1. Le sphinx et la naissance du Monde

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1. Le sphinx et la naissance du Monde
Sphinx
Les gardiens de l’Egypte
L’exposition à laquelle nous avons le plaisir de vous accueillir est une première
mondiale. En effet, jusqu'ici aucune exposition n’a été entièrement consacrée au sphinx
– image divine et royale par excellence-, un des symboles les plus forts de l’Égypte
antique.
Nous vous invitons à remonter le temps à la découverte des origines de ce prodigieux
être hybride, mi-homme, mi-lion. Il apparaît vers 2600 avant JC, et vous suivrez son
évolution à travers plus de trois mille ans d'histoire et trente dynasties de rois.
Les œuvres présentées vous amèneront à comprendre ses nombreuses représentations.
Car, vous allez le voir, le sphinx est multiple: tantôt paisiblement couché, tantôt
fièrement dressé piétinant ses ennemis. Il incarne en quelque sorte l’Egypte
pharaonique, pays étrange mais néanmoins familier. Quelques sphinges mystérieuses et
d'autres étranges animaux à têtes humaines attendent également vos questions.
Pour aller à leur rencontre, votre parcours s'articule autour de sept thèmes:
1. Le sphinx et la naissance du Monde
2. Le roi, le lion et le sphinx: la force de l'Ordre
3. Le Sphinx, gardien de L'Egypte
4. La queue de taureau et autres accessoires…
5. Autres corps, autres têtes… un jardin extraordinaire
.
6. La sphinge et le retour de la Lointaine
7. Sphinx et sphinges d’ailleurs: du Levant au Couchant…
Nous vous souhaitons une très agréable visite.
1. Le sphinx et la naissance du Monde
Représenté sous la forme d’un sphinx -ce prodigieux être hybride composé d’un corps
puissant de lion associé à la tête du roi portant les attributs de la royauté: la coiffure
royale, le cobra dressé et la barbe- le pharaon apparaît à la fois dieu, roi et lion...
Il est le garant de la bonne marche de l’univers et veille personnellement tous
les matins au lever du soleil, moment magique de la naissance du monde. Il est, à ce
titre, le “gardien de l’Horizon”.
Autre puissant symbole, l’image des doubles lions est associée à la course du soleil, les
dos cambrés des lions évoquant l’hiéroglyphe akhet qui désigne l’horizon au lever et au
coucher du soleil.
Le long des allées qui mènent aux temples -dont les pylônes d’entrée traduisent eux
aussi l’horizon au centre duquel se lève le soleil- nous retrouvons les sphinx qui
s’alignent, parfois par centaines, frayant la voie aux dieux et protégeant, tels des
gardiens, l’accès au sanctuaire.
Présent dans le mobilier également, le motif du sphinx fait référence aux lions gardiens
des deux montagnes entre lesquelles se lève le soleil. Ainsi, le pharaon assis sur un
siège flanqué de lions ou de sphinx apparaît, lui aussi, comme le soleil qui se lève
chaque matin.
Illus: signe akhet - double lions - pylônes temple - pharaon sur trône
2. Le roi, le lion et le sphinx: la force de l’Ordre
Parfaite incarnation de la puissance divine et royale, le pharaon est le gardien de l’Ordre
cosmique -la maât- et le garant de la stabilité du pays qu’il protège des attaques
extérieures et du Chaos. L’ordre n’étant assuré que dans les régions sur lesquelles
il règne...
Image du roi combattant et victorieux, il est représenté tout à tour en lion ou en sphinx
dominant et piétinant furieusement les ennemis traditionnels de l’Egypte -Nubiens,
Asiatiques et Libyens-, les tenant par les cheveux ou même les dévorant...
Dans ce monde de puissances supérieures, des rituels de protection magiques étaient
également pratiqués sur différents objets: figurines d’exécration, statuettes de captifs
aux bras et jambes ligotés, liste d’ennemis et de peuples étrangers, coffrets à
prisonniers...
Dans certaines représentations de sphinx, la puissance de l’animal peut prendre le pas
sur l’aspect humain et seul le visage du roi subsiste dans l’imposante crinière; il s’agit
alors véritablement de lions à têtes humaines, particulièrement imposants. De nombreux
sphinx de ce type ont été envoyés à titre dissuasif dans les pays voisins de l’Egypte, en
particulier au Levant, comme “cadeaux” diplomatiques.
Dans tous les temples du pays, les rituels indispensables à la survie du monde sont faits
au nom du pharaon. Ainsi, il se dresse à l’avant des barques processionnelles, sous la
forme d’un sphinx divin à la barbe recourbée, assurant pleinement son rôle d’ouvreur de
chemins, écartant les ennemis du dieu et permettant le bon déroulement du parcours
processionnel.
3. Le Sphinx, gardien de l'Egypte
Taillé dans la roche vive sur le plateau de Giza (près du Caire) vers 2600 avant J. C., à
l’époque des pyramides, le Grand Sphinx, le regard dirigé vers l’est, veille sur le lever
du soleil. Il est vénéré comme Harmakis, « Horus dans l’horizon », un dieu présent à
tous les matins du monde.
Ses dimensions colossales qui ne seront plus jamais égalées font de lui le « père » de
tous les sphinx dont l’image sera déclinée dans d’infinies variantes comme instrument
de la propagande royale au fil des dynasties.
Gardien à la fois protecteur et dangereux, le sphinx est aussi un être qui regarde les
dieux: le soleil qui se lève ou les processions divines qui défilent devant lui, le long des
allées qui mènent aux temples. Il peut aussi présenter une offrande, et ses pattes,
habituellement tendues devant lui, deviennent alors des bras qui se tendent pour
présenter un vase ou faire un geste d’adoration.
4. La queue de taureau et autres accessoires
Si le pharaon peut être représenté par un lion, il peut également prendre d’autres formes
animales. Celle du taureau par exemple, dont il s’attribue la force procréatrice en
accrochant symboliquement la queue de l'animal à l’arrière de son pagne, incarnant
ainsi le “taureau puissant” de son royaume, une formule qui est parfois ajoutée à ses
titres royaux.
Roi combattant et victorieux, écrasant ses ennemis, il peut prendre la forme d’un cheval.
Il peut aussi être roi et faucon à la fois, le plumage de l’oiseau lui couvrant le dos; ou
uniquement représenté par le faucon dynastique portant la double couronne. Il
s’assimile alors au dieu Horus -dont le faucon est l’animal symbolique-, le premier roi
mythique à avoir succédé à son père Osiris. Car tout sphinx est un Horus, en tant
qu’image du roi: l’Horus vivant sur le trône d’Egypte.
Ainsi, le “nom d’Horus”, le premier des cinq noms qui composent la titulature du
Seigneur-des-deux-Terres, affirme l’identité du roi, sa légitimité. Ce nom est inscrit
dans un serekh, un motif rectangulaire qui évoque la façade
du palais royal.
Illu: serekh
5. Autres corps, autres têtes... un jardin extraordinaire
Si les dieux et les déesses du panthéon égyptien offrent fréquemment l’association
d'une tête humaine sur un corps animal humain, le sphinx offre l'association inverse, et
il n'est pas le seul dans l'iconographie égyptienne.
Débordants d’imagination et fins observateurs de la nature, les Egyptiens ont créé un
monde grouillant de créatures étonnantes à têtes humaines: oiseaux, félins, serpents,
scorpions, hippopotames, hérissons... et même anguilles. Souvent l’observation de
l’animal permet de comprendre la place que les Egyptiens leur ont accordé au sein de
leur cosmologie.
Ces animaux ont des connotations et des fonctions diverses. Ils font référence au soleil
et à la création du monde ou sont associés au monde funéraire, et leur nature à la fois
protectrice et dangereuse est mise à profit dans le répertoire prophylactique.
Le scarabée est associé au soleil levant, celui que le sphinx protège, à l’image de la
boule qu’il est censé pousser au delà de l’horizon. Sous la forme d’amulette, il peut
également être assimilé au coeur -parfois doté de la tête du défunt- et placé dans son
corps momifié.
L’oiseau ba constitue un aspect du défunt qui, libéré de la matérialité de son corps, peut
passer du monde des morts à celui des vivants, franchissant ainsi l’ultime frontière...
Image de la déesse Bastet, la chatte est protectrice des femmes pendant leur grossesse,
tandis que l’hippopotame fait allusion à Thouéris, la déesse très populaire de la
maternité que l’on retrouve sur de nombreux objets votifs.
6. La sphinge et le retour de la Lointaine
Pour les Egyptiens qui vivent environnés d’immenses déserts arides, la crue du Nil qui
apporte le limon et fertilise la vallée est absolument vitale. A la saison d’akhet (début
juillet), elle est attendue comme le miracle des dieux.
Les mythes racontent que la fille de Rê, une déesse -appelée indiféremment Tefnout,
Hathor, Sekhmet ou Bastet- avait quitté l’Egypte sous l’aspect d’une lionne furieuse
pour se réfugier en Nubie. Au bout d’un temps, Rê regretta la présence bénéfique de la
déesse et lui envoya d’habiles divinités -Shou et Toth- qui réussirent à l’apaiser et à la
convaincre de revenir sous des traits plus aimables, ceux de Hathor, quintessence de la
féminité, et de Bastet, la chatte douce et maternelle...
De nombreux objets votifs évoquent le retour de cette déesse Lointaine. Pour célébrer
son retour -métaphore de l’inondation- le pays est en fête et les cérémonies sont
célébrées dans les temples.
Pour témoigner du rôle privilégié de la royauté dans le maintien de l’Ordre et
s’assimiler à Hathor, les reines et princesses se font représenter en sphinge, une synhèse
des deux aspects de la déesse: un corps de lionne à la sauvagerie retenue et un visage à
l’expression à la fois vigilante et bienveillante encadré de la lourde perruque typique de
la déesse. Parfois les pattes de ces sphinges se transforment en bras pour présenter des
vases sensés contenir l’eau du Nil recueillie au début de l’inondation.
7. Sphinx et sphinges d’ailleurs: du Levant au Couchant...
De l’Egypte, sa terre d’origine, le motif du sphinx se répand rapidement au delà
des frontières, à la faveur des échanges commerciaux, prises de guerre, cadeaux
diplomatiques, dots de princesse....
Dès le deuxième millénaire avant J.C., le sphinx apparaît en Mésopotamie où il est
représenté doté d’ailes déployées et, à l’inverse de l’Egypte, comme une créature
monstrueuse, un démon qui doit être exterminé.
On le retrouve dans les pays du Levant (Syrie, Palestine) où il apparaît généralement sur
des objets de petite taille: des plaques d’ivoire décorant le mobilier, des cylindressceaux, des scarabées... Il se répand ensuite dans la région est de la Méditerranée,
jusqu’en Anatolie dans l’art des Hittites.
C’est au premier millénaire que le sphinx connaît sa plus grande diffusion assurée
d’abord par les Phéniciens et ensuite les Puniques, et on le retrouve à Chypre, en Crète
et jusqu’en Andalousie.
En Grèce qui établit des relations avec l’Egypte dès le VIIe siècle avant J.C., le sphinx
est un animal fabuleux, un démon de la mort, gardien de sépulture souvent juché sur une
colonne, sans parenté réelle avec le sphinx égyptien.
Dans l’art grec, le sphinx est souvent une sphinge ailée, les artistes en accentuent même
la féminité en la dotant d’une poitrine généreuse. Sa représentation la plus célèbre -la
Sphinge de Thèbes qui pose l’énigme aux voyageurs- se répand largement grâce au
mythe d’Oedipe.
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