COUR ADMINISTRATIVE D`APPEL DE LYON N° 08LY00139

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COUR ADMINISTRATIVE D`APPEL DE LYON N° 08LY00139
COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL
DE LYON
N° 08LY00139
-----------------RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Mme Hafida A
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Mme Serre
Présidente
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Mme Verley-Cheynel
Rapporteur
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La Cour administrative d'appel de Lyon
(6ème chambre)
Mme Marginean-Faure
Rapporteur public
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Audience du 19 novembre 2009
Lecture du 10 décembre 2009
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335-01-01-02
R
Vu la requête, enregistrée le 21 janvier 2008, présentée pour Mme Hafida A, domiciliée
19 … (…) ;
Mme A demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 0701050 du 8 novembre 2007 par lequel le Tribunal
administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du
7 décembre 2006 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de lui accorder l'autorisation de
regroupement familial en faveur de sa nièce Niama B ;
2°) avant dire droit d’ordonner l'audition de l'enfant ;
3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;
Elle soutient que le Tribunal n'a pas procédé à une motivation "de qualité" de sa
décision sur ce qui relevait de l'intérêt supérieur de l'enfant protégé par l'article 3-1 de la
convention du 26 janvier 1990 ; que la jeune Niama, comme elle l'a souhaité, devrait être
entendu en application de l'article 3 de la convention européenne sur l'exercice des droits des
enfants ; que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des
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libertés fondamentales est applicable et implique un contrôle de proportionnalité quant aux
conséquences de la décision ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 juin 2008, présenté par le préfet du Rhône qui
conclut au rejet de la requête par les motifs qu'elle est irrecevable faute de comporter l'exposé
d'aucun moyen, et tardive ; que subsidiairement, la convention européenne sur l'exercice des
droits des enfants n'était ni entrée en vigueur ni ratifiée à la date de la décision en litige et que
son champ d'application ne concerne que les procédures devant une autorité judiciaire ;
Vu le mémoire, enregistré le 12 novembre 2009, par lequel Mme A conclut aux mêmes
fins que précédemment par les mêmes moyens et par les motifs, en outre, que le champ
d'application de la convention n'est pas restrictif ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales ;
Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le
26 janvier 1990 ;
Vu la convention européenne sur l'exercice des droits des enfants adoptée à Strasbourg
le 25 janvier 1996 ;
Vu l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à l’emploi et au séjour
en France des ressortissants algériens et de leurs familles modifié ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 novembre 2009 :
- le rapport de Mme Verley-Cheynel, président-assesseur ;
- les observations de Me Belinga, avocat de Mme A ;
- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;
La parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes ;
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Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête :
Sur les conclusions aux fins d'audition de l'enfant :
Considérant qu'aux termes des stipulations de la convention européenne sur l'exercice
des droits des enfants adoptée à Strasbourg le 25 janvier 1996, publiée au journal officiel par le
décret N° 2008-36 du 10 janvier 2008 : "Article 3 : Droit d'être informé et d'exprimer son
opinion dans les procédures / : Un enfant qui est considéré par le droit interne comme ayant un
discernement suffisant, dans les procédures l'intéressant devant une autorité judiciaire, se voit
conférer les droits suivants, dont il peut lui-même demander à bénéficier : a) Recevoir toute
information pertinente ; b) Être consulté et exprimer son opinion ; c) Être informé des
conséquences éventuelles de la mise en pratique de son opinion et des conséquences éventuelles
de toute décision. […] Article 6 : Processus décisionnel / Dans les procédures intéressant un
enfant, l'autorité judiciaire, avant de prendre toute décision, doit : a) Examiner si elle dispose
d'informations suffisantes afin de prendre une décision dans l'intérêt supérieur de celui-là et, le
cas échéant, obtenir des informations supplémentaires, en particulier de la part des détenteurs
de responsabilités parentales ; b) Lorsque l'enfant est considéré par le droit interne comme
ayant un discernement suffisant : - s'assurer que l'enfant a reçu toute information pertinente ; consulter dans les cas appropriés l'enfant personnellement, si nécessaire en privé, elle-même ou
par l'intermédiaire d'autres personnes ou organes, sous une forme appropriée à son
discernement, à moins que ce ne soit manifestement contraire aux intérêts supérieurs de
l'enfant ; - permettre à l'enfant d'exprimer son opinion ; c) Tenir dûment compte de l'opinion
exprimée par celui-ci." ; qu'il ressort des stipulations de son article 1er que le champ d'application
de la convention est limité aux "litiges familiaux" ;
Considérant que le recours pour excès de pouvoir formé contre une décision de
l'administration statuant sur une demande de regroupement familial ne constitue pas un litige
familial au sens des stipulations de la convention européenne sur l'exercice des droits des enfants
adoptée à Strasbourg le 25 janvier 1996 publiée au journal officiel par décret du 10 janvier 2008
que, par suite, Mme A ne peut utilement se prévaloir des stipulations de ladite convention pour
demander à la Cour, avant de statuer sur ses conclusions, d'ordonner l'audition de la jeune
Niama Aissahine à l'occasion de la présente procédure ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
Considérant qu’aux termes du paragraphe 1 de l’article 3 de la convention
internationale relative aux droits de l’enfant du 26 janvier 1990 : « Dans toutes les décisions qui
concernent les enfants, qu’elles soient le fait d’institutions publiques ou privées de protection
sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt
supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale » ; qu’il ressort des pièces du
dossier que si la jeune Niama Aissahine, née le 3 janvier 1997, a été confiée à sa tante qui réside
en France, Mme A, par un acte de kafala, elle a toujours vécu auprès de ses parents en Algérie,
où demeurent également son frère ainsi que d'autres membres de sa famille ; qu’il n’est pas établi
que les parents de Mlle B seraient dans l’impossibilité d’assurer l’entretien et l’éducation de leur
fille ; que Mme A n’allègue pas ne pas être en mesure de rendre régulièrement visite à sa nièce
en Algérie ; qu’ainsi, dans les circonstances de l’espèce, le préfet du Rhône n’a pas, en prenant la
décision contestée, méconnu les stipulations du paragraphe 1 de l’article 3 de la convention
relative aux droits de l’enfant ; qu’il n’a pas davantage inexactement apprécié les faits de
l’espèce et méconnu les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des
droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
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Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme A n’est pas fondée à soutenir que
c’est à tort que, par le jugement attaqué lequel est suffisamment motivé, le Tribunal administratif
de Lyon a rejeté sa demande ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Hafida A et au ministre de l'immigration, de
l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au
préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2009 à laquelle siégeaient :
Mme Serre, présidente de chambre,
Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,
M. Picard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 décembre 2009.