Internet, la nouvelle frontière de l`espace

Transcription

Internet, la nouvelle frontière de l`espace
Internet, la nouvelle frontière de l’espace
Anne Bauer / Journaliste Aéronautique Défense le 13/09
Euroconsult estime que, sur les dix ans à venir, il y aura 145 satellites lancés par an, contre 90 en
moyenne dans la décennie passée. - Orbital Sciences artist's concept
Les opérateurs de satellites rivalisent d’initiatives pour
fournir un accès au Web à partir de l’espace. Le milliardaire
américain Jeff Bezos promet d’entrer à son tour sur le
marché avec de nouvelles fusées.
Le malheur des uns fera-t-il le bonheur des autres ? Après l'explosion, le 1er septembre, d'une
fusée de SpaceX, qui risque de mettre le groupe hors jeu un certain temps, la question taraude les
participants de la World Satellite Business Week, le rendez-vous de l'industrie de l'espace qui se
tient à Paris cette semaine. Arianespace affiche 73 tirs réussis d'affilée et ULA, la coentreprise de
Boeing et de Lockheed, a fêté son 110e tir sans incident. Plus cher mais plus sûr, c'est un peu la
revanche des anciens sur la jeune garde de la Silicon Valley.
L'initiative de Jeff Bezos
Dans un secteur toujours très risqué, les concurrents du groupe californien se gardent néanmoins
de tout triomphalisme. D'abord parce que leurs marges de manoeuvre pour récupérer des clients
de SpaceX sont limitées. Lors d'un point de presse, Stéphane Israël, PDG d'Arianespace, a précisé
qu'après avoir remporté 8 contrats depuis le début de l'année, il a 56 lancements en commande
pour une valeur de 5,3 milliards d'euros et affiche quasiment « complet » jusqu'à 2018. Ou
presque : « Il reste une opportunité pour un gros satellite en 2018, et on peut tenter d'introduire
un tir Ariane de plus en 2017 et 2018. »
De son côté, Craig Cooning, chez ULA, évoque des opportunités de tir, mais souligne l'impact
négatif de l'accident sur les commandes de satellites. Plus opportuniste, le milliardaire Jeff Bezos,
qui a fondé en 2000 Blue Origin pour lancer le tourisme spatial, a confirmé hier son intention de
développer une nouvelle famille de fusées très puissantes, baptisée New Glenn, « pour envoyer
dans l'espace des satellites de télécommunication commerciaux ou pour des voyages spatiaux
habités » (lire encadré ci-dessous). Les modèles dévoilés sont plus puissants que la fusée Falcon
Heavy, promise par Elon Musk pour fin 2016, et le premier étage a vocation a être récupéré.
Un marché pas si flamboyant
Mais si les projets sont florissants, le marché n'est pas aussi flamboyant qu'il y paraît, avertit la
société d'étude Euroconsult. Spécialisés dans la télédiffusion, les opérateurs historiques de
satellites se bagarrent avec de nouveaux entrants comme OneWeb pour la conquête d'une
nouvelle frontière : la connectivité Internet . Grâce aux progrès technologiques, la puissance dans
l'espace va au moins quadrupler dans les cinq prochaines années, avec en ligne de mire des
puissances de 1 térabit/s pour les nouveaux satellites à haut débit. « La demande potentielle est
très grande, mais à condition que les prix chutent », avertit Euroconsult.
La société note déjà une érosion du chiffre d'affaires des principaux opérateurs (Intelsat, Eutelsat,
SES, etc.) tombé à 11,5 milliards de dollars en 2015 (voir le graphique). Dans une étude de
marché, Euroconsult estime que sur les dix ans à venir, il y aura 145 satellites lancés par an dans
toutes les catégories, contre 90 en moyenne dans la décennie passée. « C'est un calcul qui
mélange tous les satellites au-dessus de 50 kilos et donc un peu des choux et des carottes »,
explique aux « Echos » Rachel Villain, d'Euroconsult. « On table, hors secteur de la défense, sur
le lancement de25 grands satellites de télécommunication par an en orbite géostationnaire, soit
le même nombre que par le passé mais avec des capacités infiniment plus grandes. »
Pour l'heure, la fourniture d'Internet par satellite est un marché naissant, de l'ordre du milliard de
dollars et essentiellement situé en Amérique du Nord. Demain, les constellations comme
OneWeb se disputeront le marché avec les méga-satellites de télécommunication. Mais pas plus
que l'an dernier, les modèles économiques ne semblent stabilisés. Alors que 75 satellites
géostationnaires sont en construction (hors défense), nombre de constellations en orbite, basse ou
moyenne, sont en développement, mais pas encore financées.
Dans l'observation de la Terre, les projets deviennent difficiles à dénombrer. Euroconsult parle de
163 satellites d'observation lancés entre 2006 et 2015, mais a recensé 419 satellites à lancer dans
les dix prochaines années...
Tourisme spatial : un vol d'essai en octobre pour Blue Origin
En parallèle de ses activités de lanceur de satellites, Blue Origin veut également développer le
tourisme orbital. La société de Jeff Bezos prévoit ainsi un vol d'essai suborbital jugé clef le mois
prochain, avec sa fusée New Shepard, selon le « Washington Post » (propriété du milliardaire
américain). Sur ce créneau, il est en concurrence avec Virgin Galactic du milliardaire britannique
Richard Branson.
Ce dernier a repris la semaine dernière ses vols d'essai, avec le nouvel avion spatial
SpaceShipTwo qui vise à emporter des passagers payants à la limite de l'espace. C'était le premier
vol depuis l'accident en novembre 2014 d'un des premiers prototypes qui a tué le pilote.
Anne Bauer, Les Echos
En savoir plus sur http://www.lesechos.fr/idees-debats/sciences-prospective/0211278979104satellites-effervescence-de-projets-autour-des-services-internet2026852.php?tMpYlubDTdLW5T3e.99