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LE MOnDE DE LA JEUnESSE
Le maximum de la vie? Souvent
il ne nous reste que le vide
Ce n’est pas si facile de convaincre l’autre que quelqu’un l’aime
sans qu’il doive démontrer quelque chose. Mais quand il s’en
aperçoit enfin, alors il se sent vivant, plus que jamais.
de Gabriele Pedrina
a vie est parfois une drogue et il
faudrait alors l’interdire… Je
viens évidemment de dire une
grosse idiotie mais c’était juste
pour attirer votre attention. C’est ce que
vous faites, vous aussi, non? Mais si
vous m’écoutez une minute, je vous expliquerai et vous me donnerez raison,
sans que je doive pour autant
interdire quoi que ce soit.
J’essaierai tout d’abord
d’expliquer ce que je veux
dire quand j’affirme que la
vie est une drogue. Je ne parle pas du fait d’être en vie et
d’exister mais de tout ce qui
fait que nous nous sentons
bien vivants. Je me rappelle
de ce qu’il y avait écrit sur
une carte d’anniversaire que
j’avais reçue: “Je ne te souhaite pas beaucoup d’années
de vie mais beaucoup de vie
chaque année”. Quand je l’ai
reçue à ce moment-là de ma
vie, ce souhait m’a beaucoup
plu, il était contre-courant, en
parfaite syntonie avec mon
envie d’en faire de toutes les
couleurs, de risquer, d’essayer tout ce qui pouvait me
donner des émotions fortes
pour que je me sente justement bien vivant. Cette carte
me plaît encore aujourd’hui
mais maintenant que je me
rends compte que j’ai vécu
plus d’années que celles que
je vivrai encore, j’ai la tendance à reconsidérer mes envies et à voir les choses
d’une manière différente.
Donc si vous pensez une
seconde à cet aspect significatif de la vie, vous compren-
L
drez bien lorsque je dis que c’est une
“drogue” c’est-à-dire qu’à force de – et
j’utilise les paroles d’une chanson du
grand chanteur Vasco – “de vivre à cent
à l’heure”, nous n’arrivons plus à nous
sentir vivants si nos journées roulent
“tout doucement” … et ce n’est pas une
belle sensation. Mais le problème n’est
pas dans ce que nous faisons pour nous
sentir vivants mais dans ce vide qui est
en nous: nous ingurgitons des émotions, nous nous remplissons de succès,
de choses faites, d’objectifs atteints
mais tout cela nous glisse dessus pour
nous laisser l’ombre d’un vide qui
risque de s’élargir dans notre estomac.
En d’autres termes, ce serait une catastrophe si nous devions renoncer à
toutes ces expériences, à tous ces défis
qui nous enrichissent, qui nous font
grandir, qui nous permettent de mieux
connaître nos limites et surtout nos possibilités. Ce serait encore une catastrophe si nous étions incapables de
nous débrouiller, de nous donner des
objectifs et de nous engager de toutes
nos forces pour les atteindre ou encore
si nous renoncions à aimer, à jouir, à
avoir peur ou à être en colère par crainte de ce futur inconnu. Parfois la vie
nous nie tout cela et elle nous enseigne
qu’être vivant c’est autre chose. Mais
quoi?
Rappelez-vous la parabole de l’enfant prodige (photo ci-dessous:
œuvre du Guerchin, 1617, Turin,
Galleria Sabauda)! Ce jeune
homme avait pris sa part d’héritage et il avait tout dépensé pour
éprouver justement toutes sortes
d’émotions: il avait certainement
brulé la chandelle par les deux
bouts! Une fois l’argent terminé,
son estomac a cependant repris à
crier famine jusqu’au moment
où il eut la brillante idée de retourner chez son père, pour se
faire embaucher comme domestique. Si tout s’était déroulé selon ses plans, deux miches de
pain par jour n’auraient pas suffi
à assouvir sa soif d’émotions. Il
avait besoin d’autre chose pour
se sentir bien vivant et cette chose il l’avait perdue depuis longtemps. Il lui manquait de se sentir le fils d’un père, d’être considéré comme quelqu’un d’important, quelles que soient ses actions. Il avait besoin de se sentir
aimé et c’est peut-être pour ça
qu’il n’arrivait pas à s’aimer luimême.
Il n’est pas si facile de
convaincre quelqu’un qu’il est
aimé “par définition” sans qu’il
ait besoin de démontrer quoi que
ce soit. Mais quand il s’en aperçoit alors il se sent bien vivant,
comme jamais il ne s’est senti
l
vivant auparavant.
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