Alceste et Oronte: un dialogue de sourds

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Alceste et Oronte: un dialogue de sourds
Alceste et Oronte: un dialogue de sourds
La politesse et la négociation de la relation interpersonnelle
dans le Misanthrope
0. Remarques préliminaires1
Le but du présent article est d’appliquer à l’analyse d’un texte littéraire quelques
notions issues de l’étude des interactions verbales et de la théorie linguistique de
la politesse. Nous estimons que ce type d’analyse permettra de mieux rendre
compte des intentions de Molière et de démontrer que les outils de travail
employés dans l’analyse des interactions verbales authentiques pourraient être
mis à profit par les exégètes et les critiques littéraires. Soulignons d’emblée que
ce type d’analyse sert à illustrer plutôt qu’à dégager des notions pertinentes pour
l’étude des interactions authentiques. Les textes littéraires ne semblent pas aptes
à nous renseigner sur le fonctionnement des interactions au sens propre (mode
de prise de parole, chevauchements, etc.). Bien que les dialogues théâtraux soient
destinés à être oralisés et interprétés par des acteurs, la création littéraire est le
fruit d’une médiation, d’une interprétation par l’auteur de la réalité. Les textes
littéraires contenant quelques effets d’oralité ne seront jamais la reproduction
fidèle d’une interaction réelle (Durrer 1994:39, Kerbrat-Orecchioni 1996,
Manno 1996)2.
Notre choix du Misanthrope, considéré comme un document sur la vie mondaine au début du règne de Louis xiv (Magendie 1925), s’explique par le fait que
l’interprétation de cette pièce a varié considérablement selon les époques.
J.J. Rousseau et les Romantiques ont fait l’apologie d’Alceste, les spectateurs
contemporains, encore imprégnés de romantisme, ressentent de la sympathie pour
ce personnage (Brunel et al. 1986:238). De nos jours, la politesse est critiquée au
nom de l’idéal de sincérité (trop poli pour être honnête). Mais on oublie qu’elle a
joué un rôle central dans le processus de civilisation de l’espèce humaine et dans
l’adoucissement des mœurs (Elias 1975) et, surtout, qu’elle est indispensable à la
cohabitation pacifique des individus au sein d’une société. Or, grâce à Brown/Levinson 1987, on dispose d’une théorie linguistique de la politesse qui peut nous
rendre bien des services dans l’interprétation de cette pièce. Notre analyse se
concentrera sur la scène 2, acte i en raison des considérations suivantes. En premier lieu, il s’agit d’une scène expérimentale où Molière vérifie la viabilité de deux
conceptions opposées relatives à la question «politesse/hypocrisie vs. sincérité».
1 Certaines idées présentées dans le présent article s’inspirent d’un exposé de Mme KerbratOrecchioni (février 1997, Université Lyon ii) portant sur la même scène.
2 Pour se rendre compte que les marques d’oralité sont soigneusement agencées par l’auteur,
il suffit de comparer une pièce de théâtre à des conversations authentiques, qui se révèlent à peu
près illisibles si on n’accompagne pas la lecture de l’écoute.
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Ces deux credos en matière de comportement social sont exposés par Alceste et
Philinte dans la scène précédente (i,1), qui est à ce sujet le lieu d’un véritable traité
de politesse. Alceste affirme ne pas vouloir entrer dans la logique de la politesse,
en exaltant la sincérité. Cependant, au cours de la scène suivante, face à Oronte,
Alceste ne met pas ses théories tout de suite en pratique. Ensuite, lorsqu’il viole
les règles de la politesse, il est pris à partie. En deuxième lieu, la scène 2 du premier acte se prête particulièrement à l’illustration de la notion de négociation. En
effet, Molière y met en scène les heurs et malheurs de la négociation de la relation
interpersonnelle. Cette notion nous permettra de mieux comprendre la relation
problématique entre Alceste et Oronte, suite au désaccord flagrant sur la distance
qui les sépare. En effet, dans cette scène, la place qu’occupent les négociations, qui
constituent un blocage momentané de l’interaction pour établir un certain nombre
d’accords indispensables à la poursuite de l’interaction, l’emporte largement sur
les séquences où la communication se déroule sans heurts.
1. La composante relationnelle au sein de la communication
La reconnaissance de la centralité de l’aspect relationnel au sein de la réflexion linguistique a coïncidé avec le dépassement d’une conception purement informationnelle de la communication. Le fameux modèle de la conversation proposé par
Grice 1975 est un bon exemple de cette conception informationnelle. L’étude
des interactions en face-à-face a souligné l’importance de certains principes relationnels qui sous-tendent la communication (Watzlawick et al. 1972). En effet,
tout énoncé ne sert pas seulement à transmettre des informations sur le monde ou
à décrire celui-ci, mais il contribue à instituer un lien socio-affectif particulier entre
les interlocuteurs: p. ex., pour Flahault 1978, la plupart des dialogues se ramènent
à la structure profonde: «Voici ce que je suis pour toi, voici ce que tu es pour moi».
Nous dirons avec Kerbrat-Orecchioni 1992 que les énoncés présentent à la fois
une composante référentielle et une composante relationnelle. Par exemple, de nos
jours, en français, le choix du pronom personnel désignant l’allocutaire (tu/vous)
véhicule à côté de sa valeur déictique la relation qu’entretiennent les interlocuteurs: l’usage réciproque de tu marquera une relation familière, de proximité ou
de corporation; l’emploi réciproque de vous une relation distante, vraisemblablement égalitaire; l’usage non réciproque de tu indiquera une asymétrie entre les interlocuteurs. Une des tâches de l’analyse des conversations est donc de décrire la
relation qui s’établit entre les interactants à travers l’échange verbal. On distingue
à ce sujet, entre autres, deux aspects de la composante relationnelle qui sont par
ailleurs étroitement liés entre eux: la construction de la relation interpersonnelle
et la politesse.
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1.1 La construction de la relation interpersonnelle
On distingue deux axes dans la relation interpersonnelle. La relation verticale
mesure le degré de distance en termes de pouvoir, de domination, d’autorité, éventuels d’un participant sur l’autre (égalitaire ou hiérarchique). Elle est de nature
asymétrique. La dimension horizontale de la relation renvoie au fait que les interactants peuvent se montrer plus ou moins proches ou éloignés l’un de l’autre (relation d’intimité, de familiarité ou de distance). La distance interpersonnelle est
fonction de leur degré de connaissance mutuelle. La relation évolue dans le sens
d’un rapprochement progressif («Il est peut-être temps qu’on se tutoie»). Elle
dépend aussi de la nature du lien socio-affectif qui les unit: la sympathie, l’indifférence, l’amitié, etc. En effet, de temps à autre on est disposé à brûler les étapes avec
certains inconnus. Le cas idéal de la relation horizontale se caractérise par sa
gradualité (continuum entre ces deux extrêmes que sont le familier et l’étranger)
ainsi que par sa symétrie et sa réciprocité (Kerbrat-Orecchioni 1992:39s.).
To: Ao ————————————————— Bo
T1: Ao ⎯→ A1 —————————— B1 ←⎯ Bo
Si la relation dépend de facteurs externes tels que les propriétés intrinsèques des
participants (pouvoir, savoir, rôles, sexe, âge, etc.), le type de contrat communicatif, la nature de la relation existant au préalable, etc., ces contraintes leur laissent
une certaine marge de manœuvre3. Toute relation interpersonnelle, de même que
la situation, est également construite au fur et à mesure que l’interaction progresse. La communication de face-à-face est une action qui affecte (altère ou maintient) les relations de soi et d’autrui (Labov/Fanshel 1977:59). Les comportements
langagiers peuvent, d’une part, venir confirmer et, d’autre part, contester la relation existante a priori grâce à la manipulation des relationèmes (Kerbrat-Orecchioni 1992:72). Ainsi, si j’aborde mon interlocuteur en le tutoyant, j’essaie d’établir une relation avec lui sur des bases amicales et familières. En revanche, si je le
vouvoie en indiquant mon nom de famille et peut-être mon statut professionnel,
je lui signifie que je préfère instaurer une relation distante. De même, l’accomplissement des actes de discours revient automatiquement à se situer par rapport
à l’autre: si je vous donne un ordre, c’est que j’estime en avoir le droit4. Les relationèmes sont donc à considérer à la fois comme des reflets et des constructeurs
de la relation interpersonnelle.
3 Cette marge de manœuvre varie bien sûr selon la situation communicative (contexte institutionnel vs. familier) ainsi que la solidité de la relation.
4 Parmi les autres marqueurs verbaux de la distance, on signalera les thèmes abordés (personnels ou impersonnels), la variété de langue utilisée, etc. Pour ce qui est des marqueurs paraverbaux, la voix est le support idéal pour exprimer la distance psychologique et sociale à l’autre.
Finalement, la distance spatiale, les gestes (accueillir à bras ouverts), le contact corporel, la durée
et l’intensité des contacts oculaires, la mimique faciale (rire, sourire), etc. sont des marqueurs non
verbaux (Kerbrat-Orecchioni 1992:41).
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1.2 Le fonctionnement de la politesse
Le modèle de la politesse de Brown/Levinson 1987 constitue le cadre théorique
le plus cohérent et le plus puissant. En reprenant les notions goffmaniennes de face
(Goffman 1974:9) et de territoire (Goffman 1973/2, chap. 2), Brown/Levinson postulent que tout acteur social est investi
– d’une face négative (les possessions territoriales au sens large du terme: les territoires corporel, spatial, temporel, cognitif (secrets, vie privée) et discursif (le droit à la parole);
– d’une face positive (le narcissisme de l’individu, l’idée de soi à laquelle on tient).
Or, tout individu est guidé par le désir de préservation de chacune de ses deux
faces (face wants): d’un côté, il essaie de défendre le territoire personnel et, de
l’autre, il veut être reconnu et apprécié par les autres. Ces désirs contradictoires
sont difficilement conciliables, car pour reconnaître autrui et en être reconnu, on
doit ouvrir la voie à des intrusions territoriales de part et d’autre.
Autonomy is often realized only at the cost of lower acceptance, and acceptance is often purchased only at the cost of lower autonomy. (Arndt/Janney 1987:378)
En effet, «s’enquérir de la santé de quelqu’un, de sa famille ou de l’état de ses
affaires, c’est lui manifester un signe de sympathie et d’intérêt; mais, d’une certaine façon, c’est aussi empiéter sur ses réserves» (Goffman 1974:65). Voilà pourquoi pour Brown/Levinson et pour Goffman, tout contact avec autrui est source
de conflit potentiel. En effet, non seulement les actes de discours particulièrement dérangeants (questions indiscrètes, critiques, requêtes, etc.) mais également
les signes d’intérêt envers autrui seraient potentiellement menaçants pour l’une
et/ou l’autre des quatre faces des interlocuteurs. D’où l’appellation Face Threatening Acts (= FTA). La vie en société est rendue problématique également par
la nécessité du souci mutuel du ménagement des faces. En effet, il est de l’intérêt de chacun des interlocuteurs de maintenir la face de l’autre, afin de ne pas
mettre en danger la sienne propre: «Désirant sauver la face d’autrui, on doit
éviter de perdre la sienne, et, cherchant à sauver la face, on doit se garder de la
faire perdre aux autres.» (Goffman 1974:17). La nature intrinsèquement contradictoire des face wants, d’une part, et la nécessité de concilier le ménagement
d’autrui avec la protection de soi, d’autre part, donnent lieu aux innombrables
situations de double contrainte5 de la vie quotidienne. Le moyen permettant de
résoudre la contradiction inhérente à la volonté des interlocuteurs de s’auto-préserver, d’une part, et d’éviter de heurter les faces d’autrui, d’autre part, est ap5 L’hypothèse de la double contrainte, qui remonte à Bateson et al. 1956, consiste à voir l’origine de la schizophrénie infantile dans un réseau de relations contradictoires entre la mère et
l’enfant dans le cadre d’une famille où le père est absent: la mère met l’enfant dans une situation
où aucun choix n’est possible (Winkin [ed.] 1981:33ss.).
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pelé par Goffman face-work, terme qu’il est convenu de traduire en français par
travail de figuration (Goffman 1974:15). Pour Brown/Levinson 1987, les participants y parviennent en mettant en œuvre diverses stratégies de politesse qu’ils
regroupent en cinq super-stratégies. Finalement, le principe de réciprocité est fondamental pour le ménagement mutuel des faces6. Ce système de préservation
fonctionne aussi longtemps que tous les participants adhèrent au même principe,
c’est-à-dire tant qu’ils s’efforcent mutuellement de sauver la face de l’autre, comme l’énonce Philinte:
Lorsqu’un homme vous vient embrasser avec joie,
Il faut bien le payer de la même monnoie,
Répondre, comme on peut, à ses empressements,
Et rendre offre pour offre, et serments pour serments. (i,1, v. 37-40)
Cela dit, comme les contraintes relatives à la protection de la face d’autrui sont
plus impératives que celles relatives à sa propre face, cette réciprocité est asymétrique.
2. La relation interpersonnelle: une donnée provisoire et négociable
La scène i,2 illustre parfaitement les heurs et malheurs de la négociation de la
relation interpersonnelle, et plus précisément de la distance interpersonnelle. Les
négociations sont déclenchées en cas de non-coïncidence manifeste entre les définitions que proposent les interactants de la situation ainsi que de leur relation. En
principe, toutes les composantes de l’interaction et tous les relationèmes peuvent
donner lieu à négociation: le thème de l’échange, le choix lexical («Tu appelles ça
une voiture?»), les opinions, la structuration de l’interaction («Pourquoi tu me
coupes toujours la parole?»), la relation interpersonnelle («Tu te prends pour
qui?»), etc. (Kerbrat-Orecchioni 1992:58). En effet, la relation est généralement
négociable. Les interactants s’efforcent de maintenir la relation au niveau adéquat:
ni trop intime ni trop distante, etc. Or, si le cas idéal de la relation horizontale se
caractérise par la réciprocité, il arrive que les interactants ne soient pas d’accord
entre eux sur le type de relation qu’il convient d’instituer: p. ex., l’attitude d’autrui
est jugée trop familière, ce qui peut entraîner une irritation. Ils peuvent alors soit
mettre en œuvre des procédés de réajustement pour garder les distances (p. ex., si
l’on veut éviter l’instauration d’une relation d’intimité avec un interlocuteur, on
reculera son siège ou on réduira les contacts oculaires), soit ils peuvent se livrer à
une négociation de la distance.
6 Voir à cet effet les proverbes et les maximes dans différentes langues: «Iuris praecepta sunt
haec: honeste vivere, alterum non laedere, suum cuique tribuere»; «Was du nicht willst, dass man
dir tu, das füg auch keinem andern zu».
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La notion de négociation conversationnelle a fait couler des flots d’encre. Il existe différentes approches de cette notion (cf. Traverso 1999)7. Il suffit pour notre
propos de retenir que cette notion illustre la perspective dynamique des faits de
discours. Nous faisons nôtre la conception de négociation comme mode de résolution des désaccords proposée par Kerbrat-Orecchioni 1984. Dans cette perspective, toute négociation trouve sa source dans un désaccord ou dans un problème
qu’elle a pour fonction de résoudre. Elle constitue donc un blocage momentané de
l’interaction principale (Traverso 1996:186). La définition de la situation que le
locuteur propose (p. ex., relationèmes, thèmes de l’échange, choix lexicaux, opinions, etc.) peut en effet déclencher trois types de réactions:
a. la confirmation: A accepte la définition de L;
b. le désaccord: A conteste cette définition;
c. le déni: la définition n’est pas enregistrée.
Si la définition du locuteur est acceptée, l’interaction se poursuit sans interruption.
En cas de déni, la négociation est désespérée, puisque cela revient à ignorer l’autre;
mais en même temps, cette attitude peut permettre d’éviter toute polémique. La
négociation est en revanche de mise en cas de désaccord manifeste. Pour qu’on
puisse parler de négociation, et conformément à la motivation de cette métaphore diplomatique, il faut donc
a. qu’au départ, surgissent certains conflits, désaccords, en raison de la non-coïncidence des
définitions que proposent les interactants de la situation;
b. que le conflit ou le désaccord soit identifié et verbalisé de manière plus ou moins explicite
par au moins l’un des interactants;
c. que les interactants tentent de résoudre au moins partiellement les conflits en question grâce à certaines concessions effectuées de part et/ou d’autre.
d. Les négociations sont menées en commun par les interactants et sont censées établir un
certain nombre d’accords sans lesquels cet échange ne peut se poursuivre.
(Kerbrat-Orecchioni 1984:237)
Les cas de figure suivants peuvent se présenter comme issue de la négociation:
1. réussite de la négociation
a. Les deux interactants modifient leurs attitudes mutuelles et parviennent à un compromis
satisfaisant.
b. L’un des deux interactants accepte de plein gré de s’aligner sur la position de l’autre.
7 Selon Traverso 1999, la négociation comme co-construction, d’inspiration ethnométhodologique, est la conception la plus englobante. En effet, elle associe la négociation à l’activité de
coordination inhérente au processus même de l’interaction, ce qui porte à englober sous «négociation» tous les phénomènes interactionnels. En revanche, pour les conceptions plus restreintes
telles que la négociation comme mode de résolution des désaccords, seuls les aspects problématiques de ce qui se passe au cours de la co-construction relèvent de la négociation.
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2. échec de la négociation
c. Les deux interactants restent figés sur leurs positions initiales.
b. L’un des deux l’emporte à la faveur d’un coup de force ou du recours à la violence.
3. Analyse du texte
3.1 La bipartition de la scène
Toute la scène qui correspond à l’interaction entre Alceste et Oronte peut être
divisée en deux séquences bien distinctes.
Séquence I:Avant la critique ouverte du sonnet (v. 250-375).1.l’offre d’amitié (prérequête) (v. 250-87); 2. le sonnet: trois sous-séquences (v. 294-376): a. la demande de
jugement du sonnet (v. 294-304), b. la lecture du sonnet (v. 305-32), c. le début de la
critique du sonnet (v. 333-76). – Cette première séquence comprend deux grands
échanges.Oronte semble recourir à la déclaration d’amitié en vue de la présentation
du sonnet. Toute la séquence de l’offre d’amitié semble donc être subordonnée à
celle du sonnet: celle-là n’est au fond qu’une captatio benevolentiae.
Séquence II: Après la critique ouverte du sonnet (v. 376-fin de la scène). – Dans la
première séquence, l’interaction se déroule sur un mode consensuel. On reste dans
le cadre de la volonté de préservation mutuelle des faces. En revanche, la deuxième séquence est sous le signe de la polémique: l’interaction se déroule sur un mode
conflictuel (v. 376-438).
3.2 Analyse des négociations
L’humanité tout entière paraît mauvaise à Alceste. Son caractère si opposé à la
politesse de l’honnête homme le rend insupportable en société. D’ailleurs, la première apparition du mot politesse, qui témoigne de l’idéal de l’honnête homme, remonte à cette époque. Au lieu de s’adapter à la société qui l’entoure, il s’enferme
en lui-même; il estime qu’il a raison tout seul contre le monde entier. Alceste vient
d’affirmer qu’il faut toujours dire la vérité et voilà qu’un gentilhomme poète vient
lui demander son avis sur son sonnet. Cependant, bien qu’Alceste exalte la sincérité et l’authenticité, il fait bel et bien des concessions à la société. Or, face à la proposition d’amitié d’Oronte, aux compliments de celui-ci, à la proposition de juger
de la qualité du sonnet, au début de sa critique du sonnet, Alceste se livre à des
négociations et/ou à du travail de figuration. Si les négociations traduisent, d’un
côté, son désaccord et sa volonté de le manifester ouvertement, de l’autre, elles
révèlent l’espoir d’Alceste de parvenir à un accord à l’amiable avec Oronte, et ce
d’autant plus qu’au cours de ces négociations, il se livre à du travail de figuration.
Nous avons affaire à deux personnages foncièrement différents, qui n’ont rien
en commun. Mais Oronte semble faire peu de cas de cette altérité. Non seulement
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c’est à Oronte que revient toute initiative, Alceste étant toujours passif, voire indifférent, mais on observe également que chaque proposition d’Oronte se heurte
au désaccord d’Alceste. Rien n’est acquis ni partagé, tout doit faire l’objet d’une
négociation qui vise à spéficier la façon dont les deux personnages sont censés
communiquer entre eux. On est donc très loin de la définition que donne Cosnier
de l’amitié:
L’existence d’un lien amical est basée sur la connaissance mutuelle des deux partenaires, c’està-dire sur le développement d’une plate-forme communicative commune et d’une histoire
relationnelle qui leur permettent de communiquer agréablement: chacun connaît les schèmes
interprétatifs du partenaire; un consensus est établi sur les places respectives, les expressions
et impressions revendiquées par chacun. Cela permet un fonctionnement «économique» de la
relation, sur le plan interactif et sur le plan informatif et donne cette impression de connivence caractéristique des relations amicales bien établies. (Cosnier 1994:51s.)
Or, si l’échange sur l’amitié porte explicitement sur la relation interpersonnelle, on
verra que les négociations relatives au pacte de sincérité, à la critique du sonnet,
etc. s’expliquent elles aussi par des considérations relationnelles.
3.2.1 La proposition d’amitié (v. 250-87): une négocation de la distance interpersonnelle
Pourquoi peut-on dire qu’il s’agit d’une négociation? L’échange portant sur l’offre
d’amitié commence au vers 250 (début de l’intervention d’Oronte) et se clôt au
vers 284 (fin de la réplique d’Alceste). Or, Oronte ne se montre satisfait de la
réponse d’Alceste qu’au vers 285. Entre les vers 261 et 284, il y a une parenthèse
indispensable pour parvenir à l’accord des interactants. Pourquoi cette négociation? Oronte offre son amitié à Alceste qu’il connaît à peine. On serait même tenté
de dire qu’il lui fait «des avances»:
Et que, depuis longtemps, cette estime m’a mis
Dans un ardent désir d’être de vos amis. (v. 255s.)
Certes, cette façon d’aborder les gens semble avoir été une pratique courante des
courtisans du xviie siècle. De même qu’Oronte offre son amitié à Alceste, Philinte
vient d’en faire autant avec un inconnu, ce qui déplaît à Alceste:
Quel avantage a-t-on qu’un homme vous caresse,
Vous jure amitié, foi, zèle, estime, tendresse
Et vous fasse de vous un éloge éclatant,
Lorsqu’au premier faquin il court en faire autant? (i,1, v. 49-52)
Toujours est-il qu’Alceste et Oronte n’ont pas la même conception de l’autonomie
de l’autre. Alceste défend de manière excessive son territoire (face négative): il
sacrifie tout sur l’autel de l’autonomie. Son désir d’autonomie est si grand qu’il va
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jusqu’à ignorer les besoins de valorisation de la face positive des autres. En fin de
compte, il peut même se passer des autres. En revanche, Oronte, courtisan prototypique, vit de l’acceptation et des flatteries des autres, ce qui l’empêche de respecter leur autonomie. Surtout, ils n’ont pas la même définition de la notion d’amitié. En fait, Alceste prend l’amitié très (trop) au sérieux. La démarche d’Oronte
plonge Alceste dans l’embarras dans la mesure où pour celui-ci l’amitié ne saurait
se construire sur une offre ou une promesse; elle est plutôt le résultat d’un long
processus. Bref, ce sont les actes et non les mots qui la construisent. Si d’un côté la
proposition d’amitié d’Oronte est un acte valorisant pour la face positive d’Alceste, de l’autre, elle est un véritable accélérateur de la relation et représente une
invasion territoriale très lourde (FTA). En effet, nous avons vu que dans le cas
idéal, la distance horizontale est symétrique. En offrant son amitié à Alceste,
Oronte veut brûler les étapes:
To: Ao ——————————————————— Oo (situation de départ)
T1: A1 ————— O1 ←⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯ Oo (Oronte fait des avances.)
Aux yeux d’Alceste, Oronte bafoue une règle implicite dans la construction de la
relation interpersonnelle, règle que lui rappelle Alceste par un énoncé méta-relationnel: «Avant que nous lier, il faut nous mieux connaître» (v. 282). Il y a donc surgissement d’une divergence sur la définition de la distance qui sépare Alceste et
Oronte. Si la définition de la relation interpersonnelle proposée par Oronte n’est
pas partagée par Alceste, la négociation n’a pourtant pas lieu tout de suite. Que se
passe-t-il entre la fin de l’intervention d’Oronte et le début de la négociation?
L’indication scénographique «En cet endroit Alceste paraît tout rêveur, et semble
n’entendre pas qu’Oronte lui parle» (v. 260) montre que la première réaction
d’Alceste est celle qui consiste à se dérober. En d’autres termes, cette première réaction à l’offre d’amitié est le déni de la définition proposée par Oronte: pour éviter la dispute, Alceste préfère ne pas exprimer son désaccord. La négociation n’est
possible que si le désaccord est effectivement reconnu et thématisé. Or, ce n’est
pas le déni en soi qui oblige Oronte à revenir à la charge, mais plutôt le fait qu’Alceste fasse la sourde oreille. En effet, le déni est un moyen certes insincère, mais
en tant que stratégie d’évitement, il s’avère très efficace pour dissimuler un différend. De cette manière, il ne saurait y avoir d’accrochage. Il aurait donc suffi d’une
réponse élusive pour contenter Oronte. C’est donc Oronte lui-même, fait symptomatique, qui déclenche la négociation après avoir identifié le déni d’Alceste:
Oronte: C’est à vous, s’il vous plaît, que ce discours s’adresse.
Alceste: A moi, monsieur?
Oronte: A vous. Trouvez-vous qu’il vous blesse? (v. 261s.)8
8 On pourrait certes interpréter cette insistance d’Oronte par la nécessité de réagir à la nonréaction d’Alceste pour sauver sa face. Cependant, il ne faut pas oublier que son véritable but,
c’est de pouvoir déclamer son sonnet.
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Face à l’initiative d’Oronte, Alceste proteste («Non pas») et explique qu’il est
surpris en se disant honoré (c’est un refus poli). Oronte renchérit en poussant les
compliments à l’extrême: cela sert de justification à sa proposition d’amitié.
Alceste proteste; Oronte réitère son offre d’amitié en soulignant sa sincérité
(v. 271). Il ne se contente pas d’une confirmation verbale de la part d’Alceste, mais
il lui demande également un geste symbolique:
Touchez là, s’il vous plaît; vous me la promettez,
Votre amitié? (v. 275s.)
Alceste hésite, et suite à la réaction indignée d’Oronte («Quoi! vous y résistez?»,
v. 276), Alceste devient plus explicite, du moins dans les limites du possible. Pour
signifier son refus, il le justifie par sa tirade sur l’amitié, où il énonce et défend les
valeurs qui sous-tendent son interprétation des rapports humains9. Ce n’est pas un
problème personnel qui l’oppose à Oronte, mais c’est plutôt un problème existentiel qui l’oppose à la société entière. Ses valeurs sont diamétralement opposées à
celles de la plupart des individus qui l’entourent, partant aussi à celles d’Oronte.
Alceste est un marginal!
L’issue de la négociation est apparemment positive. Mais c’est un compromis
unilatéral dans la mesure où Oronte accepte le rejet de sa définition de la relation
interpersonnelle en s’alignant (ou en feignant de s’aligner) sur la position d’Alceste:
T2: A2 ⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯⎯→ O2 (Alceste remet Oronte à sa place.)
Il lui reste la consolation que sa proposition n’a pas été rejetée de manière définitive. Au contraire, aux yeux d’Oronte, Alceste semble s’engager à quelque chose:
Souffrons donc que le temps forme des nœuds si doux. (v. 287)
Oronte en fait même une raison supplémentaire pour «l’estimer davantage»
(v. 286).
Cela dit, la négociation de la distance horizontale réussit grâce au travail de figuration. Alceste se trouve pris dans une situation de double contrainte à cause de
la proposition d’amitié d’Oronte. En effet, il doit défendre son propre territoire
tout en essayant de sauver le narcissisme de son imprudent «ami». Quand il s’agit
de remettre Oronte à sa place, Alceste tente d’abord de ménager la chèvre et le
chou10. Oronte risquerait de perdre la face (indépendamment de son hypocrisie)
s’il devait essuyer un refus d’Alceste. Celui-ci lui fait des concessions, afin de gar9 Ajoutons que c’est presque un monologue, dans la mesure où il n’y a pas vraiment d’interaction: Alceste lui fait la leçon!
10 Au fond, en faisant la sourde oreille, Alceste se livre à un travail de figuration par évitement, mais comme nous venons de voir, il s’y prend de manière un peu maladroite.
178
Giuseppe Manno
der une certaine harmonie, certes de façade seulement. Sollicité par Oronte,
Alceste refuse son amitié de manière très indirecte et détournée. Alceste ne prononce jamais le mot Non ou le verbe refuser. En outre, il explique son hésitation
par la surprise de se voir accorder tant d’honneur, ce qui revient à flatter indirectement la face positive d’Oronte:
Non pas; mais la surprise est fort grande pour moi,
Et je n’attendais pas l’honneur que je reçoi. (v. 263s.)
Or, Oronte interprète la démarche d’Alceste comme une protestation de pure
forme. Pour prouver à Alceste que celui-ci mérite son amitié, Oronte, le courtisan
prototypique, se livre donc à une activité qui lui convient particulièrement: les
compliments. Bien que les compliments soient des actes positifs, en ce qu’ils louent
la face positive du destinataire, dans certaines situations, ils peuvent plonger le
complimenté dans l’embarras. En effet, ils représentent des intrusions territoriales
et peuvent obliger le complimenté à faire des compliments à son tour. En outre,
l’acceptation de compliments est aussi dangereuse: pour ne pas paraître immodeste, on se sent souvent obligé de rabaisser l’objet du compliment, ce qui porte
en fin de compte à endommager sa propre face. Mais c’est également une menace
potentielle pour la face positive du complimenteur, qui, en cas de refus, risque
d’être froissé. Alceste adopte une position de compromis face à cet acte ambivalent. Pour ne pas blesser Oronte, il ne repousse donc pas ses compliments avec
brusquerie. On assiste à un ballet mondain: compliment-protestation-rejet de la
protestation avec surenchère. La politesse est donc opératoire, car c’est le seul
moyen d’éviter la rupture.
Ensuite, face à la réaction insistante d’Oronte (v. 275s.), Alceste, au lieu d’expliciter le refus, se dit indigne de son amitié. En se rabaissant, il flatte indirectement
la face positive d’Oronte. Puis, il énonce sa tirade sur l’amitié. Celle-ci sert de justification indirecte du refus. Alceste avance plutôt une raison pour une réponse
négative, puisque l’information donnée ne fournit au fond que la base qui permet
d’inférer qu’il s’agit d’un refus:
Monsieur, c’est trop d’honneur que vous me voulez faire;
Mais l’amitié demande un peu plus de mystère. (v. 277s.)
La tirade sur l’amitié contient un travail de figuration très élaboré. En premier
lieu, Alceste tente de ménager Oronte par une formulation très prudente qui se
fonde sur un discours généralisant et impersonnel. Cela permet de mieux mettre
à distance la menace («l’amitié demande un peu plus de mystère»). Les prévisions
sombres d’Alceste portent à penser qu’il se montre tout de même soucieux du rapport avec Oronte. Finalement,Alceste présente son refus comme provisoire, ce qui
est une stratégie de refus très adroite dans la mesure où celui qui essuie le refus
garde un certain espoir (cf. Manno 1999). Oronte fait-il bonne mine à mauvais jeu?
Alceste et Oronte: un dialogue de sourds
179
Peu importe! Ce qui importe, c’est qu’il sauve sa face et que la dispute ait été
évitée. La relation reste harmonieuse. Mais sous des dehors de consensus, la
divergence reste pourtant latente, comme la suite le prouvera.
3.2.2 Le sonnet: à défaut d’un pacte d’amitié, Alceste accepte un pacte de sincérité
Oronte n’est sans doute pas sincère. Son offre ne semble pas être tout à fait désintéressée, car elle n’est de toute évidence qu’un préliminaire au véritable but de sa
visite. De fait, après avoir été remis à sa place, Oronte glisse vers un autre thème:
il aimerait déclamer son sonnet. Oronte se pique de poésie. La société de la cour
était une société d’oisifs: ayant perdu le pouvoir, les nobles se lançaient dans
l’activité littéraire qui leur permettait d’affirmer leur personnalité (par exemple,
La Rochefoucauld, Saint-Simon). Oronte en offre une illustration caricaturale. Il
veut faire Alceste juge de son sonnet, pour récolter des louanges. En effet, si d’un
côté il est prodigue en compliments:
Oui, mon cœur au mérite aime à rendre justice. (v. 257)
L’Etat n’a rien qui soit au-dessous
Du mérite éclatant que l’on découvre en vous. (v. 267s.)
de l’autre, il ressort clairement de cette scène qu’il loue les autres, pour qu’ils le
louent à leur tour. Même lorsqu’il se montre généreux, ce n’est que pour mieux se
valoriser:
Je crois qu’un ami chaud, et de ma qualité. (v. 259)
On sait qu’auprès du Roi, je fais quelque figure;
Il m’écoute; et dans tout il en use, ma foi! (v. 290s.)
Aux vers 286-93, on relève une phase de transition entre la fin de la négociation
de la distance interpersonnelle et le début de l’échange sur le sonnet. Oronte offre
à Alceste ses services auprès du roi. Certes, Oronte introduit le thème du sonnet
sous prétexte que l’esprit d’Alceste «a de grandes lumières» et comme signe du
début de leur «amitié». Pourtant, le connecteur «Et», qui ne marque aucun lien
causal dans l’enchaînement entre l’offre de services et le sonnet, mais une simple
juxtaposition, trahit sa stratégie: c’est là qu’il voulait en venir par tous les moyens.
Oronte ne peut pas déclamer son sonnet tout de suite. Au lieu d’un «Je le veux
bien», l’échange ayant pour thème le sonnet est interrompu par le refus d’Alceste
d’entrer en matière, et il ne se poursuit qu’au vers 304. Cela déclenche une nouvelle séquence de négociation (v. 298-304). En vérité, l’échange sur le sonnet donne lieu à plusieurs négociations. La première commence après la formulation de la
demande de jugement:
Vous montrer un sonnet que j’ai fait depuis peu,
Et savoir s’il est bon qu’au public je l’expose. (v. 296s.)
180
Giuseppe Manno
Alceste refuse de répondre prétextant qu’il n’est pas assez compétent:
Monsieur, je suis mal propre à décider la chose;
Veuillez m’en dispenser. (v. 298s.)
Ce n’est pas l’acte de refus en soi qui déclenche une négociation. Le refus fait partie de l’interaction normale. C’est le désaccord d’Oronte face au refus («Pourquoi?») qui ouvre la négociation. La raison de cette divergence est l’inappropriation du thème abordé au vu de la distance interpersonnelle. En effet, les thèmes
peuvent être mis en corrélation avec la relation instituée. Demander l’avis
d’Alceste au sujet de son sonnet est un acte de confiance. Cet aspect est géré
d’habitude avec précaution, car on éprouve un malaise lorsqu’on refuse de nous
suivre sur le terrain de la confidence. Or, si l’on considère qu’Alceste vient de lui
interdire de le considérer comme un ami, cette démarche paraîtra déplacée dans
le type de relation instauré par les deux. On pourrait alors dire qu’Oronte est chassé par la porte mais qu’il revient par la fenêtre! En effet, Oronte est bien conscient
de l’aspect confidentiel de la question, car il justifie aussi son acte «pour commencer entre nous ce beau nœud» (v. 295)11.
Cela dit, on remarque qu’Alceste, malgré ses déclarations, se livre à du travail
de figuration. D’abord, il demande poliment à en être dispensé (v. 297). Ensuite, à
la question d’Oronte «Pourquoi?», Alceste adopte un hétéro-discours qui l’autodévalorise en même temps qu’il communique implicitement son pessimisme sur la
qualité du poème, qu’il ne connaît pas encore:
J’ai le défaut
D’être un peu plus sincère en cela qu’il ne faut. (v. 299s.)
Alceste a beau se récuser, il doit céder. Mais il y a une négociation portant sur la
façon dont il convient d’aborder et de traiter le thème. On pourrait l’appeler
négociation des termes du contrat communicatif. Cette négociation semble réussir.
Oronte se déclare d’accord pour avoir un contrat de sincérité (fin de la négociation, v. 304), et Alceste accepte d’en juger. À première vue, Alceste dicte les règles
du jeu, et Oronte s’aligne sur la position d’Alceste pour pouvoir déclamer son sonnet. Pourtant, l’harmonie est trompeuse. En effet, le malentendu s’installe au cœur
de l’interaction. Ce malentendu dérive de la définition divergente de la sincérité.
Alceste n’a nullement l’intention de flatter Oronte, si la qualité du sonnet devait
s’avérer mauvaise. En revanche, Oronte, malgré ses propos réitérés prônant la
sincérité, ne s’attend qu’à un jugement positif: le courtisan croit qu’Alceste est en
train d’anticiper les protestations de sincérité12.
Cependant, il ne faut pas perdre de vue que le sonnet est le véritable but de sa visite.
Oronte lui-même insiste sur la règle de sincérité (d’un cœur véritable, à cœur ouvert) qui,
étant présupposée, n’aurait au fond pas besoin d’être explicitée (v. 253, 271, 273).
11
12
Alceste et Oronte: un dialogue de sourds
181
3.2.3 La critique du sonnet donne lieu à une négociation du sens
Finalement, Oronte déclame son médiocre sonnet (v. 315-32). Philinte fait les compliments d’usage, même avant la fin du sonnet. Oronte apprécie tout en rabaissant
la qualité du sonnet. Mais il n’oublie pas le pacte avec Alceste, qui aimerait ne pas
devoir manifester son opinion. Une fois de plus, Alceste ne se prononce pas spontanément; il prend la parole seulement après avoir été sollicité («Parlez-moi, je
vous prie, avec sincérité», v. 340). Si la demande de prise de position d’Oronte se
situe aux vers 339s., la réponse sincère d’Alceste ne se trouve qu’au vers 376
(«Franchement, il est bon à mettre au cabinet»). Il faut considérer la séquence intercalée entre la première prise de position et la réponse sincère comme une
négociation du sens. En effet, puisqu’Alceste essaie de suggérer à Oronte son opinion, il a recours à des moyens détournés. Or, plus la valeur des énoncés est floue
(p. ex., ironie, allusions, insinuations, etc.), plus les locuteurs sont amenés à montrer comment ils interprètent leurs énoncés (cf. Brown/Levinson 1987:69). Au
fond, cette négociation du sens réussit, puisque les deux se mettent d’accord sur le
sens exact qu’Alceste attribue à ses paroles. Pourtant, s’il y a réussite au niveau du
contenu, c’est au niveau relationnel que les choses se gâtent. Malgré les protestations de sincérité, personne ne veut s’entendre dire des vérités désagréables. D’où
la polémique. Si besoin en est, on reconnaît la primauté du relationnel. Pour Leech
1983:131, la politesse a un rôle régulateur supérieur au principe de coopération de
Grice 1975, qui est voué à la transmission des informations de manière claire et
rationnelle, puisqu’une relation perturbée menace le bon déroulement de la communication.
En vérité, ce n’est qu’après de longs détours qu’Alceste s’est décidé à ne plus
mâcher ses mots. Alceste met à profit au cours de cette négociation d’innombrables stratégies d’atténuation. Tous ces détours s’expliquent par la volonté de ne
pas blesser Oronte, en lui donnant la possibilité de comprendre son opinion défavorable sans devoir essuyer la honte de l’entendre prononcer. Alceste essaie de
suggérer à Oronte qu’un gentilhomme ne doit pas se ridiculiser en publiant des
vers aussi mauvais. La réponse directe s’insère à la fin d’un long parcours conçu
par Molière comme un crescendo. Avant la négociation même, nous avons vu
qu’Alceste prend la parole seulement après avoir été sollicité (v. 339s.): il s’agit
donc d’une stratégie d’évitement. Ensuite, on relève le recours à un discours
généralisant inclusif. Alceste s’inclut dans la critique qu’il adresse à Oronte («Et
sur le bel esprit nous aimons qu’on nous flatte», v. 342). Après, Alceste recourt à
un trope communicationnel qui «consiste à feindre d’adresser à A1 un énoncé qui
est en réalité destiné à A2» (Kerbrat-Orecchioni 1992:212s.). Cette manifestation
particulière de la communication allusive met à distance l’acte délicat. En effet,
Alceste fait semblant de rapporter à Oronte les propos qu’il aurait adressés à
quelqu’un d’autre:
Mais un jour, à quelqu’un, dont je tairai le nom,
Je disais en voyant des vers de sa façon . . . (v. 343s.)
182
Giuseppe Manno
A l’intérieur du trope communicationnel, on relève d’abord du discours indirect
(«Je disais . . . qu’il faut»). Oronte a compris, mais il veut en avoir la confirmation
(«Est-ce que vous voulez me déclarer par là / Que j’ai tort de vouloir», v. 351s.).
Alceste dénie à trois reprises («Je ne dis pas cela», v. 352, 358, 362). Tout en restant
sur le mode du trope illocutoire, il passe ensuite au discours direct:
Je ne dis pas cela; mais enfin, lui disais-je,
Quel besoin si pressant avez-vous de rimer? (v. 362s.)
Oronte ne veut pas profiter de cette porte de sortie honorable. De guerre lasse,
Alceste énonce enfin: «Franchement, il est bon à mettre au cabinet» (v. 376). Et
d’opposer au goût précieux le naturel de la chanson du roi Henri. Bref, bien que la
négociation du sens réussisse tant bien que mal, son issue déclenche une polémique
autour de la qualité du sonnet. La prise de position sans ambages d’Alceste marque
un tournant décisif dans leur relation. Cela inaugure la deuxième séquence de la
scène, qui finit sur une querelle. La négociation, qui est le symptôme d’une divergence, doit s’accompagner de précautions rituelles, surtout si la divergence porte
sur la relation et sur l’identité des interactants (le sonnet est fondamental pour
Oronte). Cela dit, Alceste n’est pas le seul responsable de cette issue. On peut reprocher à Oronte son obstination et son aveuglement, car il ne fait rien pour éviter
à Alceste de devoir en arriver là. Il n’y a de pire aveugle que celui qui ne veut voir!
Le ménagement mutuel fonctionne si tout le monde y contribue. On a tout intérêt
à s’abstenir de solliciter l’avis de quelqu’un, non seulement pour ne pas subir une
humiliation, mais également pour que l’autre ne soit pas obligé de devoir nous humilier! Goffman dit justement à propos de la communication officieuse (allusions,
insinuations, ambiguïtés, etc.) que «la règle veut que l’expéditeur fasse comme s’il
n’avait pas réellement émis le message impliqué, tandis que les destinataires ont le
droit et l’obligation de faire comme s’ils n’avaient pas déchiffré l’allusion» (Goffman 1974:29). Mais Oronte n’est pas conscient de la logique de la politesse!
3.3 Analyse de la deuxième séquence
Alors que jusque là l’interaction s’était déroulée sur un mode pacifique et consensuel, à partir de ce moment, elle sera conflictuelle13. Malgré les atténuateurs apparents (Oronte: Croyez-vous . . . je voudrais bien;Alceste: s’il vous plaît), il n’y a plus
de travail de figuration entre les interactants. Au contraire, il y a un durcissement
des positions (v. 429s.). Au lieu d’essayer de ménager la face d’autrui, chaque personnage l’agresse plutôt, grâce à l’ironie et au sarcasme:
13 Reste à savoir si le conflit éclate déjà aux vers 376-416 avec la critique ouverte d’Alceste
ou plutôt avec l’intervention d’Oronte qui n’accepte pas sa critique («Et moi, je vous soutiens
que mes vers sont fort bons», v. 417).
Alceste et Oronte: un dialogue de sourds
183
Oronte: Mais, mon petit monsieur, prenez-le un peu moins haut. (v. 433)
Nos deux personnages restent figés sur leurs positions. Oronte conteste la pertinence de la critique négative d’Alceste, et celui-ci insiste: Alceste le trouve mauvais, et Oronte soutient le contraire, en bafouant la règle de modestie:
Et moi, je vous soutiens que mes vers sont fort bons. (v. 417)
D’habitude, si le désaccord est irréductible, on a la possibilité de changer de thème,
à moins que la divergence ne soit trop profonde. Mais là, il s’agit de la manifestation d’une altérité radicale. D’où l’échec total de la négociation et la mort de
l’interaction. La rupture est consommée. Philinte doit même intervenir pour éviter l’affrontement physique des interlocuteurs. Il essaie de faire faire la paix aux
belligérants, ou du moins de leur faire signer un armistice. Mais la réconciliation
ne sera atteinte que par le biais d’une instance médiatrice officielle: le tribunal
d’honneur.
On hésite à parler d’une négociation d’opinions au sujet de la polémique autour
de la qualité du sonnet: alors que la négociation est un mode de traitement des
désaccords qui présuppose la volonté de rechercher l’accord, cette «négociation»
est accomplie de manière conflictuelle et houleuse. Certes, la polémique implique
la coopération des interlocuteurs: on fait preuve malgré tout de bonne volonté
communicative par le recours à certaines valeurs partagées et par le respect de certaines règles du jeu sans lesquelles l’interaction ne pourrait pas avoir lieu (Kerbrat-Orecchioni 1992:152). Toujours est-il qu’au moment où l’on s’engage dans
une polémique, l’issue de la négociation ne pourra être que négative (Durrer
1994:115), à moins que l’un des deux ne cède pour (faire semblant de) s’aligner sur
la position de l’autre. Mais on parviendra difficilement à un compromis satisfaisant14. Cela est rendu difficile, d’une part, par le déroulement agressif de l’interaction et, d’autre part, par les enjeux du débat. En effet, alors que le refus met en cause le seul contenu de l’énoncé, la réfutation met en cause l’énonciateur lui-même:
C’est souvent dans le passage de la réfutation des arguments à la récusation des intervenants
eux-mêmes que réside la dynamique d’un échange polémique, récusation dont l’insulte et, le
cas échéant, la provocation en duel, c’est-à-dire la tentative de mise à mort, sont le stade
ultime. (Durrer 1994:118)
En fin de compte, on ne sait pas exactement si la polémique est la cause ou bien
l’effet de l’échec de cette «négociation»!
14 Alors que pour Durrer 1994:115 l’échange polémique «ne peut pas s’achever sur un accord
final. Il n’y a pas de résolution possible à l’intérieur de ce schéma», Kerbrat-Orecchioni
1992:146 envisage trois issues possibles, dont une est positive: 1. les belligérants finissent par faire
la paix ou par signer un armistice (réconciliation soit sans soit avec une instance médiatrice);
2. la rupture est consommée; 3. la guerre verbale dégénère: affrontement corporel qui peut entraîner la mort de l’interaction ou des interlocuteurs.
184
Giuseppe Manno
4. Conclusion
Dans toute interaction, les négociations sont disséminées tout au long de la trame
conversationnelle dès l’ouverture jusqu’à la clôture. Pourtant, nous avons affaire
là à une interaction particulièrement problématique. En effet, les zones de turbulence dans le tissu conversationnel l’emportent largement sur les zones «saines»
de l’interaction. Ces troubles communicatifs sont l’indice d’une relation perturbée
entre les deux personnages, voire de leur incompatibilité foncière. Chaque initiative d’Oronte est contestée. Rien n’est acquis ni partagé, tout doit faire l’objet
d’une négociation qui vise à spéficier les règles du jeu. On est donc aux antipodes
d’une relation d’amitié.
Molière expose savamment Alceste à des situations de double contrainte pour
mettre en évidence son caractère contradictoire. En principe, pour Alceste, il ne
devrait pas y avoir de double contrainte dans la mesure où il affirme ne pas vouloir
entrer dans la logique de la politesse. Mais en fait, il reconnaît malgré tout une certaine pertinence aux règles de la politesse. Or, lorsqu’Alceste met en pratique son
programme, la conséquence de sa sincérité est néfaste: sa prise de position directe
déclenche la polémique et l’interruption de l’interaction. Oronte a l’intention de
le convoquer devant un tribunal d’honneur. On voit que Molière démontre l’impossibilité de l’application du credo d’Alceste: malgré les protestations de sincérité, les gens ne veulent pas toujours entendre la vérité («Toute vérité n’est pas bonne à dire»). D’où l’utilité des pieux mensonges, comme l’avait prédit Philinte dans
la scène précédente:
Il est bien des endroits où la pleine franchise
Deviendrait ridicule et serait peu permise;
. . . Il est bon de cacher ce qu’on a dans le cœur. (i,1, v. 73-76)
La politesse est le lubrifiant dans les rouages qui permet à la machine sociale de
fonctionner (Lacroix 1990). L’homme en tant qu’être social doit respecter les
autres membres de la communauté, pour en être respecté à son tour. L’étude des
profils conversationnels des trois personnages, sur la base de la théorie de
Brown/Levinson 1987, nous permet d’affirmer qu’ils symbolisent trois attitudes
différentes possibles pour résoudre les difficultés inhérentes, d’une part, à la conciliation de la nature intrinsèquement contradictoire des face wants et, d’autre part,
à la nécessité du souci mutuel du ménagement des faces. Alceste défend de manière excessive sa face négative: il sacrifie tout sur l’autel de l’autonomie, en ne
concédant rien à la valorisation des autres. En fin de compte, il peut même se passer des autres. D’où le titre de la pièce: le Misanthrope. En effet, Alceste fuira dans
le désert. Son besoin de sincérité n’est pourtant pas un geste noble, c’est plutôt
l’expression d’une certaine vision réductrice et puérile de la cohabitation sociale.
Qu’il ne puisse servir de modèle positif, cela ressort des innombrables contradictions d’Alceste: d’un côté, il prône la sincérité mais, de l’autre, il tombe amoureux
Alceste et Oronte: un dialogue de sourds
185
d’une coquette; il se dit indifférent aux compliments, mais il a un besoin très prononcé de signes de distinction («Quel avantage a-t-on qu’un homme vous caresse
. . . Lorsqu’au premier faquin il court en faire autant?», i,1, v. 49-52).
Quant à Oronte, il agit dans l’intérêt exclusif de son amour propre (face positive). Il vit de l’acceptation des autres sans pour autant vouloir respecter leur autonomie, quitte à renoncer à sa propre autonomie. Dans son système, les autres ne
sont plus que des outils destinés à satisfaire ses besoins et sa vanité. En fin de
compte, il ne prend personne au sérieux. Qu’Alceste refuse de louer ses vers, il lui
retire aussitôt son amitié. Mais il doit se tourner vers d’autres alliés: il a besoin des
autres pour survivre («Il me suffit de voir que d’autres en font cas», v. 421). S’il est
vrai qu’Alceste pourrait se sentir à l’aise dans le désert, Oronte y mourrait sans
doute. Cela dit, à tout prendre, Alceste et Oronte ne sont pas très dissemblables
dans leur égoïsme et dans leur aveuglement. En effet, chacun à sa manière est intransigeant et obstiné à la fois. L’accent outré mis sur une seule des quatre faces
leur fait perdre de vue les besoins des autres. En revanche, Philinte représente l’intégration sociale réfléchie, car il parvient à concilier les impulsions individuelles et
les impératifs collectifs. Il est différent des autres courtisans, puisque, conscient des
contraintes qui pèsent sur la société, il n’en est pas dupe. Alors qu’Alceste a
tendance à refuser les règles de politesse et qu’Oronte ne se rend même pas compte qu’il s’en sert, Philinte les respecte à bon escient. Bref, on voit à qui vont les
sympathies de Molière15.
Force nous est donc de conclure que l’interprétation de Rousseau, qui fait l’éloge
d’Alceste, ainsi que les interprétations des lecteurs contemporains encore imprégnés de romantisme, qui ressentent de la sympathie pour Alceste, paraissent sinon
«naïves», du moins anachroniques. En effet, il faut se garder de commettre les
mêmes erreurs que Molière attribue à ses propres personnages ridicules. Rappelons que l’auteur a voulu Alceste ridicule en lui prêtant une auto-satisfaction et un
manque d’humour déplaisants. En outre, on ne saurait interpréter les actes de personnages vivant à une époque donnée au sein d’une société ou d’un groupe donnés sans tenir compte des normes sous-tendant ces mêmes comportements. C’est
le même mécanisme qui porte par ailleurs à considérer les Asiatiques comme faux,
les Britanniques comme distants et réservés, en leur appliquant nos propres paramètres interprétatifs. S’il est vrai que la politesse mondaine et l’honnêteté sous le
règne personnel de Louis xiv étaient un véritable culte auquel se livraient les élites
aristocratiques et bourgeoises (Magendie 1925:437), ces «dérapages» ne sauraient
fournir des arguments contre l’utilité ou la nécessité de la politesse en général. Sans
la protection mutuelle des faces, la vie en société est impossible. L’organisation
sociale à l’époque de la monarchie absolue reposait sur des règles qu’il convenait
de respecter impérativement. Cette rigidité de l’étiquette, dont les courtisans et le
roi étaient esclaves, s’explique par la configuration socio-politique de l’époque. En
15 On peut se demander si Philinte adhère entièrement à l’idéal aristocratique, Molière étant
un roturier.
186
Giuseppe Manno
raison des revendications des nobles contre la royauté, ce jeu de la compromission
faisait figure d’acceptation des ordres politique, social, religieux, etc. Chaque société ou classe sociale a en fin de compte la politesse qu’elle «mérite».
L’analyse semble aussi démontrer que les négociations et les polémiques qui
portent apparemment sur la composante référentielle (p. ex., la qualité du sonnet),
se situent à un tout autre niveau, celui de la relation interpersonnelle. En effet, si
l’échange sur l’amitié porte explicitement sur la relation qui lie Alceste et Oronte,
les autres négociations découlent plus ou moins directement des problèmes relationnels des deux personnages. De surcroît, les négociations ont à leur tour des
répercussions sur la relation (l’accord rapproche, le désaccord éloigne). Ce que
Molière semble nous suggérer rejoint donc les thèses interactionnistes qui accordent la primauté à l’aspect relationnel sur l’aspect référentiel. En conclusion, le
message de Molière relatif aux rapports en société est plutôt décourageant: la vie
sociale n’est faite que de conflits larvés qui sont près de se manifester, et malgré
les négociations qui semblent souvent réussir, chacun campe sur ses positions. S’il
s’agit là d’une comédie, elle est bien sombre, voire tragique.
Zurich
Giuseppe Manno
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