New Title - Vins du Roussillon
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PO03A L’INDÉPENDANT G PYRENEES-ORIENTALES H LUNDI 1 JUIN 2015 3 Vins du Roussillon: en finir avec le complexe d’infériorité Avec une vingtaine de vins de 2013 notés au-dessus de 95 sur 100 par le guide Parker, le Roussillon gagne ses lettres de noblesse. Mais cette mutation de gamme doit encore rentrer dans les esprits. L e faiseur de rois qu’est le guide Parker est sans équivoque. Le Roussillon est une grande terre de vins. Une terre de joyaux. La Petite Sibérie 2005 du Clos des fées, le Trois Marie 2012 chez Thunevin-Calvet, le Révérence 2007 de Parcé ou la Muntada chez Gauby, font partie des richesses au coffre (liste non exhaustive). Car pour déguster ces crus, il faut y mettre le prix. 200 euros pour la Petite Sibérie, 100 euros pour une bouteille de Trois Marie, de 180 à 350 euros pour le Collioure Révérence, sans oublier la Bergerie du camp de Nyls 2012 du Mas Becha à 90 euros. Des tarifs qui peuvent faire rêver. Ou parfois sourire. Car vendre des vins du Roussillon à plus de 100 euros, beaucoup ont encore bien du mal à y croire. Et c’est dommage, parce que les temps changent. Et que ces vins sont vendus à leur juste valeur. ■ Ascenseur social Les vins du Roussillon ont en effet été proclamés « rois de France » du millésime 2013 par le journaliste du Guide Parker, Jeb Dunnuck. Le message est fort sur la planète vin. Une planète où l’on peut placer un peu plus précisément le Roussillon depuis qu’une vingtaine de crus y ont obtenu des notes supérieures à 94 sur 100. Une formidable reconnaissance. Et une montée en gamme significative pour toute la filière. Un ascenseur social du vin, en quelque sorte. « C’est l’occasion idéale de changer d’image », en profite pour insister Jean-Roger Calvet à Maury. Pour le vigneron, ce classement royal adressé par Parker ne fait que confirmer la qualité des produits et du terroir. « Oui, il ne faut plus vivre avec des complexes. Il y a de très grands crus, aujourd’hui réputés L’INTERVIEW Les producteurs main dans la main Hervé Bizeul, du Clos des fées à Vingrau: «Il y aura un avant et un après Parker » Quel est votre sentiment sur les notes de Parker ? Tout simplement, le regard va changer. Il y a un talent fou en Roussillon et ceux qui travaillent sont récompensés. C’est aussi un regard aimant et encourageant. Il faut en profiter. Comment faire justement pour surfer sur cette vague ? ◗ À gauche Jean-Michel Parcé, en haut Séverine et Philippe Bourrier et ci-dessus, Jean-Roger Calvet. Photos Michel Clementz dans le monde entier. Il faut le dire. C’est le résultat d’un travail de longue haleine fait par les vignerons. Avec des vins qui n’ont rien à envier à des crus comme Châteauneuf-du-Pape ou Petrus. Et cette montée en gamme passe par une hausse de la catégorie de prix, c’est normal», poursuit le vigneron. ■ Dans la cour des grands Mais rentrer dans la cour des grands n’équivaut pas à vendre des bouteilles 100 euros. Les cuvées les plus chères doivent renvoyer une image de qualité et de notoriété sur l’ensemble des gammes de vins des producteurs. Le haut de gamme de chez Thunevin-Calvet représente entre 3 et 5 % du chiffre d’affaires. Même chose au Clos des fées où l’essentiel de l’activité repose sur la cuvée les Sorcières vendue autour des 10 euros. Au Mas Becha, l’Excellence est à 18 euros. Au Château de l’Ou à Montescot, Infiniment s’élève à 17 euros. Des vins qui se vendent bien et qui viennent au passage d’obtenir des notes records au Parker. Et qui sont en train de marquer durablement les esprits. « L’effet Parker sera important, c’est sûr. D’autant qu’il ne s’agit pas d’un coup d’éclat. Le millésime 2013 est très bon. Mais, il y a également du très bon matériel dans les caves pour le millésime 2014. C’est à nous à maintenir cette qualité et à fidéliser la clientèle haut de gamme », observe encore Jean-Roger Calvet. Fidéliser une clientèle étrangère très attentive aux notes Parker. Et déjà très sensible aussi aux produits du Roussillon. Car les meilleurs élèves de la classe s’exportent essentiellement. Le marché français n’est pas encore très réceptif. Le département ne l’est pas forcément plus. « C’est le moment de faire bouger les lignes », fait remarquer aussi Hervé Bizeul. « La victoire, ce sera quand les gens du département ouvriront des vins du Roussillon lors des repas de fête au lieu d’acheter des Bordeaux ou des Bourgogne. Ou quand les grands chefs d’entreprises offriront des caisses de grands crus d’ici à leurs clients et non plus du champagne. » Martial Mehr Il faut monter en gamme. C’est cela qu’il faut faire. On doit arriver à faire rentrer les vins du Roussillon parmi les 30 meilleurs vins français, parmi les Petrus ou Romanée-Conti. Il faut voyager, travailler sur la qualité, la commercialisation. Mais ce n’est qu’ensemble, qu’on pourra y arriver. On doit jouer collectif entre producteurs pour qu’on soit plus nombreux à être reconnus. Il nous faut une taille critique pour peser. Qu’est-ce que cette mutation va changer ? Il y aura un avant et un après Parker. Parce qu’en changeant de gamme, le passage de petit vin à grand vin aura des répercussions multiples. Sur l’accueil, la commercialisation, la distribution. Cela va ouvrir des portes, c’est évident. L’enjeu de la communication sera aussi important. Vous y avez toujours cru ? L’Ou, l’Edre, le Mas Becha et les autres récompensés s’inscrivent dans le sillon tracé par Gérard Gauby. Il y a cru avant les autres. En 2002, j’y ai cru aussi et je savais qu’on allait faire un grand vin. Mais il faut de l’investissement. Et ces notes permettront aussi de trouver des financements auprès des banques. L’amphore de retour dans les caves P Le Château de l’Ou (œuf en ◗ Le vins du Roussillon « rois de France » du millésime 2013 selon le guide Parker. Ci-dessus de gauche à droite, le Secret de schistes, la Petite Sibérie et le Collioure Révérence. catalan) à Montescot vinifie du blanc dans un œuf en terre cuite. Dans une amphore réalisée en Toscane et dont la première cuvée vient de sortir. Baptisée L’Ove (œuf en latin), le vin élaboré à base de grenache gris aura passé huit mois dans cette amphore de 700 litres. « Cette technique ancestrale apporte beaucoup de fraîcheur et de minéralité au vin. Les arômes sont exacerbés. Cela fait deux ans que j’avais cette idée en tête. Des vignerons le font en Toscane ou en Géorgie. Et j’ai décidé de me lancer », confie Philippe Bourrier. Huit cents bouteilles seront produites cette année, mais ce n’est qu’un début. Car le vigneron va doubler la production dès la prochaine vendange. Fort de son expérience, il a commandé deux amphores de plus de grande taille et deux plus petites. La commercialisation est en passe de démarrer à un tarif de 20 euros. Le Mas Amiel à également fait le pari de l’amphore, avec du rouge. M. M.