Derniers mots sur Marcel

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Derniers mots sur Marcel
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Derniers mots sur Marcel
Webmaster le Mer 31 Aoû - 19:13
Marcel Dadi.
Oui il y a beaucoup à dire sur Marcel Dadi. En 1996, au moment de sa mort, j'ai commis
quelques articles dans la presse musicale, particulièrement celle liée à la guitare. Marcel Dadi
les dernières confidences (Guitar Planet n°12 octobre/novembre 1996)
Avant de partir vers Nashville, recevoir l’étoile sur l’allée des stars du Country Hall of Fame,
Marcel Dadi nous avait confié de nombreux éléments de son passé, du présent et du futur. Ses
derniers mots résonnent douloureusement à nos oreilles.
Que représente, à vos yeux, la récompense que vous allez recevoir aux USA ?
Habituellement, je ne suis pas trop concerné par les honneurs et les récompenses. Là c’est
complètement différent. J’en suis fier pour plusieurs raisons. Tout d’abord, c’est la première
fois qu’un artiste étranger reçoit cette récompense aux USA. Ensuite, le simple fait de voir
mon nom à côté de mes maîtres me comble à un niveau qu’il est difficile d’imaginer. Enfin, il
est important pour moi de montrer que la Country music et le jeu de picking possèdent un vrai
public, et ce tant aux USA que dans le monde entier. D’ailleurs, le succès des associations
Atkins/Dadi en France en Italie ou en Finlande corroborent ce qui a toujours voulu être ignoré
par une certaine partie du show business.
C’est donc une revanche et une action de militant qui trouve là son aboutissement ?
Là mon ami tu es complètement à côté de la plaque. Je n’ai aucun esprit de revanche ni de
rancune. Ce n’est pas dans mon caractère. Que la presse et le milieu musical soient
préoccupés par le rock et ses ramifications relève tout simplement d’une certaine demande du
public. Mais en y regardant bien, nombreuses sont les publications qui consacrent quelques
page à la guitare acoustique, au blues et à la country music. D’ailleurs, « Guitare Planète »
n’est pas la dernière en la matière si je ne m’abuse.
Par ailleurs, je ne suis pas militant. Tout au plus un fervent pratiquant et un enseignant. Il est
un peu normal que je prêche pour « ma chapelle ».
Quand avez vous découvert votre vocation ?
De musiciens ou du picking ?
A votre choix.
J’ai commencé la guitare à l’époque où les Shadows faisaient fureur. J’étais en CM2 à l’école
Jean Moulin de Choisy le Roi. C’est mon frère Michel, plus âgé que moi, qui eut la bonne
idée de pousser mes parents à acheter une guitare. Lui-même y avait été poussé par des amis
du Collège Joliot Curie à Orly (il était en 5e ) pour pouvoir fonder un petit orchestre qui, faute
d’instruments, avait au moins un nom " Les Crackers ". Tous ensemble ils allèrent apprendre
la guitare chez "Monsieur Michaud" qui donnait ses cours dans l’arrière boutique de son
magasin de musique. Ses compères s’appelaient Jean-Louis Desumeur (guitare rythmique),
Christian (basse) et Larbi Benaziza (batterie). Je me souviens de mon frère nous montrant la
première gamme de DO qu’il venait d’apprendre. Mon autre frère, Max, musicien avant nous,
jouait déjà de l’harmonica (façon Albert Raisner) et du Mélodica. Il fut le premier à "faire
sortir" un morceau "L’Eau Vive". Si son tube au Mélodica était Petite Fleur", son tube à la
guitare devint "Jeux Interdits". J’étais en fait le moins doué de la famille...
Ainsi, c’est certainement «pour faire comme les grands frères » et aussi par esprit de
compétition, que je me suis mis à la guitare à mes heures perdues, c’est-à-dire tout le temps
où je n’étais pas à l’école. J’ai alors fondé moi-même mon orchestre avec des copains André
Assouline (rythmique), Joseph Illouz (basse) et Maurice Levy (batterie). La distribution des
rôles avait été tiré au sort et nos instruments étaient plutôt folkloriques. La basse de Joseph
était une mandoline en forme de guitare dont il avait supprimé quatre cordes. De basse elle n
avait que le nom. La batterie de Maurice se résumait à un tom médium dont la peau était fixé
par des punaises (il faisait office de caisse claire) et à une cymbale tonitruante. Ma guitare
était une guitare "sèche", comme on le disait à l’époque, avec des cordes en métal malgré son
aspect classique. Elle avait un fond bombé de couleur sunburst et la table arborait une petite
plaque noire incrustée d’une superbe marguerite. C’est Dédé qui avait la plus belle guitare une
guitare forme Django, en érable avec un vibrato genre Bigsby. équipée de deux micros
flottants solidaires de la plaque de protection où étaient fixés les contrôles de volume et de
tonalité. Si je me souviens bien, le sélecteur de micros était du type "varitone" à trois
positions. Les répétitions avaient lieu dans les caves du bâtiment de l’Allée Jacques Carrier où
nous habitions tous.
Notre premier passage sur scène eut lieu sous un chapiteau itinérant: "Le chapiteau Kiravi "
du nom de la marque du vin qui devait sponsoriser cette manifestation. Il y avait outre les jeux
et animations diverses, un concours d’orchestres où nous nous étions inscrits. Mon frère e son
orchestre aussi. Ils passèrent avant nous. Ils jouaient aussi du Shadows et ils avaient bien
entendu choisi les mêmes morceaux que nous.
J’en pleurais véritablement de dépit et je voulais partir pour ne pas être la risée du public. En
fin de compte, j’acceptai de monter sur scène grâce aux encouragements des autres membres
du groupe. Nous sommes arrivés premier, juste devant l’orchestre de mon frère. Ce n’était pas
mérité car ils jouaient vraiment mieux que nous. Cette soirée reste un souvenir vivant en moi.
C’était la première fois que je jouais sur une guitare électrique et un amplificateur; j’avais 12
ans.
A ce stade, vous n’interprétiez pas de morceaux de style Nashville ou de Picking?
J’y viens Une ou deux fois par semaine mes parents m autorisaient à aller avec des copains
plus âgés que moi, et parfois seul, au "Club des Chemises Rouges" à Orly. Je n’étais pas
toujours fier lorsque je traversais le terrain vague devant chez moi et les cités mal éclairées. Il
m’arrivait souvent de siffloter lorsque je rencontrais un passant ou un chien égaré.
Les Chemises Rouges, c’était un super orchestre, super équipé. Le chef du groupe était Willy,
le batteur. Le guitariste d’accompagnement, "Michel", jouait sur une magnifique "Ohio" bleu
pailleté, dont j’ai appris plus tard qu’elle était fabriquée par les frères Jacobacci pour les
établissements Major. Mais entre tous. c’était le soliste qui focalisait le plus mon attention. Il
faut dire que son matériel suffisait à me faire rêver une magnifique Fender Jazzmaster et un
amplificateur Vox. Il s’appelait Bernard Photzer. Son jeu était fantastique. Il jouait - me dit-on
- ‘style Nashville". C’était la première fois que je voyais quelqu’un "tirer" sur ses cordes avec
la main gauche. Le son obtenu était fabuleux. C’était du Rock & Roll le plus pur. Avec les
Chemises Rouges j’allais découvrir les répertoires d’Elvis Presley, de Gene Vincent, d’Eddy
Cochran etc... Avec mes amis du groupe, aussi subjugués que moi, nous mimions le jeu de
jambes et les mouvements du corps qui semblaient aussi importants que la musique si on
voulait être de vrais Rockers! Je n’avais de cesse d’apprendre ce nouveau style et c’est
Bernard Photzer lui-même qui m’en enseigna les rudiments. J’étais encore un débutant quand
Bernard était déjà un guitariste confirmé. Peu de temps après il devait devenir le soliste du
"Skiffle Group" d’Hugues Aufray. C’est alors que je l’ai perdu de vue.
Vous avez donc évolué vers ce nouveau style ?
Pas tout de suite. J’ai d’abord été récupéré par un orchestre de Thiais "mieux équipé" où l’on
m’a prêté une guitare électrique. Une Höfner demi-caisse équipée d’un seul micro. Quelques
temps après. son propriétaire. Jacky Labeau (guitare rythmique), me l’a vendue trois cents
francs lorsqu’il s’est offert le tout dernier modèle Höfner 3 micros, gainé de cuir rouge, copie
strato avec trois micros humbuckers genre Gibson. C’était un événement Les amplis étaient
des Merlaud. Il y avait également Jean-Eric Chabert, avec une Kent sunburst, Michel à la
basse sur une petite Höfner à pan coupé (il n avait pas pu trouver celle à forme violon comme
Paul McCartney). Nous répétions chez Jacky. Aux beaux jours, ses parents nous donnaient le
droit d’utiliser le garage, ce qui ne faisait pas toujours plaisir aux voisins!
Puis, l’orchestre de Thiais devint les "Royers", pour accompagner le chanteur Francky Strad
qui lui habitait une tour de quinze étages à Orly. De son vrai nom François Lapleau. Franckv
Strad était un grand fan de Johnny. Du coup. je connaissais tout le répertoire de l’époque de
Johnny et des Showmen. Nos répétitions se faisaient souvent au "Ranch", une maison des
Jeunes d’Orly, derrière le Framprix du petit centre commercial de la Cité. Dani Darras nous
avait rejoint au clavier et Tony à la batterie. Je me souviens de notre magistral arrangement de
« Dont let me be misunderstood » des Animals, avec une intro classicisante par Dani sur son
piano électrique Höhner. Evidemment, comme la plupart des chanteurs de l’époque, François
Lapleau chantait les textes anglais en yaourt.
Un Vendredi soir, nous avons participé au célèbre Tremplin du Golf Drouot. C’est Michel, le
bassiste qui nous avait inscrit à ce célèbre concours d’orchestres. Pour faire bonne impression,
il m’avait loué une superbe Strarocaster Fender Fiesta Red. . Le niveau des groupes était
redoutable, et je crois que jamais de ma vie je n’avais vu autant de belles guitares "en vrai".
Surtout cette superbe Gretsch de couleur orange. Je me souviens aussi du groupe "Les
Rockers" avec un guitariste au crâne rasé qui pouvait très bien être Jacques Mercier. J’étais
sûr qu’ils allaient être les gagnants, d’autant plus que nous avions été minables.
Quand on nous a annoncé gagnants, je n en croyais pas mes oreilles! Michel avait détourné un
gros paquet de bulletins de vote lors de la distribution dans le public et y avait inscrit notre
nom. Nous n’avons pas osé remonter sur scène pour recevoir notre prix, et je n’ai plus jamais
remis les pieds au Golf Drouot de ma vie.
En rentrant ce soir là, j’ai cru que le Ciel voulait me donner une leçon. En effet, après avoir
remonté tout le matériel chez François, où nous l’entreposions, on s’est aperçut de la
disparition de ma Strato en location. Elle avait été laissée en bas sur la pelouse, chacun
pensant que quelqu’un d’autre l’avait monté. Bref, elle n’était plus là. Comment allions nous
rembourser le magasin ? J’étais affolé. Le lendemain, j’ai appris qu’elle avait été retrouvée.
Un vieux monsieur passant par là lavait emporté chez lui pour la déposer le lendemain chez le
gardien...
Puis est venu le temps de la séparation. J’ai alors remonté un nouveau groupe avec des
débutants de Vitry rencontrés au Ranch. Ça s’appelait "Rocky et les Strangers", avec à la
batterie... Jean Marc Cerrone, âgé à peine de douze/treize ans et son frère Serge à la basse.
Nous étions en 66-67 et je formais tout ce petit monde au répertoire avant-gardiste des Cream,
d’Hendrix et du Spencer Davis Group, autant qu’aux bons vieux classiques des Stones ou des
Animals. J’avais échangé ma Télécaster contre une Gibson 345 Stéréo que je branchais sur
mon ampli Fender Bandmaster. Nous écumions les clubs de la région : le "Café du Commerce
, le "Plavboy", et bien d’autres où nous mettions une ambiance à tout casser les samedis soirs
et les dimanches en matinée.
Inutile de dire que le lundi marin, sur les bancs de l’école. ce n’était pas la joie... Si on ajoute
les deux répétitions au Ranch, le soir dans la semaine, on comprend mieux pourquoi j’ai dû
redoubler ma Seconde au Lycée de Thiais. Mes parents, tout naturellement me supprimèrent
toutes mes escapades nocturnes, sans pour autant m’interdire la pratique de la guitare : "Tu
n’as qu’à jouer de la guitare seul à la maison ; plus question de groupes! Ton Bac d’abord, un
diplôme ensuite. Après tu feras tout ce que tu voudras ". Christian Itier récupéra sa superbe
345 et me rendit ma Télécaster.
C’était donc la fin des haricots ?
Pas tout à fait, je crois même que ce fut une chance. Vers treize ans, j’ai fait la connaissance
de Bernard Laux. Bernard faisait des voyages réguliers en Angleterre et il était au courant
bien avant nous de ce qui n’arrivait en France que six mois ou un an plus tard. Il a ramené un
disque de Bob Dylan, une Gibson J45 sunburst, un porte-harmonica et de fabuleux petits
harmonicas "Blues", "Super Vampers" fabriqués par Höhner. Et grâce à son porte-harmonica
il a pu jouer en même temps des deux instruments. J’étais emballé. Il me fallait à tout prix
cette panoplie ! Une fois acquise je me suis entraîné à jouer "Blowing in the wind", "The ----from the north country". J’ai même fixé un tambourin entre mes genoux pour faire le rythme.
C’était l’époque où Hugues Aufray nous faisait aussi découvrir Bob Dylan avec son célèbre
album "Aufray chante Dylan". C’est aussi l’époque où Antoine chantait avec sa Martin et son
porte-harmonica ses célèbres "élucubrations" (Oh Yeh !).
Pour moi il n’était pas encore question de picking. Ce qui me frappait le plus dans l’album
d’Hugues c’était sans doute la façon dont jouait le banjoïste Harry - un américain - sur ce que
je croyais être un banjo à 4 cordes. J’essayais d’imiter son jeu spectaculaire dans "Hey
Monsieur l’Homme Orchestre" (Mr Tambourine man).
Quelques temps après lors d’une nouvelle rencontre avec Bernard Laux, j’ai eu le plus grand
choc de ma vie. Il avait découvert un certain Chet Atkins et vite fait l’acquisition de quelques
uns de ses disques. Il m’expliqua que ce guitariste inconnu jouait à la fois les basses et la
mélodie... Impensable Pourtant, il m’en donna la preuve à travers un "Windy And Warm" très
approximatif que lui avait enseigné un certain... Bernard Photzer... Et devinez qui jouait de la
guitare électrique dans « Aufray chante Dylan » ? Encore Bernard Photzer! Décidément, ce
dernier était toujours en avance sur son temps. Et puis j’ai vu Joe Dassin à la télévision jouer
"Freight Train" et expliquer le principe du Picking...
Comme je ne possédais pas de tourne-disque, mon ami accepta d’enregistrer les meilleurs
morceaux de Chet sur mon magnétophone Radiola. Il fit une sélection de titres parmi les
quelques albums qu’il détenait : "Mv Favorite Guirars", "Down Home", "Guitar Countrv",
"The Best of Chet Atkins" et "Workshop". A travers cette sélection, je n’ai eu qu’une idée très
"picking" du style de Chet qui, j’allais le découvrir, était plus éclectique.
J’ai travaillé comme un fou sur ces quelques enregistrements en essayant d’en reproduire tous
les détails. Évidemment ce que je croyais être une réplique exacte n’était qu’une approche
approximative car mon oreille musicale" n’était pas encore assez formée pour réussir à
capturer toutes les finesses du jeu de Chet. Il faut dire que l’écoute médiocre sur mon petit
magnétophone Radiola ne m’aidait pas vraiment non plus.
Avec ce maigre bagage, j’ai monté un trio en compagnie d’Albert Lahiani et Sammy, tous
deux d’Orly, commune très proche de la mienne. Nous faisions des arrangements sur les
quelques titres de Chet que je connaissais, mais aussi sur d’autres morceaux comme " Maria
Elena " des Indios Tabajaras. C’était uniquement pour le plaisir, et je n’ai pas gardé le
moindre souvenir d’une quelconque participation de notre trio à un spectacle. Albert était très
versé dans le Classique - il finissait l’Ecole Normale de Musique - et c’est lui qui m’initia au
Trémolo de " Recuerdos de la Alhambra " et aux Préludes de Bach que je déchiffrais
péniblement en comptant les lignes sur la portée pour définir la hauteur de chaque note. Pour
le rythme, je ne pouvais pas me tromper, c’était toujours le même au sein de chaque morceau.
Albert, qui donnait des cours à la maison des jeunes de la Voie des Saules, m’invita à y
participer. Je fus un très mauvais élève, ne travaillant pas suffisamment entre les cours. J’étais
visiblement fâché avec le buté, et au bout de trois leçons, j’ai décidé de rester un autodidacte
pur... Mes difficultés de déchiffrage à l’écoute allaient être sensiblement réduites. Mon frère
Max travaillait pendant les vacances d’été au BHV à Paris pour nous offrir enfin une vrai
chaîne HI-FI avec son salaire. Passionné par la hi-fi, il fabriqua lui-même les baffles selon une
conception originale. Elles étaient d’une qualité étonnante. J’allais enfin avoir "mes disques"
de Chet. Avec l’aide de mes parents, j’ai alors pu m’offrir mes quatre premiers albums,
trouvés à la Fnac Châtelet (l’autre filon se trouvant sur les Champs-Elysées à Lido Musique)
:"Guitar Genius", "Workshop", "Pîcks on the Beatles" et "Picks the Best". Les autres allaient
suivre, dès que mes maigres économies me le permettraient.
Près de deux ans après l’enregistrement sur bande des premiers titres de Chet, j’ai rencontré
par hasard Bernard Photzer. Il m’a reconnu, et après l’évocation de nos quelques souvenirs
concernant le Club des Chemises Rouges, il m’a proposé de le rencontrer le dimanche suivant
chez lui. En fait, il habitait la même cité que Bernard Laux et moi-même, à peine à 500 m!
Ce fameux dimanche allait marquer ma carrière future. Bernard ne savait pas que j’avais
travaillé sur les morceaux de Chet. Il en fut extrêmement surpris. J’allais l’être à mon tour "Tu
mérites que je te fasse écouter ça" me dit Bernard. Il a mis sur la platine un disque de Merle
Travis " Walking the strings". J’ai été estomaqué ! Chet n’était donc pas le seul à savoir jouer
comme cela... Puis ce fut le tour de Doc Watson et de Jerry Reed. Tout le même jour. C’était
trop ! Comme si Bernard avait compris mon désarroi, il m’a lancé : "Tu en feras meilleur
usage que moi". Il m’a vendu tonte sa collection pour la somme symbolique de 100,00 Frs. Je
ne les avais pas. Il m’a fait crédit.
Aujourd’hui encore je ne sais comment remercier Bernard de sa gentillesse hors du commun.
Il faut dire qu’il est encore l’un de mes seuls vrais amis.
A partir de ce jour, le Finger Picking est devenu le seul centre d’intérêt pour moi (je ne
pouvais plus sortir) et je m’attachais a redécouvrir le système de ce style de jeu.
Marcel Dadi les dernières confidences (Guitar Planet n°12 octobre/novembre 1996)
...suite :
Quand avez-vous commencé à enseigner au Folk Center?
A l’entracte, Lionel Rocheman m’a proposé sans ambages d’enseigner mon style dans son
Folk-Center. Je n’étais pas professeur mais cela ne me faisait pas peur. Le seul ennui, c’était
cette fichue banlieue et mes problèmes de locomotion. J’en parlais à Lionel qui en fut
visiblement contrarié, tout en maintenant sa proposition : " de toute façon la rentrée ne se fera
qu’en Septembre, d’ici là tu auras peut-être trouvé une solution.
J’ai passé mon Bac (D) que j’ai obtenu avec une petite moyenne. C’était suffisant pour ce que
je voulais faire : entrer à l’école de kinésithérapie de la rue d’Assas à Paris.
Coïncidence ? Bonne fortune ? Doigt de Dieu ? On peut appeler ça comme on veut : au mois
de Juillet mes parents ont décidé d’aller habiter à Paris, dans le 10ème , où ils ont pu acheter
un appartement. Fini les H. L. M. de Choisy-le-Roi ! Fini la séquestration banlieusarde !
Vivent les Hootenannies tous les mardi et vivent les cours de guitare au Folk Center.
Le fait est que ce déménagement tombait à point pour moi. J’entrai à l’école de Kinésithérapie
pour trois ans. Après les cours, qui avaient lieu à côté de l’hôpital du Val de Grâce. je filais au
64 avenue d’Italie pour "enseigner" au Folk Cenrer. Les affiches "Dadi a dit" fleurirent sur les
murs de Paris et les élèves vinrent nombreux. Lionel faisait beaucoup de propagande à son
nouveau professeur. Les inscriptions se faisaient presque routes sur place, pendant l’entracte
du Hootenanny. J’avais le parfait physique de ma condition d’étudiant. Petite barbe
d’adolescent libéré, jean et boots anglaises achetés aux Puces, blazer décontracté et écharpe
de couleur vive (jaune). J’étais heureux et comblé.
Quelle méthode d’enseignement pratiquiez-vous?[
L’enseignement en lui-même me posa quelques petits problèmes... Je ne connaissais pas le
solfège et ne pouvais donc pas l’enseigner. Comment faire passer mon enseignement ? Au
début, j’essayais de faire retenir les exercices par cœur à mes élèves. Certains les retenaient,
mais d’une semaine sur l’autre, d’autres les avaient oublié en partie, remodelés... Bref, c’était
catastrophique. L’étude des morceaux allait se montrer ardue ! Il fallait à tous prix que je
trouve un système d’écriture leur permettant de mémoriser ce que je tentais d’enseigner.
L’idée m’est alors venu de procéder par diagrammes. Plutôt que d’annoncer les cordes pour
un chiffre, pourquoi ne pas tout simplement les représenter par des lignes (donc six lignes) sur
lesquelles viendraient s’inscrire les cases. On ne jouerait bien sûr que les cordes "porteuses"
d’un chiffre, la lecture se faisant de gauche à droite comme sur une vraie portée. Tout
changement d’accord était marqué par un trait vertical de séparation. Les "crochets"
marquaient les notes "plus rapprochées". Le diagramme pouvait être réutilisé à titre indicatif
ou pour désigner la position d’accord à celui qui ne la connaissait pas déjà.
Ce n’était pas déjà des tablatures ?
Non. Petit à petit, en rassemblant mes faibles réminiscences de solfège apprises au Collège et
en compagnie d’Albert, (j’étais fort en dictée musicale mais trop fainéant pour retenir
sérieusement quoi que ce soit à cette époque reculée), j’appliquais à mon nouveau système la
notion de mesures à 4 temps, puis la division correcte de chaque temps en croches, doubles
croches et non plus "crochets". Ce système d’écriture n’avait pas de nom... Jusqu’au jour où
un de mes nouveaux élèves, loin d’être étonné par ce système révolutionnaire, m’annonça
froidement que "c’était une tablature et que des bouquins sortis en Amérique utilisaient déjà
cette méthode"... "Et que de toute façon. les tablatures existaient depuis plusieurs siècles". Je
tombais de haut.
Immédiatement, je me suis mis sur la piste de ces fameux bouquins "américains et j’en ai fait
l’acquisition. C’était les fameux "Oak Publications" et entre autres le bouquin de Happv
Traum,"Finger-picking techniques". Les morceaux qui y figuraient étaient présentés selon des
arrangements assez simplets mais j’étais heureux de découvrir que Merle Travis y figurait en
bonne place comme " l’inventeur " du style. La transcription de son "Nine Pound Hammer ne
correspondait d’ailleurs en rien à la version de Merle Travis. Je n’ai eu cette méthode entre les
mains que vers la fin de 1971.
De quelle manière avez vous participé au Folk Club Quincampoix?
Ma découverte des tablatures coïncida avec ma rencontre des frères Charnoz qui venaient de
s’installer un magasin au 38 rue Quincampoix. Leurs affaires étaient loin d’être florissantes et
mon intérêt pour le "Folk" allait les convaincre de s’y intéresser au niveau commercial. Ils
commandèrent donc toute une série de recueils que je recommandais à mes élèves en toute
bonne foi. Ils choisissaient les méthodes ou songbooks qui leur plaisaient parmi une sélection
d’échantillons que je conservais en permanence. Je prenais les commandes et en assurais la
livraison la semaine suivante. Leur disponibilité pour la première fois en France était une
véritable aubaine pour les pickers. Parallèlement, je commençais à donner aussi des cours au
magasin.
Dans le même esprit, j’ai fais la sélection de certaines marques de guitares existant soit en
France soit à l’étranger. C’est ainsi que je me suis mis à défendre les couleurs de la marque
Ibanez, inconnue alors, à travers un de leurs premiers modèles que je trouvais
particulièrement valable pour le prix, la copie de Jumbo (J200) Gibson. J’en utilisais une moimême lors de mes passages au Hootenanny. Il faut dire que j’avais vendu ma Martin si
chèrement désirée à un de mes élèves... Dominique Trépeau, qui se spécialisa par la suite dans
la musique de John Renbourn. J’étais donc sans guitare "personnelle".
Mais le "Folk Club Quincampoix" nouvellement baptisé (avant sa création il s’appelait
"Centre Music-Halles" à cause de la proximité de ce quartier), me prêtait les instruments dont
j’avais besoin. Plus tard, j’ai conseillé à Jean-Lue et Gérard Charnoz de se lancer dans
l’importation des guitares Sada-Yairi et des guitares Guild. Ainsi, le "Folk Club
Quincampoix" est devenu le Centre du Folk en France.
Nous étions les premiers à proposer un choix si étendu d’instruments, de cordes DAngelico,
Martin, Ernie Ball,) de recueils etc. Début 73. les cours dans l’arrière boutique du magasin
avaient pris le pas sur ceux du "Folk Center" de Lionel Rocheman et je m’étais établi à mon
compte, car au Centre américain, l’ancien secrétaire de Lionel avait pris sa place d’animateur
du Hoot... L’esprit n’était plus le même, et beaucoup d’ inconditionnels de la première heure
avaient pris leurs distances par rapport à une entreprise qui sentait la récupération
commerciale à plein nez.
C’est dans ce nouveau lieu de cours que Michel Haumont est devenu mon élève. Bien des
guitaristes accompagnant les grands noms de la variété fréquentaient assidûment tes cours à
Quincampoix. La plupart m’ont gardé leur amitié, je pense entre autres à Henri Le Diset,
guitariste de Marcel Amont qui a aujourd’hui une école de guitare à Brest. Michel est devenu
mon ami et son initiation aux secrets du picking se poursuivait même chez moi, les dimanches
où je lui révélais sans restriction tout mon savoir musical dans ce domaine".
Comment est née la Méthode à Dadi?
Rapidement, tes cours au Folk Center ont connu un succès débordant et je n’ai bientôt plus été
en mesure de faire face à la demande. J’ai alors décidé de publier régulièrement mon
enseignement.
Le mardi soir, au " Hootenanny ", de plus en plus de gens venaient voir le "professeur" Dadi
et j’ai compris que je ne pourrai pas maintenir longtemps ce rythme de vie: cours de Kiné
dans la journée, puis cours de guitare jusque très tard le soir, de plus en plus tard... A
l’époque, Rock & Folk était lu par pratiquement tous les musiciens. Deux rubriques
m’intéressaient tour particulièrement: les Petites Annonces et "Les Fous du Folk" de Jacques
Vassal. En matière de Folk, Jacques Vassal faisait figure de spécialiste et il m’a semblé que
c’était lui qu’il faudrait approcher pour créer une rubrique d’enseignement "à l’échelon
national". Jacques a tout de suite été séduit par l’idée et en a immédiatement parlé à la
rédaction. Il a fallu les convaincre. C’est donc guitare sous le bras que nous nous sommes
pointés dans les bureaux de la rue Chaptal pour y rencontrer Philippe Koechlin et Philippe
Paringaux.
Ils n’étaient pas guitaristes, la tâche n’était donc pas aisée. Je leur ai proposé un maché: " Si
j’arrive à vous faire déchiffrer un morceau en deux minutes, vous me donnez une page tous
les mois pour ma rubrique.
Au bout de deux minutes, grâce aux tablatures, les deux Philippe ont joué ( péniblement) "Au
clair de la lune "... Le pari était gagné. Le mois suivant, Jacques Vassal proposa à ses lecteurs
la première rubrique instrumentale en tablature du monde. L’idée a largement été reprise
depuis, et pas seulement en France.
Déjà célèbre, mais vous n’avez encore rien enregistré ?
Fin 72, j’ai eu le bonheur de signer mon premier contrat d’enregistrement avec les Éditions
Gérard Tournier. Le label était "AMI Records". Ce premier contrat, je l’avais décroché, sans
trop y croire, grâce à un ami : Hervé Christiani. Lui-même avait enregistré un 45 tours sous ce
même label. Je me souviens d’un après-midi passé chez Hervé où il m’avait proposé
d’enregistrer quelques morceaux sur une bande pour qu’il puisse la faire écouter à son
directeur artistique, Jean-Michel Gallois Montbrun. C’est ce même directeur artistique que
j’ai rencontré quelques mois plus tard au Centre Américain. C’était l’époque du Hootenanny
de Lionel Rocheman, où l’on pouvait rencontrer tous les mardis soir des artistes aujourd’hui
célèbres : Maxime Le Forestier, Alan Stivell, Steve Waring, Roger Mason, Hervé Christiani,
BilI Deraime, Gabriel Yacoub, Claude Lemesle, Alain Giroux, j’ en passe et des meilleurs.
A l’époque, ils ne faisaient qu’aiguiser leur talent et aucun d’entre eux n’avait encore fait de
disque. Certains n’ont été reconnus par le grand public que tardivement. Peut-être grâce à une
mélodie seulement. Les clefs du succès sont difficiles à saisir. On peut se consoler en pensant
que la valeur finit toujours par convaincre. Ce n’est qu’une question de temps. Donc, Jean
Michel Gallois-Montbrun, directeur artistique de Hervé Christiani est devenu également mon
directeur artistique.
Depuis longtemps, je rêvais de faire un disque. J’étais prêt. Mais je ne pensais pas que cela se
ferait aussi simplement. Ça m’a même presque déçu... "Voulez-vous faire un disque ?" M’a-ton simplement demandé. J’ai dit "oui". "Alors on se téléphone et on prend rendez-vous".
Inutile de vous dire qu’après ce genre de dialogue on a du mal à s’endormir J’ai passé la nuit
entière à tourner et à retourner ces quelques mots. Et si j’avais mal compris
Et s’il changeait d’avis ? etc.
Comme vous le savez, tout s’est bien passé. Je crois que j’aurais signé n’importe quoi pour
faire "Ce" disque. J’ai simplement signé un contrat type, déjà tout imprimé, où il fallait
seulement remplir les "blancs" pour préciser la durée du contrat (3 ans) et les royalties (Oh Ce
n’était pas grand chose mais il parait que c’était normal, que pour demander plus il fallait
d’abord devenir un "môssieu").
J’ai même donné l’Édition de mes morceaux pour cette même durée (quand je vous dis que
j’étais prêt à tout). En fait, Les Éditions Gérard Tournier et "Folk Club" (aujourd’hui
"Quincampoix") s’étaient partagés cette édition. Folk-Club avait fait une commande ferme de
1000 disques qu’ils assuraient pouvoir vendre au magasin ou par correspondance. Après tout
la rubrique "La Guitare à Dadi" marchait bien dans Rock & Folk. C’est même Philippe
Paringaux – à l’époque Secrétaire de rédaction - qui avait baptisé ainsi ma rubrique. Ce fut
tout naturellement le nom de mon premier disque.
Cette première commande assurée, tout le monde avait l’esprit tranquille. Il n’était pas évident
que ce premier disque marcherait. Le PDG. de la Société Discodis, monsieur Granjean, qui
devait en assurer la distribution, n’y croyait pas du tout. Il avait même ri au nez de mon
directeur artistique qui lui avait annoncé en avoir fait presser deux ou trois milles : "vous n’en
vendrez pas cent chez les disquaires", affirma - t’il.
Evidemment, ce disque n’avait rien de commercial. La musique était inconnue il n’y avait ni
"La Playa", ni "Maria Elena", ni "Guitar Boogie", ni "Jeux Interdits"- le guitariste était
inconnu (quel idée de garder un nom aussi ridicule, et "Marcel"... en plus)‘ la pochette était
bizarre - même pas de photo de l’artiste -‘ un dessin d’un certain Mandryka, qui prêchait pour
la "BD.", un nouvel art, soi-disant ! Et puis summum, "un livret de tablatures". Comme si les
gens allaient commencer à apprendre ce qu’ils écoutaient avec un truc qui n’était même pas
du solfège. C’était le début d’une grande polémique.
C’était aussi un énorme risque à cette époque.
Nous avions tous conscience d’être des pionniers et qu’il fallait se serrer les coudes. Le livret
de tablatures avait été réalisé en commun chez Jean-Michel; même les frères Jean-Luc et
Gérard Charnoz avaient mis la main à la pâte pour les recopier au propre (ils s’étaient occupés
des traits si je me souviens bien). Tout le monde s’appliquait. L’honneur m’a été donné
d’inscrire les chiffres à l’encre (ils avaient, au préalable, été placé au crayon pour éviter les
fautes) et d’écrire les titres.
Ceux qui possèdent ce livret savent quelle attention j’y ai porté et peuvent profiter de cette
révélation pour faire étudier ma personnalité cachée par un graphologue!
Mandryka réalisa la pochette en une nuit, dessin et couleurs compris. Il n’était pas devenu par
hasard celui qui devait participer à notre projet. En fait, Mandryka était un fan inconditionnel
de Blues et il prenait à l’époque des cours de "picking" avec moi au Centre Américain, puis
au Folk Club, pour pouvoir interpréter lui-même les morceaux des vieux bluesmen qu’il
affectionnait (Blind Lemon Jefferson, Révérend Gary Davis, Blind Blake). Souvent il était au
cours avec son ami Marcel Gotlieb, qui lui aussi s’intéressait à la guitare. C’est ainsi que j’ai
mis le nez dans le monde merveilleux des dessinateurs de BD. J’ai fait bientôt la connaissance
de Jean Giraux (alias Gir, alias Moebius), de Jean-Jacques Loup, d’Alexis, de Solé et de bien
d’autres qui ont contribué par leurs dessins à la réalisation de mes disques.
Marcel Dadi les dernières confidences (Guitar Planet n°12 octobre/novembre 1996)
...suite :
Comment s’est déroulé l’enregistrement ?
Le disque en lui-même a été enregistré dans un tout petit studio équipé à l’époque d’un
magnéto à quatre pistes seulement "Le studio 12000", rue de Clignancourt. Son propriétaire
(Delancray) était aussi je crois le producteur d’un chanteur en vogue Pierre Charby. Robert
Gretsch y enregistrait aussi ses disques si je me souviens bien... La location à l’heure du
studio (techniciens compris) n’était que de cent francs (hors taxe). Il n’a pas fallu plus de
quatre heures pour mettre les 12 morceaux en boite. (NDLR : Marcel avait ce jour là plus de
39° de fièvre)
Il faut dire que je les jouais depuis un bon moment et qu’ils représentaient tout ce que j’avais
composé à ce jour. Seul "l’Écho des Savanes" (titre bien connu de la revue de BD) ne fut pas
enregistré dans cet album, bien qu’existant déjà. Je ne me souviens plus de la raison qui nous
l’avait fait écarter. Peut-être était-il encore trop "frais" et que je ne le jouais pas suffisamment
bien. Aujourd’hui. avec le temps qui a passé, je peux avouer que j’étais loin d’être celui qu’on
avait voulu faire de moi. Même dans "mon" style je n’étais qu’un guitariste très limité.
Pardon?
Oui, j’ai bien dit un guitariste très limité. J’en veux pour preuve cette anecdote du temps où
j’enseignais au Centre (vers la rentrée 71). Un jour, un de mes élèves, John Tirford (un
anglais). m’a demandé si dans "Saturday Night Shuffle", la position du Fa en barré que je
préconisais, ne pouvais pas être remplacée par une position utilisant le pouce de la main
gauche, comme le faisaient certains bluesmen qu’il avait eu la chance de voir en concert en
Angleterre. J’étais en plein dans ma période des basses alternées régulières selon le schéma
invariable : 5e, 4e, 6e, 4e cordes utiliser une telle position obligeait à épouser le schéma : 6e,
4e, 6e, 4e cordes. Pour moi, c’était une hérésie Mais en fait John Tirford avait raison.
Cela, je ne l’ai accepté que plus tard, lorsqu’en réécoutant bien les disques de Merle Travis
j’ai compris que, non seulement c’était ce qu’il faisait, mais aussi que c’était la base
essentielle de son style. Chet Atkins lui-même se servait à profusion de ce pouce honni par les
classiques et que par ignorance je rejetais.
En attendant, j’avais convaincu John qu’il avait tort. C’était moi le professeur, il m avait cru.
Je l’ai rencontré bien plus tard en 1975 lors d’un de mes concerts a Londres, et j’en ai profité
pour lui faire mes excuses. Cette petite lumière qu’il m’a apporté sans le savoir m’a sans
doute fait gagner des années.
Des choses que je ne comprenais pas sont devenues claires et enfin possibles. Je n’aurais
jamais composé des morceaux comme le "Derviche Tourneur" sans ce conseil judicieux de
mon élève. Cette leçon, je l’ai toujours en mémoire car elle m’a appris que l’on pouvait
apprendre de n’importe qui et à tout moment. Où que l’on soit dans l’échelle des valeurs, il
faut faire preuve d’humilité. Seule la prétention peut pousser à dire que ce que l’on ne connaît
pas n’est pas bien ou n’existe pas. Cette anecdote vous prouve qu a l’époque, si j’étais
meilleur que certains, j’étais loin d’être bon. Le même raisonnement reste valable aujourd’hui.
Pour un guitariste "très limité ", La guitare à Dadi n’a pas mal marché quand même ?
Le disque enregistré fin Novembre 72, est sortit en Janvier 73. Je jouais de la guitare depuis
douze années. Là encore, l’amitié a joué en ma faveur. Chacun mettant un point d’honneur à
défèndre de son mieux ce disque que, les "grands spécialistes" disaient voué à l’échec.
Folk Club a fait les publicités. Des amis journalistes comme Jacques Vassal ( Rock & Folk )
et Hervé Muller ( Best ) l’ont mis en évidence dans leurs colonnes. Si les disquaires le prirent
au début pour un disque d’enfant à cause de la pochette (à l’époque, la BD ne pouvait pas être
un truc d’adultes!), très vite ils se prirent au jeu de sa diffusion. Ils étaient très intrigués par le
nombre de gens qui venaient le réclamer et par sa vitesse de rotation dans les rayons. Des
grands magasins comme la FNAC le stockèrent même par piles entières. Je passais moi-même
le plus clair de mon temps à la FNAC Châtelet où j’avais sympathisé (et pour cause) avec les
responsables du rayon Folk et où je prenais un plaisir non dissimulé à être présenté aux
acheteurs avec qui nous échangions des idées ou simplement des vues sur le passé et l’avenir
de ce style en France. Certains mêmes, lecteurs de la rubrique dans R & F me posaient des
questions précises sur tel ou tel exercice publié précédemment."
Étiez vous fier d’avoir été un pionnier?
Il n’y avait aucun mérite à cela. J’avais mon diplôme de kinésithérapeute et je ne pouvais de
toutes façon pas le perdre. Au pire, si la musique ne m’avait pas donné de quoi vivre, j’aurais
pu aisément redevenir kinésithérapeute. Mes parents étaient rassurés par ce diplôme. Vous
connaissez ça : "fais tes études, passes ton diplôme et après tu feras ce que tu voudras !" De
toute façon au moment de l’obtention de mon diplôme, ma décision était prise. Je tenterais ma
chance dans la musique.
Avec le recul je me suis rendu compte que ma véritable chance était de vivre encore chez mes
parents, sans autre souci que celui de travailler mon instrument. Si j’avais été marié et père de
famille, il en aurait été autrement. J’aurais été kiné de 8 heures du matin à 19 heures le soir. Je
serais rentré crevé. Dîner, télé. La guitare pour se distraire les jours de congé quand les
enfants font la sieste. Pas de Dadi. Pas de Tablatures. Pas de concerts.
Que pouvez-vous dire sur votre deuxième album "Dadi’s Folks" ?
Mon deuxième album allait me permettre de me départir des critiques sur le premier. Je
commençais à entendre: c est toujours la même chose: Boom -tchick, Boom tchik... un vrai
métronome. De la technique, mais pas un sou de sensibilité ". J’avais le sentiment d’être
incompris. Il y avait quand même du "feeling" dans ce premier album. Évidemment pas le
feeling d’un bluesman, puisque j’étais loin d’être malheureux! Il y avait une énorme
confusion dans l’esprit des gens entre les genres, la technique et les sentiments.
Je prenais d’ailleurs le contre-pied de ce genre de critiques lorsque sur scène j’annonçais : "et
maintenant voici un vieux blues traditionnel.., que j’ai composé l’année dernière... Je tiens à
signaler que c’est un morceau que je joue avec beaucoup de feeling... Car souvent les gens ne
s’en aperçoivent pas... (rires et grincements de dents)... Vous reconnaîtrez les passages
bourrés de feeling lorsque je fermerai les yeux et qu’une intense souffrance se lira sur mon
visage..." Et j’entamais mon "Swingy Blues", plein de gaîté. Parce que mon feeling à moi
c’est la gaité, pas la tristesse.
Mon premier disque avait été fait dans un esprit un peu pédagogique. Pour que les gens
puissent apprendre, il ne fallait pas partir dans toutes les directions. Ils auraient trouvé cela
trop difficile. A la limite, j’ai suscité la critique. Je me suis exposé volontairement à ce: "c’est
toujours la même chose". Mais en fin de compte c’était une remarque réconfortante. On se
disait qu’on allait pouvoir travailler et y arriver. C’est ce qui s’est passé. Tous ceux qui ont
appris les morceaux ont pris conscience de pouvoir faire quelque chose qui, avant, leur
semblait impossible.
A partir de là, tout le monde était prêt à recevoir le deuxième disque, plus diversifié. On m’a
aussi accusé de frimer sur scène. Mais la scène c’est un peu fait pour ça. C’est le monde du
spectacle. On vient voir un jongleur faire des trucs que l’on ne sait pas faire. C’est la magie
d’un monde qui paraît inaccessible".
Marcel Dadi les dernières confidences (Guitar Planet n°12 octobre/novembre 1996)
...suite :
Racontez-nous votre première rencontre avec Chet Atkins...
C’était le 24 novembre 1973, je m’en souviens toujours avec émotion. Cher Atkins, lui même,
s’était déplacé spécialement pour venir me voir moi, le petit Marcel à Paris.
Chet Atkins était pour moi plus qu’une influence: C’était un modèle, une divinité, un
personnage mythique vivant au paradis de Nashville dont j’avais fais la capitale de mes rêves.
J’ai pratiquement tous ses disques et c’est en les écoutant que j’ai développé mon propre
style, en déchiffrant d’oreille les secrets les plus complexes de la technique de mon maître.
C’est vrai que je parle toujours de lui, a tout le monde et à tout heure. Certains me reprochent
même de lui faire trop de publicité et disent que cela pourrait finir par me faire du tort.
D’après eux, il arrivera un moment où les gens choisiront entre ses disques et les miens. Je ne
le crois pas, et de toute façon, je ne regretterais rien, car ce ne serait que justice.
Alors imaginez la scène lorsqu’un samedi soir je suis rentré chez moi et qu’on m a dit:
"quelqu’un a téléphoné pour toi...
Quelqu’un qui t’est très cher." Par précaution on m’a fait asseoir et par jeu on m’a fait
énumérer tous les noms auxquels je pensais. Mais j’étais à cent lieues d’imaginer ce qui allait
m’arriver. J’avais subit tellement de railleries de la part de ma famille au sujet de Chet, que
j’ai simplement haussé les épaules en disant : "celle là, on ne me la fait plus."
Pourtant, lorsqu’on m’a tendu un papier où était inscrit le numéro de téléphone de l’hôtel où
était descendu Chet, le doute m’a soudain envahi. Dès que j’ai réussi a maîtriser mon
émotion, j’ai sauté sur l’appareil et composé le numéro du Plazza Athénée, l’hôtel où était
descendu Chet. Lorsqu’on m’a passé la chambre du maître, mes oreilles se sont mises à
bourdonner. Tout à coup j’ai entendu la voix que j’avais entendue mille fois sur les disques
"Live" de Atkins: "Hello Marcel, this is Chet". J’ai cru défaillir. Chet Atkins venait d’achever
avec différents artistes américains une tournée en Europe qui l’avait amené à jouer à Londres
et dans les capitales scandinaves, (mais bien sûr pas à Paris...)
Un ami de New York, l’éditeur Stanley Mills, lui avait apporté lors de l’une de ses visites
régulières à Nashville, le premier album de ce drôle de français qui jouait de la guitare comme
lui, et pour qui ce style, pourtant complexe et purement américain, ne semblait pas avoir de
secrets. Chet avait été impressionné et s’était promis de ne pas oublier le nom du "frenchie"
qui lui avait dédié "Song for Chet" sur ce premier album. Il s’en était souvenu.., et avait
décidé de profiter de son voyage en Europe pour faire un bref séjour à Paris avant de rentrer
chez lui.
Il avait embarqué dans l’aventure Albert Coleman, son chef d’orchestre qui parlait français, et
George, son inséparable road-manager. Un coup d’œil rapide dans le bottin pour y trouver le
numéro de téléphone de Marcel et voilà... Rendez-vous était pris pour le soir même. Ce fut
LA rencontre historique. On arrosa ça au whisky bien sur. Avec l’innocence de la jeunesse, et
n’ayant jamais bu une goutte de whisky de ma vie, j’ai servis à Chet et Albert un verre plein à
raz bord ... "Ce sont des américains, avais-je pensé, ils doivent boire çà comme du petit lait".
.."Je ne vous décris pas les regards effarés de tous ceux qui étaient présents
Après quelques minutes nous nous sommes retrouvés chacun avec une guitare dans les mains.
Atkins ne s’attendait certainement pas à ma connaissance de son répertoire. Mais ce qui le
surprit le plus, ce fût le grand nombre de mes compositions personnelles. La première
entrevue se transforma en une sorte d’examen proposé par Albert Coleman.
Je m’y soumettai avec un plaisir à peine dissimulé.. Etait-ce la Providence ou plus simplement
une communion inattendue jusqu’au niveau de nos goûts, mais tous les titres que Chet me
demanda de jouer étaient parmi ceux que je préférais et que j’avais donc travaillés avec
acharnement... Après un certain nombre de demandes, c’est encore Albert Coleman qui
proposa un ultime test avec" Le" morceau de choix "When you wish upon a star".
Albert semblait vraiment connaître son affaire car ce titre était certainement l’un des plus
originaux et des plus difficiles du répertoire de Chet. Peu de gens à cette époque pouvaient
prétendre en avoir compris le système. Je m’en acquittai apparemment correctement et l’on
décida d’abandonner les guitares pour achever la soirée au "Bilboquet", célèbre club de jazz
parisien.
Chet lui demanda si l’on pouvait se revoir le lendemain à son hôtel. Je m’y suis rendu flanqué
de deux amis, Patrick et Anthony Vrolant... "Deux témoins " dis-je à Chet en affichant un
large sourire... "Au cas où personne n’aurait voulu me croire!" Comme par hasard, Anthony
était photographe professionnel...
Avant le départ de Chet, nous avons échangé nos adresses et de nombreux projets ont été
établis. Je lui ai proposé de venir jouer à Paris; ce dernier m’a répondu que ses ventes en
France rendaient cela inconcevable...
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Webmaster le Mer 31 Aoû - 19:14
C’est en 1974 que vous avez fait votre premier Olympia...
Après une longue tournée provinciale qui s’achevait lors d’un Hootenanny "géant" organisé
par Lionel Rocheman le 22 Avril 1974 à l’Olympia, je suis passé en vedette. Bruno
Coquatrix, m’a prédit ce jour là une grande carrière. Il m’attendait à la sortie de la scène,
derrière le rideau, pour me féliciter: "Vous pouvez me faire confiance car je me trompe
rarement Depuis la disparition de Bruno Coquatrix, j’ai toujours gardé d’excellentes relations
avec sa famille.
A cette époque, j’avais beaucoup d’admirateurs mais aussi beaucoup de détracteurs qui bien
souvent ont fait partie de la première catégorie. La popularité est une chose difficile à
supporter et l’un de mes objectifs était justement de l’assumer pleinement, avec ses outrances
inévitables, mais sans humilité hypocrite.
Ce qui manque le plus à mes détracteurs, c’est le sens de l’humour. Ils prennent ce que je dit
sur scène au premier degré, ce qui est évidemment la chose à ne pas faire. Mon succès semble
les gêner car je n’appartiens à aucune des catégories du système obtus dans lequel ils
aimeraient entraver tour ce qui est guitare.
Que dire de " La Guitare à Dadi n°3 " et de la tournée anglaise qui l’a suivie ?
Malgré certaines critiques, mon troisième album en Novembre 74 fut alors le meilleur album
de guitare sur le marché. Cela m’a ouvert les portes du marché Anglais.
Parallèlement, est sortit à la même époque la "Méthode de Guitare à Dadi" aux Editions
Chappell; un recueil qui s’est vendu aujourd’hui a plus de deux cent milles exemplaires. Dès
la sortie de ce troisième disque en Angleterre, le succès, à ma grande surprise, fut au rendezvous.
Stephan Grossman m’a invité alors à participer à une tournée britannique pendant tout le mois
de Mars 1975. Au début de la tournée, lors d’une interview avec Karl Dallas du Melody
Maker, le guitariste Stephan Grossman a déclaré : "Je dois mes apparitions et la sortie de mes
disques en France aux efforts de Marcel Dadi. Grâce à son action pour faire connaître mon
nom et d’autres comme Chet et Doc Watson, nous avons tous pu nous produire sur les scènes
françaises. Un soir, je devais jouer au Centre Américain à Paris. Marcel passait avant moi en
première partie et je ne le savais pas. Quand je l’ai entendu jouer sur scène, j’ai pensé :
l’organisateur doit être fou pour faire jouer un type pareil en première partie de mon spectacle
! " Après la soirée nous nous sommes présentés l’un à l’autre ; j’étais très heureux de l’avoir
enfin rencontré et nous sommes devenus de grands amis."
Peut-on dire que l’Olympia de 1975 fut un tournant dans votre carrière ?
Si l’on considère ce qui s’est passé jusque 1974, je crois pouvoir dire que je n’étais connu que
d’une certaine frange du public. Ni la télévision, ni la radio ne passaient mes titres, à tel point
que le France-Soir du 2 avril 1975 qui annonçait mon spectacle titrait le Guitariste Marcel
DADI, inconnu en France, est déjà célèbre en Angleterre"... Piqués au vif, quelques
représentants de la presse allaient se déplacer pour m’écouter.
Ce spectacle allait être une véritable surprise pour tout le monde. Il faut avouer que l’on avait
préparé le coup. J’ai joué du Country Rock pur et dur, puis avec l’ensemble à cordes de Cyril
Dieterich, avec le groupe Il était une fois " et en duo avec Joèlle nous avons chanté For no one
" des Beatles.
Il y a eu aussi quelques morceaux de bravoure avec les duo exécutés avec Stephan
(Grossman), Garry Peterson, Bill Keith et le Bluegrass Long Distance. La salle archi-comble
a surpris tous les spécialistes qui pensaient ne voir qu’un homme seul devant un public
restreint.
D’ailleurs, l’enregistrement des meilleurs moments du spectacle est sorti quelques temps plus
tard sous le titre " Dadi & Friends Country Show".
A quand remonte votre premier contact sur le sol américain ?
Au mois de Juin 1975, à l’occasion du NAMM Show de Chicago, salon annuel de la musique.
J’y ai rencontré Irving Kratka, directeur de la compagnie discographique américaine Music
Minus One". Je lui ai fait écouter mes quatre premiers albums. Il a été emballé et a signé tout
de suite un contrat de distribution pour les États Unis et le Canada.
Seuls mes six premiers disques sont sortis aux U.S.A., sur le label Guitar World, créé
spécialement pour recevoir mes albums. Après plusieurs années de silence et autres
temporisations de la part du sieur Irving Kratka, EMI France, ma maison de disques, ne
voyant venir aucune royalties, a décidé de mettre juridiquement fin au contrat qui les liait.
Bien que je n’ai moi-même retiré aucun bénéfice pécunier de cet épisode, j’ai longtemps
regretté que mes disques aient été purement et simplement retirés du marché américain. Leur
simple présence chez les disquaires représentait pour moi un facteur non négligeable de
promotion.
Après Chicago, je suis allé rendre une petite visite à Chet Atkins et aux musiciens rencontrés
à Paris : Charlie McCoy, Buddy Spicher et les autres. J’ai alors décidé de revenir à Nashville
au mois d’Octobre pour y enregistrer mes deux prochains albums. Mon vieux rêve allait enfin
se réaliser.
C’est à cette époque que la revue Melody Maker vous consacre parmi les huit meilleurs
guitaristes acoustiques du monde.
Oui… … …
C’est tout l’effet que cela vous fait ?
Non… … …
Bon, alors parlons un peu de Nashville si vous le voulez bien ?
La première partie de mes enregistrements Nashvilliens est sortie en Mars 1976 sous le titre "
Dadi’s Picking Lights Up Nashville".
Ce disque est un de mes préférés! C’est une véritable session à l’ancienne, un hommage aux
sources de la musique Country (la pure )... Mais malgré l’influence américaine, ma musique
reste typiquement française.
Par ailleurs, j’ai essayé de laisser s’exprimer les qualités des side men, et malgré les mises en
garde de certains pros je ne le regrette pas. C’est peut-être parce que j’y entends d’autres
artistes que j’aime bien.
Le deuxième volume de "Nashville" a été commercialisé en Octobre 1976. On a dit alors que
j’étais une véritable institution en France, que chacun de mes disques était attendu
impatiemment par des dizaines de milliers de fans comme une manne providentielle et qu’ils
se vendaient à une vitesse éclair. On a même conseillé vivement l’écoute de mes disques à
ceux qui le matin avaient les idées moroses. De quoi faire perdre la tête.
Même si je trouve cela flatteur, je trouve dangereux ce genre de propos. Que cela soit dans la
critique ou bien dans l’éloge, il me semble important de garder une certaine réserve car les
artistes sont fragiles. S’ils n’ont pas un entourage sain comme j’ai eu la chance d’en avoir un,
il y a de quoi faire fondre les fusibles.
Mais il faut avouer que cela peut aussi servir. Mon succès international ne cessait de
s’accroître et une tournée de trois semaines en Allemagne a entraîné la sortie de trois de mes
disques dans ce pays. Comme cette réputation me précédait, ce fut chaque soir devant des
salles combles que les concerts eurent lieu.
En décembre 1977, c’est un Olympia spécial que vous réalisez...
Spécial c’est peu dire. J’avais décidé de faire mieux connaître Chet Atkins au public français.
En général, Chet n’acceptait que très rarement de jouer avec d’autres artistes. Comme j’étais à
peu près sûr de remplir l’Olympia plusieurs soirs de suite à cette époque, uniquement sur mon
nom, j’avais décidé de réaliser ce vieux rêve de placer mon maître tout en haut d’une affiche
française.
Bien que conscient de la considération que Chet voulait bien me porter, je n’en menais pas
large, et seuls les spectateurs avisés ont réalisé que pour moi la vedette du spectacle était
Chet.
Les trois spectacles furent enregistrés et quelques jours plus tard Chet fut le témoin de mon
mariage avec Jerry Barberine (le président de la firme d’Angelico).
Ce mois de Décembre fut inoubliable à bien des égards.
Cela nous amène en 1978, quoi de particulier ?
"Dadi & Friends vol. 2 , sous une pochette richement illustrée par Patrick Alexandre. Le texte
est dédicace de Chet.
L’automne 78 voit la sortie de la Méthode à Dadi "en disque double album et mon ami Guv
Béart m’invite à participer à son Olympia en Octobre. Les vacances en quelque sorte.
1979 est un grand millésime pour vous ?
Je vois ce que tu veux dire. En effet, début 79, avec la sortie de " Dadi Cool ", mes amis
Albert Raisner et Herbert Pagani m’ont remis au nom de la compagnie EMI France, une "
Guitare d’Or " venant couronner la vente de mon premier million d’albums en à peine six ans.
Je n’avais pas encore pris conscience du temps que j’avais consacré à la guitare et de l’œuvre
que cet instrument m’avait inspiré. Le plus difficile pour moi était d’évaluer la quantité réelle
de mon public et surtout sa qualité. Je me demandais combien de gamins de banlieue et
d’ailleurs ressemblaient à cet enfant qui rirait une langue de quinze pieds devant Bernard
Photzer du temps des Chemises rouges au milieu des années 60’.
C’est d’ailleurs un peu le thème évoqué par le regretté Herbert qui avait signé le très joli conte
au dos de la pochette dessinée par Cabanes.
Il y a eu aussi l’inauguration du Palais des glaces...
Oui, en novembre 79. J’avais fait la connaissance de Georges Arvanitas en Février 1973, aux
Ménuires, célèbre station de sports d’hiver alpine où nous avions été invités par la pianiste
Yvette Piveteau dans le cadre de l’animation de la station. Nous y donnions chacun un
concert. Nous avions tout de suite sympathisé et je me souviens avoir organisé la promotion
de la représentation de son trio en concoctant un tract où j’avais moi-même dessiné un portrait
de Georges. Ces tracts avaient ensuite étaient distribués dans la galerie marchande aux heures
d’affluence, tout en plaçant " aussi des tickets pour le concert aux gens abordés. Le tout dans
une ambiance très bon enfant.
Bernard Becker, le futur organisateur du Salon de la Musique de Paris, était mon complice
pour cette opération, et mine de rien, nous avons réussi à motiver les sportifs du coin et à faire
salle comble le soir du spectacle. Pour me remercier, Georges avait la gentillesse de me dédier
"Jordu ", un classique du Jazz. C’est aux Ménuires que nous avons fait le projet de jouer un
jour ensemble. Il aura fallu plus de six ans pour le voir se réaliser.
La première du Palais des Glaces a eu lieu devant un parterre de professionnels avertis invités
pour l’occasion par Gilles Paquet, l’attaché de presse le plus couru du métier, mais aussi en
présence d’artistes célèbres comme Enrico Macias, Gérard Lenormand, Jean-Jacques Debout
et Chantai Goya etc.
Le spectacle a-t-il fait l’objet d’un enregistrement ?
Malgré certaines déclarations en ce sens, le spectacle du Palais des Glaces n’a pas été
enregistré, certainement dans l’idée de ne le faire qu’après la tournée en province.
Finalement, nous avons profité d’une séance à Nashville pour le disque "Mélodies ", pour
enregistrer dans la foulée un second disque d’inspiration Jazz incluant les titres du show avec
Georges Arvaniras. Au début, j’ai voulu appeler cet album Progressive Picking ", du nom de
celui de Chet Atkins dont je me suis largement inspiré, ceci afin de montrer que je ne
cherchais pas à vampiriser l’œuvre de mon maître, mais plutôt à la faire mieux connaître.
Deux titres enregistrés à Paris avec un Big Band ne figuraient pas sur le disque In The Mood "
et un medley de Trambone " et de " Salry Dog Rag. Après une âpre discussion avec la maison
de disques, il m’avait été imposé de changer de titre au profit de "New Style", soi-disant pour
imposer une nouvelle image de moi, plus " médiatique.
Mon plus grand problème a toujours été la pénétration en télévision. Bien sûr, mes amitiés
m’ont valu d’être invité dans quelques uns des plus grands shows télévisés - Chancel avec
Enrico Macias, Drucker avec Guy Béart, Les Carpentier grâce au réalisateur André Frédéric mais rien de vraiment suivi qui puisse contribuer véritablement au développement de ma
carriere.
Justement parlons un peu de vos rapports silencieux avec les médias alors que vous avez
également fait un Olympia avec Patrick Sébastien pourtant fort en vue dans le milieu TV...
Curieux la communication.. On parle souvent de gens qui vendent peu et vident les salles de
spectacles ( pas forcément en bien tour de même ). En revanche, il y a des zèbres qui font les
beaux jours des disquaires et jouent à guichets fermés et dont on ne sait rien ou presque. Je
crois appartenir à cette seconde catégorie. Et pourtant..., a cette époque, je suis un guitariste
qui vend ses 125000 disques de moyenne par référence, soit un peu plus d’un million
d’exemplaires vendus en huit albums; un artiste qui fait salle comble à l’Olympia aussi bien
que dans les meilleures salles de province ( au Sébastopol de Lille, Salle Poirel à Nancy, à la
Bourse du Travail de Lyon...), qui est classé parmi les huit meilleurs guitaristes acoustiques
mondiaux, qui est fêté même aux USA. On pourrait penser bizarre ce demi-silence des
organes de diffusion et de communication. . .et quelles en sont les raisons Cela tient peut-être
au fait que j’ai toujours tenu à rester discret, à ne pas fréquenter les endroits à la mode, à ce
qu’on ne connaisse de femme que la mienne. A ce qu’on sache que je ne militais dans aucun
parti, ne partais pas en guerre contre les chasseurs d’oursins ou de tortues géantes, ne me
faisais pas l’apôtre des paradis artificiels ou de l’amour collectif, ne possédais ni chat, ni chien
. . .Bref, ne marchais pas dans le coup des Must, ces nouveaux tabous inventés au nom de la
libération tous azimuts.
Engagé à part entière du monde de la musique, j’étais le type même de " l’oublié ". Sans un
N01 des Carpentier consacré à la guitare, ni Top à Marcel Dadi ou quelque chose de ce genre
(il est vrai aussi que je ne faisais pas trop d’appel du pied pour me vendre "). Alors comment
se fait-il qu’il y air eu autant de fans dans les salles ? Élémentaire mon cher Watson ! C’est le
public qui a décidé. Mais il est certain que les médias autres que la presse spécialisée
m’auraient aidé bougrement s’ils avaient voulu s’intéresser au public du Country Rock.
C’est un appel ou une récrimination ?
Je t’ai déjà dit que je ne connaissais pas la rancune, quant à un appel, si un producteur TV le
prend comme tel, je ne lui en tiendrai pas rigueur et suis prêt à le satisfaire... Un peu comme
Hugues Aufray si tu vois ce que je veux dire...
Dadi et Ovation, deux noms indissociables. Depuis le début de l’année 73, c’est une fidèle
complicité qui lie le guitariste et sa guitare. Pour les français, Ovation c’est Dadi. Sa carrière a
en effet agi comme un véritable détonateur sur la promotion de ces guitares révolutionnaires.
Que pensez-vous de ce jugement ?
Ma rencontre avec la première Ovation s’est faite dans un magasin de musique de Pigalle,
quartier bien connu des musiciens pour sa concentration importante de magasins de musique.
Il m’arrivait souvent d’aller y faire du lèche-vitrines comme à l’époque où j’avais acheté ma
première Martin. Je m’y étais fait quelques amis et parmi eux, Gérard Turban, vendeur à «La
Maison du Jazz », rue Victor Massé.
Gérard me laissait essayer toutes les guitares que je désirais et il aimait bien entendre mon
avis à leur sujet. Ce jour là j’essayais un e "magnifique" Gretsch Countrv Gentleman à deux
échancrures... la guitare de Chet. Personnellement, je n’ai jamais vraiment craqué pour
Gretsch, même si par admiration pour Chet, j’ai plusieurs fois essayé de me convaincre que je
pouvais jouer dessus. Je trouvais la finition exécrable, les bois de qualité douteuse; Bref,
j’étais plutôt admirateur de Gibson et cela sans doute en grande partie grâce à mon admiration
pour Merle Travis.
J’étais à la recherche d’une guitare qui puisse réellement satisfaire mes attentes au niveau du
son, du manche, de l’esthétique. Depuis plusieurs mois, j’avais vendu ma D18, préférant ne
plus avoir de guitare que de me forcer à jouer sur un instrument devenu totalement
inadéquat..." J’aimerais que tu essayes une guitare étonnante que je viens de recevoir " m’a
proposé Gérard en me tendant un instrument dont la caisse était une coque arrondie en fibre
de verre. Ce fut le coup de foudre ! Je renais entre les mains une Ovation Balladeer
acoustique, instrument d’une puissance surprenante avec un manche très agréable bien que
malheureusement un peu trop étroit pour moi.
Dommage ... pensai-je tout haut. "Je peux te faire rencontrer le distributeur français, il a
beaucoup de problèmes pour vendre ses guitares. Tu sais, avec les folkeux. Ce n est pas
évident de placer une guitare en " plastique ". Il cherche un guitariste connu pour en faire la
promotion. Je suis certain que tu pourrais arriver à un " deal intéressant si tu y prêtais ton
nom.
Devant mon intérêt pour sa suggestion, il décrocha le téléphone et appela monsieur Martinet
qui rappliqua aussi sec, accompagné de son représentant, Denis Bouvier. L’accord fut
immédiat, d’autant plus que je découvris que la gamme était étoffée d’un modèle à cordes
acier avec manche large et seulement douze cases hors caisse, mais tant pis! ) et d’un autre à
cordes nylon et manche quatorze cases. Toutes deux étaient équipées de l’aujourd’hui célèbre
micro piezo Ovation. C’était Byzance!
C’est d’ailleurs le modèle Adamas dédicacé par Chet qui sera l’objet personnel que je
déposerai dans quelques jours dans le Muséum du Country Hall 0f Fame de Nashville. Pour
différentes raisons, dont l’évolution de mon style, j’ai choisi maintenant de jouer sur les
guitares Taylor qui sont elles-même de petits bijoux de lutherie.
Dans "New Style", vous soumettez à un lifting vivifiant dix standards impérissables. Cet
album, on ne l’écoute pas, on le déguste. Ainsi donc le virtuose cachait l’orchestrateur, le don
dissimulait l’intelligence. Vous vouliez changer votre fusil d’épaule ?
Je ne veux pas que l’on me prenne au piège du jeu des étiquettes. Je ne joue pas du Jazz, j’en
interprète quelques grands thèmes en Picking. Je ne suis pas un Jazzman et encore moins un
improvisateur.
Mes amis de Nashville avec qui j’ai enregistré ce disque font cela beaucoup mieux que moi et
c’est pour cela que j’ai fait appel à eux. Ce qu’il est important de savoir, c’est que lorsque je
joue ces arrangements seul, ils n’affichent plus cette tendance Jazz suggérée par les
orchestrations.
Le principe du Picking a toujours été d’harmoniser mélodie, basses et accompagnement sur
un seul et même instrument; à partir de là, tout est adaptable en Picking! Je reste attaché aux
mélodies fortes et dès que le Jazz devient un peu trop intellectuel, avec des improvisations
pleines de méandres, je décroche.. Comme beaucoup de gens d’ailleurs.
Et puis je n’ai pas envie de faire partie d’une élite qui produirait pour un public qui recevrait
sans comprendre. Mon évolution se veut lente, mais elle est accompagnée et suivie par les
guitaristes qui ont débuté avec mes méthodes et avancé avec mes disques. Pourquoi ne pas
permettre aux Pickers de se faire plaisir avec de beaux thèmes, fussent-ils de Jazz.
Parmi les grands Jazzmen, j’adore Joe Pass. Il est l’un des rares à respecter toute la grille
harmonique du thème pour improviser. Ses improvisations restent toujours très mélodiques et
on peut même les chanter. C’est cet esprit que j’ai essayé d’insuffler aux musiciens qui ont
collaboré à mes enregistrements, en leur interdisant toute simplification harmonique. Cela
demande évidemment plus d’effort, mais le jeu en vaut la chandelle.
Je les sais capables de prodiges et mon rôle est de les emmener aux confins de leurs
possibilités, pour qu’ils se subliment et que nous dépassions ces limites. C’est aussi un jeu
dangereux car très épuisant nerveusement. Le tout est de ne jamais atteindre le point de
rupture".
Quels furent ensuite les moments forts de votre carrière ?
Tout d’abord la mise au point de la règle à Dadi. Ce fut plus compliqué que le résultat n’y
paraît tant l’utilisation en est simple.
Ensuite j’ai fait un Olympia (un de plus) avec Pierre Bachelet, le Carrefour Mondial de la
Guitare de la Martinique et le Festival de Cannes en 1990.
Parallèlement, je me suis consacré à la vente d’instruments en ouvrant un magasin à Pigalle.
J’ai créé puis animé avec de nombreux amis bénévoles les associations Atkins/Dadi à travers
le monde, créé également les rendez-vous de la guitare à Issoudun et signé chez EPM avec
François Dacla pour deux compilations nommées "Guirar Legend".
C’est là que l’on arrive au monument du "Nashville Guitar Trilogy"...
Grâce à François Dacla, j’ai pu réunir un ensemble de musiciens prestigieux. Le but était de
tirer le meilleur de chacun d’entre nous en dehors de notre routine quotidienne. Pari ambitieux
et quelque peu prétentieux diront nous. Mais un pari tout de même que chacun s’est attaché à
relever. J’ai assisté à des séances révélant le fond véritable de notre jeu. Qui peut rester
insensible devant le punch vigoureux d’Albert Lee, les riffs aériens de Steve Morse, la
souplesse des pleins et des déliés de Bucky Barrett ou encore les traits volubiles d’un Larry
Coryell. On se délecte avec les superbes lignes mélodiques qui servent d’écrin au jeu
extraordinaire du grand Chet Atkins et à la richesse sonore de sa guitare à résonateur "Del
Vecchio".
Par ailleurs nous avons eu la chance d’avoir des instrumentistes qui sont LA référence dans
leur domaine. Du côté des américains: Buddy Emmons à la Pedal Steel Guitar, Bela Fleck au
banjo, Buddy Spicher au fiddle, Craig Nelson à la basse, Kennet Buttrev aux drums (c’est
l’ex-batteur d’Elvis Presley), Bob Patin au piano et, last but not least, Charlie McCoy ... à
l’harmonica.
Les français ne sont malgré tout pas en reste avec le génial Slim Pezin, arrangeur et directeur
artistique de ces sessions, Marcel Azzola roi de l’accordéon-feeling (écoutez ses chorus et
vous comprendrez!), Jean Paul Batailley aux percussions subtiles et Raoul Duflot-Verez aux
synthés.
Si les deux premiers volets de cette trilogie, "Nashville Rendez-vous" et "Fingers Crossing"
nous ont permis de nous installer dans un climat d’ambiances plus sophistiquées, car "Country
Guitar Flavors" est à la fois serein et plus intimiste, adoptant presque le ton de la confidence.
Pourtant, la musique est bien la même, les quelques trente titres de ces trois CDs ayant tous
été enregistrés en à peine une semaine au studio SyncroSound, à Nashville.
Au total, c’est un répertoire créatif (on ne compte que cinq reprises), véritable vivier de
sonorités que nous avons essayé d’explorer avec un dosage approprié de chaque instrument, le
tout admirablement servi par une excellente prise de son.
Bref ce furent pour moi des journées d’un bonheur intensif et qui marqueront à jamais ma vie.
Mais il n’est pas dit que l’on ne recommencera pas.
Nous avons parlé du présent, longuement, et pour cause de votre passé. Quels sont vos projets
immédiats ?
Tout d’abord continuer d’importer des instruments de qualité indiscutable, comme les Taylor,
Lowden, Lakewood et Heritage. J’aimerais aussi trouver un fabriquant industriel d’excellents
amplis acoustiques.
Depuis un an, je me suis créé un petit staff pour entreprendre un certain nombre de projets.
Nous avons passé des heures à bâtir ce que l’un d’eux appelle technocratiquement " un
nouveau plan de carrière
Nous avons monté des projets d’émissions télévisées consacrées à la guitare sous toutes ses
formes (afin de combler mes lacunes en la matière). Nous projetons également la création de
La Méthode à Dadi sur CD-ROM.
Mon équipe négocie actuellement un nouveau contrat avec une grosse maison de disques afin
de réaliser ce qu’elle souhaite à mon grand désarroi, à savoir chanter sur de nouvelles
mélodies. Comme je ne suis que compositeur, nous cherchons un ou des auteurs pour cette
entreprise nouvelle pour moi.
Dés mon retour de Nashville, nous devons signer ce fameux contrat. Mais je ne veux plus en
parler car dans le showbizz la superstition est de rigueur. Comme dit le proverbe : « qui vivra
verra »…
François Magne
Guitar Planet N°12 octobre-novembre 1996
Il y a deux raison assez simples du manque de connaissance de la musique de Marcel et qui
lui ont causé pas mal de torts.
La première réside dans le mode de distribution des disques. Au début des années 80 ils
n'étaient disponibles que par correspondance (sauf les premiers opus).
La seconde tient au mode d'exploitation des éditions musicales qui ont beaucoup ciblé la
musique d'ambiance et celle dite "d'ascenseur". Ce marché lui a rapporté un revenu
satisfaisant mais n'a pas développé l'oreille du grand public, et les amateurs du picking
restaient finalement assez peu nombreux.
Marcel était fort conscient des problèmes de popularité qui en découlaient. Mais son aura et sa
notoriété dans l'aspect pédagogique de son œuvre lui convenaient ainsi.
Juste avant sa disparition, il envisageait tout de même un virage de taille. Nous discutions
souvent de l'opportunité de mettre des paroles sur sa musique et qu'il chante lui-même. Il en
était terrifié
Toutefois quelques artistes auteurs ont été contactés. Pour ceux qui étaient disponibles sur le
projet beaucoup étaient amusés mais peu se sentaient capable de mettre des mots sur les
mélodies.
Dick Annegarn a répondu spontanément : "Oui, pourquoi pas ? Ce serait un sacré challenge et
en plus il y a de quoi s'amuser". Quand on connait le personnage, il savait de quoi il parlai
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