1817 Offres publiques et franchissements de seuils sur Alternext

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1817 Offres publiques et franchissements de seuils sur Alternext
Droit des affaires BANQUE
1817
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Offres publiques et franchissements
de seuils sur Alternext
Étude rédigée par
Guillaume Kellner,
Avocat associé, Proskauer Rose LLP
Quentin Fournier,
Avocat, Proskauer Rose LLP
La procédure de garantie de cours et les dispositions légales de franchissements de seuils sont
étendues à Alternext par la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005 dite Loi Breton.
1 - Suite à l’adoption de la loi Breton 1 l’Autorité des marchés financiers (l’AMF) vient d’étendre le champ d’application de la procédure de garantie de cours à Alternext 2. La loi Breton a également
étendu à Alternext les dispositions légales relatives aux franchissements de seuils. Ces décisions viennent compléter le dispositif mis en
place lors de la création d’Alternext 3 pour en faire un marché
« régulé » dont les contraintes en matière de réglementation boursière se trouvent à mi-chemin entre le marché libre et l’Eurolist.
1. Offres publiques et garanties de cours
sur Alternext
A. - Le dépôt d’une garantie de cours est obligatoire en
cas d’acquisition de blocs majoritaires
1° La loi Breton offre un cadre légal à la garantie de cours
2 - L’obligation de déposer une garantie de cours figure déjà à
l’article 3 des règles Alternext : il appartient à l’émetteur de s’assurer
que les cessions de blocs de titres conduisant à la détention de la
majorité des droits de vote ou du capital donnent lieu à la mise en
œuvre d’une garantie de cours. Ce même article 3 précise que « si la
garantie de cours ne procède pas déjà d’une obligation légale, un pacte
doit être établi entre les principaux actionnaires par lequel ceux-ci s’engagent à ne céder de blocs de titres qu’à des cessionnaires prenant euxmêmes un tel engagement ».
3 - La plupart des sociétés déjà cotées sur Alternext ont eu recours
à des dispositions statutaires, plutôt qu’à un pacte d’actionnaires,
pour se conformer à cet impératif. Ces dispositions statutaires reprennent stricto sensu les termes de l’ancien article 235-1, alinéa 1 du
Règlement général de l’AMF relatif à l’obligation de déposer une
1. L. n° 2005-842, 26 juill. 2005 pour la confiance et la modernisation de
l’économie : JO 27 juill. 2005, p. 12160 ; JCP E 2005, 225.
2. A. 1er sept. 2005 portant homologation du Règlement général de l’AMF : JO
8 sept. 2005 ; JCP E 2005, 262.
3. Règle d’Alternext en date du 9 mai 2005.
garantie de cours sur l’Eurolist, cette solution innovante offrant plus
de sécurité juridique qu’un pacte d’actionnaires 4.
4 - Bien qu’inspirées du Règlement général de l’AMF, ces dispositions statutaires n’en reprenaient pas pour autant toutes les dispositions (par exemple la faculté d’offrir un prix inférieur au prix de
cession du bloc en cas de garanties de passif consenties par le vendeur
du bloc majoritaire) et leur mise en œuvre ne relevait pas du contrôle
de l’AMF.
5 - La loi Breton étend à Alternext le régime de la garantie de cours
applicable sur l’Eurolist et évite une juxtaposition de dispositifs disparates en matière de garantie de cours. Elle modifie en effet l’article
L. 433-3 du Code monétaire et financier en ajoutant un paragraphe
III disposant que : « l’Autorité des marchés financiers peut prévoir que
les règles mentionnées au II [relatives à la procédure de garantie de
cours] sont également applicables, dans des conditions et selon des modalités fixées par son règlement général, aux instruments financiers négociés sur tout marché financier ne constituant pas un marché
réglementé, lorsque la personne qui gère ce marché en fait la demande. »
6 - Faisant usage de cette habilitation, l’AMF a ajouté un
article 235-4-1 à son Règlement général qui prévoit un nouveau cas
de garantie de cours portant sur les « instruments financiers admis aux
négociations sur un système multilatéral de négociation organisé »
c’est-à-dire Alternext. Désormais le Règlement général distingue la
procédure de garantie portant sur des titres admis sur un marché
réglementé (l’Eurolist) 5 de celle portant sur un système multilatéral
de négociations (Alternext) 6.
4. Elle a d’ailleurs séduit certaines sociétés inscrites sur le marché libre qui
souhaitaient se soumettre spontanément aux règles Alternext. V. Alternext :
des premiers pas encourageants, conseil par Ch. de Watrigant : JCP E 2005,
1484.
5. Section 1 du chapitre V « Garanties de cours portant sur les instruments
financiers admis aux négociations sur un marché réglementé ».
6. Section 2 « Garanties de cours portant sur des instruments financiers admis
aux négociations sur un système multilatéral de négociations organisé ».
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7 - En conséquence, il devra être mis fin rapidement aux dispositifs conventionnels ou statutaires déjà mis en place par les sociétés
cotées sur Alternext en matière de garantie de cours.
2° Le régime de la procédure de garantie de cours sur
Alternext
a) Un régime similaire à celui applicable sur l’Eurolist
8 - La procédure de garantie de cours sur Alternext fait référence,
pour l’essentiel, à la procédure applicable sur l’Eurolist.
9 - Le nouvel article 235-4-1 du Règlement général prévoit en
effet que le dispositif prévu aux articles 235-1 à 235-3 relatifs à la
garantie de cours sur l’Eurolist est également applicable à la garantie
de cours sur Alternext.
10 - Par conséquent, comme sur l’Eurolist, la garantie de cours
initiée par l’acquéreur d’un bloc majoritaire doit porter sur la totalité
des titres émis par la cible, pendant une durée minimum de dix jours
de bourse et au cours ou au prix auquel le bloc majoritaire a été acquis.
Il convient d’établir une note d’information dans les mêmes conditions que sur l’Eurolist et de soumettre celle-ci au visa de l’AMF. Les
conditions de mise en œuvre de la garantie de cours (à savoir, notamment, l’« acquisition d’un bloc conférant la majorité du capital ou des
droits de vote ») seront identiques sur Alternext et sur l’Eurolist.
11 - La référence au dispositif applicable sur l’Eurolist permet à
l’acquéreur d’un bloc majoritaire de bénéficier de la faculté offerte
par l’article 235-3 du Règlement général aux termes duquel l’AMF
peut autoriser un prix inférieur « dans l’hypothèse où la cession serait
assortie d’une clause de garantie visant un risque identifié ou d’un règlement différé ».
b) Les particularités de la garantie de cours sur Alternext
‰ Les principes généraux régissant les offres publiques sont
spécifiquement étendus à la garantie de cours sur Alternext
12 - Le nouvel article 235-4-1 précise que la garantie de cours sur
Alternext est également soumise aux principes généraux et règles
communes aux offres publiques figurant au chapitre Ier du Titre III
du Règlement général. Cette précision est justifiée par le fait que les
sociétés cotées sur Alternext ne sont soumises à aucune autre disposition du Règlement général sur les offres publiques.
13 - Cela permet donc à l’AMF de veiller à ce que les principes
généraux régissant les offres publiques 7 soient également appliqués
dans le cadre d’une garantie de cours initiée sur Alternext. Il s’agit des
principes fondamentaux de la réglementation en matière d’offres publiques parmi lesquels figurent l’égalité de traitement et d’information, les principes de transparence et de loyauté dans les transactions
ou l’obligation de viser la totalité des titres donnant accès au capital
ou aux droits de vote de la cible,...
‰ La faculté de soumettre l’acquisition d’un bloc majoritaire au
régime d’une offre publique est écartée
14 - En revanche, la faculté pour l’AMF 8 de placer sous le régime
de l’offre publique l’acquisition d’un bloc majoritaire est écartée sur
Alternext.
15 - Sur l’Eurolist, il est rappelé que cette faculté peut être utilisée
lorsque l’acquisition du bloc majoritaire est assortie d’éléments
connexes susceptibles d’affecter l’égalité entre le prix offert pour le
bloc majoritaire et le prix offert dans le cadre de la garantie de cours
(tels que la conclusion d’accords industriels et/ou financiers). La décision de l’AMF de placer cette opération sous le régime des offres
publiques n’est pas sans conséquence pour les actionnaires minoritaires. En effet, l’AMF retrouve alors son pouvoir de contrôle du prix
de l’offre : pour que celle-ci soit déclarée recevable, le prix doit être
7. Règlement général, art. 231-3 à 231-8.
8. Règlement général, art. 235-4.
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établi non pas en fonction du prix d’acquisition du bloc majoritaire
mais de l’approche multicritères qui peut conduire à intégrer les éléments connexes à l’acquisition du bloc en vertu du principe d’égalité
de traitement des actionnaires.
16 - S’agissant d’Alternext, une offre publique ne pourrait être
imposée par l’AMF dans ces circonstances en dépit du principe d’égalité de traitement des actionnaires. L’application de ce principe par
l’AMF risque donc de poser quelques difficultés.
B. - Un dispositif limité à certaines hypothèses
1° L’absence d’offre d’achat en dehors d’une cession de blocs
majoritaires
17 - Aucune offre d’achat aux actionnaires minoritaires n’est requise dans les hypothèses où le changement de contrôle ne résulte pas
de l’acquisition d’un bloc conférant directement la majorité du capital ou des droits de vote. Ces hypothèses sont pourtant nombreuses
(changement de contrôle indirect, augmentation de capital, conversion d’obligations convertibles, exercice de bons, obtention d’un
droit de vote double,...). Pour les sociétés cotées sur l’Eurolist, il y a
lieu, dans ces hypothèses, de déposer non pas une garantie de cours
mais une offre publique. Ce n’est bien évidemment pas le cas sur
Alternext en l’état actuel des textes.
2° L’offre publique de retrait limitée à l’hypothèse d’une
radiation des titres
18 - L’article 5 des règles Alternext énonce les cas dans lesquels les
titres peuvent être radiés d’Alternext. Cette radiation est possible
lorsqu’au préalable une « personne ou conjointement un groupe de
personnes détenant 95 % des droits de vote » met en œuvre une offre de
rachat à l’intention des actionnaires minoritaires.
19 - Il s’agit donc d’une forme d’offre publique de retrait (OPR).
Son champ d’application est néanmoins limité à l’hypothèse d’une
radiation des titres cotés surAlternext.Elle ne peut être mise en œuvre
qu’à l’initiative des actionnaires majoritaires et non pas des actionnaires minoritaires comme cela est envisagé par l’article 236-1 du
Règlement général pour les titres d’une société cotée sur l’Eurolist
dont la liquidité n’est plus assurée.
20 - Bien évidemment, cette offre d’achat n’est pas non plus obligatoire dans les hypothèses visées par l’article 236-6 du Règlement
général applicable sur l’Eurolist (modification substantielle des statuts ou de l’activité sociale ou cession du principal des actifs).
21 - Au plan pratique, l’offre de rachat s’effectue pendant une
durée minimum de dix jours de bourse et ne relève pas en principe du
contrôle de l’AMF. Il s’agit d’une offre conventionnelle faite aux actionnaires minoritaires comme sur le marché libre. Le prix n’est donc
pas non plus contrôlé par l’AMF. Aux termes de l’article 5 des règles
Alternext,le prix de l’offre de rachat doit cependant faire l’objet d’une
« attestation d’équité » établie par « un expert indépendant ». La terminologie utilisée dans l’article 5 semble inappropriée car elle fait
référence à la fois aux régimes de l’OPR (l’« attestation d’équité ») et
du retrait obligatoire (l’« expert indépendant ») applicables sur
l’Eurolist. Mais surtout le texte ne précise pas selon quelles modalités
l’expert indépendant est désigné. L’expert pourrait donc être désigné
par l’initiateur de l’offre de rachat et non par l’émetteur comme sur
l’Eurolist. A cet effet, il serait prudent de se conformer aux recommandations de la COB relatives à l’indépendance de l’expert 9 ainsi
désigné. Les règles Alternext ne précisent pas non plus le contenu de l’
« attestation d’équité ». Elle devrait vraisemblablement confirmer le
caractère équitable du prix offert aux actionnaires minoritaires
comme c’est le cas lors d’une OPR sur l’Eurolist.
9. Bulletin COB n° 296, nov.1995.
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3° L’absence de retrait obligatoire
1° L’obligation de déclaration vis-à-vis d’émetteur
22 - Aucune disposition ne prévoit la possibilité pour les actionnaires d’une société cotée sur Alternext d’initier une procédure de
retrait obligatoire permettant de forcer les actionnaires minoritaires
à céder leurs titres. Seule est envisagée la possibilité de demander la
radiation des titres dans les conditions indiquées ci-dessus. Si la radiation est de nature à inciter les actionnaires minoritaires à céder
leurs titres, il est inévitable que certains actionnaires n’apporteront
pas leurs titres à l’offre de rachat préalable. Comme sur le marché
libre 10 il sera donc difficile aux actionnaires majoritaires d’acquérir
100% du capital et des droits de vote d’une société cotée sur Alternext.
28 - La loi Breton modifie le premier alinéa de l’article L. 233-7.
Doivent désormais recevoir une information sur les franchissements
de seuils d’une part les sociétés cotées sur l’Eurolist et d’autre part les
sociétés cotées sur Alternext.
29 - Sont donc soumises au régime juridique des déclarations de
franchissement de seuils les détentions d’actions négociées sur Alternext. Comme sur l’Eurolist les propriétaires de titres cotés sur Alternext sont donc tenus de déclarer à l’émetteur tout franchissement à la
hausse ou à la baisse de l’un des dix seuils prévus par l’article L. 233-7
du Code de commerce 11.
30 - En revanche, la loi Breton n’a pas étendue l’obligation de déclaration d’intention visée à l’article L. 233-7 VII du Code de commerce.L’article L. 233-7VII du Code de commerce réserve donc cette
obligation aux seuls actionnaires de sociétés cotées sur l’Eurolist qui
franchissent le seuil du dixième ou du cinquième du capital ou des
droits de vote de cette société.
2. Déclaration de franchissements de
seuils sur Alternext
A. - Les règles Alternext en matière de franchissements
de seuils
23 - L’article 4.3 des règles Alternext impose de « rendre public le
franchissement à la hausse ou à la baisse par toute personne, agissant
seule ou de concert, de seuils de participation représentant 50 % ou 95 %
du capital ou des droits de vote, dans un délai de 5 jours de bourse suivant
celui où elle en a connaissance ».
24 - Ces deux seuils de 50 % et 95 % résultent des obligations de
dépôt d’une garantie de cours en cas d’acquisition d’un bloc majoritaire ou d’une offre de rachat préalable à une demande de radiation
des titres.
25 - Le fait que l’émetteur (et non pas l’actionnaire) soit débiteur
de cette obligation d’information est une spécificité de ce marché.
Alternext étant un marché régulé et non réglementé, il appartenait à
l’émetteur de mettre en place les dispositifs conventionnels et/ou statutaires nécessaires pour se conformer à ces exigences.
B. - L’extension à Alternext des obligations légales en
matière de franchissements de seuils
26 - La loi Breton modifie cette situation en étendant à Alternext le
champ d’application de l’article L. 233-7 du Code de commerce relatif aux franchissements de seuils.
27 - Comme sur l’Eurolist il convient désormais de distinguer
l’information délivrée à l’émetteur (art. 233-7 I), de l’information
délivrée à l’AMF (art. 233-7 II).
10. À l’exception de quelques sociétés anciennement cotées sur le marché hors
cote pour lesquelles une procédure de retrait obligatoire peut être initiée
dans les conditions prévues par le Règlement général de l’AMF
2° L’obligation d’information vis-à-vis de l’AMF
31 - La loi Breton permet d’imposer à l’actionnaire d’une société
cotée sur Alternext qui franchit l’un des seuils visés au premier alinéa
de l’article L. 233-7 d’informer l’AMF du franchissement de ces
seuils.
32 - Néanmoins la mise en œuvre de cette obligation doit faire
l’objet d’une demande préalable d’Euronext en sa qualité de gestionnaire d’Alternext.
33 - À ce jour, Euronext ne s’est pas prononcé sur ce point. En
conséquence,les actionnaires des sociétés cotées sur Alternext ne sont
pas tenus, en l’état, d’informer l’AMF des franchissements des seuils
énoncés par l’article L. 233-7 du Code de commerce.
Mots-Clés : Marchés financiers - Alternext - Offres publiques Franchissements de seuil
Textes : L. n° 2005-842, 26 juill. 2005 ; A. 1er sept. 2005 ; C. monét.
fin., art. L. 433-3
11. Un vingtième (5 %), un dixième (10 %), trois vingtièmes (15 %), un
cinquième (20 %), un quart (25 %), un tiers (33,33 %), la moitié (50 %), les
deux tiers (66,66 %), les dix-huit vingtièmes (90 %) et les dix-neuf
vingtièmes (95 %).
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