Onc `Picsou

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Onc `Picsou
Onc 'Picsou
Le canard aux œufs d’or: aucun autre héros de fiction n’est aussi riche que Balthazar Picsou.
En avril 2011, le magazine « Forbès » dévoilait le nom du « héros de fiction le plus riche au monde »: un
certain Balthazar Picsou. Fils de Fergus McPicsou et Edith O’Drake, né à Glasgow en 1867 et mort en 1967 à
Donaldville ( Etat imaginaire de Calisota), Picsou , s’il vivait encore ,serait aujourd’hui à la tête d’un pactole
de 44 milliards de dollars. Pour évaluer au plus juste la fortune du vieux canard grincheux-passé à la
postérité par la grâce de Carl Barks et Don Rosa ,ses créateurs -,les auteurs de cet article ont soigneusement
étudié les indications économiques distillées dans ses aventures, tenant compte du prix de l’or, des
fluctuations du brut, du cours de la Bourse et de la conjoncture mondiale. A force de privations et de travail,
l’enfant pauvre des rues écossaises s’est propulsé à une poignée de billets verts de Bill Gates ou Warren
Buffett. Un véritable conte de blé…
De la fortune de Picsou, des générations d’enfants n’ont souvent retenu que le coffre-fort. Un bâtiment
carré de 43 mètres de hauteur et 40 mètres de côté, construit sur la colline Killmotor,qui surplombe la ville.
De cette représentation bétonnée ,arrogante et assumée de la richesse, on ne voit souvent que la piscine
intérieure ,située au 10è étage du bâtiment. L’eau a été remplacée par des liquidités, 300 m2 de pièces d’or,
de billets et de lingots dans lesquels le personnage se jette avec délectation. Mais cette évocation de la
fortune de Picsou, toute spectaculaire qu’elle soit, ne correspond pas à sa puissance réelle. Son argent est
partout ailleurs. Il l’explique depuis soixante-deux ans à ses jeunes lecteurs: ce coffre-fort n’est qu’une boîte
à souvenirs. » Chaque pièce me rappelle quelque chose »,dit-il à ses rares visiteurs. Car c’est d’une pièce de
monnaie qu’est né son empire.
Balthazar a 10 ans lorsque son père lui bricole une boîte de cireur de chaussures. Sa famille est misérable,
chacun doit gagner sa vie. Le caneton se retrouve donc assis sur le trottoir, lustrant sans états d’âme de
riches souliers. Un jour, son père lui tend un piège. Il demande à un comparse de payer le petit cireur avec
une fausse pièce. C’est un dime de 1875- 0.10 dollar- ,un sou américain sans valeur en Ecosse. 3 En affaire,
ne fais jamais confiance à personne! » lui assène Fergus McPicsou en guise de morale paternelle. Message
reçu.
Picsou n’aura que Balthazar comme exemple, comme associé, comme ami et comme frère. A 12 ans ,au
milieu d’autres immigrants, il vogue vers l’Amérique. Embarqué dans l’un des chariots de la ruée vers l’or, il
croise Buffalo Bill, Geronimo et s’installe au Klondike pour creuser la terre qu’il va tamiser. Pistolet à la
ceinture, poils de castor sur la tête, il travaille dur,grapille quelques sous et vit de peu.
A l’inverse d’Archibald Gripsou ou Crésus Flairsou- tricheurs, voleurs et dépensiers compulsifs devenus ses
pires ennemis-, Balthazar Picsou ne jouit pas de sa richesse naissante. Pas plus qu’il ne profitera de son
immense fortune tout au long de sa vie. » Hostile à la sentimentalité du luxe »,comme le relèvent
doctement certains chercheurs, Picsou est souvent assimilé à un calviniste, pour qui « l’accumulation de
richesses par le travail honnête constitue une preuve indirecte de la grâce divine ». Pour d’autres ,son sens
de l’épargne confine à l’idéal « randien » de l’entrepreneur. Référence émue à Ayn Rand (1905-1982),
philosophe d’origine russe et théoricienne d’un capitalisme individualiste forcené issu de l’égoïsme radical.
Car voilà: Picsou est égoïste .Terriblement , monstrueusement. C’est même de cette barbarie qu’il tire sa
force. Revenu cousu d’or du Klondike, il s’installe à Donaldville et achète tout ce qui peut l’être: énergie,
médias, commerces, usines, compagnies de transport, idées, influence. Peu à peu , tout est à lui. Autour du
milliardaire s’active une armée de prolétaires sous-payés, qui jamais ne protestent. Ou alors du bout du bec,
de crainte d’être massacrés. Car Picsou ne laisse rien passer. Même vieux, même soutenu par une canne, il
dort avec un tromblon sous l’oreiller.
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Son coffre de 11 étages est miné, protégé par des canons, des trappes secrètes, une douve
d’acide sulfurique. Et même les frères Rapetou , pires jaloux de sa fortune, ne parviennent
à lui subtiliser ne serait-ce qu’un dollar.
Et que dire de son neveu Donald, fils d’Hortense ,sa sœur chérie? Chômeur à vie, raté
majeur,glandeur formidablement apathique, il est employé par son oncle comme un serf
est exploité par son maître. Son boulot? Astiquer les pièces d’or une à une à la main. Des
millions d’heures de travail non payé. Ou alors d’un verre d’eau de pluie de temps à autre.
Pourquoi donc salarier sa famille? Picsou se soumet lui-même à rude épreuve. Pour faire
des économies, il lit parfois à la bougie et ne met le chauffage que lorsque l’encre gèle dans
son stylo.
« Scrooge McDuck » aux Etats-Unis, » Dagobert Duck » en Allemagne, « Amm Dahab » en
Arabie saoudite, « Skrudj MakDak « en Russie ou « MakuDakku » au Japon, Picsou est
bien souvent le premier exemple de millionnaire que rencontre un enfant. En France, alors
que « Picsou Magazine « fête ses 41 ans , 1.705.000 lecteurs se ruent chaque mois à
l’assaut de son coffre-fort. » Ouste! », »Filez! » ordonnent les mises en garde collées sur
l’immense dépôt, mais rien n’y fait. Et le journal figure à la 3è place des titres de presse les
plus lus par la tranche d’âge des 7-12 ans.
A l’heure des subprimes,des eurobonds et de la crise, Picsou maintient son patrimoine à
flot. S’il exploite son monde sans vergogne, il n’accepte aucune aide publique, aucune
subvention. Huile de coude, coups bas, flair animal, vision d’avenir, morale délabrée et
avarice de légende, certes. Mais assistanat, jamais! Il y a plus important encore que tout ce
qu’il peut acheter, acquérir ou posséder. Plus précieux que les bains d’or , plus rare que les
trésors cachés, telles la Toison d’or ou la pierre philosophale: au 11è étage de son coffre, il
y a son « sou fétiche ». La pièce donnée au petit cireur de souliers. Il l’a gardée dans sa
main, puis dans sa poche. Il a organisé sa vie autour d’elle et construit son coffre pour la
protéger. Mieux , il dort avec ce sou comme s’il s’agissait d’une peluche d’enfance. C’est
« Rosebud », la luge de « Citizen Kane ». Du coup, même Donald a un mal fou à le
détester….