encens, gommes et résines

Transcription

encens, gommes et résines
ENCENS, GOMMES
ET RÉSINES
Utilisations magiques
Vertus thérapeutiques et de bien-être
Tous droits de reproduction, de traduction, et d’adaptation réservés pour tout pays.
Toute reproduction, même partielle, de cet ouvrage est interdite.
Une copie ou toute reproduction par quelque moyen que ce soit constitue une contrefaçon
passible des peines prévues par la loi du 11 mars 1957 et la loi du 3 juillet 1985
sur la protection des droits d’auteur.
© 2009 Éditions Trajectoire
Une marque du groupe éditorial Piktos,
Z.I. de Bogues, rue Gutenberg – 31750 Escalquens
Bureau parisien : 6, rue Régis – 75006 Paris
Imprimé en France
I.S.B.N. 978-2-84197-490-0
Mario Torres
ENCENS, GOMMES
ET RÉSINES
Utilisations magiques
Vertus thérapeutiques et de bien-être
INTRODUCTION
Les parfums sont communs à toutes les civilisations et semblent avoir été
réservés d’abord au culte des morts : les propriétés antiseptiques des résines et
des baumes utilisés devaient faciliter la conservation des corps. Mais bientôt
la liturgie vint leur accorder sa consécration : devenus offrandes aux dieux,
résines aromatiques, herbes et bois brûlaient dans tous les lieux de culte des
Indes, de Chine, de Perse, d’Arabie, d’Amérique précolombienne…
On appelle oléorésine l’association d’une résine et d’une huile (oléo‑)
essentielle volatile. On parle de baume s’il y a dans la résine des acides
aromatiques tels que le benzoïque et le cinnamique, en particulier. Une
gomme-résine s’en distingue par la présence d’amidon ou gomme.
Dans l’Antiquité, le baume était un produit de grande valeur. Il en est
plusieurs fois question dans la Bible : « N’y a-t-il point de baume en Galaad ?
N’y a-t-il point de médecin ? Pourquoi donc la guérison de la fille de mon
peuple ne s’opère-t-elle pas ? » « Monte en Galaad, prends du baume, vierge,
fille d’Égypte ! En vain tu multiplies les remèdes, il n’y a point de guérison
pour toi. » « Soudain Babylone tombe, elle est brisée ! Gémissez sur elle,
prenez du baume pour sa plaie : peut-être guérira-t-elle. » (Jérémie, VIII, 22 ;
XLVI, 11 et LI, 8).
L’encens, prière parfumée, a joué un rôle capital dans les rituels de toutes
les religions, que ce soit en Égypte ancienne, en Inde, chez les juifs, chez les
musulmans, chez les chrétiens, dans le shinto du Japon ou les anciens cultes
de Chine, chez les zoroastriens, dans les temples de Memphis ou de Jérusalem… Les Anciens connaissaient l’importance de l’encens lors des rituels.
En Occident, l’encens était une prière. Dans le livre de l’Apocalypse de la
Bible, cette idée de prière liée à l’encens revient souvent : « Quand il eut reçu
6
Encens, gommes et résines
le livre, les quatre êtres vivants et les vingt-quatre anciens se prosternèrent
devant l’Agneau, tenant chacun une harpe et des coupes d’or remplies de
parfums qui sont les prières des saints. » (Apocalypse, V, 8) Plus loin, on lit :
« Je vis les sept anges qui se tiennent devant Dieu, et sept trompettes leur
furent données. Et un autre ange vint se placer sur l’autel : il tenait un encensoir d’or. On lui donna beaucoup de parfums pour les offrir, avec les prières
de tous les saints, sur l’autel d’or devant le trône. La fumée des parfums
monta avec les prières des saints de la main de l’ange devant Dieu. L’ange
prit l’encensoir, le remplit du feu de l’autel et le jeta sur la terre ; il y eut des
tonnerres, des voix et des éclairs et un tremblement de terre. » (Apocalypse,
VIII, 2‑5)
Les premiers parfums furent obtenus en brûlant des résines et des bois
aromatiques, ainsi que l’indique suffisamment le nom « parfum » (per
fumum, « à l’aide de la fumée »), et cette découverte, due au hasard comme
presque toutes les autres, eut sans doute lieu en Arabie, cette terre classique
du parfum où « mille arbrisseaux distillent en pleurant la myrrhe précieuse et
le baume odorant » (John Milton, Paradis Perdu).
Avec le touchant instinct de reconnaissance qui poussait les peuples primitifs à offrir à leurs divinités les prémices de tous les produits de la terre, les
parfums servirent d’abord d’holocauste et furent bientôt considérés comme
le mode de sacrifice le plus agréable à celles qu’ils adoraient. « Soixante-dix
hommes des anciens de la maison d’Israël, au milieu desquels était Yaazania,
fils de Chaphân, se tenaient devant les idoles, chacun l’encensoir à la main,
et il s’élevait un épais nuage d’encens. » (Ézéchiel, VIII, 11)
L’Arabe, à l’imagination ardente et mystique, crut sans peine que ses vœux
arriveraient plus vite au séjour immortel portés sur les nuages d’encens qu’il
voyait s’élever de la pierre de l’autel et disparaître lentement dans les régions
de l’infini, tandis que ces enivrantes vapeurs le jetaient dans une religieuse
extase.
Non contents de les admettre dans l’exercice de leur culte, les Grecs en
avaient fait l’apanage spécial des dieux et le signe distinctif de leur présence.
Homère, lorsqu’il décrit l’apparition d’une divinité, ne manque jamais de
parler de l’odeur d’ambroisie qu’elle répand autour d’elle, et, dans une tragédie
d’Euripide, Hippolyte mourant s’écrie : « Ô Diane, chaste déesse, je sais que
tu es près de moi, car j’ai reconnu ton céleste arôme. » Iris, la blonde messagère des dieux, laisse flotter dans les nuages son écharpe aux mille couleurs,
de laquelle s’exhalent de douces senteurs qui remplissent l’atmosphère, et
Junon se baigne dans une précieuse essence réservée aux immortels.
En religion comme en médecine, pour l’hygiène et la beauté, le parfum
fait partie de la vie de l’homme et de son au-delà, du quotidien et de ses
rêves, de ses désirs et de sa mémoire.
Encens, gommes et résines
7
L’encens agit sur les corps subtils de l’homme, soit en les harmonisant,
soit en exaltant ou calmant l’un d’eux. Il y a des essences ou des résines
qui invitent à la dévotion et à la prière comme l’encens des Sept Rayons, et
d’autres qui calment notre mental bavard comme le benjoin.
Les effets de l’encens se manifestent au niveau psychologique. Ils sont
fonction aussi des souhaits et de la personnalité de l’utilisateur. Toutes les
religions utilisent l’encens pour inciter les fidèles au recueillement et à la
prière. La structure du temple, les chants religieux, la lumière tamisée qui
passe à travers les vitraux, les bougies et l’encens produisent un changement
psychologique chez l’assistant.
L’encens produit un changement dans l’atmosphère subtile. Soit il éloigne
les formes pensées ou les êtres indésirables, soit il attire les êtres bénéfiques
qui peuvent aider à un travail magique et apportent la paix.
L’encens bénit par le prêtre apporte un sentiment de paix et de pureté en
chassant toute pensée ou tout sentiment discordant. L’action de magnétiser
l’encens peut intensifier ses caractéristiques naturelles, ou peut lui ajouter
d’autres vibrations spéciales.
Certains encens ont un pouvoir actif sur la volonté et sont utilisés pour
commander certaines forces. Lors des rituels, on peut utiliser divers encens
en fonction du moment et de l’effet recherché. Ainsi, pour commencer un
rituel, on use d’un encens facilitant le recueillement et, quand celui-ci est
obtenu, on brûle l’encens approprié au rituel exécuté.
D’autres encens ont un pouvoir pacificateur (comme les bâtonnets d’encens d’origine indienne) et préparent l’individu à recevoir.
Les encens japonais dégagent une atmosphère plus éthérée, un peu excitante pour les émotions.
L’emploi de l’encens est très significatif, il est tout à la fois symbolique,
honorifique et purificateur.
On a plusieurs fois cherché à classer méthodiquement les odeurs. Fourcroy les divisait en cinq catégories, et de Haller en trois. Linné les a partagées en sept sections caractérisées par l’impression qu’elles produisent sur
l’économie animale :
1°) L’odeur aromatique, qui est celle des œillets, des lauriers et de toutes
les labiées.
2°) L’odeur suave, comme celle de la rose, du lis, du jasmin, du
safran, etc.
3°) L’odeur ambrosiaque, comme celle de l’ambre, du musc et de plusieurs
géraniums exotiques.
4°) L’odeur alliacée, agréable pour un petit nombre, mais désagréable à la
majorité : l’ail, l’asa-foetida et plusieurs autres gommes-résines appartenant
à cette catégorie.
8
Encens, gommes et résines
5°) L’odeur fétide, comme celle du bouc, du grand satyrion, etc.
6°) L’odeur repoussante, telle que celle de l’œillet d’Inde et de beaucoup
de plantes de la famille des solanées.
7°) L’odeur nauséeuse, comme celle des fleurs de Veratrum, du Stapelia
variegata, etc.
Piesse, parfumeur-chimiste anglais, répartit les parfums en deux catégories,
en fonction des effets produits sur les sens : la clef de sol et la clef de fa.
Piesse dit : « Il y a des odeurs qui n’admettent ni dièses ni bémols, et il y en
a d’autres qui feraient presque une gamme à elles seules grâce à leurs multiples nuances. Celle qui contient le plus de variétés est celle du citron. »
CLEF DE SOL
Fa
Mi
Ré
Do
Si
La
Sol
Fa
Mi
Ré
Do
Si
La
Sol
Fa
Mi
Ré
Do
Si
La
Sol
Fa
Mi
Ré
Civette
Verveine
Citronnelle
Ananas
Menthe poivrée
Lavande
Magnolia
Ambre gris
Cédrat
Bergamote
Jasmin
Menthe
Fève de tonka
Seringa
Jonquille
Portugal
Amande
Camphre
Aurone
Foin
Fleur d’oranger
Tubéreuse
Acacia
Violette
CLEF DE FA
Do
Si
La
Sol
Fa
Mi
Ré
Do
Si
La
Sol
Fa
Mi
Ré
Do
Si
La
Sol
Fa
Mi
Ré
Do
Rose
Cannelle
Tolu
Pois de senteur
Musc
Iris
Héliotrope
Géranium
Julienne œillet
Baume du Pérou
Pergulaire
Castoréum
Rotang
Clématite
Santal
Girofle
Storax
Frangipane
Benjoin
Girofle
Vanille
Patchouli
Eugène Rimmel fait une classification des odeurs en 18 catégories en n’y
comprenant que celles qui sont agréables, et en adoptant pour principe que
de même qu’il existe des couleurs primaires dont se forment les nuances
Encens, gommes et résines
9
intermédiaires, il y a aussi des odeurs mères qui peuvent servir de type, et
auxquelles se rattachent les autres, soit à l’état naturel, soit à celui de combinaison. Chaque série de cette classification se compose d’une odeur primaire,
et des parfums secondaires qui en approchent.
SÉRIE
TYPES
Rosée
Rose
Jasminée
Orangée
Tubérosée
Violacée
Balsamique
Jasmin
Fleur d’oranger
Tubéreuse
Violette
Vanille
Épicée
Caryophyllée
Camphrée
Santalée
Citrine
Herbacée
Menthacée
Anissée
Amandée
Musquée
Ambrée
Fruitée
Cinnamome
Girofle
Camphre
Santal
Citron
Lavande
Menthe poivrée
Anis
Amande amère
Musc
Ambre gris
Poire
ODEURS SECONDAIRES
Géranium, églantine, rhodium,
palissandre
Muguet, ylang-ylang
Acacia, seringa, feuille d’oranger
Lis, jonquille, narcisse, jacinthe
Cassie, iris, réséda
Baumes du Pérou et de Tolu, benjoin,
storax, fève tonka, héliotrope
Cannelle, muscade, macis, toute-épice
Œillet
Romarin, patchouli
Vétiver, cèdre
Orange, bergamote, cédrat, limette
Aspic, thym, serpolet, marjolaine
Menthe sauvage, basilic, sauge
Badiane, carvi, aneth, fenouil, coriandre
Laurier, noyau, mirbane
Civette, ambrette
Mousse de chêne
Pomme, ananas, coing
Les odeurs produisent la joie ou la tristesse, le rire ou les larmes, la gaieté
expansive ou la morne taciturnité, suivant les tempéraments et les dispositions d’esprit de ceux qui les respirent. Les unes réveillent les sens, les
autres les alanguissent ; celles-ci rendent la pensée plus nette, plus complète,
plus vive ; celles-là la font flotter dans le nuage du rêve. Lors même que le
sommeil s’est emparé de notre être, les odeurs exercent encore leur empire
sur nos sens endormis et peuvent créer ou influencer nos songes.
On pense que ce sont les Arabes, les premiers qui utilisèrent des bois
odoriférants et des résines. Ils observaient une chasteté absolue quand ils
le recueillaient et, si personne n’en prenait la garde, ils n’étaient pourtant
jamais dérobés, tant ils étaient considérés comme le privilège des dieux.
Seuls les hommes exempts de toute souillure, occasionnée par les rapports
sexuels ou les contacts avec les morts, étaient en droit de procéder à la taille
10
Encens, gommes et résines
des arbres ou à la récolte de la résine. Mais c’est en Égypte, il y a 5 000 ans,
que le mélange des parfums et encens devint une véritable science. Sous l’assistance d’un prêtre officiant, les prêtres préparaient les parfums destinés aux
rites d’offrandes pour le culte du Soleil (Râ) qui se faisait trois fois par jour :
au lever avec de la résine et des essences végétales, à midi avec de la myrrhe
ou de la sève de balsamier et au coucher avec le kyphi.
Dans les cérémonies d’embaumement des défunts, les Égyptiens faisaient
un large usage des encens. Pendant l’embaumement, les rites étaient destinés
à lier le ba (l’esprit, représenté par un oiseau à tête humaine) au ka, c’est-àdire l’âme, le double immatériel de l’être.
Voici ce que Ramsès II fit graver sur les hauts murs du temple d’Ammon,
à Karnak : « J’ai immolé trente mille bœufs, avec toutes les herbes odoriférantes et les meilleurs parfums. »
En Judée également, on utilisait les parfums pour oindre les morts : « Ils
prirent donc le corps de Jésus et le lièrent de bandelettes, avec les aromates,
selon que les Juifs ont coutume d’ensevelir. » (Jean, XIX, 40)
Les érudits font remonter l’emploi de l’encens dans le rituel judaïque au
septième siècle avant notre ère. Une fois adoptée, cette pratique ne fait que
s’amplifier au cours des temps. Le premier encens n’était composé que de
très peu d’ingrédients tels que stacte, onyx, galbanum et encens mâle pur. Sa
préparation par les prêtres était considérée avec le même respect que celle du
kyphi des Égyptiens. Soir et matin, il était alors brûlé sur l’Autel des Parfums
ou dans des encensoirs, seul, ou pour accompagner des offrandes de viande
ou de fruit. Une fois l’an, le grand jour des Expiations (yom kippour), il était
introduit dans le Saint des Saints du Temple.
Ézéchiel, « celui que Dieu rend fort », ne parle pas d’encens dans sa
description du rituel réformé (Ézéchiel, XL). La première référence explicite
à son emploi dans le culte de Yahvé se trouve dans Jérémie (VI, 19-20) :
« Voici, moi-même je fais venir un malheur sur ce peuple, fruit de leurs
pensées, car à mes paroles, ils n’ont pas été attentifs, et ma Tora, ils la rejettent. Qu’est-il pour moi l’encens qui vient de Sheba, la canne à sucre d’une
terre lointaine ? » Certaines références au récit biblique montrent que l’encens n’est pas toujours nécessaire. Pourtant, une fois admis, il est devenu
partie intégrante du rituel et il sera fréquemment cité dans le code sacerdotal. L’encens était offert soit pour lui-même, soit en complément à d’autres
offrandes. Il était brûlé dans des encensoirs ainsi que, par exemple, le jour
des Expiations où le grand prêtre pénètre dans la tente du rendez-vous ou
lorsque Aaron courut au milieu de l’assemblée avec un encensoir tout fumant
afin de conjurer la Plaie en un acte expiatoire : « Moïse dit à Aaron : “Prends
la cassolette ; donne-lui du feu d’au-dessus de l’autel ; mets-y de l’encens.
Va vite vers la communauté ; absous-les : oui, l’écume est sortie en face
Encens, gommes et résines
11
de Yahvé ; la calamité commence.” Aaron le prend, comme lui avait parlé
Moïse. Il courut au milieu de l’assemblée. Et voici, la calamité commence
contre le peuple. Il donne l’encens et absout le peuple. » (Les Nombres, XVII,
11-12).
En Perse, les disciples de Zoroastre brûlaient cinq fois par jour l’encens
dans le feu sacré.
Dans l’église chrétienne, l’officiant utilise encore de nos jours l’encens
lors des rituels.
Dans la tradition japonaise, le parfum ne s’applique pas directement
sur le corps, mais il accompagne tous les gestes quotidiens grâce aux
sachets d’aromates et d’épices, et on en parfume les vêtements. Le
parfum, au Japon, servait aussi de base à des jeux de société tels que le
kodo, aussi traditionnel que la cérémonie du thé ou l’art du bouquet. Le
jeu consiste à poser sur des feuilles de mica, dans des vasques contenant de la braise chaude, de minuscules copeaux de bois parfumés :
les joueurs doivent reconnaître les senteurs correspondantes en glissant
dans des enveloppes de soie des jetons représentant la matière du parfum.
À la fin de la partie, les enveloppes sont dépouillées, et l’on comptabilise les bonnes réponses pour désigner le vainqueur. Un autre jeu, le
Genji, proposait aux joueurs de reconnaître des parfums représentant le
printemps (fleur de prunier), l’été (menthe), l’obéissance bouddhique
(jiju), l’automne (chrysanthème), la chute des fleurs (rakka), l’hiver
(kurobo), etc.
Sous les Ptolémées, les principales fabriques de parfums se trouvaient
à Alexandrie, approvisionnées depuis l’Arabie et la Perse, la Chine et les
Indes. C’est d’ailleurs des Indes que l’on importait le fameux nard indien,
extrait d’une plante herbacée de la famille des valérianacées, âcre et très
odorant qui joua un rôle majeur en gastronomie et en parfumerie jusqu’à la
fin du Moyen Âge.
Le célèbre papyrus d’Ebers (1150 avant J.-C.) est le tout premier écrit
historique qui soit entièrement consacré à la parfumerie. Le texte, pratique
et judicieux, témoigne de l’importance de la science égyptienne, en ce qui
concerne l’usage et la fabrication des parfums, dont l’Égypte fut la première
exportatrice.
La senteur à succès de l’Égypte antique est sans nul doute le bakkaris,
essence assez violente de rose et d’iris.
Le commerce des parfums et de l’encens était en effet très important en
Égypte, surtout avec l’Arabie et la Judée.
Les parfums égyptiens les plus courants se présentaient sous la forme
d’huiles odoriférantes. La myrrhe et l’encens, le galbanum et l’opopanax
figurent déjà dans les formules égyptiennes.
12
Encens, gommes et résines
Les parfums se vendaient à des prix très élevés. Nous lisons dans la Bible :
« Comme Jésus était à Béthanie, dans la maison de Simon le lépreux, une
femme, Marie Madeleine, entra pendant qu’il se trouvait à table. Elle tenait
un vase d’albâtre qui renfermait un parfum de nard pur de grand prix ; elle
brisa le vase et répandit le parfum sur la tête de Jésus. Quelques-uns exprimèrent entre eux leur indignation : à quoi bon perdre ce parfum ? On aurait
pu le vendre plus de trois cents deniers, et les donner aux pauvres. » (Marc,
XIV, 3-5) Et le Christ de répondre : « Elle embaume mon corps comme pour
ma sépulture. Les pauvres, vous les aurez toujours avec vous, mais, moi,
vous ne m’aurez pas toujours… » (Marc, XIV, 7).
En Égypte, les femmes nobles et les princes royaux utilisaient toute une
gamme de parfums, sous de nombreuses formes : baumes et onguents, huiles
et pommades.
Suprême raffinement, les Égyptiens aimaient à porter sur la tête des petits
cônes fondants d’essences balsamiques qui parfumaient leur visage. Et l’on
connaît le luxe de Néfertiti qui baignait sa beauté dans de l’eau de jasmin avant
de s’oindre d’huile de santal, d’ambre et d’extraits de fleurs rares, de s’étirer
l’œil au khôl noir, de teindre en bleu les veines de ses bras, de dorer ses ongles
et de rougir ses paumes au henné… Les hommes aussi complétaient leurs
ablutions par des onctions parfumées, surtout à l’occasion des fêtes.
Chez les Égyptiens, la momification corrobore les théories métaphysiques
de leur civilisation selon lesquelles la vie terrestre n’est qu’un passage et se
prolonge dans l’au-delà, indéfiniment, au royaume d’Osiris. À la brièveté de
la vie du corps s’oppose l’éternité de l’esprit.
La longue cérémonie de momification revêt, pour le pharaon, un lustre
et une solennité sans pareil. Dans le grand silence inhérent aux choses de
la mort, on étend le cadavre sous la tente de purification, où il est d’abord
soumis à une aspersion d’eau lustrale, à base d’herbes aromatiques, puis
on l’oint d’huiles spéciales : il est alors prêt pour l’embaumement. Chaque
membre est emmailloté de bandelettes de lin royal après avoir été soigneusement enduit d’huile sacrée, composée de plantes ankh-imy et senebnetjery, de
natron et de bitume (les reconstitutions qui en ont été faites n’ont pas été très
probantes, il nous manque sans doute le savoir-faire !) Dans le rite mortuaire,
l’ouverture de la bouche de la momie revêt une importance capitale : par
l’orifice buccal, l’esprit devrait à nouveau venir visiter le corps… Après les
fumigations et les sacrifices d’encens, le prêtre-sem, membre du clergé du
dieu Ptah, se charge d’animer la momie en faisant le geste d’ouvrir les orifices de la tête, puis on bourre ces orifices de tampons d’ouate salés et parfumés…Tous les orifices ainsi obturés, la peau est enduite d’huile de cèdre, de
cinnamome et de myrrhe. Enserré de bandelettes trempées dans du bitume
et recouvertes de gomme d’acacia pour les rendre plus brillantes, cuirassé de
Encens, gommes et résines
13
parfums, le pharaon momifié peut rejoindre Osiris dans l’autre monde. Il va
enfin dormir dans son hypogée, accompagné de ses serviteurs, au milieu des
insignes de sa puissance et des attributs divins de fils du Soleil.
Ce sont les Égyptiens qui enseignèrent l’art subtil de la parfumerie à leurs
esclaves, les Hébreux. Lorsque ces derniers partirent en exil, ils emportèrent
avec eux les formules et les compositions aromatiques dont ils prescrivaient
l’emploi dans les textes sacrés. Le livre de l’Exode, dans la Bible (Exode,
XXX, 34-38), donne la recette exacte du parfum sacré. Yahvé dit à Moïse :
« Prends pour toi des épices, benjoin, styrax, gommes, épices, encens épuré ;
ce sera part pour part. Fais-en un encens, une drogue faite par un droguiste,
salé, pur, consacré. Pulvérise-le fin. Donne-le en face du témoignage, dans
la tente du rendez-vous, là où je me rendrai pour toi, il sera pour vous sacrement des sacrements. L’encens que tu feras selon sa formule, tu ne le feras
pas pour vous, il sera consacré pour toi, pour Yahvé. L’homme qui en fera un
identique pour le sentir sera tranché de ses peuples. » La formule de l’huile
de l’onction sacrée est encore plus précise. Yahvé parle à Moïse pour dire :
« Et toi, prends pour toi des aromates de tête, myrrhe franche, cinq cents ;
cinnamome aromatisé, sa moitié, deux cent cinquante ; canne aromatique,
deux cent cinquante ; cannelle, cinq cents au sicle du sanctuaire ; huile
d’olive, un în. Fais-en l’huile de messianité, consacrée, drogue de droguerie,
faite par un droguiste ; ce sera huile de messianité, consacrée. Messie, avec
la tente du rendez-vous, le coffre du témoignage, la table et tous ses objets,
le candélabre et ses objets, l’autel de l’encens, l’autel de la montée et tous
ses objets, la vasque et son assise. Consacre-les. Ils seront sacrements des
sacrements : qui les touchera sera consacré. Tu messieras Aarôn et ses fils,
consacre-les à desservir pour moi. Aux Benéi Israël tu parleras pour dire :
l’huile de messianité consacrée, cela sera pour moi en vos cycles. Sur chair
d’humain, elle ne sera pas faite en libation, selon son contenu vous n’en ferez
pas d’identique. Elle est consacrée ; elle sera consacrée pour vous. L’homme
qui fera drogue identique et qui en donnera à un étranger sera tranché de ses
peuples. » (Exode, XXX, 22-33).
Il faut bien distinguer, chez les Hébreux, le parfum par excellence, l’encens surtout (grains d’oliban qui se consument à la gloire du Très-Haut), des
autres parfums plus répandus dans le monde profane.
Devenue province romaine, l’Égypte copie les usages et les abus de ses
vainqueurs. Avec le passage des Arabes qui détruisirent tant de souvenirs
ethniques de l’Antiquité, les secrets de jadis se perdirent. Devenue vassale
de Mahomet, l’Égypte n’offre plus de parfum sur l’autel, désormais déserté,
de ses dieux.
Le rayonnement et le sillage parfumé de l’envoûtante Égypte se répandent
sur toutes les côtes du bassin méditerranéen, s’insinuent en Mésopotamie,
14
Encens, gommes et résines
courent en Asie Mineure avant d’atteindre la Grèce et de trouver leur véritable terre d’asile à Rome.
Les Grecs, gros consommateurs de parfums, ne se contentèrent pas d’employer des résines et des baumes, mais firent aussi un grand usage d’huiles parfumées. Grâce à eux, les parfums trouvèrent leur vocation. Ils étaient
employés lors des sacrifices offerts aux divinités. Avec les Romains, ils
descendirent dans la rue. Cette civilisation parfuma les bains, les huiles
des lampes, les vêtements. Chypre devint alors une des premières « terres à
parfum ». Byzance en établit les règles de fabrication. C’est à cette époque
qu’Avicenne, célèbre médecin arabe du xe siècle inventa les premiers appareils de distillation, comme le serpentin qui permet la condensation de la
vapeur d’eau pour arriver à l’alcool.
Au viie siècle avant J.-C., Babylone, Ninive et Carthage constituaient les
centres majeurs de la fabrication des parfums : la gomme odorante d’Arabie,
le camphre de Chine et le cinnamome d’Inde donnèrent naissance à de fructueux trafics. Baal et Astarté étaient honorés sur de somptueux autels où les
parfums des aromates les plus rares se mêlaient au sang des sacrifices. Mais
Persépolis, Palmyre et les hauts lieux d’Asie Mineure laissaient aussi transparaître un goût pour les senteurs plus subtiles : cèdre, mimosa, lis, jasmin,
rose et crocus.
Les plantes sont à l’origine de nombreux parfums. On en extrait la senteur
soit de la fleur, du fruit, de la graine, de la racine ou de la végétation, soit d’une
combinaison de ceux-ci, comme c’est le cas notamment pour l’oranger.
– des boutons
– des fleurs
– des fruits
– des graines
– des racines
– des feuilles ou tiges
– du bois
– de l’écorce
– de la résine
– de la mousse
girofle (« clous »), oranger ;
jasmin, rose, lavande, tubéreuse, etc. ;
bergamote, citron, mandarine, poivre, etc. ;
ambrette, angélique, carotte, céleri, fèves tonka ;
angélique, costus, iris, valériane, vétiver, etc. ;
basilic, cannelle, géranium, oranger, patchouli,
violette, etc. ;
cèdre, genévrier, bois de rose, santal, etc. ;
bouleau, cannelle de Ceylan ;
tolu, benjoin, ciste, galbanum, myrrhe, etc. ;
chêne, hêtre, lichens divers.
Ainsi, les graines de l’anis fournissent une substance entrant dans la
composition de certains encens, tout comme les feuilles de la verveine et
du laurier, les racines du ginseng et de la réglisse, la fleur de rose et de la
lavande.
Encens, gommes et résines
15
On utilise aussi des boutons comme le girofle et des résines telles que le
benjoin, la myrrhe, le galbanum, des mousses comme celles du chêne, et
aussi des herbes aromatiques, comme le thym, le romarin, le basilic…
Les animaux fournissent également des matières de base pour les encens
et les parfums. Il y a quatre substances animales : le castoréum, le musc,
la civette et l’ambre gris. L’ambre gris est une substance graisseuse qui
ressemble à la cire et se trouve dans les intestins et l’estomac du cachalot Physeter macrocephalus Linnaeus. Celui-ci libère spontanément ce
produit, qui est recueilli quand il flotte sur la mer ou sur les plages, dans
l’océan Indien ou les mers australes aux environs de Madagascar, de la
côte de Coromandel, des îles Moluques et du Japon. L’ambre gris semble
être un résidu de digestion, car on y trouve des becs et des mâchoires de
seiches et de grosses arêtes. En parfumerie, il sert de fixateur. L’ambre gris,
de l’arabe al-ànbar, à ne pas confondre avec le succin, ou ambre jaune (en
grec elektron), une résine fossile des rives de la Baltique. Ce produit est
aussi cher que l’or. Lorsqu’il est fraîchement expulsé par le cachalot, il
est mou, noirâtre, à l’odeur nauséeuse. Au contact de l’air et de la mer, il
devient gris argenté ou brunâtre et durcit, tandis que son odeur se modifie
pour devenir plus agréable.
L’ambre entre dans la composition des encens Vehuel et Soleil, et on le
retrouve aussi dans l’art culinaire. Ce serait un aphrodisiaque : il fut l’arôme
indispensable du chocolat mousseux dont Casanova chantait les vertus revigorantes.
L’ambre gris en application sur l’endroit malade ferait disparaître les
œdèmes, il pourrait fortifier le cœur, guérir les affections de l’estomac et de
l’intestin, faire disparaître la migraine et fortifier le cerveau. S’il est brûlé sur
des charbons ardents, il pourrait combattre les épidémies, calmer les tics, les
convulsions des enfants et même l’épilepsie.
Les parfums « ambrés » sont chauds et pénétrants, voluptueux et provocants ; les notes animales y sont largement prédominantes (avec des épices,
des résines, des bois et certaines fleurs). Utilisé sous forme de « teinture »
(ambre broyé, macéré dans de l’alcool, filtré et vieilli), ce produit prestigieux
dégage une odeur marine légèrement musquée, à la fois terreuse et « tabacée » tout à fait inimitable.
Dans sa Technique moderne de la parfumerie (1929), H. Fouquet donne
encore un « baume de vie » recommandé non seulement comme parfum
capiteux, mais aussi comme « propre à relever les forces abattues par l’âge
ou par l’abus des plaisirs » : ambre gris, huile de ricin, huile de rue, cannelle,
citron, girofle, lavande, macis et marjolaine, dans de l’alcool à 90°.
L’ambre gris fixe les désirs, donne de la persévérance et de la résistance
à l’effort.
COMMENT BRÛLER L’ENCENS
1 Placer la pastille de charbon
sur le porte-encens (le charbon a
besoin, pour se consumer, de beaucoup d’oxygène. Votre porte-encens
doit être suffisamment grand pour
lui apporter l’air nécessaire).
2 Allumer la pastille de charbon
et attendre que les étincelles parcourent tout le charbon. (Durée de l’opération : plus ou moins 30 secondes.)
3 Verser une pincée de l’encens
désiré ; pas trop, sinon le charbon
s’éteint.
4 Répéter la troisième opération
lorsque la pincée précédente est
brûlée.
ATTENTION : attendez au minimum 1 heure avant de jeter les cendres du
charbon dans un endroit non inflammable.
TABLE DES MATIÈRES
Introduction
Bénédiction et exorcisme de l’encens
Bénédiction et exorcisme des herbes
Les ingrédients
Correspondances planétaires des plantes
Symboles de quelques plantes
De la nature des fleurs emblématiques
Les encens magiques
ENCENS SIMPLES
Adracante
Arabie
Arabique
Asa-foetida
Benjoin de Siam
Benjoin de Sumatra
Copahu
Copal Dammar
Élémi
Galbanum
Karaya
Labdanum
Manne
Mastic
Myrrhe
Olibanum
Opopanax
Baume du Pérou
Sang-de-dragon
Santal Storax
Baume de Tolu
5
19
22
25
34
41
71
84
86
86
87
87
88
89
89
92
93
95
96
97
99
99
101
102
103
107
117
117
120
120
124
126
212
ENCENS PLANÉTAIRES
Jupiter
Lune
Mars
Mercure
Saturne
Soleil
Vénus
ENCENS ZODIACAUX
Bélier
Taureau
Gémeaux Cancer
Lion Vierge Balance
Scorpion
Sagittaire Capricorne
Verseau
Poisson ENCENS DES QUATRE ÉLÉMENTS
Air Eau
Feu
Terre
ENCENS COMPOSÉS
Abramelin Amour et séduction Artémis Basilica Bethléem
Bénédictin Bonheur
Clairvoyance
Encens, gommes et résines
128
131
132
133
133
134
135
135
137
137
138
138
138
139
139
140
140
141
141
141
142
143
143
144
144
145
146
146
146
147
147
148
148
148
149
Encens, gommes et résines
213
Concentration Désenvoûtement Divination
Domination
D’Église
Égyptien
Exorcisme Fashour
Galilée
Général
Gnomes
Jérusalem
Kyphi
Du Liban
De Lourdes
Maison
Des Mages Méditation
Moïse
Mont Athos
Nazareth
Ondines
Oriental Pontifical Prieuré Prospérité
Protection
Rose + croix
Sabbat équinoxe printemps
Sabbat équinoxe automne
Sabbat solstice été
Sabbat solstice hiver
Salamandres
Salomon
Sanctuarium Santé
Sept rayons
Séléné 149
150
150
151
151
151
152
152
153
153
154
155
155
156
156
157
157
158
158
160
160
160
161
162
162
162
163
163
164
164
164
164
165
166
167
167
167
168
214
Encens, gommes et résines
Succès
Sylphes Richesse et réussite Talismanique Jupiter
Talismanique Lune
Talismanique Mars
Talismanique Mercure Talismanique Saturne Talismanique Soleil
Talismanique Vénus
Vehuel
Vatican
169
169
170
170
171
172
172
172
173
173
174
174
ENCENS SPÉCIAUX
Papier d’Arménie
Encens japonais
Encens en baguettes
Encens d’Auroville
Encens ayurvédiques
175
175
175
176
176
179
Les bougies et les rituels
181
Heures planétaires
187
Tableau des heures planétaires
188
Index
189
Comment brûler l’encens
207
Bibliographie
209

Documents pareils