Check-List Une réflexion sur quinze années d`art africain

Transcription

Check-List Une réflexion sur quinze années d`art africain
[]
Colecção Sindika Dokolo — Check List de Fernando Alvim et Simon Njami
Check-List
Une réflexion sur quinze années d’art africain contemporain à travers le monde.
Projet pour la biennale de Venise.
Cela fait bientôt une vingtaine d’années que ce que l’on appelle art africain contemporain
est débattu aux quatre coins du monde. On a tendance à l’oublier, mais dès les années
quatre-vingt, des initiatives signifiantes voyaient le jour, en France ou dans le Royaume Uni.
Ethnicolor, à Paris en 1987, les expositions consacrées à l’Afrique du Sud par David Elliott
à Oxford, ne sont que les exemples les plus émergents des initiatives sporadiques qui tentaient
de montrer au monde l’existence d’une création africaine libre, originale et forte. En 1991,
l’exposition les Magiciens de la Terre, qui introduisait une confusion sur les genres et les
catégorisations, par sa grande médiatisation est venu jeter le trouble dans le travail commencé.
Dans le même temps, cette exposition controversée a sans doute stimulé les acteurs africains,
en montrant l’urgence qu’il y avait à ne pas laisser l’Afrique se faire une nouvelle fois récupérer
par les mêmes puissances. La création dès le début des années 90 de Revue Noire, un
magazine d’art contemporain va d’emblée changer la manière dont le monde percevait la
création africaine. Des initiatives comme celle de l’artiste Fernando Alvim avec son exposition
manifeste: Memorias Íntimas Marcas, suivie plus tard par la création de Coartnews et de
l’espace Camouflage, ont affirmé une parole autonome et une volonté d’inverser le cours de la
perception du continent africain dans le monde occidental.
De nombreuses expositions, depuis cette époque qui semble lointaine à certains, sont
venues émailler cette histoire récente dont le point culminant a sans doute été atteint avec
l’exposition-fleuve Africa Remix. Mais s’en tenir là ne serait pas suffisant. Les expériences
menées à Venise par Salah Hassan et Okwi Enwesor ont sans doute contribué, à leur manière,
à soutenir le débat. Mais Venise représente plus qu’un décor ou une plate-forme. La biennale
de Venise demeure aujourd’hui un point d’ancrage pour l’art mondial et il ne s’agissait pas,
pour certains d’entre nous, d’y arriver en parent pauvre toléré, mais comme une entité pleine
et entière à laquelle on rendrait le respect qui lui est dû. L’ouverture officielle de la biennale à
l’Afrique nous a paru le moment idéal pour faire le bilan prospectif et critique de la création
africaine. Et aujourd’hui, nous disposons des moyens d’accomplir ce travail nécessaire, à un
moment crucial de l’histoire de l’art. Nous n’en sommes plus à la recherche d’une inclusion
désormais obsolète, mais dans la recherche d’un rééquilibrage des courants qui ont, jusqu’à
ce jour, traversé les rapports entre le Nord et le Sud.
L’arrivée de la collection Sindika Dokolo dans le paysage, non pas de l’art contemporain
africain, mais de l’art contemporain, tout simplement, nous est apparue comme un événement clé dans l’inversion de la dialectique hégélienne du maître et de l’esclave. Une autre
collection, qui porte le nom d’art contemporain africain existait depuis les Magiciens de la
Terre, dont elle fut d’ailleurs l’une des conséquences. Outre les choix et la philosophie de
la CAAC, sur lesquels il ne nous incombe pas de revenir, la manière hégémonique dont elle
se présentait était dangereuse pour la pluralité de l’expression plastique. Basée en Afrique,
la philosophie de la Collection Dokolo est définie par un artiste, un commissaire et un
collectionneur africains. Désormais, nous ne sommes plus dans le domaine du débat
Fundação Sindika Dokolo — Sindika Dokolo colecção africana de arte contemporânea
[]
Colecção Sindika Dokolo — Check List de Fernando Alvim et Simon Njami
exogène sur l’Afrique, mais dans le développement d’une pensée endogène dont le résultat
est la constitution de la collection la plus significative en matière d’art africain contemporain.
Nous ne sommes plus uniquement dans le geste esthétique, quel qu’il soit, d’ailleurs, mais
dans une affirmation politique.
Check-List, le projet que nous souhaitons soumettre, est une réflexion sur la manière de
collectionner, dans le même temps où nous présenterons le panorama le plus signifiant de
la création africaine d’aujourd’hui. En démontant les mécanismes qui ont régit les actions
des différents acteurs du domaine, nous entendons, par cette exposition, dresser un bilan
prospectif, et définir un manifeste pour les années à venir. Il est temps en effet de tordre une
fois pour toute, le cou à tous les présupposés qui traînent depuis trop longtemps sur l’Afrique
et de débarrasser ce continent du délétère parfum néocoloniale qui a entravé sa croissance
depuis les indépendances.
L’Afrique n’appartient à personne, nous sommes les premiers à l’affirmer. Mais il est cependant de la plus haute importance que son avenir soit défini, non pas à New York, Paris ou
Londres, mais sur le continent même. Par des hommes et des femmes qui la côtoient depuis
toujours et accompagnent au jour le jour son développement aussi bien en Afrique qu’hors
des frontières continentales.
Autour de Fernando Alvim, artiste, initiateur et directeur de la Triennale de Luanda, et Simon
Njami, commissaire indépendant, fondateur de Revue Noire et commissaire d’Africa Remix,
l’équipe de la Fondation Sindika Dokolo sera en charge depuis Luanda, de la mise en œuvre
du projet curatorial.
Fundação Sindika Dokolo — Sindika Dokolo colecção africana de arte contemporânea