Espace terrestre - doc 18
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RESSOURCES PEDAGOGIQUES & DOCUMENTAIRES Maison de la baie – relais de Vains L’ESPACE TERRESTRE – Document 18 Les polders (document complémentaire) Formation : généralités La poldérisation est l’assèchement d’un terrain maritime, qui a pour but la conquête de nouvelles terres cultivables ou la protection du littoral. C’est une intervention humaine volontaire. Le polder (mot d’origine hollandaise) est formé par endiguement et assèchement (polder de type « Zuidersee »). Les premiers essais de poldérisation datent du IXème siècle. Le terrain ainsi gagné reste au-dessous du niveau des hautes mers. De l’efficacité du drainage et de la solidité des digues dépend sa pérennité. Nous avons vu que plusieurs tentatives d’endigage avaient échoué en baie du Mont-Saint-Michel faute de moyens techniques suffisants. Les polders du Mont-Saint-Michel sont des polders d’endiguement du schorre. Dans un premier temps, on draine l’eau de mer qui recouvre le terrain (par gravité) puis on endigue le schorre. L’opération se fait par étapes successives. Une fois endigué, le schorre se transforme. Sa flore se développe et on accélère le processus d’assèchement du sol par divers procédés : semis de plantes halophiles, creusement de rigoles qui permettent de retenir l’eau de pluie, levées de terrain, etc. La construction de la digue insubmersible se fait avec les matériaux du pays : sédiments grossiers (sables et graviers) terre rapportée, galets, etc. En baie du Mont-Saint-Michel les digues des polders sont très efficacement consolidées par des plantations de peupliers, dont les racines retiennent les matériaux meubles. Ces immenses levées rectilignes qui quadrillent le polder sont aussi des voies de circulation. La désalinisation du terrain est indispensable pour la culture de plantes comestibles. Plusieurs procédés peuvent être utilisés : création de nappes d’eau douce et procédés modernes, comme l’ensemencement en bactéries avant la mise en culture, le remplacement des ions NA+ du complexe sodique NA+CL- par des ions H+(par adjonction de soufre) ou CA 2+ (par apport de plâtre ou de chaux sur le terrain à raison de 2 à 6 tonnes par hectare). Notons que la formation des polders a largement contribué à développer le phénomène d’ensablement de la baie : en construisant les digues insubmersibles, on a en effet provoqué une accélération de la sédimentation (accumulation en arrière des digues de sédiments apportés par la marée et retenus par les levées de terre), et créé artificiellement des zones d’herbus. 1 /4 La poldérisation en baie du MONT-SAINT-MICHEL Nous l’avons vu, la première expérience de poldérisation en baie du Mont SaintMichel remonte au XIème siècle. Il s’agit de la création du marais de Dol, formé grâce à la construction d’une digue de 35 km de long qui protège 14 000 hectares de terrain. Cette digue, maintes fois remaniée, est aujourd’hui noyée dans les polders crées au XIXème. Puis se succèdent de nombreuses tentatives d’assèchement qui, toutes, échouent : au XVème siècle, essai de colmatage sur la côte ouest. Au XVIIème siècle, projet d’une digue entre Carolles et Cancale. Projet fou, compte tenu des moyens techniques de l’époque, mais qui sera sérieusement repensé, il y a quelques années, pour créer une immense usine marée motrice (le plan est abandonné). Vauban au XVIIème siècle, songe même à canaliser les trois rivières de la baie et leurs ruisseaux et à les dévier vers la Rance : le projet n’aboutit pas. La disparition il y a trois siècles, du phénomène de la divagation des rivières, aurait fait du Mont-Saint-Michel un nouveau Mont Dol, au milieu des herbages. Les premières concessions faites par le gouvernement à un particulier datent de la fin du XVIIIème siècle. Un gentilhomme granvillais, le Sieur Quinette de la Hogue, obtient pour services rendus au Roi, 2 300 hectares de grèves. Cette concession sera à l’origine d’une querelle historique entre les habitants de la baie et les propriétaires des concessions : les premiers, qui utilisent déjà de manière « sauvage » pour la pâture les herbus existants, refusent qu’on supprime cet usage et se querelleront inlassablement avec les nouveaux bénéficiaires. Quelques années plus tard, Quinette de la Hogue signe avec le gouvernement un accord qui le rend maître d’ouvrage des travaux de canalisation du Couesnon (celui-ci, par ses divagations, menace de détruire les digues du marais de Dol). Il échoue, doit céder une partie de ses terres aux cofinanciers du projet, et, est ruiné. Le projet est abandonné. Pendant cette période (première moitié du XIXème siècle) le Mont s’ensable à une vitesse extraordinaire, et ses abords immédiats, jusqu’à l’entrée de la ville, sont presque définitivement émergés. Les hollandais Mosselman et Donon obtiennent alors une concession de l’Empereur, cette fois à proximité immédiate du Mont. Le travail de poldérisation y devient en effet, compte tenu de l’ensablement naturel, très aisé ! Mosselman et Donon reprennent le projet de canalisation du Couesnon, qui est cette fois mené à bien : le canal mesure 5 600 m. La protection des terres, à l’ouest, est ainsi définitivement assurée. Pour réaliser leurs projets de poldérisation (la concession mesure 2800 hectares environ, sur la rive gauche du Couesnon), lourds de conséquences financières, MOSSELMAN et DONON créent la Société des Polders de l’Ouest. Les travaux seront achevés en 1934 seulement. En 1902, le pont de Beauvoir sur le Couesnon est construit, la communication entre les deux parties de la commune – la plupart des polders font partie de Beauvoir – est enfin assurée. 2 /4 En 1910, l’association des Amis du Mont-Saint-Michel offre 59 000 francs aux administrateurs de la société en échange de 116 hectares de terrain aux abords du Mont, pour en préserver l’insularité (insularité retrouvée en 1856, à l’occasion d’une très forte marée qui détruisit 500 hectares de bonne terre). Bien qu’ils soient l’une des causes favorisant l’ensablement en baie du Mont-SaintMichel, il n’est pas question de détruire les polders : ils font maintenant partie intégrante du patrimoine agricole montois et leur exploitation fait vivre 50 fermiers et leur famille. Les polders : exploitation L’association syndicale des Polders de l’Ouest du Couesnon comprend environ 90 associés, et il est amusant de noter que le plus modeste des propriétaires est le Syndicat Intercommunal d’Electrification de Pontorson, avec 0,0009 hectares. La compagnie des Polders de l’Ouest reste encore le plus gros propriétaire, avec 1462 hectares 94 a 28 ca. Le plus important des propriétaires particuliers possède, quant à lui, 80 hectares. Les exploitants d’aujourd’hui sont fermiers ou propriétaires. Les 50 fermes actuellement en activités sont réparties sur 5 communes : - le Mont-Saint-Michel : 384 ha - St Georges de Gréhaigne : 485 ha - Roz sur Couesnon : 1089 ha - Beauvoir : 979 ha - Saint Broladre : 113 ha Soit en tout : 3050 ha Il est difficile d’établir correctement une moyenne des superficies des exploitations dont l’importance est très variable. La plus petite de ces fermes est de 3ha seulement, et la plus grande de 122. La superficie la plus couramment rencontrée se situe entre 30 et 40 hectares, chiffre relativement modeste quand il s’agit d’exploitations spécialisées dans l’élevage, mais important ici, compte tenu de la nature du sol et de ce qu’il permet de cultiver. Dés 1856, les rendements en blé deviennent performants dans les polders : 50 quintaux à l’hectare. A cette époque, il n’existe aucun bâtiment, et cette culture très intensive épuise le sol en cinq ans. On décide donc d’alterner les productions de blé avec le colza et le trèfle, et cet assolement adapté au terrain permet de renouveler les réserves du sol. Quelques années plus tard aux quatre salines à Roz sur Couesnon, surgissent les premiers bâtiments agricoles et on mène pâturer les vaches et les moutons systématiquement. On y engraisse également les oies. On diversifie alors beaucoup les cultures : - plantes fourragères : trèfle, luzerne, pois, choux - racines : betteraves, carottes, navets, rutabagas - plantes à usage industriel, comme le colza, le lin et le chanvre - céréales : avoine, froment 3 /4 La terre des polders est en effet facile à travailler : légère, elle ne contient pas de cailloux, et elle peut être labourée toute l’année, d’où une grande possibilité de varier les cultures. D’autre part, les terrains sont bien drainés et le taux d’humidité en profondeur est important et régulier. Dés la fin du XIXème siècle donc, l’agriculture dans les polders est performante et pratiquée de manière très avant-gardiste. Organisées autour de la polyculture et de l’élevage, les fermes des polders, il y a quinze ans encore, ne se distinguaient des autres fermes du pays Montois que par leur surface moyenne d’exploitation, légèrement supérieure à la moyenne régionale, et leur pourcentage de terres cultivées (33%, chiffre important dans une région presque entièrement vouée à l’élevage extensif). Sur les deux tiers non cultivés, on faisait pâturer les bêtes et on récoltait le foin de luzerne pour l’hiver. Sur le plan de l’élevage, le caractère distinctif de ces fermes résidait dans l’élevage des chevaux, achetés jeunes pour être élevés et revendus, pour l’attelage, le dressage, ou la reproduction. En 1945, il y a 20 chevaux en moyenne par ferme. Une mutation récente Progressivement, on vend le bétail et les fermes deviennent céréalières. La raison en est essentiellement le développement, dans nos régions, de la culture du maïs pour lequel les terrains polderisés sont particulièrement favorables. Le maïs est donc devenu, il y a une quinzaine d’année, la première culture dans les polders. Semé au printemps, il est le plus souvent récolté à la fin de l’automne (c’est le maïs-grain) mais peut-être ensilé au mois de septembre, et sert alors de fourrage pour les animaux en hiver. On cultive aussi le blé, l’orge et les carottes qui occupent un cinquième de la surface totale des polders. Semées en avril, mai ou juin, elles sont récoltées à partir de septembre, jusqu’en avril certaines années. Elles sont commercialisées le plus souvent par l’intermédiaire de coopératives régionales. Parmi les autres productions, citons également, produits en petites quantité, les épinards, les oignons, les navets, les betteraves rouges (pour les colorants). Comme autrefois, on cultive aussi des pois protéagineux qui ont le double avantage de n’occuper le sol que de mai à août, et de l’enrichir en matières azotées. Bien qu’il n’y ait pas de grands troupeaux sur les polders, chaque exploitant a cependant conservé quelques bêtes pour le viande et surtout les bœufs et les moutons (2000 ovins sur l’ensemble des exploitations). Ces moutons, dits « de présalé » pâturent sur les herbus situés à l’avant des digues de front. Direction des Sites et Musées Départementaux Conseil général de la Manche 4 /4