La Mare au diable - Le Livre de Poche
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La Mare au diable - Le Livre de Poche
Fiche pédagogique : George Sand, La Mare au diable George Sand La Mare au diable Nouvelle édition, présentation, commentaires et notes de Marielle Caors Le Livre de Poche « Classiques » no 3551, 192 pages. Cet ouvrage célèbre va, par la brièveté, la fraîcheur de son sujet et son abord aisé, faciliter l’accès à des niveaux d’étude plus approfondis. L’édition du Livre de Poche suit ce principe en multipliant les notes explicatives (termes littéraires, dialectaux, archaïques ; allusions historiques et culturelles ; points forts du texte), mais aussi en développant en Préface les pistes d’étude : les idées et idéaux de George Sand (p. 10-11) ; les sources réelles (p. 14-15) ; la création d’un cadre poétique (p. 16-17) ; la portée initiatique du roman (p. 17-20) et en annexes, les possibilités d’ouverture de l’étude. George Sand et la musique populaire (p. 152-156 et 165) ; les avatars du thème des voyageurs égarés, récurrent dans l’œuvre de l’auteur (p. 57-162) ; les légendes et les superstitions (p. 162-165) ; l’image des paysans (p. 165-166). Exploration • Résumer l’œuvre en différenciant les étapes (les chap. I et II qui ont valeur de Préface, le récit, l’appendice). Qui parle ? Pourquoi ces trois étapes ? Comprendre la signification de l’Appendice (cf. p. 8 et 9 et 169 sqq.). George Sand évite-t-elle l’impression de décousu ? Voir les différences de style entre les chap. I et II, le reste du roman et l’appendice : la transition entre l’avant-propos, la description du labour et le début de l’action (p. 30-32, 36-38) ; la part du roman et du témoignage, et les digressions dans l’appendice. • Le récit Le résumer brièvement ; étudier l’intrigue (comment est-elle introduite ? comment se déroulet-elle ? tous les épisodes ont-ils la même importance ?), et l’introduction des personnages (leur entrée, distinction entre personnages principaux et secondaires, utilité des personnages secondaires). 1 2 • Les personnages Les définir ; les caractères sont-ils complexes, vraisemblables, cohérents ? Les relier à leur appartenance sociale, leur âge (Petit-Pierre, p. 34, 38, chap. VI, IX, p. 85, 102-105) ; leur finesse intellectuelle (Marie, chap. X et XI, p. 111-112, 117-118 ; la mère Maurice, chap. XVI, p. 110). Évoluent-ils ? (Germain : l’éveil d’un simple, p. 46, 80, 109). Quelles sont les relations entre eux (hiérarchies familiales – le patriarcat du père Maurice, chap. III et IV, l’influence de la mère Maurice, chap. XVI et p. 110 – et sociales ; riches et pauvres, les Léonard, p. 86 sqq., le fermier des Ormeaux, les Maurice par rapport à Germain, Marie et sa mère, p. 39, 4l, 44-45, le chap. V, les chap. XII et XIII, p. 99-100, 109). Des études pourront porter sur l’approfondissement d’un personnage (voir plus loin à propos de Germain). • Rechercher le rôle des lieux, des éléments (l’eau, le feu) dans l’évolution de l’histoire et surtout dans l’épisode de la mare. Que peuvent-ils représenter ? Quelle est leur utilité ? Souligner leur portée symbolique (le feu ambivalent, domestique et diabolique, la mare et le brouillard, obstacles au voyage et adversaires des héros, p. 62, 72, 73, 77, 78, à rapprocher de 961). Explication de texte « Conversation nocturne entre Marie et Germain » Chap. X, p. 76-78, « Je ne sais pas comment je ne m’étais pas aperçu […] il lui proposa de se remettre en route. » Cette étude est à considérer plus particulièrement dans la perspective d’un oral de baccalauréat, insérée dans une lecture suivie. Introduction À la moitié du récit et de l’œuvre, place stratégique. Rappeler les circonstances (voir Préface, p. 7 et 8) qui amènent Marie et Germain la nuit, au nord de la Mare au Diable, à une conversation sur le mariage. Tandis que Marie s’endort, Germain se sent de plus en plus attiré par elle. Le texte évoque la lutte de Germain contre la tentation que représente Marie, et son évolution psychologique. Trois parties : le monologue de Germain essayant de comprendre ce qu’il lui arrive (jusqu’à « je choisirais une fille à mon gré »), l’évocation de la tentation (jusqu’à « […] il en deviendrait fou ») qui s’achève par une victoire sur lui-même, évoquée symboliquement en troisième partie dans la description du paysage et la conclusion dynamique de l’extrait (« […] il lui proposa de se remettre en route »). Le monologue de Germain Pour ce monologue, deux perspectives complémentaires : d’une part, il montre l’éveil de Germain à la sensibilité et à son expression ; il réfléchit et formule sa réflexion (comparer avec les pensées prêtées à Germain en début de roman, p. 46 : « Néanmoins il était triste… un mal qu’il fallait accepter »). Germain, confronté à des situations inconnues, surpris par l’amour, mais au milieu d’un conflit entre désir et devoir, commence à exprimer des goûts et des volontés (p. 76 : « Je ne sais pas pourquoi […] par-dessus tout » ; p. 77 : « […] Si je pouvais suivre ma volonté […] une fille à mon gré »). D’autre part, étudier conjointement le style de ce passage : phrases brèves sans structure compliquée, nombreuses exclamations, comparaisons simples tirées du monde rural (« rose de buissons », « caille », « pinson », « chevreau blanc »), jugement sans nuance (« grande et grosse femme bien vermeille »), expression un peu ridicule de l’admiration (« comme on lit son bon cœur dans ses yeux, même lorsqu’ils sont fermés pour dormir »), tournure familière (« m’embar1. On peut se référer aux études de Bachelard, notamment L’Eau et les Rêves, Le Livre de Poche, « biblio essais », no 4160. 3 quer dans un mariage ») : langage à peu près vraisemblable pour un paysan, même si George Sand n’utilise pas de tournures incorrectes ou dialectales. La passion en mouvement Après le monologue immobile (p. 76 « il s’appuya contre l’arbre qui abritait les deux enfants et les regarda dormir »), Germain est en mouvement ; remarquer les imparfaits duratifs, son agitation se poursuit un moment (« il s’en allait […] » « il se retrouvait à genoux […] »). Il extériorise son trouble et le désir qu’il ne veut pas formuler (le monologue est interrompu et « Germain […] s’en allait se perdre dans le brouillard » : incapacité à voir, difficulté à se déplacer, à agir) et que, d’autre part, George Sand ne veut pas décrire nommément (conventions du temps et choix personnel), même si le baiser interrompu de Germain et la comparaison avec le feu sont explicites. Le feu est aussi celui du diable, du tentateur ; d’où, au terme de l’action, une phrase à double sens : « Il passa de l’autre côté du feu » (voir Préface p. 18). Mise en valeur des deux dernières phrases par leur brièveté, leur rythme scandé : « Il tint parole […] qu’il en deviendrait fou » (p. 78), conflit entre l’apprentissage du sentiment formulé et celui d’une volonté qui doit le combattre. La portée symbolique du passage Le passage « de l’autre côté du feu », « Enfin, vers minuit […] à travers les arbres » (p. 78), montre la reconnaissance de l’acte de volonté de Germain : il a dompté le « feu », et le brouillard cède alors. Germain peut revoir les « étoiles » – à la fois lumière et ciel. Ensuite (« La lune se dégagea […] sur la tête de nos voyageurs »), on retrouve la voix du narrateur extérieur (étude de style : phrases longues et complexes, comparaisons plus élaborées ; le paysage traité comme un tableau : structure, jeu de clair-obscur). Cette réapparition représente aussi la reconnaissance de l’évolution de Germain : il a accompli son destin au cours de sa nuit d’initiation (voir Préface, p. 17 à 19), et quels que soient les obstacles encore à venir, la victoire est en fait déjà acquise. Mais l’action doit se poursuivre (c’est pourquoi la description se termine sur les mots « nos voyageurs » : ni le voyage réel ni le voyage initiatique ne sont encore achevés). Le narrateur continue de parler, reprenant le relais entre la pensée de Germain et le lecteur (« Germain, las d’y souffrir […] pour s’étourdir sur l’ennui effrayant de la solitude […] il désirait aussi éveiller la petite Marie »), mais c’est Germain qui relance l’action : « Il lui proposa de se remettre en route. » Conclusion Certes, le roman n’est pas achevé et le chapitre dont est extrait le texte semble revenir au départ (« Ils avaient marché pendant deux heures pour se retrouver au point de départ », p. 79). En fait, le retour au bivouac est un retour à l’expression, à la fois affirmée et épurée, des sentiments de Germain (demande en mariage, p. 80). Le texte étudié apparaît bien comme le pivot du roman, l’épreuve au cours de laquelle un personnage, certes bon et sympathique, mais incapable de comprendre ses sentiments et de manifester sa volonté (voir p. 38 à 46), conquiert la conscience, la parole et l’action. Perspectives d’analyse Réalisme et idéalisme Réflexion sur ces termes ; le rôle des deux premiers chapitres (voir Préface, p. 11 et 12). • Comment réalisme et idéalisme apparaissent-ils dans le roman ? Le rôle du cadre (p. 14-15), des personnages (p. 15-16). Recherches et lectures sur les références littéraires données par George Sand : Eugène Sue et Paul Féval pour le roman « noir » (p. 27). Ces recherches nécessitent la constitution de fiches de lecture ou se feront par exposés. Oliver Goldsmith et Choderlos de Laclos, le roman qui idéalise les sentiments et celui qui peint les passions sans complaisance (p. 29). Virgile et la description de la nature, notamment dans les Géorgiques, livres II et III (pp. 31 et 33). Possibilités d’études interdisciplinaires français-anglais ou français-latin, sinon dans le texte, du moins en traduction. Le débat de l’art pour l’art opposé à l’art social1 (l’art engagé) (p. 29). Un conte de fées Les schémas du conte : quête (recherche de la femme aimée), épreuves (tentations, luttes, • • batailles), succès (comparer avec des contes, même enfantins, notamment La Belle au bois dormant). Les personnages : le « prince » et la bergère, la sorcière (p. 96-97), le chevalier noir (p. 97105), la bonne et la mauvaise mère (la mère morte, p. 42, 46, 65-66, 71, 81), la veuve (marâtre potentielle, p. 53-54, 87 à 89), Marie (p. 53-58, 71, 72). Le décor du conte : la forêt enchantée (p. 62, 78, 79), le brouillard (p. 6, 63, 78). Le détournement du conte : possibilité d’interprétation rationnelle des événements (p. 19) ; différence entre les héros traditionnels et ceux du roman ; dédoublement des personnages (deux héros, Germain et Marie) ; dédoublement de l’autorité (père et mère Maurice), multiplication des figures maternelles (mère Maurice, la mère morte, Marie). (Voir p. 17 sqq.2) Le temps du récit Comparer la chronologie des événements et l’ordre suivi par l’auteur (la description du labour, p. 33-36) ; le retour en arrière pour raconter l’histoire de Germain, p. 37 ; l’histoire répartie sur six mois (de la Saint-Martin, le 11 novembre, p. 48, au carnaval suivant, p. 116). Comparer la durée des événements et la proportion de l’œuvre qui leur est consacrée. Dégager la construction qui place ainsi au centre du roman tout l’épisode de la nuit autour de la mare. Expliquer les résultats : effets de triptyque, d’enchâssement, de cycle (p. 9-10 et 20-21). Un art pictural Étudier les références à l’art pictural (Holbein, p. 25 et 28 ; « le petit saint Jean-Baptiste » des peintres de la Renaissance, p. 34). Chercher avec les élèves des tableaux représentatifs des auteurs ou du sujet. Comparer leur but et ceux de George Sand. La description dans le roman : étudier la structure de la description du labour (p. 32 à 35), le traitement de la couleur et de la lumière dans la scène de la mare (p. 78). Comparer avec la peinture du temps, notamment l’école de Barbizon et Théodore Rousseau, Daubigny, Rosa Bonheur (Labourage nivernais…). 1. Louis Hautecœur, Littérature et peinture en France du XVIIe au XXe siècle, Armand Colin ; Théophile Gautier, préface de Mademoiselle de Maupin ; en texte séparé, comparer avec Lamartine, Recueillements ; « Frère ! Le temps n’est plus où j’écoutais… », à opposer aux Parnassiens. 2. Voir également S. Vierne, Rite, roman, initiation, PUG. 4 Exercices, recherches et travaux Travail interdisciplinaire Lettres-histoire. • La réalité rurale, le roman comme témoignage historique des campagnes vers 18301. • La naissance de l’ethnographie2. • Le socialisme utopique3 (Pierre Leroux, Saint-Simon, Louis Blanc…). Étude de style Comparer l’écriture des chapitres-préface (p. 25 à 38) et le style du roman lui-même, tout particulièrement les dialogues (p. 38-48, 53-55, 90-91) et le monologue intérieur de Germain (p. 76). (Voir Préface, p. 12.) Étude psychologique Travail de groupe. Faire relever tout ce qui évoque les pensées et les sentiments de Germain. Bien différencier et comparer les indications données par le narrateur (par ex. : p. 46, 56 ou 89), les paroles ou les pensées de Germain directement rapportées et ce que d’autres personnages en disent. Complexité, évolution et originalité du personnage. Dissertation « L’art n’est pas une étude de la réalité positive, c’est une recherche de la vérité idéale » (p. 29). Dissertation (permettant l’utilisation des formes actuelles de fiction, bande dessinée, cinéma, et une contestation intelligente à propos de la recherche de la peur) : « Nous aimons mieux les figures douces et suaves que les scélérats à effet dramatique » (p. 29). Marielle CAORS. 1. M. Baroli, La Vie quotidienne en Berry du temps de George Sand, Hachette. 2. J. Cuisinier et M. Ségalen, L’Ethnologie de la France, PUF. 3. P. Vermeylen, Les Idées politiques et sociales de G. Sand, Éd. de l’Université de Bruxelles ; P. Bénichou, Le Temps des prophètes, doctrines de l’âge romantique, Gallimard. 5