079-R98MT05 - Club innovations transports des collectivités

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079-R98MT05 - Club innovations transports des collectivités
François Ascher - Consultant
6, rue Rapsail - 94200 Ivry
RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
SUR L'ÉVOLUTION DES MOBILITÉS ET DES TEMPORALITÉS
DANS LES VILLES AMÉRICAINES
juin 1998
Lettre de commande n° 98 MT 05 du 20 février 1998
Ministère de l'Equipement
DRAST
1
PREMIÈRE PARTIE
TRANSPORTS ET MOBILITÉS
2
1. DONNEES ET ANALYSES GÉNÉRALES
PISARSKI (dir.) (1996) : « Commuting in America II. The Second National Report on
Commuting Patterns and Trends » (ENO Transportation Foundation, Inc. 112 p.)
Ce rapport fait suite à celui de 1987 qui analysait de façon globale et synthétique les
déplacements domicile-travail aux États-Unis, principalement sur la base des résultats du
recensement de 1980.
Cette fois, ce sont les données du recensement de 1990 qui font l’objet d’une synthèse très
systématique, appuyée sur un grand nombre de tableaux très bien faits.
Ce document est donc très précieux. Toutefois, on fait faire à son propos deux remarques :
tout d’abord, les données ne sont plus très fraîches, et beaucoup d’autres documents et
recherches ont présenté et analysé ces résultats. Deuxièmement, la mobilité n’est appréhendée
qu’à partir des déplacements domicile-travail, alors qu’aux États-Unis plus encore qu’ailleurs,
la part de ceux-ci est devenue minoritaire dans la mobilité totale.
Enfin, on peut regretter qu’un certain nombre de données, en particulier celles qui portent sur
les heures de déplacement, ne soient pas inscrit dans leur évolution.
Cela noté, ce rapport est un document précieux, comme en témoignent les quelques tableaux
très clairs qui sont présentés ci-après.
Quelques commentaires généraux sur les résultats présentés dans ces tableaux.
-La possession d’une voiture au moins par ménage est inégalement répartie, les noirs étant à
localisations urbaines identiques, les moins bien équipés. Les hispaniques l’étant aussi, mais
seulement lorsqu’ils habitent la ville centrale, ce qui laisse à penser que ces données renvoient
en grande partie à une immigration plus récente.
-Les miles parcourus pour le travail (directement ou en liaison avec une activité
professionnelle) ne représentent plus que 26,4 % du total des miles parcourus, c’est à dire
nettement moins que les miles parcourus « pour rencontrer des amis et parents et pour les
autres activités récréatives et sociales » qui comptent pour 29,2 %.
Les « affaires personnelles, les visites chez les médecins et les dentistes, représentent prés de
22 % des distances parcourues ; les achats, 11,3 % ; les activités civiques, religieuses et
éducatives , 6,7 %. La part du « children-chauffeuring » n’est pas isolée en tant que telle (voir
nos autres notes de lecture à ce sujet).
-L’augmentation globale du n’est pas due à l’augmentation de l’emploi, mais à la diminution
de la taille des ménages et à l’augmentation du pourcentage moyen d’actifs par ménages,
ainsi qu’à la poursuite de la suburbanisation, voire de l’exurbanisation.
3
-De fait, la population de la plupart des aires métropoles nord-américaines a cru sensiblement
entre 1980 et 1990, celle d’Orlando ayant augmenté de prés de 60 %, alors que la régression la
plus forte était constatée à Pittsburgh qui a perdu environ 8 % de ses habitants en 10 ans.
-Alors que l’indice du coût de la vie passait entre 1970 et 1992 de 1000 à plus de 3500, celui du
coût des voitures neuves grimpait seulement à 2.400, celui des voitures d’occasion à 3.600, et
l’indice général du coût du transport à 3.300.
Les transports sont donc sensiblement moins chers dans les années 1990 que dans les années
1970, même en intégrant le quasi doublement des distances parcourues par chaque ménage.
-6 % seulement des commuteurs ont des temps de déplacement domicle-travail (aller simple)
supérieur à une heure. Ce sont les temps des suburbains qui sont en moyenne les plus longs.
-Le carpool a beaucoup diminué, le transit est pratiquement stabilisé (mais à un niveau très
faible, la marche a continué de décroître, et le travail à la maison a sensiblement augmenté.
-Les différences régionales sont assez importantes : dans le nord-est, on utilise moins la
voiture et plus les transports collectifs. Mais c’est aussi là que le carpool a le plus diminué. Le
travail à la maison est à peu près également réparti.
-Les transports collectifs sont bien sûr plus utilisé dans les villes centres et par des populations
plus pauvres. Toutefois le commuting par train concerne des population suburbaines plutôt
aisées. Il s’agit en fait généralement de cadres travaillant dans les downtowns.
-Peu de villes ont vu croître l’utilisation des transports collectifs entre 1980 et 1990. New York,
qui est la ville des États-Unis où on les utilise le plus, en fait partie, avec plus de 50.000
usagers quotidiens gagnés. Los Angeles, qui est une des grandes villes où on les utilise le
moins ( 6 % des commuters) a connu une augmentation de 45.000 usagers quotidiens, grâce
au lancement de deux nouvelles lignes de transport collectif plutôt haut-de-gamme.
-Les villes centrales ne sont plus impliquées que dans la moitié des déplacements domiciletravail des agglomérations. 35 % des mouvements se font de suburbs à suburbs et près de 8 %
entre les suburbs et les zones situées en dehors des aires métropolitaines.
58 pour cent de l’augmentation des flux de commuters est imputable aux déplacent de
suburbs à suburbs.
Modèles à observer pour identifier les évolutions prévisibles (selon les auteurs de cette étude)
1. L’immigration va-t-elle se poursuivre au même rythme, ou va-t-elle ralentir ?
2. Les immigrants vont-ils adopter le modèle de comportement dominant en matière de
déplacement, ou vont-ils développer d’autres comportements ?
3. Un nouvel équilibre entre emplois et habitat va-t-il apparaître dans les suburbs ?
4. Les minorités se joindront-elles au courant général d’équipement automobile des ménages ?
4
5. Les technologies automobiles continueront-elles d’être tirées par les préoccupations
environnementales ?
-6. Le développement des technologies de communication et le développement du télétravail
vont-ils modifier le commuting significativement ?
-7 Ces technologies auront-elles une influence sur le temps de commuting et sur les autres
facteurs qui l’influencent ?
-8. Le vieillissement des commuters entraînera-t-il des changements dans les modalités du
commuting ?
-9. Jusqu’où ira la croissance périphérique des agglomérations ,
-10. Le public retrouvera-t-il un intérêt pour les quartiers plus denses avec des modes de vie
plus attractifs ?
5
BUREAU OF TRANSPORTATION STUDIES (1997) : « Mobility and Access.
Transportation Statistics. Annual report 1997 » (US Department of Transportation, 306p.)
Ce rapport est un document de référence important, car non seulement on y trouve toutes les
statistiques récentes sur les transports présentés de façon synthétique et analysées dans leur
évolution, mais également une série d’études et de questionnements sur des aspects très
divers de la mobilité des personnes et des marchandises, en relation notamment avec
l’évolution de l’économie et des techniques de l’information.
La première partie du rapport décrit « l’état du système de transports » avec des données
générales, mais aussi des chapitres spécifiques sur les transports et l’économie, la sécurité,
l’énergie et l’environnement, les problèmes de données statistiques.
La seconde partie est intitulée « mobilité et accessibilité », avec un effort de définition de ces
deux concepts et des chapitres sur les personnes, les marchandises, l’information.
La mobilité renvoie au potentiel de déplacement, considéré comme décisif pour permettre aux
individus et aux entreprises de participer à la vie économique et sociale et pour permettre le
développement de la liberté individuelle et l’ouverture la plus large des choix.
L’accessibilité est définie comme « le potentiel d’interaction spatiale avec les diverses
opportunités souhaitables sociales et économiques », c’est à dire les possibilités de se livrer
aux diverses activités.
La mobilité est plus facile à mesurer que l’accessibilité : elle peut être évaluée par les
mouvements effectifs de personnes et de biens ; en revanche l’accessibilité doit être
appréhendée comme la facilité d’accès à des activités souhaitées, ce qui implique la prise en
compte de la localisation de cette activité et le temps nécessaire pour y accéder.
Nous ne reprenons pas ici les statistiques générales que nous présentons par ailleurs. Notons
simplement que la plupart des évolutions sont proches de celles que l’on constate en France,
-avec un déséquilibre encore plus marqué en faveur de l’automobile individuelle (87 % des
voyages quotidiens),
-une croissance absolue du transport collectif urbain en nombre de miles parcourus, et une
légère baisse de sa part relative (entre 1985 et 1995)
-des distances parcourues plus longues (47 km/jour en moyenne, mais 52 km/jour pour les
habitants des zones suburbaines et 61 km/jour pour les personnes des ménages gagnant plus
de 40.000 $ par an,
Les hommes font plus de miles que les femmes mais moins de déplacements ; les blancs
bougent plus que les noirs ou les hispaniques. De fait, l’une des différences majeures avec la
France tient au fait que ce sont les centre-villes qui sont les zones les moins accessibles et que
c’est là que résident en majorité les couches les plus pauvres.
Le rapport instille aussi sur l’accroissement et le changement de la mobilité des marchandises,
avec la part croissante des transports interétatiques au sein des USA, l’augmentation aussi de
la part des importations et exportations, les liens avec les modes de production en juste à
temps (et la croissance des messageries express).
Enfin, le rapport traite longuement des articulations entre les nouvelles technologies de
l’information et l’évolution des transports.
Notons enfin que le « paratransit » est estimé à 35 millions de voyages par an, ce qui est
évidemment encore très faible, mais que son développement coordonné avec les transports
6
collectifs classique est présenté comme souhaitable et susceptible de relancer le transport
collectif aux USA.
S’agissant de l’économie des transports, on peut noter la croissance de sa part dans le PNB (de
10,5 % en 1991 à 10,7 % en 1995), l’effondrement entre 1959 et 1994 de la part du transport de
marchandises par rail (de 38,3 % à 10,9 % en valeur du total des transports, dont la
productivité a augmenté plus vite que la moyenne des transports).
Pour les consommations énergétiques et la préservation de l’environnement, on note une
diminution de la consommation énergétique par mile parcouru en automobile individuelle de
prés d’un tiers entre 1970 et 1994, ce qui a permis de ralentir la croissance des consommations
pétrolières qui ont toutefois cru d’un tiers dans la même période.
Mais la pollution atmosphériques d’origine automobile a sensiblement décru, pour le plomb
(qui a pratiquement totalement disparu), pour les composés organiques (moins 50 %) pour le
monoxyde de carbone (moins un tiers), pour les particules (moins 10 %). En revanche, les
NOX ont cru de 15 %, sensiblement moins toutefois que l’augmentation des miles parcourus).
Les nouvelles stratégies pour réduire la pollution portent sur le développement de carburants
oxygénés, sur les standards d’émissions pour les véhicules lourds circulant sur les autoroutes,
sur de nouveaux tests pour les voitures neuves et de nouvelles procédures de contrôle tant
sur les véhicules en circulation.
7
HAN, Xiaoli, FANG, Bingsong (1998) : « Measuring Transportation in the U.S. Economy »
(Journal of Transportation and Statistics, January 1998, vol. 1, n° 1, pp. 93 - 102)
Article intéressant tant du point de vue méthodologique que des résultats.
En particulier : la part de la demande domestique en transports dans la demande domestique
globale (GDD) est passée de 10,8 % en 1991 à 11,5% en 1996.
En termes de produit,
Gross Domestic Product
1991
1996
housing
23,2
24,5
health
13,6
14,5
food
13,2
14,5
transport
10,3
11,0
education
6,9
6,9
other
32,7
30,9
Gross Domestic Product by Major Social Function : 1991 - 1996
Il faut souligner que les données pour les années intermédiaires montrent que ces évolutions
sont continues.
La part des transports dans la production industrielle a aussi augmenté, passant de 3,1 % du
GDP en 1990, à 3,2% en 1994, tandis que les communications passaient de 2,6 à 2,7 %.
La ventilation de la production des transports montre la part légèrement faiblissante des
camions (de 43 % à 42,7%), la part croissante de l’avion (de 22,3 % à 22,9 %), le léger progrès
du transport collectif urbain (de 5,1 à 5,3 %) et le recul de tous les autres modes (rail,
pipelines, bateau).
En revanche les services liés aux transports ont vu leur part dans le produit transport passer
de 10,1 % à 10,9 %.
8
REY, Joel R., POLZIN, Steven E., BRICKA, Stacey G. (1995) : « An assessment of the
Potential Saturation in Men’s Travel » ( pp. 1.1 - 1. 63. in Nationwide Personal
Transportation Survey, Demographic Special Reports, February 1995)
L’analyse de l’évolution des déplacements des hommes, croisés avec de multiples variables,
n’a pas démontré l’hypothèse initiale de cette recherche qui portait sur l’apparition
progressive d’une saturation de la mobilité des hommes.
En effet, celle-ci continue de croître et n’est pas significativement enrayée par le
développement de la multimotorisation. En revanche, les distances continuent d’augmenter
tandis que le nombre de déplacements ne varie pas significativement pour la plupart des
catégories.
La mobilité est corrélée positivement avec les revenus, la taille du ménage, le nombre de
voitures.
Voir les différents tableaux ci-joints.
9
KITAMURA, Ryuichi (1995) : « Time-of-Day Characteristics of Travel : An Analysis of 1990
NPTS Data » (in National Personal Transportation Survey, Special Report on Trip and
Vehicle Attribute, February 1995, pp 4.1. - 4.56. : US Department of Transportation - Federal
Highway Administration)
Le Travel Demand Management (TDM) et les politiques de lutte contre les phénomènes de
congestion du trafic, nécessitent une meilleure connaissance des comportements temporels
des conducteurs et une compréhension plus fine de leur choix d’horaires de déplacement.
Toutefois, les données manquent encore beaucoup en la matière.
L’exploitation du NPTS n’est pas sans intérêt. Elle s’appuie sur les heures de départ. Elle fait
apparaître un certain nombre de différences par âges, par genre, par emploi.
Mais ses résultats sont relativement limités, dans la mesure on ne dispose pas de références
antérieures pour mettre en évidence les évolutions.
10
PISARSKI, Alan E. (1995) : The Demography of the US Vehicle Fleet : Observations From
the NPTS (in National Personal Transportation Survey, Special Report on Trip and Vehicle
Attribute, February 1995, pp 3.1. - 3.44.: US Department of Transportation - Federal
Highway Administration)
Entre 1969 et 1990 ,
la population américaine est passée de 197 à 239 millions ( + 20 % )
le nombre de travailleurs de 76 à 118 (+55 %)
le nombre de ménages de 63 à 93 (+ 50 %)
le nombre de conducteurs de 103 à 163 (+60 %)
et le nombre de véhicules de 73 à 165 (+ 125 %)
Le nombre de ménages ne disposant pas de voiture a chuté de 1960 à 1990, de 22% à 12 %),
ceux ne disposant que d’une voiture sont passés de 57 % à 34 % ; en revanche, les ménages
ayant deux voitures sont passés de 19 % à 38 %, et ceux en ayant 3 ou plus, de 4% à 17 %.
La flotte est globalement de plus en plus âgée. L’utilisation de voitures plus vieilles a été une
des formes de l’augmentation du taux d’équipement des ménages en un ou plusieurs
véhicules.
Mais les véhicules les plus récents sont aussi ceux qui parcourent le plus de miles par an.
11
GORDON, Peter, RICHARDSON, Harry W. (1995) : « Geographic Factors Explaining
Worktrip Length Changes »
(in National Personal Transportation Survey, Special Report on Trip and Vehicle
Attribute, February 1995, pp 2.1. - 2.43 : US Department of Transportation - Federal
Highway Administration)
Cet article, très synthétique, mais accompagné d’un très grand nombre de tableaux (détaillés
notamment par régions) étudie l’augmentation des distances des déplacements en voiture
domicile-travail. Les miles parcourus en automobile ont globalement augmenté de 40 pour
cent entre 1983 et 1990, la longueur moyenne des déplacements domicile-travailen voiture a
augmenté de 36 pour cent et les miles parcourus ainsi pour le commuting ont augmenté de 50
pour cent (alors que le nombre de déplacements domicile-travail annuel par employé a
diminué de 450 à 425).
Le nombre des déplacements domicile-travailen automobile a toutefois augmenté de 8,2 pour
cent, par augmentation du nombre de travailleurs et par diminution des autres modes de
déplacements.
Quant à l’augmentation des miles parcourus en voiture pour ces déplacements, elle est
principalement due à l’augmentation de 28 pour cent des distances parcourues (de 8,6 miles à
10, 9 miles pour chaque mouvement, soit à plus de 35 kilomètres aller-retour en moyenne en
1990).
L’auteur évoque un « spatial mismatch »...
12
SÖÖT, Siim, SEN, Ashish, MARSTON, James, THAKURIAH, Piyushimita (1995) :
« Multiworker Household Travel Demand »
( pp. 4.1. - 4. 30. in Nationwide Personal Transportation Survey, Demographic Special
Reports, February 1995)
La proportion de ménages bi-salariés dépend en partie de la taille du ménage et de la taille de
l’agglomération, et est plutôt corrélée négativement avec la densité de la zone habitée et des
transports publics.
Le nombre de voitures par travailleur est assez stable, les femmes ayant accédé à un emploi
disposant généralement d’une voiture dans les mêmes proportions que les hommes.
Les ménages bi-salariés effectuent des distances plus grandes que les autres. Les distances
domicile-travail sont certes plus longues, mais ce sont surtout les déplacements pour les
autres motifs qui sont beaucoup plus longs.
Les ménages bisalariés sont passés de 27,3 pour cent du nombre total des ménages en 1983 à
32,1 pour cent en 1990. Par ailleurs, 37 pour cent des familles avaient deux personnes
employées ou plus dans le ménage en 1983 ; elles étaient en 1990, 59 pour cent.
Le nombre de ménages multi-emplois décroît avec le revenu, sauf pour les couches les plus
aisées.
13
1.2.THÉMATIQUES SPÉCIFIQUES
1.2.3. Genres et transports
WACHS, Martin, LEVISON, David, MKHTARIAN, Patricia, TAYLOR, Brian (1997) : « The
Gender Gap » (ITS, Institute of Transportation Studies, University of California, February
1997, Vol. 20, N° 2)
LEVINSON, David : How Patternes Changed from ‘68 to ‘88
Les modèles de comportements dans les déplacements domicile-travil ont beaucoup changé
en vingt ans, principalement en raison de l’entrée sur le marché du travail salarié des femmes.
Les habitudes de celle-ci sont en effet assez différentes de celles des hommes. De plus, leur
entrée sur le marché du travail s’est traduite non seulement par une augmentation des
déplacements domicile-travail, mais aussi des autres déplacements. En effet, le travail féminin
salarié a augmenté l’utilisation de divers services hors du domicile, notamment pour la garde
des enfants, mais aussi pour d’autres prestations.
La garde des enfants en dehors du domicile et les repas achetés à l’extérieur (pris au
restaurant ou rapporté à la maison) expliquent 25 % de l’augmentation des déplacements par
personne sur la période étudiée.
Par ailleurs, les femmes ont plus de déplacements liés (linked trips) c’est à dire des
pérégrination ou des déplacements multi-motifs (notamment elles déposent plus souvent que
les hommes des personnes à un autre lieu en allant ou en revenant du travail ; elles font aussi
plus de courses que les hommes sur leur trajet domicile-travail).
Elles passent en moyenne 48 minutes par jour pour faire des achats (!) alors qu’elles n’en
passaient que 43 vingt ans plus tôt. Elles passent aussi plus de temps à prendre des repas en
dehors de leur domicile, à transporter des gens, à rendre des visites à des amis.
Les hommes passent certes plus de temps à ces activités, mais l’écart diminue.
Commentaire :
Modification de la structure des déplacements : probablement moins le week-end et plus en
semaine;
Contre tendance par rapport au centrage sur la maison : les hommes (et les enfants ?) y
passent peut-être plus de temps, mais les femmes qui travaillent font beaucoup plus de choses
en dehors de chez elles.
De fait, ce sont probablement aussi les femmes, ainsi que les personnes âgées, dont les
modèles de comportement changent le plus et qui ont donc le plus d’impact sur le
changement social.
14
MOKHTARIAN, Patricia
More women than men change behavior to avoid congestion.
Les femmes ont plus de comportements d’adaptation que les hommes face à la congestion
automobiles des voies qu’elles doivent emprunter pour aller au travail. Mais ces adaptations
reflètent surtout que pour elles le travail est moins important que pour les hommes. Aussi
s’efforcent-elles de travailler à temps partiel, de trouver un travail qu’elles peuvent faire à la
maison, essaient de changer de lieu de travail, voire arrêtent de travailler.
Ces résultats, pas vraiment surprenant dans un pays où le travail féminin salarié ne s’est
développé que récemment, sont les résultats secondaires d’une vaste étude sur le télétravail
réalisée auprès de 600 commuters habitant à San Diego (métapole de San Francisco).
TAYLOR, Brian: Beyond the Gender Gap.
Il s’agit de l’exploitation d’une recherche faite à partir d’une enquête réalisée auprès de 21
personnes sur leurs déplacements effectués un même jour de la semaine (soit plus de 71.000
déplacements). Cette recherche a été complétée par les résultats d’autres travaux
complémentaires sur la mobilité.
La différence entre les genres est manifeste, mais elle n’est pas la seule et ne résulte pas
seulement de la division du travail au sein du ménage. En effet, si les femmes font plus de
« child chauffeuring » et de « grocery shopping » que les hommes, elles le font non seulement
bien sûr parce que même quand elles ont un emploi salarié, elles continuent de plus s’occuper
des ces tâches, mais aussi parce que , toutes choses égales par ailleurs, elles ont un autre
rapport à la mobilité liée « à leurs formes spécifiques de socialisation ».
(La recherche s’appuie surtout sur la comparaison entre des ménages uniparentaux hommes
et femmes ; mais, est-ce bien homogène du point de vue des autres variables sociologiques ?)
L’auteur met aussi en évidence les différences « raciales »(« race gap ») au sein même des
différences de genres. Ainsi dans les ménages d’origine asiatique (« Asian/Pacific Islander),
les transport des enfants est mieux réparti qu’en moyenne alors qu’il est plus inégal encore
chez les ménages d’origine hispanique.
Enfin, des différences apparaissent aussi selon les revenus, la répartition du transport des
enfants étant mieux répartie dans les ménages les plus aisés.
L’auteur conclut à une combinaison de l’influence des divers facteurs.
Ce n’est inintéressant, mais on aurait aimé, sur une population aussi nombreuse, une analyse
multivariée.
ROSENBLOOM, Sandra (1995) : « Travel by Women » » ( pp. 2.1. - 2.57. in Nationwide
Personal Transportation Survey, Demographic Special Reports, February 1995)
Deux changements majeurs ont affecté les modèles de comportement de déplacement des
femmes : l’habitat de plus en plus périurbain et le travail salarié. Un troisième facteur
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significatif d’évolution est aussi la croissance du nombre de femmes vivant seules et élevant
seules un ou plusieurs enfants.
Elles se déplacent donc plus, conduisent beaucoup plus.
Mais leur mobilité continue de différer sensiblement de celle des hommes.
Les femmes entre 16 et 64 ans , à la ville comme à la campagne, ont un plus grand nombre de
déplacements quotidiens que les hommes ; mais les distances parcourues sont plus faibles
(d’un quart environ en pers.miles dans les villes). Les homes globalement font 60 pour cent de
miles de plus que les femmes.
Mais les revenus, la possession du permis, l’emploi sont des facteurs plus explicatifs des
comportements de mobilité que les genres.
Les femmes mariées ayant un emploi sont la catégorie qui se déplace le plus.
Les femmes blanches bougent plus que celles des autres groupes ethniques, en particulier que
les américaines d’origine hispaniques.
Le nombre de femmes ayant leur permis de conduire est encore inférieur à celui des hommes,
mais il s’en rapproche de plus en plus. Parmi les 16 - 29 ans, prés de quatre-vingt cinq pour
cent des femmes ont le permis de conduire, contre 88 pour cent pour les hommes. A titre
indicatif, les 50 59 ans sont titulaires d’un permis respectivement à 88 et 96 pour cent.
Les distances parcourues sont corrélées positivement avec les revenus,
Les miles parcourus au volant par les femmes ont cru entre 1969 et 1990 de 76 pour cent alors
que ceux parcourus par les hommes n’ont augmenté que de 46 pour cent.
Sandra Rosenbloom présente aussi dans ce même rapport un article sur la mobilité des
personnes âgées (49 pages)
Elle met en évidence la croissance de la mobilité des personnes âgées et l’usage croissant des
voitures (aucune cohorte n’utilise ce mode à moins de 75 pour cent).
Les personnes âgées font, toutes choses égales par ailleurs, 20 pour cent de miles en plus en
1990, comparativement à 1983.
L’auteur considère que le développement de la conduite automobile des personnes âgées
devrait impliquer diverses mesures de sécurité et de contrôle. Il ne faut pas oublier, insiste-telle sur le fait que c’est le groupe d’âge qui croit le plus fortement dans le pays et que ce
processus est appelé à s’amplifier.
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1.2.2. Enjeux sociaux
Les déplacements non motorisés
LAVE, Charles, CREPEAU, Richard (1994) : « Travel By Households Without Vehicles »
(in National Personal Transportation Survey, Travel Mode Special Report, dec 1994, pp. 1.1
- 1.43 : US Department of Transportation - Federal Highway Administration)
Note F.A.
De fait, aux États-Unis, et en dehors des très grandes villes qui ont encore des quartiers centraux un
peu habités, même s’ils sont très pauvres, on peut considérer qu’une voiture est aussi nécessaire pour
survivre qu’une maison. Analyser des ménages sans voiture a donc pratiquement la même importance
qu’analyser des sans-domicile en Europe.
Il est donc indispensable pour traiter des problèmes de pauvreté plus complètement, d’analyser les
ménages en calculant le nombre de voitures par habitant en âge de conduire. C’est ce qui est fait dans
d’autres études dont nous rendons compte par ailleurs.
La population sans automobile a diminué considérablement : 20, 6 % des ménages en 1969,
13,5 % en 1983 et 9,2 % en 1990. Les ménages sans véhicules étant plus petits que la moyenne,
6,4 % de la population vit effectivement sans voiture particulière. De fait, si l’on admet que
beaucoup de ces ménages, en particulier les très jeunes et les très vieux, ont des parents ou
amis proches qui les véhiculent souvent, on peut affirmer que la quasi totalité de la
population américaine est motorisée ou a accès aux déplacements automobiles. Il n’en reste
pas moins qu’un petit pourcentage, 5 pour cent, n’y a pas accès régulièrement et qu’un certain
nombre de familles nombreuses n’ont encore qu’un ou deux véhicules « seulement ».
La plupart des ménages sans voiture ne comprend aucun membre ayant un emploi ou en
cherchant. Leurs revenus sont nettement inférieurs à la moyenne et ils vivent , généralement
seul , mais pratiquement toujours sans enfants, dans les parties centrales des villes. Ils sont
généralement et ce sont très souvent des femmes seules.
(Il faut noter que la pauvreté explique en partie seulement la non-possession de voiture et que
76 pour cent des ménages en dessous du seuil de pauvreté possèdent au moins un véhicule).
Les ménages sans voiture sont plus nombreux sur la côte est (ce qui s’explique en partie par
les structures urbaines anciennes qui y perdurent un peu plus).
52 % de ceux qui appartiennent à des ménages 0-V (Zéro-Vehicule) n’effectuent aucun
déplacement journalier.
Le déplacement domicile-travail ne les concerne pas beaucoup puisque moins du tiers d’entre
eux n’a aucun membre sur le marché du travail (avec un emploi, ou a la recherche d’un
emploi).
Les adultes utilisent très peu les transports publics, pas plus qu’ils ne se déplacent dans les
voitures d’autres personnes.
17
Le nombre moyen de déplacements quotidiens est de 1,8 (contre 3,2 en moyenne aux ÉtatsUnis).
De façon générale, cette population est constituée de beaucoup de vieux et de pas mal
d’immigrants. Il faut noter que les immigrants d’origine asiatiques acquièrent véhicule
beaucoup plus vite que ceux d’origine noire.
Enfin, il faut traiter à part le cas de New York qui compte 15 pour cent du nombre total de
ménages sans véhicules, et dont 30 pour cent des ménages non motorisés gagnent plus de
30.000 dollars (moins de huit pour cent en moyenne pour les autres ménages 0-V américains).
NIEMEIER, Debbie, RUTHERFORD, Scott (1994) : « Non-Motorized Transportation »
((in National Personal Transportation Survey, Travel Mode Special Report, dec 1994, pp. 3.1
- 3.25: US Department of Transportation - Federal Highway Administration)
L’auteur note que très peu d’études américaines ont porté sur les déplacements non
motorisés, à pied ou à bicyclette.
Mais les résultats tirés du recensement de 1990 sont d’un intérêt assez limités et surtout ne
donnent aucune idées des évolutions.
On apprend donc sans surprise que les déplacements non motorisés sont plus fréquents dans
les villes denses, sans pour autant que des relations précises entre densité et usage de la
bicyclette puissent être mises en évidence. En revanche, pour la marche, la relation est très
claire.
Les cyclistes sont aussi plus jeunes, plus masculins et moins fréquent chez les cadres et les
techniciens. Ils sont plus répandus dans les professions de service.
La bibliographie est assez ancienne et d’un intérêt limité.
U.S. Department of Transportation (1998) : « Welfare reform and Access to Jobs in Boston »
(Report, Bureau of Transportation Statistics, 17 p.)
Ce petit rapport, qui est en fait un article très bien documenté, est issu de la loi de juillet 1996
portant réforme du welfare et l’orientant plus particulièrement vers l’aide aux familles avec
enfants dépendants.
L’expérience de Boston est très intéressante dans cette perspective, puisque la ville s’est
efforcée d’aider les personnes en difficulté à se déplacer, en particulier pour accéder au
marché du travail.
De fait, une grande partie des personnes aidées sont des femmes seules ayant la charge
d’enfants. Ces femmes rencontrent des problèmes très difficiles en matière de déplacement et
ont des besoins notamment en matière de « pérégrinations » (chaînage des déplacements).
Cela explique la croissance de l’équipement automobile et des miles parcourus annuellement
par ces catégories.
18
La ville s’efforce de développer comme critère d’aide et d’orientation de sa politique de
transport, le principe que personne parmi les personnes pauvres ne devrait être à moins d’un
quart de mile d’une ligne de transport collectif.
S’il apparaît que les résultats sont assez satisfaisants pour la population cible, il n’en ressort
pas moins de 35 % des employés seulement habitent actuellement à moins d’un quart de
mile, et moins de 60 % à moins d’un mile.
Les auteurs du rapport concluent sur la nécessité de développer de nouveaux moyens de
transports et de mobiliser les technologies nouvelles (transport à la demande, déroutage
partiel des autobus, express corridors etc.).
L’article est intéressant. Il insiste sur le « job accessibility gap », sur l’inadéquation entre le
transit et les problèmes d’emploi des catégories défavorisées, et sur la nécessité de développer
de nouvelles solutions.
Parmi les références utilisées, on peut citer:
-JARGOWSKY, P.A. (1997) : « Poverty and Place : Ghettos, Barrrios, and the American
City » (New York, NY, Russel Sage Foundation)
-ROSENBLOOM, S. (1995) : « Travel by Women. 1990 Nationwide Personnal
Transportation Survey » (Journal of Policy Analysis an Management, 12, n° 3 : 556 - 573)
19
Le droit à la mobilité
BULLARD, Robert D., JOHNSON, Glenn S. (Eds.) (1997) : « Just transportation.
Dismantling Race and Class Barriers to Mobility » (New Society Publishers, 193 p.)
Il s’agit d’un ouvrage collectif, de style assez militant, fait principalement à partir d’études de
cas, et dirigé par deux universitaires d’Atlanta (ville « du Sud » où l’on a construit récemment
un métro, qui est matière à diverses critiques).
Le livre est préfacé par un congressman, John Lewis, qui situe l’enjeu contemporain des
transports par rapport aux luttes auxquelles il a participé il y a trente ans dans le cadre des
« Freedom rides ». La Cour Suprême avait pris à cette époque une décision interdisant les
discriminations raciales dans les transports inter-états, et un groupe de jeunes était parti
voyager en bus dans le Deep South, pour affirmer les droits des noirs.
Selon John Lewis, ce livre montre que cette lutte n’est pas encore achevée et que les noirs,
mais aussi beaucoup d’autres minorités et de pauvres souffrent encore d’un accès inégal aux
transports. Non que les règlements racistes n’aient pas disparu, mais parce que les plus
déshérités dans la société américaine, sont aussi ceux qui peuvent le moins se déplacer (parce
qu’ils sont peu motorisés et parce que les transports publics sont systématiquement négligés
par l’état fédéral et la plupart des autorités fédérées et locales). Et pourtant, ajoute-t-il,
pouvoir se déplacer dans les villes et plus important que jamais, pour accéder au travail, au
commerce, aux loisirs.
Ainsi, selon lui, l’inégalité en matière de transports continue d’accroître l’écart entre les
« haves » et les « haves-nots ». Aussi, conclut-il , il faut maintenant passer de la lutte pour les
droits civiques à la lutte contre la discrimination dans les transports.
Les études de cas présentées par la suite, mettent en évidence la dégradation des transports
publics dans la plupart des grandes villes nord-américaines, et les handicaps dont souffrent
de plus en plus les communautés pauvres des villes-centres. De plus, celles-ci ne sont pas
seulement victimes d’une mobilité urbaine plus réduite ; elles souffrent aussi plus que les
autres des nuisances urbaines et en particulier de celles produites par les automobiles que
pourtant elles possèdent en moins grand nombre (qu’il s’agisse de la pollution ou des
pénétrantes autoroutières qui éventrent les quartiers pauvres centraux).
De nombreuses luttes de ces communautés locales sont décrites dans les divers chapitres.
Les politiques budgétaires de l’État fédéral sont aussi très critiquées, puisque seulement vingt
pour cent de la taxe sur l’essence est affectée au transport public, le reste allant aux routes.
Les politiques de transports collectifs telles qu’elles sont souvent menées, attirent aussi les
critiques ; d’une part, parce qu’elles s’intéressent souvent à la mobilité des couches moyennes
qui viennent de leurs suburbs travailler dans les emplois qualifiés des downtowns, au lieu
d’accorder la priorité à la mobilité des pauvres (ce qui impliqueraient la desserte d’autres
quartiers centraux et d’autres suburbs, et peut-être en privilégiant les bus) ; d’autre part,
parce que le financement de ces transports collectifs qui profitent aux couches moyennes des
suburbs résidentiels (qui viennent aux gares périurbaines en voiture), sont largement
financées par les communes dont les populations profitent en fait le moins de ces transports.
20
Beaucoup des contributions présentées dans ce livre s’efforcent de lier les problèmes de
transport et ceux de l’environnement. Cela n’est pas toujours facile, dans la mesure où étant
donné ce que sont les villes nord-américaines, il faut surtout aider les pauvres à bouger plus
pour qu’ils puissent accéder au potentiel métropolitain et en particulier au marché du travail.
De plus, les voitures des pauvres (généralement vieilles et souvent de grosses américaines)
sont aussi les véhicules les plus polluants.
Les auteurs développent ainsi la notion de justice environnementale, c’est à dire d’un
environnement équitable, qui ne pénalise les pauvres ni du point de vue des nuisances
urbaines, ni de la mobilité.
L’ouvrage se termine sur un programme d’action en quatre chapitres principaux :
1/ faire participer plus les populations concernées par les décisions en matière de transport ;
2/ mobiliser des ressources pour identifier et examiner les effets discriminatoires, les impacts
disproportionnés par rapport aux objectifs, les répartitions inéquitables des investissements
de transport, et leurs implications en termes de droits civiques ;
3/ développer la recherche, produire des données et des avis techniques ;
4/ promouvoir une coopération entre les agences pour la planification des transports, le
développement et l’expérimentation de programmes pour des « communautés vivables,
saines et soutenables ».
Outre quelques textes généraux (notamment sur les liens à opérer entre équité sociale et
communautés « vivables » : un texte de Henry Holmes, et un autre de Don Chen), les études
de cas portent sur les « Twin Cities » (Minneapolis et Saint-Paul), la Californie du sud, Los
Angeles, Atlanta, Macon (Géorgie), Austin, La Nouvelle Orléans et les « Natives Americans ».
21
1.2.3. Stationnement
SHOUP, Donald C. (1997) : « Evaluating the effects of cashing out employer-paid parking:
Eight Case studies » (Transport Policy, Vol. 4, No. 4, pp. 201 - 216)
Donald Shoup, directeur de l’institut des études sur les transports , à l’école des politiques
publiques et de la recherche sociale (UCLA, université de Californie à Los Angeles) est l’un
des chercheurs qui ont été à l’origine de la réglementation obligeant les employeurs à donner
à leurs employés utilisant pour se rendre à leur travail des transports collectifs, le carpool ou
la bicyclette, une prime équivalente à ce qu’ils dépensaient pour le stationnement de ceux qui
venaient en voiture.
Ainsi l’Etat de Californie oblige les employeurs a offrir à leurs salariés l’option de recevoir du
« cash » à la place d’un stationnement gratuit.
Shoup s’est livré à une évaluation sur 8 entreprises de Los Angeles, 4 ans après la mise en
place de cette nouvelle réglementation.
Le résultat apparaît comme particulièrement positif : sur 1694 employés par ces huit firmes, le
nombre de conducteurs en «solo » a diminué de 70 %, le nombre des carpoolers a augmenté
de 64 %, le nombre de ceux qui utilisent les transports collectifs a cru de 50 % et ceux qui
marche ou emploient des bicyclette sont 12 % de plus.
Shoup a également calculé la diminution de la pollution lié à un usage moins important des
voitures individuelles et là aussi le résultat semble très significatif.
Les entreprises semblent très contentes de ce nouveau dispositif, malgré la légère
augmentation des coûts que cette réglementation a entraînée . elles considèrent en effet que ce
système de « cash out » , très simple et très équitable, aide à recruter et à retenir les employés.
Ces résultats sont évidemment très intéressants. Mais ils sont toutefois à relativiser.
D’une part, parce que les cas choisis sont ceux d’entreprises situées dans des zones très denses
pour Los Angeles, voire dans de véritables centres urbains (deux à Downtown, trois à
Century City - à côté d’Hollywood- un à Hollywood même, et deux a Santa Monica), où il
existe des transports collectifs relativement corrects. D’autre part, le pourcentage de ceux qui
utilisent seuls leurs automobiles reste important : 63 % en moyenne. Il était auparavant de 76
% , ce qui est inférieur à la moyenne nationale des États-Unis.
Shoup rappelle d’ailleurs qu’aux USA en la matière, tout est au delà des 90 % : 91 % des trajets
domicile-travail se font en voiture individuelle, 92 % des voitures n’ont qu’un seul occupant,
95 % de ceux qui vont au travail en voiture y ont un stationnement gratuit.
Même si cette évaluation a donc un caractère limité, la conclusion de Donald Shoup est
toutefois très intéressante et s’inscrit dans une démarche plus générale de l’auteur pour un
changement radical des politiques publiques dans le domaine du stationnement. Il considère
en effet qu’il faudrait cesse les aides directes au stationnement et les remplacer par des aides à
la personne. Ainsi, selon lui, on cesserait de privilégier sous des formes diverses l’usage
individuel de l’automobile et on rétablirait les régulations par le marché. Les cas étudiés
22
montreraient ainsi que le marché stimule favorise moins l’automobile que le fonctionnement
actuel.
Donald Shoup développe plus généralement cette thèse. Dans un autre article récent (« The
High Cost of Free Parking » dans le Journal of Planning Education and Research - Vol 17,
No 1, september 1997), il montre que les planificateurs édictent des normes de stationnement
en méconnaissance du coût réel du stationnement, que ces normes qui obligent les
développeurs à construire beaucoup de places de parking élèvent le coût du logement et
tendent à réduire les densités urbaines. Critiquant des réglementations urbaines
bureaucratiques, qui au lieu de taxer l’usage de l’automobile taxent le logement, il se
prononce pour la suppression de toute norme de stationnement ; en revanche, il propose
l’édiction de règles beaucoup plus strictes pour la préservation des espaces publics, pour leur
qualité environnementale, pour l’accès des handicapés aux lieux de stationnement etc.
Dans d’autres textes, Shoup évoque aussi l’intérêt qu’il pourrait y avoir à rendre tout
stationnement sur la voie publique payant, quitte à en affecter les bénéfices à l’amélioration
des espaces de voisinage des riverains.
MILDNER, Gerards CS, STRATHMAN, James G., BIANCO, Martha J.
Parking policies and commuting behavior
Transportation Quaterly, vol 51, n° 1, Winter 1997 , pp. 111 - 125
Un certain impact des politiques volontaristes de parking cher et limité sur l’usage du
« transit ridership ».
Mais analyses pas très poussées.
A noter cette présentation statistique :
Les 20 principales métapoles US en 1990 :
75 % seuls en voiture
13 % en car pool
8 % en mass transit
4 % autres
Maxi carpool : Miami et Buffalo : 25 % et Pittsburgh, 23 %
Le moins Denver et Houston 7 %, et San Francisco (8%)
Mass transit
Le plus développé : New York (16 %),
les moins développés : SF 6 %, Los Angeles 3 %, Buffalo et Cincinnati 0 %
23
1.2.4. Le carpooling
FERGUSON, Erik (1994) : « Recent Nationwide Declines in Carpooling »
((in National Personal Transportation Survey, Travel Mode Special Report, dec 1994, pp. 2.1
- 2.49 : US Department of Transportation - Federal Highway Administration)
Le carpooling a commence dans les années quarante, avec les restriction sur l’essence et le
caoutchouc. Dans l’après-guerre, la préoccupation des pouvoirs publics a son égard a disparu
jusqu’à ce que la crise pétrolière des années soixante-dix le remette à l’ordre du jour.
Différentes mesures incitatives ont été mises en place, et elles sont depuis quelques années
surtout portées par des problématiques de protection environnementale. Outre quelques
taxations différentielles qui existent dans quelques états, la mesure la plus répandue est la
réservation d’une voie au voitures occupée par plus d’une ou de deux personnes sur les
autoroutes aux heures d’affluence.
Malgré ces mesures, le carpooling perd de son importance régulièrement depuis les années
1990. De fait, les ressorts économiques sont sans effet et même les possibles gains de temps
semblent inopérant.
L’auteur de cette étude très complète montre que l’évolution des familles, des villes et des
modes de vie des américains rend le carpooling inadapté aux besoins de déplacement.
Erik Ferguson, passe ainsi en revue tous les facteurs qui influencent positivement ou
négativement le carpooling. Mais plus généralement, il étudie le nombre d’occupants par
voiture lors des divers déplacements.
Pour les déplacements domicile-travail, qui sont le coeur du potentiel du carpooling, il note
que le taux d’occupation des voitures(Average Vehicle Occupancy - AVO) est passé de 1,18 en
1970 à 1,15 en 1980 et à 1,09 en 1990. La petite remontée de 1991 ne semble pas s’être
confirmée par la suite (voir à ce sujet Pisarski, autre note de lecture).
Le dit Carpooling est passé de 13,8 pour cent en 1985 à 11,1 pour cent en 1991.
Les analyses de Ferguson montrent que le carpooling est indépendant du prix de l’essence,
plus développés dans les lointaines périphéries et les zones rurales, plus fréquent dans les très
grandes entreprises : il est aussi décroissant avec les diplômes, les revenus ; enfin, il est
croissant avec la taille des ménages.
24
1.2.5. Les chaînes de déplacements
STRATHMAN, James G., DUEKER, Kenneth J. (1995) : « Understanding Trip Chaining »
(in National Personal Transportation Survey, Special Report on Trip and Vehicle Attribute,
February 1995, pp. 1.1 - 1.27 : US Department of Transportation - Federal Highway
Administration)
Les auteurs mettent en évidence la complexité d’un très grand nombre de déplacements,
souvent comptabilisés simplement comme des déplacements domicile-travail alors qu’ils sont
aussi l’occasion de déposer ou d’aller chercher les enfants, de faire une course au passage,
quitte à faire un petit détour.
Ils insistent aussi sur les variations tout au long de la semaine de beaucoup de ces
pérégrinations, certaines étant régulières d’autres pas du tout.
Les auteurs distinguent les trip chains liés au travail et celles qui ne le sont pas, et les trip
chains simples (une personne qui part de chez elle et y revient) et complexes (qui impliquent
plusieurs personnes, mais qui commence et finit au domicile).
De façon générale, les déplacements autre que pour le travail représentent 72 pour cent des
trip chains, les complexes 46 pour cent.
Les femmes font plus de trip chains que les hommes.
Les trip chain liés au commuting augmentent avec le revenu, aux heures de pointe.
Ils varient sensiblement selon les périodes du cycle de vie. Ils sont plus nombreux dans les
grandes villes et en zone rurale, ce qui correspond aussi à la longueur et à la durée moyennes
des déplacements.
25
1.2.6. Le télétravail (telecommuting)
HENDERSON, Dennis K., MOKHTARIAN, Patricia L. (1996) : « Impacts of Center-based
Telecommuting on Travel and Emission : Analysis of the Puget Sound Demonstration
Project » (Working Paper, University of California Transportation Center, 45 p.)
Il s’agit de la première évaluation quantitative des expériences de centres de télétravail.
Elle s’est appuyée sur le « Puget Sound Telecommuting Demonstration Project » développé
au début des années 1990 et ses enquêtes réalisées auprès de 140 télétravailleurs (home-based
et center-based).
Les résultats sont intéressants même si cet échantillon est restreint et peu représentatif.
Ainsi, les center-based télétravailleurs ont réduit considérablement la longueur de leurs
migrations quotidiennes, passant d’une moyenne de 63,25 miles par jour à 29,31 miles
quotidiens. Mais leur nombre de déplacement est resté stable et leurs pratiques de transports
ressemblent à celle des commuters classiques.
L’étude a également déduit, de façon assez mécanique, l’impact sur les émissions de
polluants, car la protection de l’environnement est un des arguments majeurs utilisés pour
inciter à la multiplication d’expériences de ce type et éventuellement légitimer des aides
publiques.
A signaler quelques références bibliographiques récentes sur le center-based telecommuting.
BAGLEY, Michael N., MOKHTARIAN, Patricia L. (1997) : « Analyzing the Preference for
Non-Exclusive Forms of Telecommuting : Modeling and Policy Implications »
(Transportation, 1997, vol 24, pp. 203 - 226 )
Cet article présente les résultats d’une étude sur trois modèles de préférence individuelle en
matière de télétravail (à domicile et à partir de centres de télétravail).
Les questions méthodologiques y tiennent une place importante et l’un des résultats majeurs
... est la nécessité de recherches empiriques complémentaires.
Toutefois, il apparaît aussi que les personnes interrogées préfèrent sensiblement le télétravail
à domicile au télétravail à partir de centres (center-based). Cela pose d’après les auteurs la
question de l’existence même d’une niche pour ces centres de télétravail. Toutefois, au delà
des préférences individuelles, il y a aussi selon eux, des nécessités qui peuvent conduire les
gens a télétravailler à partir de ces centres, qu’il s’agisse des contraintes de place, de
l’incompatibilité du travail avec la vie familiale ou des exigences des employeurs.
26
Mokhtarian Patricia L. (1997) : A Synthetic Approach to Estimating the Impacts of
Telecommuting on Travel (Urban Design, Telecommunication and Travel Forecasting
Conference)
Résumé
A multiplicative model is proposed as a framework for examining the current state of
knowledge in forecasting the demand for telecommuting and the resulting
transportation impacts. A running illustrative example (containing a base and a future
case) is developed, using plausible values for each factor in the model. The base case
suggests that 6.1% of the workforce may be currently telecommuting (at least in
California), 1.2 days a week on average, with the result that 1.5% of the workforce may
be telecommuting on any given day. It is estimated that the vehicle- miles eliminated by
this level of telecommuting constitute at most 1.1% of total household vehicle travel.
When the limited knowledge about potential stimulation effects of telecommuting is
incorporated, it is estimated that the net reduction falls to at most 0.6% of household
travel. Reductions in the future could be smaller as commute distances of telecommuters
fall closer to the average and as the stimulation effect grows. In any event it is likely that,
due to counteracting forces, the aggregate travel impacts will remain relatively flat well
into the future, even if the amount of telecommuting increases considerably.
27
1.3. POLITIQUES PUBLIQUES
Brève
Un record pour le budget fédéral des transports
Au printemps 1998, la Chambre des représentants et le Sénat américains ont voté un budget
pour les transports de 217 milliards de dollars (soit à peu près 1.300 milliards de francs) en
augmentation de 42 % sur l’année précédente.
Le vote de ce budget a été l’occasion de multiples polémiques, certains le trouvant en
particulier non conforme à la volonté quasi unanime manifestée par ailleurs par les forces
politiques américaines, de parvenir à un équilibre budgétaire fédéral. Des observateurs ont vu
là une irresponsabilité des élus qui se sont attribués par le biais de ce budget des fonds pour
des infrastructures dans leurs circonscription en pleine année électorale. D’autres, en
particulier des organisations écologistes comme les amis de la Terre, ont critiqué des dépenses
qui vont favoriser la mobilité automobile et accroître encore plus l’étalement urbain. Mais ces
critiques ont été tempérées par le fait que ce budget prévoit aussi des très fortes sommes en
faveur des pistes cyclables, du transport public et des voies piétonnes. A noter en particulier
pour la Bay Area (San Francisco et la Silicon Valley), le financement de la prolongation du
métro jusqu’à l’aéroport de San Francisco et un tramway à Santa Clara.
28
LEWIS, Paul, G.,SPRAGUE, Mary (1997) : « Federal Transportation Policy and the Role of
Metropolitan Organizations in California » (Public Policy Institute of California, 163 p.)
Il s’agit d’une recherche très intéressante faite par une équipe d’un centre privé et
« indépendant »(PPIC) financé pour l’essentiel par Hewlett (de H.P.).
Elle analyse les enjeux et les jeux d’acteurs à l’occasion des débats préalables au
renouvellement éventuel de l’ISTEA.
L’ISTEA (Intermodal Surface Transport Efficiency Act) est une loi de 1991, qui arrivait à
expiration en 1997, et qui définissait les règles de répartition des compétences et des fonds en
matière de transports, et en particulier les modalités d’affectation de fonds divers (provenant
notamment de taxes sur le pétrole) et affectés en particulier à deux programmes : le STP
(Surface Transportation Program) et le CMAQ (Congestion Mitigation and Air Quality
Improvement Program).
L’ISTEA affectait ainsi environ 1,6 milliard de dollars par an à la Californie.
Mais en fait, ce dispositif fédéral bénéficiait surtout aux MPO (Metropolitan Planning
Organizations), c’est à dire à des organismes d’agglomération regroupant plusieurs comtés et
présentait une souplesse pouvant bénéficier à des politiques favorables aux transports
collectifs.
Or, et c’est cela qui est intéressant par rapport aux débats que nous avons en particulier en
France, toutes choses différentes par ailleurs, c’est que des voix se sont faites entendre pour
un « turnback », c’est à dire pour un retour à un fédéralisme plus classique, qui diminuerait le
rôle de l’état fédéral et renforcerait celui de chacun des états fédérés (« devolution » qui est
une forme de subsidiarité en faveur de l’échelon le plus petit).
Or l’Etat fédéral soutenait plutôt les projets et politiques des organismes métropolitains, et en
particulier leurs efforts pour affecter des moyens plus importants au « transit » c’est à dire aux
transports publics. L’Istea avait précisément cet avantage de la fongibilité et de la flexibilité,
même si le fonctionnement des transports publics ne pouvait dans de nombreux états être
subventionné directement ; et l’Istea s’inscrivait dans la volonté d’affirmer une politique
fédérale des transports.
Cette compétence fédérale a été critiquée, une partie des sénateurs et représentants,
principalement des Républicains, estimant qu’il n’était pas nécessaire d’avoir une politique
nationale des transports, l’état fédéral devant s’occuper seulement des questions de sécurité,
de réglementation fédérale, et de recherche.
Dans les travaux préparatoires au renouvellement de l’Istea, se sont donc manifestées deux
diagonales, une alliant les autorités métropolitaines et l’administration fédérale, l’autre les
états fédérés et les comtés.
Les auteurs de cette recherche montrent que la plupart des comtés sont de moins en moins
intéressés par les politiques métropolitaines qui prétendent préserver voire promouvoir des
actions à l’échelle des agglomérations et en faveur de transports collectifs, et que la dévolution
des budgets des transports aux états fédérés se traduirait par des diminutions sensibles des
taxes, donc des subventions pour des actions publiques en matière de transports.
Cette recherche est très intéressante, et apporte des éléments utiles à la compréhension des
jeux et enjeux au sein des grandes agglomérations urbaines, bien au delà de la question de
l’ISTEA et des transports.
29
30
A signaler aussi une autre étude de ce même institut, en partie spécialisé sur la Californie:
REED, Deborah, GLENN HABER, Melissa, MAMEESH, Laura (1996) : « The Distribution
of Income in California ».
Dans cette étude, les auteurs montrent que les inégalités de revenus entre les ménages ont cru
encore plus rapidement en Californie qu’en moyenne aux Etats-Unis : « l’indice d’inégalité »
est y est ainsi passé de 0,66 en 1967 à 0,73 aux USA et à près de 0,79 en Californie.
Cet écart de revenu entre les ménages est très largement du aux revenus du travail, la
« médiane » des revenus des hommes ayant par exemple chuté de plus de 20 %. Les revenus
les plus faibles ont sensiblement diminué encore et un plus grand nombre de personnes sont
donc passés en dessous du seuil de pauvreté. Autrement dit, il y a selon les auteurs « plus de
pauvres en 1994 en Californie qu’il y en avait en 1967 ». La Californie pourtant l’un des États
les plus riche et les plus en croissance des USA. Mais, il accueille aussi un tiers des
immigrants.
31
MASON, J.W. (1998) : « The Buses Don’t Stop Here Anymore. Sick Transit And How to Fix
It » (The American Prospect, march-april 1998, pp. 56 - 63)
Il s’agit d’un article très détaillé sur la crise des transports collectifs à Chicago, et plus
précisément sur la chute de l’utilisation des buses de la CTA (Chicago Transit Authority).
Les transports publics à Chicago, comme dans la plupart des villes américaines n’ont été ni
modernisés ni même entretenus entre les années 1940 et le début des années 1970.
Des investissements significatifs ont été en revanche faits au début des années soixante-dix à
Chicago et la décroissance de l’utilisation des transports collectifs avait été alors enrayée. Mais
depuis la moitié des années quatre-vingts, la chute a repris. Le phénomène sévit dans la
plupart des villes nord-américaines et le transport collectif y est souvent devenu
particulièrement faible : un déplacement urbain(« commutant ») sur 20 seulement se fait en
transports collectifs ; cette proportion n’atteint un voyage sur cinq que dans seize villes, et un
sur trois dans cinq villes.
A Chicago, la CTA a perdu depuis 1985, quarante pour cent de ses usagers (215 millions).
(En 1984, chaque habitant de Chicago faisait en moyenne annuellement 225 voyages et cela
n’avait pratiquement pas changé depuis 1960 ; en 1990 , le nombre est tombé à 200, puis en
1993, à 160°
Cette chute de la fréquentation des transports collectifs et la crise de la CTA ont cette fois des
causes différentes de celles des crises des années précédentes.
Il ne s’agit plus de mauvaise gestion, de coûts non maîtrisés, d’embauches de complaisance
trop nombreuses : c’est la stratégie même de la CTA qui est en cause.
La CTA, et c’est en fait une politique municipale, s’occupe de moins en moins des populations
captives et porte surtout son attention sur les voyageurs solvables. Elle délaisse ainsi les lignes
de bus desservant les quartiers pauvres, y réduit les fréquences des passages, espace les arrêts
(parfois près de 2,5 km entre deux arrêts de bus, supprime des lignes qu’il considère comme
non rentable ; dans le même temps, elle consacre ses investissements aux lignes radiales, qui
peuvent amener downtowns les couches moyennes des suburbs, privilégie le rail sur le bus,
supprime les services de nuit etc.
Cette politique en faveur des centres de travail et de loisirs des couches moyennes se fait au
détriment des pauvres. Cette politique d’affaiblissement du réseau s’auto-alimente : moins le
réseau est dense, moins il est attractif. Seules se développent les lignes et les modes qui sont
en compétition avec la voiture, alors que la priorité des transports collectifs devrait être en
faveur de ceux qui n’ont pas de voiture et pour qui la question de la mobilité ne se pose pas
en ces termes.
Il faut ajouter à cela que les subventions de la ville à la CTA sont inchangées depuis 1973, et
que globalement , la ville ne s’intéresse pas beaucoup aux transports collectifs.
Comment remédier à cette situation ? C’est la question que se pose J.W. Mason. A court
terme, il propose que la ville utilise une partie de ses excédents budgétaires (plus de 70
millions de $) pour relancer les réseaux et l’activité de la CTA.
A plus long terme, d’autres solutions doivent être envisagée. Certes, il sera difficile d’inverser
l’évolution si la subrubanisation continue de se poursuivre. Mais l’exemple de politiques
volontaires dans d’autres villes nord-américaines (et notamment de Toronto et de Boston)
montre qu’il y a quand même des possibilités de revitalisation des transports collectifs.
32
Certes, parmi les 20 plus grandes métropoles des États-Unis, 15 ont vu la fréquentation des
leurs transports collectifs chuter ces dernières années.
Mais à Seattle, un référendum local (à l’initiative de mouvements de résidents) a validé le
principe de la construction de 40 miles de lignes de monorail. A Boston, le nombre de voyages
en transports collectifs par habitant est stable, grâce à des subventions très importantes (70 %
du coût du voyage) et des mesures de politiques urbaines visant à limiter l’étalement urbain.
Cela noté, le transport collectif n’est pas spontanément générateur de formes urbaines denses
(voir à ce propos les travaux récents de Robert Cervero) ; réciproquement, comme des études
récentes l’ont montré sur Los Angeles, des formes urbaines plus regroupées (et en particulier
de type « New Urbanism », la nouvelle mode des développeurs dans les suburbs, promue
notamment par leur association, l’ « Urban Land Institution ») ne favorisent pas non plus
significativement l’usage des transports collectifs.
Il faut noter à ce propos que la renaissance des transports collectifs à Los Angeles, se fait un
peu sur le modèle de ce que critique J.W. Mason à Chicago, c’est à dire sur des grands axes,
avec le projet de d’attirer une partie des usagers des automobiles. Ces transports collectifs, qui
allègent deux axes de près de 8 % aux heures de pointe, sont de ce point de vue une réussite
intéressante (même si cela ne porte que sur une proportion très faible des commuters,
quelques dizaines de milliers chaque jour). Mais, il ne s’agit pas de la renaissance du service
public tel que l’entend J.W. Mason.
A signaler également :
Robert GEDDES : « Metropolis Unbound : The Sprawling American City and the Search
for Alternatives »
(The American Prospect, November-December 1997)
33
HALL, Peter, SANDS, Brian, STREETER, Walter (1993) : « Managing the Suburban
Commute : a Cross-National Comparison of Three Metropolitan Areas » (Working
paper, University of California Transportation Center, 64 p.)
La comparaison porte sur la Bay Area de San Francisco, la « Rhein-Main Region », et la
région Ile-de-France. Ces trois zones connaissent des changements structurels majeurs
de mobilités urbaines, en particulier la part croissante des déplacements de suburbs à
suburbs..
Seule la région Ile-de-France, selon les auteurs, aurait mis en oeuvre une nouvelle
planification des transports et des infrastructures adaptée à ce nouveau contexte. Mais
les solutions franciliennes semblent peu applicables dans les deux autres régions, pour
des raisons diverses : principalement des densités périurbaines plus faibles que la
première couronne francilienne ,et des problèmes institutionnels et de financement
public.
34
WACHS, Martin, TAYLOR, Brian D. (1997) : « Can Transportation Strategies Help
Meet the Welfare Challenge ? » (Working paper prepared for the Journal of American
Planning forum on welfare reform, University of California Transportation Center)
Ce texte est particulièrement intéressant. Il admet au départ l’hypothèse de principe des
politiques publiques américaines actuelles, qu’il faut diminuer le welfare et que pour
cela le moyen le plus sûr est de favoriser l’accès aux emplois.
Mais celui ci est pratiquement de plus en plus difficile pour les populations pauvres qui
habitent à proximité des emplois qualifiés des centres villes, ce qui leur est de peu de
secours, et loin des nouveaux emplois moins qualifiés mais accessibles seulement en
voiture.
Les auteurs montrent que les solutions traditionnelles sont de moins en moins utilisables
: les transports publics sont peu adaptés pour desservir les nouveaux marchés du travail
périphériques et, il est très difficile de construire du logement social dans les
communautés suburbaines à proximité des nouveaux sites d’activité.
De fait, les données réunies dans diverses études, montrent que la dépendance vis à vis
des transports publics est un facteur important d’aggravation de la pauvreté.
Aider ces populations très pauvres à accéder à l’automobile serait probablement le
moyen le plus efficace de leur permettre de trouver un emploi. De fait, ceux qui trouvent
un emploi et qui doivent s’y rendre en transports collectifs, s’empressent généralement
dès qu’ils en ont les moyens, d’acheter une voiture qui leur économise temps et fatigue.
Mais aider les pauvres à acheter une voiture est quelque chose de difficilement
admissible aux USA de nos jours, particulièrement dans le contexte des politiques visant
à protéger l’environnement et à réduire l’usage des automobiles. De fait, les
investissements importants dans le transport collectif , en particulier par rail, sont
effectués dans cette perspective de protection environnementale et ne bénéficient
pratiquement pas aux populations pauvres non motorisées qui sont en revanche
touchées plus gravement encore par la faillite des lignes d’autobus classiques (non
rentables et non modernisées).
Le welfare avait pour objectif de réduire la pauvreté, mais la réforme actuelle du welfare
a pour but de réduire le welfare. Le transport doit être utilisé pour permettre aux
pauvres d’accéder aux marchés du travail sur lesquels ils ont une chance de pouvoir
trouver un emploi.
Références bibliographiques , avec en particulier :
ONG, Paul, BLUMENBERG, Evelyn (1997) : « Job Access, Commute, and Travel
Burden Among Welfare Recipients » (Urban Studies)
35
TAYLOR, Brian D. , ONG, Paul M. (1995) : « Spatial or Automobile Mismatch ? An
Examination of Race, Residence, and Commuting in US Metropolitan Areas » (Urban
Studies, 32 [9], pp. 1453 - 1473)
CERVERO, Robert, ROOD, Timothy, APPLEYARD, Bruce (1995) : « Job Accessibility as a
Performance Indicator : An Analysis of Trends and Their Social Policy Implications in the
San Francisco Bay Area » (Working Paper, University of California Transportation Center,
29 p.)
L’accessibilité, comme indicateur des possibilités (opportunities) d’atteindre effectivement
différents lieux retient de plus en plus l’attention, comme complément aux mesures plus
traditionnelles employées dans la planification des transports, notamment les durées
moyennes ou les niveaux de service.
L’accessibilité apparaît en effet selon les auteurs de cette étude comme un outil plus adapté
aux perspectives de la durabilité et de l’équité. Ils font aussi référence aux travaux hollandais
(et au classement en trois zones A, B, C).
L’étude présentée représente une première tentative méthodologique pour mettre en oeuvre
ce concept d’accessibilité dans la Bay Area de San Francisco. Elle fait apparaître assez
nettement que la dynamique du marché, qui a dominé la répartition des emplois et des
logements, a diminué l’accessibilité du marché du travail pour les populations pauvres de
l’est de la Baie et de certains quartiers de San Francisco, qui sont en général « AfricanAmerican ».
Une bibliographie assez importante est jointe à cette étude.
36
THE JOURNAL OF TRANSPORT HISTORY
TURVEY, Ralph, « Road and bridge tolls in nineteenth-century »
(JTH, third series, volume 17,number 2, september 1996, pp. 150 - 164)
Etude très intéressante sur le processus de suppression des péages sur les « turnpikes « et les
ponts a Londres au milieu du dix-neuvième siècle;
La décision est prise par la cité d’abolir les péages en 1854.
Turnpikes : ils étaient pour la plupart radiaux.
Le contexte : développement du trafic, évasion des taxes par les collecteurs, concurrence du
chemin de fer, incommodité, et pénalisation pour les population pauvres qui avaient a
traverser les villes , et surtout la rivière (entre autre pour aller à Battersea Park et traverser
pour ce faire le Chelsea Bridge).
Il y eut une opposition assez vive des paroisses qui tiraient une partie de leurs ressources de
ces péages et qui allaient devoir augmenter leurs autres taxes (notamment sur le charbon).
Problèmes aussi de finir le remboursement des emprunts contractes. D’où une
municipalisation progressive.
HIGGINS, Thomas J.
Congestion pricing : Public polling Perspective
Transportation Quaterly, vol 51, n° 2, Spring 1997 , pp. 97 - 104
Analyse faite à partir de nombreux sondages et enquêtes en GB et aux USA.
-Il vaut mieux , pour obtenir une réponse positive, ne pas mentionner que préciser que cet
argent ira aux transports.
-considéré comme équitable dans la mesure où ce sont les usagers es routes qui payent,
mais comme inéquitable en termes de situation de travail et de revenus.
JOHANSSON, Borje, MATTSON, Lars-Goran (1995) : « Road Pricing : Theory, Empirical
Assessment and Policy » (Boston, Dordrecht, London, Kluwer Academic Publishers, 239p.)
Un ouvrage collectif intéressant, avec des considérations théoriques mais aussi plusieurs
études de cas dans différents pays, et des conclusions pas trop partisanes, soulignant que les
péages ne sont pas des panacées, mais des outils à inclure dans des dispositifs plus complexes.
37
1.4. URBANISME ET TRANSPORTS
McNALLY, Michael G. (1996) : « How Neighborhood Design Affects Travel » (ITS Review,
1995 / Feb. 1996)
L’article de McNally est intéressant surtout parce qu’il révèle des problématiques que l’on
rencontre actuellement aux États-Unis. Le point de départ de sa réflexion est le « New
Urbanism » dont les tenants arguent qu’un urbanisme néo-traditionnel de lotissements
planifiés diminue le trafic et les embouteillages automobiles, car cet urbanisme induit moins
de rues en cul de sac et moins de feux et de stops que dans les suburbs non planifiés, donc
permet une plus grande fluidité ; et que par ailleurs cet urbanisme prévoit moins de gâchis
d’espace par des voiries disproportionnées que les plans en grille habituels dans les suburbs
californiens notamment.
L’auteur qui est professeur au département de Civil Engineering de l’université de Californie
à Irvine ( ville caractéristique pour ses « communautés planifiées ») se livre à de multiples
calculs et arrive à la conclusion qu’effectivement la circulation est moindre et plus fluide à
l’échelle microterritoriale des quartiers, mais que l’impact est nul à une échelle plus grande.
Il en conclut que le design néotraditionnel n’est pas une panacée et qu’il doit être utilisé en
complément avec d’autres politiques comme les péages, le « traffic-calming », la gestion de la
demande et diverses autres mesures de restriction de la mobilité.
EWING, Reid (1995) : « Beyond Density, Mode Choice and Single-Purpose Trips »
(Transportation Quaterly, Fall 1995, pp. 15 - 24)
Dans le cadre du débat sur l’importance des densités dans la diminution des mobilités, Ewing,
montre que c’est surtout l’accessibilité, des activités de niveau régional qui détermine les
déplacements (nombre et longueur), les densités n’ayant qu’un effet beaucoup plus faible.
Pour une revue plus générale de la littérature sur ce type de questions :
BERMAN, Michael Aaron (1996) : « The Transportation Effects of Neo-Traditionnal
Development » (Journal of Planning Litterature, vol 10, N° 4, May 1996)
Voir également l’ouvrage de
BERNICK, Michael, CERVERO, Robert (1997) : « Transit Villages in the 21st century »
(McGraw-Hill, New York, 387 p.)
38
qui milite en faveur d’un urbanisme concentrant les développements autour de noeuds de
transports collectifs.
Le livre décrit des expériences récentes aux États Unis, à Plaisant Hill et a Fruitvale dans la
baie de San Francisco, à Ballston et à Berthesda (Wahington DC) et dans la Mission Valleu à
San Diego ; et dans d’autres paysan,, en Suède, à Singapour et au Japon.
39
Une approche historique intéressante avec
CLIFF, Ellis (1996) : « Professional conflict over urban form : the case of urban freeways,
1930 to 1970 » pp. 262 - 279 in Crobin, Mary and Silver Christopher (eds) « Planning the
Twentieth - Century American City » ( Baltimore, John Hopkins University Press )
Description de la manière dont les ingénieurs ont conçu les périphériques et les radiales à
Chicago et à Détroit, leurs relations avec les planners, les contextes politiques etc. Jusqu’aux
années 1960 où des critiques se sont développées et où les habitants ont réagi...
Sur l’implication des habitants dans la planification des transports, un numéro spécial du
JOURNAL OF ADVANCED TRANSPORTATION, vol. 31, no 2, Summer 1997 :
Special Issue sponsored by the Advanced Transit Association : « Citizen Involvment in
Transportation Planning « (Guest Editor : KHISTY, C. Jotin)
avec des articles sur des expériences dans l’Illinois, en Norvège, au Danemark, à Portland
dans l’Orégon, en Finlande, au Royaume Uni et en Floride.
BART, URBANISATION et TOWNPLANNING
Le BART (sorte de réseau express régional de la Baie de San Francisco) a fait et fait l’objet de
multiples observation, en particulier par les chercheurs de l’Institut des Transports de
l’Université de Californie à Berkeley. Le bart comporte un tronçon unique à San Francisco,
mais se termine dans le sud de la ville sans atteindre l’aéroport (la prolongation est en projet)
et encore moins la Silicon Valley ; de l’autre côte de la baie, le Bart a trois ramifications
principales, mais ne descend pas assez au sud pour rejoindre San José et la Silicon Valley.
Il ressort de façon générale de leurs travaux plusieurs points.
Tout d’abord, le Bart est semble-t-il utilisé de plus en plus par des personnels qualifiés
habitant dans les suburbs et se rendant dans le centre de San Francisco où continuent de se
regrouper les emploi « haut-de-gamme » du secteur tertiaire (banque, finance, assurance,
services de haut niveau : F.I.R.E. pour Fiance, Insurance and Real Estate).
Le Bart est difficilement utilisable par les populations pauvres du centre d’Oakland pour
accéder aux emplois peu qualifiés de la baie.
Les utilisateurs du Bart appartiennent de façon croissante à des jeunes ménages plutôt aisés et
souvent sans enfant ou avec des enfants très petits.
Quelques stations du bart ont attirés des développements immobiliers, mais en nombre
relativement restreint.
L’impact sur la localisation d ‘activités semble dans l’ensemble très faible et ne se traduit pas
par exemple par des hausses de prix immobiliers et fonciers à proximité des stations.
40
De fait, dans de nombreux cas, celles-ci sont plutôt environnées de parkings, par défaut de
politique d’urbanisme volontaire, mais aussi parce que les résidents de ces quartiers ne
souhaitaient pas leur transformation (ni logement collectif pour des familles modestes, ni
activités).
Le « Transit Village Act, AB 3152 », qui devait inciter et aider les villes et les comtés à
développer plus intensivement les zones desservies par des transports publics lourds
(possibilités d’augmenter les impôts dans cette perspective avec subvention
d’accompagnement) n’a pas les effets souhaités en grande partie en raison de la forme sous
laquelle a finalement été voté cette disposition.
Enfin le Bart semble participer de fait à la poursuite et à l’élargissement de la subrubanisation,
car il est de plus en plus utilisé en complément de la voiture individuelle. Il permet donc à des
suburbains d’habiter de plus en plus loin tout en continuant à travailler dans le centre de San
Francisco.
Parmi les références on peut citer :
CERVERO, Robert (1996) : « Transit-Based Housing in the San Francisco Bay Area : Market
Profiles and Rent Premiums » (Transportation Quatrely, Vol 50, N° 3, Summer 1996, pp. 33 49)
LANDIS, John, LOTZENHEISER, David (1995) : « Bart Access and Office Building
Performance » (Working Paper N° 648, IURD, University of Berkeley, 27 p.)
41
JOURNAL OF ADVANCED TRANSPORTATION
SPECIAL ISSUE : Citizen Involvment in Transportation Planning
LANGMYHR, Tore, SAGER, Tore
Implementing the Improbable Urban Road Pricing Scheme
JAT, Vol. 31, N° 2, pp. 139 - 158
L’expérience de la mise sur pied d’une politique de péage urbain à Trondheim est très
intéressante, car c’est grâce a un débat très long et très démocratique qu’une telle politique a
pu être mise en place dans une ville moyenne ou pourtant les encombrements du trafic
n’étaient pas très importants.
Intéressant du point de vue
de la manière dont a été posée la question du péage
de la construction d’une coalition
des modalités d’échange des arguments, positifs et négatifs
de la viabilité de la procédure démocratique
des formes de manipulation qui ont été de fait utilisées
et des résultats.
Il ne s’agissait pas de diminuer la mobilité, mais au contraire de l’augmenter, de créer en
même temps des rocades pour épargner le centre. L’affaire a commencé en 1985.
La mise au point du projet, et en particulier de la localisation des péages; a fait l’objet de
débats participatifs importants.
C’est dans cette période préparatoire que le débat a été de plus en plus marqué par les enjeux
environnementaux.
Puis il y a eu une phase de renégociation.
Conflits et compromis : trois types de préférences.
-Les intérêts pour la mobilité : préfèrent résoudre les problèmes de mobilité en augmentant la
capacité routière ;
-les intérêts pour la réglementation, préfèrent des solutions vertes;
-Les préférences pour « la carotte et le bâton » pensent que l’on peut faire un système qui
soit à la fois efficient et environnementalement « amical ».
Arguments multiples et assez classiques échangés, notamment sur l’avenir du centre qui pour
certains risquait d’être menacé par les nouvelles mesures.
Finalement le toll ring ouvrit en 1991. Une enquête en 1994 montre que le dispositif est bien
accepté.
42
1.5. LE PARATRANSIT
(Transports à la demande)
BLACK, Allan (1995) : « Urban Mass Transit Transpotation and Planning » (McGraw-Hill,
409 p.).
Chapitre 6 : « Paratransit »
A mi-chemin entre le transport automobile et le transport collectif.
Certains experts pensent que le paratransit remplacera progressivement les transports
collectifs classiques partout où les densités sont plus faibles.
Concept plus général, même si au début, très lié au transport de personnes handicapées.
Dial-a-ride ; dial-a-bus ; demand-responsive transit ; demand-actuated transit.
Caractéristiques variées :
dépose au lieu exact de destination ou à proximité.
1. Many to one : les passagers sont collectés chez eux mais déposés au même endroit;
2.Many-to-few : passagers transportés en un nombre limité d’endroits ;
3.Many-to-many : destinations multiples dans une même zone.
Possibilités aussi de variations selon les moments de la journée : aux heures de pointe, collecte
à des points de regroupement par exemple.
Possibilité aussi certains jours de parcours vers les supermarchés.
Utilisation de véhicules variés, de 5 à 15 places.
Le paratransit existe à (Iowa) depuis 1934, à Hicksville (New York) depuis 1961.
Intérêt a grandi quand l’UMTA s’y est intéressé au début des années 1960, et que des grandes
entreprises ont montré inintérêt pour ce type de dispositif.
En 1969, projet de l’UMTA avec le MIT : Car, pour computer-aided routing system.
Expérimentation de ce procédé à Haddonfield (New Jersey) et dans un faubourg de
Philadelphie en 1973.
Puis diverses expériences, notamment à Rochester.
L’Orange County Transit District de Californien s’y intéresse à partir des années 1980, avec
une flotte de 350 véhicules sur une zone de 350 miles carrés. Mais le résultat n’avait pas été
considéré comme fructueux à l’époque.
Le système s’est ensuite développé avec des organisations à but non lucratif et avec des aides
publiques.
Le système pose toutes sortes de problèmes légaux et institutionnels.
Il faut qu’il soit public pour pouvoir bénéficier des aides de l’État (Federal transportation
Administration grants).
Protection spéciale aussi des chauffeurs car ce sont des actions aidé par l’Etat fédéral.
43
Problèmes pour l’affectation de chauffeurs de taxi à ces tâches (avec le DOL, department of
labor)
Très souvent, le Dial-a-ride utilise des travailleurs non syndiqués, qui ont des salaires plus bas
que les conducteurs d’autobus.
Taxi
Jitney : à l’intersection du taxi et de la ligne d’autobus. Suivent des itinéraires fixes, mais
passages non réguliers. Dans quelques villes, ils font des détours pour déposer les gens chez
eux. Ont disparu dans la plupart des villes (compréhensible, dédensification et variabilité).
Mais 0 Chicago, Miami etc. Ont encore une influence significative.
Ridesharing
Carpooling : de moins en moins fréquent. Opinion favorable, mais moins de 1,5 % des
déplacements. Sauf quand des circonstances très particulières.
Raisons multiples et évidentes : contraintes d’horaires et de parcours, dispersion de l’habitat
et du travail, pérégrinations, problèmes de personnalités différentes.
HOV lines (High Occupation Vehicules) pour les aider.
Vanpooling
La 3M Company à Saint Paul a développé un système de ce type depuis 1973.
Houston, capitale de Vanpool ! certaines compagnies pétrolières ont plus de 100 vans
et transportent plus de 5000 personnes par jours.
Dans certains états, il faut des chauffeurs avec des permis spéciaux.
Problèmes multiples de réglementation diverses, d’assurances, d’indemnisation etc.
Souvent le van prend les gens à des lieux de rendez-vous ou de regroupement et pas
exactement devant chez eux.
Surtout organisé par les entreprises, car il faut une organisation centrale pour que cela puisse
bien marcher.
Subscription Bus.
Sièges garantis et quelquefois avec divers services.
Souvent organisé par des entreprises, des organisation communautaires etc.
Commuter clubs ! Le bus ne prend en général pas les gens chez eux mais à des points de
rendez-vous.
44
CERVERO, Robert (1996) : « Commercial Paratransit in the United States : Services
Options, Markets, and Performance » ( The University of California Transportation Center,
Working Paper, UCTC N°. 299, 120 p.)
Ce document est un vibrant plaidoyer pour le développement du paratransit aux États-Unis,
sous forme privée mais en relation avec les autorités locales qui ont des compétences en
matière de transports. Il s’efforce de montrer, le plus systématiquement possible, combien le
paratransit, c’est à dire le transport collectif à la demande, apporterait une réponse tant aux
problèmes de mobilité qu’aux exigences d’ordre environnemental.
Il montre que ce type de transport est viable économiquement, sans subventions publiques, et
que les principaux obstacles actuels à son développement sont d’ordre réglementaire ou/et lié
aux oppositions de divers acteurs (taxis traditionnels et sociétés de transports publics), qui
auraient, selon l’auteur, pourtant intérêt au développement de ce système.
L’étude s’appuie sur des exemples concrets, nombreux et diversifiés, et comprend une
bibliographie très importante. Elle a donné lieu aussi à la publication d’un livre (« Paratransit
in America : Jitneys, Vans, and Minibuses » , Praeger Press, Westport CT, 1996).
Robert Cervero montre tout d’abord que le paratransit n’est pas nouveau et qu’il existe sous
des formes diversifiées, aux USA comme dans un certain nombre de pays en développement.
Les usagers du paratransit aux États-Unis sont assez diversifiés : des commuters qui sont
passés du car-sharing trop contraignant à ce système plus souple ; des immigrants récents qui
avaient l’habitude de ce type de transports collectifs dans les pays dont ils viennent ; des
populations pauvres du centre de grandes villes qui n’ont que ce moyen pour aller dans les
grands centres commerciaux ; des couches moyennes qui s’en servent soit pour rejoindre les
lignes de transports collectifs qui les amènent dans les centres d’affaires des downtowns, soit
pour aller ou venir des aéroports (cf le développement considérable des airport-shuttles).
Il semble que l’un des usages les plus porteurs soit précisément celui qui permettent de relier
un habitant des suburbs ou un habitant non motorisé à un pôle (aéroport, centre commercial,
campus universitaire, stade sportif). C’est ce que j’ai appelé dans la trilogie de la mobilité que
j’ai essayé de définir, la seconde catégorie dite des « déplacements polarisés » ( in « La
République contre la ville »).
Les avantages du paratransit sont, selon Cervero, très nombreux et seuls des barrières
artificielles et corporatistes empêchent son plein épanouissement.
Le paratransit ouvre les choix en matière de mobilité :
-accroît les possibilités de déplacement de ceux qui n’en ont pas beaucoup ;
-augmente le confort et la qualité de transport de ceux qui se déplacent plus ou moins
commodément en voitures individuelles, en transports collectifs ou en combinant les deux ;
-réduit les temps de transport, en diminuant les attentes et les ruptures de charge, et en
augmentant les fréquences.
Le paratransit accroît la mobilité générale,
45
en se substituant aux voitures individuelles, en reportant une partie du trafic sur les voies
réservées au co-voiturage et insuffisamment exploitées actuellement (d’autant que le covoiturage est en diminution forte).
Le paratransit est favorable à l’environnement,
non seulement parce qu’il réduit le nombre des voitures (auquel il se substitue souvent
complètement alors que par exemple le Bart, c’est à dire le RER de San Francisco, est utilisé à
70 % par des gens qui se rendent aux stations en voiture individuelle) , mais aussi parce qu’il
implique un fonctionnement différent des moteurs (à moteurs chauds) moins polluant.
Les petits bus sont aussi généralement moins bruyants que les gros.
Le paratransit est plus efficient économiquement que le transport collectif de masse.
Il s’appuie sur un service effectué généralement par une personne seule (éventuellement en
liaison avec un central). Il limite le coût des dépenses marginales : les demandes
supplémentaires peuvent être satisfaites par des offres non surdimensionnées et successives
(flexibilité). De fait , il est complémentaire des transports collectifs classiques, qui d’ailleurs se
concentrent actuellement dans les villes nord-américaines sur l’amélioration de leurs
performances sur des lignes à forts débits.
Il permet de gérer les heures de pointe à la marge, et de faire face aux périodes creuses sans
contraindre des bus ou des métros à fonctionner presque à vide.
Il devrait donc permettre aux collectivités locales de faire des économies importantes de
subventions.
Le paratransit représente aussi une amélioration potentielle importante pour les habitants
des quartiers pauvres qui sont les moins motorisés, et devrait faciliter leur accès tant au
marché du travail qu’aux centres commerciaux et aux équipements collectifs. Il permettra de
réduire le « spatial mismatch ». De fait, son subventionnement personnalisé pourrait
permettre de renforcer la sélectivité des aides publiques.
Enfin, le paratransit pourrait être stimulé par le développement des technologies nouvelles de
communication (et en retour les stimuler). Le mariage des techniques traditionnelles de
« share-ride » (en crise) avec les technologies avancées, pourrait s’avérer très performant et
permettre le développement d’un porte à porte efficace.
Les « smart shuttles » pourraient aussi être utilisées en étroite coordination avec les métros, et
permettent ainsi le renouvellement des performances de ces transports collectifs classiques.
Cervero traite ensuite des question économiques et des critiques qui sont faites au paratransit,
qui serait une concurrence déloyale pour les autres modes de transports, qui risquerait de les
éliminer, mais d’abandonner ensuite, après leur disparition toutes les zones et tous les
itinéraires les moins rentables.
Ce danger n’est pas complètement inexistant, et il faut donc que les autorités locales, non pas
s’opposent au paratransit commercial, mais le réglementent et passent avec lui des contrats, et
des concessions.
Par ailleurs, il est vrai que le paratransit étant souvent illégal et non déclaré, les conditions de
travail et de sécurité sont parfois très mauvaises. Raison de plus selon l’auteur, pour
l’admettre pour pouvoir le contrôler.
46
Cervero développe pour soutenir le paratransit, un discours très libre concurrence, s’efforçant
de montrer qu’il va dans le sens d’une économie de marché. Cette argumentation est en partie
tactique, car il s’agit surtout de convaincre de son bien fondé des milieux plutôt opposés à la
notion de transport public.
47
L’expérience de Santa Clara
L’un des systèmes les plus avancés de paratransit a été mis en place à Santa Clara , dans la
Silicone Valley (Bay Area de San Francisco).
Elle a été évaluée récemment par une équipe de chercheurs du centre de l’ITS (centre de
recherche de L’Institute of Transportation Studies) de l’université de Berkeley (Ted ChiraChavala, aidé de Christoffel Venter et de Geoffrey Gosling).
Le système initié par la SCVTA (Santa Clara Valley Transit Authority) est un des plus avancé
parmi ceux qui sont développés aux Etats-Unis : il utilise une DGD (digital geographic data
base, autrement dit un SIG), un ATSS ( automated trip scheduling system) et depuis peu un
AVL (automated vehicle location, une localisation par GPS), mais ce dernier a été introduit
après que l’évaluation ait été faite.
Le système a été lancé en 1990 à l’occasion de l’ADA (American Disabilities Act, loi fédérale
qui oblige les autorités locales à prévoir des mesures de paratransit pour les personnes
handicapées, accessibles aux mêmes heures que les autres transports publics existant sur le
même territoire).
Le SCVTA a sélectionné alors une organisation à but non lucratif, l’OUTREACH, pour
explorer les possibilités de développer un système avancé pour le paratransit, et a reçu l’aide
du Caltrans (agence de l’État de Californie pour les transports) pour sa mise en place sur un
territoire formé de 15 cités (une partie importante du sud le l’agglomération qui occupe la
Baie de San Francisco).
Le principe du système est d’affecter les clients aux véhicules disponibles les plus proches et,
autant que possible, de leur faire partager à plusieurs ces véhicules.
Les résultats économiques de ce système ont été rapidement probants, puisque les
investissements ont été amortis par les économies réalisées en moins d’une année. L’économie
réalisée est de 1.53 $ par voyage-passager, soit 0,27 $ par mile parcouru.
Le coût d’un voyage-passager avant l’introduction du système était de 18,13 $ ; il est descendu
à 16.60 $ entre 1993 et 1996. Dans le même temps le nombre annuel de passager-miles a
augmenté de 50 % et les coûts autre que de transport par passager ont chuté de 32 %. Alors
que le nombre de passager miles en van a plus que doublé, son coût de transport a chuté de
24 % ; pour les taxis , le nombre de miles a augmenté de 28 % et les coûts ont chuté de 10 %.
L’avis des clients sur le système est aussi très positif, tant sur la ponctualité que sur la facilité
de réservation.
Les compagnies de taxi ont dans l’ensemble préféré ne pas rentrer dans le système, car les
chauffeurs souhaiter garder la possibilité de ne pas faire que du paratransit, et d’avoir la
possibilité aussi de prendre des clients classiques.
ROUND, Alfred, CERVERO, Robert (1996) : « Future Ride : Adapting New technologies to
Paratransit in the United States » (Working Paper, University of California Transportation
Center, 44 p.)
Matériaux utilisés pour leur plus grand part par Cervero dans son livre.
48
49
1. 6. TRANSPORTS ET ENVIRONNEMENT
Brève
Lors des votes sur les propositions et initiatives soumises à référendum le 2 juin 1998 en
Californie, la proposition « B » déposée dans le comté d’Alameda (Baie de San Francisco) a été
rejetée car elle n’a obtenu que 58,5 % alors qu’il lui en fallait 66,7 pour être retenue. Cette
proposition visait à augmenter la « TVA » locale d’un demi pour cent pour financer la
construction d’une voie supplémentaire réservée au car-pool sur l’autoroute 680, et la
prolongation du BART (sorte de RER de la Baie de San Francisco). L’autoroute 680 est en effet
très embouteillée ce qui handicape les migrants quotidiens de ce comté qui travaillent dans la
Silicon Valley. Les infrastructures actuelles leur permettent de se rendre vers Oakland et le
nord, mais pas vers San José où sont la plupart des nouveaux emplois.
Cette proposition a été combattue très vivement par les organisations écologistes locales qui
s’opposent à la réalisation d’infrastructures de transport nouvelles et plus particulièrement à
toute dépense routière supplémentaire, même destinée au car-pooling. Il semble que les
électeurs des zones non directement concernées par ces nouvelles infrastructures et peu
enclins à payer des impôts locaux supplémentaires, aient apporté la plupart des voix qui ont
permis aux opposants de bloquer cette proposition.
Les défenseurs de cette proposition ne désarment pas pour autant et vont formuler en
novembre un nouveau projet conçu de telle manière qu’il ne nécessite qu’une majorité simple.
Ils arguent que les difficultés dans les transports sont un des facteurs de la hausse des prix de
l’immobilier et des prix, et de dégradation de la qualité de la vie ; et que leur prolongation
pourrait menacer à terme le développement économique régional. Ils citent en exemple le
comté de Santa Clara qui a lui adopté une mesure du type de celle qu’ils ont proposée.
CAMPH, Donald H. (1997) : « Dollars and Sense : The Economic Case for Public
Transportation in America » (American Public Transit Association ; e-mail [email protected])
Petit texte, élaboré dans le cadre de la campagne pour « un transport efficace des personnes
(« Campaign for Efficient Passenger Transportation »), qui s’efforce de démontrer que tout
dollar investi dans les bus et les transports ferrés urbains aurait un retour de quatre à cinq
dollars ...
Dans la foulée, ce texte s’efforce de mettre en pièces dix mythes (négatifs) à propos des
transports collectifs et d’illustrer avec des exemples les performances d’investissement dans le
« transit » réalisés dans des aires métropolitaines.
Auto-free Times.
Changing the transportation climate
50
Il ne s’agit pas d’une revue sur l’automobile et le temps libre, mais d’une revue qui se bat
pour des temps sans voiture, et un autre climat pour les transports (deux jeux de mots).
Le sommaire du n° 13 (winter ‘98) illustre bien le projet et le contenu de ce magazine d’une
cinquantaine de pages :
-le suicide écologique
-critical mass wars
-l’autosexualité et l’auto dépendance (addiction)
-rapport sur la conférence de Kyoto
-le réchauffement de la terre et la menace de la fusion
-la conférence « Car free » de Londres
-pétrole et futur
etc.
Il s’agit d’une revue extrêmement virulente, centrée sur la lutte contre l’automobile, au nom
de la préservation de l’environnement à toutes les échelles.
Adresse de la revue : Fossil Fuel Policy Action Institute
Post Office Box 4347 , Ca, Arcata 95518 , USA
HOLTZ KAY, Jane (1997) : « Asphalt Nation : How the Automobile Took Over America,
and How We Can Take it Back » (Crown Publishers, Random House)
Jane Holtz Kay développe tout d’abord dans cet ouvrage une vaste fresque décrivant la
manière dont l’automobile s’est emparée des États-Unis, de leurs villes et de leurs paysages.
Elle fut tout d’abord non seulement un grand moyen de déplacement et d’autonomie, mais
aussi un progrès environnemental, mettant fin à l’envahissement des rues par les crottins des
chevaux ! Mais elle a entraîné selon l’auteur des coûts croissants de toutes sortes (pollution,
diminution de la mobilité pédestre, inégalités sociales, congestion des grandes artères etc.).
L’ouvrage est assez militant ...
La politique de l’environnement de l’agence fédérale, mise en question par plusieurs états.
The New York Times (10 mai 1998)
La politique de l’agence fédérale EPA (Environmental Protection Agency) qui mène une
action rigoureuse de lutte contre la pollution et qui a la possibilité de s’opposer à
l’implantation d’activités considérées comme polluantes, a été mise en cause par plusieurs
états et collectivités locales. Le débat porte sur la question des droits et conditions de vie des
minorités et populations pauvres.
L’agence jusqu’à présent a suivi les revendications des défenseurs des droits civiques et de
l’environnement, qui mettent en cause l’injustice environnementale qui frappe les populations
les plus pauvres aux États-Unis. En effet, les quartiers où habitent ces populations sont
51
souvent ceux dont l’environnement est le plus pollué, qu’il s’agisse de l’air, des sols ou du
bruit.
Ceux qui critiquent cette politique de contrôle rigoureux, arguent qu’elle rend plus difficile la
localisation dans ces zones des activités qui sont pourtant nécessaires à la création des emplois
dont ont précisément besoin ces populations pauvres et souvent au chômage.
Deux exemples actuels illustrent ce débat : l’implantation d’une unité chimique que Shintech
voudrait construire dans le corridor industriel qui relie Bâton Rouge et La nouvelle Orléans
(en Louisiane) ; et la construction par la Soil Remediation Services d’une usine de traitement
des déchets dans un quartier de Chester , Pa., habité principalement par des populations
noires.
Malgré le renforcement des normes d’émission de polluant, la question des « autorisations de
pollution » reste cruciale dans de nombreux secteurs industriels. La conflit entre les intérêts
environnementaux et les intérêts économiques se pose ainsi très concrètement, non seulement
à un niveau très général, mais à celui des choix qu’ont à faire ceux qui s’efforcent de lutter
contre les inégalités et d’améliorer la situation des populations déshéritées.
En l’occurrence, la solution renvoie probablement à un renforcement des réglementations
antipollution à l’échelle nationale, ce qui aurait déjà pour conséquence de ne pas mettre les
quartiers pauvres devant le dilemme : si nous exigeons trop en matière d’environnement, les
industries iront ailleurs. Toutefois, un certain risque persiste que des secteurs industriels
comme la chimie quittent progressivement le territoire des États-Unis pour des pays moins
concernés par l’environnement et la santé de leurs habitants. Y a-t-il un prix à payer en la
matière pour créer les emplois dont ont besoin ces populations et ces quartiers ?
De nombreuses références aussi sur la mise en oeuvre du Clean Air Act (non recensés ; voir en
particulier les articles de la revue Transportation Quaterly)
et l’ouvrage de Garret et Wachs qui rend plus particulièrement compte du cas de la Baie de
San Francisco.
GARRETT, Mark, WACHS, Martin (1996) : « Transportation Planning on Trial : The Clean
Air Act and Travel Forecasting » (Thousands Oaks, London and New Delhi, Sage
Publications, 232 p.)
52
DEUXIÈME PARTIE
QUELQUES ÉVOLUTIONS
DE LA SOCIETE AMERICAINE
53
2.1. LES TEMPORALITES DE LA VIE QUOTIDIENNE
Brève
Les trois huit... sur trois continents
À partir de deux articles parus dans « The Economist, January » (10 th 1998) et de quelques
informations complémentaires de provenances diverses.
Les grandes institutions financières ont été les premières à s’organiser sur le mode des trois
huit - trois continents, car il leur fallait être capable de suivre successivement et sans
discontinuité dans leurs opérations, les marchés européens, nord-américains et asiatiques.
Mais elles ne sont plus les seules à pratiquer ce type d’organisation. Ainsi, British Airways,
comme un nombre croissant de grandes entreprises de services, oriente vers ses bureaux
américains les coups de téléphone qui lui parviennent trop tard le soir en Europe. Ainsi, BA
n’est pas obligé d’employer coûteusement un personnel spécifique pour répondre à ces appels
qui ne sont pas encore très nombreux, mais dont le nombre augmente pourtant
régulièrement.
Des entreprises d’informatique fonctionnent aussi maintenant en trois huit sur trois
continents, ce qui permet la réalisation beaucoup plus rapide de certains projets, en particulier
l’élaboration de logiciels et leur test. Les équipes de chaque pays sont spécialisées dans des
tâches qui peuvent en partie se succéder. Ce type de démarche nécessite de nouvelles formes
d’organisation du travail et des procédures extrêmement précises, normalisées et codifiées au
sein de l’entreprise. Cela n’est pas toujours facile, ni même possible.
Comme le note ainsi un article récent de la revue McKinsey Quaterly (1/1998 ) les coûts de
télécommunication sont peut-être négligeables, mais les problèmes organisationnels sont
considérables et les difficultés d’ordre culturel apparaissent souvent assez vite : entre les
employés d’une même firme d’abord, et avec les consommateurs ensuite.
Ainsi, la Citybank, qui fut une des premières à lancer un service téléphonique vingt quatre
heures sur vingt quatre, a mis au point un système assez complexe qui oriente les appels selon
leur provenance, voire selon les accents, vers les pays où se trouvent des opérateurs parlant
les mêmes langues. Toutefois, il faut souligner que les appels reçus par la Citybank entre
minuit et six heures du matin sont relativement peu nombreux (trois pour cent aux ÉtatsUnis, 2,5 % au Royaume Uni, 1 % en Belgique. Mais de plus en plus de gens téléphonent après
le dîner, car ils disposent à ce moment là de temps libre pour régler leurs affaires
personnelles.
54
La fin du « neuf à cinq » encourage commerces et services à fonctionner vingt quatre sur
vingt quatre.
Selon une étude faite par Harriet Presser de l’Université de Maryland, dans une famille avec
enfants sur trois aux États-Unis, l’un des conjoints au moins ne travaille plus aux heures
« normales » (de neuf à cinq heures).
Cette évolution touche aussi l’Europe. En Grande Bretagne, Sainsbury et Tasco, les deux plus
grandes chaînes de supermarchés, ont commencé à expérimenter 1997 l’ouverture 24 heures
sur 24, comme cela existe depuis assez longtemps déjà aux USA.
D’autres secteurs s’engagent aussi dans cette voie et rejoignent les hôpitaux, les fournisseurs
d’énergie, la police et quelques autres services ouverts en continu depuis longtemps. Il s’agit
principalement d’entreprises de services financiers, ou liées à l’usage des outils de
télécommunication, mais aussi des commerces variés ainsi que le secteur des loisirs (les loisirs
sont en effet un domaine privilégié pour être organisés, et maintenant achetés, à partir du
domicile et en dehors des heures ouvrables traditionnelles).
l’E-mail joue probablement un rôle de plus en plus important dans cette évolution. Matrixx,
qui est localisé à Cincinnati et qui gère vingt et un centres aux États-Unis et en Europe, a
constaté que les e-mails et appels de nuit qui représentaient 5 % du total de leurs appels il y a
cinq ans, représentent maintenant environ 15 %.
Un autre facteur, plus ou moins inattendu, va selon Terry Wells, un directeur de Sainsbury,
pousser les commerces à ouvrir plus longtemps : ce sont les restrictions à leur expansion dues
aux réglementations urbaines. Le seul moyen d’augmenter la capacité de vente sera alors
d’accroître la durée d’ouverture des magasins et d’accélérer la rotation des stocks.
Références
-Harriet Presser de l’Université de Maryland : étude sur les nouveaux horaires aux États-Unis
.
-Daniel Hamermesh de l’Université du Texas à Austin, économiste qui a publié une recherche
pour le National Bureau for Economic Research sur l’évolution de 1973 à 1991 des heures de
travail. Le travail le week-end a globalement augmenté, mais pas le travail de nuit, qui a
légèrement diminué. Mais cette dernière évolution masque selon lui deux mouvements
opposés : les travailleurs de nuit sont de plus en plus qualifiés, et la baisse du travail de nuit
est due à la diminution des emplois industriels classiques. Peut-être aussi, écrit-il, un certain
type de travailleurs se trouve en meilleure position qu’autrefois pour négocier des horaires
classiques (mais c’est une hypothèse qui semble ne pas tenir pour cette période où le marché
du travail n’était pas si favorable que cela aux salariés en général).
-Gert Wagner, du Deutsche Institut für Wirtschaftsforschung de Berlin, a aussi étudié
l’évolution des horaires de travail et constaté en Allemagne une augmentation du travail le
soir et pendant les week-ends entre 1990 et 1995.
-Simon Folkard, de l’Université de Wales à Swansea, qui a étudié les conditions de travail la
nuit, leurs conséquences sur les taux d’accident et sur la santé.
Voir aussi sur cette même question de la santé, les travaux de « Circadian Information » un
consultant de Cambridge, Massachusetts.
55
ROBINSON, John, P. , GODBEY, Geoffrey (1997) : « Time for Life. The Surprising Ways
Americans Use Their Time » (The Pennsylvania State University Press, 367 p.)
L’ouvrage de Robinson et Godbey, deux spécialistes de longue date des budgets-temps, est un
grand ouvrage de synthèse qui s’appuie sur trois enquêtes qui ont été effectuées sur les
mêmes base à dis ans d’intervalles (1965, 1975 et 1995) et sur une multitude d’enquêtes plus
spécialisées dont certaines sont très récentes (1996).
Il s’agit d’un ouvrage de référence sur l’évolution de la vie quotidienne des Américains.
Le livre est préfacé par Robert Putman qui souligne l’importance de ce type d’analyse et qui
note que les enquêtes comparatives internationales montrent qu’alors que les Américains
disposent de plus de « temps libre » que la plupart des habitants des autres pays, ils
considèrent plus que les autres être très contraints par le temps, être très souvent pressés et
stressés.
De fait, Robinson et Godbey montrent que les gains de temps ont surtout concerné ces
dernières années les jeunes et les vieux, beaucoup moins les gens d’âge moyen.
Mais curieusement, selon Putnam, la croissance générale du temps libre s’accompagne d’une
diminution de la vie sociale et civique. La télévision a-t-elle absorbé tous les gains de temps
libre ? c’est en grande partie ce que pense Putnam, mais nous le verrons, Robinson et Godbey
montrent que les choses sont bien plus compliquées que cela et qu’il n’est pas du tout évident
que, comme le développe Putnam, on assiste à une érosion globale du « capital social ».
Comment les américains font-ils face aux nouvelles contraintes et occupations de la vie
quotidienne, et en particulier au développement du travail féminin salarié ? En dormant
moins ? En accroissant leur productivité dans leurs diverses activités ? En négligeant leurs
enfants ? Comment évoluent les répartitions des tâches au sein des ménages entre femmes et
hommes ? Comment évoluent les différences entre classes sociales ? Voilà quelques unes des
questions auxquelles effectivement cet ouvrage apportent un certain nombre de réponses.
Chapitre 1
Les usages du temps
Ce premier chapitre est consacrée à la réfutation d’un certain nombre de thèses et en
particulier de l’affirmation que les salariés nord-américains seraient de plus en plus sous la
pression des temps contraints (travail et obligations domestiques) et disposeraient
objectivement de moins en moins de temps libre. Ils critiquent ainsi assez systématiquement J.
SCHOR (« The Overworked American, 1991, New York, Basic Books) ; et G. CROSS : « A
Social History Of Leisure Since 1600 - State College Pa, Venture, 1990 ; et du même auteur
« Time is Money : The Making of Consumer Culture », London, Routledge, 1993).
Ils contestent entre autres, les thèses selon lesquelles le partage inégal du travail domestique
perdurait de façon globalement inchangée (Hochshild, 1989), que les enfants recevraient
moins de soin qu’autrefois (Mattox 1990), que les nouvelles technologies permettent de
56
réduire le temps domestique (Bose, 1979) et qu’ils passent de moins en moins de temps à
manger et à dormir (Burns, 1993).
Pour eux, la transformation principale de la société américaine, et dont découlent la plupart
des autres changements identifiés, est le développement du travail féminin salarié : son taux
est en effet passé de 34 pour cent pour les femmes entre 18 et 64 ans en 1960, à plus de 60 pour
cent en 1990. Il y a bien sûr d’autres changements démographiques et sociaux, mais ils sont
souvent second et corrélés à celui-ci (âge du mariage, nombre d’enfants etc.).
Les auteurs s’appuient, notamment pour contester les thèses évoquées précédemment, sur de
nombreuses précisions méthodologiques.
Ils distinguent principalement - et assez classiquement - quatre type d’usages différents du
temps :
-le travail rémunéré : temps échangé (contracted)
-les tâches domestiques et familiales (household/family care), qu’ils considèrent comme du
temps alloué (committed)
-le temps affecté au soins de la personne (personnal time)
-le temps libre.
La troisième catégorie est évidemment la plus contestable, les auteurs le reconnaissent d’une
certaine manière mais ils évoquent les nécessités biologiques de l’existence, qu’ils mettent sur
un même plan: dormir, manger et « grooming ».
Ils débattent ensuite des méthodologies et affirment la supériorité de la leur, celle des
budgets-temps.
Chapitre 2
L’accélération de la vie : « l’approfondissement » du temps (Time-deepening)
Le temps devient le bien de consommation le plus précieux et la rareté ultime pour des
millions d’Américains. En 1996, une enquête du Wall Street Journal faisait apparaître que 40
pour cent des américains le manque de temps était un problème plus important que le
manque d’argent.
Le temps est une création sociale. Selon les auteurs, il a d’abord été défini par l’église et le
commerce. Puis il a été transformé profondément par l’industrialisation, le management
scientifique et « l’industrialisation du temps libre ».Mais ne danse-t-on pas de plus en plus
vite pour pouvoir rester sur place, interrogent Robinson et Godbey. Autrement dit, en faisant
les choses de plus en plus vite, faisons-nous plus de choses ? Quelle interprétation doit-on
faire de cette accélération permanente qui caractérise très largement notre société ?
L ’ « approfondissement » du temps.
La productivité du travail a augmenté. Mais que peut-on dire de la « productivité » de nos
activités de loisirs ? Peut-on chanter, lire, danser plus vite ? Pour Lee Burns, la vitesse est un
critère de sélection des pratiques sociales : ainsi, le chat triomphe sur le chien, car il demande
moins de temps et est plus compatible avec l’accélération de la vie quotidienne!
En fait les gens s’efforcent de faire plusieurs activités en même temps : la télévision n’est ainsi
plus un loisir exclusif d’autres activités : elle reste allumée et les jeunes la regardent de plus en
plus comme ils écoutent la radio, c’est à dire n poursuivant parallèlement d’autres activités.
57
Cela relativise d’ailleurs les résultats des enquêtes qui montrent l’accroissement de l’écoute de
la télévision.
58
Chapitre 3
Comment interpréter la « Time Famine »
De nos jours, l’intensification du temps pourrait laisser croire aux Américains qu’ils peuvent
éviter d’avoir à sacrifier certaines activités à d’autres et qu’ils peuvent tout faire.
Ils s’efforcent en tous les cas de s’organiser de telle façon qu’ils puissent avoir le maximum
d’activités et en cela l’organisation de leurs loisirs ressemble de plus en plus à celle du travail.
L’efficacité devient ainsi un des critères dominants dans l’organisation des loisirs.
Les loisirs qui demandent du temps , de la patience, sont progressivement abandonnés.
La rapidité comme la concision et la brièveté deviennent des valeurs positives, du fast food à
l’article de magazine, du clip vidéo à l’échange verbal.
L’aise et l’abondance sont devenus des valeurs plus importantes pour les américains que la
tranquillité.
L’intensification du temps de travail explique peut-être en partie pourquoi beaucoup de gens
déclare dans les enquêtes qu’ils travaillent de plus en plus alors que leurs budgets-temps
montrent souvent le contraire. De fait, l’écart entre les usages du temps tels qu’ils sont vécus,
et leurs usages effectifs est une question importante sur laquelle les auteurs reviennent dans
un chapitre ultérieur.
Chapitre 4
Comment mesurer les usages du temps.
Connaître précisément comment les gens occupent leur temps est un problème extrêmement
compliqué et beaucoup des méthodes utilisées présentent des défauts majeurs.
Pour mettre en évidence la fragilité des réponses des personnes à qui on demande ce qu’ils
ont fait et combien de temps ils l’ont fait, Chase et Godbey (1963) ont demandé à des membres
d’un club de tennis et de natation étudiant combien de fois ils avaient participé à des activités
au club. Ils ont confronté les réponses aux données du club, qui sont très précises parce qu’il
faut pour jouer se faire à chaque fois enregistré. le résultat est assez impressionnant :les
joueurs ont surévalué leurs activités au club de 100 %.
De fait, les estimations faites par les individus de leurs activités quotidiennes sont souvent
peu utilisables parce que chacun met par exemple un autre sens dans « activité télé » voire
« activité travail », arbitre différemment lorsqu’il poursuit deux activités en même temps,
entre celle qui est principale et celle qui est secondaire, a des problèmes de mémoire, a des
oublis sélectifs, répond en fonction de normes sociales différentes.
La tendance est à surévaluer beaucoup des activités. Verbrugge et Gruber-Baldine (1993)
arrivent ainsi à des semaines de 187 heures, Hawes (1975) avait obtenu une moyenne de 230
heures par semaine, et certaines études faites par Robertson auprès d’étudiants arrivent même
à plus de 250 heures.
Les difficultés en la matière sont aussi liées à l’irrégularité de la vie quotidienne qui cadre mal
avec les modes d’enquêtes généralement utilisés. Ainsi, si on demande aux gens combien de
temps ils passent en moyenne devant leur télé, il vont effectivement donner leur estimation
59
moyenne. Mais il y a des jours où ils ne regardent pas la télé. Il s’agit donc d’une moyenne
surévaluée et c’est cette donnée qui sera pourtant utilisée ensuite pour calculer la moyenne de
l’échantillon.
Il faut donc perfectionner les méthodes, les croiser.
L’outil le plus utile reste le carnet de budget-temps, rempli par les gens eux-mêmes tout au
long d’une semaine. Cette technique peut être complété par des entretiens tout au long de la
semaine, avec vérification et éventuellement des corrections ou des compléments ;
Csikszentmihalyi a utilisé un beeper fonctionnant aléatoirement comme alerte pour l’individu
suivi. D’autres utilisent des « electronic trackers » notamment pour comptabiliser les heures
passées devant la télévision. Des coups de téléphone périodiques ont aussi été utilisés dans
certaines études. D’autres ont plutôt fait du suivi quasi anthropologique, en suivant les gens
dans -presque - toutes circonstances
de la vie quotidienne.
Globalement, le « time diary » reste la technique la plus fiable. Mais elle est lourde et assez
coûteuse. C’est celle qu’ont utilisée Robertson et Godbey.
Chapitre 5
La surestimation de la durée de la « semaine de travail », et l’évolution du travail
domestique.
Figure 6
60
Figure 7
61
Tableau 2
62
Chapitre 6
Les tendances d’évolution des activités domestiques et des soins familiaux (Housework et
Family Care)
Pour des raisons diverses, les enquêtes tendent à surestimer le temps de travail. Les
changements dans la nature et les modalités du travail font ainsi comptabiliser comme travail
du temps passé à autre chose que le travail pendant le travail lui-même (discussions
personnelles, lecture du journal, coups de téléphones domestiques etc.).
Les analyses de Robertson tendraient à prouver que le temps de travail a plus diminué que ne
le font apparaître certaines études.
S’agissant des différences entre genres, elles restent très significatives pour tout ce qui
concerne les activités domestiques. Toutefois, les hommes ont tendance à y participer plus
lorsque les femmes ont un emploi salarié.
Celles-ci passent moins de temps au tâches domestiques que celles qui ne travaillent pas, mais
elles passent à peu près autant de temps aux courses. La différence se fait sur le ménage et sur
les soins apportés aux enfants. [Quand une femme prend un travail salarié, elle réduit le
temps consacré aux soins familiaux (family care) d’un tiers, mais elle passe à plus de temps à
faire les courses et... à s’occuper des animaux de compagnie].
Le ménage n’est pas moins bien fait, car l’homme aide plus et les technologies nouvelles sont
largement mobilisées.
Les femmes et plus généralement les parents, ne passent pas non plus moins de temps
qu’autrefois à s’occuper des enfants, comme cela est souvent dit. Certes, le temps consacré aux
enfants est en moyenne plus faible en 185 qu’en 1965, mais le nombre d’enfants par famille a
beaucoup diminué et le temps parental consacré aux enfant a en moyenne plutôt augmenté.
En revanche , le temps qui leur est consacré dans les ménages unifamiliaux, plus nombreux,
est lui plus faible que la moyenne.
Les différences de genre sont accrues par les différences sociales. Car, plus le niveau
d’éducation est élevé, plus importante est la part prise par les hommes dans les activités
domestiques.
En moyenne toutefois, les femmes passent 40 % plus de temps à faire des courses que les
hommes.
63
Figure 8
64
Tableau 3
65
Chapitre 7
L’évolution du temps consacré aux soins de la personne et au voyage
Par soins de la personne, les auteurs entendent l’hygiène-beauté, le sommeil et les repas.
Ajoutés aux voyages, tout cela fait un amalgame assez curieux, mais qui s’explique par
l’approche assez classique que les auteurs ont du dit « temps libre ». Ils considèrent qu’il s’agit
là de deux activités contraintes et leur conclusion , à la fin de ce chapitre, est d’ailleurs de
calculer le temps qu’il reste à la libre disposition des gens (en moyenne une quarantaine
d’heures par semaine).
Certes, auteurs notent bien que les soins personnels peuvent être aussi considérés comme des
loisirs, mais ils insistent sur le fait que l’on constate peu de différences entre hommes et
femmes et entre groupes sociaux pour ce qui concerne ces soins comme pour le temps de
sommeil. Seules les femmes qui ne travaillent pas passent en moyenne trois heures de plus
pour les soins personnels.
Les soins du corps et le sommeil sont assez stables. Le temps passés aux repas avait
sensiblement diminué entre 1965 et 1975 et il semble s’être stabilisé. Les auteurs notent qu’en
France et en Italie, il n’est pas rare que les gens passent « trois heures par jour » à manger !
Aux Etats-Unis, ajoutent-ils, si le repas dépasse dix minutes, on peut considérer qu’il s’agit
d’une réunion de famille.
S’agissant de l’activité sexuelle, qui est aussi rangée dans ce même chapitre ..., les auteurs font
référence à des enquêtes très systématiques avec de multiples recoupements (Michel et al.
1994, « Sex in America » Université de Chicago), qui montrent qu’en moyenne les américains
et les américaines ont beaucoup moins de relations sexuelles que le notent la plupart des
enquêtes (en moyenne, une fois par semaine).
S’agissant du temps passé en déplacement, les résultats donnent des valeurs assez
sensiblement plus élevées que les de l’US Department of Transportation, principalement pour
le nombre des déplacements quotidiens. Plus on pose de questions, disent les auteurs , plus
on apprend que les déplacements ont en fait été plus nombreux qu’il n’est indiqué dans les
enquêtes spécialisées sur les transports.
Cela noté, le temps de transport semble assez stable, même si sa structure s’est transformée :
30 % pour le domicile-travail, 30 % pour le chauffeuring des enfants et les courses, 30 % pour
les activités de temps libre, et le reste pour les repas et autres soins personnels.
Le temps total de déplacement ne varie pas beaucoup par genre et csp. Il diminue avec l’âge
avec des pointes selon les phases du cycle de vie du ménage. Le temps de transports des
femmes qui travaillent s’est rapproché aussi de celui des hommes.
66
Tableau 5
67
Figure 11
68
Chapitre 8
Les tendances d’évolution du temps libre entre 1965 et 1985
Beaucoup d’observateurs ont l’habitude de dire que les Américains ont peu de temps libre.
Cela n’est pas évident et selon les statistiques utilisées par Robinson, il apparaît que le temps
libre (disponible individuellement) soit passé de 35 heures hebdomadaires en 1965 a40 heures
en 1985 (pour les adultes) et qu’il soit a peu près reste stable depuis.
Bien sur c’est la télévision qui en occupe la majeure partie et son écoute a augmenté dans les
mêmes proportions que le temps libre. Mais Robinson et Godbey notent que ces données sur
la télévision sont a manier avec précautions, car l’allumer ne signifie pas nécessairement la
regarder en continu et par ailleurs les moyennes sont généralement augmenté par la non prise
en compte des jours où elle n’est pas regardée autant que d’habitude (et il y en a
généralement un ou deux dans la semaine).
Cela noté, la télévision apparaît comme un loisir particulièrement adapté à la vie quotidienne
les jours de travail, car c’est une activité immédiatement disponible à domicile, qui peut se
pratiquer même par petites tranches. Or, dans la semaine, beaucoup de gens ne disposent pas
de tranches de temps suffisamment importantes pour avoir d’autres types d’activités.
Le temps libre est réparti inégalement dans la société américaine. Les femmes qui travaillent
ont bien évidemment moins que les hommes qui travaillent ou que les femmes qui ne
travaillent pas. Mais dans ce domaine aussi, le développement du travail féminin salarié tend
à diminuer les différences liées aux genres.
Les inégalités sociales classiques se retrouvent aussi, et l’évolution tend à les accentuer : ceux
qui ont les revenus et les diplômes les plus élevés sont ceux dont le temps libre a le plus
augmenté entre 8965 et 1985.
Pour les âges, on a une courbe en U, les « middle-age » cumulant les obligations
professionnelles et les obligations parentales maximales au même moment dans leur cycle de
vie.
69
Figure 12
70
Tableau 6
71
Tableau 7
72
Tableau 7, 2ème partie
73
Chapitre 9
L’évolution du temps passé devant la télévision et autres médias
Tableau 9
74
Tableau 10
75
Tableau 10,
2ème partie
76
Chapitre 10
Ordinateurs à domicile et usages du temps
Ce chapitre est évidemment d’un très grand intérêt, car le développement de l’usage des
ordinateurs à domicile, et en particulier du web a été beaucoup plus précoce aux Etats-Unis et
y est beaucoup, beaucoup plus avancé qu’en France. Quiconque vit et travaille quelques
semaines aux USA, en particulier en milieu universitaire, prend conscience en effet que
l’ordinateur, l’usage de l’Email et des services sur Internet sont complètement intégrés dans la
vie quotidiennes des couches moyennes supérieures et des jeunes (collégiens et étudiants).
L’email est devenu le complément indispensable du téléphone ; il permet une sorte de
conversation asynchrone, intermédiaire entre la discussion et l’échange épistolaire, et donne
un contenu très particulier aux échanges.
Par ailleurs, il semble que l’on aille assez vite vers une quasi-fusion entre la télévision et
l’ordinateur. Le multimédia progresse en effet rapidement, et à moyen terme une grande
partie des émissions télévisées devraient être accessibles par Internet, et sont déjà accessibles
en tous les cas sur l’écran de l’ordinateur.
La relation entre le téléspectateur et la télé va donc évoluer, devenant à la fois plus singulière
et plus ou moins interactive.
Les études sur les relations entre l’usage du temps et la présence d’un ordinateur connecté au
web ne sont pas encore très nombreuses.
Toutefois, Robinson et Godbey ont pu s’appuyer sur une enquête très détaillé , la « TimesMirror Survey », réalisée en 1995, année où 30 % des ménages américains possédaient déjà un
ordinateur à la maison.
Cette étude montre tout d’abord que l’usage Internet facilite effectivement les contacts entre
personnes qui se connaissent, et que cela est plus important que la production de nouveaux
contacts.
Le second résultat important est que l’usage de l’ordinateur à domicile prend surtout sur le
temps télé classique.
Il n’ampute pas le temps des contacts en face à face.
Il semble toutefois que les usagers de l’Internet téléphonent moins souvent à leurs amis et à
leurs parents pour avoir de leurs nouvelles , ce qui tendrait à prouver que Internet prend en
partie la place du téléphone, mais stimule les contacts directs ( 56 % des personnes
« branchées » ont répondu avoir téléphoné à des mais la veille en 1995, contre 63 % en 1994,
année) , mais qu’en revanche, ils semblent aller voir beaucoup plus souvent des amis ou
membres de leur famille (69 % contre 57 % l’année précédente ont déclaré être aller visiter des
parents ou amis dans la semaine précédente).
Toutes ces données sont encore très parcellaires et l’usage de l’Internet est probablement
encore trop récent et trop limité socialement pour que l’on puisse tirer de cette enquête
beaucoup plus de conclusions.
Toutefois, les auteurs soulignent que l’Internet ne se développe pas au détriment des médias
classiques, en tous cas dans les groupes sociaux plutôt cultivés dans lesquels il est surtout
présent pour l’instant. Ils insistent aussi sur le fait que l’Internet participe au « more-more »
c’est à dire que ceux qui communiquaient déjà beaucoup communiquent encore plus, et que
l’usage des ordinateurs s’inscrit aussi dans le développement d’une société marquée par ceux
77
qui ont et ceux qui n’ont pas (« the have-have not society »), où ceux qui ont de loisirs les ont
tous, et où ceux qui en ont peu, en ont relativement de moins en moins.
Tableau 11
78
Tableau 12
79
Chapitre 11
Le capital social et l’usage du reste du temps libre
Robinson et Godbey, dans ce chapitre, font référence aux thèses de Robert Putman et en
particulier au « déclin du capital social » qui caractériserait l’évolution actuelle de la vie
quotidienne, c’est à dire à la diminution de la vie sociale, de « ses réseaux, normes et
responsabilités ». (PUTNAM, Robert [1995] : Bowling Alone : America’s Declining Social
Capital », Journal of Democracy , 6, January, 65-78 ; et [1995] : « Tuning In, Tuning Out : The
Strange Disappearance of Social Capital in America » (se brancher, se débrancher ;; ou être à
l’écoute ou non), P.S., December).
Les auteurs sont assez modérés dans leur critique, probablement parce que c’est Putnam qui
préface leur ouvrage. Mais de fait, les données qu’ils présentent et qu’ils analysent montrent
que certes la sociabilité « formelle », c’est à dire celle qui est organisée dans le cadre
d’institutions (églises, associations) tend à diminuer, mais que par ailleurs d’autres sociabilités
se développent, en particulier les activités sportives, les hobbies et les activités de
communication qui engendrent en fait des relations sociales (qui participent à la « fabrique
sociale).
De plus, les explications souvent apportées pour expliquer la décroissance des activités
sociales organisées semblent peu pertinentes : ainsi, ce sont ceux qui ont les plus longues
semaines de travail qui passent aussi le plus de temps dans les activités « civiques » et qui
regardent le moins la télévision.
Les auteurs analysent donc l’évolution de 8 activités de loisirs « non médiatiques » : 4 d’entre
elles augmentent : la communication, le sport, les hobbies et l’éducation pour adulte ; 4
régressent : « socializing » (parents et amis), l’activité associative, l’assistance a des
événements culturels et sportifs (diminution d’un quart entre les années 60 et les années 80).
En revanche, il y a développement assez net de la participation a des activités artistiques, de
la visite de musées et d’exposition, du théâtre. Par contre, il y a diminution de l’assistance à
des spectacles musicaux.
Différents « needleworks » se développent aussi (couture, tricotage, bricolages divers) ainsi
que la danse. Enfin tout ce qui est « fitness » connaît un très gros succès ».
80
Tableau 13
Tableau 14
81
Tableau 15
82
Chapitre 12
Contexte pour la prédiction de l’évolution de l’usage du temps
Il y a beaucoup de stéréotypes, largement infondés selon les auteurs, sur l’évolution de
l’usage du temps, tels que : les gens riches font travailler de plus en plus les pauvres ; les
vieux dorment plus que les jeunes ; les américains noirs font plus de sport que les blancs ; le
Sud évolue plus lentement que le Nord.
Beaucoup de ces idées toutes faites sont largement infondées.
C’est en tous les cas ce qui ressort d’une étude globale des corrélations (voir tableau n° 17).
Les différences de genres sont bien sût très importantes, mais diminuent, notamment entre
femmes et hommes salariés.
Les différences de niveau d’éducation sont plus importants que les occupations
professionnelles ou les revenus.
Le statut marital, la phase du cycle de vie, la présence d’enfants à la maison sont des facteurs
très significatifs.
En revanche la localisation joue relativement peu, de même que la saisonnalité. Mais les
activités diffèrent beaucoup d’un jour à l’autre et surtout à l’approche du week-end qui joue
un rôle de plus en plus important.
83
Tableau 17
84
Chapitre 13
Les différences de genres et leur évolution : vers une société androgyne
Le changement sociétal le plus important des États-Unis est très certainement, selon les
auteurs, le changement dans le rôle des femmes.
Selon eux, au delà des différences persistantes qui justifient probablement des analyses et des
actions spécifiques, il apparaît que dans un grand nombre de domaines, les différences entre
hommes et femmes tendent à se réduire. Les domaines qui y échappent encore et où même les
différences parfois s’accroissent sont le shopping, la religion, et l’écoute de la musique. Les
activités où les écarts semblent stables sont le soin des enfants et la vie associative. Pour toutes
les autres activités, les différences régressent.
De plus, il faut noter la rapidité des changements à l’échelle des temporalités des phénomènes
sociaux : le rapport entre temps de travail hommes et celui des femmes est passé en 20 ans de
2,5 à 1,7 ; celui de l’éducation permanente de 2,7 à 1,3 ; celui de la participation à des activités
sportives de 2,6 à 1,9; celui du temps ménager de 0,18 à 0, 50.
D’une certaine manière, on peut se demander, notent les auteurs, si le genre n’est pas en train
de devenir une fausse variable comme l’a été l’âge dans les années 1960-1970 : à cette époque
en effet, on avait tendance à considérer que le comportement des personnes âgées changeait
alors que ce changement était surtout dû au plus haut niveau d’occupation de celles-ci.
De même, on peut se demander si de nos jours c’est le comportement des femmes qui change
le plus, où si ce n’est pas le fait qu’elle travaillent qui est la variable la plus déterminante.
85
Tableau 18
86
Chapitre 14
Les écarts grandissants de l’usage du temps selon les âges
Les différences entre genres et entre groupes sociaux sont un peu atténuées pour les jeunes.
Tableau 19
87
Chapitre 15
Les différences selon les statuts professionnels et les races
Le débat sur les différences raciales est très important actuellement aux États-Unis, et a des
conséquences pratiques, notamment en matière d’ « affirmative action » (discrimination
positive).
Les premières recherches sociologiques « étudiantes spécifiquement les différences raciales
remonte au travail fondateur de Gunnar Myrdal en 1944 (« An American Dilemma »). Près de
vingt ans plus tard, en 1963, le même Myrdal écrivait qu’il pensait que dans les dix années
suivantes, les différences imputables aux races auraient disparu aux États-Unis. Mais en 1968,
le rapport de la National Advisory Commission on Civil Disorders concluait que l’Amérique
évoluait vers deux sociétés distinctes, une afro-américaine, l’autre blanche, séparées et
inégales.
Depuis, les débats sur les convergences et les divergences n’ont cessé de rebondir, les
différences au sein de la société américaines semblant croître dans bon nombre de domaines.
Les analyses sur l’usage du temps reflètent ces débats. Il est souvent difficile de faire la part
du statut (professionnel, qui comprend en partie le niveau d’éducation) et la part de
l’appartenance raciale.
Mais des études multivariées font apparaître d’une part que les différences les plus
significatives, toutes choses par ailleurs, sont dans le domaine de l’écoute de la télévision et de
la pratique de la religion (plus développés chez les noirs américains que chez les blancs). Et
s ’agissant de l’évolution des différences de pratiques, seul le « grooming » semble évoluer de
façon divergente.
88
Tableau 21
89
Chapitre 16
Les perceptions de la pression temporelle
Se dépêcher, est d’une certaine manière, affirment Robinson et Godbey, la conséquence de la
démocratie. Si les gens sont libres de faire ce qu’ils veulent,, leurs désirs ne peuvent que se
multiplier. C’est d’une certaine manière ce qu’affirmait déjà Alexis de Tocqueville, lorsqu’il
écrivait que le problème des Américains avec le temps, était moins de savoir comment ils
allaient l’employer pour le travail et les loisirs, mais ce qu’ils attendaient finalement du temps
lui-même.
De fait, l’étude des perceptions du temps est aussi importante que celle de l’usage effectif du
temps et a pratiquement autant d’implications pratiques. D’autant, que usage et perception
peuvent considérablement diverger.
De fait, toutes les études montrent que la sensation de manquer de temps (« feeling rush) a
sensiblement augmenté depuis les années 190 : en 1965, 24 pour cent des 18 - 64 ans
déclaraient être toujours pressés ; ils étaient 28 pour cent en 1975, 35 en 1985 et trente huit en
1992. Inversement , la proportion de ceux qui déclarent n’être presque jamais pressé a chuté
de 27 à dix sept pour cent.
Le sentiment de stress est inégalement réparti : les femmes salariées l’éprouvent plus souvent,
mais aussi les personnes diplômées et les blancs.
Ce sentiment provoque des réponses assez contradictoires à la question ; seriez-vous prêts à
échanger du temps de travail contre du temps de loisirs (avec diminution corrélative de votre
salaire).
Une autre question a aussi été posée : quelle activité amputeriez-vous si vous aviez
absolument besoin d’une heure par jour (puis de trois) ? La réponse quasi unanime est : la
télévision. C’est cette activité qui apparaît de loin la plus élastique.
Quelques statistiques récentes laissent penser que le sentiment d’accroissement du stress
n’augmente plus voire régresse un peu ces dernières années. Un plus grand nombre de gens
répondent en effet qu’il sont peu dans l’urgence à la maison. Mais ce phénomène est encore
trop récent et trop faible pour que l’on puisse en tirer de nouvelles hypothèses.
(F.A. : dans quelle mesure la société américaine ne s’habitue-t-elle pas à ses nouveaux modes
et rythmes de vie et en particulier au travail féminin salarié ? A-t-elle engendré de nouvelles
pratiques ou s’habitue-t-elle aux nouveaux rythmes du quotidien.
90
Tableau 22
91
Tableau 23
92
Tableau 23
2ème partie
93
Chapitre 17
Quelles sont les appréciations des gens sur leurs activités
Ce chapitre est d’un intérêt plus limité que d’autres, car la nature des informations que l’on
est susceptible de recueillir prête particulièrement à débat. De plus, comme le notent les
auteurs, ils ont disposé de peu de données identiques collectés à des périodes différentes, ce
qui rend encore plus difficile d’apprécier les évolutions.
Toutefois, on peut noter que la télévision, dont l’écoute a pourtant augmenté, vient très
souvent parmi les activités auxquelles les personnes enquêtées déclarent prendre le moins de
plaisir. Les femmes déclarent plus souvent préférer le ménage à la télévision, et les hommes la
place après la cuisine dans l’échelle des plaisirs !
Les chapitres suivant reprennent de façon synthétique des réflexions méthodologiques et des
résultats, présentent des données comparatives (plus ou moins intéressantes, car
méthodologiquement ces comparaisons sont très moyennement convainquantes), et
esquissent quelques réflexions prospectives.
Pour les auteurs, ,il ne fait aucun doute que le temps livre a cru et continuera probablement
de croître. Mais, il n’augmente pas aussi vite que les gens le souhaitent. Surtout, les gens sont
projetés dans une dynamique où ils sont de plus en plus obligés de choisir. La liberté du
temps libre devient l’obligation de choix, dans tous les domaines. Le seul manque à terme,
sera de ne plus disposer de l’option de ne pas avoir à choisir.
L’enjeu principal pourrait aussi se déplacer vers la capacité que nous aurons de pouvoir
ralentir et qui sera peut-être un problème plus important que le manque de temps lui-même.
94
Figure 15
95
SCHOR, Juliet B. (1998) : « The Overspent American. Upscaling, Downshifting, and the
New Consumer » (Basic Books, 253 p.)
Ce livre porte sur la frénésie de consommation qui touche - semble-t-il de plus en plus -les
couches moyennes nord-américaines et leur fait aller au delà de leurs possibilités
économiques réelles (overspent).
Juliet B. Schor, « professeur d’économie des loisirs » avait précédemment publié « The
Overworked American : The unexpected Decline of Leisure »(1992 - Basic Publisher), ouvrage
dans lequel elle s’efforçait de mettre en évidence l’augmentation du temps de travail aux
Etats-Unis, ses conséquences sur la vie quotidienne et en particulier son impact sur la famille
et les relations avec les enfants.
Le présent livre s’inscrit comme une suite logique, dans la mesure où elle s’est efforcée
d’expliquer pourquoi les américains travaillaient de plus en plus et pourquoi certains d’entre
eux commençaient à essayer d’échapper à ce modèle d’overworking et d’over spending, en
cherchant les moyens d’un « downshifting », c’est à dire d’un changement de leur vie dans le
sens d’une diminution de leurs consommations, et par conséquent aussi de leur travail
marchand.
Ce livre traite exclusivement des coches moyennes et moyennes-supérieures, c’est à dire des
groupes sociaux qui ont un pouvoir d’achat relativement élevé qui leur donne la possibilité
notamment d’effectuer des choix de consommation.
L’ouvrage est intéressant, même si certaines de ses analyses sont un peu simpliste. L’auteur
est une économiste qui essaye de faire de la sociologie. Cela se sent. Ses références
sociologiques, anthropologiques, psychologiques sont souvent un peu sommaires. En fait ses
hypothèses s’articulent de la façon suivante :
-la consommation est largement marquée par des soucis d’identification et de compétition
sociale :
-autrefois cette compétition était limitée par des appartenances socioprofessionnelles assez
clairement identifiables et hiérarchisées, et par des proximités immédiates « keeping up with
the Jones », c’est à dire faire aussi bien voire mieux que les voisins ;
-de nos jours, ces références ont largement disparu, pour des raisons diverses, et les individus
se situent plus par rapport aux images de consommation que leur fournissent les médias,
mais aussi le spectacle des magasins eux-mêmes ;
-les individus n’ont plus de repères sociaux et perdent la conscience de leurs limites
économiques (les journaux qu’ils lisent font de la publicité pour des Mercedes ; alors pourquoi
ne pas essayer d’en acheter une !) ;
-le système de cartes de crédit leur fait perdre conscience de l’importance de leurs dépenses.
Les Américains moyens ont ainsi basculé dans une frénésie de consommation. Leur taux
d’épargne s’est effondré en quelques années (3,5 % du revenu ce qui est trois fois moins que
les ménages français, allemands, japonais ou italiens, et deux fois moins que les anglais ou les
hollandais), tandis que leur endettement croissait dangereusement (18% du revenu
disponible). Selon Juliet Schor, c’est cette surconsommation qui est à largement à l’origine de
l’allongement de la durée du travail, car les couches moyennes doivent travailler de plus en
plus pour pouvoir satisfaire leurs envies d’achat. Car il s’agit bien selon l’auteur au moins
96
autant d’une sorte de boulimie d’achats que de véritable consommation, beaucoup des biens
acquis étant peu utilisés.
C’est aussi un sentiment de nécessité qui habite ces groupes sociaux qui ont le sentiment qu’il
faut maintenant plus de 80.000 $ dollars par an (Environ 500.000 francs) pour vivre
correctement.
Cette évolution de la consommation ne répond plus à des modélisations simples, ce qui
complique la vie des spécialistes du marketing, mais selon une multitude de « grappe »s
(plutôt que de groupes sociaux) qui partagent plus ou moins des éléments de « style de vie ».
Juliet Schor évoque aussi le « squeeze » de la qualité de la vie : il faut travailler plus pour
vivre bien, mais ce faisant on vit plus mal.
La dimension ostentatoire de la consommation reste importante, voire s’est renforcée, mais
elle n’explique pas tout, note l’auteur, puisque les sous-vêtements produits par les grands
couturiers connaissent beaucoup de succès et que beaucoup de consommateurs n’ont pas
l’occasion de montrer à d’autres leurs sous-vêtements. Juliet Schor est aussi fascinée par les
consommateurs qui achètent des « marques » alors que celles-ci, par exemple dans les
produits cosmétiques, ne sont souvent pas de qualité meilleure que d’autres produits
beaucoup moins chers, et que personne ne peut voir de l’extérieur une quelconque différence.
Juliet Schor pose alors la question de l’identification et de la distinction, mais en termes très
sommaires. Elles utilise les résultats des enquêtes et expériences qu’elle a elle-même réalisées,
et les résultats d’autres travaux. Elle essaye de savoir à qui chacun se compare (les amis, 28 %,
les collègues, 22%, la famille, 12 %, les voisins 2 %, les gens faisant le même genre de travail, 9
%, ayant la même religion, 11 % , les autres 15 %). La démarche n’est pas sans intérêt, mais la
méthodologie employée laisse beaucoup à désirer.
Elle note aussi le fait que les consommateurs ne se rendent plus compte de leurs dépenses,
qu’ils expriment de plus en plus souvent que ce qu’ils achètent, c’est aussi pour leurs enfants,
qu’une partie de plus en plus importante des achats se fait sous le motif du cadeau (aux autres
comme à soi-même ; elle traite de la spirale de la réciprocité de façon un peu simpliste) . elle
identifie aussi quelques corrélations, comme par exemple entre le temps passé devant la
télévision, toutes choses égales par ailleurs et l’importance de la consommation (cqfd).
Les deux derniers chapitres sont consacrés à ces nouveaux consommateurs qui s’efforcent de
rompre avec cette frénésie des achats et du travail. Ceux-ci valorisent tout ce qui est naturel,
cherchent les magasins les moins chers, revendent les objets et vêtements dont ils ne se
servent plus, achètent d’occasion, s’efforcent autant que possible de réparer plutôt que de
renouveler, tricotent leurs pulls etc. Comme le note Juliet Schor, cette nouvelle consommation
devient elle-même un mode de distinction.
Enfin l’auteur dit ce qu’il faudrait faire pour favoriser ce « downshifting » :
contrôler son désir (sic), créer un nouveau symbolisme rendant démodé la recherche de
l’ »exclusif » , apprendre à partager, déconstruire le système commercial et éduquer les
consommateurs, lutter contre la « Retail Therapy » car dépenser entraîne de la dépendance,
décommercialiser les rituels, donner plus de valeur au temps disponible...
97
Quelques références bibliographiques tirées d’une liste très longue :
-ACKERMAN, Franck et a.a. (1997) : « The Consumer Society » (Washington, Island Press)
-Center for a New American Dream (1997) : « Holiday Spending Poll » (Takoma Park, Md.)
-DOUGLAS, Mary, ISHERWOOD, Baron (1996) : « The World of Goods : Towards an
Anthropolgy of Consumption » (London , Routledge)
-HOLT, Douglas B (1997) : « Postsutructuralist Lifestyles Analaysis : Conceptualizing the
Social Patterning of Consumption in Postmodernity » (Journal of Consumer Research 23,
March, pp. 326 - 350)
-SAMUELSON, Robert (1995) : « The Good Life and Its Discontents : The American Dream
in the Age of Entitlment. 1945 - 1995 » (New York, Times Books)
-SCHMIDT, Leigh Eric (1995) : « Consumer Rites : The Buying and Selling of American
Holidays (Princeton, Princeton Universuty Press)
-SCHOR, Juliet B. (1998) : « New Strategies for Everyday Life : The Impact of Globalization
on Time and Consumption » ( Time and Society 7 - I-, pp. 119 - 127)
-TURROW, Joseph (1997) : Breaking up America : Advertisers and the New Media World »
(Chicago, University of Chicago Press)
98
FROW, John (1997) : « Time and Commodity Culture : Essays in Cultural Theory and
Postmodernity » (Clarendon Press)
Livre assez intéressant, avec beaucoup (trop) de références théorico-bibliographiques,
évoquant la question d’un monde désynchronisé et la fin d’une histoire unique : mais à la
différence de Fukoyama, pas la fin de l’histoire, mais le développement d’histoires multiples.
Un bon chapitre sur le tourisme, sa nature complexe, avec une critique pertinente de Marc
Augé et de sa thèse sur les non lieux.
Une présentation simple (un peu simpliste même) des mots et notions clefs du modernisme et
du postmodernisme.
99
HOCHSHILD, Arlie Russel (1997) : « The Time Bind. When Work Becomes Home and
Home Becomes Work » (Metropolitan Books, 316 p.)
L’auteur a poursuivi la réflexion engagée dans son précédent livre: (« The Second Schift :
Working Parents and the Revolution at Home ») en étudiant dans une grande entreprise
américaine comment les salariés, hommes et femmes, étaient de plus en plus dépendants de
leur travail, y consacraient de plus en plus de temps et étaient de ce fait conduits à délaisser la
vie familiale et en particulier à s ’occuper beaucoup moins de leurs enfants.
L’étude a porté sur le suivi pendant une assez longue période d’un groupe d’employés et sur
la succession des différentes politiques managériales dans leur entreprise.
Au début des années 1990, l’entreprise, confrontée à un turnover trop important, a engagé
une politique « family-friendly » visant à aider les salariés hommes et femmes à faire face à
leurs obligations familiales, soit en leur procurant des aides (création de crèches par exemple)
soit en facilitant les congés spéciaux (maternité et paternité par exemple) et les aménagements
d’horaires (plus flexibles et travail à temps partiel).
Pourtant ces politiques ont eu peu d’effets sur le temps de travail des salariés qui a continué à
augmenter assez sensiblement et a atteint 47 heures en moyenne par semaine.
Cette évolution a concerné les femmes autant que les hommes.
Les entretiens ont montré que les raisons sont diverses, mais que la peur de perdre son travail
et le souhait de se rendre indispensable et très efficace ont été les motivations principales.
Cela est particulièrement vrai, semble-t-il pour les hommes. Mais les femmes ont également
manifesté, par leur « ardeur » au travail, le souhait d’être des travailleurs à part entière et
d’avoir autant que les hommes de véritables carrières professionnelles.
Le résultat dans l’ensemble montre que la vie familiale est devenue de plus en plus difficile et
que les salariés vivent sous des contraintes croissantes.
L’histoire est d’autant plus triste que cette politique family-friendly n’a pas empêché
l’entreprise en question de lancer une grande opération de réingéniering et de « downsizing »
à l’occasion de laquelle elle a licencié plus de 10 % de ses salariés et notamment quelques-uns
de ceux qui avaient été suivis par l’auteur et qui avaient consacré de plus en plus de temps au
travail.
Arlie Hochshild conclut sur la nécessité de développer un grand mouvement social sur cette
question du temps de travail, mais un mouvement qui ne soit pas centré sur les entreprises
car, l’enjeu pour elle n’est pas seulement la diminution du temps de travail, mais la nécessaire
prise de distance avec le travail, un sorte de désimplication partielle.
Elle pense que les mouvements féministe se sont trop centrés sur l’autonomie et l’égalité de la
femme et pas assez sur un projet de rapport différent au travail, qui ne sacrifie pas le reste de
la vie et en particulier la vie familiale et les enfants.
Ce livre, qui est une enquête précise et vivante, est intéressant et très significatif de la
situation et des débats actuels aux États-Unis : la durée du travail a tendance à augmenter
(environ 44 heures hebdomadaires actuellement, avec une douzaine de jours de vacances en
moyenne seulement), le travail féminin est presque l’égal du travail masculin, et la morale
familiale continue de peser très fort.
100
NIPPERT-ENG, Christina, E. (1996) : « Home and Work. Negotiating Boundaries through
Everyday Life » (The University of Chicago Press, 325 p.)
Cet ouvrage à la fois est très stimulant, mais laisse aussi parfois le lecteur sur sa faim.
Le thème de cet ouvrage est tout à fait passionnant. Il s’agit d’une étude sur la manière dont
les gens qui travaillent établissent ou non des frontières ou/et des relations entre l’univers du
travail et celui de la maison. L’auteur développe la notion de « boundary work » c’est à dire
de « travail de séparation » ; mais comme la formule le dénote, Christina Nippert-Eng
développe plutôt une approche de type psychologique. Toutefois, l’enquête est fondée sur des
entretiens avec soixante-dix personnes appartenant à la même entreprise. Mais on sait peu de
choses de chacune des personnes interrogées, de leur travail et de leur famille. Le résultat est
hybride, un peu psycho-socio, un peu socio, un peu anthropologique. Comme par ailleurs
l’auteur n’a jamais interrogé les personnes rencontrées sur l’évolution de leurs pratiques, et
qu’aucune donnée plus globale n’est présentée, on reste assez fortement sur sa faim. De plus,
la classification est un peu sommaire, entre deux pôles : ceux qui segmentent fortement leur
vie entre travail et maison, et ceux qui intègrent les activités-temps-objets liés au travail et à la
maison.
L’ouvrage n’est toutefois pas inintéressant et donne envie de poursuivre autrement les
investigations et réflexions engagées.
Dans l’introduction, Christina Nippert-Eng disserte assez longuement d’un point de vue
théorique et historique sur les origines et les raisons de la séparation entre travail et maison, et
sur le parallélisme avec le découpage homme-femme, public-privé.
Elle évoque la représentation instrumentale actuelle du travail, qui est presque exclusivement
considéré comme devant procurer les moyens de la vie hors travail, et elle souligne la
difficulté à imaginer que des valeurs de l’une des sphères puissent être aussi présentes, voire
inversées dans l’autre sphère : et si certains travaillaient d’abord pour le plaisir, la maison et
la famille n’étant que les moyens du travail ?
Dans le premier chapitre intitulé « les territoires du self : identification de la frontière maisontravail », l’auteur analyse -assez superficiellement, mais de façon intéressante - divers
moments et instruments de ce travail de séparation (ou d’intégration). Elle étudie en premier
lieu les calendriers et agendas qui reflètent la manière dont les gens séparent ou intègrent
leurs diverses sphères d’activités (agendas unique, grand agenda professionnel plus agenda
de poche domestique, calendrier mural sur lequel on marque les moments les plus importants
etc.). La manière dont les gens assemblent les clefs (en un ou plusieurs porte-clefs) apparaît
aussi comme un indice de ce travail de séparation. Les vêtements, spécialisés ou non, dont on
change ou non quand on arrive au travail ou quand on rentre chez soi, expriment également
le degré de séparation ou d’intégration travail-maison.
Les sacs, les portefeuilles et porte-monnaie, les façons de s’alimenter sur le lieu de travail
(notamment seul ou en groupe, en emportant de chez soi de quoi manger etc.), les carnets
d’adresses, les photographies et les cadeaux, la lecture, les pauses, les vacances, sont autant de
pratiques rapidement esquissées et analysées.
Le second chapitre est intitulé « l’ingénierie cognitive : la construction de liaison (bridging)
entre temps, espace et self ». L’auteur y étudie non plus la construction des frontières, mais
leur passage permanent et ritualisé. Elle emprunte d’ailleurs à Van Gennep sa définition des
rites de passage et la distinction entre trois temps : la séparation, la transition et
101
l’incorporation. Ce chapitre, sans apporter des éléments totalement nouveaux, est toutefois
très intéressant. Christina Nippert-Eng souligne l’importance de la transition, et en particulier
donc d’un temps de transport. La distance physique et temporelle est très importante et très
différenciée selon que l’on a à faire à des individus « intégrateurs » ou « séparateurs ».
L’auteur souligne que le temps de l’aller au travail et celui du retour sont très différents et que
cela ne tien pas seulement à la fatigue accumulée pendant une journée de travail : se rendre au
travail et se rendre à la maison sont en effet des actes différents.
Elle étudie aussi les Hellos et les Good Byes, qui prennent des formes variées (embrassades,
mais aussi toutes sortes de « snacks », la tasse de café en arrivant au travail, le verre d’alcool
au retour, qui n’ont pas seulement des fonctions chimico-biologiques, les changements de
vêtements et les toilettes, qui n’ont pas que des explications fonctionnelles).
L’importance que l’auteur accorde à cette notion de « bridging » et aux fonctions de ces temps
et activités de liaison ou de séparation, est évidente dans le domaine des transports où elle est
trop souvent négligée (dans les analyses comme dans les conceptions et les pratiques des
transporteurs).
La troisième partie est consacrée à la manière dont les individus intègrent les contraintes du
travail et s’en accommodent. Ce chapitre est moins intéressant. Il évoque, mais sans se donner
les moyens d’approfondir, les différences entre les diverses catégories de personnels (les
techniciens et les chercheurs au sein du laboratoire étudié) et surtout les différences entre les
chercheurs américains et les chercheurs européens, les premiers travaillant plus et intégrant
plus travail et hors travail. L’auteur note que les conditions de travail aux États-Unis rendent
possible pour les chercheurs de travailler 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 ; ce qui n’est pas le cas
en Europe ...
Le quatrième chapitre traite principalement des contraintes domestiques et de la manière
dont elles jouent sur la frontière entre travail et maison. De fait, l’auteur met surtout en
évidence l’importance du cycle de vie, et plus particulièrement l’âge des enfants. Ainsi, la
frontière entre travail et maison est plus étanche lorsque les enfants sont petits, les parents
passant le moins de temps possible au travail. Toutefois, les discussions avec les collègues sur
les enfants sont aussi une remise en cause de la l’étanchéité de la séparation travail-maison.
Enfin, l’auteur traite aussi de l’impact du cadre physique (l’espace du logement) sur les
modalités de séparation et d’intégration de la sphère domestique et de celle du travail.
Le cinquième chapitre enfin est une monographie qui permet à l’auteur d’entrer dans un très
grand détail d’analyse.
En résumé, un livre insatisfaisant par bien des aspects, mais pourtant très stimulant et qui
pourrait aider au renouvellement des analyses des mobilités en enrichissant les approches des
relations entre la sphère du travail et celle de la maison. Il s’inscrit de fait dans une
perspective de renouvellement des approches des déplacements en aidant au passage des
problématiques classiques des transports à une problématique de la relation entre les diverses
activités sociales, dont le transport et l’un des instruments,, mais aussi l’un des moments.
102
GIBIAN, Peter (ed.) (1997) : « Mass Culture and Everyday Life » (Routledge, 304 p.)
Cet ouvrage reprend un certain nombre d’articles publiés au début des années quatre-vingt
dans la revue TABLOID - maintenant disparue- et quelques articles plus récents dont certains
ont été écrit spécialement pour ce livre.
La démarche de ce livre, et plus généralement celle de TABLOID, est très intéressante. Elle
s’inscrit à la fois dans une perspective critique par rapport aux idées dominantes dans les
années soixante-dix sur la société de masse, soit très optimistes, soit au contraire très critiques.
Les auteurs prennent en effet « au sérieux » les nouvelles pratiques de consommation,
s’interrogent sur ce qui fait leur succès, sur ce qu’elles véhiculent, révèlent, sur leurs effets
aussi, tout en rejetant des approches trop simplistes en termes de « manipulation » et de
« pouvoir » issues en particulier de l’école de Francfort, de Foucault (même si leurs références
à ces courants de pensées sont très présentes. Georg Simmel, Thorstein Veblen, Walter
Benjamin sont souvent cités, de même que Roland Barthes, Jean Baudrillard, Michel de
Certeau, Hans Magnus Enzensberger et bien sûr Raymond Williams).
La revue TABLOID est aussi très politique. Elle se veut de gauche, mais d’une gauche qui
prend en compte les transformations structurelles qui sont intervenues ou se développent
dans la société contemporaine.
Ce courant de pensée, structurée de façon éphémère autour de cette revue, est aussi très
proche évidemment de tout le courant des études culturelles développé notamment autour de
ce que l’on a appelé l’école de Birmingham (initiée par les travaux de Richard Hoggart et de
Raymond Williams).
Les travaux de TABLOID ont donc beaucoup porté sur les pratiques culturelles. Les films et la
musique en particulier ont fait l’objet de leurs analyses, la consommation artistique, la radio et
la télé, la place des animaux domestiques dans la vie quotidienne (et leur utilisation par les
médias), la danse.
A noter enfin un article plus volumineux que les autres dans ce livre, écrit par l’ editor Peter
Gibian en 1982 sur les centres commerciaux et intitulé « The Art of Being Off-Center.
Shopping Center Spaces and the Spectacles of Consumer Culture » (pp. 238- 291).
Cet article, même s’il a été révisé pour l’édition de cet ouvrage, date un peu par certaines de
ses considérations sur la dernière génération des centres commerciaux. Mais il n’en constitue
pas moins une réflexion tout à fait intéressante, dans le droit fil des observations et analyses
de Walter Benjamin sur les Passages Parisiens.
L’auteur part de l’analyse d’une sculpture de Michael Snow qui trône à l’entrée de l’Eaton
Centre, qui est un grand centre commercial de Toronto. Cette sculpture, intitulée « Flight
Stop » représente immobile un groupe d’oies sauvages en plein vol. Pour Peter Gibian, cette
oeuvre d’art exprime parfaitement l’ère « proto-cinématique » dans laquelle nous sommes
entrés et dont les centres commerciaux sont une des expressions les plus achevées
actuellement.
Ceux-ci sont fondés sur le spectacle du mouvement (de la foule, de l’eau) et sur le mouvement
(les escaliers mécaniques, les ascenseurs aux parois vitrées).
103
Peter Gibian resitue cette génération des nouveaux grands centres commerciaux dans une
histoire en cinq phases.
La première débute dans les années vingt en Californie avec les premiers centres
commerciaux fondés sur le stationnement automobile (voir notre autre note de lecture sur les
rapports entre commerce et automobiles aux États-Unis et en particulier à Los Angeles) ;
-La deuxième étape est celle de ‘invention des centres commerciaux piétonniers, à la fin des
années quarante et dans les années cinquante, dans lesquels les voitures sont complètement
rangées à l’écart et dans lesquels sont regroupés plusieurs magasins, grands et petits. C’est
une étape de centralisation, avec généralement un propriétaire unique du centre. C’est le
« turning-back », le centre se détournant de la rue et de la voiture, que l’on doit tous deux
oublier.
-La troisième phase, c’est le « tuurning Inward » : le centre veut se faire ville ou tout au moins
village, il se fait aussi marché. Il essaye de créer ou recréer une ambiance urbaine intérieure.
Les noms des centres témoignent aux Etats-Unis de cette volonté à faire lieu quasi
traditionnel.
-La quatrième étape, représente un autre type de changement. Il ne s’agit plus seulement de
créer une ambiance favorable aux achats, il faut que se promener dans ces centres deviennent
un plaisir en soi. Il ne faut pas oublier, qu’aux États-Unis plus qu’ailleurs, ce sont encore les
femmes qui dans les années soixante-dix constituent la clientèle de loin la plus dominante de
ces centres, car l’emploi féminin salarié ne s’y est développé que sensiblement plus tard qu’en
France et que dans la plupart des pays européens. Le centre n’est plus pensé comme un décor
propice aux impulsions d’achats, mais sur le modèle du « carnaval » c’est à dire d’un
déguisement ludique du cadre de la consommation.
Mais le centre commercial n’est plus seulement inward-turned, mais aussi introverted. Peter
Gibian détourne à ce propos la formule de McLuhan en écrivant ; « Les Malls ne sont plus une
partie de la communauté, mais la communauté elle-même ». En tous les cas, le centre
commercial est conçu comme un « amusement park ».
C’est aussi un monde à part : l’air conditionné central y est généralisé et si des ambiances
climatiques sont artificiellement créées, elles n’ont rien à voir avec le climat effectif de la
région (d’autant qu’il est souvent assez extrême...).
-Gibian termine sur une cinquième étape qui est le retour des grands centres commerciaux
dans les downtowns, cette fois non plus sur deux étages (précédemment le maximum), mais
sur plusieurs étages. En fait, cela correspond bien à une dynamique assez forte aux États-Unis
dans les années quatre-vingt de requalification de certaines parties centrales des grandes
villes. De fait, cette requalification n’a pris que dans les très grandes villes qui avaient un
certain « patrimoine » et une mémoire de centre-ville. Dans les villes moyennes de l’Ouest ou
du Middle-West, cette dynamique n’a pas pris. Et ce sont deux autres types de centres
commerciaux qui ont vu le jour : les centres étendus avec regroupements multiples
(commerce général, commerce alimentaire, cinémas) et système de parkings multiples) et les
centres gigantesque, véritables parcs d’attraction (l’exemple le plus significatif est le Mall of
America à Minneapolis, qui fait plus de 500.000 mètres carrés).
Toutefois, ce qui est intéressant dans l’analyse que Gibian fait de cette dernière phase, est
l’importance prise par la dimension touristique, et tout ce que cela entraîne dans la conception
architecturale et urbaine de ces centres (en particulier, dans la manière de recréer des
104
ambiances urbaines avec des terrasses de café, le rôle des plantes et de la mise en scène de la
nature (d’une sorte de nature...).
De fait, et c’est une question que l’on peut se poser à la suite de la lecture de ce texte, la
consommation, ou tout au moins les achats, sont-ils encore décisifs dans la conception et le
fonctionnement de ces centres. L’enjeu est de faire venir le consommateur. Comme on trouve
les mêmes magasins et en gros les mêmes prix avec les mêmes soldeurs et autres outlets, c’est
sur d’autres registres qu’il faut jouer. Ce qui peut faire la différence n’est plus la marchandise
elle-même, son prix, sa qualité, d’autant que tous ces centres abondent.
Ce n’est plus, dans les villes américaines en tous les cas l’accessibilité : tous les centres sont
accessibles facilement en voiture en quelques minutes et sont sans problèmes de
stationnement (sinon, ils meurent très rapidement). Ce qui fait la différence, c’est tout ce qui
n’est pas traditionnellement essentiel au commerce, car l’essentiel traditionnel (l’accessibilité
et le rapport qualité-prix) est ce qui est le plus complètement partagé. Dans ce marché de plus
en plus parfait, les registres de la concurrence se sont déplacés : la mise ne scène, l’accueil des
commerçants, les librairies (Barnes et Noble, Border) où l’on peut lire tranquillement sans
acheter etc.
105
WOLFE, Alan (1998) : « One Nation After All. What Middle-Class Americans Really Think
About God/Country/Family/Racism/Welfare/Immigration/Homosexuality / The Right / The
Left / And Each Other. (Viking Penguin,359 p.)
Le titre du livre, très long et très aguicheur, donne déjà une idée du projet et du contenu de
cet ouvrage qui a engendré des débats importants dès sa publication.
Alan Wolfe est professeur de sociologie à l’université de Boston. Il a publié de nombreux
ouvrages et collabore à plusieurs quotidiens américains.
J’ai lu avec d’autant plus d’attention ce livre, que les travaux sociologiques nord-américains
sur les couches moyennes sont très peu nombreux actuellement, alors que dominent les
études sur les femmes (en particulier seules), les gays, les noirs, les hispano-américains, les
personnes handicapées, les personnes âgées, les populations des downtowns. De fait, et nous
reviendrons ultérieurement sur ce point, la notion de classe moyenne est bien contestable, et
la famille « classique » américaine sensée la composer (un couple marié avec deux enfants) ne
représente plus qu’une minorité de la population.
Partant du constat que la référence à une classe moyenne est un élément très important de la
vie américaine et de ses idéologies politiques, notamment dans l’après-guerre, et que de
toutes parts on évoque la disparition ou la crise des couches moyennes et de leurs système
global de références, Wolfe s’est lancé dans une grande enquête auprès de centaines de
ménages habitant des suburbs « moyens » un peu partout en Amérique.
Il s’est efforcé de savoir ce qu’il en était de l’état d’esprit, des « mentalités » écrit-il même de
ceux que l’on considèrent généralement comme des membres de la classe moyenne.
Certes, cette notion de classe moyenne est contestable, note Wolfe, et il est difficile , même si
on en accepte le principe, d’en définir les bornes. Mais, par rapport au propos qui est le sien, il
suffit selon lui de considérer qu’appartiennent à la classe moyenne ceux qui déclarent y
appartenir, soit à peu près de 90 % de la population américaine !
La question théorique étant ainsi « réglée », le principe du livre de Wolfe, très efficace par
ailleurs, est de jouer sur deux registres, qui lui permettent de conclure en toutes occasions,
d’abord que la classe moyenne existe encore et partage beaucoup de valeurs, ensuite que cette
classe moyenne n’est pas aussi réactionnaire que le disent tant les idéologues libéraux que les
républicains les plus conservateurs, mais qu’elle est néanmoins critique ou inquiète face à des
dérives de la société américaines. Wolfe nous décrit en fait une classe moyenne très moyenne
dans ses opinions, loin des extrêmismes, plutôt tolérante, ne souhaitant pas encourager
certaines évolutions (des moeurs notamment) mais n’étant pas prête non plus à s’y opposer
par tous les moyens.
C’est évidemment une vision très optimiste de la société américaine qui nous est proposée là,
qui entend démontrer que la Nation américaine reste forte, cohérente et capable de digérer les
diverses couches d’immigration comme de traverser les crises.
Surtout, Wolfe conteste le « retrait sur leur vie privée » ( middle-class private withdrawal )
des membres de ces couches moyennes, leur égoïsme que l’on considère à tort comme
croissant. La gauche, en s’accrochant au Welfare se trompe, car ce qui est en jeu ne serait pas
l’aide aux plus pauvres - qui serait admise globalement par les couches moyennes - mais
l’entretien d’un groupe permanent de pauvres par un système déresponsabilisant. La droite
106
se tromperait aussi, en croyant que les couches moyennes se désintéressent des pauvres et
qu’elles voudraient leur refuser tout concours, car les idéaux traditionnels de l’Amérique
moyenne et profonde sont toujours vivants : la responsabilité personnelle, la réciprocité, la
générosité.
Le projet politique d’Alan Wolfe est donc assez clair et on pourrait le qualifier de
conservatisme tolérant. Toutefois, au delà de ses a priori évidents et souvent très
encombrants, ce livre n’est pas sans intérêt, et les tableaux qui présentent les résultats de
l’enquête sont souvent très intéressants. D’ailleurs, ils assez souvent à l’encontre de la thèse
défendue par l’auteur !
La plupart de ces tableaux présentent les réponses à des questions selon que les personnes
enquêtées sont fortement d’accord, d’accord, pas d’accord, en total désaccord. Or, il apparaît
que le plus souvent les réponses se répartissent très majoritairement sur trois opinions.
Par exemple à l’affirmation « l’Amérique est devenue trop athée et a besoin d’un retour à une
croyance religieuse plus forte », 15 % approuvent fortement, 35 % approuvent, 30%
désapprouvent, et 7% désapprouvent fortement (le reste n’ayant pas d’opinion). La thèse
« one nation after all » tient donc mal devant de tels résultats. Mais l’auteur, utilisant
fréquemment ce procédé rhétorique, affirme qu’au contraire, il n’y a pas une opinion très
tranchée des couches moyennes sur ce point et en profite pour renvoyer les libéraux et la
gauche dos à dos.
D’autres tableaux permettent des réponses moins tirées par les cheveux. Il apparaît ainsi que
le rapport à la religion des américains a changé, et que l’important pour eux est plus que les
gens soient croyants et pratiquent une religion, plutôt que de défendre les couleurs d’une
religion en particulier. De fait, Wolfe montre que le choix religieux est pratiquement rentré
dans le marché : les gens choisissent de plus en plus la religion qui leur convient le mieux
(type de croyance, type d’obligations rituelles, type de relations sociales etc.), et de moins en
moins la religion qu’ils ont « héritée » de leurs parents.
L’auteur accorde une place importante à la critique de la thèse de la « culture war » qui
opposerait une Amérique conservatrice et unifiante à une Amérique multiculturelle et
diversificatrice. De fait, il apporte des éléments intéressants, qui tendent à montrer qu’il n’y a
pas d’un côté un conservatisme conformiste et de l’autre un libéralisme innovateur, mais une
diversification des positions de chacun et la disparition des grands blocs idéologiques. Ainsi,
telle femme tiendra des propos plutôt modernistes sur le travail féminin salarié, des propos
centristes sur la religion, des propos conservateurs sur la « moralité sexuelle ». Tel homme
pourra être à la fois très religieux et très en faveur du maintien du welfare. En multipliant les
illustrations concrètes à partir d’individus rencontrés au cours de son enquête, Wolfe illustre
de façon assez convainquante, la complexité croissante des opinions ( et aussi, mais plus ou
moins volontairement cette fois, la difficulté des classifications sociologiques... ).
Sa classification des opinions sur la famille mérite toutefois qu’on s’y arrête quelque peu. La
thèse de Wolfe est que la famille évolue, pour toutes sortes de raisons, et que les américains
ont bien conscience que ces évolutions sont pour la plupart inévitables, qu’ils le déplorent ou
l’apprécient. Il « trouve » donc comme opinions sur la famille, 22 % de « traditionnels », 2 %
de post-modernes, 19 % de réalistes et 45 % d’ambivalents !
Wolfe s’attache aussi à une question qui a actuellement une très grande importance dans la
société américaine, celle du travail féminin salarié. Qu’il soit vécu comme une obligation
économique ou comme un choix de vie, il engendre selon Wolfe un sentiment de culpabilité
107
vis à vis des enfants. C’est ce qu’il appelle le « moral squeeze » : ou bien la femme ne travaille
pas et les revenus du ménage sont plus faibles, donc les enfants en pâtissent ; ou bien la
femme travaille, les revenus du ménage sont plus élevés, mais les enfants sont un peu
délaissés. (Comme on le voit, cette sociologie de la classe moyenne est souvent elle-même très
moyenne ...)
Wolfe traite aussi longuement de la question des suburbs et de l’image égoïste qui se
dégagent de leurs habitants. Wolfe montre tout d’abord que pour un grand nombre de
personnes qu’il a interrogées, et en particulier pour les blancs (caucasiens), il n’y a pas eu de
choix d’habiter dans les suburbs : il n’y avait pas d’autre localisation résidentielle
envisageable, et pour les jeunes ménages il s’agissait de la reproduction de leur propre
modèle familial. Ensuite, comme beaucoup d’auteurs, il montre que la question de l’école est
centrale pour ces couches et que dans le contexte nord-américain, elle exclut pour l’instant
tout intérêt de ces couches pour l’inner city.
Il souligne aussi le recul des idéologies racistes explicites, mais laisse entrevoir l’ambiguïté des
réponses puisqu’une bonne partie de la population (notamment blanche) ne souhaite pas que
son quartier soit plus diversifié racialement.
L’auteur traite ensuite du patriotisme, qu’il considère non pas en crise, mais arrivé dans une
période de maturité et de reconnaissance quasi unanime qu’il n’y pas de meilleur endroit
pour vivre que les États-Unis (58 % « strongly agree », 35 % « agree » et seulement 2,5 % ne
sont pas d’accord).
Une majorité de la classe moyenne pense que les américains sont devenus plus égoïstes
qu’autrefois. Enfin, ceux qui considèrent que le travail et le respect des règles permettent de
progresser socialement sont à peine plus nombreux que ceux qui pensent le contraire.
Pour conclure, un livre engagé à produire de l’optimisme pour une société américaine par
ailleurs inquiète de l’écart grandissant entre les « have » et les « have not », entre les suburbs
et les downtowns, et une Amérique pas encore convaincue que l’amélioration de la sécurité
dans les villes (réelle et due pour l’essentiel à de nouvelles politiques locales) est une tendance
forte et durable ; un livre plus polémique que scientifique (on aurait quand même aimé que
l’auteur tente un peu d’analyse multi-variée) ; mais un livre intéressant toutefois, par ses
résultats comme par certains de ses questionnements.
J’ai eu le sentiment après l’avoir lu, non pas que l’Amérique était « une » et centrée autour de
sa classe moyenne, mais qu’elle n’était plus diversifiée que jamais et que c’est cette diversité
qui faisait peut-être l’unité à la recherche de laquelle était l’auteur.
Autre livre, très optimiste sur l’évolution de la société nord-américaine :
FARLEY, Reynolds (1996) : « The New American Reality : Who We Are, How We Got,
Where We Are Going » (New York, Russel Sage Foundation, 385 p.)
Pour cet auteur, tout va très bien aux USA, ou tout au moins tout s’améliore. Contrairement à
ce qu’affirment de nombreux journalistes et des universitaires comme Katherine Newman ou
William Julius Wilson...
Pour appuyer sa thèse, il multiplie les données et l’analyse de tableaux statistiques.
108
LOGAN, John R., SPITZE, Glenna D. (1996) : « Family Ties : Enduring Relations between
Parents and Their Grown Children » (Philadelphia, PA, Temple University Press, 265 p.)
Un ouvrage très intéressant sur l’évolution de la famille nord américaine dont les liens, loin
de s’amoindrir, tendent selon les auteurs a se resserrer et à se maintenir dans la durée.
Les aides intergénérationnelles sont de plus en plus fortes et de plus en plus durables ; et au
moins jusqu’à l’âge de 75 ans, l’aide apportée par les parents aux enfants est plus importante
que la réciproque (sous des formes directes ou monétaires).
Les auteurs soulignent aussi que ces aides intergénérationelles sont très peu affectés par les
différences de genre comme par les différences de races, ce qui tranche avec la littérature qui
domine actuellement aux États-Unis.
HENDERSCHOTT, Anne B. (1995) : « Moving for Work : The Sociology of Relocation in
the 1990s » (Lanham, MD, University Press of America, 200 p.)
Le livre traite de façon détaillée, et à partir de matériaux et enquêtes divers, de la question du
déménagement et d’une éventuelle nouvelle localisation résidentielle, lorsque l’employeur
propose à son employé un poste dans une autre ville.
Cette question, qui autrefois aux États Unis ne posait pas beaucoup de problèmes, prend de
plus en plus d’importance avec le développement du travail féminin salarié, l’attachement des
habitants à un cadre de vie spécifique, et les exigences de plus en plus fortes et diversifiées de
chacun des membres d’une famille, y compris des enfants.
Anne Henderschott étudie ainsi les négociations entre salarié et employeur, mais aussi à
l’intérieur même de la famille.
De façon générale, les femmes sont les plus défavorisées face à cette question : en tant
qu’employée, elles sont souvent victimes de discriminations de la part de l’employeur qui sait
qu’elles ont une mobilité résidentielle a priori plus faible que les hommes ; en tant qu’épouses,
elles sont obligées de suivre leur mari et perdent ainsi fréquemment leur emploi.
Mais il semblerait que les choses s’améliorent progressivement pour elles et que leurs points
de vue jouent un rôle croissant dans les décisions du couple.
THRIFT, Nigel (1996) : « Spatial Formations » (Sage Publications, 367 p.)
Il s’agit de la republication en un seul volume de sept texte de Thrift écrit depuis 1983 ainsi
que d’un chapitre inédit écrit pour ce livre.
L’intérêt de ce livre est de montrer l’importance que Thrift a accordé au lien entre espace et
temps et à la nature sociale de ce lien.
109
Brève
Le débat en ce printemps 1998 à l’université de Berkeley, haut lieu de la contestation des
jeunes américains dans les années 1960-1970, porte sur la question de l’abandon par
l’université de toute mesure d’ « affirmative action » visant à abaisser les exigences
universitaires pour l’admission des étudiants des « minorités ethniques », ceci dans le but de
corriger les inégalités sociales qui handicapent ces groupes.
Le résultat est que le nombre d’étudiants « indiens-américains » admis est tombé de 69 en
1997 à 27 cette année (sur plus de 8000 étudiants en première année), que le nombre ‘ « afroaméricains » a chuté des deux tiers (191 en 1998) et que les « chicanos » ont diminué de 58 %
(434). Ces trois groupes faisaient l’objet de mesures de discrimination positive.
Les autorités universitaires affirment que la chute des minorités n’est pas seulement
imputable à la nouvelle politique dite de neutralité ethnique, puisque le nombre des « latino »
a également diminué de 25 % (166) et celui des « blancs autres que hispaniques » a diminué de
2 % (est passé de 2.725 à 2.674). Le seul groupe en augmentation est celui des « asiatiques »
qui a augmenté de deux pour cent et qui conforte sa première position avec 2.998 étudiants.
Avec près de 40 % des étudiants ce groupe est donc nettement surreprésenté, même si la
population d’origine asiatique croit très fortement en Californie. Mais la population d’origine
hispanique augmente aussi et ses effectifs universitaires diminuent.
110
A signaler, en marge de ces approches de la société américaine, l’ouvrage critique et théorique
important de
SLATER, Don (1996) : « Consumer Culture and Modernity » (Oxford, Blackwell, 230 p.)
dans lequel l’auteur montre l’importance de la consommation (voire son antériorité sur la
production) dans la généralisation de la société industrielle, et les ambiguïtés des approches
en termes de « modernité tardive » comme de « postmodernité », dans lesquelles on n’arrive
plus à très bien distinguer entre ce qui est développement ultime de la liberté individuelle et
anomie totale.
Enfin, s’agissant de la vie quotidienne, on ne peut faire l’impasse sur la multiplication des
travaux sur la nourriture. Ceux-ci sont d’ailleurs plus le fait d’anglais que d’américains, et ils
s’inscrivent dans une tradition d’études culturelles qui a fait ses preuves depuis une trentaine
d’années.
Mais ce qui est surtout intéressant, c’est la contribution que ces travaux apportent à des
débats plus généraux, qu’il s’agissent de la question de l’élargissement des choix des
consommateurs et de la complexité « post-moderne » qui en résulterait, ou du débat sur les
rapports entre global et local.
Sur la première thématique, on peut citer plus particulièrement :
BEARDWORTH, Alan, KEIL, Teresa (1997) : « Sociology on the Menu. An Invitation to the
Study of Food and Society » (London, Routledge, 259 p.)
et
WARDE, Alan (1997) : « Consumption, Food and Taste. Culinary Antinomies and
Commodity Culture » (London, Sage, 204 p.)
Sur les rapports entre globalisation et local, voir le très intéressant livre de deux géographes
anglais :
BELL, David, VALENTINE, Gill (1997) : « Consuming Geographies. We are what we eat »
(London and New York, Routledge, 236 p.)
Voir aussi :
KEMMER, Debbie, ANDERSON, A.S., MARSHALL, D.W. (1998) : « Living together and
eating together : changes in food choices and eatings habits during the transition from
single to married/cohabiting » (The Sociological Review, 1998, 1, pp. 49 - 71)
qui souligne que les chercheurs anglais qui travaillent sur les liens sociaux et l’évolution des
familles prennent la mesure du rôle des repas et de l’alimentation.
111
2.1. LA VIE QUOTIDIENNE ET LES NOUVELLES TECHNOLOGIES DE
COMMUNICATION
Brève
« Office overload »
Selon une étude de Pitney Bowes Inc. faite auprès de 1000 salariés de grandes entreprises, les
employés de bureau recevraient et enverraient une moyenne de 190 messages par jour de
travail, sous 12 formes différentes.
Ceux-ci se répartiraient de la façon suivante :
-30 E-mails et 18 Interoffice mail (messagerie interne)
-18 lettres postales
-11 « Post-it »
-4 paquets
-3 courriers express
-52 appels téléphoniques
-22 messages téléphoniques
-10 coups de téléphones infructueux ou erronés
-15 fax
-4 messages sur pager
-3 appels sur téléphone cellulaire.
En 1997, la même enquête n’avait donné « que » 178 messages.
L’étude montre également les difficultés d’organisation croissante du travail, 40 % des
personnels étant interrompus six fois ou plus chaque heure, et le stress qui en résulte
fréquemment.
MITCHELL, William J. (1995) : « City of Bits. Space, Place and the Infobahan »
(MIT Press, 225 p.)
L’auteur dirige l’école d’architecture du MIT. Il utilise depuis longtemps l’informatique et
était à Berkeley lors de la mise ne place des tous premiers réseaux Arpanet en 1969.
La démarche de ce livre est de montrer que peu à peu l’espace des télécommunications, sinon
remplace l’espace géographique, tout au moins se constitue de façon spécifique et devrait peu
à peu modifier les conceptions du cadre bâti et les pratiques qui y prennent place.
Il jour, souvent de façon ambiguë sur les métaphores urbaines et spatiales.
L’ouvrage est structuré sur une série de « couples »
-spatial/antispatial : le Net nie la géométrie ; L’adresse n’est plus localisée géographiquement
; c’est un code ;
-corporel/incorporel ;
-focalisé / fragmenté ;
112
- synchrone / asynchrone : la ville était autrefois fondé sur la synchronie et sur l’événement.
Sur le Net, il n’y a plus de moment unique pour l’événement ;
-bande étroite / bande large : la notion d’accessibilité est redéfinie complètement par le Web ;
la tyrannie de la largeur de la bande remplace celle de la distance ; l’important c’est le débit de
bits possibles ;
-contigu / connecté : nouveaux compartimentages et découpages, protections et
inaccessibilités ; Nouveaux rapports entre public et privé.
Bit city
- l’homme vitruvien / le Lawnmower Man ;
- système nerveux / bodynet (couplet à la Virilio sur les prothèses , les sensations simulées
etc. ;
-yeux : télévision : l’écran devient l’instrument du regard ;
-oreilles / téléphonie (la première phrase téléphonée par M. Bell : « Mr. Watson , comme here
, I want to see you ») ;
-muscles / actuatirs
-mains /télémanipulations ;
-cerveau / intelligence artificielle ;
Etre là ; les nouvelles architectures ...
-façade / interface
-bookstores / bitstores
-bibliothèques / serveurs
-galeries / Musées virtuels
-théatres / infrastructures de loisirs
-écoles / campus virtuels
-hôpital / télémédecine
-prisons / contôle électronique
-banques / ATM
-magasins / commerce électronique
- travail / télétravail
- at home / @Home
- décomposition / recombinaison
Des lieux programmables
Soft Cities
-immobilier / Cyberspace
-ouest sauvage / la frontière électronique
-lois humaines / codes condtionnels
-face à face / interface
-on the spot : on the net
-réseaux de rues : www
-voisinages / MUDs (Multi-User Dungeons : groupe ayant leur propres règles de relations)
113
-enclosure /encryption (barrières/cryptages)
-espace public / accès public
-être là / se connecter
-habitudes communautaires / normes de réseau (community customs / network norms)
Bit Biz
-Economics 101 : Economic 0 et 1
-biens tangibles : propriété intellectuelle (facturation non plus à l’information mais à la durée
de la connexion) ; nouvelles stratégies économiques de l’infobahn ; rareté n’est plus facteur de
valeur ;
-déplacements matériels / processing bits
-transactions physiques : échanges électroniques
-billets de banques : monnaie électronique
-juridictions : limites logiques
-territoire / topologie
-politiques électorales / consultations électroniques (electronic polls)
-surveillance : panoptique électronique
L’économie politique du cyberspace.
Getting to the Good Bits
1956 : the commuter city
1994 : téléprésence
Ouvrage où l’on trouve certes tous les poncifs actuels sur les technologies nouvelles, mais
quand même assez stimulant , peut-être parce que s’appuyant sur une réelle pratique et
longue pratique du Net.
114
Autre ouvrage très optimiste sur l’usage des nouvelles technologies de communications et le
développement de nouveaux liens sociaux :
RHEINGOLD, Harold (1993) : « The Virtual Community : Homesteading on the Electronic
Frontier » (Reading, MA, Addison-Wesley , 325 p.)
A l’inverse, grand pessimisme « virilien » pour
SLOUKA, Mark (1995) : « War of the Worlds : Cyberspace and the High-Tech Assault on
Reality » (New York, Basic Books, 185 p.)
115
ATKINSON, Robert D. (1997) : « The Digital Technology Revolution and the Future of U.S.
Cities » (Journal of Urban Technology, vol 4, n° 1, pp. 81 - 98 )
NTIC tendent à favoriser l’étalement urbain, la sous-utilisation des infrastrucutres.
Elles participent à de nouveaux critères de localisation des habitats comme des activités, qui
tendent à favoriser lexclusion de certains groupes.
et plus généralement la ghettoïsation des résidents
Mismatch croissant entre la localisation de la nouvelle économie (dans les suburbs et dans les
métros postindustrielles) et la force de travail qualifiée dont elles ont besoin, et par ailleurs la
croissance de la population peu qualifiée dans les coeurs urbains
Technologie de l’information et modèles spatiaux :
reprend la thèse classique que la minimisation de la distance est moins importante (en fait, il
faudrait dire qu’elle est moins importante pour certaines choses et plus importantes pour
d’autres).
Il y a selon lui 4 principaux types de « business functions »
-front office (customer interaction)
autrefois, c’était le champ du marché local. maintenant de plus en plus automatisée
ou faites électroniquement, ce qui permet en fait de les centraliser (exemple du télémarketing)
de plus en plus souvent aussi accessible depuis la maison
passage progressive d’un commerce et de services de proximité avec face à face à des
services délocalisés ; perte du voisinage
-routine back office (no direct customer interaction)
autrefois dans le CBD, maintenant digitalisation et délocalisation
-goods production and distribution
l’impact des IT sur la logistique et larger distribution facilities tend to be located
outside the core of large metros in areas of lower land and labor costs.
ex. The Limited, qui est un major de la distribution (apparel retailer) approvisionne
ses 3500 magasins des USA à partie d’un seul « massive distribution center, prés de son siège
social de Colombus dans l’Ohio.
idem pour le rail freight : ex de Burlington Northern’s et de son centre d’opérations à
Fort Worth au Texas;
-complex back office
Il y a de plus en plus de fonctions complexes qui nécessitent du face à face
(comptabilité, droit, RD, consulting)
donc de plus en plus de mouvements
Consolidation ou dispersion ?
The impact of new technologies sur les économies rurales, urbaines et suburbaines.
Le lien entre les firmes, leurs fournisseurs, leurs clients, leurs concurrents sont demoins en
moins spatiaux. (?)
Inter-Metropolitan Differences
116
Dans la mesure où les technologies de l’information autorisent plus de liberté dans les
localisations, le développement pourrait devenir encore plus inégal.
(FA : les inégalités sociales de plus en plus importantes vis à vis des contraintes physiques...)
Intra-Metropolitan Differences : Central-City Prospects
Après la relative renaissance des central cities aux USA dans les années 1980, on a le
sentiment à nouveau qu’elles vont mal.
The New Metropolitan-Wide Economy.
Parler du centre (core) au 21 ème siècle est devenu dépassé. Le « core » n’est
plus que l’une des « edge-cities » à l’intérieur de la métropole.
Weakened Central-City and Inner-Suburb Economics.
Décentralisation possible pcq transports moins importants, terrains moins
cher et besoin d’espace croissant (notamment pour toutes les activités liées à la production et
aux transports (cross-docking)
Specisalization of Core Economics.
Pour les tâches les plus hautement qualifiées ; fonctions de commandement et
de contrôle.
Intra-Metropolitan Differences : Outer-Suburban and Exurban Prospects
la décentralisation des activités routinières, d’une partie des activités non routinières
et de l’habitat va continuer. Exurban locations.
Conclusion : Building An Urban Technology Initiative.
117
GRAHAM, Stephen, AURIGI Alessandro (1997) : « Virtual Cities, social polarization, and
the crisis in urban public space » (Journal of Urban Technology, vol 4, n° 1, pp. 19 - 52)
La crise du « urban public realm «
la cité de la peur
le paradigme du shopping malll
érosion du domaine public : le domaine public privé
la « thématisation » de l’espace public
Les divisions du cyberespace et les nouvelles géographies sociales urbaines
énormes inégalités dans l’accès à l’espace public électronique et à aux espaces
électroniques privés
La désinsertion des élites transnationales
Passive consumers markets
Off-line Spaces : space-bound, excluded groups
La promesse du virtuel : les cités virtuelles comme instruments de revitalisation urbaine
La montée de la cité virtuelle
la ville (la cité) comme métaphore pour la ville électronique
L’évaluation du potentiel des cités virtuelles : vers une typologie
Digital city marketing (Bristol on line)
La cité virtuelle comme espace public électronique : Amsterdam (De Digitale Stad) et Bologne
(Iperbole) : une multitude de services publics.
118
2.3.
NOUVELLES
ECONOMIE
TECHNOLOGIES,
119
TERRITOIRES
URBAINS
ET
La qualité et le coût de la vie dans la Silicon Valley
A partir de divers articles dans la presse locale
La qualité et le coût de la vie dans la Silicon Valley sont l’objet de préoccupations croissantes
de la part des responsables politiques et économiques de la Silicon Valley et plus
généralement de l’ensemble de la Bay Area de San Francisco.
Le boom économique que connaît la région n’a en effet pas été accompagné par des politiques
urbaines à la mesure du développement local. Il en résulte de multiples problèmes liés à la
saturation des infrastructures de transport et de nombreux équipements collectifs et à
l’insuffisance de la construction neuve au sein des zones déjà urbanisées. La région connaît
ainsi une très forte hausse des prix de l’immobilier qui empêche les couches moyennes,
disposant pourtant de revenus conséquents, de trouver des logement non pas à côté de leur
travail, mais à quelques dizaines de miles. La suburbanisation s’accentue donc
considérablement. Dans le même temps, on assiste à des processus de gentrification, en
particulier à San Francisco, les professionnels des services de haut niveau travaillant dans le
downtown cherchant à se loger à proximité de leur lieu de travail et des grands équipements
culturels. L’usage des transports publics et en particulier du R.E.R. (le BART) évolue
également : il devient de plus en plus le moyen de transport des couches moyennes
suburbanisées mais travaillant dans les services du centre-ville. Celles-ci utilisent leur voiture
puis le transport collectif. Le BART, parce qu’il n’a pas été conçu avec une politique
d’urbanisme d’accompagnement devient ainsi un élément favorisant la suburbanisation et
employé de moins en moins par les populations captives pauvres et théoriquement captives
des transports collectifs.
La dégradation de la qualité et du coût de la vie commencent à poser des problèmes sérieux
aux entreprises, d’autant que par ailleurs le marché du travail est très tendu et qu’elles
manquent de main d’oeuvre qualifiée. Non seulement les salaires ont tendance à monter, mais
il devient impossible de recruter dans certains domaines professionnels très recherchés.
Un certain nombre d’entreprises s’orientent donc vers la création de « satellites » non
seulement dans d’autres villes de Californie, mais dans d’autres états.
Sun Microsystems vient d’ouvrir un nouveau campus de 1900 salariés dans la banlieue de
Bronfield (dans le Colorado, pas loin de Denver) et va en ouvrir un autre de 2000 emplois à
Burlington dans le Massachusetts. Dans les deux cas, les régions offrent des conditions de vie
plutôt bonnes, un coût de la vie nettement moins élevé et des universités et un marché du
travail susceptible d’approvisionner correctement des entreprises de technologies avancées.
La Silicon Valley a en effet de plus en plus de mal à attirer ses employés. Ainsi, quelqu’un
venant du Texas, ne pourra acheter pour le prix de son ancienne maison qu’une maison
beaucoup plus petite et probablement très éloignée de son lieu de travail. Même un salaire
sensiblement plus élevé ne pourra compenser les différences.
Sun étudie aussi d’autres concepts pour limiter l’éclatement géographique trop important de
ses unités, en particulier « l’hotelling » qui consisterait à implanter dans les périphéries de la
Bay Area des bureaux bien équipés et bien reliés aux unités centrales. Les employés qui
habitent les zones de ces « hôtels » pourraient y travailler une partie de la semaine, et ne se
rendre dans les unités centrales que lorsque cela est absolument nécessaire. En fait, les
120
entreprises sont à la recherche des différents compromis possibles entre les possibilités
qu’offrent le télétravail et la nécessité du face à face.
De fait, la concurrence interurbaine devient très vive. Ainsi, l’état du Minnesota ne se contente
plus d’essayer d’attirer des entreprises, mais lance des campagnes directes auprès des
travailleurs qualifiés pour qu’ils viennent s’installer dans cet état, proposant des aides
diverses pour l’accès à l’emploi et au marché du logement.
Le San Jose Mercury News, journal local de la Silicon Valley s’en inquiète, notant que le seul
handicap du Minnesota est le climat. Le petit tableau qu’il a établi (ci-dessous) est assez
illustratif à la fois de l’importance qu’a pu avoir une certaine image climatique de la Californie
(et la problématique du Sun Belt) et des inquiétudes sur la crise de ce facteur d’attraction.
Temp. Norm. janvier
Temp. Norm. juillet
Précipitations annuelles
Crimes pour 100.000 hbts
Ratio écolier/enseignant
Non couverture assurance
maladie
Habitants par mile carré
Revenu par habitant (1996)
Pourcentage de pauvreté
Californie
42° F
72 ° F
19,7 ‘’
5,208
24
20,1
Minnesota
3°F
84 ° F.
28,32 ‘’
4,463
17,8
10,2
191
25.144 $
16,8 %
55
25.580 $
9,5 %
Autrement dit, si l’on fait abstraction du temps, il n’y aurait que des avantages à venir habiter
et travailler dans le Minnesota.
Le coût de la vie dans différentes villes en 1998
Pour accéder à un mode de vie identique à celui qu’on les habitants de San José (« capitale »
de la Silicon Valley) qui gagnent 100.000 dollars par an, il faut à Austin 65.000 $, 95.000 à
Boston, 67.000 à Denver, 60.000 à Jackson, 72.000 à Portland, 72.000 0 Rochester.
Réflexions à la suite d’un entretien avec François BAR,
professeur au département « communications » de l’université de Stanford (Palo Alto)
([email protected])
-Le découplage de la possession des réseaux et du contrôle de leur usage ; overlay : les
configurations virtuelles sont là où se passe le contrôle.
-Autrefois, des technologies et réseaux multiples :
communication
interpersonnelle
121
de masse
asynchrone
synchrone
lettre
téléphone
journal , disque
radio, télé
Maintenant, réseau unique. D’où des conflits, en particulier parce que les régulations
étatiques étaient différentes selon les media (premier amendement pour les journaux,
interdiction d’intervenir sur le contenu pour les compagnies de téléphone, contrôle total sur le
contenu pour la télévision).
-Passage de technologies spatiales (par circuits) à des technologies temporelles (par paquets)
-Les nouvelles formes de segmentation des prix font du temps, la variable décisive.
Dans les télécommunications, mais aussi dans les transports aériens, le prix ne
dépend plus des quantités et des distances pour les premières, des distances pour les seconds.
Ainsi, les compagnies aériennes fixent-elles de plus en plus les prix des vols intérieurs aux
États-Unis en fonction seulement de l’heure à laquelle on souhaite voler et du moment où l’on
achète son billet. Les compagnies considèrent effectivement que leurs coûts totaux sont
largement fixes quelque soient les quantités, et que la variable décisive est le prix que le
passager accepte de payer et qui dépend largement de ses possibilités d’utiliser une autre
compagnie, d’avancer ou de retarder son voyage etc.
Il est probable que cette évolution marquera à l’avenir beaucoup de services et en particulier
ceux qui utilisent des réseaux.
-Crise des internet-cafés (cf l’article du New York Time), mais mode du coviewing sous deux
formes : les jeunes se retrouvent pour regarder ensemble quelque chose a la télévision ou
pour faire ensemble quelque chose sur le net ; on regarde la télé chacun de son côté, mais on
se parle au téléphone, voire on fait une téléconférence ! Cf le succès récent remporté auprès
des jeunes par l’offre promotionnelle de téléconférences gratuites faite par la compagnie Bell.
-Rôle des enfants dans la diffusion de l’internet auprès des parents. Ce sont eux qui
apprennent aux parents à s’en servir. De façon générale, importance croissante de l’internet
pour les relations familiales.
-Nouveaux modes d’usage des ordinateurs et d’internet : on transfère sur sa messagerie
électronique l’ensemble de ses données, et on peut ainsi les interroger de partout avec
n’importe quel ordinateur.
Mais l’arrivée des nouvelles puces, qui permettront de stocker l’équivalent des disques durs
actuels et des fonctions d’un PC dans une seule carte à mémoire, modifieront encore les
pratiques.
Celles-ci sont en effet loin d’être stabilisées : les dynamiques centralisatrices alternent avec les
évolutions décentralisent ; les parties nomades se sédentarisent tandis que les parties fixes se
déplacent ; les périphériques deviennent les unités centrales, le soft et le hard permutent...
122
SAXENIAN, Annalee (1994) : « Regional Advantage : Culture and Competition in Silicon
Valley and Route 128 »
(Harvard University Press, Cambridge, Mass.)
L’ouvrage étudie le défaite - relative - de la route 128 à Boston dans sa compétition avec la
Silicon Valley dans le champ des nouvelles technologies de l’informatique et de la
communication.
Elle met en évidence un faisceau de facteurs, qui tiennent aux entreprises, à leur histoire, à
leurs marchés, à leurs connexions, au contexte politico-culturel local etc.
Mais elle montre surtout que le modèle spatio-fonctionnel des grandes entreprises de la route
128 s’est montré beaucoup moins créatif, performant, que celui de la Silicon Valley, car il était
fondé sur de grandes structures fonctionnant de façon assez fermée, au sein de grands
bâtiments, alors que celui de la Silicon Valley était très ouvert, fondé sur les rencontres
multiples et plus ou moins prévues.
Détail tout à fait significatif, dans la Silicon Valley, les cadres prenaient leurs lunchs très
souvent à l’extérieur de leur entreprise et avaient des rencontres multiples de partenaires
potentiels. La société bostonienne était à tout point de vue plus fermée. Cette différence
culturelle ... et architectural s’avère avoir joué un rôle dans une période où les industriels de
ce secteur devaient multiplier les changements, et les connexions nouvelles.
Cela noté, on peut se demander si la Silicon Valley fonctionne toujours sur ce mode ou si elle
n’est pas entrain de se figer un peu à la manière de la Silicon Valley. Puisque Annalee prenait
l’exemple des repas, un article récent dans le journal local (Mercurey) rapportait que la qualité
des « cantines » devenait un élément significatif dans la concurrence que se livrent les
entreprises pour la main d’oeuvre et qu’elles s’orientent de plus en plus vers de la
restauration relativement haut-de-gamme. Certes, cela ne concerne peut-être pas
prioritairement les personnels les plus qualifiés, mais c’est éventuellement un élément à
prendre en compte dans le cycle de vie des entreprises et d’une région.
123
SASSEN, Saskia (1997) : « Electronic Space and Power »
Journal of Urban Technology, vol 4, n° 1, pp. 1-17
L’espace électronique ne se développe pas seulement pour transmettre de l’information, mais
comme un nouveau théâtre pour l’accumulation du capital et les opérations du capital global.
C’est une autre manière de dire que l’espace électronique est « inséré » dans une dynamique
plus large d’organisation de la société, particulièrement de l’économie.
Nouvelles centralités, nouveaux type de pouvoirs et de partage de pouvoirs, nouvelles
segmentations.
124
ZIJDERVELD, Anton C. (1998) : « A Theory of Urbanity. The Economic and Civic Culture
of Cities » (Transaction Publishers, 197 p.)
La notion d’urbanité telle qu’elle est développée par l’auteur, est pratiquement synonyme de
culture urbaine. Elle intègre la notion de culture économique développée par Peter L. Berger
et celle d culture civique développée par Almond et Verba.
Pour l’auteur, l’enjeu de l’urbanité est plus important que jamais et ce n’est pas une question
obsolète, au contraire, à l’ère des technologies nouvelles et des villes sans frontières.
Zijderveld se place dans une perspective « late modern » critique tant vis à vis des
postmodernes que de ceux qui annoncent la fin des villes.
Il évoque la question de « l’américanisation » qui lui semble généralement mal posée et être en
fait plutôt une question de « modernisation ».
L’ouvrage comprend une longue partie théorique et historique, dans laquelle l’auteur essaie
de mettre en évidence ce qu’est l’urbanité et quels en ont été les différentes formes et stades
au cours des siècles.
En fait, ce qu’il met surtout en évidence, c’est ce que l’on pourrait appeler l’identité d’une
ville, ou plus précisément les représentations collectives et communes qui sont attachées à une
ville et qui font qu’elle est plus qu’une addition d’éléments vivants et bâtis.
Une ville, ce sont aussi « des manières d’agir, de penser et de sentir » formule qu’il reprend de
Durkheim.
Ce sens identitaire est aussi la base de modi operandi, et c’est en cela que l’urbanité a une
efficacité multiples, civique et économique.
L’auteur s’interroge longuement sur les rapports entre urbanisation et modernisation.
Il souligne que l’un des traits de la modernité, est qu’elle tend à faire disparaître de multiples
institutions ou à les vider d’une bonne partie de leurs fonctions (église, université, état,
corporation etc.) et de laisser pour ainsi dire la ville seule.
Avec les réseaux qui se développe, en particulier liés aux nouvelles technologies de
communication, ce sont aussi les médiations indispensables à la ville qui tendant à
disparaître, polarisant dramatiquement la société entre privé et public, entre l’individu et la
ville.
Les habitants des villes sont ainsi face aux mégastructures de la ville et de l’économie, et donc
encore plus démunis de moyens de contrôle et d’action.
Dans ce contexte de généralisation progressive et de neutralisation, émerge une urbanité
abstraite.
Cela modernise une tradition antimoderne qui a toujours été aussi anti-urbaine.
Le phénomène n’est pas nouveau. Déjà, Francis Bacon, dans un texte de 1625, réutilisait dans
cet perspective l’adage romain « Magna Civitas, Magna Solitudo » .
L’auteur note toutefois l’émergence chez les planificateurs urbains d’un courant anti-urbains
et qui se prétend pourtant progressiste, rationnel, techniciste, et d’une certaine manière néopositiviste.
Cela noté, il admet que l’enjeu est bien le risque de villes sans urbanité, de villes qui
dégénérerait en simples lieux de consommation.
125
LOUKAITOU-SIDERIS, Anastasia (1997) : Inner-City Commercial Strips : Evolution, Decay
- Retrofit ? (Town Planning Review, 1997, Vol. 68, N° 1, pp 1 - 29)
Les axes commerçants (commercial strips) sont les grandes rues desservant le centre-ville qui
se sont développées à la fin du XIXème siècle et dans la première moitié du XX ème.
Issues plus ou moins des main streets, les commercial street ont bénéficié du développement
des transports collectifs dans un premier temps, puis de l’automobile.
Mais depuis l’après guerre, elles connaissent une crise de plus en plus forte. D’un côté, se sont
développés des centres commerciaux périphériques ; de l’autre, les politiques publiques se
sont efforcées de revitaliser les downtowns, les friches portuaires etc. Mais on s’est très peu
intéressé à la requalification de ces anciens corridors, qui gardent pourtant certaines fonctions
du point de vue des transports. On a éventuellement traité de leur architecture et de leur
esthétique, mais on ne les pas abordé comme des réalités socio-économiques.
L’auteur analyse ainsi trois de ces strips à Los Angeles et fait des propositions d’intervention.
Ce travail est d’autant plus intéressant que dans plusieurs endroits de Los Angeles, des
interventions de ce type ont connu un réel succès.
Ainsi, la troisième rue à Santa Monica a été transformée en rue piétonne sur environ un
kilomètre. Des aménagements de grande qualité y ont été réalisés, avec un mobilier urbain
abondant. Plusieurs lignes d’autobus coupent la rue, tandis qu’à l’une des extrémités, un
immense parking sur huit niveaux (lié au centre commercial dessiné par Franck Gherry en
1980) peut accueillir des milliers de visiteurs. Plusieurs complexes de salles de cinémas
bordent la rue piétonne (plusieurs salles sont en construction) ; les restaurants et cafés sont
nombreux, avec des terrasses très adaptées au climat très doux de Santa Monica ; les
magasins, souvent luxueux, disposent d’énormes vitrines. Et de fait, la troisième rue a
retrouvé une très grand activité, tous les jours de la semaine et jusqu’à assez tard le soir.
Au moment où en Europe, on s’inquiète sur la diffusion du modèle nord-américain, Los
Angeles, la Mecque de ce modèle, reconstitue des centre-villes à l ’européenne (à Santa
Monica, mais aussi à Hollywood, à Pasadena etc.).
126
2.4. GROUPES ET RAPPORTS SOCIAUX
BUTLER, Tim (1997) : « Gentrification and the Middle Classes » (Alderhot, Ashgate, 172p.)
L’une des particularités de l’approche de Tim Butler, est qu’à la différence de la plupart des
travaux sur cette question de la gentrification , il n’étudie pas seulement la décision des
« jeunes professionnels » qui emménagement dans ces quarteirs centraux, mais aussi ce qui se
passe après, quels sont ceux qui restent etc.
Cette recherche s’est appuyée sur deux cent cinquante entretiens dans le quartier londonien
de Hackney.
Elle montre le processus complexe qu’est une gentrification et comment se combine l’image
d’un lieu et des choix résidentiels fondés sur des facteurs multiples : la recherche d’une
maison plus grande parce que dans un quartier dégradé, le souhait d’une localisation centrale
à proximité de personnes et d’activités diverses, la « spéculation » sur l’augmentation des prix
de l’immobilier dans le quartier.
Le grand problème reste celui de l’école. Les arrivants compensent la mauvaise réputation des
écoles du quartier, soit en mettant leurs enfants dans des écoles privées, soit en travaillant
beaucoup avec eux. Mais beaucoup de ménages arrivent soit sans enfants, soit avec des
enfants déjà assez grands pour qu’ils puissent se déplacer seuls et aller dans des écoles en
dehors du quartier.
MARCUSE, Peter (1997) : « The enclave, the citadel, and the ghetto. What has changed in
the Post-Fordist U.S. City » (Urban Affairs Review, Vol. 33, N° 2, November 1997, pp 228 264)
Le ghetto noir est différent aujourd’hui de ce qu’il était autrefois: c’est un « outcast ghetto »
car il regroupe des populations qui sont exclues des grands courants économiques, sociaux et
de la vie politique de la cité.
Les « enclaves » culturelles et d’immigration de beaucoup de villes
fondamentalement des ghettos classiques et de son « outcast form » actuelle.
Les « citadelles » établies par des groupes à hauts revenus, diffèrent des enclaves.
diffèrent
Les distinctions entre ces différentes formes ethniques et sociales de concentration spatiale
sont cruciales pour les politiques publiques.
(critique la notion d’hyperghetto développée par Wacquant)
127
HOWE, Elizabeth (1994) : « Acting Ethics in City Planning » (Rutgers, State University
ofNew Jersey, 395 p)
Publications nombreuses sur ce thème.
Le livre commence par deux anecdotes de « planners » qui essaient de convaincre leurs
décideurs locaux (decision makers) de ne pas construire seulement des maisons individuelles,
mais aussi des appartements. Dans les deux cas, les élus s’y opposent, considérant qu’ils ont à
satisfaire les intérêts et les demandes de leurs électeurs, ceux-ci ne voulant pas des
populations qui habitent dans de l’habitat collectif.
L’un des planner essaie pourtant de convaincre « ses » élus et leur explique qu’un peu de
variété de population ne nuira pas à la qualité de la vie de la communauté locale, au contraire
: il explique ainsi que l’habitat multifamilial est très utile pour loger des personnes âgées, des
célibataires et... des gens à revenus faibles.
Le second planner, fait le l’action locale, pour convaincre d’abord les résidents qu’ils faut
qu’ils acceptent de l’ « affordable housing » dans leur quartier ; de fait, il s’agit dans ce
deuxième cas d’une zone en développement rapide et il y a un espoir que les habitants
prennent conscience de leur intérêt collectif à loger dans leur communauté des gens plus
divers. Ce second planner essaie de former une « coalition » pour porter ce projet d’habitat
économique.
(Il faut noter l’importance de cette notion de coalition, non seulement dans la sociologie
urbaine, mais très concrètement, dans le domaine de l’action collective et de la vie publique
locale aux USA).
Ce double exemple est en effet très significatif des problèmes «d’éthique » tels que se les
posent les urbanistes aux États-Unis actuellement. Cette profession (environ 30.000 personnes,
dont beaucoup de civil servants locaux , c’est à dire une sorte de fonctionnaire territorial) est
en effet confrontée assez « dramatiquement » à l’exacerbation de la ségrégation sociale dans ce
pays actuellement. L’idéologie communautaire, du débat, du consensus, qui était assez
fréquente encore récemment (renouvelée avec des références à Habermas notamment) ne peut
plus masquer les logiques d’intérêt strictement local qui dominent et que la décentralisation
de la période Reagan a largement renforcées.
Ce problème ne concerne d’ailleurs pas seulement les planners de gauche (liberal) , mais aussi
des conservateurs (républicains) dont les images d’Epinal de la société américaine sans
barrières sociales infranchissables ne sont plus crédibles (cf. un article récent dans une revue
ultraconservatrice sur les « broken cities ». Aux États-Unis aussi, la thèse de la « fracture
sociale » fait des ravages).
Le livre lui-même ne traite en fait pas seulement de ces problèmes et de l’éthique, ou tout au
moins resitue les interrogations en la matière dans la pratique quotidienne des urbanistes. Il
est le fruit d’entretiens avec 96 planners et donne une image assez intéressante, mais
probablement un peu biaisée par la méthodologie employée, de ce qu’est l’urbanisme au
quotidien aux États-Unis.
Au coeur de cet ouvrage, il y a plus généralement aussi la question du rapport entre les
experts et la décision politique. Deux courants peuvent être distingués à ce propos : d’une
part, ceux qui pensent que l’expertise doit être indépendante et qu’en quelque sorte, il y a de
bonnes réponses « techniques » aux différents problèmes urbains ; d’autre part, ceux qui
128
pensent que l’expert est au service d’un décideur, et que son rôle est de maximiser la
satisfaction des intérêts de celui-ci. Les conceptions éthiques sont donc différentes dans les
deux cas : dans le premier, l’expert doit défendre son indépendance ; dans le second, il doit
privilégier l’honnêteté vis à vis du décideur et la clarté de son positionnement dans le jeu des
acteurs.
La question de l’éthique se pose probablement aux États-Unis d’une manière assez différente
de ce que nous connaissons en France. Le protestantisme, la culture politique nordaméricaine, l’individualisme très fort avec ce qu’il comporte d’égoïsme mais aussi de
responsabilisation personnelle, le statut des civil servant etc. Donnent à cette question une
importance et des spéicificités particulières aux États-Unis. Toutefois, les mêmes causes (la
tendance des élus locaux à privilégier les intérêts des habitants déjà présents et le
renforcement de leurs pouvoirs) pourrait donner plus d’actualité à cette question dans les
années à venir en France. Déjà quelques organisations professionnelles s’y intéressent un peu.
Ci-joint en annexe la liste de « principes (ou enjeux) éthiques » utilisés par les planners.
Honnêteté
conflits d’intérêt
corruption
faveurs politiques
violation de la loi, de règlements, de contrats
acceptation de petits cadeaux et de repas
Fonctions « justes » Duties of Justice
Donner des conseils professionnels indépendants
liberté du jugement technique vis à vis des pressions politiques
honnêteté (fiabilité, véracité on peut croire : truthfulness)
qualité du travail
liberté de parole
Responsabilité vis à vis du « Public »
sens de la justice (fairness)
capacité à évoluer (Procedural openess)
Sens de la responsabilité (accountability)
loyauté
discrétion (keeping confidence) ?
Le service des intérêts publics
équité (equity)
la négociation (process)
l’environnement naturel
le transport
le design urbain
129
130
KIRP, David, L., DWYER, John, P., ROSENTHAL, Larry, A. (1997) : « Our Town. Race,
Housing and the Soul of Suburbia » (Rutgers University Press, 267 p.)
Ce livre reprend et analyse l’histoire des luttes contre la ségrégation sociale dans les suburbs à
partir des événements qui se sont déroulés depuis 1970 à Mount Laurel.
Mount Laurel était une communauté de 10.000 habitants dans la banlieue de Camden, une
ville du sud du New Jersey, de 120.000 habitants, alors en expansion rapide.
L’histoire commence lorsque des habitants noirs veulent construire des logements
économiques pour leurs familles. Le maire de Mount Laurel s’y oppose, se servant d’un
zonage tel qu’il est impossible de fait d’y réalise des logements économiques.
L’argumentation du maire est alors que si des habitants ne sont pas assez riches pour habiter
à Mount Laurel (y venir, mais aussi y rester), ils n’ont qu’à aller ailleurs.
C’est ce zoning et cette argumentation qui seront attaqués en justice par les habitants appuyés
par les autorités de la ville de Camden. Ils obtiendront un jugement favorable de la cour
suprême en 1975, qui affirmera l’obligation constitutionnelle pour l’état de procurer des
occasions réalistes permettant de construire des logements accessibles à des populations
pauvres.
Toutefois, les autorités locales continuèrent de s’opposer de façons multiples à la mixité
sociale et à la construction de logements sur de petits lots ou de logements collectifs.
Ce livre est assez intéressant car il traite en profondeur d’un problème majeur de l’urbanisme
nord-américain actuel, et qui n’est pas sans rapport avec les préoccupations qui étaient déjà à
l’origine en France de la LOV. Il montre que les mécanismes juridiques sont souvent très
insuffisants pour imposer à un groupe social une type de développement local (et social) qu’il
rejette.
131
2.5. LA SUBURBANISATION
ADAMS, Charles F. et a.a. (1996) : « Flight form blight and metropolitan suburbanization
revisited" ( Urban Affairs Review 31 [4], March 1996, pp. 529 - 543 )
L’article rend compte d’une recherche sur les origines des habitants qui ont peuplé les
suburbs des États Unis entre 1980 et 1990.
Elle met en évidence que la majorité de cette population suburbaine ne vient généralement
pas de la ville centre de cette même zone mais d’autres zones urbaines, particulièrement dans
le Sud et dans l’Ouest.
Les régressions montrent aussi que quand les villes sont « fortes », les habitants du Nord-Est
et du Centre Nord ont tendance à migrer vers les suburbs de la ville où ils habitent, tandis que
les habitants des autres régions migrent vers les suburbs du Sud et de l’Ouest ; mais quand les
villes sont « faibles » les gens ont plutôt tendance à changer de zone urbaine.
La conclusion de cette étude insiste sur l’attention qu’il faut porter à l’évolution des villes
centres qui sont la clef non seulement de la suburbanisation, mais aussi du développement
régional : leur redynamisation permet non seulement de freiner la suburbanisation, mais aussi
de maintenir la dynamique métropolitaine locale.
BEAUREGARD, Robert A. (1995) ; « Edge cities : peripheralizing the center » ( Urban
Geography, 16 - 8 , Nov-dec 1995, pp. 708 - 721 )
Les edge cities ne sont pas une réponse adéquate aux problèmes sociaux et urbains des villes
américaines qu’elles ne font que fragiliser encore plus.
132