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Orthonet 1 of 1 http://www.sdv.fr/orthonet/pages/informations/XTOP.htm Au Portugal ? En Espagne ? Au Portugal, à Malte ? En Espagne, en Lorraine ? Pourquoi dit-on : en Espagne, mais au Portugal ? en Bavière, en Sicile, mais au Québec ? Quelle est la règle ? Y a-t-il une règle ? Quand le toponyme est employé sans préposition, comme sujet ou objet, le français crée deux classes lexicales dans les noms en cause: A. Les uns (les continents, et des pays, provinces, régions, etc.) ont l’article, donc un genre : • des masculins : l’Artois, l’Iran, l’Ouganda, le Danemark, le Québec, le Luxembourg… ; • des féminins : l’Asie, l’Inde, la France, l’Espagne, l’Ile-de-France, la Savoie, la Crête… ; B. Les autres (surtout villes et villages, des îles, quelques pays) s’emploient sans article ; leur genre est souvent incertain : Londres, Orléans, Avignon, Québec, Luxembourg ; Corfou, Ouessant… ; Israêl, Cuba, Ceylan, Madagascar. – Complication : il faut y joindre des villes et villages ayant un article qui fait partie du nom propre (et qui est porteur d’un genre) : Le Caire, Le Havre, Le Mans, La Ferté, Les Aubrais, Les Loges… Quand ces toponymes sont employés comme compléments de lieu, ce qui est classé sous B s’emploie avec la préposition « à ». à Orléans, à Avignon, à Québec, à Luxembourg, à Cuba, à Corfou, au Mans, au Caire, aux Aubrais. –Ajoutez, du groupe A, les masculins dont le nom commence par une consonne : au Pérou, au Québec, au Luxembourg. La vieille préposition en a gardé le reste, mais sans article : en France, en Amérique, en Iran, en Savoie, en Île-de-France, en Crête… Une exception : en Israël ; d’autre part un usage récent tend à préférer « en Haïti » à l’usage précédent : « à Haïti ». Quant à « en Avignon », c’est une fausse élégance à ne pas prendre au sérieux. Cette répartition (compliquée) entre les deux prépositions à et en s’est créée lentement. Elle est due en partie à des faits morphologiques : aux 15e et 16e siècles, le vieux en vieillissait mal ; il avait perdu ses formes contractes, el (en + le), ès (en + les), et ne s’habituait pas à la rencontre d’un article devenu indépendant ; en l’ conserve un rôle, en la est rare, en le et en les très rares. En face. succès de à, muni de ses formes contractes qui incluent l’article : au, masculin singulier, et aux, pluriel des deux genres. Au 16e siècle, ces prépositions sont concurrencées par dans ; celui-ci, entré tardivement dans la langue, a trouvé les meilleures places prises ; il va surtout gagner un rôle auprès des départements français (dans le Rhône), eux aussi tard-venus (1793) dans la toponymie Ce qui est notable, c’est que cette répartition résulte d’un usage qui s’est constitué spontanément ; s’il y a une « règle », c’est la description que les grammairiens ont élaborée de cet usage ; et il faut constater que la plupart des grammaires et des dictionnaires y échouent. Toujours est-il que pour tout étranger, cet usage est des plus déroutants (oui, « ça prend un –s »). 05/06/2005 00:18 Orthonet 1 of 1 http://www.sdv.fr/orthonet/pages/informations/XCLEF.htm CLÉ ou CLEF ? Pourquoi ce nom a-t-il deux orthographes ? Dans l’ancienne langue, l’–s du pluriel faisait souvent disparaître, dans la prononciation, la consonne qui le précédait. Ainsi le nom clef [latin clave(m), italien : chiave], devenait au pluriel cles. Quand, au 17ème s., l’Académie rédige son dictionnaire, elle écrit clef, mais ajoute aussitôt : « on prononce clé ». En 1762, elle ajoute : « …même devant une voyelle » ; l’-f final est donc définitivement muet. En 1835, nouvelle addition : « …et plusieurs l’écrivent de cette façon » (naissance discrète, mais non adoption d’une graphie clé). En 1932, cette mention devient : « l’F ne se prononce pas. Quelques-uns écrivent clé ». Et il faudra attendre l’édition en cours (1992) pour que l’entrée devienne: « clef ou clé », suivie d’une remarque : « L’orthographe étymologique et ancienne, clef, et l’orthographe moderne, clé, s’emploient toutes deux selon des critères qui ne sont pas objectivement définissables ». Mais la graphie ancienne figure seule dans les nombreux exemples, même au pluriel, et même dans des expressions récentes comme « un mot clef, usine clefs en main », etc. Les dictionnaires du commerce, depuis longtemps, réunissent les deux formes en entrée : « clef ou clé ». On observe un même usage, pour d’autres mots, non dans la graphie, mais dans la prononciation : un œuf, des œu(f)s – un bœuf, des bœu(f)s. C’est la langue orale qui a produit un singulier clef et un pluriel clés. Mais la création d’une orthographe, tendant à des règles simples (pluriel = singulier + -s), a fabriqué un pluriel analogique clefs et un singulier analogique clé. Ce que nous venons d’observer avec une consonne finale -F s’est produit, avec un -T final, dans ces centaines de noms et d’adjectifs : d’où les anciens pluriels enfans, prudens, etc., encore très courants au début du 19ème siècle. Mais, pour ramener ces mots à la règle simple, l’Académie a adopté en 1835 les pluriels actuels : enfants, prudents. Autant d’exceptions en moins ! 05/06/2005 00:12 Orthonet 1 of 1 http://www.sdv.fr/orthonet/pages/informations/XCLOR.htm Clore, clos. Clore ? fermer ? Musset a donné comme titre à une de ses pièces un dicton : « il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée ». Ce n’a pas toujours été vrai. Aux origines de la langue, elle pouvait n’être ni fermée, ni ouverte, quand elle était seulement close. En ancien français, fermer et clore ne sont pas synonymes : fermer, c’est rendre ferme, fort, solide : fermer un espace, un parc, c’est l’entourer d’une clôture ; fermer une ville, c’est la ceindre de fortifications ; une ferté, c’est une forteresse. Dans ces emplois, proches de l’adjectif ferme, fermer une porte ne signifierait pas seulement qu’on la clôt, mais qu’on pousse le verrou ou qu’on tourne la clef dans la serrure ; la porte pourrait être close sans être fermée…. Clore, verbe défectif, fonctionne mal, et peu à peu fermer l’a remplacé ; on en arrive à dire : « il ferma la bouche », ou : « fermez les yeux », puisque le vieux clore s’y refuse. On dit encore : « clore un débat, une session, une cérémonie » ; mais quand on tombe dans un des trous de la conjugaison de ce verbe, on lui substitue parfois « clôturer » ; évitez cet à-peu-près ! 05/06/2005 00:14 Orthonet 1 of 2 http://www.sdv.fr/orthonet/pages/informations/XCOUR.htm Courriers d’hier et de demain LE COURRIER. Votre courrier – celui que vous avez trouvé dans votre boite aux lettres, et que vous lisez ce matin ; ou celui que vous rédigez, et que vous allez confier à la poste… vos courriers quotidiens ont-ils un rapport avec le verbe « courir » , avec la course, et le coureur ? Oui. Quand au 17ème siècle l’Académie rédige son premier dictionnaire, ce rapport ne fait aucun doute, et le mot est inscrit à la suite du verbe et parmi ses dérivés : le courrier est un homme qui court, qui se déplace rapidement ; c’est, par exemple, celui « qui court la poste pour porter les depesches ». Courir la poste, à l’époque, cela veut dire être très rapide. « On dit fig(urément) : Courir la poste, pour dire, Aller bien viste. Quand on travaille à un tel ouvrage, quand on lit un livre aussi difficile à entendre, on ne court pas la poste. » Courrier est donc d’abord et restera longtemps le nom d’un homme pressé, par profession ou non. En 1863, Littré signale un sens nouveau, celui qui est devenu, pour notre époque, le plus banal : la totalité des lettres qu’on envoie ou qu’on reçoit par le même ordinaire de la poste L’Académie avait mentionné ce sens en 1835, avec quelques restrictions : Il se dit figurément, en termes de Commerce, et quelquefois dans le langage ordinaire, de La totalité des lettres qu'on écrit ou qu'on reçoit par un seul ordinaire. Faire son courrier. Lire son courrier. Ces définitions nous font découvrir un autre terme, bien oublié aujourd’hui, du vocabulaire postal, que l’Académie définissait dès 1694 : Il se dit aussi du Courier qui part à certains jours précis. L'ordinaire de Lyon. Je vous écriray par le premier ordinaire. Il se dit aussi du jour où ce Courier part. Je vous écriray au premier ordinaire. il s'est passé trois ordinaires sans que j'aye eu de vos nouvelles. En 1835, elle le note comme vieilli, mais signale un emploi administratif nouveau du mot de courrier : Il se dit également d'Un préposé de l'administration des postes qui est chargé de porter les lettres d'une ville à une autre, et qui voyage dans une voiture appelée Malle-poste ou Malle. Courrier de la malle. Le courrier de Lyon, de Lille, etc. Départ, arrivée du courrier. Quant à notre terme familier de facteur, l’Académie le note dès 1694: On appelle aussi, Facteur, Celuy qui porte par la ville les lettres de la Poste, & les distribuë à leur adresse. En 1932, mention des emplois anciens, et état moderne du mot : COURRIER. n. m. Il se disait autrefois de Celui qui courait la poste en avant des voitures pour préparer les relais. Il se disait aussi de Celui qui portait des dépêches. Courrier de cabinet, Celui qui portait les dépêches diplomatiques. Il désigne aujourd'hui le Véhicule qui sert à transporter des lettres, des journaux, etc., pour le service postal ou le Transport lui-même de ces lettres, de ces journaux, par voie de terre, voie de fer ou voie aérienne. L'arrivée du courrier. Le courrier n'est pas encore arrivé. Les heures du courrier sont changées. Mettre une lettre à la poste pour le courrier de cinq heures. Répondez-moi courrier par courrier. Manquer le courrier. Il se dit aussi de la Totalité des lettres qu'on écrit pour les envoyer par le service postal ou qu'on reçoit par ce service. Faire, adresser son courrier. Lire, dépouiller son courrier. Le mot courrier a évolué d’un sens aujourd’hui disparu (homme se déplaçant rapidement), vers un emploi professionnel (homme qui porte les dépêches, et parfois son véhicule), pour atteindre le sens actuel (ensemble des correspondances envoyées ou reçues en même temps). La particularité de ce nom est que pendant cette évolution, on observe de nombreux contextes où il est impossible de dire, de deux 05/06/2005 00:15 Orthonet 2 of 2 http://www.sdv.fr/orthonet/pages/informations/XCOUR.htm sens successifs, lequel est actualisé ; « le courrier est arrivé en retard » : le porteur, ou la correspondance ? Alors qu’on a pu observer des contextes sans ambigüité : « donner un pourboire au courrier » - « dépouiller son courrier », témoins assurés des étapes sémantiques . P.S. Le néologisme Courriel, judicieuse initiative du Québec, est une heureuse traduction de l’e-mail venu d’Amérique. Désormais, tous les matins, notre boite aux lettres nous livre du courrier, et notre ordinateur affiche le courriel du jour. 05/06/2005 00:15 Orthonet 1 of 1 http://www.sdv.fr/orthonet/pages/informations/XGARE.htm DES BATEAUX AUX TRAINS : LA GARE Il y a deux mots « gare »! L’un est très vieux ; on le rencontre déjà dans des textes du moyen-âge. Nos premiers dictionnaires le décrivent comme une « espece d'interjection pour avertir que l'on se mette à l'escart, pour laisser passer, ou pour éviter quelque danger. Gare, gare. gare de là. gare de devant. gare donc. gare l'eau. gare le foüet. gare le baston. » (Ac.fr., 1694). Par la suite, on le reconnaît comme « Impératif du verbe Garer » , et sa définition ne change guère. L’autre nous est plus familier : il nous fait penser au chemin de fer, mais il est bien plus ancien que lui. Bien avant, il était né dans le langage des bateliers. Les dictionnaires font sa découverte au 18ème siècle seulement : « Lieu destiné sur les rivières pour y retirer les bateaux, de manière qu'ils soient en sureté, & n'embarrassent point la navigation» (1762). Un siècle plus tard, le mot reçoit un nouvel emploi : « Il se dit aussi Des stations de chemin de fer, etc. Chef de gare. Gare de marchandises. » (1878). Et les chemins de fer prennent de l’importance dans l’édition suivante (1932-35) : « Bâtiment ou ensemble de bâtiments établis aux stations des lignes de chemin de fer. Gare de marchandises. Gare des voyageurs. La gare de l'Est. La gare du Nord. Les quais de la gare. Le train entre en gare. Les employés de la gare. Chef de gare - Gare militaire, Celle qui est réservée pour l'embarquement et le débarquement des troupes en cas de guerre. » On le voit, la « station » (anglicisme), le lieu où les « convois » stationnent, est devenue un ensemble de bâtiments, de lignes, avec tout un personnel ; c’est si imposant qu’on oublie les rivières et leurs gares. Oubli réparé dans l’édition du Dictionnaire en cours de publication (tome 2, 2000) qui rétablit la gare des bateliers, ancêtre de celle où nous prenons les trains. Quand tout au long du 19ème s. le réseau des rails s’étendit sur le pays, son vocabulaire s’inspira souvent de celui de la navigation fluviale. Le « convoi » était un terme de marine, et s’étendit au nouveau moyen de communication : « Suite de wagons formant un train. Un convoi de voyageurs, de marchandises. » (1878). Quant à la gare, elle faillit recevoir un nom encore plus maritime ou fluvial : « EMBARCADÈRE. s. m. T. de Marine, emprunté de l'espagnol. Espèce de cale, de jetée qui, du rivage, s'avance un peu dans la mer, et qu'on nomme aussi Débarcadère, parce qu'elle sert au débarquement comme à l'embarquement. » (1835) . Et en 1878, l’Académie ajoute : « Il se dit aussi Du lieu de départ d'un bateau à vapeur, d'un chemin de fer. ». L’édition actuelle cite cet emploi comme vieilli, et le remplace par… « quai ». La gare, c’est l’endroit ou les trains peuvent se ranger hors de la circulation ; l’endroit où les trains s’arrêtent (station) ; le lieu où ils prennent des voyageurs (embarcadère) Quant au garage, c’est une autre histoire. 05/06/2005 00:07 Orthonet 1 of 1 http://www.sdv.fr/orthonet/pages/informations/XINCL.htm « Elle est incluse – mais : elle est exclue . Pourquoi cette différence ? » Bizarre, en effet ! Voici deux verbes, liés par leur forme et par leur sens, inclure et exclure ; des conjugaisons bien semblables, sauf… au participe passé ! Et si au masculin la prononciation ne distingue pas inclus et exclu, au féminin ils s’opposent : si je disais : « elle est excluse », ou « elle sera inclue », je ferais une faute.. Pourquoi cette incohérence? Nos langues sont des héritages. Ce sont des systèmes auxquels ont contribué des dizaines de générations ; les grammairiens d‘hier ou d’avant-hier ont parfois tenté d’y mettre de l’ordre, surtout dans l’écrit (l’ « orthographe ») ; mais leurs décisions ont peu d’effet sur l’oral, sur ce que nous prononçons (l’ « orthoépie »). Alors, pour répondre à des énigmes comme celle de ces deux participes, il faut plonger dans un passé plus ou moins lointain (les linguistes qui aiment les grands mots vous diront que quand la synchronie ne donne pas la solution, il faut recourir à la diachronie). Et voici ce que nous révèle l’histoire. Le latin avait un verbe claudere/clodere, qui a passé dans le français parlé sous la forme clore, avec un participe passé clos ; ce verbe avait des composés includere, concludere, excludere, occludere, dont le premier au moins a passé en français parlé, devenant enclore ; pas d’élevage sans enclos. Quant à exclure et inclure, comme leur cousin conclure, ce sont de emprunts au latin écrit, donc des « mots savants », qui ne sont pas « venus du latin » par la voie populaire. Au 17ème siècle (de 1635 à 1694), l’Académie rédige le dictionnaire que lui a commandé Richelieu. Elle y inscrit INCLUS, USE « participe passif du verbe Inclurre qui n'a plus d'usage » ; et ce n’est qu’en 1878 qu’elle se décidera à enregistrer le verbe inclure, . Conclurre est présent dès 1694, avec son double R (futur : conclurra ? une 3ème pers. d’indicatif Il conclud et un participe conclu, ue ; en 1762 seulement, il recevra ses formes actuelles. Exclure, enfin ! Comme conclure, il s’écrit d’abord avec le double R (pas au futur), mais l’histoire académique de son participe est curieuse. Il est d’abord en –s : exclus, excluse, et cela jusqu’en 1740, où la 4ème édition du Dictionnaire écrit : « Exclus, ue, ou use. partic. passif ». Bizarre ! deux féminins, dont le premier est en contradiction avec le masculin ! en 1762, les Immortels se ravisent : « exclu, ue, ou exclus, use » et ajoutent un exemple : « les femmes sont exclues ou excluses de… ». En 1835, leurs successeurs optent pour la forme sans –s : « exclu, ue. Les femmes sont exclues de ces emplois. Autrefois on disait aussi Exclus, use ». L’histoire nous donne la solution de l’énigme. Le participe exclus, employé surtout dans le langue écrite, comme inclus, est d’abord fidèle à son modèle latin : finale en –s. Mais au 18ème s., l’Académie constate l’apparition d’un féminin en –ue, et c’est celle-ci qui, à la longue, deviendra la norme ; sans doute sous l’influence de la prononciation. 05/06/2005 00:10 Langue française : les informations et les conseils d’ORTHONET 1 of 3 http://www.sdv.fr/orthonet/pages/informations_p9.html HISTOIRE DE NOS MOTS DU SAVOIR A LA SCIENCE Les mots, c’est comme les gens : pour bien les comprendre, bien les fréquenter, il est bon de connaître leur passé. C’est souvent ainsi qu’ils livrent leurs secrets. Le savoir, la science, ce sont deux noms qui concernent une même réalité mentale : la connaissance. Mais l’un évoque d’abord ce que connaît l’individu, alors que l’autre signifie une somme de savoirs de l’humanité entière, acquis ou créés au fil des siècles, un trésor dont le personnage le plus savant ne possède qu’une infime partie. D’où nous viennent-ils, ces deux mots ? Le français (comme d’autres langues de l’Europe) a emprunté au latin scientia, en respectant presque son orthographe, avec sa double consonne initiale, avec son C parfaitement superflu en français. Alors l’étymologiste amateur vous dira, sans hésiter, et prêt à parier : c’est un des innombrables latinismes de l’époque de la Renaissance ; datation ? 16e siècle, au plus tôt 15e. Eh bien non ! Le mot est déjà présent dans la Chanson de Roland, avec le sens de « connaissance » ; et au fil des siècles d’ancien et de moyen français, il apparaît dans les textes. Ce n’est donc ni un mot du latin vulgaire, importé en Gaule par la voie orale, ni un néologisme érudit des humanistes. Conclusion : un emprunt, très tôt, au latin de l’Eglise. L’histoire de savoir n’est pas plus simple. Cette fois, c’est bien du latin vulgaire. Le latin classique avait un verbe de la connaissance : scire, dont scientia est du reste un dérivé ; mais il n’a guère laissé de traces dans les parlers de l’Europe romaine ; le latin du peuple lui avait préféré un curieux sapere, qui eut, suivant la place de l’accent, deux séries de formes, et aussi deux significations : « avoir du goût », s’agissant d’un aliment, d’un fruit ; ou « avoir du goût », en parlant de celui qui déguste, d’où « avoir du discernement, comprendre, savoir… ». De ce verbe, on retrouve des descendants qui parlent de l’objet de la connaissance : saveur, savourer, savoureux ; il y eut même un adjectif sade, évoquant ce qui séduit, la grâce, la gentillesse ; on l’a perdu, ne gardant que son méchant contraire : maussade. Les autres concernent celui qui goûte, qui sait : savant, sage (homo sapiens), sagesse, etc. Aujourd’hui, notre savoir a droit à deux places dans nos dictionnaires : une comme verbe, l’autre comme nom. Comment se présente-t-il quand, au 17e siècle, la jeune Académie française, débutante en lexicographie, en entame une description ? SÇAVOIR. v. a. Connoistre, avoir connoissance de. Je sçay bien cette affaire. il ne sçavoit rien de ce qui se passoit… etc. et c’est un défilé, peu ordonné, mais copieux, savoureux, de contextes et d’emplois de notre verbe. Mais, pour le lecteur d’aujourd’hui, une surprise de taille : voici qu’apparaissent, en sous-entrées, des mots inattendus : d’abord un sceu, sceüe, qui est notre su, sue, participe passé, mais dont on informait qu’il fonctionne aussi comme nom dans la locution au veu et au sceu de tout le monde. Ainsi apparaît sçavoir, nom, puis sçavant adjectif et nom. Et soudain, dérivé inattendu : science Car nos académiciens ont décidé de classer les mots par famille, ne plaçant dans l’ordre alphabétique que les mots de base. Si bien que pour s’informer sur science, et même sur conscience, il fallut les chercher sous…savoir ! Les académiciens ont-ils vraiment cru à une parenté étymologique entre le savoir et la science ? Ou une proximité sémantique leur suffisait-elle pour les réunir ? Ne tranchons pas ! A la fin du siècle, quand parut enfin, après soixante ans de travaux et de querelles, le fameux Dictionnaire, ce fut un jeu de salon de deviner où se nichaient des mots courants. Ainsi mépriser était dans l’article prix, mais méprise se cachait sous prendre Les femmes savantes purent se passionner pour les étymologies ; mais un mot très à la mode dans le style galant: les attraits des belles? il fallait le chercher, hélas ! dans les étables, sous le vulgaire traire 05/06/2005 00:26 Langue française : les informations et les conseils d’ORTHONET 2 of 3 http://www.sdv.fr/orthonet/pages/informations_p9.html Dès la seconde édition du Dictionnaire (1718), tous ces dérivés plus ou moins légitimes obtinrent leur indépendance et prirent leur rang dans l’alphabet. : la science et le savoir furent libérés de la tutelle du verbe… sçavoir .. car celui-ci était encore affublé d’un C cédille, trace de sa douteuse parenté avec la science. Il n’en fut débarrassé qu’en 1740. Et depuis, avec leurs escortes de dérivés, la science et le savoir poursuivent leur lutte contre l’ignorance, et la sagesse son combat contre la sottise. IMPRUDENCE ! Dans L’EXPRESS du 18 avril 2005, en réponse à la question : « Faut-il simplifier l’orthographe ? », on lit cette opinion d’une enseignante : « Notre orthographe a peu bougé depuis les XVIe et XVIIe siècles ». Tel n’est pas l’avis d’Orthonet! "De sa première édition (1694) à la neuvième (en cours), le Dictionnaire de l’Académie, pilote des autres répertoires, n’a cessé de réviser, de réparer, d’améliorer l’orthographe lexicale, de corriger les tâtonnements du début et les maladresses de la suite. Parmi les mots du début (moins de 20 000), un tiers ont ainsi subi des rectifications ; en 1718, je sçay perd son ç, puis, en 1740, j’ai sû gagne un circonflexe, mais va le perdre, et hésitera un siècle durant entre je sai et je sais ; la veue de 1694 est devenue en 1718 vüe, puis vue (1762) ; en 1740, la verité était devenue vérité ; seur, seureté, meur, meurir avaient remplacé leur E inutile par un circonflexe; tiens ! la coustume, qui avait été dotée d’un beau circonflexe, vient de le perdre ; en 1798, l’imbécille perd un L (ou une L, comme on disait alors), et l’ame obtient enfin le circonflexe qui donne plus d’âme; mais ce n’est qu’en 1835 que je sais élimine enfin je sai, que les enfans prudens ont rejoint les autres pluriels en devenant des enfants prudents ; la monnoie s’est convertie en monnaie ; et tous les imparfaits et conditionnels accomplissent un vœu de Voltaire en remplaçant les –oit, -oient , etc., par –ais, -ait, -aient, etc. En 1878 le collége est devenu un collège, et le poëte un poète ; c’est depuis 1932 que la grand’mère s’écrit grand-mère, et que le nénufar s’est paré d‘un douteux PH ; en 2000 enfin qu’imbécillité et interpeller ont perdu un L, que l’euro a fait son entrée, mais en oubliant de révéler son pluriel, et que gageüre obtient enfin un tréma (facultatif) qui lui éviterait de rimer avec du beurre. » Ch.Muller, La langue française vue d’Orthonet p. 157. Se prononcer sur des choses qu'on ne connait pas, c'est une imprudence. De la part d'un enseignant, c'est de l'inconscience. Les pièges de l'histoire: "Je m'en passe!". Quand un Parisien dit : »Je me passe de ma voiture », cela signifie que pour l’heure il n’en a pas besoin, qu’il l’a prêtée (quelle imprudence !) à un ami ou un membre de sa famille, ou qu’elle est en révision…, bref, que l’absence de cette fidèle compagne ne le soucie pas trop. Belle sagesse, si elle est sincère ! Quand un contemporain de Molière prononçait les mêmes mots, cela signifiait qu’il se contentait d’un unique équipage ; il avait, certes, une maison assez vaste pour y loger ce véhicule, et deux ou trois chevaux ; que ses « gens » (son « domestique ») suffisaient aux soins quotidiens de cette modeste cavalerie, et assurait l’entretien du véhicule, la propreté de l’écurie et de la remise, l’évacuation du fumier, etc. Mais que, par modestie naturelle, il n’imitait pas certains bourgeois de ses voisins, qui entretenaient, par pure vanité, plusieurs équipages. Quand nos contemporains sont fiers de pratiquer la « langue de Molière », savent-ils que bien des expressions (comme: "se passer de qqch") ont complètement changé de sens depuis l’auteur des Fâcheux ? Les deux "on"... « On est allé(s)… ? » Cet accord est-il admis ? Deux réponses. 05/06/2005 00:26 Langue française : les informations et les conseils d’ORTHONET 3 of 3 http://www.sdv.fr/orthonet/pages/informations_p9.html A) dépannage : notre LEXIQUE vous propose une série d’exemples simples ; vous trouverez celui qui correspond à votre propos. B) explication : notre LECTURE N° 34 analyse la rencontre, dans notre histoire, entre les deux ON, le vieux, importé par les Francs, toujours vivant ! et le tard-venu, tout jeune (un siècle à peine !), encore suspect pour certains, mais si familier, si spontané ! On va vous expliquer ! Lisez, et vous saurez même dépanner vos amis. La coexistance de ces deux "on" est un des faits les plus curieux dans l'histoire de nos pronoms. Il y a un on indéfini, emprunté aux langues germaniques dès le plus ancien français; sous la forme l'hom, c'est une traduction du francique man Il est toujours sujet personnel d'un verbe au singulier, peut avoir un attribut, masculin ou féminin singulier, et n'inclut pas celui qui parle. Il traverse toute l'histoire de la langue sans dévier de ces caractérisiques. On note qu'il n'a d'équivalent ni dans les autres langues romanes, ni en anglais, mais seulement en allemand et les langues apparentées. En français moderne (début du 20e siècle) est apparu dans l'usage populaire un nouvel emploi de on, synonyme du nous conjoint; sujet d'un verbe au singulier, dont l'attribut est au pluriel, masculin ou féminin. D'abord considéré comme fautif er vulgaire, combattu par tous les défenseurs du bon usage, surtout dans son emploi le plus choquant, reprenant la forme disjointe: "Nous, on..."., il s'est répandu rapidement dans l'usage familier, à l'oral surtout. Bien qu'aucun tableau de conjugaison n'ait osé ajouter à nous sommes un on est, ni un on a dit au classique nous avons dit, il suffit d'écouter la radio et la télé pour constater que, dans la fonction de sujet conjoint, ce faux indéfini a presque supplanté le nous conjoint dans l'usage parlé. DE L'IMPERSONNNEL De l’impersonnel Il y a plusieurs façons d’énoncer une action sans dire qui la fait, sans en exprimer le sujet. a) Avec un sujet impersonnel, le pronom « on ». On fait de grands travaux. b) Par le passif : De grands travaux sont faits. c) Par un réfléchi : De grands travaux se font d) Par un réfléchi impersonnel : Il se fait de grands travaux. « Autant que faire se peut ». Vieille locution, qui intrigue souvent ! Gribouille pensait même l’écrire : « …ce peut » ! Les travaux peuvent être faits, peuvent se faire. Dans la langue classique, le pronom objet peut être antéposé non seulement à l’auxiliaire : «…se sont faits », mais au semi-auxiliaire : « …se vont faire, se doivent faire, se peuvent faire ». … Autant que faire se peut » est une forme ancienne et proverbiale qui équivaut à : «autant que peut se faire, que peut être fait ». 05/06/2005 00:26 Orthonet 1 of 1 http://www.sdv.fr/orthonet/pages/informations/XIMBC.htm Imbécile, imbécillité Imbécile nom et adj. Calque du latin imbecillus – apparaît fin 15ème s. sous la forme imbécille. Figure ainsi dans le dictionnaire de l’Académie, éditions de 1694 à 1762. Nouvelle orthographe dans l’éd. de 1798 : imbécile, sans doute pour éviter une prononciation vicieuse ; forme conservée dans les éd. suivantes, et adoptée par les autres dictionnaires. b) Sens (adj.). Exprime d’abord, comme le modèle latin, une faiblesse, une infirmité du corps. « Un vieillard imbécile » signifie : « …débile, infirme ; « le sexe imbécile » = le sexe faible, les femmes. A partir du 18ème s., le sens s’étend à la faiblesse ou l’infirmité de l’esprit. Ce dernier sens l’emporte au 19ème s. Ac.1694 : Foible, qui n'a point de force. Ne se dit que des personnes… – 1718 : Foible, qui n'a point de force, qui a quelque peine pour se soustenir. – 1762 - 1798: Foible, sans vigueur. Il ne se dit que par rapport à l'esprit. - 1835 - 1878 : Qui est dans l’imbécillité. 1932-35 : Qui est peu capable de raisonner, de comprendre et d'agir judicieusement. – 1992-2000 – 1. Anciennt. Dont les facultés physiques et intellectuelles sont faibles par nature ou par suite des infirmités ou de l’âge . Incapable – Auj. PSYCHIATR. Qui est atteint d’imbécilité. – 2. Péj. Dépourvu d’esprit, sot. Imbécilité nom fém. Forme - Calque du latin imbecillitas – apparaît au 14ème s. sous la forme imbécillité. Figure ainsi dans le dictionnaire de l’Académie, éditions de 1694 à 1935. – Littré (1872) fait cette remarque : « Jusqu'à sa dernière édition, l'Académie avait écrit imbécille, conformément à l'étymologie. La suppression d'une l dans ce mot est d'autant plus surprenante, qu'on en met deux dans le substantif imbécillité ». En 1935, l’Académie conserve cette différence. Les rectifications de 1990 alignent le nom dérivé sur l’adjectif ; la 9ème éd. du Dictionnaire adopte l’orthographe nouvelle imbécilité, avec la remarque : « s’est écrit longtemps, comme imbécile, avec deux l ». Sens - Même évolution que pour le mot simple. Dict. de l’Ac. 1992-2000. Anciennt. Faiblesse des qualités physiques et intellectuelles provenant de la naissance, des infirmités ou de l’âge. - Auj. PSYCHIATR. Degré d’arriération mentale compris entre l’idiotie et la simple débilité. 2. Défaut d’intelligence, sottise. 05/06/2005 00:12 Orthonet 1 of 1 http://www.sdv.fr/orthonet/pages/informations/XJOURS.htm NOS SEPT JOURS Notre temps, le temps de notre vie, le temps de l’histoire est découpé en années, mois, semaines, jours, heures… Unités imposées par la nature, comme l’année, créées par les religions, comme la semaine, ou par la société, comme l’heure… Mais la plus naturelle, la plus impérieuse, c’est le jour, avec le double sens du mot : le jour qui est le temps de lumière entre deux nuits (« il va faire jour »), et le jour (légal) de 24 heures. Le français a une curieuse syllabe, un morceau de mot, un débris de latin : « di ». Il n’est pas dans votre dictionnaire, car il ne sert plus à rien. En ancien français, la jour se disait « jorn », ou « di » ; toujours » c’était « toudis » ; « ja a dis » (il y a des jours…) est devenu « jadis ». Mais la syllabe « di » subsiste, comme marque de parenté dans les sept noms des jours de la semaine.. Ces noms que l’enfant découvre très tôt pour le samedi et le dimanche, puis à l’école pour les cinq autres… « Les lundi(s), ça prend un s ? ». Pourquoi Orthonet ne cesse-t-il de répondre : « Voir Lexique » à cette question aux sept variantes, et de rassuer les inquiets ? D’abord parce que ces sept mots ont une double nature lexicale : ce sont des noms masculins (le lundi, ce lundi, un lundi, les prochains lundis… ), mais ils peuvent fonctionner comme adverbes : « Je viendrai lundi », et même réunir les deux fonctions : « nous partons lundi prochain ». ; alors un doute, parfois : seraient-ils invariables ? Ensuite parce que cette description syntaxique, dans votre dictionnaire, est distribuée et répétée dans sept pages différentes. Sept fois une bonne ration de syntaxe, la même partout (vérifiez quand même….), et quelques miettes de sémantique. Orthonet a innové, en réunissant les sept mots pour une description grammaticale commune. Et ces sept articles, en partie symétriques, mais dispersés, n’ont même pas une appellation commune. Alors donnons-la-leur : puisqu’il y a des patronymes, des toponymes et des pseudonymes, et que les géographes usent déjà d’hydronymes et d’oronymes, sanctionnons l’unité de ces sept compagnons dispersés par l’ordre alphabétique : ce sont nos héméronymes. Chez nos voisins, certains ont en commun une syllabe finale (day, tag…) qui est aussi un nom commun ; l’italien a notre –di, sauf le dimanche ; l’espagnol l’a perdu… En français, il singularise le jour le plus férie, qui lui accorde sa première syllabe, avec un second élément mystérieux : « -manche » (résidu d’un « dies dominica », jour du Seigneur), alors que les six autres vous promènent dans la mythologie ou l’astronomie. Et les noms des mois ? Ont-ils des pluriels ? Ce sera pour un autre mois. D’ici là, bons jours d’août à vous toutes et tous ! 05/06/2005 00:06 Orthonet 1 of 1 http://www.sdv.fr/orthonet/pages/informations/XVAIN.htm « Pourquoi vainqueur n’a-t-il pas de féminin ? » D’abord ce substantif ne nomme pas une profession ou un titre, mais une « situation », qui n’est pas nécessairement liée au sexe de celui qui l’occupe. De même une femme peut être « le témoin » d’un accident, et un homme peut en être « la victime ». Peut-on employer le nom vainqueur en parlant d’une femme ? Verlaine s’est risqué à louer une femme-poète, « vainqueur du rythme » …. A partir du 13ème s., on trouve des emplois adjectifs, et on voit naitre un féminin : vainqueresse, aussi bien nom d’agent qu’adjectif, formé sur une base verbale et un masculin en –eur, comme menteresse, pécheresse, chasseresse, enchanteresse, charmeresse, devineresse, venderesse, demanderesse, défenderesse, acquéresse, etc. Quelques-uns de ces féminins, comme demanderesse, ont été conservés dans l’usage juridique ; d’autres survivent dans la langue littéraire : enchanteresse. chasseresse… Mais à partir du 15ème s., il se produit une collision entre deux séries d’adjectifs masculins : ceux du type menteur (féminins en –eresse) à base verbale, et ceux du type honteux. (féminins en –euse), à base nominale. Régionalement, au 16ème s., la consonne finale –r devient muette, menteur est prononcé menteux, et engendre un féminin menteuse, qui a supplanté menteresse ; de même l’usage courant a préféré vendeuse, charmeuse…etc. Nos aïeux n’ont pas jugé bon de créer une *vainqueuse, et notre vieille vainqueresse a été vaincue par le couple victorieux, victorieuse, solidement campé sur sa victoire. Et nous avons hérité ainsi d’un curieux nom-adjectif, vainqueur, dont, sans raison sémantique, la forme adjective est privée de féminin. 05/06/2005 00:20 Orthonet 2 of 2 http://www.sdv.fr/orthonet/pages/informations/XSED.htm SIEGES D’HIER ET D’AUJOURD’HUI Les mots et les choses traversent les siècles ; le choses changent, les mots suivent. Ainsi les sièges. Asseyons-nous ! Sur quoi ? Sur des objets, des parties du mobilier, mobiles, et qui permettent la position assise, autrement dit : des sièges. Sur quoi s’asseyaient nos ancêtres ? Jadis, dans l’habitat modeste, on s’asseyait, ou plutôt on se seyoit sur des bancs (un nom venu d’Allemagne ) : « long siege à asseoir plusieurs personnes », dit le premier dictionnaire de l’Académie (1694) . Quant aux sièges individuels, mobiles, à trois au quatre pieds, sans dossier, cela se nommait, depuis le moyen âge, des selles. L’Académie définissait la selle: « Petit siege de bois où une seule personne peut s'asseoir. Selle de bois de noyer. assis sur une selle ». Sens aujourd’hui disparu ; mais le mot avait déjà le sens actuel : « Sorte de siege qu'on met sur le dos d'un cheval, d'une mule, pour asseoir la personne qui monte dessus ». Jusqu’à quand pouvait-on, dans un intérieur modeste, offrir une selle à un visiteur ? Dès la seconde édition du Dictionnaire (1718), les académiciens notent que cet emploi « n’est plus guère en usage ». En 1835, l’image de ce siège rustique se précise : « à trois ou quatre pieds et sans dossier », mais dans cet emploi le mot « est vieux et peu usité » ; le sens équestre l’a emporté. Un certain confort est apparu avec le dossier, c’est-à-dire le remplacement de la rustique et inconfortable selle par un meuble moins sommaire, mais qui avait été longtemps article de luxe, et qui meublait non les chaumières, mais des salles (encore un mot venu d’Allemagne), puis des salons (un mot d’Italie), des salles à manger, des cabinets, des boudoirs : la chaire. Les Romains, qui disaient cathedra, avaient emprunté ce nom aux Grecs ; importé en Gaule, il était devenu cadière en langue d’oc, chaière, puis chaire en langue d’oil. Mais à Paris le mot hésite entre deux formes : « CHAIRE, ou CHAISE », note l’Académie, en définissant : « Siege ayant ordinairement un dossier, & quelquefois des bras ». Au début, c’étaient deux prononciations d’un même mot. A Paris et dans la région, il y eut une tendance à prononcer le R entre voyelles comme un Z : « Pazis », disait-le peuple ; ainsi naquit la chaise ; et les deux formes devinrent deux mots, avec des sens distincts : « Ces deux mots ne se mettent pas tousjours indifferemment », observait prudemment l’Académie ; car ces mots jumeaux commençaient à se séparer. Deux siècles plus tard, Émile Littré raconte cette gémellité et ce divorce : « Chaise est une prononciation vicieuse du mot chaire. Dans le XVIe et le XVIIe siècle, le peuple de Paris, en beaucoup de mots, remplaçait le son de l'r par celui du z, et cette faute, acceptée par l'usage, a fini par faire deux mots de chaire et chaise, avec une acception différente. Mais pendant longtemps l'usage ne les a pas séparés, Molière a dit chaise pour chaire …, Régnier, chaire pour chaise ». En 1718, l’Académie sépare la chaise de la chaire, lui donne son autonomie lexicale, faisant deux articles distincts : pour la chaise : « Siège à dossier et ordinairement sans bras. Chaise de bois, de paille, de velours, de tapisserie. Chaise de salon. Prenez une chaise. Avancez une chaise. S'asseoir sur une chaise » , et cette définition se reproduira, jusqu’à l’édition en cours (1992), suivie d’exemples qui ont peu varié. La chaire est désormais réservée au prédicateur ou au professeur : « Ce mot n'a d'usage au propre qu'en parlant du siege qu'un Evesque a dans son Eglise Cathedrale, au haut du Chœur ; ou de ce Siege élevé, dans lequel un Predicateur annonce la parole de Dieu ; ou de celuy dans lequel un Professeur donne publiquement des Leçons ». En 1762, la définition, améliorée, devient plus descriptive : « Espèce de Tribune un peu élevée et en saillie, surmontée d'une sorte de dais ou baldaquin pour abattre la voix, d'où un Prédicateur annonce la parole de Dieu. On appelle aussi Chaire, Une autre espèce de Tribune plus simple, où le Professeur donne des leçons publiques ». C’est après la Restauration, sous la monarchie de Juillet, qu’elle va se laÏciser : « C'est, dans les églises, Une espèce de tribune élevée et ordinairement surmontée d'un dais ou baldaquin, dans laquelle on se place pour prêcher, pour faire quelque lecture aux assistants, etc. » (Académie, 1835). Quant à la chaise, née dans le parler populaire de la capitale, elle devient, dans tout le pays, le nom du siège individuel le plus courant. Pour les amateurs d’étymologies, notons que tout cela contient, sous des formes difficilement reconnaissables, la racine indo-européenne SED- Elle est dans la selle, dans seoir (ancien frs sedeir) et son composé asseoir, dans siège, siéger, session. Et nous la retrouvons dans les SEDiments, dans posSEDer, obSEDer, réSIDence, Et même, méconnaissable, dans la chaise ! Car, dans le greco-latin cathedra, la syllabe HED est sa forme grecque. Et un coup d’œil vers l’anglais et les langues germaniques vous montreraient que la commune origine de nos langues d’Europe se manifeste surtout dans l’expression de réalités très simples ! Asseyons-nous ! 05/06/2005 00:17 Orthonet 1 of 1 http://www.sdv.fr/orthonet/pages/informations/XTIEN.htm Des mots absents de votre dictionnaire : « tiens ! tenez ! » UN MOT QUI MANQUE DANS VOTRE DICTIONNAIRE TIENS ! VOUS .ÊTES LÀ ? Un mot qui, sans doute, manque dans votre dictionnaire ! Ce «Tiens !» est une interjection très courante, expression d’une surprise, faisant part d’un étonnement. Vous le trouverez probablement dans un recoin de l’article consacré au verbe « tenir », comme forme de son impératif. C’est évidemment son origine, mais le mot n’a plus aucun rapport avec cette origine. D’abord pour la forme :parce que, employé même en s’adressant à quelqu’un qu’on ne tutoie pas, ce n’est plus une deuxième personne singulier d’un impératif ; ce n’est même plus une forme verbale. Ensuite pour le sens, car on n’invite pas l’interlocuteur à « tenir » quelque chose. Le mot mérite donc d’avoir une entrée, un statut propre : interjection (comme « halte »), des exemples et des citations. Le verbe « tenir » n’y aurait sa place que dans l’étymologie. – 05/06/2005 00:22 Orthonet 1 of 1 http://www.sdv.fr/orthonet/pages/informations/XIMP.htm UN ADJECTIF DE L’IMPOSSIBLE Le Dictionnaire de l’Académie française vient d’admettre un lot d’adjectifs de l’impossible, dont : inapprochable ,inatteignable, inarticulable, inadaptable, inchauffable, immettable (qui rejoint imbuvable et immangeable), incontournable… mais ce dernier avec, en caractère gras, une réserve : « L’emploi de ce mot est déconseillé dans la plupart des cas ; on utilisera de préférence inévitable, indispensable ». Pourquoi cette méfiance, cette mise en cause (cause au sens de « procès, accusation ») ? La formation est banale : le radical d’un verbe courant, contourner, un préfixe négatif bien connu (inconnu, impur), un suffixe d’adjectif exprimant le possible, dont nous connaissons les trois visages : -able, -ible, -uble (indicible, insoluble…). Pourquoice soupçon, cette mise à l’écart ? Ce n’est pas simple. D’abord il y a un autre préfixe in- , qui n’est pas négatif : imprimer n’est pas le contraire de primer, ni impression celui de pression, ni insinuer l’inverse de sinuer. Mais laissons-le pour une autre occasion. Restons dans le pur négatif. Le tort de l’accusé incontournable serait-il de n’être le contraire de rien ? Car on cherche en vain un contournable, qui serait correct. Montaigne l’avait employé, ce qui l’a fait figurer dans le Littré, mais ni l’Académie, ni les autres dictionnaires ne l’ont retenu ; d’ailleurs une même lacune, une même dissymétrie n’a jamais compromis la santé et la bonne réputation de indicible, immanquable, implacable, ni de quantité d’autres.. Certes, il est jeune, très jeune ; même pas la cinquantaine, ce qui, pour un adjectif sans spécificité technique, est une fraîche jeunesse. Mais on peut y voir plutôt une raison de lui laisser le temps de faire ses preuves. Sa fréquence ? Ce serait le dernier argument contre notre inculpé! Il n’a rien d’un clandestin ; il est partout, dans tous les médias ; la presse, la télévision, la radio l’utilisent à foison dans les informations et leur commentaire : quantité d’évènements de l’avenir proche, annoncés comme prévisibles, sont ainsi qualifiés, et tout le monde comprend : que rien ne peut les empêcher, que leur accomplissement est certain, que ceux qui souhaitent leur omission seront déçus. Bref, qu’ils sont… inévitables Et parler d’insuffisante fréquence quand on conserve l’inusable immarcessible… Ce brave incontournable a au moins un mérite, autant que les adjectifs qu’on veut lui préférer : sa clarté, sa limpidité sémantique ; quiconque le lit ou l’entend pour la première fois n’a pas besoin de consulter un dictionnaire ou d’interpeler Orthonet pour savoir ce qu’il signifie ; ce n’est pas le cas d’adjectifs voisins, et tout aussi goûtés par les médias, comme inéluctable, ou inexorable, dont ce qui est entre le préfixe et le suffixe n’est pas d’une immédiate clarté : pas de verbe élucter, ni d’exorer... Finalement, on ne voit qu’une faiblesse à cet adjectif à la mode : l’emploi sémantique dont on l’affuble. Qu’est-ce que l’on contourne ? Habituellement, un obstacle ; et quand l’obstacle est incontournable, cela signifie que le passage est impossible. Or l’emploi qui fait le succès de l’accusé est exactement à l’inverse : il impose l’idée que non seulement le passage n’est pas impossible, mais qu’il est obligatoire ; l’obstacle imaginaire n’est pas, sur une route, un véhicule en panne, un rocher détaché de la montagne, un barrage de police… C’est… un péage d’autoroute ; le contourner, pour ne pas payer le parcours ? impossible ! Un piéton, un cycliste, un cavalier même avec sa monture pourraient contourner ; le voyageur d’aujourd’hui, inséparable de son véhicule, devra « emprunter » le seul chemin possible : le péage. En ville, le piéton découvre plus d’un exemple d’incontournabilité (que nous créons ici par analogie sur incontestabilité, nouvellement admis), ne serait-ce qu’aux entrées du métro. En interprétant logiquement l’adjectif en cause, la porte d’un immeuble ou celle d’un appartement seraient aussi « incontournables ». Logiquement l’Académie a raison : entre le sens du radical, contourner, et l’emploi qui est fait de l’adjectif en cause, il y a une étrange contradiction. Mais aura-t-elle raison contre l’usage ? La langue a intégré tant d’illogismes déjà ! Y compris le péage ! 05/06/2005 00:19 Orthonet 1 of 1 http://www.sdv.fr/orthonet/pages/informations/XFOSS.htm Un fossile : désemparer « Sans désemparer, l’assemblée a siégé jusqu’à une heure avancée de la nuit ». On peut lire ou entendre cette phrase dans l’information quotidienne : la locution sans désemparer est courante, banale, avec un sens bien connu : « sans s’interrompre, sans.arrêt », dit mon Nouveau Petit Robert. On signale cette locution dans un discours de Robespierre (1792). Le Dictionnaire de l’Académie la mentionne pour la première fois en 1835 : « Sans désemparer, Sans quitter la place. L'assemblée arrêta qu'elle statuerait sans désemparer ». Littré (1864) suit, mais en ajoutant une notion de temps : « …Et, figurément, faire, achever, régler une affaire sans désemparer, s'en occuper d'une manière suivie, sans interruption ». En 1932, l’Académie complète sa définition en ajoutant: « …sans laisser passer aucun intervalle de temps » (1932). Mais qu’est-ce que ce verbe désemparer ? Quel rapport avec s’emparer ? A-t-il une existence, dans l’usage, ailleurs que dans cette locution ? On connait surtout son participe, désemparé, devenu adjectif : « Un gouvernement désemparé, qui ne sait répondre aux questions » (J.Romains). Mais qui conjuguerait le verbe ? « l’assemblée ne désemparera pas » ? Impossible ! le T.L.F. a dû remonter jusqu’à Chateaubriand pour citer un exemple : «…pour ne pas désemparer ». Il a pourtant existé, ce verbe. La première édition du Dictionnaire de l’Académie (1694) le cite comme composé d’ « emparer » : s'Emparer. v. n. pass. Se saisir d'une chose, s'en rendre maistre, l'occuper, l'envahir. Les ennemis se sont emparez d'une place par surprise. s'emparer d'un heritage.[…] Desemparer. v. n. Abandonner le lieu où l'on est, en sortir. Les ennemis qui estoient devant une telle place, ont desemparé. Tous les habitans desemparerent à l'arrivée des gens de guerre. Je n'ay point desemparé de la ville. Tenez-vous là & n'en desemparez point que je ne revienne. Quelques-uns le font actif. Desemparer la ville. desemparer le camp.. L’édition suivante (1718) sépare des deux verbes ; pour le composé, elle ajoute un sens technique : « En termes de Marine, on dit, Desemparer un vaisseau, pour dire, le demaster, ruiner les manoeuvres, & le mettre hors d'estat de servir. Il eut bientost desemparé le vaisseau ennemi. Ce vaisseau fut desemparé à coups de canon ». Mais notre verbe a vieilli. Buffon (1770 ), peut encore parler de l’opiniâtreté des oiseaux « à ne pas désemparer les lieux qui leur conviennent ». Mais déjà Richelet (1680) ne le citait déjà qu’avec de curieuses réserves: «Desemparer,v. a. Quiter, abandonner. Le mot de desemparer se dit, mais rarement, & il semble qu'il trouveroit mieux sa place dans le Comique que dans le serieux ». Quelle évolution ! emparer fut d’abord un terme de fortification (munir de remparts) ; dans la marine, il s’emploie pour « équiper » (un navire) ; d’où, pour le composé antinomique en dés-, un sens de « démunir » qui subsiste dans notre adjectif désemparé. Du vieux emparer, nous ne connaissons plus qu’un s’emparer, bien éloigné des remparts médiévaux. Quant au verbe désemparer, au sens de « quitter, interrompre », il a disparu de l’usage, et ne subsiste que dans une locution, comme un fragment inerte d’un fossile lexical. 05/06/2005 00:08