le saint-empire - Collège Saint Pierre

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LE SAINT-EMPIRE
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LA NOTION D’EMPIRE
La notion d’empire nous a été léguée par les Romains.
Elle recouvre un certain nombre de caractéristiques :
1) un Etat fédéral dont le chef - qui porte normalement le titre d’empereur - n’est en théorie
soumis à aucune autorité (sinon celle de la divinité), même celle des rois1 (ex : Hérode, roi de Judée,
dans l’Empire romain) ;
2) une grande puissance hégémonique qui a réussi à imposer sa domination (politique,
économique, culturelle) sur de vastes territoires et de nombreux peuples, soit par la conquête, soit par
la persuasion, ou encore par adhésion plus ou moins volontaire ou par la puissance d’attraction de sa
civilisation ;
3) la conscience et la volonté d’appartenir à une large communauté de peuples, sorte de
citoyenneté élargie, cimentée par un idéal, un projet, des institutions et des intérêts communs.
LA RESTAURATION DE L’EMPIRE ROMAIN (800).
En 476, l’Empire romain s’effondre en Occident sous les coups des Hérules qui se sont
emparés de Rome ; cependant Odoacre, leur chef, n’ose pas revêtir la pourpre et les insignes
impériaux : il les fait envoyer à Constantinople (translatio imperii). Ainsi, la puissance impériale
(imperium) se trouve-t-elle désormais concentrée entre les mains du basileus (empereur byzantin)
- au lieu d’être partagée, comme elle l’était depuis 330, et surtout depuis 395, entre Rome et
Constantinople -, et les rois germaniques se considèrent-ils comme des vassaux de cette puissance.
Telle sera encore la conception des Mérovingiens, même si cette suzeraineté était toute théorique.
D’autre part, le christianisme, religion officielle de l’Empire depuis 381 (édit de Théodose), va
poursuivre son expansion et l’Eglise, centrée sur Rome (résidence des papes) va s’imposer
progressivement comme intermédiaire incontournable entre les populations et les nouveaux dirigeants
de l’Europe occidentale. Très populaire, elle s’imposera d’autant plus qu’elle est pratiquement la seule
puissance héritière de la romanité qui se soit maintenue debout à travers les troubles des invasions.
Forte de la protection intéressée des premiers rois francs carolingiens (donation de Pépin, 756), la
Papauté mènera une politique habile qui la fera apparaître - sans aucun fondement légal - comme
l’héritière et la dépositaire de l’antique puissance impériale romaine.
La restauration de l’Empire romain au profit de Charlemagne s’explique par plusieurs
facteurs : le programme de ses ministres lettrés, l’importance de ses conquêtes territoriales, son
soutien à l’Eglise et, plus encore la volonté du pape. En effet, la cérémonie du 25 décembre 800 en la
basilique Saint-Pierre de Rome avait d’abord pour objet le sacre (onction) du fils de Charlemagne
comme roi. C’est par la volonté de Léon III - débarrassé de la menace lombarde et soucieux de
s’émanciper de la tutelle de Constantinople - que Charlemagne fut couronné (par lui) et acclamé par
l’assemblée comme augustus et imperator, le cérémonial se déroulant comme au temps des
empereurs romains.
Dès lors, l’empereur se présente comme le chef temporel de la Chrétienté (au-dessus des rois)
et le défenseur attitré de l’Eglise, tandis que le pape renforce sa position de chef spirituel. Tous deux
prétendront à un pouvoir universel, ce qui entraînera plus tard de graves conflits. D’autre part, la
reconnaissance de ce nouvel Empire par Constantinople sera tardive et source de malentendus.
LE RETABLISSEMENT DE L’EMPIRE (962).
1
D’où le titre de roi des rois (basileus basileôn) repris par les empereurs byzantins à la Perse antique.
Attaqué par les nouveaux envahisseurs musulmans, normands et hongrois, morcelé par les
querelles de succession (à commencer par le partage forcé de Verdun en 843), l’Empire carolingien ne
sera bientôt plus qu’un nom.
La tradition carolingienne va être reprise par Othon Ier, roi de Germanie, de la dynastie
saxonne, sacré à Aix-la-Chapelle (936). Apportant son soutien à l’Eglise, il renforce sa position en
brisant la puissance des ducs allemands (notamment par la création de principautés ecclésiastiques
comme Liège, Cologne, Mayence et Trèves), en écrasant les Hongrois (955) et en rétablissant l’ordre
en Italie, dont il se fait couronner roi (951). C’est donc sans surprise que ce nouveau Charlemagne
sera couronné empereur par le pape, à Rome le 2 février 962.
Ce nouvel Empire sera appelé à une belle longévité, puisqu’il ne tombera qu’en 1806, sous les
coups de Napoléon (qui se fera lui-même empereur dès 1804). Les historiens allemands le désigneront
plus tard sous l’appellation de Saint-Empire romain de la Nation germanique. Qu’est-ce à dire ?
- saint : l’empereur tient son pouvoir de Dieu, par l’entremise du pape (on notera
cependant qu’après Charles Quint - 1530 -, plus aucun empereur ne sera couronné par le pape) ;
il est responsable de la Chrétienté tout entière et a la mission sacrée de protéger l’Eglise en général, et
la Papauté en particulier. Indépendamment de cette dernière - dont les souverains ont toujours
cherché à s’émanciper -, la fonction impériale revêt un caractère sacerdotal et est conçue comme une
mission divine : « Tu es le vicaire de Jésus-Christ sur terre » (paroles de l’archevêque de Mayence lors
du sacre de Conrad II en 1025). Cette conception impliquait que l’empereur était responsable non
seulement devant les hommes, mais aussi et surtout devant Dieu. Elle s’illustre notamment par la
présence du caveau des empereurs au plus près du choeur dans la cathédrale impériale de Spire
(Speyer, Rhénanie-Palatinat), une des plus grandes églises du XIe siècle ; le choix d’un tel
emplacement, voisin de la crypte où étaient exposées les reliques des saints, devait contribuer à
assimiler l’empereur à un personnage sacré.
- romain : il se veut le continuateur de l’immense Etat fédéral établi autrefois par les
Romains, avec tout le prestige que cela comporte (étendue, puissance, organisation, sécurité).
- germanique : il l’est plus encore que l’Empire de Charlemagne ; son assise
territoriale se compose pour l’essentiel du royaume de Germanie (Allemagne, Autriche, Suisse) et du
royaume d’Italie (voir l’Atlas à la page 49). En dépit de sa revendication de l’héritage romain et de sa
prétention à une puissance universelle, le Saint-Empire se trouvera en effet, dès la fin du Moyen Age,
de plus en plus réduit à ses possessions germaniques.
Des périodes plus florissantes, d’importantes extensions territoriales - en particulier sous
Charles Quint, 1519-1556 - et le prestigieux couronnement par le pape n’empêcheront pas le SaintEmpire de se trouver ravalé au rang d’une monarchie parmi d’autres. Plusieurs facteurs ont concouru
à ce recul :
1) le principe électif de la succession. A noter néanmoins qu’en dépit de ce principe, le trône
sera occupé sans interruption par la dynastie des Habsbourg à partir du XVe siècle.
2) l’impossibilité pour l’empereur de s’imposer à la fois en Allemagne (puissance redoutable
des princes et des villes) et en Italie (farouche volonté d’indépendance des villes du nord, qui se
chamaillent entre elles et créent des Républiques).
3) le duel (XIe au XIIIe siècle) avec la Papauté - d’abord à propos du haut-clergé allemand,
ensuite sur la question de la suprématie universelle -, dont l’Empire sortira vaincu et très affaibli.
4) la montée en puissance des autres monarchies qui, dès le XIIIe siècle, refusent de se
considérer comme vassales de l’empereur. Les monarchies feront voler en éclats la double idée de
Chrétienté (l’Europe chrétienne unie autour du Pape et de l’Empereur) et d’Empire universel, pour
faire place à des Etats nationaux et très souvent rivaux. La laïcisation de la société et l’utilisation par
les rois, à leur profit, des principes du droit romain, contribueront fortement à cette évolution,
affaiblissant la position de l’empereur autant que celle de la Papauté.
5) d’importantes pertes territoriales, à la fin du Moyen Age et au début des Temps modernes :
Provence, Suisse, Italie - sans oublier la quasi indépendance des ducs de Bourgogne.
En conclusion, l’empereur, devenu un monarque parmi les autres, se trouvera peu à peu réduit,
à l’intérieur de son propre Etat, à présider laborieusement un conglomérat de royaumes, de
principautés et de villes plus ou moins autonomes.
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NOTE SUR QUELQUES EMBLÈMES
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* La couronne
La couronne impériale a pris sa forme définitive au XIVe siècle. Elle se compose d’un
bandeau d’or - héritage des rubans noués sur la nuque et des diadèmes portés pendant l’Antiquité par
les rois du Proche-Orient - garni de fleurons ; l’avant et l’arrière sont reliés par un arceau
hémisphérique surmonté d’un globe croisetté. A l’intérieur de ce bandeau, la tête est couverte d’un
bonnet de velours relevé en forme de cornes de part et d’autre de l’arceau médian - héritage de la
mitre en usage dans la Perse antique, et d’où dérive également la mitre des évêques.
Les éléments qui composent la couronne symbolisent les différents caractères du pouvoir
impérial : le bandeau pour la royauté ; le globe surmonté de la croix pour la domination universelle au
nom du Christ ; l’arceau principal (attribut spécifique du Saint-Empire) et les arceaux secondaires pour
rappeler que l’empereur n’a pas de supérieur sur la terre ; le bonnet pour marquer le caractère sacré de
l’Empire, c’est-à-dire la mission divine de l’empereur, à la manière des rois de l’Ancien Testament.
La couronne impériale est donc une couronne fermée (ou couronne close), du fait que les
ornements de son bandeau se rejoignent au centre, par-dessus la tête, à l’opposé des couronnes royales
qui sont longtemps restées des couronnes ouvertes. C’est à partir du XVe siècle que les rois, ayant
réussi à imposer le principe « Rex est imperator in suo regno » (Le roi est empereur en son royaume),
s’octroieront eux aussi une couronne fermée, afin de manifester leur indépendance vis-à-vis du
pouvoir impérial. Celui-ci, on l’a vu, aura alors perdu tout caractère universel pour devenir purement
nominal.
* L’aigle (terme féminin dans le langage héraldique).
Symbole de puissance et de domination, l’aigle avait déjà, comme le faucon, servi
d’emblème aux divinités ou à la monarchie dans le Proche-Orient antique. Plus tard, les aigles
romaines ont été reprises par Charlemagne, et par la suite l’aigle est devenue l’emblème par excellence
du Saint-Empire.
A partir du XVe siècle, cette aigle prendra pour l’empereur régnant une forme particulière :
c’est l’aigle bicéphale (c’est-à-dire à deux têtes), reprise à l’Empire byzantin (celui-ci l’avait lui-même
empruntée, au XIIIe siècle, à l’Orient). Cette forme étrange et majestueuse - également reprise comme
emblème par les Eglises orthodoxes et par la Russie - ne symbolise nullement, comme on le croit
parfois, le pouvoir politique et le pouvoir religieux, pas plus que les deux moitiés (occidentale et
orientale) de l'ancien Empire romain ; comme dans l’Orient antique, le dédoublement se justifie à la
fois par des raisons esthétiques (symétrie) et surtout pour renforcer la symbolique - en l’occurrence,
celle de la puissance, revendiquant ici un pouvoir universel, supérieur à celui des rois.
N.B. L'aigle impériale sur les blasons de principautés et villes.
- aigle simple : Aix-la-Chapelle, Aquila, Francfort, Kutna Hora, Neuchâtel, Malines.
- aigle bicéphale : Alost, Anvers (marquisat), Assenede, Ath, Bois-d'Haine, Brno,
Deinze, Frameries, Genève, Görlitz, Groningen, Harmignies, Jemappes, Krems, Lo,
Lubeck, Nimègue, Ninove, Nuremberg, Presov, Renaix (Ronse), Rupelmonde, SaintGhislain (Abbaye), Saint-Trond, Szeged, Tabor, Thieusies, Vienne, Wiener-Neustadt.
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