Interview de François Fillon Le Figaro - vendredi

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Interview de François Fillon Le Figaro - vendredi
Interview de François Fillon
Le Figaro - vendredi 6 février 2015
Le Figaro : Le président a-t-il réussi sa conférence de presse ?
François Fillon : On l’a senti plus sûr de lui, plu grave que d’habitude. Malheureusement, cette
assurance ne sert à rien. Où sont les propositions courageuses ? Le président se trompe s’il pense
pouvoir faire vivre l’esprit du 11 janvier sur fond de croissance molle. Plus François Hollande
continuera de brandir l’unité nationale sans lui donner de contenu, plus le réveil sera brutal.
En matière économique, il a expliqué que l’essentiel des réformes avaient été adoptées…
Il se contente de peu ! Ses résultats économiques sont calamiteux. Toutes les prévisions sont
négatives. La France est en situation de décrochage, et ce décrochage est la cause principale de notre
crise d’identité. François Hollande a détruit dans les six premiers mois du quinquennat la totalité des
mesures que nous avions mises en place avant lui en faveur de la croissance et de la compétitivité.
Puis il s’est employé à rétablir maladroitement ce qu’il avait détruit. Le projet de loi Macron était la
dernière occasion d’enclencher le redressement économique. Faute d’ambition et de dialogue avec
l’opposition, cette loi aura un impact infinitésimal, de l’ordre de 0,1 % de croissance pour les
économistes les plus optimistes.
Le projet de loi Macron n’est-il pas l’occasion d’afficher cette unité nationale ?
Si cette unité n’était pas qu’une simple posture à ses yeux, l’occasion d’un vrai débat républicain
était donnée. J’ai proposé, entre autre, des amendements sur l’assouplissement du temps de travail,
la réforme des seuils sociaux, les accords pour l’emploi offensifs. L’évolution de la discussion
parlementaire montre qu’il n’en sera probablement pas question.
François Hollande a dit qu’il ne toucherait pas à la loi de 1905. Cela vous satisfait-il ?
Je suis attaché au principe de la laïcité mais poser comme postulat que rien ne doit évoluer est une
erreur. La loi de 1905 n’est pas une relique dans un musée. Si on veut pleinement réussir
l’intégration de la religion musulmane dans la République, il ne faut rien s’interdire. La loi ne nous
offre pas aujourd’hui la possibilité de contrôler la formation des imams, pas plus que la source de
financement des lieux de cultes.
A propos du duel FN-PS dans le Doubs, rappelle qu’il a « fait son devoir » en 2002 en appelant à
voter Jacques Chirac…
La comparaison entre le deuxième tour d’une présidentielle et le remplacement de M. Moscovici
dans le Doubs n’est pas raison. Depuis 2002, l’endiguement du FN n’a pas fonctionné, le danger a
prospéré. On ne peut donc pas se contenter de répéter de manière pavlovienne les formules du
passé. Nous devons nous opposer de manière frontale au FN parce qu’il apporterait le chaos dans le
pays. Mais pour autant un parti comme l’UMP ne peut pas cautionner l’échec total de la majorité en
appelant à voter pour un candidat socialiste.
Au nom de la lutte contre la ségrégation des quartiers difficiles, Hollande veut durcir la loi SRU…
C’est le contraire de qu’il faudrait faire ! Son appel à une « politique de peuplement » résonne
étrangement, avec des accents soviétiques qui me paraissent malvenus. D’autant plus que cette
politique volontariste existe depuis longtemps et qu’elle n’a pas produit de résultats convaincants. Je
propose l’inverse : qu’on rende aux maires leur liberté, qu’on égalise les conditions entre les bailleurs
sociaux, qu’on crée une allocation sociale unique, mais modulée en fonction de la situation réelle des
personnes. La mixité est d’abord une question d’emploi. Et face à la bataille du chômage, François
Hollande a montré son impuissance. J’ajoute que sans une réduction forte des flux migratoires, la
mixité et l’intégration sont une illusion.
Ses propositions sur le service civique et l’école vont-elles dans le bon sens ?
Elles sont très insuffisantes! Je suis sceptique sur un service civique optionnel, qui intervient
beaucoup trop tard dans la vie d’un jeune. C’est entre 3 et 18 ans, et non après 18 ans, que
l’essentiel se joue : le respect de l’autorité, le sens de l’appartenance à la communauté nationale. Je
propose une vraie responsabilisation des directeurs d’école grâce à plus d’autonomie, je demande
aussi que l’on cesse de contingenter l’enseignement privé de façon arbitraire à 20% des
établissements. Je souhaite enfin que l’on vote une loi en faveur de l’uniforme scolaire dans le
primaire et dans les collèges. Il rappellera que dans l’école de la République chacun est l’égal de
l’autre.
François Hollande a révélé son intention d’un voyage conjoint avec Angela Merkel en Ukraine et à
Moscou. L’approuvez-vous ?
C’est la seule bonne nouvelle de cette conférence, mais que de temps perdu ! Depuis le début de
cette crise, je n’ai cessé de demander à François Hollande et Angela Merkel de prendre l’initiative de
proposer un véritable plan de paix qui respect les intérêts de l’Ukraine comme ceux de la Russie. On
ne peut pas laisser s’installer la guerre à l’Est de l’Europe. Surtout quand les Etats-Unis risquent
d’attiser un conflit qui est très loin de chez eux, en proposant notamment d’armer les Ukrainiens.
Face aux menaces, pensez-vous que François Hollande devrait proposer un effort exceptionnel
pour le budget de la Défense ?
François Hollande aurait dû profiter du formidable mouvement de solidarité des chefs d’Etats
européens le 11 janvier dernier pour mettre Angela Merkel et nos partenaires devant leurs
responsabilités. Il aurait pu lui dire : « vous êtes de tout cœur avec nous, mais cela ne suffit pas !
Intervenez à nos côtés, ou au moins acceptez de retirer dans le calcul de nos déficits notre budget
militaire ». Il a raté cette occasion.