outils préhistoriques

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outils préhistoriques
Encyclopédie pratique
des outils préhistoriques
150 outils et gestes techniques
Destinée aux curieux, aux passionnés de préhistoire,
aux étudiants en archéologie, cette encyclopédie
présente 150 outils préhistoriques que tous, amateurs
et spécialistes, peuvent rencontrer dans le cadre de
leurs recherches ou lors de visites de musées.
Écrit par Jean-Luc Piel-Desruisseaux, auteur des Éclats
de Néandertal et Outils préhistoriques aux éditions
Dunod, ce dictionnaire précise la morphologie de
ces outils, les gestes de leur fabrication et les traces
laissées par leur utilisation. Il est illustré par près de
150 schémas.
JEAN-LUC
PIEL-DESRUISSEAUX
est chirurgien.
Il interroge les outils
préhistoriques et aime
partager cette passion
avec des publics de tout
âge.
Jean-Luc
Piel-Desruisseaux
Du même auteur, retrouvez également :
Encyclopédie pratique des outils préhistoriques
Jean-Luc Piel-Desruisseaux
6 91 52 01
ISBN 978-2-10-055632-8
www.dunod.com
Jean-Luc Piel-Desruisseaux
Encyclopédie pratique des
outils
préhistoriques
150 outils et gestes techniques
Tableau chronologique
Becs
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Becs
B. Schmider (1994-a) définit les becs comme des lames ou des éclats
« présentant une pointe bien dégagée mais plus épaisse et moins acérée que celle du perçoir » (fig. 8). Ceux de Marsangy, le Pré-des-Forges
(Yonne), ont une extrémité « relativement large et épaisse » qui « se termine souvent par un étroit museau formé de retouches lamellaires frontales ».
Fig. 8 – Becs. 1-2 : Laugerie-Haute, Les Eyzies (Dordogne). 3 : Pincevent, La
Grande-Paroisse, habitation n°1 (Seine-et-Marne), Magdalénien, redessiné
d’après A. Leroi-Gourhan et M. Brézillon (1966). 4 : Marsangy,
Le Pré-des-Forges (Yonne), unité N19, Magdalénien,
redessiné d’après B. Schmider (1992).
On distingue des becs axiaux allongés (Langbohrer des auteurs allemands), (fig. 8-4), des becs courts (fig. 8-1 et 2), des becs ogivaux et des
becs déjetés ou Zinken (fig. 8-3). Ils peuvent être doubles (fig. 8-1) et
aussi être associés sur une même lame au grattoir ou au burin.
Caractéristiques du Paléolithique supérieur final du nord de l’Europe,
ils sont nombreux et variés comme dans l’équipement des Magdaléniens
de Marsangy. Dans cette halte de chasse, ils ont été abandonnés autour
d’un foyer, lieu également de leur fabrication. On suppose leur utilisation
pour un travail de matières dures animales : rainurage, forage peut-être
(Schmider, 1992).
Bifaces
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Bifaces
F. Bordes (1961) les définit comme étant « des outils de types variés,
généra lement taillés à partir de rognons de silex, mais aussi à partir de
gros éclats de silex, de quartzite, de grès lustré, etc. Leur caractéristique
commune est d’être taillés sur leurs deux faces, par retouche totale ou
plus ou moins enva hissante » (fig. 9). Ils ont reçu de nombreux noms, tels
langue de chat (par les ouvriers des carrières de Saint-Acheul aux environs d’Amiens), ficron, limande, coup de poing, jusqu’à ce qu’A. Vayson
de Pradenne conseille celui de biface.
Fig. 9 – Bifaces du Paléolithique inférieur. 1 : Mantes (Yvelines).
2 : Cagny-la-Garenne (Somme). Redessiné d’après F. Bordes (1961).
De forme générale ovale ou en amande, leur longueur va de quelques
centimètres à un peu plus de 20 cm et tous les intermédiaires sont possibles entre les épais et les minces, les étroits et les larges, ceux à bords
convexes, droits ou concaves, au talon retouché ou non, à l’extrémité
ovalaire ou bien pointue. Bien des aspects sont probablement dus aux
contraintes déterminées par la qua lité de la matière première et par les
aff ûtages et autres modifications de leurs tranchants.
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Bifaces
Leur fabrication est un façonnage bifacial, véritable « sculpture » du
bloc ou de l’éclat de roches variées. Elle comporte deux phases principales (Inizan et al., 1995) :
• l’ébauchage mettant en forme deux surfaces plus ou moins
convexes,
• la finition (ou mise en fonction pour A. Turq) régularisant le
contour et affûtant les bords.
La taille est faite par percussion directe au percuteur de pierre dure (*)
et au percuteur tendre dit organique (*), ce dernier permettant de détacher des éclats plats et couvrants (fig. 10). Le travail du tailleur « a pour
fil conducteur un va-et-vient constant entre une image virtuelle et idéalisée et l’observation et l’analyse des diverses étapes par lesquelles passe
l’ébauche » (Turq, 2007).
Fig. 10 – Technique de fabrication de bifaces, redessiné d’après F. Bordes (1971).
Les bifaces « à long bord tranchant et multiples angles de coupe »
dans leurs formes classiques de l’Acheuléen (Turq, 2001) sont certainement des outils d’usage poly valent que l’on pouvait utiliser tenus à la
main. « Conçus pour durer et être transportés » (Musée national de préhistoire), ils conservent leur forme initiale malgré les aff ûtages successifs (Cliquet, 2001).Certains ont pu aussi devenir une matrice dont on a
détaché des éclats d’un bord ou d’une cassure transversale (Turq, 2001 ;
Tuffreau, 2004).
Bifaces : classification
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À côté de ces « bifaces outils » directement fonctionnels à l’issue de
leur façonnage, E. Boëda, J.-M. Geneste et L. Meignen (1990) décrivent
des pièces bifaciales (*) « supports d’outils » comme les bifaces ou pièces
bifaciales du Moustérien (*) (fig. 12 et 109).
Et il existe de grands bifaces minces, parfaitement symétriques, qui
sont si soigneusement façonnés qu’ils font penser que ce « ne sont pas des
outils comme les autres » (Tuffreau, 2004), d’autant qu’ils sont souvent
« intacts, ce qui paraît improbable, voire impossible pour un outil usuel »
(Cliquet et al., 2007).
Le façonnage bifacial apparaît en Afrique de l’Est il y a 1,7 million
d’années et le biface sera présent dans l’ouest de l’Europe un million
d’années plus tard. « La maîtrise » de la double symétrie, « bifaciale (entre
les deux faces) et bilatérale (entre les deux bords », « représente une très
grande innovation d’ordre conceptuel » nous dit H. Roche (2004).
Bifaces : classification
F. Bordes (1961) a classé les bifaces en deux groupes : les « classiques »
et les « non classiques » selon des critères fondés sur des mensurations
linéaires.
Les types classiques sont les bifaces lancéolés (dont la pointe a des
bords rectilignes), (fig. 9-1), les bifaces micoquiens (lancéolés à bords
concaves), (fig. 11), les ficrons (avec une arête grossière), les bifaces triangulaires et subtriangulaires (certains plats, à base tranchante ou non,
aux côtés rectilignes ou concaves), les bifaces cordiformes (en forme de
cœur, à base arrondie, à bords bien convexes), les subcordiformes et les
cordiformes allongés, les bifaces amygdaloïdes (en forme d’amande), les
bifaces ovalaires, les discoïdes et les limandes (elliptiques, parfois avec
arêtes torses), (fig. 9-2).
Les types non classiques comprennent les bifaces partiels (« partiellement retouchés sur les deux faces »), les bifaces nucléïformes (« difficiles
à reconnaître »), les bifaces lagéniformes (en bouteille), les naviformes
(allongés et pointus aux deux bouts), les bifaces à dos (ou bifaces-racloirs
des auteurs allemands), (fig. 12-2), les bifaces abbevilliens (qui ne sont
pas caractéristiques de l’époque abbevillienne, faits au percuteur dur, ils
sont épais, à section triédrique ou quadrangulaire et à arêtes sinueuses)
(fig. 38), et un dernier groupe comprenant des formes diverses comme
les carrés, les bifaces-perçoirs ou à bec, ceux ressemblant à des racloirs à
Bifaces de la Micoque
12
retouche bifaciale, ceux du type « chopping-tool très évolués » et d’autres
encore.
Bifaces de la Micoque
F. Bordes (1961) a décrit le biface micoquien comme étant lancéolé,
avec des bords concaves, une base souvent globu leuse. De longueur
variable, il en figure de grands provenant de la basse vallée de la Seine
(fig. 9-1). E. Patte (1971) étudiant ceux de la Micoque, Les Eyzies-deTayac (Dordogne) note que la concavité des bords est « plus ou moins
accusée », que leur longueur moyenne est de 6 à 9 cm, ne dépassant pas
15 cm. Il insiste sur une particularité : « les retouches du second temps,
les plus fines en général, étaient portées sur un tranchant et sur une face
puis sur l’autre tranchant à l’autre face ». Ces objets bifaciaux, de la couche
éponyme, ont fait l’objet d’une nouvelle analyse par G. Rosendahl (2006).
Les plus nombreux sont des bifaces « relativement symétriques le long de
l’axe » avec deux bords tranchants qui sont dits « actifs » et l’outil peut être
tenu à la main d’au moins deux façons (fig. 11). Le second groupe est celui
de pièces qui correspondent aux Keilmesser allemands : non symétriques
axialement, avec un « tranchant principal actif situé sur l’un des côtés et
opposé à un dos ». Toutes ces pièces présentent des traces de ravivage des
bords mais sans modification de leur volume, ce qui peut indiquer une
durée de vie « relativement courte ».
Fig. 11 – Biface de La Micoque, Les Eyzies de Tayac (Dordogne).
Musée national de préhistoire, redessiné d’après une photo de Ph. Jugie.
Hachereaux
78
Hachereaux
H. Roche et P.-J. Texier (1991) définissent le hachereau comme « un outil
sur éclat dont le biseau tranchant terminal brut de débitage résulte de
l’intersection de la face inférieure de l’éclat support avec le négatif d’un
éclat prédéterminant » (fig. 71).
Ces chercheurs nous donnent un schéma opératoire pour des pièces
de l’Acheuléen du Kenya. A partir d’un bloc est détaché un premier
éclat dit prédéterminant. De ce bloc est ensuite détaché l’éclat (futur
hachereau) qui recoupe le négatif du premier éclat pour donner le biseau
tranchant. Enfin, les bords sont façonnés par une retouche sur une ou
deux faces.
Pour les hachereaux acheuléens d’Afrique du Nord, J. Tixier (1950) a
reconnu pas moins de six modes d’obtention !
Les hachereaux sont africains. Ils sont « généra lement grands (15
à 25 cm) » et leur « tranchant transversal vif » a dû ser vir à trancher
(Chavaillon, 1994). Ils sont connus dans la péninsule ibérique au Paléolithique inférieur et au Moustérien et dans quelques sites du Sud-Ouest
de la France.
Fig. 71 – Hachereau africain. Tabelbala,
Béni-Abbès (Algérie), collection C. Douce.
Harpons aziliens
79
Hameçons au Paléolithique supérieur
D. et E. Peyrony (1938) avaient découvert à Laugerie-Haute, Les Eyzies
(Dordogne), associés à quatre longues pointes barbelées, « trois tridents
ou fouënes » dont une extrémité est fourchue, le corps perforé d’un orifice
ovalaire et l’autre extrémité portant des « barbelures rudimentaires » et
un long biseau strié (fig. 72-1). D’autres objets d’aspect proche, « bifides,
trifides, voire multifides » (Cleyet-Merle, 1990) datant du Magda lénien
supérieur, sont connus dans la vallée de la Vézère (fig. 72- 2 à 4). J.-J.
Cleyet-Merle (1990) les renomme « hameçons spiniformes » en les considérant comme un instrument pour la pêche plutôt qu’une foëne à oiseau,
fonction habituellement évoquée.
Sous le terme hameçons droits, sont décrits de petites baguettes
osseuses, pointues aux extrémités, portant rarement une incision ou
une encoche médiane. Ces objets, connus durant tout le Paléolithique
supérieur, peuvent faire penser à des « porte-appât », que l’on peut aussi
obtenir de manière plus simple (esquilles, épines) mais dont d’autres utilisations sont éga lement possibles (Cleyet-Merle, 1990).
Fig. 72 – Probables hameçons du Paléolithique supérieur. 1 : Laugerie-Haute, Les
Eyzies (Dordogne), redessiné d’après D. et E. Peyrony (1938). 2 : Laugerie-Basse,
Les Eyzies (Dordogne). 3 et 4 : Le Souci, Lalinde (Dordogne). 2 à 4 d’après
des photos in J.-J. CleyetMerle (1990).
Harpons aziliens
Ces harpons en bois de cerf sont plats, le plus souvent à deux rangs de barbelures compactes, peu nombreuses, opposées ou alternées. Leur embase ou,
plus rarement, leur fût, présente une perforation (Mons, 1979), (fig. 73).
Harpons magdaléniens
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L. Mons étudiant une série de 192 de ces harpons, provenant du Mas
d’Azil (Ariège) note que très peu sont à un seul rang de barbelures. La
perforation est le plus souvent en « boutonnière », ou bien circulaire, voire
procédant des deux techniques. Ils sont plus courts et plus larges que les
harpons magda léniens et certainement d’usage différent étant donné la
présence de l’orifice vraisemblablement destiné à l’attache d’une ligne.
Fig. 73 – Harpons aziliens. 1 à 3 : Le Mas d’Azil (Ariège).
4 : Grotte de La Vache, Alliat (Ariège). Redessiné d’après E. Piette,
S.-J. Péquart, R. Simonnet.
Harpons magdaléniens
Un harpon magdalénien (fig. 74) comporte quatre parties (Julien, 1982):
– le fût dont la portion distale supporte les barbelures ;
– la pointe qui peut être tranchante et montrer des signes d’usure
ou des traces de réfection ;
– les barbelures, disposées sur une ou deux rangées et dont il existe
de nombreux types tant dans l’aspect trapu ou élancé, les dimensions, les angles faits avec le fût, le nombre, leur emplacement,
leur espacement ;
– la partie proximale ou embase, comportant d’une part une portion presque toujours conique et d’autre part un dispositif pour
retenir une éventuelle ligne: le plus souvent une ou deux protubérances pour les harpons bilatéraux, un épaulement pour les
harpons unilatéraux, exceptionnellement une perforation. Mais
parfois il n’y a aucun dispositif évident de rétention.
Harpons magdaléniens
81
Fig. 74 – Harpons magdaléniens. 1 : Le Mas-d’Azil (Ariège).
2 et 4 : La Madeleine, Tursac (Dordogne). 3 : Lortet (Hautes-Pyrénées).
5 : Aspect d’extrémités distales. Redessiné d’après M. Julien (1982).
Certains harpons font penser qu’ils étaient composites. Des stries, une
rainure, tracées sur le côté opposé à une rangée de barbelures et en regard
d’elles, marqueraient l’emplacement de la fixation de possibles armatures
lithiques comme pour des exemplaires de la grotte de la Vache (Ariège),
(Julien, 1999). Des harpons à un rang de barbelures peuvent aussi présenter un aplatissement et une striation d’une face du fût en regard des barbelures sur laquelle on a pu coller une éventuelle pointe complémentaire,
comme sur des pièces de la Madeleine, Tursac, Dordogne), (fig. 75-2).
M. Julien (1982) classe selon leur aspect les harpons unilatéraux et bilatéraux en un certain nombre de types. Du point de vue fonctionnel, elle
distingue ceux à longue portion barbelée avec nombreuses barbelures,
petites et serrées et ceux aux barbelures plus importantes, plus espacées,
sur une portion plus courte et dont la pointe est plus souvent usée.
Ces harpons sont surtout fabriqués en bois de renne. Des ébauches abandonnées nous renseignent sur les étapes de leur préparation (fig. 75-1) et ce
sont aussi des traces de restauration qui sont constatées car beaucoup de
leurs pointes ont été refaites.
Outils sur galets taillés
111
Outils sur galets taillés
Les outils réa lisés sur des galets taillés sont souvent de « technologie très
simple pour laquelle les pièces sont, tour à tour, et indistinctement outils
ou nucléus » (Collina-Girard, Turq, 1991).
Ces auteurs classent des « galets aménagés » en quartz du Paléolithique moyen du Lot-et-Garonne en deux groupes :
– les outils à morphologie indifférenciée : galets à enlèvement
unique ou à enlèvements multiples mais non contigus, pièces
à débitage unifacial ou choppers (fig. 99-1), pièces à débitage
bifacial ou chopping-tools (fig. 99-2), épannelés (fig. 99-4),
polyèdres à débitage anarchique (fig. 99-3), percuteurs ;
– les outils à morphologie différenciée : bifaces, unifaces, pics,
hachereaux.
Fig. 99 – Galets taillés.
Le musée départemental de préhistoire de Menton (Alpes-Maritimes)
expose un matériel provenant de sites classiques de la Côte d’Azur, fait
sur galets de calcaire dur, à grain très fin. Ce sont des galets « à enlèvement isolé convexe » reconnus comme percuteurs (Delestre, Buisson-Catil,
2006), des choppers (fig. 100-1), des chopping-tools, des pics unifaces ou
galets appointés unifaces (fig. 100-3), des hachereaux sur galets fendus
(fig. 100-4) et de rares bifaces gardant du cortex sur leur base et dont les
bords ne sont pas retouchés (fig. 100-2), (Lumley, 2007).
Perçoirs
112
Fig. 100 – Outils taillés sur galets. Terra Amata, Nice (Alpes-Maritimes),
Paléolithique inférieur, redessiné d’après H. de Lumley (2007).
Perçoirs
Ce sont des éclats, lames ou lamelles « présentant une pointe fine et acérée obtenue par des retouches convergentes rectilignes ou plus souvent
par des encoches bilatérales » (Schmider, 1994-b), (fig. 101-1 à 5). On
conçoit les variantes qui sont fonction :
– de leur taille et le microperçoir (fig. 101-5) fait sur un petit éclat
ou une lamelle a une pointe particulièrement fine ;
– du nombre de pointes: perçoir simple, double, multiple
(fig. 101-3) ;
– de la localisation et l’orientation de la pointe: d’axe, déjetée ou
oblique, d’angle ;
– du type de retouche de la pointe: directe bilatérale, alterne et qui
peut être légèrement arquée ;
– de la présence d’une retouche des bords de l’outil ;
Perçoirs
113
– de l’association à un grattoir, un burin, une troncature par
exemple ;
– faits sur un outil cassé, comme une feuille de laurier.
Le perçoir « en étoile » (fig. 101-4) est un perçoir multiple montrant
« plusieurs pointes courtes réparties sur sa périphérie » (Taborin, Thiébault,
1994). A. Moralla (Cretin et al., 2007) pense qu’il peut être une raclette (*)
à un stade avancé d’utilisation.
Fig. 101 – Perçoirs (1 à 5) et foret (6 et 7). 1 : La Madeleine, Tursac (Dordogne),
Magdalénien, Musée national de préhistoire. 2 : Fourneau-du-Diable, Bourdeilles
(Dordogne), Solutréen, Musée national de préhistoire. 3 : Belcayre, Saint-Léonsur-Vézère (Dordogne). 4 : Laugerie-Haute, Les Eyzies (Dordogne). 5 : Pincevent
(Seine-et-Marne), section 36, Magdalénien, redessiné d’après A. Leroi-Gourhan et
M. Brézillon (1972). 6 : La Madeleine, Tursac (Dordogne), Magdalénien.
7 : Wettolsheim (Haut-Rhin), Néolithique, redessiné d’après A. Glory (1943).
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Percussion directe au percuteur de pierre dure
Les études des traces d’utilisation de ces outils, surtout fréquents au
Magda lénien, montrent qu’ils ont été utilisés pour un travail de forage
(Schmider, 1994) de matières osseuses, minérales, ou bois. La fragilité de
leurs pointes et celle des matériaux n’ont cependant pas favorisé le développement des traces d’usure (Plisson, Vaughan, 2002).
Le foret, fixé à l’extrémité d’une tige que les deux mains font tourner,
ou qui est entrainée par un archet, est un autre exemple d’outil pour
percer (fig. 101-6). Des chutes de burins (*) magda léniennes grâce à
leur forme adaptée ont pu ainsi ser vir. Du Néolithique, on connaît les
forets du littoral de l’Ouest, appelés aussi « perçoirs fusiformes », obtenus à partir d’éclats allongés, détachés de galets marins par percussion
bipolaire sur enclume (Donnart et al., 2009). La découverte d’A. Glory
(1943) à Wettolsheim (Haut-Rhin) est un bel exemple d’une utilisation
(fig. 101-7). Il s’agit d’un élément de parure en coquille de Spondyle qui
contient inclus dans une perforation abandonnée trois morceaux d’un
foret brisé pendant le travail !
Percussion directe au percuteur de pierre dure
Il s’agit certainement de la plus ancienne technique de taille, utilisant le
« marteau naturel » (Bordes, 1961) ou percuteur de pierre dure comme
un galet (fig. 102). L’impact doit se faire « plus ou moins en retrait du
bord du plan de frappe et seulement sous certains angles d’incidences »
(Pelegrin, Texier, 2004).
Les talons d’éclats ou de fortes lames ainsi détachés sont épais. Le
point de contact n’est pas étalé, mais « punctiforme » car le percuteur est
dur et plus ou moins sphérique. Ce point peut être visible sous l’aspect
d’une fissuration circulaire ou « cercle de contact » (fig. 46-c). Parfois, ce
sont plusieurs points de contact qui sont visibles en raison de la surface
irrégulière du percuteur. La ligne postérieure du talon montre « le débordement du point de contact et de la partie toute initiale du conchoïde
qui apparaît ainsi plus ou moins détouré » (Pelegrin, 2000). J. Pelegrin
(2000) signale aussi un autre indicateur de cette percussion à la pierre
dure : ce sont « une ou quelques micro-rides, fines et serrées, visibles à
jour frisant sur les tout premiers mm du bulbe » d’autant que le grain du
silex est fin.
Percussion directe au percuteur de pierre tendre
115
Fig. 102 – Détachement d’un éclat au percuteur de pierre dure.
Afin d’améliorer la précision du geste de percussion, le tailleur peut
préparer le plan de frappe de manière à « ajuster en profondeur et dégager légèrement en relief sur le plan de frappe le point de contact prévu »
(Pelegrin, Texier, 2004). Cette préparation est responsable de l’aspect
en « chapeau de gendarme » du talon de certains éclats du Paléolithique
moyen (fig. 49-B).
Percussion directe au percuteur de pierre tendre
Une technique de percussion directe au percuteur de pierre tendre
a été reconnue par B. Madsen pour le débitage de lames au cours du
Tardiglaciaire du nord de l’Europe (Pelegrin, 2000). Cette technique est
« adaptée à la production de petites lames à la fois légères et rectilignes »
(Pelegrin, Texier, 2004) nécessaires à la fabrication d’un grand nombre
d’armatures utilisées pour la chasse à l’arc.
J. Pelegrin (2000) reconnaît expérimenta lement la qua lité d’un percuteur de grès à « grain fin médiocrement cimenté, à contact sableux » et
aussi de celui fait d’un rognon de silex recouvert d’un épais cortex. Les
contraintes de la préparation et l’exécution du débitage sont similaires
voire légèrement supérieures à celles de la percussion directe au percuteur
tendreo rganique.
116
Percussion directe au percuteur tendre organique
Fig. 103 – Esquillement du bulbe d’une lamelle débitée par percussion
directe à la pierre tendre. Fumichon (Calvados), Mésolithique.
Les lames montrent un émoussé net du bord antérieur du talon, résultant de la longue préparation par « frottement ferme ». J. Pelegrin (2000)
constate des stigmates évocateurs : rides fines et serrées sur les premiers
centimètres de la face inférieure, esquillement du bulbe (fig. 103) qui
peut parfois être presque complètement enlevé et s’accompagne d’un
esquillement du talon.
Ce débitage à la pierre tendre a été aussi reconnu à une période beaucoup plus ancienne, le Châtelperronien, pour le débitage de lames utilisées à la fabrication de pointes ou couteaux de Châtelperron (*).
Percussion directe au percuteur tendre organique
Cette percussion permet de détacher des éclats minces et éventuellement
larges (Pelegrin, 2000) et le débitage laminaire (*). Ce sont les expérimentateurs comme L. Coutier, F. Bordes, M. Newcomer qui ont reconnu
l’intérêt d’utiliser des percuteurs de bois dur en forme de gourdin ou de
volumineuses bases de bois de renne ou de cerf, en particulier pour le
façonnage des bifaces.
Ces percuteurs tendres agissent en « accrochant » le bord du plan de
frappe par « contact tangentiel » (Pelegrin, Texier, 2004). Pour cela il
est nécessaire de systématiquement prépa rer le bord travaillé (fig. 43)
en supprimant tout surplomb (formé par le contre-bulbe d’enlèvements
précédents) et en arrondissant le bord par abra sion. Par fois sera même
dégagé un relief ou éperon rendant plus précis le contact du percuteur.
Le talon de l’éclat ou de la lame détachés est assez peu épais, sans trace
d’impact (fig. 78-4 et 5). Il présente en arrière une lèvre (secondaire au
détachement par un méca nisme d’arrachement) d’autant plus nette que
l’angle entre le plan de frappe et la sur face de débitage (angle de bord
selon D. Prost) est aigu. Le bulbe est « peu proéminent, voire absent »
(Pelegrin, 2000).
Percussion indirecte
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Percussion indirecte
Dans cette technique on utilise un outil intermédiaire: chasse-lame ou
punch qui est appliqué « exactement là où le tailleur détermine qu’il doit
l’être » et selon une incidence « ajustable à l’œil » (Pelegrin, Texier, 2004),
(fig. 104). Il est percuté avec un galet ou un maillet de bois. Le volume et
la courbure du chasse lame sont « adaptés au module des produits attendus » ainsi que le poids du percuteur. La pièce taillée doit être « maintenue au sol, ou plus ou moins serrée entre les pieds, genoux, cuisse ou
ventre » (Pelegrin, Texier, 2004).
Fig. 104 – Percussion indirecte.
C’est vers la fin du Mésolithique qu’apparaît ce procédé, permettant
des débitages « productifs » de lames et lamelles particulièrement régulières. Un talon caractéristique est « lisse, concave, avec point de percussion bien ou assez marqué » (Pelegrin, 1995).
Troncatures
167
Tranchets
La partie active de l’outil est un « tranchant transversal en biseau, constitué par la rencontre de deux surfaces d’éclatement » (Brézillon, 1969),
(fig. 145). Le plus souvent le tranchant est le bord choisi d’un éclat épais
dont une portion de la face inférieure, plane ou un peu bombée sera la
face inférieure du tranchet (fig. 145-1). Le corps, de forme triangulaire
ou trapézoïdale est obtenu par des retouches, plus ou moins abruptes sur
les bords, présentes ou non sur les faces. Plus rarement le tranchet est
réa lisé par façonnage bifacial et le tranchant obtenu par un enlèvement
transversal dit coup du tranchet (fig. 145-3). Le coup du tranchet peut
être aussi un mode de ravivage des petits tranchets sur éclat, ce qui a pu
inverser le biseau aux dépens de la face inférieure (fig. 145-4 et 5).
Le tranchant asymétrique, rectiligne ou légèrement courbe fait de ces
outils de parfaites lames d’herminettes. On ne connaît à peu près aucun
manche conservé mais on peut les imaginer avec la lame fixée directement ou par l’intermédiaire d’une gaine, tranchant perpendiculaire au
manche et biseau regardant vers le manche (fig. 145-2).
P. Allard (et al. 2000) a étudié les traces d’utilisation sur des tranchets
du Néolithique ancien et moyen du Bassin Parisien. Ils ont le plus souvent servi pour travailler le bois végétal ou animal et sur une « matière
minérale meuble telle que la terre, les limons, l’argile, etc. » Quelques
tranchets avaient des traces indirectes d’un emmanchement dans de l’os
ou du bois, « insérés jusqu’à la moitié basale de leur corps, directement
dans le manche ».
Troncatures
P.-Y. Demars (Demars, Laurent, 1989) définit les pièces tronquées comme
un « outil sur lame plutôt que sur éclat, présentant à une extrémité une
retouche abrupte ou semi-abrupte, rarement marginale, directe ou rarement inverse, de direction plutôt perpendiculaire à l’axe de la pièce »
(fig. 146). D. de Sonneville-Bordes et J. Perrot (1956-b) distinguent les
pièces à troncature droite, oblique, concave, convexe et celles à troncature double ou bitronquées. Pour J. Pelegrin (1994), la troncature peut
être la partie active d’un outil mais aussi « son aménagement pour préhension ou emmanchement (comme toute retouche) » et encore une préparation au coup du burin.
Encyclopédie pratique
des outils préhistoriques
150 outils et gestes techniques
Destinée aux curieux, aux passionnés de préhistoire,
aux étudiants en archéologie, cette encyclopédie
présente 150 outils préhistoriques que tous, amateurs
et spécialistes, peuvent rencontrer dans le cadre de
leurs recherches ou lors de visites de musées.
Écrit par Jean-Luc Piel-Desruisseaux, auteur des Éclats
de Néandertal et Outils préhistoriques aux éditions
Dunod, ce dictionnaire précise la morphologie de
ces outils, les gestes de leur fabrication et les traces
laissées par leur utilisation. Il est illustré par près de
150 schémas.
JEAN-LUC
PIEL-DESRUISSEAUX
est chirurgien.
Il interroge les outils
préhistoriques et aime
partager cette passion
avec des publics de tout
âge.
Jean-Luc
Piel-Desruisseaux
Du même auteur, retrouvez également :
Encyclopédie pratique des outils préhistoriques
Jean-Luc Piel-Desruisseaux
6 91 52 01
ISBN 978-2-10-055632-8
www.dunod.com
Jean-Luc Piel-Desruisseaux
Encyclopédie pratique des
outils
préhistoriques
150 outils et gestes techniques