Code de déontologie des policiers du Québec

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Code de déontologie des policiers du Québec
Code de déontologie
des policiers du Québec
SECTION I
DISPOSITIONS GÉNÉRALES
1. Le présent Code détermine les devoirs et normes de conduite des policiers dans leurs rapports avec le public
dans l'exercice de leurs fonctions.
Il s'applique à tout policier. Il s'applique également à tout constable spécial ainsi qu'à tout contrôleur routier de
même qu'à toute personne ayant autorité sur ce dernier, compte tenu des adaptations nécessaires.
2. Afin de promouvoir la qualité du service policier dans ses rapports avec le public, le policier favorise dans la
mesure de ses possibilités, le développement de sa profession par l'échange de ses connaissances et sa
participation aux cours et aux stages de formation permanente.
3. Le présent Code vise à assurer une meilleure protection des citoyens et citoyennes en développant au sein
des services policiers des normes élevées de services à la population et de conscience professionnelle dans le
respect des droits et libertés de la personne dont ceux inscrits dans la Charte des droits et libertés de la
personne.
4. Tout manquement ou omission concernant un devoir ou une norme de conduite prévu par le présent Code
constitue un acte dérogatoire et peut entraîner l'imposition d'une sanction en vertu de la Loi sur la police.
SECTION II
LES DEVOIRS ET NORMES
DE CONDUITE DU POLICIER
5. Le policier doit se comporter de manière à préserver la confiance et la considération que requiert sa fonction.
Notamment, le policier ne doit pas:
1°
faire usage d'un langage obscène, blasphématoire ou injurieux;
2°
omettre ou refuser de s'identifier par un document officiel alors qu'une personne lui en fait la
demande;
3°
omettre de porter une marque d'identification prescrite dans ses rapports directs avec une
personne du public;
4° poser des actes ou tenir des propos injurieux fondés sur la race, la couleur, le sexe, l'orientation
sexuelle, la religion, les convictions politiques, la langue, l'âge, la condition sociale, l'état civil, la
grossesse, l'origine ethnique ou nationale, le handicap d'une personne ou l'utilisation d'un moyen pour
pallier cet handicap;
5°
manquer de respect ou de politesse à l'égard d'une personne.
6. Le policier doit éviter toute forme d'abus d'autorité dans ses rapports avec le public.
Notamment, le policier ne doit pas:
1° avoir recours à une force plus grande que celle nécessaire pour accomplir ce qui lui est enjoint ou
permis de faire;
2°
faire des menaces, de l'intimidation ou du harcèlement;
3°
porter sciemment une accusation contre une personne sans justification;
4°
abuser de son autorité en vue d'obtenir une déclaration;
5°
détenir, aux fins de l'interroger, une personne qui n'est pas en état d'arrestation.
7. Le policier doit respecter l'autorité de la loi et des tribunaux et collaborer à l'administration de la justice.
Notamment, le policier ne doit pas:
1°
empêcher ou contribuer à empêcher la justice de suivre son cours;
2°
cacher ou ne pas transmettre une preuve ou un renseignement dans le but de favoriser ou de
nuire à une personne.
8. Le policier doit exercer ses fonctions avec probité.
Notamment, le policier ne doit pas:
1°
endommager ou détruire malicieusement un bien appartenant à une personne;
2°
disposer illégalement d'un bien appartenant à une personne;
3°
présenter à l'égard d'une personne une recommandation ou un rapport qu'il sait faux ou inexact.
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9. Le policier doit exercer ses fonctions avec désintéressement et impartialité et éviter de se placer dans une
situation où il serait en conflit d'intérêts de nature à compromettre son impartialité ou à affecter défavorablement
son jugement et sa loyauté.
Notamment, le policier ne doit pas:
1°
solliciter, accepter ou exiger d'une personne, directement ou indirectement, un don, une
récompense, une commission, une ristourne, un rabais, un prêt, une remise de dette, une faveur ou tout
autre avantage ou considération de nature à compromettre son impartialité, son jugement ou sa loyauté;
2°
verser, offrir de verser ou s'engager à offrir un don, une récompense, une commission, une
ristourne, un rabais, un prêt, une remise de dette, une faveur ou tout autre avantage ou considération de
nature à compromettre l'impartialité de cette personne dans l'exercice de ses fonctions.
3° recommander à une personne avec laquelle il a été en contact dans l'exercice de ses fonctions,
notamment un prévenu, les services d'un procureur en particulier;
4° se placer dans une situation où il serait en conflit d'intérêts lorsqu'il sollicite ou recueille du public
de l'argent par la vente d'annonces publicitaires ou de billets ou de quelqu'autre façon au profit d'une
personne, d'une organisation ou d'une association.
10. Le policier doit respecter les droits de toute personne placée sous sa garde et éviter de lui montrer de la
complaisance.
Notamment, le policier ne doit pas:
1°
sauf sur ordonnance médicale, fournir à une personne placée sous sa garde des boissons
alcooliques, des stupéfiants, des hallucinogènes, des préparations narcotiques ou anesthésiques ou
toute autre substance pouvant produire l'ivresse, l'affaiblissement ou la perturbation des facultés ou
l'inconscience;
2° être négligent ou insouciant à l'égard de la santé ou de la sécurité d'une personne placée sous sa
garde;
3° tenter d'obtenir au bénéfice d'une personne placée sous sa garde un avantage indu ou lui procurer
un tel avantage;
4° sauf en cas de nécessité, fouiller une personne de sexe opposé, assister à la fouille d'une telle
personne ou faire fouiller une personne placée sous sa garde par une personne qui ne soit pas du
même sexe;
5°
s'ingérer dans les communications entre une personne placée sous sa garde et son procureur;
6° avoir recours à une force plus grande que celle nécessaire à l'égard d'une personne placée sous
sa garde;
7° permettre l'incarcération d'un mineur avec un adulte ou d'une personne de sexe féminin avec une
personne de sexe masculin sauf dans les cas prévus par la loi.
11. Le policier doit utiliser une arme et toute autre pièce d'équipement avec prudence et discernement.
Notamment, le policier ne doit pas:
1°
exhiber, manipuler ou pointer une arme sans justification;
2° négliger de prendre les moyens nécessaires pour empêcher l'usage d'une arme de service par
une personne autre qu'un policier.
12. Lorsqu'il constate ou est informé de la présumée commission d'un acte dérogatoire au présent Code, le
directeur d'un corps de police doit informer par écrit le citoyen concerné des droits accordés par la Loi sur la
police et adresser copie de cet écrit au Commissaire à la déontologie policière.
13. Le présent Code remplace les dispositions concernant la déontologie policière prévues au Règlement sur la
déontologie et la discipline des membres de la Sûreté du Québec, au Règlement sur la déontologie et la
discipline des policiers de la Communauté urbaine de Montréal. Il remplace également toute autre norme
concernant la déontologie policière édictée par une municipalité.
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Le Code de déontologie appliqué :
l'interprétation des tribunaux
Article 2
« L'ignorance des lois et principes de base devant guider la conduite d'un policier est inexcusable. »
C.D.P. c. Ferland, C-99-2814-1 à C-99-2816-1, 4 janvier 2001.
Article 3
[...] « lorsqu'il est tenu d'interpréter ce Code, le Comité doit appliquer la directive d'interprétation large et libérale
des lois qui vise la protection des droits fondamentaux. »
C.D.P. c. Bessette et Martin, C.Q. 500-80-000961-038, 14 avril 2004.
[...] « chaque article énonce un devoir en termes généraux et énumère différents actes dérogatoires à ce devoir
de façon non limitative, en utilisant le terme "notamment" qui signifie "par exemple". »
Dion et Veilleux c. C.D.P., C.Q. 200-02-005083-920, 3 mars 1994.
Article 4
« Chacun des articles 5 à 11 du Code de déontologie donne quelques exemples d'interdictions découlant d'un
énoncé de principe. Mais l'ensemble de ce court règlement laisse large place à l'interprétation. Manifestement,
le rédacteur a voulu laisser une grande marge de manœuvre aux comités chargés d'appliquer les normes aux
situations vécues. »
Lavoie et Denoncourt c. C.D.P., C.S. 200-05-005594-960, 20 mars 1997.
« Le Comité doit examiner les notions en faisant l'évaluation de la conduite du policier en regard d'un policier
normalement prudent et prévoyant, placé dans les mêmes circonstances. Si le Comité ne peut déceler une
absence de préoccupation, une négligence, une incurie ou un manque de soin, la conduite du policier sera
jugée non dérogatoire. »
C.D.P. c. Arruda et Mileto, C-99-2812-3, C-99-2813-3, 25 février 2003.
« L’infraction disciplinaire est commise dès lors que la conduite reprochée est supportée par une preuve claire,
convaincante et de haute qualité, et ce, sans égard à la question de savoir si le policier avait ou non l’intention,
la connaissance ou la conscience d’agir ainsi. »
Boucher c. C.D.P., C.Q. 550-80-000174-033, 14 février 2006.
« La simple erreur technique ne constitue pas automatiquement une faute déontologique. Cette dernière est
essentiellement une inconduite qui décèle un comportement problématique pour la protection du public. »
Boutin c. C.D.P., C.Q. 200-02-020697-985, 12 janvier 2000.
« Un manque de jugement n'équivaut pas nécessairement à un manquement déontologique et le droit à l'erreur
existe autant pour le policier que pour tout autre citoyen. »
Dumont et Gauvin c. C.D.P., C.Q. 200-02-007286-927, 9 février 1995.
« La Cour Suprême du Canada, dans R. c. Jacoy (1988, 2 R.C.S. 548), énonçait que pour apprécier, il fallait
considérer ce qu'ils connaissaient ou ce qu'ils devaient connaître de l'état du droit au moment des actions qu'ils
avaient posées: […] S'ils ont agi conformément à une pratique ou à un usage accepté à l'époque, la violation
d'une disposition de la Charte n'est pas délibérée ou flagrante […]. Si donc il est facilement concevable que le
non-respect d'une règle de droit claire – que les policiers connaissent ou sont réputés connaître – puisse
constituer une faute déontologique, ce n'est pas tant en raison de la violation elle-même que parce qu'une
violation aussi flagrante ne peut s'expliquer que par l'incompétence grossière ou par la mauvaise foi. »
C.D.P. c. Labrecque et Laroche, C-03-3116-2, C-03-3117-2, 28 janvier 2004.
« Il serait injuste qu'un officier de police subisse une sanction personnelle du seul fait qu'il a exécuté l'ordre
illégal de son supérieur alors que son devoir professionnel exigeait précisément qu'il obéisse à cet ordre. C'est
la conclusion de la jurisprudence actuelle. »
Pelletier et Séguin c. Cour du Québec et al, C.A. 500-09-006804-983, 10 septembre 2002.
[...] « l'obéissance à un ordre reçu d'un supérieur ne constitue pas toujours une excuse valable puisque le
subordonné ne doit pas agir inconsidérément et, quand il se rend compte du mal fondé de l'ordre reçu, il doit
reculer. »
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C.D.P. c. Coallier et Le Royer, C-04-3205-3, 2 mai 2005.
« Le Comité doit donc parvenir à une sanction qui protégera les citoyens contre de tels excès et soutiendra le
standard de haute qualité attendue de la conduite policière. »
C.D.P. c. Longpré, C-2003-3157-1, 12 juillet 2005.
« […] les sanctions à être imposées doivent certes avoir un caractère dissuasif mais surtout un effet
d'enseignement auprès de l'ensemble des policiers. »
C.D.P. c. Poirier et Roy, C-2002-3058-3, 13 mai 2003.
Article 5
« Un policier en exercice doit être en mesure de se comporter de manière à pouvoir se contrôler quelle que soit
la situation se présentant devant lui. Les policiers doivent faire montre de toute la psychologie nécessaire afin
d'éviter la gradation du conflit. »
C.D.P. c. Vézina, C-93-1246-2, 24 novembre 1993.
« Le Tribunal ajoute que, comme le Comité le mentionne, le tutoiement n'est pas en soi un acte dérogatoire,
bien que le vouvoiement soit recommandé. Également, le fait de pointer du doigt en s'adressant à une personne
ou le fait de lui parler sur un ton élevé ne sont pas, pris isolément, des actes dérogatoires. Par contre, si, au
cours de la même intervention, la policière coupe la parole à un citoyen, le tutoie, le pointe du doigt et s'adresse
à lui en criant plutôt qu'en parlant, tous ces gestes combinés constituent un manque de politesse et de civilité
flagrant. »
Bernier c. CDP, C.Q. 500-80-005810-065, 05 février 2007.
« Même s'il est admis que le plaignant a fait preuve de vulgarité à l'endroit des policiers, cela ne justifiait pas ces
derniers de s'adresser à lui en lui disant "ferme-la" ou "ferme ta gueule".»
C.D.P. c. Fraser et Roy, C-2001-3002-1, 22 juillet 2002.
« Le policier doit apprendre à conserver un certain flegme devant la provocation, voire même l'effronterie, dont
certains citoyens sont capables, d'autant plus que la nature même de ses fonctions d'agent de la paix doit
l'amener à côtoyer plus fréquemment une telle clientèle. »
C.D.P. c. Claveau, C-2000-2864-2, 15 janvier 2001 et 21 février 2001.
« Le Comité a déjà décidé que dans le contexte de la société québécoise, l'usage du sacre pouvait, dans
certaines circonstances, être toléré. Le Comité veut bien considérer que l'utilisation occasionnelle par un policier
d'un langage injurieux ou blasphématoire en cours d'interrogatoire ait pour but de provoquer des réactions. Il
n'en demeure pas moins que le paragraphe 1 de l'article 5 du Code de déontologie en fait une faute
déontologique, d'autant plus évidente lorsqu'un tel langage est utilisé pour intimider un individu relativement
calme et n'ayant fait preuve d'aucune agressivité à son égard. »
C.D.P. c. Lebeau et Drouin, C-94-1517-1, 21 mars 2002.
« Le refus de s'identifier de la part du policier est de nature à porter atteinte au système de déontologie policière
puisqu'il peut avoir comme conséquence de priver un citoyen de ses recours en raison de l'impossibilité
d'identifier le policier concerné. »
C.D.P. c. Dea et Durocher, C-2000-2956-3, C-2000-2957-3, 23 janvier 2002 et 29 mai 2002.
« Par l'utilisation du mot "une", "le gouvernement a manifesté sa volonté d'opter pour un éventail large de
marques d'identification possibles, ce qui ne serait pas le cas s'il avait utilisé l'article "la" […] Dès lors, en
principe, un insigne de corps, tout autant qu'un insigne matricule ou nominal, peut constituer une marque
d'identification. Le Code, ni la loi-mère ne donnent quelconque définition et en l'absence d'une définition de la
marque d'identification "prescrite", il faut rechercher l'intention du gouvernement en donnant aux mots utilisés
leur signification habituelle. Ainsi, cette expression devrait se lire "une marque d'identification ordonnée,
indiquée de façon précise. Il faut donc conclure à un vide juridique, qu'il appartient au gouvernement de
combler. »
Pépin et Bourget c. C.D.P., C.Q. 200-02-021352-994, 26 avril 2001.
« Il n’y a aucun doute que les propos « crisse de nègre » sont « racistes » puisqu’en utilisant le mot « nègre »
on « classe sans appel », on laisse entendre, pour le moins en apparence, que l’on considère les personnes de
couleur noire comme inférieures. On les met toutes dans le même panier en insinuant qu’elles ont des défauts
propres à leur race. Les corps de police, ainsi que chacun de leurs membres, ne peuvent accomplir leur mission
de maintenir la paix, l’ordre et la sécurité publique sans prêcher par l’exemple quant aux valeurs fondamentales
garanties par nos chartes. Une politique de « tolérance zéro » s’impose à l’égard d’un tel langage. »
C.D.P. c. Bernier, Lambert, C-2005-3246-2 à C-2005-3248-2, Couturier et Hamel, 3 février 2006.
« Bien que des paroles puissent être fondées sur l'origine ethnique d'une personne, le Comité de déontologie ne
peut en venir à la conclusion que les propos tenus et fondés sur l'origine ethnique étaient discriminatoires si la
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preuve démontre que les paroles prononcées n'étaient pas insultantes ni outrageantes et ne portaient pas
atteinte à la réputation ou à la dignité des membres d'une même communauté. »
C.D.P. c. Charette, C-2004-3184-3, 24 septembre 2004.
« Si le véritable motif de l’interception du véhicule est fondé sur la race de ses occupants plutôt que sur le
contrôle des dispositions du Code de la sécurité routière, il y a dérogation à l’article 5 du Code de déontologie
des policiers du Québec. En effet, le Comité est d’avis que l’article 5 est suffisamment large pour couvrir les
comportements fondés sur ce qu’il est maintenant convenu d’appeler le « profilage racial ». »
C.D.P. c. Pelletier & Caron, C-2005-3275-2, 1er février 2006.
« Le fait pour un policier de ne pas intervenir devant un manquement déontologique commis par un collègue
démontre une absence de conscience professionnelle contraire à la norme de conduite qui impose au policier
de se comporter de manière à préserver la confiance et la considération que requiert leur fonction. La complicité
des policiers doit être comprise au sens d'une connivence qui, au sein des organisations policières, ne peut
produire que des effets pernicieux. »
C.D.P. c. Lepage, Richard, Labonté et al, C-98-2678-2, C-98-2679-2, 21 juillet 2000.
Article 6
« Si la société a voulu que le policier ait une place si privilégiée en son sein et une autorité morale incontestable,
elle n'accepte toutefois pas que les policiers s'en servent à d'autres fins que celles prévues par la loi. Agir
autrement serait de nature à saper cette autorité et à amener les citoyens à discuter des interventions policières,
ce qui n'est certes pas souhaitable. »
C.D.P. c. Lafrance et Champagne-Sills, C-2002-3096-3, 17 mars 2003.
« Pour le Comité, le degré de force à être utilisé au moment d'une intervention policière, qu'elle soit menée par
un seul ou par plusieurs policiers, demeure celui qui est prévu à l'article 6 du Code de déontologie, c'est-à-dire
celui nécessaire pour accomplir ce qui est permis ou enjoint de faire. »
C.D.P. c. Blanchet, Richard, Soucy et al, C-98-2565-2 à C-98-2567-2, 3 juillet 2000.
« L'usage automatique des menottes n'est pas la règle et l'agent doit exercer son jugement pour évaluer le
degré de dangerosité d'un individu et pour décider si l'usage des menottes est nécessaire. »
C.D.P. c. Labelle et Demers, C-96-1923-2, C-96-1924-2, 22 août 1997.
« Ainsi, lorsqu'un policier intimide une personne, il manque à son mandat et se sert de son autorité à d'autres
fins, ce qui représente une inconduite déontologique majeure. »
C.D.P. c. Archambault et Bigras, C-99-2806-1, C-99-2807-1, 17 janvier 2001 et 31 mai 2001.
[...] « le Comité en vient à la conclusion que l'utilisation par un policier des paroles: "Si y avait pas tant de monde
ici tu paierais en christ" ou "T'en mangerais toute une", constitue, à n'en pas douter, un acte dérogatoire au
Code de déontologie en faisant des menaces et de l'intimidation. De l'avis du Comité, de telles menaces
tiennent davantage d'un comportement de truand que de celui d'un représentant des forces de l'ordre. »
C.D.P. c. Bisson et Blanchet, C-2001-2992-2, C-2001-2993-2, 31 janvier 2003 et 10 mars 2003.
« Un policier ne peut menacer une personne sous la contrainte de l'émission d'un constat d'infraction. Le
pouvoir discrétionnaire du policier consiste, en fonction des circonstances, à émettre un constat d'infraction ou à
ne pas l'émettre et non à décider de cette émission en fonction de la réponse du citoyen à un ordre qu'il lui a
donné sans droit. »
C.D.P. c. Bernard, C-2000-2933-1, 16 janvier 2002 et 21 mai 2002.
« Le Comité souligne que si des conditions oppressives sont susceptibles de donner lieu à des déclarations
dont le caractère libre et volontaire peut être douteux, cela ne devrait pas empêcher les enquêteurs d'exercer
une certaine pression sur un suspect dans le but d'obtenir telle déclaration le confrontant avec ses déclarations
antérieures. La méthode de confrontation est une technique d'enquête couramment utilisée. Le fait de dire "Je
vais te le répéter toute la nuit s'il le faut que ce n'est pas vrai" ne saurait constituer du harcèlement ni des
menaces, mais ces propos constituent plutôt de l'intimidation parce qu'ils signifient clairement que les policiers
sont prêts à continuer toute la nuit, à tout le moins jusqu'à ce que l'individu accepte de changer sa version. »
C.D.P. c. Lebeau et Drouin, C-94-1517-1, 21 mars 2002.
« Quand les policiers usent de contrainte envers un citoyen pour l'asseoir dans un véhicule de police et
l'interroger afin d'obtenir des informations, il y a détention car celui-ci ne peut quitter le véhicule et doit répondre
aux questions. Le citoyen est donc privé de sa liberté et soumis à une contrainte physique et psychologique de
la part des policiers. »
Crépeault et Lemay c. C.D.P., C.Q. 200-02-021803-996, 11 septembre 2000.
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Article 7
« En matière de droit disciplinaire, il n'est pas nécessaire d'imposer au poursuivant l'obligation de prouver
l'intention criminelle sauf dans les cas où le texte créant l'infraction l'exige. »
Ferland c. C.D.P., C.Q. 110-02-001083-016, 23 septembre 2002.
« Le Comité de déontologie est d'avis qu'en s'abstenant de libérer, "dès que matériellement possible" au sens
de l'article 498 (1) du Code criminel, une personne arrêtée et détenue après que cette dernière ait accepté de
signer une promesse de comparaître, les policiers cités ont agi de façon illégale et abusive en prolongeant la
détention pour des fins de bertillonnage, contrevenant ainsi à l'obligation que la loi leur imposait alors que rien
ne justifiait que cette personne soit détenue plus longtemps. »
Poirier et Roy c. C.D.P., C.Q. 500-80-001567-032, 16 juin 2004.
« Concernant les obligations qu'impose aux policiers le droit à l'avocat, il y a d'abord l'obligation d'informer la
personne détenue de son droit d'avoir recours à un avocat, ensuite celle de fournir à cette personne qui en
manifeste le désir la possibilité raisonnable d'exercer ce droit et finalement, l'obligation de s'abstenir de tenter de
soutirer des éléments de preuve à la personne détenue qui a manifesté le désir de se prévaloir du droit à
l'avocat avant qu'elle ait pu exercer ce droit. Si la première obligation découlant des droits reconnus par l'article
10 de la Charte canadienne des droits et libertés existe en soi, n'est pas conditionnelle et ne souffre d'aucune
exception, la nature même de ce droit à l'avocat commande d'abord que la personne concernée manifeste le
désir d'y avoir recours avant de conclure qu'il faut également faire le nécessaire pour en permettre l'exercice, et
ce, dans un délai raisonnable. Il n'y a donc pas d'automatisme pour cette étape subséquente dans le processus
plus généralement qualifié du droit à l'avocat. »
Carrier et Poliquin c. C.D.P., C.Q. 200-02-021853-991, 3 mars 2000.
« Le fait pour une personne interceptée et détenue par la police, de se résigner à être fouillée ne constitue pas
un consentement à une fouille non autorisée par la loi. Dans Mellenthin, la Cour Suprême du Canada souligne
que dès qu'une personne range son véhicule sur le côté de la route à la demande d'un policier, pour les fins d'un
contrôle routier, cette personne est détenue. En raison de cette détention, on peut raisonnablement déduire
qu'elle se sent obligée de répondre aux questions de l'agent de police. »
Girard c. C.D.P., C.Q. 200-02-023614-003, 11 octobre 2000.
« Lorsque les policiers ont le droit de mettre une personne en état d'arrestation, de ce droit découle le pouvoir
de fouille. La jurisprudence reconnaît aussi qu'un sac en possession d'une personne est visé par ce pouvoir
puisque constituant le prolongement de la personne. [...] le policier doit avoir subjectivement un motif lié à
l'arrestation pour procéder à la fouille et ce motif doit être objectivement raisonnable.»
C.D.P. c. Dupuis et Denis, C-2005-3215-3, C-2005-3216-3, 11 octobre 2005.
« Le législateur a restreint le pouvoir de procéder au bertillonnage d'un individu aux seuls cas où une personne
est légalement détenue et inculpée ou préalablement trouvée coupable d'une infraction criminelle. La Loi sur les
jeunes contrevenants (art. 44) en fait une prohibition formelle. »
C.D.P. c. Ferland et Bouliane, C-99-2814-1 à C-99-2816-1, 11 octobre 2000.
« La discrétion du policier ne va pas jusqu'à lui permettre de refuser de prendre une plainte. C'est le devoir du
policier de prendre la plainte et de la référer au service des enquêtes. »
C.D.P. c. Dumouchel et Laliberté, C-98-2437-1, C-98-2438-1, 24 février 1999.
« "Respecter l'autorité de la loi" signifie "appliquer la loi", ce qui inclut l'obligation et le devoir des policiers de
constater l'infraction établie par la loi, après avoir évalué judicieusement s'il existe des motifs raisonnables et
probables de croire qu'une infraction est commise ou l'a été. Omettre d'intervenir peut constituer un
manquement au devoir de respecter l'autorité de la loi prévu à l'article 7 du Code de déontologie. »
Lavoie et Denoncourt c. C.D.P., C.Q. 200-02-000242-950, 13 août 1996.
« […] avant de porter des accusations criminelles contre un individu, les policiers doivent faire une enquête
sérieuse. Ils doivent vérifier et prendre en considération toute l'information alors disponible. Ils commettent une
faute s'ils ne considèrent que ce qui peut servir à inculper un individu et s'ils laissent de côté ce qui peut le
disculper. […] Le Comité de déontologie note qu'une enquête n'est pas nécessairement incomplète simplement
parce que le policier a omis de vérifier des éléments disculpatoires ou qui auraient été de nature à faire infléchir
la décision de porter des accusations contre un suspect. Une enquête peut être incomplète si aucune
vérification significative n'est faite par le policier auprès d'indices ou de témoins potentiels pour infirmer ou
confirmer les prétentions. »
C.D.P. c. Lapierre, C-99-2845-2, 21 octobre 2002 et 15 novembre 2002.
« En outre, à l'article 28 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des
renseignements personnels, le législateur, en plus de prohiber la transmission d'informations policières, a pris la
peine de mentionner qu'il était également interdit d'en confirmer l'existence. Et le policier ne peut prétendre avoir
agi correctement en invoquant simplement l'aval de son supérieur. »
Slavinski c. C.D.P., C.Q. 500-02-077349-996, 28 septembre 2000.
6
« Les policiers ayant également agi à l'encontre d'une directive interne de procédure traitant de l'information
confidentielle, le Comité ne peut retenir l'excuse de bonne foi comme moyen de défense: "Le Comité est d'avis
que ni la croyance honnête ni la bonne foi d'un policier ne peuvent excuser sa compréhension inexacte du
serment de discrétion qu'il prête à son entrée en fonction et dont le respect est indiscutable. L'absence
d'intention n'est pas plus disculpatoire dans les circonstances." »
C.D.P. c. Couturier, C-95-1581-2, 7 décembre 1995.
Article 8
« Ne pas dire la vérité à un substitut du Procureur général et induire ou tenter d'induire le tribunal en erreur sont
des conduites qui nuisent à l'administration de la justice et qui dénotent un irrespect de l'autorité des tribunaux
ainsi qu'un manque de probité, de telles inconduites étant prévues aux articles 7 et 8 du Code. »
C.D.P. c. Charron, Duclos, Fafard et al, C-98-2524-1 et al, 23 juillet 1999.
Article 9
« Il est d’intérêt public de maintenir la confiance du public à l’égard de ses services policiers. Cette exigence
oblige les policiers à accomplir leurs devoirs avec désintéressement et impartialité, spécialement en matière
d’enquête criminelle. Aussi, pour fins de crédibilité et de transparence, il est des circonstances où une enquête
doit être menée par un autre corps de police, lorsque par exemple un de ses membres est impliqué dans les
évènements sous enquête, et où un policier doit veiller à ne pas s’immiscer dans une enquête, en l’occurrence
lorsqu’il y a un intérêt personnel. »
CDP c. Harding et Cross, C-2005-3255, C-2005-3256-2, 30 novembre 2006.
« Dans le cas d'un policier cité pour avoir eu des relations sexuelles avec une personne alors qu'il agissait
comme enquêteur dans un dossier de plainte d'agression sexuelle portée par celle-ci, le Comité note que la
gravité objective de la conduite dérogatoire du policier se situe à un très haut niveau, considérant, d'une part,
son grade de policier enquêteur et d'autre part, le fait que, de par sa conduite, il se soit placé dans une situation
qui l'empêchait d'exercer ses fonctions avec désintéressement et impartialité. »
C.D.P. c. L'Heureux, C-2001-3020-3, 14 juin 2002.
« Le fait de consulter sans droit des fichiers contenant des renseignements personnels sur une personne est un
acte dérogatoire très grave qui constitue une atteinte au respect de la vie privée protégée par l'article 5 de la
Charte des droits et libertés de la personne et par le Code civil du Québec. [...] Bien que les informations ne
soient pas divulguées à un tiers, un policier qui utilise les informations obtenues au CRPQ de façon à causer un
préjudice à une personne, en venant troubler sa quiétude, en retire un avantage personnel. Le Comité de
déontologie rappelle que le message de réprobation et de dissuasion qu'il adresse aux policiers fautifs en cette
matière ne semble pas avoir atteint son objectif puisque, encore aujourd'hui, trop de policiers contreviennent aux
règles concernant le CRPQ. »
C.D.P. c. Gagné, C-2005-3258-1, 14 décembre 2005.
Article 10
« Le fait qu'un officier supérieur n'ait manifesté aucun intérêt ni préoccupation à l'égard de la santé d'un détenu
qui avait nécessité le déplacement d'ambulanciers constituait pour le Comité de déontologie une négligence
inacceptable du point de vue déontologique de la part d'un officier de son rang. De plus, la Cour supérieure
précise que l'article 10 (2) du Code ne vise pas que les blessures mettant la vie d'un détenu en danger.
L'argument voulant que pour qu'il y ait négligence ou insouciance à l'égard de la santé d'un détenu, il faut que
les blessures soient d'une certaine gravité ne peut être retenu. »
C.D.P. c. Cour du Québec et al, C.S. 500-05-067576-015, 13 avril 2004.
« L'article 396 du Code de la sécurité routière exige que toute personne se trouvant à bord d'un véhicule en
mouvement doit porter correctement la ceinture de sécurité du siège qu'il occupe. Il n'y a pas d'exception à cette
règle pour les passagers d'une auto-patrouille (article 371 C.S.R.). La conduite de policiers qui ne jugent pas à
propos de boucler la ceinture de sécurité d'une personne placée sur la banquette arrière de l'auto-patrouille, tout
en sachant qu'ils devront conduire à des vitesses supérieures à la normale pour répondre à un appel d'alarme,
en plus d'entraîner un risque sérieux pour le détenu, démontre un non-respect grave de l'autorité de la loi et une
méconnaissance du respect des droits de cette personne placée sous leur garde. »
C.D.P. c. Fournier et St-Jacques, C-2001-2995-2, C-2001-2996-2, 1er octobre 2002.
« L'article 10 (4°) du Code de déontologie édicte une règle de conduite obligatoire minimale en matière de
fouille: sauf en cas de nécessité, la fouille d'une personne doit être faite par et/ou en présence d'une personne
du même sexe. »
Tanguay et Pelletier c. C.D.P., C.Q. 200-02-001049-958, 3 juin 1996.
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« À moins que cela ne soit nécessaire pour assurer la sécurité de la personne détenue ou du personnel du bloc
cellulaire, incarcérer une personne nue est un traitement cruel et inusité. »
C.D.P. c. Bernier, Lambert, Couturier et Hamel, C-2005-3246-2 à C-2005-3248-2, 3 février 2006.
Article 11
« En décidant, somme toute, que le recours à l'arme à feu n'est justifié qu'en dernier ressort, quand toutes les
autres alternatives ont été épuisées, et que même en pareil cas, le policier qui fait feu ne doit pas utiliser son
arme à l'aveuglette, le Comité a dès lors défini un standard déontologique qui est non seulement raisonnable,
mais encore socialement souhaitable. […] Bien qu'il puisse arriver que les circonstances leur laissent peu de
temps pour analyser la situation et prendre les meilleures décisions. "Les policiers ne sont pas pour autant
dispensés de faire preuve de sang-froid et de discernement quand ils ont à affronter des événements qui
provoquent une forte montée d'adrénaline. »
Potvin et Lemay c. C.D.P., C.Q. 550-02-011848-991, 20 juin 2003.
« Le Comité est d’avis que l’agent n’utilise pas avec prudence et discernement son arme de service lorsqu’il
décide de dégainer pour se mettre à la poursuite des individus. Le policier n’a aucun motif valable de dégainer
son arme de service. Il en est de même de son coéquipier qui, à sa sortie du bar, et selon son propre
témoignage, n’a rien vu qui le justifiait de dégainer son arme, si ce n’est que son coéquipier l’avait déjà fait. La
preuve des policiers révèle que les agents ne devaient poser un tel geste car ces individus, bien qu’un ait été
armé d’un bâton de baseball, ne représentaient pas de danger à leur sécurité. »
C.D.P. c. Poirier, C-92-1226-3, 20 mai 1993.
« Dans le cas d'un policier cité pour avoir dégainé son arme sans justification dans le but de dissuader des
adolescents de quitter les lieux, la sortie de l'arme constituait une utilisation imprudente et sans discernement
lorsque la preuve a démontré qu'il ne pouvait sérieusement croire, à cet instant même, que l'un ou plusieurs des
jeunes pouvaient avoir sur eux une arme, ou même des balles, et avoir l'intention de s'en servir contre lui ou
contre d'autres. »
Fleurant c. C.D.P., C.Q. 500-02-100282-016, 18 octobre 2002.
« L'utilisation de menottes sans s'être assuré, au préalable, qu'on en possède les clés n'est pas un
comportement qui préserve la confiance et la considération que requiert la fonction de policier. »
C.D.P. c. Wapistan, C-98-2498-2, 17 juillet 2000.
« La preuve a démontré que le policier cité, dans le cadre d'une poursuite pour intercepter un motocycliste, n'a
pas réfléchi suffisamment à la portée et aux conséquences de ses gestes qui pouvaient causer, entre autres, la
perte de contrôle d'une motocyclette et des blessures à son conducteur. Le Comité note également que la
méthode utilisée par le policier, et qui consiste à restreindre l'espace entre le véhicule de police et le garde-fou
pour forcer un conducteur à s'immobiliser, n'est pas enseignée à l'École nationale de police. De plus, le policier
a négligé de s'assurer que le conducteur avait constaté sa présence avant de l'intercepter, n'a pas utilisé la
sirène pour attirer son attention et a omis de considérer de mettre fin à la poursuite. »
C.D.P. c. Craig, C-2005-3232-1, 4 août 2005.
« Un policier n'a pas l'obligation de rattraper à n'importe quel prix un contrevenant et encore moins une
personne simplement soupçonnée d'avoir commis une infraction. L'acharnement dont ce dernier a fait preuve,
au mépris des règles élémentaires de sécurité, et son insistance injustifiée à poursuivre aveuglément le jeune
furent la cause d'un accident mortel. Il est clair pour le Comité que le policier a agi sans réfléchir à la portée et
aux conséquences de ses actes de telle manière qu'il n'a pas davantage utilisé son véhicule avec prudence et
discernement. »
C.D.P. c. Turgeon, C-2004-3179-1, 6 juin 2005.
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