Observance médicamenteuse : médecins, pharmaciens

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Observance médicamenteuse : médecins, pharmaciens
PAYS : France
RUBRIQUE : Grand angle
PAGE(S) : 12-13
DIFFUSION : (40000)
SURFACE : 155 %
PERIODICITE : Hebdomadaire
22 février 2016 - N°87
Observance médicamenteuse :
médecins , pharmaciens ,
un engagement indispensable
Près d un patient chronique sur deux serait inobservant ,
avec des conséquences majeures sur sa santé mais aussi
pour la collectivité . L Académie nationale de pharmacie
vient de publier un rapport assorti de recommandations
pour améliorer la situation en France.
'
difficile à évaluer . Elle est souvent sous-estimée
par le patient et le médecin - le sujet non
observant
évoluant entre culpabilisation et déni
'
généralisé
et le médecin ayant du mal à considérer que
son ordonnance
est pas forcément respectée ,
comme le souligne le rapport de l Académie de
n'
'
pharmacie.
Peu de données concernent la France. Depuis
observance médicamenteuse, qui se définit
comme le degré de concordance entre le
emparés du sujet dans la loi Hôpital, patients , santé
et territoires (Hpst) de 2009 . Onconstate aussi «un
2000 , deux cents publications ont été consacrées à
l observance mais très peu en France. Elles ont été
comportement d une personne et les
intérêt croissant , voire émergent , pour certains
réalisées essentiellement aux États-Unis et au
recommandations
d un professionnel de santé concernant
acteurs du système de soins , comme l industrie
pharmaceutique , qui en fait , parfois, un outil
Canada, et concernent essentiellement les
existe tout d abord, bien entendu, celles sur la santé
marketing
largement diffusé dans les médias», souligne
un rapport de Académie de pharmacie qui vient
d être publié, Observance des traitements
de Chapman et al . montrait une observance de
l ordre de 40%% après un an pour les traitements
antihypertenseurs (Arch Intem Med 2005 ; 65(10)
du patient . Le livre blanc de la Fondation Concorde
« L observance des traitements : un défi aux
médicamenteux
en France , et qui fait plusieurs
recommandations
pour améliorer la situation.
1147-52) . Le chiffre atteint 54%% dans l étude de
Kulkarni et al . incluant aspirine , bêtabloquants , IEC
et statines (Am Heart Journal 2006 ;151[ :185-
1 million le nombre de journées d hospitalisation en
France par an dues à la mauvaise observance et à
L inobservance thérapeutique
est largement sous-estimée
89) . Globalement , un patient chronique sur deux
serait inobservant. L étude du Crip et d IMS Health
8000 le nombre de décès. Ses conséquences sur
L incidence de l inobservance thérapeutique reste
'
'
le respect de la prescription des traitements
médicaux
, constitue un véritable enjeu de santé publique
à plusieurs échelles . Parmi ses conséquences, il
'
'
'
'
'
'
'
pathologies
chroniques . Par exemple , dès 2005 , l étude
'
'
'
de santé» (mars 2014) établit ainsi à plus de
politiques
'
'
'
'
'
'
montre que le pourcentage d observance (suivi du
le plan économique sont aussi majeures . Selon
l étude issue du Cercle de réflexion de l industrie
'
'
pharmaceutique (Crip), («Améliorer l observance :
traiter mieux et moins cher , novembre 2014) ,
'
réalisée
par IMS Health , le bon suivi thérapeutique
représente un potentiel d économie de 9 milliards
d euros, dus aux coûts des complications et de
'
'
de la santé des patients , donc sans même
dégradation
tenir compte des coûts indirects (arrêts de travail,
pertes d emploi .. .).
'
Enfin, les conséquences épidémiologiques
concernant
les maladies infectieuses ne doivent pas être
'
négligées , la non-observance d un traitement
antibiotique ou antiviral , notamment en termes
de durée , pouvant conduire à l émergence de
souches résistantes ou à la dissémination de la
'
maladie.
Cette problématique apparaît de plus en plus
importante
aux yeux des pouvoirs publics , qui se sont
(1/2) OBSERVIA
Anticancéreux: une problématique nouvelle
à peu, les traitements
anticancéreux étaient
généralement
administrés par voie
injectable à l hôpital . La mise
au point de traitements oraux
dispensés en ville ont changé
la donne . Cela pose de
nouveaux problèmes pour
l observance de ces traitements
qui , plus que d autres , sont
indispensables à la survie du
patient , mais sont aussi
porteurs d effets secondaires
importants concourant à
une mauvaise observance ,
voire à des interruptions de
traitement.
Jusqu'
'
'
'
'
Page 1
De plus , compte tenu du coût
très élevé de ces traitements ,
l impact financier doit
également être pris en
à récemment ,
compte . Jusqu'
la mauvaise observance
des traitements anticancéreux
était très généralement niée
par les oncologues , habitués
aux traitements injectables
en milieu hospitalier , qui
considéraient que la gravité
'
de la pathologie excluait tout
risque d inobservance» , affirme
l Académie de pharmacie.
Elle existe pourtant et a été
mise en évidence depuis
'
'
longtemps avec les inhibiteurs
hormonaux (tamoxifène ,
. Des études de
antiaromatases)
2010 et 2013 ( Hershman , et al.
J Clin Oncol 2010 ;28 :4120-8 ;
et Mc Cowan, et al. Br J Cancer
2013 ;109[5] :1172-80)
montrent , en effet , que
l observance pour le tamoxifène
est d environ 80%% la première
année mais chute à 40%% à cinq
ans , avec une augmentation
très significative des récidives
(+ 52%%) , une bonne observance
réduisant le risque
de récidive et de mortalité
de 9%%.
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PAYS : France
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22 février 2016 - N°87
traitementà hauteurd au moins80%% en termesde
durée et de dose) est particulièrementfaible en
France, de l ordrede 40%% en moyennepour l
ensemble
des six pathologiesétudiées: hypertension
artérielle(HTA), asthme, diabètede type 2 ,
, insuffisance cardiaque et
ostéoporose
hypercholestérolémie
. Les chiffres allant de seulement13%%
d observancepour les traitementschroniquesde
l asthmeà 52 %% pour l ostéoporose
, l insuffisance
, lediabètedetype 2. Pourl
cardiaque
hypercholestérolémie
, elle varie de 36 à 44%% . Unethèse de
doctoraten pharmaciesoutenueen octobre 2014
dresseun tableau récapitulatifdes taux d
observance
médicamenteusepar pathologie (voir
tableau
ci-contre).
'
'
Taux d observance en fonction des pathologies
'
'
Taux d ' observance
Type de pathologie
Transplantation
cardiaque
75-80%%
Transplantation
rénale
48%%
médicamenteuse
(%%)
an
à 1 an (concernant les immunosuppresseurs)
'
'
'
Maladies cardiovasculaires
54%%
à 1 an (concernant quatre classes thérapeutiques: aspirine ,
bêtabloquant , IEC et statine)
Diabète
31-87%%
'
'
'
Descauses multifactorielles
Diversfacteurs du contexteactuel renforcentla
nécessitéde prendre en compte de plus en plus
l observance thérapeutique L augmentation du
nombre de patients souffrant de maladies
chroniques
, le vieillissementde la population, la
polymédication
, et le développement
des soinsen
ambulatoire
jouent un rôle majeur. L évolutionet la
longueurde la maladieainsi que les comorbidités
interviennentaussi. Enoutre, de nombreuxfacteurs
psychologiquesy participent. Ainsi, le vécu de la
maladiepar le patient, sonenvironnementsocialet
professionnel
, ou encoresa relationavecle
médecin
constituentdes élémentsimportantsà prendre
en compte,soulignela sociétéde conseilObservia
,
spécialistede l observance thérapeutique. Des
donnéesrécentesétablissent que seuls la moitié
des cas d inobservance(47 %%) résulteraient de
conscients(non-priseintentionnelle
comportements
du traitement, modificationdes doses, du nombre
de prises)
. Aucontraire, l oubliseraitencausedans
44 %% des cas. Observiaregrette une vision trop
«parcellaire», voire trop «comptable»de l
observance
, et prôneune priseen charge
thérapeutique
transversale. Elle proposedoncdes solutionspour
améliorerla situation, avec pour maître-mot: la
. «Les solutions pour améliorer
personnalisation
l observance sont aussi nombreuses que ses
mécanismes»
Parmiles multiplesoutilsd aidepour unemeilleure
observance
existentdesmessages
portantdes
informations
motivationnelles
, des conseils
personnalisés
, desinformationssurla pathologie
, letraitement,
uneaideàl organisationausuiviet à la gestionde la
pathologie
, desaidesau suiviet àlamesurede l état
'
(études rétrospectives) ; 53-98%% (études prospectives) ;
'
des patients utilisent moins d insuline que les doses prescrites
28%%
Maladies inflammatoires
'
de l intestin
chroniques
60-70%%
Troubles psychiatriques
50%%
à 1 an ; 25%% à 2 ans ; 74%% des patients inclus ont
arrêté leur médicament antipsychotique à 18 mois
Asthme
Adulte: 30 et
Maladies rhumatologiques
55-71%%
Épilepsie
72%%
(11%% utilisent de façon adéquate les inhalateurs)
40%%
; 1/ 3 des patients « adaptent» leurs prises de médicaments
(dont 61%% de modifications irtentionnelles) ; 48-88%% (traitement
'
hormonal substitutif , prévention de l ostéoporose) ;
50%% des patients continuent à prendre leur traitement hormonal
substitutif sur plus de 1 an
'
disentavoirmanqué1 prisemoinsde1 fois
; 15%% despatients
parmois,9%% pasplusde1foisparmoiset 4%% disent avoirpaspris
n'
'
comme prescrit leurs médicaments au moins 1 fois par semaine
Hypertension
artérielle
; 50%% des patients prenant un antihypertenseur auront arrêté
de le prendre dans un délai de 1 an
40-72%%
VIH
54 ,8%%
Cancers
Taux variables selon le type de cancer (chimiothérapies orales) :
hémopathies malignes: 17%% ; cancer du sein : 53-98%%
Insuffisance
rénale chronique
87 ,5%%
(hémodialyse) ; 65%% (dialyse péritonéale) ; 30-60%%
(chez les enfants et adolescents en insuffisance rénale terminale)
80%%
'
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'
(2/2) OBSERVIA
desantéetde l évolutionde lamaladie
, des
informations
sur leseffetssecondaires
, ou encoreunemise
en relationavec des patientsatteintsde la même
sentinelles»
du pharmaciend officineviala
consultation
systématique du dossier pharmaceutique
,
d informationsparune«lettrepharmaceutique»
aux
de santéimpliquésdansla priseen
professionnels
chargedupatient.
L Académiede pharmaciedemandeaux pouvoirs
publicsde développerlesrecherchesdansce
domaine
et d instituer un «entretien d adhésion»
menépar lepharmaciend officinedestinéà évaluer
desfacteursconditionnantl adhésionou non d un
patient à son traitement; et mettre en place une
interventionéducativeadaptée. Elleinsisteenfinsur
la nécessitéd améliorerleréseauville-hôpitalet la
place des associationsde patients. Enfin, dans le
cas particulierde la prise en chargedes patients
la désignationd un « pharmacienréférent» pour
faire le lien avec les autresmembresde l équipe
soignante, le développementd entretiens
dédiés, ou encore la transmission
pharmaceutiques
cancéreux,les académicienssouhaitentcréer une
unité de suivi spécifique de l observancedans
chaquecentrelabellisépourtraiter les cancers.
Marielle Ammouche
'
'
'
pathologie.
Danssonrapport, l Académiede pharmacie
recommande
aussi aux prescripteursde consacrerun
suffisant
à l explicationdestraitementslorsde
temps
la premièreprescriptionet àleursuivilorsdesvisites
ultérieures; etde développerundialogueavecleurs
patientssur le projetthérapeutiquelesconcernant.
Elleproposeen outrederenforcerle rôlede «
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