Il existe plusieurs marchés canadiens… - CCI Paris Ile-de

Transcription

Il existe plusieurs marchés canadiens… - CCI Paris Ile-de
Généralement, les PME françaises commencent par
ouvrir un bureau à Montréal pour couvrir le Québec ;
l’année suivante, elles trouvent un agent à Toronto
pour couvrir l’Ontario ; et deux ans après, elles recrutent un agent à Vancouver pour couvrir l’Ouest
canadien. Elles peuvent alors travailler sur le marché
canadien dans son intégralité !
Le Québec dispose d’une force d’attraction sur les
entreprises françaises et ce, en dépit d’un dynamisme
économique moindre que les provinces de l’Ouest.
Comment l’expliquez-vous ?
Il est vrai que les provinces anglophones de l’Ouest
canadien, à forte croissance, restent sous-prospectées
par les entreprises françaises.
En fait, il y a beaucoup d’accords entre la France et le
Québec, que ce soit au niveau culturel, économique,
Je pense également que la langue française nous unit
au Québec et que cette province (presque 8 millions
d’habitants pour 35 millions d’habitants au Canada)
va continuer à attirer les entreprises francophones en
général, et françaises en particulier.
Aujourd’hui, 80 % des entreprises françaises qui
ouvrent leur premier bureau en Amérique du Nord le
font à Montréal. Celles qui le font pour de vraies raisons, stratégiques et économiques, ne se trompent
pas. Mais celles qui se tournent vers le Québec pour
de simples raisons « linguistiques » font erreur.
C’est un piège, selon moi, de croire que les Québécois
sont des Français qui vivent en Amérique du Nord ; il
faut, au contraire, considérer ses partenaires québécois comme des « Nord-Américains qui parlent
français ». Et pour éviter tout quiproquo, souvent, il est
même préférable d’échanger en anglais avec les québécois pour être sûr de se comprendre !
Québec versus Canada : quelques chiffres
è
50 % des échanges franco-canadiens sont concentrés sur le Québec ;
è Les trois-quarts des quelque 450 sièges de filiales françaises établies au Canada (1 500 établissements employant 80 000 personnes) sont installés au Québec ;
è
Sur les 250 000 personnes qui émigrent au Canada chaque année, 55 000 optent pour le Québec (dont 5 000 à 6 000 Français).
(1) Propos recueillis par Sandrine Rol le 12 novembre 2013.
En pratique
C’est, bien sûr, une approche par province que l’entreprise doit programmer pour, in fine, rayonner sur
l’ensemble du Canada.
linguistique, de la mobilité des jeunes ou de la reconnaissance des diplômes pour ne citer que ceux-là.
La Délégation du Québec à Paris, que j’appelle
« l’Ambassade du Québec à Paris », compte presque
autant de personnes que l’Ambassade du Canada à
Paris ! Cela facilite, bien entendu, les relations entre la
France et la belle province.
Zoom sur...
“
Compte tenu de l’étendue territoriale du
Canada et de son organisation fédérale,
une entreprise peut-elle avoir un projet « Canada »
ou doit-elle se focaliser sur quelques provinces
uniquement ? 1
L’interview !
Il existe plusieurs marchés canadiens…
Quel est le vôtre ?
Analyses
59
Il existe plusieurs marchés canadiens… Quel est le vôtre ?
60
Quels atouts les autres provinces canadiennes
peuvent-elles mettre en avant pour se distinguer du
Québec ?
Les taux de croissance les plus élevés sont à l’Ouest
du Canada ! Voilà un premier argument ! Mais il existe
également des atouts propres à chacune de ces
provinces :
L’Ontario est ainsi la première province business du
Canada. C’est la plus peuplée d’une part, et la plus
riche d’autre part : 39 % de la population canadienne
(soit 12 millions d’habitants) et 40 % du PIB canadien.
Deuxième pôle TIC du monde après San Francisco,
l’Ontario est également un centre financier de premier
ordre.
L’Alberta, elle, est appelée l’Alberta Saoudite, grâce
à ses richesses pétrolières et gazières. Avec l’exploitation des sables bitumineux dans cette province, le
Canada est devenu le premier pays du G7 à exporter
ses excédents en énergie. Tirée par ces ressources
naturelles, l’Alberta s’est même affichée comme la
province la plus performante du pays sur les
10 dernières années ! Ses perspectives de croissance
demeurent favorables grâce, notamment, aux importants investissements annoncés dans les sables
bitumineux.
Faut-il rappeler que le Canada est une grande puissance énergétique :
- 7ème producteur mondial de pétrole,
- 3ème producteur mondial de gaz,
- 2ème producteur mondial d’électricité hydroélectrique,
- 1er producteur mondial d’uranium.
La Colombie-Britannique, pour sa part, dispose du
premier port du pays (Vancouver) et s’est tournée vers
l’Asie-Pacifique. Forte de sa qualité de vie, elle peut
s’enorgueillir d’être la province au sein de laquelle
« ville durable » et « protection de l’environnement »
sont des réalités au quotidien. Le corridor green
« Vancouver-Seattle-Portland » est d’ailleurs riche
d’enseignements sur la ville durable.
Conseilleriez-vous plutôt à une PME française d’opter
pour une implantation ou au contraire de privilégier
l’exportation ?
Il n y a pas de recette de réussite. Je dirai cependant que
pour les produits dits made in France, tels que le luxe ou
la gastronomie, l’exportation peut être la solution. En
revanche, pour les activités de service, il est impératif de
trouver un partenaire local ou d’ouvrir un bureau.
Pour la plupart des PME, le plus rapide - et donc le
moins coûteux - reste souvent le rachat d’une structure canadienne.
Accomex n° 108-109 - Canada
Vous êtes spécialiste de l’accompagnement en
Amérique du Nord ; faites-vous partie de ceux qui
considèrent que le Canada représente une « porte
d’entrée » vers les États-Unis ?
Il est vrai que 80 % des entreprises qui ouvrent un
bureau en Amérique du Nord le font à Montréal.
Cela dit, je ne crois pas que le Canada soit la porte
d’entrée par excellence vers les États-Unis, et surtout
pas pour les secteurs du luxe et de la gastronomie par
exemple.
Le Canada est-il en train de se tourner vers l’Europe
avec la signature de l’AECG ou l’Amérique reste-t-elle
le continent de prédilection des entreprises et des
autorités canadiennes ?
Il faut effectivement rappeler que le Canada est lié
aux États-Unis et au Mexique par l’ALENA, Accord
de Libre-Échange Nord-Américain, signé en janvier
1994.
Cet accord a permis l’élimination des barrières aux
échanges et aux investissements entre les trois pays,
qui représentent un total de 443 millions d’habitants.
80 % des exportations canadiennes sont d’ailleurs à
destination des États-Unis et 60 % des importations
canadiennes en proviennent !
L’AECG, Accord Économique et Commercial Global
signé entre l’Union européenne et le Canada a, lui, été
conclu le 18 octobre 2013, après quatre années de
négociations. C'est la première fois que l'Union européenne signe un accord de libre-échange aussi vaste
avec un pays industrialisé, membre du G8.
Cet accord est, selon moi, historique, pour au moins
3 raisons :
è les droits de douane seront, à terme, éliminés pour
quasiment 98 % des produits,
è les entreprises européennes vont pouvoir répondre
aux appels d’offres canadiens (et vis-et-versa),
è et les normes seront harmonisées.
Par conséquent, et même si cela ne remettra pas en
cause les relations commerciales privilégiées entre le
Canada et les États-Unis, les flux commerciaux
Europe-Canada sont appelés à se développer.
Rappelons, enfin, que le Canada regarde aussi vers
l’Asie : sur la côte Ouest, la Colombie-Britannique profite de sa « proximité » avec le continent asiatique et
l’activité du premier port du pays, le port de
Vancouver, est largement portée par les échanges
avec la Chine notamment.
61
Il existe plusieurs marchés canadiens… Quel est le vôtre ?
Se préparer, se préparer et se préparer !
Si vous deviez ne retenir que trois caractéristiques
pour présenter les hommes d’affaires canadiens,
lesquelles citeriez-vous ?
Pour me limiter à trois caractéristiques fondamentales, je retiendrais :
è des relations d’affaires directes et pragmatiques,
è des entretiens préparés à l’avance et un ordre du
jour suivi à la lettre,
è un timing toujours scrupuleusement respecté !
Mais il est également important de préciser que :
les Canadiens sont concis,
è les négociations d’affaires sont rapides,
è moins « affectifs » que les Français, les Canadiens
privilégient l’écrit à l’oral,
è la ponctualité est de rigueur,
è le respect des délais de livraison est essentiel.
è
En deux mots, comment aidez-vous les entrepreneurs
français à choisir entre les provinces canadiennes ?
En général, les chefs d’entreprise qui nous contactent
veulent se rendre au Québec. Notre rôle est, bien
entendu, de les guider sur cette province.
Mais nous nous attachons également à souligner l’intérêt de Toronto si l’entreprise travaille dans les
secteurs TIC ou automobile, ou celui des provinces
atlantiques si elle est dans le secteur médical, par
exemple.
Nous mettons également à disposition de nos PME
notre réseau d’experts canadiens en France et au
Canada et organisons des missions de prospection
commerciale à Montréal, Toronto, Vancouver, etc.
Grâce à tous ces outils, et après un diagnostic des forces
et faiblesses de l’entreprise sur le marché canadien,
nous mettons en place un plan d’action propre à
chaque entreprise, pour lui donner toutes les chances
de réussir.
Le Canada est un marché 18 fois plus grand que la
France en superficie ; il est très ouvert aux nouveaux
produits, aux nouvelles technologies ; le vieillissement
de la population offre des opportunités sur le marché
des « seniors » ; les produits « verts » sont de plus en
plus recherchés ; les adolescents ont un pouvoir
d’achat élevé.
L’interview !
Et si l’histoire commune entre le Canada et la France
fait que les produits français ont une aura très positive
au Québec, dans les autres provinces, venir de France
ne suffit pas à décrocher un rendez-vous, et encore
moins à vendre !
Pour les aider, la CCI Paris Ile-de-France a mis en place
des workshops spécifiques au marché canadien. Ils portent sur le contrat commercial, la préparation à l’elevator
pitch, l’approche interculturelle, etc.
Bref ! Le Canada est un marché porteur et prometteur,
tiré par une nouvelle génération de consommateurs…
Pour conclure, souhaitez-vous synthétiser « les essentiels » pour aborder le marché canadien ?
Je parlerai « d’un pays, plusieurs marchés » : le Canada
doit être abordé comme une juxtaposition de marchés
compte tenu, notamment, de son système politique et
de son immensité. Cela signifie qu’une bonne couverture du pays implique souvent le choix de plusieurs
partenaires.
En pratique
D’un point de vue culturel, le Canadien reste un NordAméricain, un Anglo-Saxon ; sa façon d’agir et de
penser sera donc beaucoup plus proche de celle des
États-Unis que de la France.
Analyses
Quelques conseils pour aider les PME françaises à
réussir au Canada ?
Il est également indispensable de retenir les points
suivants :
Les secteurs à privilégier selon les provinces
Ontario : services (financiers, communications, médias), électronique, audiovisuel, cinéma, TIC, mines, automobiles, industries mécaniques, plasturgie, santé et biotechnologies, chimie et sidérurgie, agroalimentaire.
Québec : aéronautique, TIC, audiovisuel, santé et biotechnologies, environnement, biens de consommation, alimentation, mines et
hydroélectricité.
Colombie-Britannique : industrie forestière, mines, gaz naturel, TIC, santé, biotechnologies.
Alberta : pétrole (sables bitumineux), mines, agriculture.
Manitoba et Saskatchewa : agriculture, extraction minière (mais forte diversification en cours).
Zoom sur...
D’un point de vue culturel, diriez-vous que les chefs
d’entreprise français ont une connaissance suffisante
de leurs homologues canadiens ?
62
è Réussir en Amérique du Nord demande du temps et
implique de bien se préparer, tant en ce qui concerne
la connaissance des réglementations que l’adaptation
de ses produits par exemple ;
è L’influence américaine est indéniable, mais il faut
malgré tout aborder le marché canadien différemment
de celui des États-Unis ;
è Il est nécessaire d’accorder au moins autant
d’importance au marketing de son produit qu’au
produit lui-même ;
è Recourir à des conseillers spécialisés est une
pratique très répandue et largement recommandée
(avocats, comptables, etc.) ;
Accomex n° 108-109 - Canada
Le réseautage est fondamental : il faut cultiver un
réseau de contacts directement ou via son partenaire.
è
Et je terminerai par une citation :
« Le Canada est un vaste pays, dix-huit fois la France,
des paysages grandioses, une qualité de vie enviée de
beaucoup où le visiteur comme l’étranger est accueilli
dans le respect de ses différences. C’est un pays
où l’esprit entrepreneurial et pionnier ne se dément
pas et où les chances de réussir existent d’est en
ouest » : parole de Canadien !
Pour en savoir plus sur les activités « Canada » de la CCI Paris Ile-de-France :
Mail : [email protected] - Tél. : 0820 012 112 (0,12€/minute).