Almudena Grandes Les trois mariages de Manolita

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Almudena Grandes Les trois mariages de Manolita
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de l’ordre social castriste sont tout
d’abord « la perversion de la loi »,
dont témoignent des dispositifs
comme la suppression de l’habeas
corpus, les lois contre la paresse
ou la dangerosité sociale… d’où la
nécessité d’un conformisme pour
une part ostentatoire et la possibilité pour le régime d’utiliser à tout
instant l’arbitraire. Ce mode de vie
en société altère la citoyenneté, le
« sens du droit à avoir des droits »
(Hannah Arendt), la durée de l’expérience qui amène à un pourrissement du social. On retrouve là les
réflexions de Raymond Aron sur
rieur des méandres de l’économie
« réformée ».
Cuba, une révolution est incontestablement un livre fort et novateur qui permet de penser non
seulement la montée en force du
castrisme et son apogée mais aussi
ses actuelles transformations qui
ont peu à voir avec l’instauration
d’un régime égalitaire et pluraliste.
Gilles Bataillon (Ehess-Cide)
Almudena Grandes
Les trois mariages
de Manolita
la classe privilégiée composée
d’hommes qui doivent tout à l’État,
leur travail, leurs revenus, et qui
perdent tout quand ils sont révoqués et épurés. Il ne reste qu’une
voie d’accès aux positions importantes et aux honneurs, et elle
passe par la bureaucratie d’État,
avec les servitudes que comporte
cette filière3.
Paris, JC Lattès, 2016,
729 p., 24,50 €
Dans ce troisième volet d’un
cycle de six romans, intitulé Épisodes d’une guerre interminable,
Almudena Grandes, qui ambitionne de construire une œuvre de
fiction fondée sur des faits réels,
poursuit sa quête de la mémoire de
l’Espagne. Après Inés et la joie1, qui
greffe des histoires d’amour passionnées à la tentative d’invasion
du val d’Aran en octobre 1944 par
des Espagnols pour la plupart réfugiés en France, et le Lecteur de Jules
Verne2 qui, situé au printemps 1947,
raconte comment Nino, le jeune
fils d’un garde civil, comprend la
société qui l’entoure grâce à la présence amicale d’un étranger mystérieux et la découverte des livres,
De ce point de vue, quels que soient
les changements amorcés par Raúl,
les choses restent inchangées. Les
Cubains sont toujours sommés de
manifester une allégeance à des
normes et à des discours ponctuels,
afin de bénéficier en retour d’une
relative liberté de circuler entre
l’île et l’étranger, ou de quelque
marge de manœuvre à l’inté-
« ­L’imaginaire de la lutte », no 61/62, étéautomne 2006, et « Égalisation des conditions
et formes du racisme à La Havane pendant la
période spéciale. Une lecture du roman Las
bestias, de Ronaldo Menéndez », no 77, été
2010. Voir également « Le sens de la lutte »,
dans Communisme, no 85-86, 2006.
3. Démocratie et totalitarisme, Paris,
Gallimard, 1965, p. 345.
1. Almudena Grandes, Inés et la joie,
Paris, JC Lattès, 2012.
2. Id., le Lecteur de Jules Verne, Paris,
JC Lattès, 2013.
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