Bénéfice de note au Bac pour les redoublants Un nouveau texte aux

Transcription

Bénéfice de note au Bac pour les redoublants Un nouveau texte aux
Bénéfice de note au Bac pour les redoublants
Un nouveau texte aux conséquences importante en EPS
Réflexion Pédagogique et Interprétation Idéologique
Un nouveau texte officiel sur la préparation aux examens des lycées et à la délivrance du
baccalauréat, modifie cette année le fonctionnement des établissements.
Le texte prévoit les modifications suivantes :
Tout élève ayant échoué à l'examen du baccalauréat, du brevet de technicien, du brevet de technicien
supérieur ou du certificat d'aptitude professionnelle se voit offrir, à la rentrée scolaire qui suit cet
échec, en vue de préparer cet examen, le droit à une nouvelle inscription dans l'établissement dont il
est issu, le cas échéant selon des modalités adaptées au niveau des connaissances et compétences
qu'il a acquises dans les matières d'enseignement correspondant aux épreuves de l'examen.
Jusqu’ici, le redoublement était bien « de droit », mais pas nécessairement dans le même
établissement.
Les candidats au baccalauréat général peuvent conserver, après un échec à l'examen, sur leur
demande et pour chacune des épreuves du premier groupe, dans la limite des cinq sessions suivant la
première session à laquelle ils se sont présentés, le bénéfice des notes égales ou supérieures à 10
qu'ils ont obtenues à ces épreuves. Ils ne subissent alors que les autres épreuves.
Cette disposition existait déjà dans la voie professionnelle, elle est désormais généralisée à
l’ensemble des voies de formation du lycéen.
Le FSU, qui n’est pas opposée à la possibilité de conservation des notes, a soutenu et voté un
amendement, présenté en CSE, qui proposait de combiner la possibilité de conserver ses notes et
l’obligation de suivre tous les cours lors du redoublement. L’élève redoublant aurait alors repassé
toutes les épreuves et l’administration n’aurait conservé que la meilleure des deux notes pour
chaque épreuve, à l’instar des épreuves d’oral de rattrapage du Bac. Cet amendement, voté à la
majorité, n’a pas été repris par le MEN.
L’EPS est une discipline très concernée par ce nouveau texte. En effet, en raison de la moyenne
nationale des notes en EPS et à l’option, bien supérieure à 10 (13,76 au Bac général en 2014),
nombreux sont les élèves redoublants tentés par l’opportunité de garder le bénéfice de leurs notes
pour le Bac. Cette pression est forte dans les établissements accueillants de nombreux redoublants,
généralement ceux les plus en difficultés scolaires et sociales et dans notre discipline (ex, dans un
Lycée ZEP marseillais : 52 élèves demandent le bénéfice de la note d’EPS).
Cette mesure a des conséquences importantes sur l’organisation de notre enseignement
notamment :
-D’un point de vue pédagogique
Ce texte, qui a été adopté en cours d’année scolaire et publié au JO le 27/10/2015, est applicable dès
la session du Bac 2016. Les élèves en ont pris connaissance au moment de leur inscription au Bac. Ce
décret a dérouté nos élèves, désorganisé les classes de terminales en EPS, et troublé la sérénité des
évaluations. Le ministère n’est pas sérieux et respectueux des élèves et enseignants quand il décide
de changer « les règles du jeu », alors que la rentrée a débuté depuis 2 mois ! Il est coutumier du fait
mais on ne peut tolérer cette habitude.
L’application précipitée de ce texte a mis les équipes pédagogiques en difficulté sous la pression
légitime des élèves et des familles qui attendent rapidement des réponses concrètes quant à
l’organisation de la scolarité en Terminale.
Le Ministère laisse aux établissements et aux enseignants la lourde responsabilité d’adapter les
modalités de préparation des élèves. En effet, aucun cadrage n’est spécifié sur le suivi de
l’enseignement des disciplines où l’élève garde le bénéfice de la note, notamment l’obligation
d’assiduité. Cette autonomie, imposée à l’insu des enseignants, risque d’entrainer des écarts de
traitement pédagogique des redoublants en fonction des disciplines et des lycées.
Quelques pistes de réflexions :
En tout état de cause, en raison des DHG votées et des moyens supplémentaires réduits, aucun
dispositif d’heures de soutien pour les élèves en lieu et place des disciplines validées n’a pu être
organisé cette année. Il serait bon de le prévoir dans les DHG de la rentrée prochaine !
Cette mesure nouvelle s’appuie sur le modèle de l’université, où les étudiants valident des Unités de
Valeurs, et ce malgré le constat que bien souvent au bout de plusieurs années, aucun diplôme n’est
validé. Pour nos élèves, une terminale à la carte c’est la certitude de les entrainer dans une impasse,
car avec un emploi du temps en gruyère et/ou une motivation fluctuante, on risque d’augmenter
l’absentéisme y compris dans les disciplines à présenter à nouveau. Il nous semble illusoire, voire très
« naïf » de penser que le temps dégagé par les matières validées sera automatiquement transféré
par nos élèves sur les matières à renforcer pour l’obtention du Bac. Contrairement à l’affichage du
ministère « la lutte contre le décrochage scolaire des redoublants », cette mesure risque au contraire
de le favoriser.
La Terminale ne se résume pas du Bachotage et à ce lien exclusif dans lequel ce texte aimerait nous
enfermer, pour mieux tuer le Bac ? L’enjeu est donc grand de se saisir de cette mesure pour montrer
que l’année de Terminale s’inscrit dans un programme d’enseignement avec des visées
d’acculturation, d’émancipation, de démocratisation et non au seul entrainement du passage
d’épreuves d’examen. En EPS, l’occasion nous est offerte de montrer aux élèves, aux parents, à
l’institution qu’une scolarité de Terminale sans EPS se réduirait à des « études sans corps ». Or
donner du corps aux études est une nécessité pour toutes et tous.
Montrer qu’en individualisant ainsi le traitement de la difficulté scolaire, on ignore volontairement ce
que le collectif peut apporter en terme de formation. Il est très paradoxal, qu’au moment où la
Ministre promeut l’interdisciplinarité au collège, elle offre la possibilité à des élèves de terminale
redoublants d’isoler chaque discipline, perdant ainsi la dimension globale de l’ensemble des
enseignements, et les liens riches qu’ils peuvent établir entre les disciplines.
-D’un point de vue politique :
Sous couvert d’habillage pédagogique, cette mesure est un jalon supplémentaire posé vers la fin du
Bac. Ce Bac à la carte sur plusieurs années constitue une étape. De plus, en EPS avec le nouveau DNB
et l’absence de passage d’une épreuve physique, c’est tout une volonté qui se dévoile et s’applique.
Avec ces nouvelles modalités qui se rapprochent de celles de l’université, le projet du ministère
d’organiser le système éducatif autour de deux blocs : Bac +3 (lycée et université) et Bac-3 (collège et
primaire) commence à prendre corps.
A la rentrée prochaine, le risque est grand de voir apparaitre dans les DHG une augmentation du
nombre d’élèves par classe de Terminale, en prévision de l’accueil de tous les élèves redoublants,
conformément au nouvel arrêté, tout en espérant qu’un certain nombre d’élèves redoublants garde
le bénéfice de notes et donc in fine que le nombre réel d’élèves face au prof soit moindre que
l’effectif total de rentrée de la classe. Le ministère crée ainsi artificiellement une augmentation de la
capacité d’accueil des lycées sans coût supplémentaire. Depuis plusieurs années déjà, les ministres
successifs, appuyé par le dernier rapport de la Cour des comptes, considèrent que le lycée est « sur
doté » et souhaitent réduire les moyens qui lui sont affecté.
Sébastien Molenat