerhartsreiter avait enlevé sa fille lors d’une visite (sa femme avait la garde de l’enfant); la publication de la photo dans les médias et sur les affiches de recherche de fugitifs et de criminels du FBI a bien entendu permis de le démasquer : l’intéressé était un fraudeur qui s’était fait passer pour un aristocrate britannique et, plus récemment, un membre de la famille Rockefeller. Alors, d’où vient la poursuite pour atteinte au droit d’auteur? La société Sony Pictures a fait un film pour la télévision au sujet de M. Gerhartsreiter et, dans la publicité, l’image utilisée était celle d’un père portant son enfant sur ses épaules (ce qui reprenait clairement la photo originale de Donald Harney). Il s’agissait donc de savoir si le photographe à la pige pouvait faire valoir son droit d’auteur à l’égard de la photo originale. En fin de compte, il ne le pouvait pas. Les deux images étaient très semblables sur de nombreux points : même pose, même manteau rose pour la fillette, arbre et église en arrière-plan. Mais la Cour de district de Boston a conclu que, bien que le contenu factuel des deux images soit presque identique, il manquait à la photo de Sony « le contenu expressif » qui était unique à celle prise par Donald Harney. La Cour du 1er circuit, qui a entendu l’appel du photographe, était d’accord avec cette décision et a déclaré que l’on est autorisé à reprendre les éléments non originaux et factuels d’un ouvrage qui est pris en compte par le droit d’auteur. Le juge de la Cour de district avait eu raison de « disséquer » l’image de Sony pour en isoler les composantes expressives et factuelles, afin de distinguer les éléments protégés de ceux qui ne l’étaient pas. La photo que Sony utilisait reproduisait les aspects factuels du travail de Donald Harney (le père, la fillette sur les épaules du père, etc.), mais non pas le « don ou la verve esthétique » du photographe pour ce qui est de la composition, du contraste entre la lumière et l’ombre, et de la maîtrise dynamique de la couleur. La Cour a rejeté l’argument de M. Harney voulant que sa photo soit l’essence même de ce qui était arrivé à M. Gerhartsreiter, et qu’elle ne doive donc pas faire l’objet de l’analyse-dissection, parce que, si l’on suivait ce fil de pensée, on élargirait à tort la portée de la protection assurée par le droit d’auteur en donnant à M. Gerhartsreiter le contrôle sur l’idée saisie dans l’instantané. Toutefois, il ne faut pas CHRONIQUE JURIDIQUE DE BLG | FÉVRIER 2013 18 déduire de ce qui précède que les photographes à la pige qui prennent spontanément des photos se voient refuser toute protection en vertu du droit d’auteur, car ils sont toujours à même d’empêcher que l’on utilise de manière non autorisée les images qu’ils ont effectivement créées, mais non la reproduction des éléments purement factuels qui composent ces images. En l’espèce, la photo utilisée par Sony ne reproduisait pour ainsi dire quasiment aucun aspect protégeable de l’original, de sorte que la réclamation de Donald Harney était vouée à l’échec (voir Harney v Sony Pictures Television Inc (1er Cir, 7 janvier 2013). yoga ne donne pas prise à la protection du droit d’auteur aux États-Unis, même pas sous la catégorie « pantomime ou chorégraphie ». La séquence établie par M. Choudhury se réduisait à « une procédure, un procédé, un système, une méthode de fonctionnement, un concept, un principe ou une découverte » que n’englobait pas la protection du droit d’auteur. Poursuivez donc vos salutations au soleil, vous n’enfreignez aucun droit d’auteur. Om Liens disponibles (en anglais) ici et ici. Le bailliage de Guernesey (une dépendance de la Couronne britannique et l’un des vestiges du Duché de Normandie de Guillaume le Conquérant) a créé une nouvelle forme de droit de propriété intellectuelle, l’image enregistrée. Enfreignez-vous un droit d’auteur en pratiquant cette séquence de postures de yoga? Vous pouvez respirer : la Cour de district des ÉtatsUnis à Los Angeles a tranché par la négative. Bikram Choudhury et son collège de yoga soutenaient qu’Evolation Yoga, une entreprise dirigée par deux ex-employés de M. Choudhury, enfreignait leur droit d’auteur à l’égard d’une séquence de 26 postures exécutées selon un ordre donné dans une pièce chauffée à 105 degrés Fahrenheit (voir Bikram’s Yoga College of India LP v Evolation Yoga LLC (Cent D Calif, 14 décembre 2012)). M. Choudhury avait enregistré un droit d’auteur à l’égard de matériel écrit et audiovisuel décrivant la séquence en question et faisait valoir que cet enregistrement s’appliquait aux mouvements eux-mêmes. C’est une notion que le juge Wright a rejetée en s’appuyant sur la décision classique Feist Publications Inc v Rural Telephone Service Co, 499 US 340 (1991) : le droit d’auteur de M. Choudhury protégeait l’expression de la séquence, mais pas les faits qui y sont sous-jacents. De toute façon, un système d’exercices ou de postures de Nouvelle forme de propriété intellectuelle touchant les images enregistrées La personnalité et les images d’un « personnage », c’est-à-dire une ou plusieurs personnes physiques, personnes morales ou personnages imaginaires, peuvent être enregistrées et le titulaire de l’enregistrement est de ce fait habilité à contrôler l’utilisation commerciale qui est faite de la personnalité et des images du personnage en question. Les images pertinentes comprennent le nom, la voix, la signature, l’apparence, l’expression verbale ou le jeu de physionomie, les gestes et d’autres caractéristiques distinctives du personnage, ainsi que les images traditionnelles. Le droit de propriété intellectuelle qui porte sur une personne physique peut être enregistré si l’intéressé est vivant au moment de l’enregistrement ou décédé il y a moins de 100 ans. Aux termes de l’enregistrement, le titulaire a le droit de contrôler l’utilisation de toute image du personnage, même s’il peut plus facilement s’assurer que l’on utilise des images enregistrées 19 déterminées. Le droit est valide pendant 10 ans et peut être renouvelé. Il est interdit d’utiliser de façon dérogatoire un personnage enregistré, mais la loi prévoit des exceptions dans le cas des comptes rendus dans les médias, de la parodie et de la satire, de l’utilisation à des fins artistiques ainsi que de l’utilisation à des fins privées ou non commerciales. Les droits relatifs à la personnalité peuvent être cédés, donnés en licence et transmis au moment du décès de leur titulaire. Les non-résidents du bailliage sont autorisés à enregistrer un droit de cette nature. Lien disponible (en anglais) ici. Quelque chose de drôle peut aussi être « scandaleux » Aux États-Unis, la cour de circuit fédérale a confirmé la décision de la Commission des marques de commerce de refuser d’enregistrer une marque parce qu’elle serait « immorale... ou scandaleuse » (voir In re Marsha Fox, 2012-1212 (Fed Cir, 19 décembre 2012). Depuis 1979, sous le nom COCK SUCKER, Mme Fox vend des « sucettes en chocolat » sur lesquelles figure un coq qui chante cocorico. Son marché primaire est composé des fans des équipes de football de l’université de la Caroline du Sud et de la Jacksonville State University, « lesquelles emploient toutes deux comme mascottes des coqs de combat ». Les porte-parole de la Commission des marques de commerce ont trouvé que Mme Fox allait trop loin et que la marque proposée avait aussi un sens « scandaleux ». Ils ont rejeté son argument voulant que toute connotation lascive, obscène ou vulgaire soit démentie par le fait que le nom du produit est écrit en deux mots plutôt qu’en un. Mais les appels de « Mme Bonbon » ont échoué, en partie parce qu’elle a reconnu que l’humour de la marque était plutôt douteux et fondé sur un double sens. Que le nom du produit soit écrit en un mot ou en deux était une « distinction sans importance », l’association du produit avec de la volaille n’atténuait pas son lien avec l’expression vulgaire connexe. « Le fait qu’une chose soit drôle ne signifie pas qu’elle ne puisse être également scandaleuse », de déclarer le savant juge Dyk (nom plutôt désopilant, pour les anglophones du moins, étant donné le contexte…). VALEURS MOBILIÈRES Tout le monde est vice-président, n’est-ce pas? Ou directeur administratif, mais, souvent, le titre sur la carte professionnelle ne reflète pas la véritable fonction de cadre ou de direction. Par conséquent, à l’issue d’un sondage récent auprès de sociétés membres et d’investisseurs, l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières a proposé de publier un projet de note d’orientation suivant lequel les sociétés seront tenues d’adopter des pratiques exemplaires et un régime de surveillance pour réduire au minimum la confusion du public au sujet du niveau de responsabilité ou de l’expertise des conseillers. L’OCRCVM propose de centraliser l’examen et l’approbation des titres d’emploi et titres professionnels, en particulier ceux utilisés par les personnes qui conseillent les épargnants âgés et ceux qui planifient leur retraite. La période de commentaires prend fin le 9 mars. Lien disponible (en anglais) ici. BORDEN LADNER GERVAIS S.E.N.C.R.L., S.R.L. Associé directeur national Sean Weir Toronto 416.367.6040 [email protected] 403.232.9555 514.954.3155 613.787.3515 416.367.6014 604.640.4175 [email protected] [email protected] [email protected] [email protected] [email protected] Associés directeurs régionaux David Whelan John Murphy Marc Jolicoeur Frank Callaghan Don Bird Calgary Montréal Ottawa Toronto Vancouver La présente chronique est rédigée à titre de service pour nos clients et d’autres personnes qui font affaire dans le domaine du droit. Il ne s’agit pas d’un énoncé complet sur l’état du droit ni d’une opinion sur un sujet juridique. Bien que nous n’ayons ménagé aucun effort pour garantir son exactitude, personne ne devrait agir sur la foi de ce document sans une étude plus approfondie du droit en tenant compte des faits particuliers à une situation donnée. Aucune partie de cette publication ne peut être reproduite sans l’autorisation préalable écrite de Borden Ladner Gervais S.E.N.C.R.L., S.R.L. (BLG). La présente chronique vous a été envoyée à titre gracieux par BLG. Nous respectons votre vie privée et désirons attirer votre attention sur notre politique de confidentialité relative à nos publications que vous pourrez consulter à http://www.blg.com/fr/home/Pages/website-electronic-privacy.aspx. Si vous recevez la chronique par erreur ou si vous ne souhaitez plus la recevoir, prière de communiquer avec nous au 1.877.BLG.5291 ou nous faire parvenir un courriel à l’adresse [email protected] pour que votre nom soit retiré de nos listes d’envoi. © 2012 Borden Ladner Gervais S.E.N.C.R.L., S.R.L. BORDEN LADNER GERVAIS AVOCATS | AGENTS DE BREVETS ET DE MARQUES DE COMMERCE Calgary Centennial Place, East Tower 520, 3e avenue Sud-Ouest, Bureau 1900 Calgary (Alberta) Canada T2P 0R3 Tél. 403.232.9500 Téléc. 403.266.1395 blg.com Toronto Scotia Plaza 40, rue King Ouest Toronto (Ontario) Canada M5H 3Y4 Tél. 416.367.6000 Téléc. 416.367.6749 blg.com Montréal 1000, rue De La Gauchetière Ouest Bureau 900 Montréal (Québec) Canada H3B 5H4 Tél. 514.879.1212 Téléc. 514.954.1905 blg.com Vancouver 1200 Waterfront Centre 200, rue Burrard, C.P. 48600 Vancouver (C.-B.) Canada V7X 1T2 Tél. 604.687.5744 Téléc. 604.687.1415 blg.com Ottawa World Exchange Plaza 100, rue Queen, Bureau 1100 Ottawa (Ontario) Canada K1P 1J9 Tél. 613.237.5160 Téléc. 613.230.8842 (Juridique) Téléc. 613.787.3558 (Propr. intell.) [email protected] (Propr. intell.) blg.com Région de Waterloo Waterloo City Centre 100, rue Regina South, Bureau 220 Waterloo (Ontario) Canada N2J 4P9 Tél. 519.579.5600 Téléc. 519.579.2725 Téléc. 519.741.9149 (Propr. intell.) blg.com Borden Ladner Gervais S.E.N.C.R.L., S.R.L.