Kees Visser - Le Quartier

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Kees Visser - Le Quartier
Kees Visser
Journal du Centre d’art contemporain de Quimper n°65
21 avril - 10 juin 2007
Kees Visser
Né à Heemstede aux Pays-Bas en 1948, vit et travaille
à Haarlem (Pays-Bas)
La pratique artistique de Kees Visser est riche d’influences. Si une part d’entre elles est directement
héritée de la tradition picturale du pays dont l’artiste
est originaire, l’autre implique les grandes problématiques soulevées par la peinture abstraite depuis le
début du XXe siècle.
Les références historiques qui alimentent la méthode
utilisée par Kees Visser trouvent leur source aussi bien
dans la matérialité de la couleur chez Vermeer que
dans la rigueur formelle de l’abstraction géométrique
de Mondrian. Toutefois, sa pratique s’apparente aux
démarches artistiques développées à partir des années
cinquante, qui ont conduit la peinture abstraite à
une radicalité concrétisée par une surface plane et
monochrome.
Kees Visser réinvestit la figure historique du monochrome en tant que matière délimitée par la forme
du support. Il y introduit un principe de sérialité qui
travaille à modifier l’identité originelle de la forme
donnée au monochrome.
Adoptant le support du papier, il construit une véritable
méthode qui fonctionne sur un mode de permutation
et qui lui permet de générer une infinité de formes et
de couleurs. Ouverte à de multiples possibilités, cette
méthode est en perpétuel renouvellement.
Sans titre, 1998
plus de 600 travaux installés dans une vitrine
Vishal, Haarlem (Hollande)
acrylique sur papier Mengei 100 g
(54,5 x 39,5 cm chacun)
photo Ben Glas
La permutation de la forme
Kees Visser travaille la forme et la couleur comme
deux entités indépendantes. À partir 1991, il élabore
sa méthode en un système. Le rectangle en devient la
forme référentielle. Elle se prête à des séries de transformations qui délimitent l’espace de la couleur. Les 32
permutations obtenues par rétraction ou addition de
volume sur les côtés verticaux du rectangle, laissent
apparaître une suite de formes biaisées par rapport à
l’orthogonalité du support. Il en résulte des «chutes»,
de formes triangulaires qui témoignent, à la fois de
l’historique de la transformation du rectangle et du
geste de l’artiste. Tracée sur du papier millimétré,
chaque forme est associée à un échantillon de couleur
et à des précisions sur sa composition. L’ensemble
des séries est numéroté 1–32 ou 33–64 et archivé
de A à Z dans ce que l’artiste appelle le «Catalogue
raisonné».
Déclinées en séries et en formats différents, présentées
horizontalement sous vitrines ou verticalement sur
les murs, les peintures de Kees Visser deviennent
des unités, rythmées par l’évolution de la forme et
de la couleur.
Installation-peinture, Thouars, 2006
photo Claude Pauquet
Catalogue raisonné : page B1, 1992
Acrylique sur papier A3 milimétré
photoscan Kees Visser
L’expérience de la couleur
Les peintures de Kees Visser conjuguent également
des gammes de couleurs. Chacune d’entre elles est
développée en suites qui ont une dynamique, une
densité et une matérialité particulière. Les pigments
acryliques utilisés dans ses peintures donnent à la
surface du papier une qualité veloutée et poudrée.
Pour le Quartier, l’artiste a réalisé deux séries inédites. La première, Série T, composée de 60 peintures
présentées sous 4 vitrines, développe trois gammes
de couleurs (de jaune, de gris et de bleu) qui font écho
à l’installation conçue pour l’espace de la chapelle
Jeanne d’Arc à Thouars en 2006.
La deuxième série, répertoriée sous la lettre N, est
constituée de six peintures de grand format réalisées
sur papier marouflé sur aluminium. Cet ensemble
d’œuvres, noires en apparence alors que trois d’entre
elles seulement comportent effectivement cette
couleur, présente en réalité les différents rapports
des trois couleurs d’écran RVB (rouge, vert, bleu)
privées de lumière.
Sophie
Ristelhueber
Sophie Ristelhueber
Née à Paris en 1949, vit à Paris
L’air est à tout le monde, 1997
19 cadres en métal (77 x 54 cm) ©Adagp
Sophie Ristelhueber entre dans le monde de l’art au
début des années 80, après avoir fait des études de
lettres et travaillé dans l’édition. Les œuvres qui l’ont
d’abord fait connaître comme photographe ont été
réalisées à l’occasion d’une exposition à Beaubourg
intitulée Intérieurs (1981), pour laquelle l’artiste devait
initialement écrire un texte. Pourtant, la photographie
ne constitue pas un moyen d’expression exclusif
dans sa démarche. Elle l’utilise conjointement aux
installations et aux textes. La méthode qu’elle emploie
dans ses travaux est influencée par le nouveau roman.
Il en résulte une attention particulière accordée à la
description minutieuse du réel et à l’ambivalence
entre la réalité et la fiction.
En 1982, Sophie Ristelhueber part à Beyrouth pour
réaliser son projet sur l’architecture moderne en
ruine. C’est le début d’une série des déplacements au
cours desquels l’artiste parcourt l’Arménie (1988), le
désert du Koweït (1991), l’Asie Centrale (1997), l’Irak
(2000), la Cisjordanie (2003/2004)… Les œuvres qu’elle
présente à son retour proposent une vision allégorique de l’histoire, du territoire, de la transformation
du paysage à travers les traces de ce que l’homme
inflige à la terre. Loin de la logique médiatique du
photoreportage, l’artiste explore aussi bien les détails
des lieux de conflits que sa maison familiale à Vulaines
(1989,1995) ou encore les allées dépeuplées du jardin
de Luxembourg à Paris (2002).
Les expéditions
Les projets de Sophie Ristelhueber se construisent à
partir d’un choix de documents et d’images découpés dans la presse et stockés dans ce que l’artiste
appelle ses boîtes à projets. Chaque fois, c’est l’une
de ces images d’actualité qui l’incite à voyage et
l’amène à se confronter en direct avec la réalité.
Ainsi, elle part à la recherche des traces laissées par
la violence des faits, des empreintes d’une réalité
révolue, devenue plus tangible dans son absence que
dans les relevés documentaires des événements qui
s’y sont produits.
Présentée au Quartier L’air est à tout le monde, est
une série initiée en 1997 par une pièce qui assemble
des cadres métalliques sans images sur lesquels sont
inscrites les lettres du titre de la série. Trois grandes
photographies accompagnées d’une bande sonore lui
font suite. Prises sur les frontières entre le Tadjikistan
et l’Afghanistan le (2000), entre le Turkménistan et
l’Iran (2001) et entre la Syrie et l’Irak (2002), elles
questionnent le changement de statut de l’image,
son pouvoir de représenter à la fois un paysage et
un territoire.
L’air est à tout le monde (IV), 2002
photographie contrecollée sur aluminium (200 x 250 cm) ©Adagp
Stitches (extrait), 2005
photographie n&b encadrée sous verre ( 60 x 90 cm) ©Adagp
L’image et le langage
Sophie Ristelhueber recourt aussi bien aux images
qu’aux textes. Pourtant, dans ses travaux, les mots
ne prétendent pas désigner ce que montrent les
images. Dans leurs associations, ils contribuent à
la construction d’une signification et d’une forme
nouvelles. Ainsi, dans l’œuvre intitulée Stitches de
2005 (points, sutures), l’artiste montre dans ses photographies noir et blanc, les détails d’un sol sans ligne
d’horizon. Réalisées, dans les villes palestiniennes,
ces photographies sont associées à des fragments
de discours de Georges W. Bush brodés au point
de croix. La relation entre l’image et le texte trouve
un lien encore plus étroit dans Opérations (2007).
Produite par le centre d’art, cette œuvre dans laquelle
le texte est traité comme une image, consiste en une
projection de noms d’interventions militaires, telle
que «Tempête du désert» (Koweït, 1991) ou «Licorne»
(Côte d’Ivoire, 2002). La liste de ces titres donne également lieu à un livre d’artiste conçu à l’occasion de
cette exposition.