La France dans les années grises 1930-1939

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La France dans les années grises 1930-1939
Cycle préparatoire au DAEU – Cned Toulouse - Cours d’Histoire N°17 – page 1/7
La France face aux années grises (1930-1939)
Introduction :
Durant les « années grises » les pouvoirs publics montrent leur incapacité à surmonter la crise
multiforme des années trente malgré la riche expérience du Front populaire. L’échec du Front
populaire, qui déçoit les couches populaires et suscite un désir de revanche chez ses adversaires,
laisse les Français divisés face aux tensions internationales grandissantes. La montée du danger
extérieur, dès 1938, renvoie au second plan les mesures intérieures du gouvernement Daladier.
1 La crise de langueur de l’économie française
1.1 Un déclenchement tardif
Jusqu’en 1931, les Français se croient à l’abri de la crise mondiale. L’exposition coloniale de
1931 leur a donné l’illusion d’une France puissante, présente sur les 5 continents. En réalité, la
France est touchée par la crise à la fin de 1930 et en sort à peine à la fin de 1938. L’économie est
affectée par la chute du commerce international et par la dévaluation de la livre sterling en
1931, ce qui rend les prix français trop élevés par rapport aux prix du marché mondial.
La crise dans l’agriculture se manifeste par un effondrement des cours, la surproduction étant
encore accentuée par une série de bonnes récoltes. Le revenu des paysans déjà faible en moyenne,
chute des trois cinquièmes.
Dans l’industrie, la baisse est moins spectaculaire qu’en Allemagne et aux États- Unis, mais
elle dure plus longtemps. Alors que la reprise s’amorce ailleurs en 1935, en France l’industrie ne
retrouve pas son niveau de 1928. Les différents secteurs sont inégalement touchés. Les
branches traditionnelles, charbon, fer, acier, textiles, les plus importantes par le nombre de
salariés, sont les plus touchées. Dans ces secteurs, les salaires diminuent et les licenciements sont
plus nombreux. Les secteurs modernes résistent mieux.
1.2 Les conséquences sociales et politiques
Le nombre de chômeurs atteint 500 000 en 1936, soit 5 % des actifs, ce qui semble faible au
regard de la situation en Grande-Bretagne à la même époque (3 millions) et de nos chiffres
actuels autour de 10 %. Mais ce chiffre ne comporte que les chômeurs totaux et pas les chômeurs
partiels dont le pouvoir d’achat est donc amoindri. En outre, en l’absence de protection contre la
perte d’emploi, les chômeurs sont du jour au lendemain plongés dans la misère. Ainsi, de
nombreux Français sont affectés par la crise, mais inégalement. Ceux qui ont un emploi voient
leur pouvoir d’achat augmenter puisque les salaires diminuent moins vite que les prix. Les
pensionnés, les retraités, les propriétaires de biens immobiliers ont une situation qui se maintient
ou s’améliore. Par contre, les ouvriers et les paysans sont les plus touchés, mais aussi les classes
moyennes et certaines professions libérales, avocats, médecins qui ne bénéficient pas à cette
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époque des revenus assurés par le système de sécurité sociale. Une réaction xénophobe se fait
jour avec le slogan « La France aux Français » qui traduit le refus de partager le travail.
L’antisémitisme se réveille, en particulier chez les avocats et les médecins qui craignent que les
juifs ne leur fassent une concurrence déloyale, assimilant ainsi les Français juifs à des étrangers.
La crise exacerbe les antagonismes entre les catégories sociales. Ses victimes accusent tous les
fonctionnaires d’être des « planqués » qui bénéficient d’un salaire et de la sécurité de l’emploi.
Tous les Français reprochent aux responsables politiques de ne rien faire pour résoudre la crise.
2 La crise politique
2.1 le rôle des ligues
La crise ra mène la gauche au pouvoir aux élections législatives de 1932. Herriot, chef du parti
radical, devient président du Conseil. Pour rassurer les modérés, il souhaiterait revenir à
l’équilibre budgétaire. Or, le budget de l’État est redevenu déficitaire du fait de la diminution
des rentrées fiscales provoquée par le ralentissement de l’activité. La balance des paiements s’est
détériorée également en raison de la chute des exportations, de la baisse des recettes du tourisme
et de la fin du paiement des réparatio ns. Obnubilés par le spectre du déficit, Herriot et ses
successeurs - Herriot sera vite mis en minorité- contribuent à entretenir la spirale déflationniste
en augmentant les impôts, ce qui exaspère les contribuables, en ne remplaçant pas les
fonctionnaires qui partent à la retraite et en diminuant les commandes de l’État. Le retour de
l’instabilité gouvernementale irrite les Français et nourrit l’idée que le régime parlementaire est
inadapté aux graves problèmes que rencontre le pays. L’antiparlementarisme renaît.
Des ligues d’extrême droite se développent sur les thèmes de l’antiparlementarisme et attirent
les activistes. Leurs adhérents se dotent d’uniformes et d’insignes. Elles organisent des défilés
encadrés par un service d’ordre qui leur donne l’apparence des milices de l’Italie fasciste et de
l’Allemagne nazie.
Les Croix-de-Feu sont la plus importante. Elles rassemblent des anciens combattants, fidèles
aux souvenirs des morts de la Grande Guerre, nationalistes, favorables à un pouvoir exécutif fort,
hostiles au communisme comme au fascisme et dévoués à leur chef, le colonel de La Rocque
légaliste et pas antisémite. Cette ligue est très différente de la Solidarité française, du Francisme
ou du Faisceau ouvertement fascistes et violemment antisémites, qui n’ont d’ailleurs
rassemblé que des effectifs squelettiques.
L’Action française fondée en 1905 et les Camelots du roi en 1908 sont des mouvements
fortement influencés par Charles Maurras qui exerce une influence importante chez les
catholiques. Le journal l’Action française, qui a tiré à 100 000 exemplaires en 1926 avant sa
condamnation par le pape, diffuse la haine de la République, l’antisémitisme, la xénophobie, un
nationalisme intransigeant et le rejet du libéralisme économique.
Les ligues, qui en réalité ont peu de points communs, se retrouvent dans l’ultranationalisme,
l’anticommunisme et la dénonciation du régime parlementaire. Des affaires de corruption qui
touchent des parlementaires nourrissent leur haine pour le régime et les ligues défilent au cri de «
À bas les voleurs ! ».
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2.2 Le 6 février 1934
La journée dramatique du 6 février 1934 a, en effet, pour origine l’affaire Stavisky. Stavisky
est un escroc impliqué dans un scandale politico- financier du Crédit municipal de Bayonne dans
lequel des élus radicaux sont impliqués. Il est retrouvé mort en janvier 1934 (assassinat ou
suicide ?). Le scandale est tel que le gouvernement présidé par un radical doit démissionner. Un
autre radical, Daladier, réputé pour son intégrité, est décidé à élucider l’affaire. Il commence par
renvoyer le préfet de police Jean Chiappe favorable aux ligues. C’est le prétexte pour que les
ligues et l’Union nationale des combattants appellent à une grande manifestation le 6 février
1934.
C’est une journée complexe dans laquelle certaines ligues comme l’Action française, les
Jeunesses patriotes de la Solidarité française ont délibérément provoqué les policiers place de la
Concorde. Le résultat est 15 morts et 1 500 blessés. Paris n’avait pas connu une telle violence
depuis la Commune. L’émeute a un double résultat, la démission de Daladier (le septième
gouvernement démissionnaire depuis juin 1932) et la manifestation unitaire de la CGT et de la
CGTU, du Parti communiste et des socialistes de gauche, le 12 février 1934, prélude au Front
populaire.
3 L’expérience du Front populaire, 1936-1938
3.1 La réaction de la gauche
Le 6 février 1934 a donné une impulsion décisive au rassemblement de la gauche, qui s’est
concrétisé le 12 février 1934 et le 14 juillet 1935, gigantesque rassemblement de 500 000
personnes qui a réuni les syndicats, les partis communiste, socialiste et radical pour « le pain, la
paix et la liberté ». Cette union a été rendue possible par le changement d’attitude du Parti
communiste qui a abandonné sa positio n de « classe contre classe » qui l’isolait, au profit d’une
tactique de front commun contre le fascisme. C’est la naissance du Front populaire.
3.2 La victoire du Front populaire
La victoire électorale du Front populaire est acquise aux élections de 1936. Le Front
populaire est une alliance électorale qui réunit la SFIO, le Parti communiste et le Parti radical.
Aux élections d’avril-mai 1936, la gauche l’emporte avec 389 sièges contre 223 à la droite. La
SFIO avec 149 députés est le premier parti de France. Le Parti radical avec 111 députés a reculé
et n’est plus le premier parti de France. Le Parti communiste a multiplié par 6 le nombre de ses
députés ; il est très bien représenté dans le Nord et le Pas-de-Calais, la banlieue parisienne, la
bordure nord et ouest du Massif Central et le littoral du Languedoc et de la Provence ; ce sont ses
bastions électoraux pour longtemps. Léon Blum, chef du parti qui a le plus de députés, prend la
tête du gouvernement. C’est le premier gouvernement à direction socialiste. Les communistes
soutiennent le gouvernement mais ne veulent pas y participer..
Léon Blum est un ancien élève de l’École normale supérieure. C’est un intellectuel, agrégé de
philosophie. L’affaire Dreyfus a déterminé son engagement à gauche et il a participé à
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L’Humanité de Jaurès. Ce n’est pas un orateur mais un subtil théoricien. Issu de la bourgeoisie
juive, c’est le premier président du Conseil d’origine juive, ce que ne manque pas de faire
remarquer Xavier Vallat qui sera le premier commissaire de Vichy aux Questions juives, en
1941. Blum sera d’ailleurs victime de campagne antisémite dans la presse d’extrême droite. Il
forme un gouvernement qui reproduit la diversité de sa majorité de gauche, moins les
communistes, ce qui est une première source de faiblesse. La nouveauté réside dans
l’introduction de 3 femmes comme sous-secrétaires d’État : madame Brunschvicg et Suzanne
Lacore à l’Éducation nationale, Irène Joliot Curie à la Recherche scientifique. Il innove en créant
un sous-secrétariat à la Recherche et un autre aux Sports et aux Loisirs confié à Léo Lagrange.
Parallèlement à l’installation du gouvernement, un formidable mouvement de grève a éclaté en
mai 1936. Ce sont des grèves sur le tas avec occupation des lieux de travail. Pendant un mois,
elles touchent deux millions de salariés de l’industrie, mais aussi des grands magasins et des
banques. Ce sont des grèves spontanées et joyeuses par lesquelles les travailleurs affirment leur
dignité retrouvée et l’immense espérance que suscite la victoire de la gauche. L’ordre règne dans
les locaux où sont organisés des bals et des fêtes.
3.3 Les grandes réformes du Front populaire
Une des premières tâches du gouvernement Blum est de faire cesser ces grèves. Il favorise la
négociation entre la CGT réunifiée et la Confédération générale du patronat français (CGPF) qui
aboutit dans la nuit du 7 au 8 juin 1936 à des accords signés à l’Hôtel Matignon. Les salariés
obtiennent que des contrats collectifs de travail soient rétablis, la liberté syndicale respectée,
des délégués du personnel élus, les salaires augmentés de 7 à 15 %. Des lois votées à la fin du
mois de juin complètent ces mesures par les 40 heures hebdomadaires de travail, 15 jours de
congés payés et des lois établissant les conventions collectives. Les grèves ne cessèrent pas
immédiatement et il fallut la déclaration de Maurice Thorez, le 11 juin, pour que le reflux
s’amorce : « Il faut savoir terminer une grève dès que la satisfaction a été obtenue. Il faut
même savoir consentir au compromis. Tout n’est pas possible. »
Des réformes de structures ont été également votées pour accroître le contrôle de l’État :
- réforme de la Banque de France pour diminuer le rôle des gros actionnaires ;
- création de l’Office du blé pour régulariser la production et les cours ;
- création de la SNCF ;
- nationalisation des usines d’armement ;
- prolongation de la scolarité obligatoire jusqu’à 14 ans.
En outre, Léo Lagrange a eu la préoccupation de mettre en œuvre une politique culturelle et
sportive pour tous : tarifs réduits dans les musées, attribution de billets de transport à prix réduit
pour les congés payés, développement des auberges de jeunesse, construction de stades.
3.4 Les difficultés et la fin du Front populaire
Mais des difficultés se font jour à partir de l’automne 1936. D’abord la guerre d’Espagne,
qui éclate le 17 juillet 1936, creuse des clivages dans les partis de gauche, les communistes
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souhaitant l’intervention de la France auprès des Républicains espagnols tandis que Blum est
favorable à la non- intervention. Bien que les ligues aient été dissoutes par un décret de juin 1936,
l’extrême droite s’agite à nouveau. Un complot d’extrémistes organisé par La Cagoule dont le
chef est Eugène Deloncle est découvert à temps. La presse, en particulier L’Action Française, Je
suis partout, Gringoire, attaque violemment Blum et ses ministres. Ainsi, Roger Salengro,
accusé à tort d’avoir été déserteur pendant la guerre, se suicide.
De plus, des difficultés économiques subsistent : chômage qui ne baisse pas, productio n
industrielle qui stagne, hausse des prix à cause de la hausse de la demande et des prix de
revient qui se traduit par un décalage avec les prix mondiaux, sorties d’or et de capitaux. Le
déficit budgétaire s’accroît car le gouvernement a été obligé de relancer un vigoureux programme
d’armement. Blum choisit alors de dévaluer la monnaie pour stimuler les exportations en
septembre 1936, ce qui fit repartir la production industrielle et reculer le chômage. Mais
l’application de la loi des 40 heures stoppe cet élan. Blum propose alors une « pause » dans les
réformes, en février 1937, qui suscita une grande déception dans les couches populaires. Des
grèves sporadiques éclatent dont l’une retarde l’ouverture de l’Exposition universelle. Quant
aux petites et moyennes entreprises frappées par la crise, elles expriment leur mécontentement
devant l’alourdissement des charges lié aux votes des lois sociales. Devant l’aggravation de la
situation, Blum demande à l’Assemblée le vote des pleins pouvoirs financiers. L’Assemblée
accepte, pas le Sénat. Blum démissionne le 21 juin 1937. Deux nouveaux gouvernements, le
deuxième étant présidé par Blum, échouent. Le 8 avril 1938, l’expérience du Front populaire
est vraiment terminée. Le premier gouvernement Blum a duré un an, mais a une place
essentielle dans notre histoire contemporaine et a fortement marqué les mentalités collectives,
surtout à gauche, où « l’esprit de 36 » a les dimensions d’un mythe.
4 Le gouvernement Daladier, 1938-1939
4.1 Les réformes du gouvernement Da ladier
Le gouvernement formé par le radical Daladier en avril 1938 se caractérise par sa longévité - 2
ans, c’est beaucoup pour l’époque -, la popularité de Daladier et sa fermeté. Aucun ministre
socialiste dans son gouvernement car ils ont refusé leur pa rticipation, mais des ministres radicaux
et des personnalités de droite comme Paul Reynaud à la justice. La préoccupation du
gouvernement est de « remettre la France au travail ». Pour stimuler la production et le
réarmement, avec la perspective de faire reculer le chômage, il décide un assouplissement de la
loi des 40 heures, malgré l’indignation des socialistes et des communistes. Il dévalue le franc qui
s’est trouvé ainsi déprécié de 58 % par rapport au « franc Poincaré ». Nommé ministre des
Finances, Paul Reynaud met en place une politique libérale associée à la rigueur budgétaire :
- La durée du travail peut atteindre 48 heures hebdomadaire.
- Les règles de l’embauche et du licenciement sont assouplies.
- Les impôts sont augmentés.
- Des économies sont faites en particulier en supprimant des postes de fonctionnaires.
Mise en œuvre par de jeunes experts comme Jacques Rueff, Alfred Sauvy, Maurice Couve de
Murville, Michel Debré qui joueront un rôle important sous la IVe et la Ve République, cette
politique rompt avec les pratiques de gauche. Cette politique obtient des résultats : en juin 1939 la
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production industrielle a augmenté de 20 % par rapport à avril 1938 et le chômage a diminué. Le
gouvernement peut même s’attaquer à la faiblesse démographique : depuis 1935, le nombre de
naissances est inférieur au nombre de décès. Le gouvernement adopte donc, en juillet 1939, par
décrets, des mesures fiscales et financières destinées à favoriser la natalité. Elles sont connues
sous le nom de Code de la famille. Cette politique nataliste sera poursuivie par tous les régimes.
4.2 La montée du danger extérieur
Mais les aspects positifs de ce redressement en cours sont masqués par les tensions inquiétantes
dans les relations internationales.
Dans ce contexte, la politique étrangère de Daladier suit l’aspiration de la majorité des Français
qui veulent la paix. En effet, la situation nationale s’est aggravée avec l’Anschluss (annexion de
l’Autriche le 12 mars 1938). Hitler met encore plus la paix en danger en revendiqua nt l’annexion
du territoire des Sudètes, partie occidentale de la Tchécoslovaquie dont les habitants parlent
allemand. Or la France est liée à la Tchécoslovaquie par un traité d’assistance en cas d’attaque
depuis 1925. Mais les Français sont très dépendants de la diplomatie anglaise alors favorable à la
paix à tout prix et croyant naïvement à la sincérité de Hitler.
Finalement, à la conférence de Munich, le 30 septembre 1938, qui réunit Daladier, Hitler,
Mussolini et l’Anglais Chamberlain, le territoire des Sudètes est accordé à Hitler. La France a
abandonné la Tchécoslovaquie et Daladier lui-même ne se fait aucune illusion sur l’avenir de la
paix. Mais la Chambre des députés approuve la ratification des accords par 535 voix contre 75.
Les accords de Munich sont une capitulation diplomatique qui divise durablement les
Français. Ils sont, en effet, très divisés sur la politique à suivre : un sondage sur les accords
de Munich montre que 57 % des Français les ont approuvés contre 37 %. Cette division des
Français entre « munichois » et « antimunichois » est un désaccord très profond, comparable à la
division entre dreyfusards et antidreyfusards.
Les « munichois » pensent que la sauvegarde de la paix passe avant tout. Très traumatisés par la
Grande Guerre, ils ne veulent à aucun prix supporter à nouveau un tel enfer. D’autres pensent que
la Tchécoslovaquie est un allié bien lointain pour lequel il est inutile de se sacrifier. D’autres
encore comme l’écrivain Céline sont aveuglés par leur antisémitisme : « Je préférerais douze
Hitler plutôt qu’un Blum omnipotent » écrit- il dans Bagatelles pour un massacre. Des sensibilités
de droite et de gauche se retrouvent donc chez les « munichois » qui forment un ensemble
disparate.
Les « antimunichois » sont tout aussi divers. On y trouve des analystes lucides qui sont
favorables à la guerre contre Hitler avant que l’Allemagne soit encore mieux préparée, et d’autres
qui souhaitent que la France ne renie pas ses engagements internationaux en faveur de la
Tchécoslovaquie. Les « antimunichois » rassemblent les antifascistes de droite et de gauche qui
se rendent compte qu’il est temps de faire barrage à Hitler.
Le clivage passe donc à l’intérieur des partis et des sensibilités. Daladier, ministre de la Défense
nationale, depuis 1936, est conscient que Hitler est un vrai danger pour la paix et que les accords
de Munich ne sont qu’un répit. D’ailleurs Hitler a transformé en protectorat allemand le reste de
la Tchécoslovaquie. Les Français et les Anglais donnent alors à la Grèce menacée par l’Italie, et à
la Roumanie et la Pologne menacées par l’Allemagne, la garantie de leur intervention pour
protéger leur intégrité territoriale. C’est l’entrée des troupes allemandes en Pologne amie et alliée
de la France, le 1er septembre 1939, qui déclenche la déclaration de guerre à l’Allemagne par le
Royaume-Uni et la France le 3 septembre 1939.
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Conclusion :
La société française est encore, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, terriblement marquée
par le traumatisme de la Grande Guerre. Elle est, de plus, profondément divisée comme l’a
montré la haine suscitée par l’expérience du Front populaire. La droite accuse la gauche d’être
responsable de l’impréparation de la France sur le plan de l’armement en raison des congés payés
et des 40 heures. L’extrême droite très anticommuniste préfère « Hitler à Staline ». Quant à la
gauche, elle accuse justement la droite de capituler devant Hitler par haine du socialisme et du
communisme. La déclaration de guerre ne provoque donc aucune « Union sacrée » comme en
1914.
En outre, la France est isolée sur le plan diplomatique . L’alliée de la première guerre mondiale,
la Russie devenue URSS, a signé un pacte d’alliance avec Hitler le 23 août 1939 qui prévoit un
partage de la Pologne, ce qu’on ignorait à l’époque, mais surtout qui laisse à l’état-major
allemand l’opportunité de lancer toutes ses troupes à l’ouest. La Tchécoslovaquie vassalisée, les
seuls alliés de la France sont le Royaume-Uni, et la Pologne dont les forces sont
disproportionnées par rapport à celle de la Wehrmacht.
Surtout, les chefs militaires ont une stratégie défensive car ils conçoivent la guerre à l’image de
celle de 1914. Ils ont donc fait construire, des Ardennes à la Suisse, un ensemble de fortifications
en béton, la ligne Maginot qui lo nge la frontière avec l’Allemagne... Et qui sera contournée par
les blindés allemands précédés de bombardements aériens qui témoignent de la stratégie
délibérément offensive des Allemands.
La France est donc mal préparée tant sur le plan économique et militaire que sur le plan
politique et moral à l’épreuve de la guerre. Elle est foudroyée par l’offensive des armées
allemandes dont la violence la surprend en mai- juin 1940. La déroute conduit à la signature de
l’armistice le 22 juin 1940 et à l’installation du régime de Vichy qui va, à nouveau, diviser
profondément les Français.
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