SYNDROME DE MELKERSSON-ROSENTHAL : A PROPOS D`UNE
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SYNDROME DE MELKERSSON-ROSENTHAL : A PROPOS D`UNE
Cas Clinique SYNDROME DE MELKERSSON-ROSENTHAL : A PROPOS D’UNE OBSERVATION H. DHOUIB, S. KALLEL, I. CHARFEDDINE ET A. GHORBEL SERVICES ORL ET CHIRURGIE CERVICO-FACIALE CHU HABIB BOURGUIBA SFAX RESUME Le syndrôme de Melkersson-Rosenthal(SMR) est une granulomatose oro-faciale rare, d’étiologie controversée. Il associe classiquement une paralysie faciale récidivante ou à bascule, un œdème de la lèvre supérieure et une langue plicaturée. A travers une observation, nous présentons les particularités cliniques et thérapeutiques de cette pathologie. Il s’agit d’une femme âgée de 35 ans, aux antécédents de deux épisodes de paralysie faciale périphérique gauche, qui a présenté un œdème facial récidivant. L’examen a montré un œdème de la lèvre supérieure et une langue plicaturée. Le diagnostic de syndrôme de Melkerson-Rosenthal a été retenu. L’examen histologique a confirmé le diagnostic. La corticothérapie a fait fondre les œdèmes. La triade du SMR est souvent incomplète et certains signes mineurs sont fréquemment observés. Il existe une histologie assez caractéristique, c’est l’endovascularite épithéloïde oblitérante. La corticothérapie est le traitement le plus préconisé. Le pronostic des paralysies faciales est bon. MOTS CLES : Syndrome de Melkersson-Rosenthal – étiopathogénie – clinique – histologie – traitement. SYMMARY Melkersson-Rosenthal syndrome (MRS) is a rare orofacial granulomatosis, having an incompletely understood pathogenesis. It associates a recurrent palsy of the facial nerve, an edema of the superior lip and fissure grooves on the dorsal surface of the tongue. It is about a 35-year-old woman, having presenting a recurrent paralysis of left side of face that presented a facial relapsing swelling. The exam showed an edema of the superior lip and fissured tongue. The diagnosis of Melkersson-Rosenthal syndrome has been kept. It has been confirmed by histological exam. The oral swelling disappeared after corticosteroid therapy. The triad of the SMR is often incomplete and some minor signs are frequently observed. There is a characteristic histology: giant cell granuloma without caseins necrosis. The corticotherapy is the most recommended treatment. The prognosis of the facial paralysis is good. KEY WORDS : Melkersson –Rosenthal syndrome – pathogenesis – clinic – histology – treatment. INTRODUCTION OBSERVATION Le syndrome de Melkersson-Rosenthal (SMR) est une entité rare. Il s’agit d’une granulomatose faciale. Il est constitué d’une triade de symptômes : langue plicaturée ou scrotale, épisodes récidivants d’œdème labial et parésie ou paralysie faciale unilatérale. Le diagnostic est confirmé par l’histologie. Nous rapportons une forme incomplète de SMR dans le but d’exposer les particularités cliniques et thérapeutiques de cette entité. Nous rapportons le cas de la patiente K.S, âgée de 35 ans, aux antécédents de céphalées chroniques, de paralysie faciale périphérique gauche survenue à deux reprises, régressives sous corticothérapie générale, consulte pour un œdème récidivant de l’hémiface gauche. L’examen a révélé un œdème de la lèvre supérieure indolent, élastique, occupant à la fois le vermillon et la lèvre cutanée, sans modification de couleur. La lèvre inférieure était normale (fig 1). L’examen de la cavité buccale a montré une langue J.I. M. Sfax, N°15 / 16 ; Juin 08 / Déc 08 : 38 - 41 38 SYNDROME DE MELKERSSON-ROSENTHAL : A PROPOS D’UNE OBSERVATION plicaturée avec des fissurations transversales (fig 2). Le reste de l’examen était normal en particulier il n’y avait pas de paralysie faciale ni de signes neurologiques. L’IRM cérébrale et des angles ponto cérébelleux était normale. Devant l’association de paralysie faciale récidivante, œdème de la lèvre supérieure et langue fissurée, le diagnostic de SMR a été retenu. La biopsie labiale a confirmé le diagnostic en montrant : un chorion avec des nodules riches en lymphocytes bordés d’une couronne plasmocytaire et histiocytaire sans nécrose caséeuse dans un tissu conjonctif oedémateux et fibrosé par endroit. Une corticothérapie par voie générale de courte durée a été instaurée aboutissant à la sédation des œdèmes. L’évolution a été marquée par la récidive de l’œdème facial à 2 reprises à un an d’intervalle, sans facteurs déclenchants décelables. La corticothérapie générale a été dans les deux cas efficace. DISCUSSION Le SMR est une granulomatose orofaciale qui se manifeste par une triade symptomatique : une langue plicaturée, une macrochélite et une parésie ou paralysie faciale récidivante. Hubschman en 1894 a décrit le premier cas sans pouvoir établir la relation entre les trois symptômes. En 1928, Melkersson a fait le lien entre la macrochélite et la paralysie faciale, puis Rosenthal a identifié les trois signes que constitue la triade caractéristique [1/3]. Le SMR est rare. Sa prévalence est estimée à 0.08% [2]. Le début de l’atteinte se situe vers l’adolescence puis le syndrome se constitue en plusieurs années. La répartition est égale dans les deux sexes [1]. Son étiologie est controversée. Certains auteurs ont évoqué une origine génétique sur le mode autosomique dominant avec pénétrance incomplète [3]. Pour d’autres, il s’agit plutôt d’un désordre neurologique ou neurovasculaire circonscrit conséquent à un stimulus allergique ou infectieux [4]. Le trouble de la vasavasorum des petits vaisseaux de la tête et du cou peut conduire à un œdème des nerfs faciaux et du tissu sous cutané. Enfin, l’étiologie infectieuse virale ou bactérienne (Syphilis, infection buccale, herpès, méningite virale) a été évoquée. Le SMR revêt une forme pluri ou mono symptomatique. La chéilite granulomateuse de a Miescher peut être considérée comme une forme monosymptomatique [5]. Elle évolue initialement par poussées oedémateuses, indolores, spontanément résolutives. Elle atteint plus fréquemment la lèvre supérieure, réalisant un aspect en lèvre de tapir. L’infiltration oedémateuse résiduelle s’aggrave à chaque poussée pour devenir ferme et élastique. Un érythème modéré des zones oedémateuses peut se voir [6]. La paralysie faciale est de type périphérique uni ou bilatérale. Le début est brusque ou progressif, l’évolution est intermittente puis permanent. Peuvent s’ajouter l’atteinte du nerf olfactif, du nerf glosso-pharyngien, du nerf grand hypoglosse entraînant des hyposmies ou parosmies, des dysgueusies, et des céphalées. L’oedème peut gagner d’autres régions : le voile du palais, la luette, les piliers amygdaliens, la gencive ou la joue [1]. Paton [7] a décrit des atteintes ophtalmiques fréquentes associées au syndrome (larmoiements, kératites, atteinte des vaisseaux rétiniens). b Fig1 : œdème de la lèvre supérieure : a-Vue de face ; b- vue de profil Fig 2- Langue plicaturée J.I. M. Sfax, N°15 / 16 ; Juin 08 / Déc 08 : 38 - 41 39 H. DHOUIB et al. L’indication chirurgicale peut être guidée par la surveillance électromyographique. Pour la macrochélite de Miescher, la corticothérapie injectable en intra lésionnelle est souvent utilisée de façon itérative sous forme de triamcinolone (kenacort Retard*). Une injection unique a permis une rémission complète dans quatre cas avec un recul de 6 mois [9]. Des injections répétées peuvent être faites tous les 3 à 6 mois. Les dermocorticoides sont souvent essayés avec des résultats le plus souvent nuls. La clofazimine (Lamprène) a souvent été utilisée dans cette maladie, en particulier dans la macrochélite de Miescher [10]. Son efficacité n’est pas constante. Les récidives sont fréquentes à l’arrêt du traitement. Dans des cas isolés, l’hydroxychloroquine (Plaquenil) [11], la thalidomide [2] et le metronidazole ont été efficaces. En l’absence d’évolutivité de la macrochélite, une chéiloplastie de réduction est proposée par plusieurs équipes [12]. Il est conseillé d’utiliser une corticothérapie en pré et post opératoire pour éviter les rechutes immédiates. La langue plicaturée ne nécessite aucun traitement. Dans tous les cas, compte tenu de l’habituelle bénignité de la maladie, il est nécessaire d’adapter la thérapeutique en tenant compte des effets secondaires des différents traitements utilisés. Le diagnostic positif est histologique. Selon Pindborg, Chomette et Auriol [5/6], les images histologiques de la langue ou des lèvres sont identiques. On discerne un tissu sous épithélial avec un œdème lâche et diffus. On trouve fréquemment mais inconstamment l’aspect histologique de granulomes giganto-épithéloides sans nécrose caséeuse, à tropisme vasculaire avec endovascularite épithéloide oblitérante. Leur localisation profonde impose de faire des prélèvements allant jusqu’au muscle [6 ; 7]. Les lésions de fibrose correspondent en fait à l’évolution cicatricielle de l’inflammation granulomateuse de type lympho-nodulaire. Une analyse histologique non contributive ne doit évidemment pas recuser le diagnostic de SMR lorsque la symptomatologie clinique est évidente. En revanche, la découverte de lésions granulomateuses sur un matériel d’exérèse est susceptible d’orienter le diagnostic dans certaines formes pauci symptomatiques ou atypiques. La macrochélite du SMR doit être différenciée du syndrome d’Ascher qui comprend une double lèvre due à l’hypertrophie de la lèvre muqueuse, un goitre et un œdème bilatéral avec prolapsus des paupières supérieures [1]. Dans la maladie de Crohn, la chéilite granulomateuse peut précéder de plusieurs années l’atteinte intestinale. L’existence de douleur abdominale chronique inexpliquée, de diarrhée chronique, impose alors une coloscopie avec biopsie systématique. La macrochélite sarcoidosique est d’installation progressive, sans poussées oedémateuses et s’accompagne d’autres localisations (salivaire, pulmonaire…). Une tuberculose, une syphilis (VDRL, TPHA), une lèpre ou une mycose profonde seront également écartées. L’interrogatoire devra éliminer une origine allergique des œdèmes : l’existence d’un lien chronologique entre la prise de certains aliments, additifs alimentaires ou un facteur de contact et la survenue d’œdèmes [6]. Sur le plan thérapeutique, aucun traitement ne prétend guérir cette maladie. Les traitements symptomatiques proposés ont simplement pour but d’éviter ou d’espacer les récidives pour soulager les malades et améliorer leur qualité de vie. En cas de paralysie faciale, la corticothérapie générale est utilisée à la posologie de 0.5 à 1 mg /kg/jour pendant 10 à 20 jours avec diminution progressive en fonction de l’évolution des symptômes. En l’absence de récupération après un ou deux mois, une neurolyse ou une décompression nerveuse chirurgicale peuvent être proposées [1]. J.I. M. Sfax, N°15 / 16 ; Juin 08 / Déc 08 : 38 - 41 REFERENCES 1- G. LE TOUX. Syndrome de Melkersson-Rosenthal .Données actuelles et rapport d’un cas. Ann Oto-Laryng. 1989; 106: 44-46. 2- Marcus. Melkersson-Rosenthal Syndrome : Case Report of 30-Year Misdiagnosis. J Oral Maxillofac Surg. 2005; 63: 1035-1039. 3- Lygidakis C, Tsakanikis C, Illias A. MelkerssonRosenthal’s syndrome in four generations. Clin. Genet. 1979; 15: 189-192. 4- Hallet J.W, Strreeto J.M, Watters F.B.Melkersson’s syndrome Multiple recurrences of Bell’s palsy and episodic facial edema. N.Engl.J.Med. 1964; 271,308. 5- Pindborg J.J. Atlas des maladies de la muqueuse buccale. Medsi edit. 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