Colectomie en ambulatoire dans le cadre de la réhabilitation
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Colectomie en ambulatoire dans le cadre de la réhabilitation
Journal de Chirurgie Viscérale (2015) 152, 11—15 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com ARTICLE ORIGINAL Colectomie en ambulatoire dans le cadre de la réhabilitation améliorée夽 Outpatient colectomy within an enhanced recovery program B. Gignoux ∗, A. Pasquer , A. Vulliez , T. Lanz Unité de chirurgie générale, viscérale et endocrinienne, clinique de la Sauvegarde, avenue Ben-Gourion, 69009 Lyon, France Disponible sur Internet le 16 janvier 2015 MOTS CLÉS Colectomie ; Chirurgie colorectale ; ERAS ; RAAC ; Réhabilitation améliorée après chirurgie ; Laparoscopie Résumé Introduction. — L’application d’un programme de réhabilitation améliorée après chirurgie permet une diminution de l’impact physiologique de l’acte chirurgical et la réduction de la durée d’hospitalisation des patients par rapport à une prise en charge conventionnelle. Ce programme a permis d’envisager la réalisation de colectomie en ambulatoire. Méthode. — Après analyse des recommandations concernant la réhabilitation améliorée, nous avons rédigé et validé un protocole spécifique. S’appuyant sur une forte expérience en chirurgie ambulatoire (hernies inguinales, cholécystectomies, anneau gastrique modulable), nous avons formalisé une procédure de colectomie en ambulatoire. Les critères de sélection étaient l’absence de comorbidité importante ou déséquilibrée, un très bon état général et une parfaite compréhension de la procédure. Le patient était autorisé à sortir s’il répondait aux critères de sortie définis selon le score de Chung. La surveillance était assurée par le passage d’une infirmière formée à la réhabilitation améliorée tous les après midi jusqu’à j10. Résultats. — Cinq patients ont pu bénéficier de cette prise en charge, il s’agissait de 4 hommes et 1 femme d’âge moyen 64 ans (59—69) dont l’indication était un cancer de la jonction rectosigmoïdienne, 3 sigmoïdites diverticulaires et un volvulus du sigmoïde. Les suites postopératoires étaient simples sans complication en dehors d’une dysurie et d’un hématome cicatriciel. Conclusion. — Il s’agit à notre connaissance des premiers cas de colectomie réalisés en ambulatoire strict (c.-à-d. séjour < 12 h). Nous démontrons la faisabilité d’une colectomie en ambulatoire lorsqu’elle est intégrée dans un protocole de réhabilitation améliorée chez des patients sélectionnés sous couvert d’une surveillance à domicile. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.jviscsurg.2014.12.004. Ne pas utiliser, pour citation, la référence française de cet article, mais celle de l’article original paru dans Journal of Visceral Surgery, en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (B. Gignoux). 夽 http://dx.doi.org/10.1016/j.jchirv.2014.09.010 1878-786X/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. 12 B. Gignoux et al. KEYWORDS Colectomy; Colorectal surgery; Outpatient surgery; Enhanced recovery after surgery; Laparoscopy; ERAS Summary Introduction. — The application of a fast-track recovery program after surgery can decrease the physiological impact of surgery and reduce the duration of hospitalisation compared to conventional care. This program has permitted us to consider the performance of colectomy on an outpatient basis. Method. — After analyzing the recommendations for fast-track recovery, we developed and validated a specific protocol. Drawing on extensive experience in ambulatory surgery (inguinal hernia, cholecystectomy, adjustable gastric-banding), we formalized a protocol for outpatient colectomy. Patient selection criteria were the absence of serious or decompensated comorbidity, very good general condition, and full patient understanding of the procedure. Discharge was authorized if the patient met the exit criteria according to the Chung score. Postoperative surveillance was provided by regular home visits of a nurse trained in enhanced recovery, every afternoon until day 10. Results. — Five patients underwent this management strategy (4 men and 1 woman, mean age 64 years, range: 59—69), for indications including cancer of the rectosigmoid junction (1 case), sigmoid diverticulitis (3 cases), and volvulus. The postoperative course was simple and uncomplicated except for two patients who had dysuria and an incisional hematoma, respectively. Conclusion. — To our knowledge, these are the first cases of colectomy performed strictly on an outpatient basis (i.e., stay < 12 h). We demonstrated the feasibility of outpatient colectomy when integrated into a protocol of enhanced recovery for selected patients provided that athome monitoring was available. © 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Introduction Depuis les travaux de Kehlet [1] en 1997, les principes de réhabilitation améliorée après chirurgie (RAAC) ou enhanced recovery after surgery (ERAS) ou fast-track surgery sont à l’origine d’une seconde révolution dans la chirurgie colorectale, après celle de la laparoscopie [2]. Cette procédure de réhabilitation améliorée permet de réduire les conséquences physiologiques de la chirurgie, d’améliorer la récupération postopératoire, de diminuer la morbidité postopératoire et de raccourcir la durée d’hospitalisation [2]. L’élaboration d’un tel programme dans notre centre nous a permis de réduire progressivement la durée de séjour pour chirurgie colorectale jusqu’à concevoir un chemin clinique pour colectomie en ambulatoire strict (un séjour inférieur à 12 h), ce qui à notre connaissance n’a pas été rapporté dans la littérature. Le but de ce travail était d’évaluer les résultats d’une étude préliminaire des premiers cas de colectomie réalisés en ambulatoire. Matériel et méthodes Cette étude a été réalisée dans une équipe forte d’une expérience de 2 années d’un programme de réhabilitation améliorée. Le protocole comprenant les mesures pré-, peret postopératoires [3—6] ainsi que les critères de sélection des patients dans ce travail, ont été établis à partir des recommandations actuelles avec la participation de tous les intervenants (médecins, infirmières, aides-soignantes, kinésithérapeutes, nutritionnistes, cadres de soins et direction). Nous avons formalisé une procédure de colectomie se déroulant en ambulatoire. Elle était envisagée en cas de colectomie laparoscopique pour pathologie bénigne ou maligne. Étaient exclus les résections rectales basses, les colectomies droites, les volumineuses tumeurs ou tumeurs T4, les antécédents de diverticulites sigmoïdiennes perforées ou de laparotomie médiane sous-ombilicale. Les critères de sélection des patients étaient l’absence de comorbidité importante ou déséquilibrée, un bon état général et une parfaite compréhension de la procédure. À l’issue des informations détaillées données lors des consultations chirurgicale, anesthésique et entretien spécifique avec l’infirmière référente de réhabilitation améliorée, le patient donnait son accord pour une procédure en ambulatoire. En préopératoire, il était prescrit en cas de cancer une immunonutrition pendant 7 jours [7,8]. Nous n’avons pas réalisé de préparation mécanique du côlon selon les recommandations actuelles [9,10]. Le patient était admis dans le service de chirurgie à 7 heures du matin en bénéficiant d’un jeûne moderne avec absorption de 400 mL de solution carbohydratée 2 heures avant l’intervention [11—13]. Une prémédication antalgique de niveau 1 (et non sédative) par 1 g de paracétamol était réalisée systématiquement. La colectomie était réalisée par voie laparoscopique avec infiltration de ropivacaine au niveau des coupoles diaphragmatiques et dans la minilaparotomie. Aucune sonde naso-gastrique, urinaire ni aucun drainage n’ont été nécessaire en postopératoire. En accord avec les recommandations de réhabilitation améliorée, le protocole d’anesthésie comportait une hyperoxygénation avec FiO2 à 80 %, une anesthésie avec des molécules à courtes durée d’action et une limitation des apports hydriques en peropératoire (pour un objectif total inférieur ou égal à 6 mL/kg/h, soit inférieur à 1000 mL dans les cas cliniques rapportés) [3,14,15]. L’analgésie per- et postopératoire était de type multimodale avec épargne morphinique associant paracétamol, néfopam, lidocaïne, kétamine, sulfate de magnésium, morphine et tramadol. Une prévention des nausées vomissements postopératoires (NVPO) était réalisée en peropératoire par dropéridol et dexaméthasone [16]. À son retour dans le service de chirurgie, le patient n’avait pas de perfusion et l’analgésie était gérée uniquement par voie orale. Deux heures plus tard, le patient était incité à la marche et l’alimentation était autorisée sous forme semi-liquide. Douze heures après son Colectomie en ambulatoire dans le cadrede la réhabilitation améliorée夽 13 Tableau 1 Critères de sortie en chirurgie ambulatoire : score de Chung. Le patient est autorisé à sortir s’il a un score supérieur ou égal à 9. Constantes vitales (température, pouls, respiration) : variation pré-opératoire par rapport à post-opératoire Inférieure à 20 % Entre 20 et 40 % Supérieure à 40 % 2 1 0 Déambulation Démarche assurée sans vertige Marche possible avec assistance Démarche non assurée, vertiges 2 1 0 Nausées et/ou vomissements Minimes Modérées Sévères 2 1 0 Douleurs Minimes Modérées Sévères 2 1 0 Saignement chirurgical Minimes Modérées Sévères 2 1 0 Tableau 2 Caractéristiques des patients. Âge Sexe ASA IMC Indication chirurgicale Temps opératoire (minutes) Durée hospitalisation (heures) Patient 1 66 M 2 21 Cancer du sigmoïde 150 12 h Patient 2 69 M 2 23 Sigmoïdite diverticulaire 130 10 h 15 Patient 3 59 M 2 26 Sigmoïdite diverticulaire 130 10 h 30 Patient 4 68 M 1 25 Sigmoïdite diverticulaire 180 10 h 30 Patient 5 63 F 2 21 Volvulus du sigmoïde 50 11 h M : masculin ; F : féminin ; ASA : American Society of Anesthesiologists ; IMC : indice de masse corporelle. admission, le patient était autorisé à sortir s’il répondait aux critères de sortie habituels pour la chirurgie ambulatoire à l’aide du score de Chung (Tableau 1) [17]. À son domicile, le patient était encouragé à avoir une activité physique régulière, une alimentation normale avec des compléments nutritionnels les premiers jours. L’analgésie comportait de façon systématique paracétamol et tramadol ainsi que nefopam en complément à la demande pendant les 24 premières heures. La prévention de l’iléus et des NVPO associait des apports de magnésium et du chewing-gum trois fois par jour. La prévention thrombo-embolique comportait une injection quotidienne de enoxaparine 0,4 mL en SC pendant 10 jours. La surveillance postopératoire comprenait une surveillance clinique par le passage d’une infirmière formée à la réhabilitation améliorée tous les après midi jusqu’à j10 doublée d’un appel téléphonique de l’infirmière référente tous les matin jusqu’à j5. Cette surveillance comprenait le relevé des paramètres habituels (pouls, TA, température, douleur, abdomen, pansements, alimentation, transit et état général) qui étaient transmis quotidiennement par mails à l’équipe chirurgicale. La surveillance biologique comportait un bilan incluant ionogramme, CRP et NFP à j2, j4 et j8. Le patient était revu en consultation postopératoire entre 3 et 4 semaines avec évaluation des différentes mesures du programme de réhabilitation améliorée. La satisfaction des patients était évaluée par un questionnaire comportant différents items (le niveau d’information, la gestion de la douleur, le ressenti général du protocole, l’organisation du suivi à domicile et leur implication dans ce programme) cotés excellent, bon, mauvais ou très mauvais. Il était rempli par le patient à son domicile et remis lors de la consultation postopératoire. Résultats De février 2013 à mai 2014, 95 patients ont eu une colectomie dans notre centre dans le cadre d’un programme de réhabilitation améliorée. Une procédure en ambulatoire était réalisée chez 5 patients, 4 hommes et 1 femme d’âge moyen 64 ans (59—69 ans). Les caractéristiques des patients sont résumées dans le Tableau 2. Cette procédure était envisagée dans 2 autres cas mais annulée le jour de la chirurgie : en raison de la nécessité d’une iléostomie de protection dans 1 cas et de l’absence imprévue d’accompagnant au domicile dans l’autre cas. À domicile, tous les patients ont pu suivre le programme défini initialement. L’ alimentation solide était effective chez tous les patients le premier jour. Les résultats cliniques des patients à domicile (mobilisation, reprise du transit et EVA) sont détaillés dans le Tableau 3. La mortalité postopératoire était nulle, la morbidité était comme suit : une dysurie traitée médicalement sans sondage urinaire et un hématome cicatriciel vus en consultation non programmée. Aucun patient n’a était réadmis. Tous les patients ont été revus en consultation postopératoire entre 3 et 4 semaines Les résultats du questionnaire 14 Tableau 3 B. Gignoux et al. Résultats cliniques des patients. Marche à J1 Reprise des gaz Reprise des selles EVA à J1 EVA à J3 EVA à J5 Patient 1 Oui j1 j2 1 0,5 0,25 Patient 2 Oui j1 j2 2 4 1,5 Patient 3 Oui j1 j3 3 3 3 Patient 4 Oui j1 j3 1 1 2 Patient 5 Oui j2 j3 1 5 1 Tableau 4 Résultats du questionnaire de satisfaction des patients. Excellent Bon Mauvais Très mauvais Séjour hospitalier Degré d’information sur la procédure Confort général Prise en charge de la douleur Vécu de la mobilisation à j1 Clarté des consignes de sortie 4 5 4 5 4 1 — 1 — — — — — — 1 — — — — — Au domicile Ressenti du premier jour Organisation de la surveillance Sentiment de sécurité Vécu des 2 premières nuits Autonomie à 1 mois 5 5 5 5 5 — — — — — — — — — — — — — — — Appréciation globale Soins reçus Implication du patient Recommanderais à un proche 5 4 5 — — — — 1 — — — — de satisfaction des patients objectivaient leur excellente appréciation de ce programme qu’ils recommanderaient tous à un proche (Tableau 4). Discussion Nous avons montré dans cette étude que la forme optimale de la réhabilitation améliorée rendait faisable cette procédure en ambulatoire dans des structures expérimentées en réhabilitation et en chirurgie ambulatoire. De notre point de vue, les principes fondamentaux de la réhabilitation améliorée et de la chirurgie ambulatoire ne constituent qu’un seul et même concept, la réhabilitation s’appliquant à des procédures plus complexes [18]. Dans notre centre, cette prise en charge a été rendue possible grâce à une collaboration étroite des équipes médicales et paramédicales lors de l’implémentation de la réhabilitation améliorée. En 2011, la durée moyenne d’hospitalisation d’une colectomie était de 5 jours pour des patients de niveau 1 (avec peu de comorbidités et sans complication). Par la suite, la présence d’une infirmière référente a permis de proposer un chemin clinique de 48 heures après colectomie et de diminuer la médiane de durée de séjour de 3,6 jours pour les patients de niveau 1 en 2012 (données issues du PMSI en janvier 2013). Parallèlement, nous avons développé une expérience importante en chirurgie ambulatoire dont les taux de réalisation en ambulatoire pour cholécystectomie, cure de hernie inguinale et pose d’anneau gastrique modulable, dans notre structure, étaient respectivement de 59 %, 76 % et 88 % en 2013 (données issues du PMSI en janvier 2014). D’autres équipes ont rapporté des cas de colectomies durant une hospitalisation de 24 h mais l’analyse de la littérature ne retrouve pas de cas en ambulatoire [19—21]. Cette procédure est envisageable chez des cas sélectionnés : chirurgie colique programmée et sans difficulté prévisible, patient en bon état général, avec peu de comorbidités, motivé et ayant une parfaite compréhension du processus. Elle implique un véritable « coaching » du patient avant, pendant et après la procédure engageant toute l’équipe autour du patient : chirurgien, anesthésiste, infirmière de l’hôpital et libérale, diététicienne, aide soignante, kinésithérapeute et direction de l’établissement. Il a été démontré que l’application de la réhabilitation améliorée permet de réduire de 50 % les complications générales [22] mais pas les complications spécifiques dont les fistules postopératoires estimées à 4 % [23,24]. Du fait d’une reprise du transit plus rapide avec la réhabilitation améliorée, les complications anastomotiques sont potentiellement plus précoces. Cela peut expliquer pourquoi les équipes ayant pour objectif une sortie des patients à j4—j5 n’ont pas rapporté de surveillance particulière des patients à domicile [22]. De notre point de vue, un retour à domicile des patients à j1 ou j0 nécessite la mise en place d’une surveillance, au minimum quotidienne par une infirmière formée à la réhabilitation améliorée [25] afin de dépister précocement une complication et de pouvoir prendre en charge le patient sans retard ni perte de chance. Les résultats de l’enquête de satisfaction des patients sont globalement très bons, les patients étaient particulièrement satisfaits d’avoir bénéficié d’un programme complet de « coaching » les rendant acteur principal de cette procédure. Enfin, en démontrant la faisabilité de la colectomie en ambulatoire, nous souhaitons faciliter la diffusion des méthodes de réhabilitation améliorée. C’est dans cet objectif que s’est créé cette année le groupe Colectomie en ambulatoire dans le cadrede la réhabilitation améliorée夽 francophone de réhabilitation améliorée en chirurgie (GRACE, http://www.grace-asso.fr). [10] Conclusion Il s’agit des premiers cas de colectomie réalisés en ambulatoire. Nous démontrons la faisabilité des protocoles de réhabilitation améliorée après colectomie en ambulatoire chez des patients sélectionnés. De notre point de vue, une hospitalisation très courte après chirurgie colorectale nécessite la mise en place d’une surveillance spécifique à domicile afin d’éviter un retard dans le diagnostic et le traitement d’une complication anastomotique. Déclaration d’intérêts [11] [12] [13] [14] [15] Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. [16] Références [1] Kehlet H. Multimodal approach to control postoperative pathophysiology and rehabilitation. Br J Anaesth 1997;78: 606—17. [2] Slim K. Fast-track surgery: the next revolution in surgical care following laparoscopy. Colorectal Dis 2011;13: 478—80. [3] Alfonsi P, Slim K, Chauvin M, et al. French guidelines for enhanced recovery after elective colorectal surgery. 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